Licenciement économique : comptabilisation des
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Licenciement économique : comptabilisation des
Publié sur Dalloz Actualité (http://www.dalloz-actualite.fr) Licenciement économique : comptabilisation des ruptures conventionnelles le 15 mars 2011 SOCIAL | Rupture du contrat de travail Lorsqu’elles ont une cause économique et s’inscrivent dans un processus de réduction des effectifs dont elles constituent la ou l’une des modalités, les ruptures conventionnelles doivent être prises en compte pour déterminer la procédure d’information et de consultation des représentants du personnel applicable ainsi que les obligations de l’employeur en matière de plan de sauvegarde de l’emploi. Soc. 9 mars 2011 n° 10-11.581 FS-P+B+R+I Globalement fidèle à l’accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2008 de modernisation du marché du travail, la loi éponyme n° 2008-596 du 25 juin 2008 s’en était écartée sur quelques points. Tandis que les partenaires sociaux avaient précisé dans l’article 12 de cet accord que « les ruptures conventionnelles ne doivent pas porter atteinte aux procédures de licenciements collectifs pour cause économique engagées par l’entreprise », le législateur avait modifié la rédaction de l’alinéa 2 de l’article L. 1233-3 du code du travail, précisant que les dispositions relatives au licenciement pour motif économique sont applicables à toute rupture du contrat de travail résultant d’une cause économique, « à l’exclusion de la rupture conventionnelle ». Il résultait de cette exclusion que les ruptures conventionnelles, même lorsqu’elles ont une cause économique, n’ont pas à être prises en compte pour apprécier si les seuils de déclenchement des procédures de licenciement collectif pour motif économique et de l’obligation d’élaborer un plan de sauvegarde de l’emploi sont atteints. Comme cela a été fort justement souligné, l’exclusion était tout à fait contestable en tant qu’elle offrait à l’employeur le moyen d’éluder le droit du licenciement pour motif économique en recourant en tout ou en partie à la rupture conventionnelle, moyennant le versement d’indemnités de rupture élevées, plutôt qu’au licenciement (A. Fabre, Rupture conventionnelle et champ du licenciement pour motif économique : une exclusion troublante, RDT 2008. 653). L’administration s’en était d’ailleurs émue et avait invité ses agents à la plus grande vigilance (Instruction DGT n° 02, 23 mars 2010 ; V. A. Fabre, Ruptures conventionnelles et suppressions d’emplois pour motif économique : possibilité offerte par la loi ou fraude à la loi ?, RDT 2010. 369). Le présent arrêt rendu par la chambre sociale le 9 mars 2011 sonne le glas de cette exclusion. Visant les articles L. 1233-3, alinéa 2, du code du travail et 12 de l’ANI du 11 janvier 2008, appliqués à la lumière de la directive n° 98/59/CE du 20 juillet 1998, la haute juridiction indique que « lorsqu’elles ont une cause économique et s’inscrivent dans un processus de réduction des effectifs dont elles constituent la ou l’une des modalités, les ruptures conventionnelles doivent être prises en compte pour déterminer la procédure d’information et de consultation des représentants du personnel applicable ainsi que les obligations de l’employeur en matière de plan de sauvegarde de l’emploi ». La solution est assurément opportune étant donnée la pertinence des critiques dont cette exclusion fait l’objet. Les choses sont toutefois plus complexes sur le plan strictement juridique. La conformité de l’exclusion avec les dispositions de la directive du 20 juillet 1998 prêtait, il est vrai, à discussion (A. Fabre, RDT 2008. 653, préc.). Cependant, le texte européen ne paraît pas exiger que toutes les ruptures conventionnelles initiées par l’employeur dans ce contexte soient comptabilisées en tant que licenciement. En effet, ce n’est que lorsque une ou plusieurs ruptures conventionnelles s’ajoutent à au moins cinq licenciements et que le total atteint les seuils prévus par la directive que celle-ci impose la mise en œuvre des procédures d’information et de consultation des représentants des travailleurs (P. Rodière, Volonté des parties et définition du « licenciement collectif » dans le droit de l’Union européenne, Dr. soc. 2010. 1231). La chambre sociale ne fait manifestement pas le distinguo. Aux termes du présent arrêt, les ruptures conventionnelles doivent être prises en compte Dalloz actualité © Éditions Dalloz 2017 Publié sur Dalloz Actualité (http://www.dalloz-actualite.fr) lorsqu’elles ont une cause économique et s’inscrivent dans un processus de réduction des effectifs dont elles constituent la ou l’une des modalités. Non identique aux prescriptions de la directive, la position de la chambre sociale est cependant conforme au droit social européen qui autorise la protection nationale renforcée (N. Moizard, Droit du travail communautaire et protection nationale renforcée. L’exemple du droit du travail français, PUAM, Aix-en-Provence, 2000). Une difficulté se pose toutefois, nous semble-t-il, sur le terrain du droit interne. Le communiqué de Presse indique que la chambre sociale a opéré une combinaison entre l’alinéa 2 de l’article L. 1233-1 du code du travail et l’article 12 de l’ANI. Il apparaît plutôt qu’elle a fait primer le second sur le premier. À cet égard, le présent arrêt suscite un certain malaise. En privilégiant les dispositions de l’ANI sur la loi adoptée afin de permettre son application, la haute juridiction ne réduit-elle pas à néant le pouvoir d’amendement du législateur sur le texte élaboré par les partenaires sociaux et dont l’application nécessitait l’intervention du législateur ? N’y-a-t-il pas dans cette façon de procéder une forme d’inversion de la hiérarchie des normes étrangère à l’application du principe de faveur ? À l’aune d’une semblable décision, on est en droit de se demander si la loi négociée, illustration traditionnelle de la complémentarité des rôles du législateur et des partenaires sociaux, ne pourrait, sous les auspices du juge, dégénérer en relation concurrentielle et conflictuelle. Avis est en tout cas donné au législateur. S’il souhaite que ses amendements soient dotés d’efficacité, il a tout intérêt à chercher à obtenir des partenaires sociaux que le texte soumis à son examen prenne la forme d’une position commune plutôt que celle d’un ANI. Site de la Cour de cassation par L. Perrin Dalloz actualité © Éditions Dalloz 2017