Du diagnostic territorial au projet patrimonial : définition et enjeux
Transcription
Du diagnostic territorial au projet patrimonial : définition et enjeux
Journée de formation et de réflexion de l’Association Nationale des Villes et Pays d’Art et d’Histoire et des Villes à Secteurs Sauvegardés et Protégés (ANVPAH-VSSP) Vincennes – 18 novembre 2009 Du diagnostic territorial au projet patrimonial : définition et enjeux Fabrice THURIOT, chercheur, enseignant et consultant Centre de recherche sur la décentralisation territoriale (CRDT EA 3312 GIS GRALE CNRS), Master 2 Décentralisation et administration des entreprises culturelles, Université de Reims Champagne-Ardenne Chercheur associé à la Chaire Arts, Culture et Management en Europe (ACME), BEM Bordeaux Management School ; Coordinateur du Groupe de recherches interdisciplinaire et international sur les musées et le patrimoine (GRMP) qui se réunit au Musée des Arts Décoratifs à Paris. (Merci à Jean-Luc Pouts de l’Agence Culture & Territoires, installée en Ariège, et à Jean-Michel Tobelem de l’Institut d’études Option Culture, sis à Choisy-le-Roi, pour leurs conseils avisés). Définition et raisons du diagnostic • « Le diagnostic territorial est avant tout un outil d’aide à la décision. Il se caractérise par le recueil de données quantitatives et objectives, mais aussi de données qualitatives qui ont pour but de faire apparaître les caractéristiques, les atouts, les faiblesses et les potentialités d’un territoire donné. • Le diagnostic territorial est à la fois un outil de légitimation d’une démarche globale de territoire, un outil de connaissance de son fonctionnement et un outil de médiation et de dialogue entre ses divers acteurs. • D’où l’intérêt de garder une grande souplesse dans la mise en œuvre des méthodes utilisées. » Guy Lévêque – CEP de Florac, Les méthodes de diagnostic territorial, p. 1/3, in L’enseignement agricole partenaire des territoires : un guide pour l’action. http://www.formater.com/ressources/telechargement/methode/P3_di agnostic_territorial.pdf Méthodes Les méthodes de diagnostic reposent sur deux démarches complémentaires : • la première, quantitative et analytique, est basée sur un travail de recueil de données objectives et leur analyse (statistiques, cartes…) ; • La seconde, plus qualitative, voire subjective, permet un « diagnostic partagé » grâce à une concertation avec les acteurs concernés, voire la population, sur les données, le périmètre, les valeurs, les enjeux et les actions envisagés. La première méthode est souvent appliquée seule alors qu’elle ne peut dépasser une vision catalogue, désincarnée et unique. Elle nécessite la confrontation avec d’autres points de vue pour prendre du sens pour l’ensemble de la communauté concernée. Stratégie et territoire • Une stratégie est la conduite et la réalisation d’une politique par divers moyens, qui se combinent entre eux au sein projet de développement et d’un plan d’actions. • Une stratégie peut être spatiale ou territoriale, au sens d’espace social construit et délimité, ou affecter indirectement l’espace ou le territoire, notamment par des localisations ou des actions spécifiques. • Les stratégies d’acteurs sont aussi importantes sinon plus que les stratégies spatiales ou territoriales car elles les précèdent et les informent. Elles mènent souvent à des coalitions plus ou moins grandes qui concernent un espace ou un territoire plus ou moins étendu. Cf. notamment Françoise Plet, « Stratégies territoriales : valeurs et usages dans les recherches rurales et agroalimentaires de STRATES », in Dossier Conjuguer stratégie(s) et territoire(s)?, Strates, n° 5, 1990, http://strates.revues.org/document1406.html Exemples : Pays et PNR • Le pays (370) exprime la communauté d'intérêts économiques, culturels et sociaux de ses membres. Il constitue le cadre de l'élaboration d'un projet commun de développement durable destiné à développer les atouts du territoire considéré et à renforcer les solidarités réciproques entre la ville et l'espace rural. Ce projet prend la forme d'une charte de développement du pays pour 10 ans. http://fr.wikipedia.org/wiki/Pays_(amenagement_du_territoire) • Les Parcs naturels régionaux (46) sont créés pour protéger et mettre en valeur de grands espaces ruraux habités dont les paysages, les milieux naturels et le patrimoine culturel sont de grande qualité, mais dont l’équilibre est fragile. Un Parc naturel régional s’organise autour d’un projet concerté de développement durable, fondé sur la protection et la valorisation de son patrimoine naturel et culturel par une charte de 12 ans. http://www.parcs-naturels-regionaux.fr/fr/approfondir/qu-est-ce-qu-un-parc.asp Exemples : PER et VPAH • • Les pôles d'excellence rurale (379) sont des projets favorisant le développement des territoires ruraux qui reçoivent à ce titre un financement partiel de la part de l'État. Le label Pôle d'excellence rurale est attribué à un projet de développement économique situé sur un territoire rural et fondé sur un partenariat entre des collectivités locales et des entreprises privées, notamment sur le patrimoine (41 %). Cf. http://www.senat.fr/rap/r08-622/r08-622.html Le label “ Ville ou Pays d’art et d’histoire ” (96 + 43), déposé à l’Institut national de la propriété industrielle (INPI), qualifie des territoires, communes ou regroupements de communes qui, conscients des enjeux que représente l’appropriation de leur architecture et de leur patrimoine par les habitants, s'engagent dans une démarche active de connaissance, de conservation, de médiation et de soutien et à la qualité architecturale et du cadre de vie. Le projet VPAH repose sur un dispositif transversal à l’action du territoire pour mieux accompagner les décideurs et les agents publics, mais aussi l'ensemble des acteurs locaux qui participent à la valorisation du patrimoine et à l’élaboration du cadre de vie. La charte est désormais réactualisée tous les 10 ans. Cf. http://www.vpah.culture.fr/label/label.htm ; http://www.an-patrimoine.org/ Quelles obligations préalables ? Le diagnostic territorial se situe en amont de la stratégie et de l’action pour fonder un plan de développement à partir d’intentions de départ. Il convient donc de définir préalablement les éléments suivants : • Les intentions de départ pour pouvoir déterminer le dispositif pertinent, quitte à en changer avant la fin de la concertation ou par la suite (cf. pour les PEP, pôles d’économie du patrimoine), • Les acteurs et espaces potentiels pour les associer et ensuite délimiter un périmètre territorial, en continuant les relations avec ceux écartés qui le souhaiteraient, • Un calendrier et une méthode prévisionnels de travail : interne, accompagné, délégué ? Avec quel degré de participation des acteurs ? • Un accord formel de l’ensemble des collectivités. Le contenu culturel et territorial d’un diagnostic pour un projet patrimonial • Un recensement et une qualification des ressources contribuant à l’animation ou à la valorisation du patrimoine : artisans, artistes, auteurs, associations, centres de documentation, équipements culturels et touristiques, guides, manifestations… • Un recensement et une qualification des ressources naturelles, humaines, économiques et sociales contribuant à la définition du territoire au fil du temps. • Un recensement et une qualification des moyens de communication permettant la mise en réseau et le partage des ressources patrimoniales. Le contenu patrimonial du cahier des charges des VPAH • Dans les VPAH, le terme de patrimoine doit être entendu dans son acception la plus large, puisqu’il concerne aussi bien l’ensemble du patrimoine bâti de la ville que les patrimoines naturel, industriel, maritime, ainsi que la mémoire des habitants. Il s’agit donc d’intégrer dans la démarche tous les éléments qui contribuent à l’identité d’une ville ou d’un pays riche de son passé et fort de son dynamisme. Dans les critères à remplir pour une candidature, on note : • Un inventaire du patrimoine [matériel et immatériel] conforme à la méthode scientifique de l’Inventaire général, • L’existence ou la mise en place d’un secteur sauvegardé ou d’une ZPPAUP, • Des encouragements à la restauration du patrimoine et à la création architecturale et paysagère, • L’intégration des principes du développement durable. • Cf. http://www.vpah.culture.fr/label/label.htm Secteurs sauvegardés et ZPPAUP • Un secteur sauvegardé (100) est une zone urbaine soumise à des règles particulières en raison de son « caractère historique, esthétique ou de nature à justifier la conservation, la restauration et la mise en valeur de tout ou partie d'un ensemble d'immeubles bâtis ou non » (Code de l'urbanisme, art. L. 313-1). http://fr.wikipedia.org/wiki/Secteur_sauvegarde http://www.an-patrimoine.org/index-module-orki-pageview-id-656.html ; http://www.an-patrimoine.org/ • Une ZPPAUP (596) a pour objet d'assurer la protection du patrimoine architectural, urbain et paysager et de mettre en valeur des quartiers et sites à protéger pour des motifs d’ordre esthétique, historique ou culturel. Aux abords d'un monument historique, un périmètre plus pertinent est substitué au périmètre des 500 m. (Code du Patrimoine, art. L. 642). http://www.urcaueidf.archi.fr/abcdaire/imprimer.php?fiche=314 Une volonté politique et culturelle éclairée par des techniciens et acteurs • La volonté politique est première ou relaie une demande de terrain mais doit s’appuyer sur des savoirs pour décider des axes et du périmètre du projet. • Le diagnostic peut être préparé en interne, en externe ou dans une combinaison mixte : un chargé de mission peut être en lien avec un cabinet d’études qui doit, dans tous les cas, avoir un référent compétent en plus du ou des responsables politiques au sein d’un comité de pilotage. • La concertation doit être la plus large possible mais doit tenir compte de l’état du processus démocratique sur le territoire et peut être séquencée dans le temps pour être efficace : d’un petit groupe, elle peut s’étendre à l’ensemble des acteurs concernés, voire à l’ensemble de la population et même aux touristes. • Au final, la décision éclairée appartient aux élus, d’où l’importance d’un diagnostic le plus pertinent possible. Annexe : Echelle de la participation • • • • • • • • UN OUTIL D'EVALUATION ECHELLE D'ARNSTEIN La participation peut recouvrir différentes modalités : Une simple information à destination des acteurs locaux. Les acteurs locaux, source d'information Participation active des acteurs locaux (identification des problèmes et des besoins, réalisations des actions, participation dans un processus démocratique) Les acteurs locaux sont des groupes ou des organisations qui ont un intérêt dans le projet, pouvant influencer les résultats ou en être affectés. Leur implication est un moyen pour améliorer la prise de décision, les sensibiliser aux problèmes de l'environnement, ceci pour accroître le sentiment d'appartenance à un territoire et en définitive, favoriser le consensus. Le niveau d'implication des acteurs peut-être défini sur une échelle de référence, élaborée par Arnstein, afin de suivre l'évolution du processus d'implication et d'appropriation du projet. http://agoras.typepad.fr/espace_et_politique/2006/08/un_outil_devalu.html Echelle de la participation de Sherry Arnstein (1971) • • Pouvoir effectif des citoyens Contrôle citoyen : une communauté locale gère de manière autonome un équipement ou un quartier. • Délégation de pouvoir : le pouvoir central délègue à la communauté locale le pouvoir de décider un programme et de le réaliser. • Partenariat : la prise de décision se fait au travers d'une négociation entre les pouvoirs publics et les citoyens • Coopération symbolique • Conciliation : quelques habitants sont admis dans les organes de décision et peuvent avoir une influence sur la réalisation des projets. • Consultation : des enquêtes ou des réunions publiques permettent aux habitants d'exprimer leur opinion sur les changements prévus. • Information : les citoyens reçoivent une vraie information sur les projets en cours, mais ne peuvent donner leur avis. • Non-participation • Thérapie : traitement annexe des problèmes rencontrés par les habitants, sans aborder les vrais enjeux • Manipulation : information biaisée utilisée pour « éduquer » les citoyens en leur donnant l'illusion qu'ils sont impliqués dans le processus. http://fr.wikipedia.org/wiki/Participation