Droit des affaires_L`insolvabilité des

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Droit des affaires_L`insolvabilité des
L’INSOLVABILITE DES ENTREPRISES EN ESPAGNE
PROCEDURE UNIQUE DE CONCOURS
I. L’OUVERTURE DE LA PROCEDURE...................................................................................................... 3
A. LES CONDITIONS DE L'OUVERTURE ................................................................................................................. 3
B. LES EFFETS DE L’OUVERTURE .......................................................................................................................... 4
II. LES ISSUES DE LA PROCEDURE .......................................................................................................... 12
A. LE CONCORDAT............................................................................................................................................. 12
B. LA LIQUIDATION ........................................................................................................................................... 15
III. LES SANCTIONS LIEES AUX PROCEDURES ................................................................................... 18
En Espagne, une nouvelle loi n° 22 du 9 juillet 2003 a entièrement réformé le
droit des procédures collectives. On reprochait à l’ancien système espagnol son
caractère archaïque : les procédures de règlement collectif des dettes qui reposaient
sur la dualité du droit privé (droit civil – droit commercial), ne concernaient que les
seuls commerçants. S’ajoutait à cela la multiplicité des procédures. A côté des
institutions classiques de la faillite et du concordat, d’autres procédures à caractère
préventif ou préalable ont été introduites, telles que la suspension de paiements et la
procédure de remise et d’atermoiement. La loi sur la suspension de paiements du 26
juillet 1922 qui avait été conçue pour une application provisoire était finalement
devenue une pièce clé de l’ancien droit espagnol des procédures collectives
notamment en raison de sa flexibilité.
La nouvelle procédure de concours est applicable à tous les débiteurs,
commerçants ou non, en prenant en compte toutefois le statut spécifique des
premiers (obligation de tenir une comptabilité, etc.) et la nécessité des règles
simplifiées pour les seconds.
Il s’agit par ailleurs d’une procédure unique comportant une première phase
préparatoire qui peut déboucher sur un accord ou sur une liquidation. Le terme
« concours », traditionnellement utilisé en droit espagnol, a été retenu afin de
souligner, également sur le plan terminologique, l’unicité de la procédure. Ce terme
remplace ceux qui avaient été utilisés auparavant pour désigner les différents types
de procédures qui coexistaient.
A la différence de l’ancien droit, la nouvelle procédure unique est par ailleurs
dépourvue de caractère répressif. En revanche, le débiteur n’obtient toujours pas le
bénéfice de la libération de son passif impayé à l’issue de sa liquidation.
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I.
L’OUVERTURE DE LA
PROCEDURE
A. LES CONDITIONS DE L'OUVERTURE
1. Les conditions de fond
a. Les conditions subjectives
La nouvelle procédure de concours est applicable aux commerçants et aux non
commerçants, entrepreneurs ou simples particuliers, personnes physiques ou
personnes morales de droit privé, sans distinction. Seules les entités de droit public
en sont exclues.
b. Les conditions objectives
L’ouverture de la procédure nécessite l’état d’insolvabilité du débiteur, à savoir la
situation patrimoniale dans laquelle le débiteur ne peut plus répondre régulièrement
de ses obligations. Ainsi définie, l’insolvabilité demeure un concept générique pour
l’application duquel le législateur a retenu un certains nombre de critères.
Ainsi, le créancier demandeur à l’ouverture est autorisé à établir l’insolvabilité de
son débiteur en invoquant le fait d’avoir déjà mené contre le débiteur une procédure
d’exécution restée infructueuse du fait de l’insuffisance des actifs du débiteur, la
suspension généralisée du paiement de ses obligations courantes par le débiteur,
l’existence de saisies affectant la quasi-totalité des biens du débiteur, la disparition
du débiteur et la dissimulation frauduleuse de ses biens constitutive d’infraction
pénale (alzamiento), le non-paiement généralisé, durant trois mois, des dettes fiscales,
sociales et des salaires.
Le débiteur qui réclame l’ouverture de la procédure doit également justifier son
état d’insolvabilité. Mais l’insolvabilité invoquée peut être actuelle ou simplement
imminente. Le législateur espagnol entend ainsi permettre au débiteur (et à lui seul)
d’anticiper l’ouverture de la procédure afin de préserver les chances d’une issue
favorable à la continuation de son entreprise.
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2. Les conditions de forme
a. La demande d’ouverture
Le débiteur et ses créanciers doivent formuler une demande d’ouverture. Pour
le débiteur il s’agit d’une obligation car il est tenu de solliciter l’ouverture dans les
deux mois suivant la date à laquelle il a connu ou aurait dû connaître son état
d’insolvabilité. La connaissance de l’état d’insolvabilité est même présumée dès lors
que le débiteur a suspendu le paiement de ses dettes fiscales, des cotisations
d’assurance sociale ou des salaires pendant trois mois.
b. La décision d’ouverture
L’ouverture de la procédure (unique) est prononcée par le tribunal qui doit au
préalable vérifier que sont réunies les conditions d’ouverture et permettre au
débiteur qui ne serait pas l’auteur de la demande d’ouverture de présenter sa défense
(art. 20).
3. La procédure simplifiée
Une procédure simplifiée bénéficie aux débiteurs personnes physiques ou
morales autorisés par la législation commerciale à présenter un bilan simplifié et
dont le passif ne dépasse pas 1 000 000 d’euros.
Dans une telle procédure, les délais prévus par la loi seront réduits par moitié
alors que l’administration du concours, en principe collégiale, sera exercée par une
seule personne (art. 190 et 191).
B. LES EFFETS DE L’OUVERTURE
Avant même de déclarer l’ouverture de la procédure, le tribunal qui constate
la recevabilité de la demande d’ouverture peut prendre des mesures tendant à la
conservation du patrimoine du débiteur (art. 17).
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La décision d’ouverture prononcée par le tribunal ouvre la phase préparatoire
de la procédure de concours1 (art. 21, 2°). La loi limite les effets de la déclaration du
concours à ceux qui sont strictement nécessaires au traitement normal de la
procédure. Le juge se voit reconnaître de larges pouvoirs afin d’adapter les effets de
l’ouverture aux circonstances concrètes de chaque cas.
1. Les effets non patrimoniaux
a. Les obligations spécifiques à la charge du débiteur
Le débiteur est tenu de comparaître personnellement devant le juge ou
l’administration du concours toutes les fois que cela lui est demandé ; il doit offrir sa
coopération ainsi que toutes les informations dont il dispose ; il doit mettre à la
disposition de l’administration du concours tous ses livres et documents relatifs à
son patrimoine ou à son activité d’entreprise (art. 42 et 45).
b. L’organisation de la procédure
Le tribunal et l’administration du concours constituent les principaux organes
de la procédure2.
La compétence pour traiter du concours est attribuée aux nouveaux tribunaux
de commerce, créés à l’occasion de la réforme du concours (par la loi relative au
concours et à travers la modification de la loi sur le pouvoir judiciaire3). Le
législateur leur a attribué une compétence élargie dans toutes les matières ayant une
incidence sur le patrimoine du débiteur (y compris pour les actions en matière
sociale ou celles ayant trait aux procédures d’exécution), considérant que la
dispersion des compétences affaiblirait le caractère d’unicité de la procédure de
concours.
Une fois l’ouverture prononcée, le tribunal met en place l’organe
d’administration du concours. Il s’agit d’un organe collégial, composé de trois
1
Cette phase prendra fin lorsque l’administration du concours aura présenté son rapport et lorsque
l’inventaire et la liste des créances seront devenus définitifs.
2
Une assemblée de créanciers pourra se constituer uniquement au cours de la phase concordataire.
3 Art. 86-ter, al. 2, Ley organica del poder judicial.
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membres : un avocat ayant au moins cinq années d’expérience, un comptable, un
économiste ou une personne ayant de l’expérience dans le domaine économique et
enfin un des créanciers du débiteur choisi parmi ceux qui ne bénéficient pas d’une
sûreté réelle spéciale.
La loi sur le concours reconnaît au juge d’amples pouvoirs dans l’exercice de
ses compétences, afin d’assurer la flexibilité de la procédure et son adéquation aux
circonstances particulières de chaque cas. Les pouvoirs du juge se manifestent dans
des domaines importants, tels que l’adoption de mesures provisoires avant même la
déclaration d’ouverture ou l’entrée en fonction de l’administration du concours, la
détermination des effets de la déclaration du concours sur la personne du débiteur,
des créanciers ainsi qu’à l’égard des contrats en cours, l’approbation du plan de
distribution ou la détermination du régime de paiement des créances.
L’administration du concours accomplit des fonctions d’une grande
importance. Elle doit les exercer collégialement, à l’exception de fonctions attribuées
par le juge individuellement à l’un des administrateurs. Lorsque la complexité de la
procédure l’exige, le juge peut autoriser la délégation de certaines fonctions
déterminées à des auxiliaires.
La rétribution des administrateurs du concours est fixée en fonction d’un
barème qui prend en compte l’importance de l’actif et du passif, ainsi que la
complexité prévisible de la procédure. Dans tous les cas, le juge est seul compétent
pour approuver le montant de la rétribution due aux administrateurs.
Les administrateurs sont responsables pour tout préjudice causé au débiteur
ou aux créanciers.
Parmi les principales fonctions de l’organe d’administration on peut
mentionner : la représentation ou l’assistance du débiteur à la tête de son entreprise ;
la rédaction du rapport d’administration du concours, de l’inventaire de l’actif, de la
liste des créances et s’il y a lieu, l’évaluation des propositions de concordat
présentées.
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2. Les effets patrimoniaux
a. Sur la capacité d’exercice du débiteur
(1) Le débiteur personne physique
La loi espagnole distingue selon qu’il s’agit d’une procédure de concours
« volontaire » (procédure ouverte à la demande du débiteur) ou d’une procédure de
concours « nécessaire » (procédure ouverte à la demande des créanciers). Dans la
première hypothèse, confiance est faite au débiteur qui conserve son pouvoir
d’administrer son patrimoine, tout en étant placé sous le contrôle de l’organe
d’administration du concours (qui sera chargé de l’assister et d’autoriser certains
actes). Dans la seconde hypothèse, le débiteur se trouve dessaisi, l’administration du
concours étant investie du pouvoir de gérer son patrimoine. Si tel est le principe, il
appartient au juge de l’adapter. Sa décision doit être motivée (art. 40).
Les actes accomplis par le débiteur en méconnaissance de la limitation
spécifique de sa capacité d’exercice ne peuvent être annulés qu’à la demande de
l’administration du concours et dans la mesure où ils n’ont pas été notifiés par elle.
(2) Le débiteur personne morale
Lorsque le débiteur est une personne morale, le juge peut ordonner la saisie
des biens des administrateurs de droit ou de fait de l’entreprise débitrice lorsque le
concours est « qualifié de coupable » (les administrateurs sont reconnus coupables de
l’insolvabilité de l’entreprise, cf. infra) et que l’actif se révèle insuffisant pour le
remboursement intégral du passif (art. 48).
Pendant la procédure du concours, les organes de la personne morale débitrice
sont en principe maintenus en fonction. Toutefois, les administrateurs du concours
sont
autorisés à
exercer des actions en responsabilité à
l’encontre des
administrateurs, contrôleurs ou liquidateurs de la société débitrice, sans avoir à
recueillir préalablement l’accord des associés. Le juge peut ordonner la saisie de leurs
biens dès l’instant où ils ont été reconnus coupables de l’insolvabilité de l’entreprise
débitrice et qu’une partie de l’actif est restée impayée.
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Originale est aussi, par rapport au droit antérieur, la règle qui régit les effets
du concours de la société sur les associés responsables solidairement et indéfiniment
des dettes sociales. La loi attribue à l’administration du concours une compétence
exclusive pour solliciter l’extension de la procédure de concours à leur encontre une
fois le concordat approuvé ou la liquidation ouverte. Ainsi sont évitées tant
l’extension automatique du concours à ces associés que les initiatives individuelles
des créanciers qui pourraient être à l’origine de perturbations du bon ordre du
concours.
b. Sur l’activité de l’entreprise
(1) La continuation de l’activité
L’ouverture de la procédure n’a pas pour effet d’interrompre l’activité
professionnelle du débiteur ou l’activité de son entreprise. Ainsi, bien que les actes
de disposition soient en principes interdits, l’administration du concours peut
autoriser les opérations nécessaires à la poursuite de l’activité d’entreprise durant la
procédure (art. 43, 2° et 44). Mieux, le législateur espagnol encourage la continuation
de l’activité de l’entreprise débitrice, malgré le dessaisissement du débiteur. Dans
cette hypothèse, il appartient à l’administration du concours de prendre les mesures
nécessaires pour assurer la poursuite de l’activité. Lorsque le débiteur est une
personne morale, ses organes de direction restent en place. Les administrateurs du
concours prêtent leur assistance et bénéficient de voix dans les organes collégiaux de
direction de l’entreprise du débiteur (art. 47).
Cependant, le juge bénéficie de compétences importantes pour prononcer la
fermeture des bureaux, des établissements ou exploitations, la cessation ou la
suspension totale ou partielle de l’activité du débiteur, après avoir entendu
préalablement le débiteur ainsi que les représentants des salariés.
(2) La continuation des contrats en cours
Pour la première fois, la loi espagnole régit de façon détaillée le sort des contrats en
cours au jour de l’ouverture de la procédure (art. 61 et ss). Le principe est que l’ouverture de
la procédure est sans effet sur la vie de ces contrats : les créances qui en sont issues devront
être déclarées à la procédure ; les dettes du débiteur seront à la charge de la masse. Les
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clauses de résiliation de tels contrats pour cause d’ouverture d’une procédure de concours sont
dénouées d’efficacité.
Le sort des contrats de travail et des conventions collectives fait l’objet de dispositions
particulières : le juge du concours voit sa compétence élargie afin de lui permettre de statuer,
à la demande des intéressés (l’administration du concours, le débiteur ou les salariés), en lieu
et place des juridictions sociales, sur le sort des contrats de travail liant le débiteur à ses
salariés. La procédure aménagée comporte de larges consultations, y compris avec
l’Administration du travail. Des dispositions spécifiques concernent les contrats liant
l’entreprise débitrice et ses dirigeants : une procédure plus libérale permet à l’administration
du concours de mettre fin à ces contrats, d’office ou à la demande du dirigeant. Par ailleurs, le
juge du concours peut intervenir pour réduire le montant de l’indemnité de départ
éventuellement prévue en faveur du dirigeant congédié.
La loi prévoit également une procédure dite de « réhabilitation » des contrats
indispensables à la survie de l’entreprise débitrice. Lorsqu’une clause de résiliation pour non
paiement des échéances d’un contrat de prêt a produit ses effets peu de temps avant
l’ouverture de la procédure, le juge peut, sous certaines conditions, imposer la poursuite du
contrat. Il en est de même pour le contrat de location des locaux dans lesquels se déroule
l’activité d’entreprise, alors même qu’une procédure d’expulsion serait en cours.
(3) Le traitement privilégié des créances postérieures à l’ouverture
Les créances postérieures à l’ouverture sont payées à leur échéance. Il en est ainsi des
frais et dépenses de justice, des frais d’administration de la procédure de concours, des
créances issues de la continuation de l’activité du débiteur après l’ouverture (y compris les
salaires ou les indemnités de licenciement) ou de la continuation ou de la résiliation des
contrats en cours. Le même régime est réservé aux créances de salaires correspondant aux 30
derniers jours précédant l’ouverture de la procédure de concours (art. 84, 2°).
c. Sur le patrimoine du débiteur
(1) L’actif
● La détermination de l’actif
L’ouverture de la procédure impose à l’administration du concours d’établir
sans délai l’inventaire de l’actif, avec un estimation des biens la composant.
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● La recomposition de l’actif : les nullités de la période suspecte
Sont susceptibles d’annulation tous les actes qui portent préjudice aux
créanciers, dès lors qu’ils ont été accomplis par le débiteur au cours des deux années
précédant la déclaration d’ouverture et ce, même en l’absence d’intention
frauduleuse de sa part.
Le préjudice subi par les créanciers est présumé de façon irréfragable lorsqu’il
s’agit d’actes de disposition à titre gratuit (à l’exception des libéralités d’usage) et des
paiements anticipés. Une présomption simple joue à l’égard des actes à titre onéreux
conclus avec une personne ayant des liens spéciaux avec le débiteur et à l’égard des
actes de constitution de sûretés réelles pour garantir des obligations préexistantes.
(2) Le passif
● Le gel du passif
La suspension des poursuites individuelles. La loi prévoit le gel des actions
individuelles introduites par les créanciers. Seules peuvent être poursuivies jusqu’à
leur terme les actions tendant à l’obtention d’un jugement déclaratif et les actions
portées devant les juridictions pénales et administratives, à l’exception des voies
d’exécution. L’arrêt des poursuites concerne toutes les voies d’exécution, y compris
les procédures administratives ou fiscales
Une des nouveautés les plus importantes de la loi réside dans le traitement
spécial réservé aux actions exercées par les titulaires de sûretés réelles portant sur les
biens du débiteur. Ce traitement s’efforce de concilier la nature propre du droit réel
et le souci de ne pas perturber le déroulement normal de la procédure et les
possibilités de restructuration et de continuation de l’entreprise débitrice. La formule
qui répond le mieux à ce double objectif est celle de la paralysie temporaire des
procédures d’exécution forcée, tant qu’un accord est en cours de négociation ou que
la liquidation est ouverte. La suspension des actions en exécution des sûretés réelles
ne peut toutefois dépasser une année à compter de l’ouverture du concours4. Les
créanciers bénéficiaires de ces garanties se voient donc imposer un sacrifice
consistant dans le respect de ce délai d’attente. Lorsqu’il apparaît que la vente du
bien grevé par la sûreté est dans l’intérêt de la masse, le juge peut décider que le bien
4
La durée des opérations de liquidation est elle aussi limitée à une année.
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sera cédé et libéré de sa charge, le paiement de la créance garantie se faisant alors
par priorité sur le prix du bien vendu.
Par ailleurs, lorsqu’elles sont votées, les dispositions du concordat n’affectent
les créanciers munis de sûretés réelles spéciales que si ces derniers votent en sa
faveur ou adhèrent au concordat approuvé.
L’interdiction des paiements et de la compensation. La compensation n’est
plus admise après l’ouverture de la procédure de concours, à moins que les
conditions de la compensation n’aient été réunies avant l’ouverture (art. 58).
La suspension du cours des intérêts. A compter de l’ouverture de la
procédure, le cours des intérêts des créances chirographaires est suspendu, à
l’exception des intérêts légaux produits par les créances de salaires. Les intérêts
courus après l’ouverture pourront néanmoins être recouvrés sur l’actif disponible
après le remboursement de l’ensemble des autres créanciers de la masse. Les intérêts
produits par les créances assorties de sûretés réelles spéciales pourront être payés
dans la mesure permise par l’assiette de la sûreté (art. 59).
● La révélation du passif : la déclaration et la vérification des créances
Les créanciers doivent déclarer leurs créances, auprès de l’administration du
concours, à la demande de cette dernière (art. 86). L’administration du concours
dresse la liste des créances, en décidant de l’admission ou du rejet des créances
déclarées, en inscrivant d’office les créances dont l’existence est constatée par une
décision de justice, par les registres du débiteur ou par les registres publics. La liste
des créances ainsi établie est communiquée au juge, en même temps que le rapport
de l’administration du concours. Ces deux documents font l’objet d’une publicité
spécifique qui fait courir le délai de 10 jours ouvert aux intéressés pour contester leur
contenu. Le juge du concours tranche les éventuelles contestations (art. 95 et 96).
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II. LES ISSUES DE LA PROCEDURE
La phase préparatoire de la procédure de concours, ouverte avec la déclaration
judiciaire, se termine avec la présentation, par l’administration de la procédure, de
son rapport et une fois que l’inventaire et la liste des créanciers ont acquis un
caractère définitif. C’est à ce moment que la connaissance de l’état patrimonial du
débiteur est complète et que la procédure peut se diriger vers l’une des deux issues
possibles : le concordat ou la liquidation.
A. LE CONCORDAT
Le concordat représente la solution normale du concours, que la loi encourage
avec une série de mesures, parmi lesquelles la possibilité offerte au débiteur de
proposer le concordat de façon anticipée. En effet, le débiteur peut présenter une
proposition de concordat dès l’introduction de la demande d’ouverture (qu’il s’agisse
de sa demande ou de celle formulée par les créanciers) et jusqu’à l’expiration du
délai de déclaration des créances, à condition qu’une telle proposition emporte
l’adhésion du nombre des créanciers exigé par la loi (créanciers titulaires de 5% du
montant du passif déclaré par le débiteur). L’homologation judiciaire anticipée du
concordat peut également intervenir durant la phase préparatoire du concours, dès
lors que le nombre de créanciers représentant la majorité légale y a adhéré (art. 104 et
ss).
La phase du concordat s’ouvre une fois que l’inventaire et la liste des créances
ont acquis un caractère définitif.
1. Les propositions de concordat
a. Les auteurs
La loi simplifie le traitement des propositions de concordat. La proposition
anticipée qui n’a pas obtenu les adhésions suffisantes pour son homologation
anticipée peut être maintenue et soumise à l’assemblée des créanciers. Lorsque le
débiteur n’a pas présenté de proposition anticipée, mais n’a pas non plus demandé la
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liquidation, les créanciers qui représentent 5% du passif déclaré peuvent à leur tour
soumettre des propositions.
b. Le contenu
Les propositions concordataires peuvent comporter des remises de dettes et/ou
des reports d’échéances. Le législateur exige que les remises n’excèdent pas la moitié
du montant de chaque créance ordinaire et que les reports d’échéances ne dépassent
pas cinq années à compter de l’homologation du concordat5. La loi permet également
la conversion de créances en actions, ainsi que la cession de branches d’activité en
exigeant alors l’engagement du repreneur de poursuivre l’activité et en organisant la
consultation des représentants des salariés (art. 100). En revanche, le législateur
prohibe expressément l’attribution de biens du débiteur en paiement des créances et
toutes les autres formes de liquidation globale du débiteur sous couvert du
concordat.
La conservation de l’activité économique professionnelle du débiteur peut être
réalisée à travers un concordat accompagné d’un plan de viabilité. Même si l’objectif
premier du concours n’est pas l’assainissement des entreprises mais le paiement des
créanciers, le concordat peut être en effet un instrument efficace pour sauver les
entreprises viables, au bénéfice non seulement des créanciers mais aussi du débiteur
lui-même et des salariés.
2. L’approbation du concordat
Les propositions de concordat doivent préalablement être « admises » par le
juge qui vérifie qu’elles remplissent les conditions de fond et de forme exigées par la
loi.
Par la suite, l’administration du concours rédige un rapport d’évaluation de
ces propositions qui sera déposé auprès du greffe du tribunal. Tous les intéressés
pourront alors le consulter. Les créanciers pourront même, à partir de ce moment,
exprimer leur adhésion à la proposition de concordat (ou à l’une des propositions s’il
y en a plusieurs). Cette adhésion sera comptée comme un vote en faveur de la
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Le juge peut autoriser le dépassement de ces limites pour une proposition de concordat qui permettrait
d’assurer la survie d’une entreprise « d’importance capitale pour l’économie ».
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proposition concernée si, au jour de l’assemblée des créanciers, le créancier ne se
présente pas. Lorsqu’il s’y présente, il peut et il doit voter, pour ou contre la
proposition concordataire à laquelle il avait préalablement adhéré.
a. L’approbation par les créanciers
L’assemblée des créanciers est présidée par le juge.
Elle se prononce d’abord sur la proposition de concordat éventuellement
formulée par le débiteur et ensuite sur celles des créanciers, dans l’ordre de grandeur
du montant cumulé des créances détenues par les auteurs des propositions.
Les créanciers titulaires de sûretés réelles peuvent assister à l’assemblée des
créanciers. Lorsqu’il le font, ils ne perdent pas le bénéfice de leurs privilèges, et ne
peuvent pas non plus se voir imposer le concordat éventuellement adopté lors de
cette assemblée. Pour qu’il en aille autrement, il faudrait que ces créanciers aient voté
en faveur de l’accord. (Le vote exprimé par un créancier qui détient à la fois des
créances ordinaires et des créances garanties est présumé exprimé en raison des
seules créances ordinaires, sauf déclaration expresse contraire de sa part).
Une proposition de concordat est adoptée avec le vote favorable des créanciers
détenant ensemble la moitié au moins du passif ordinaire déclaré. Toutefois, lorsque
le concordat prévoit le paiement intégral des créances ordinaires dans un délai
inférieur à trois ans ou leur paiement immédiat avec une remise inférieure à 20%, il
suffira que les créanciers qui y sont favorables détiennent des créances d’un montant
supérieur à celles détenues par les créanciers qui s’y opposent. Les créanciers
titulaires de garanties spéciales qui votent en faveur du concordat sont comptés
comme des créanciers ordinaires.
b. L’homologation par le tribunal
L’accord nécessite une homologation judiciaire. Le juge est tenu de vérifier le
respect des règles relatives au contenu de l’accord et à la procédure d’adoption du
concordat par les créanciers. Il peut corriger les erreurs matérielles ou de calcul et
peut ordonner que les adhésions irrégulièrement formulées soient reformulées
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régulièrement. Lorsque l’irrégularité affecte la tenue de l’assemblée des créanciers, il
peut convoquer une nouvelle assemblée.
3. La fin du concordat
L’homologation du concordat n’entraîne pas la clôture de la procédure de
concours. Le concordat organise les conditions de son exécution, prévoit des
éventuelles limitations des pouvoirs d’administration et de disposition du débiteur.
Tous les six mois, le débiteur est tenu d’ informer le juge du concours sur l’exécution
du concordat. La procédure prend fin avec la déclaration d’exécution prononcée par
le juge, à la demande du débiteur et en raison du rapport final présenté par ce
dernier (art. 137 à 141).
B. LA LIQUIDATION
La loi concède au débiteur la faculté d’opter pour une solution de liquidation,
en tant qu’alternative au concordat. Lorsque le débiteur sollicite la liquidation,
aucune proposition concordataire ne peut être reçue. La liquidation peut aussi être
imposée au débiteur en tant que solution subsidiaire en cas d’échec de la procédure
concordataire : soit en l’absence de propositions concordataires, soit lorsqu’elles
n’ont pas été approuvées par les créanciers ou le tribunal, soit lorsque le débiteur se
trouve dans l’impossibilité d’honorer ses obligations concordataires.
1. La réalisation des actifs
L’administration du concours élabore un plan de liquidation qui organise les
modalités de liquidation des actifs. Le débiteur et les créanciers peuvent formuler
leurs observations sur ce plan qui ne deviendra exécutoire qu’une fois approuvé par
le juge.
Même dans le cadre de la liquidation, la loi encourage la sauvegarde des
unités de production à travers leur cession globale, sauf lorsque la vente de biens
isolés apparaît plus avantageuse pour les créanciers (art. 149, 3°).
La loi fixe un délai d’un an pour la réalisation des opérations de liquidation.
En cas de non respect de ce délai, les administrateurs du concours peuvent se voir
privés de leur droit à rétribution.
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2. Le règlement du passif
Le règlement du passif antérieur à l’ouverture se fait différemment selon qu’il
s’agit de créances assorties d’une sûreté réelle spéciale (art. 90) ou d’autres créances.
Les créances assorties d’une sûreté réelle spéciale confèrent à leur titulaire le
droit d’être payé en priorité sur les liquidités produites par la vente du bien qui sert
de garantie. Elles peuvent être payées de plusieurs façons (art. 155) :
- en principe, au moment de la vente du bien, à l’issue de la procédure de
liquidation, ce qui entraîne pour eux un délai d’attente pouvant aller jusqu’à une
année (durée maximale des opérations de liquidation) ;
- soit l’administration du concours décide de payer ces créanciers sur les
liquidités existantes. Le bien assiette de la sûreté est conservé à l’actif du débiteur et
l’administration paie sans délai les créanciers titulaires de la sûreté ;
- enfin, en cas de vente du bien grevé durant la procédure, le juge peut
décider, après avoir entendu les parties et l’administration du concours, que la sûreté
se transmette en même temps que le bien, la dette pesant alors sur l’acquéreur.
Après le paiement des créances assorties de sûretés réelles spéciales, seront
payés, sur les biens non grevés et, le cas échéant, sur le reliquat restant de la vente
des biens grevés, les créances assorties de privilèges généraux : d’abord les salaires,
ensuite les créances des organismes de sécurité sociale et enfin celles du fisc (art. 91).
L’originalité des nouvelles dispositions espagnoles consiste dans le fait que
le législateur qui a souhaité réduire le nombre et le montant des créances
privilégiés, ne reconnaît ce caractère aux créances de cotisations de sécurité
sociale et d’impôts que dans la limite du 50% de leur montant.
Les créances ordinaires sont ensuite satisfaites au prorata de leur montant.
Enfin, une nouvelle catégorie de créances a été créée par le législateur : la
catégorie des créances subordonnées qui seront payées seulement s’il reste des
liquidités disponibles après le paiement intégral des créances ordinaires6. Plusieurs
types de créances sont concernées en raison de leur déclaration tardive, en raison de
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Il s’agit par ailleurs de créances qui ne confèrent pas de droit de vote à l’assemblée des créanciers.
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leur caractère accessoire (créance d’intérêts), de leur nature répressive (amendes) ou
en raison de la condition personnelle de leurs titulaires (personnes proches du
débiteur ou personnes de mauvaise foi, auteurs d’actes préjudiciables pour la masse)
(art. 92).
3. La clôture de la liquidation ; absence de libération du débiteur
Avec la clôture de la liquidation, le débiteur retrouve en principe ses pouvoirs
d’administration et de disposition sur son patrimoine. Pour le débiteur personne
morale, la liquidation entraîne sa dissolution.
Lorsque la clôture de la liquidation est prononcée en raison de l’insuffisance
de l’actif, le débiteur demeure responsable du paiement du passif résiduel. A
l’avenir, il pourra faire l’objet de nouvelles poursuites individuelles.
En cas d’ouverture d’une nouvelle procédure de concours à l’égard du même
débiteur, dans les cinq années suivant la clôture pour insuffisance d’actif, au
nouveau passif s’ajoutera obligatoirement le passif resté impayé lors du précédent
concours (art. 176 à 182).
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III.
LES SANCTIONS LIEES
AUX PROCEDURES
Une nouvelle institution introduite par la loi espagnole du concours a trait aux
sanctions civiles qui peuvent toucher le débiteur « coupable » de sa déconfiture.
Ainsi, toute procédure de concours (quelle que soit son issue : liquidation ou
concordat) comporte une phase lors de laquelle le juge « qualifiera » le concours,
selon les circonstances, de concours « fortuit » ou « coupable ». Il s’agit de décider si
le débiteur personne physique ou les dirigeants de droit ou de fait de la personne
morale débitrice sont responsables de la déconfiture de l’entreprise.
Les personnes reconnues responsables d’un « concours coupable » sont
susceptibles de subir des peines civiles, allant de 2 à 15 ans, et consistant dans :
- la perte de la qualité d’administrateur ou de directeur de l’entreprise
débitrice ;
- la perte de tout droit en tant que créancier du débiteur en concours ;
- l’obligation de réparer les dommages causés à autrui, y compris, le cas
échéant, l’obligation de prendre en charge le passif resté impayé à la procédure ;
- l’incapacité d’administrer les biens d’autrui et l’incapacité de représenter
autrui.
Les effets de la qualification se limitent à la sphère civile, sans répercussion
dans l’ordre pénal.
Par ailleurs, le débiteur qui, durant les trois années ayant précédé l’ouverture
de la procédure, s’est rendu coupable de certains faits, se voit refuser le droit de faire
une proposition anticipée de concordat (cf. supra). Il en est ainsi en cas de :
condamnation pour certains délits économiques, non accomplissement de ses
obligations comptables ou de son obligation d’inscription au registre de commerce,
existence d’une procédure antérieure de concours, accomplissement d’actes
préjudiciables pour la masse des créanciers. La même sanction concerne le débiteur
qui n’a pas demandé l’ouverture alors qu’il était en état d’insolvabilité ou celui qui a
failli aux obligations qui lui incombaient durant la procédure (art. 105).
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Sommaire
I.
L’OUVERTURE DE LA PROCEDURE .................................................................................................... 3
A.
LES CONDITIONS DE L'OUVERTURE ………………………………………………………………………3
1. Les conditions de fond................................................................................................................................. 3
a. Les conditions subjectives ......................................................................................................................................... 3
b. Les conditions objectives .......................................................................................................................................... 3
2. Les conditions de forme .............................................................................................................................. 4
a. La demande d’ouverture............................................................................................................................................ 4
b. La décision d’ouverture............................................................................................................................................. 4
3. La procédure simplifiée............................................................................................................................... 4
B. LES EFFETS DE L’OUVERTURE ………………………………………………………………………………..4
1. Les effets non patrimoniaux ........................................................................................................................ 5
a. Les obligations spécifiques à la charge du débiteur................................................................................................... 5
b. L’organisation de la procédure.................................................................................................................................. 5
2. Les effets patrimoniaux ............................................................................................................................... 7
a. Sur la capacité d’exercice du débiteur ....................................................................................................................... 7
(1) Le débiteur personne physique............................................................................................................................ 7
(2) Le débiteur personne morale.......................................................................................................................... 7
b. Sur l’activité de l’entreprise ...................................................................................................................................... 8
(1) La continuation de l’activité................................................................................................................................ 8
(2) La continuation des contrats en cours ................................................................................................................. 8
(3) Le traitement privilégié des créances postérieures à l’ouverture......................................................................... 9
c. Sur le patrimoine du débiteur .................................................................................................................................... 9
(1) L’actif.................................................................................................................................................................. 9
● La détermination de l’actif................................................................................................................................ 9
● La recomposition de l’actif : les nullités de la période suspecte ..................................................................... 10
(2) Le passif ............................................................................................................................................................ 10
● Le gel du passif............................................................................................................................................... 10
● La révélation du passif : la déclaration et la vérification des créances............................................................ 11
II. LES ISSUES DE LA PROCEDURE ............................................................................................................ 12
A.
LE CONCORDAT ……………………………………………………………………..............................12
1. Les propositions de concordat .................................................................................................................. 12
a. Les auteurs............................................................................................................................................................... 12
b. Le contenu............................................................................................................................................................... 13
2. L’approbation du concordat ..................................................................................................................... 13
a. L’approbation par les créanciers.............................................................................................................................. 14
b. L’homologation par le tribunal................................................................................................................................ 14
B.
III.
3. La fin du concordat ................................................................................................................................... 15
LA LIQUIDATION………………………………………………………………………………………...15
1. La réalisation des actifs ............................................................................................................................ 15
2. Le règlement du passif .............................................................................................................................. 16
3. La clôture de la liquidation ; absence de libération du débiteur .............................................................. 17
LES SANCTIONS LIEES AUX PROCEDURES ................................................................................ 18
ANNEXE - Loi espagnole n° 22 du 9 juillet 2003 relative au concours
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ANNEXE
Loi espagnole n° 22 du 9 juillet 2003 relative au concours
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