L`enseignement du numérique : un enjeu vital pour l`économie

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L`enseignement du numérique : un enjeu vital pour l`économie
L'enseignement du numérique : un enjeu vital pour l'économie française
Pour un Grenelle du numérique
Gwennaëlle Costa Le Vaillant, Directrice de la responsabilité sociétale de CGI
1. Le numérique : un diamant brut pour l’économie tricolore
1.1. Le(s) paradoxe(s) français
C’est un paradoxe. Plus la société se numérise, moins elle perçoit le caractère vital, critique et...
humain induit par cette transformation. Les prouesses technologiques sont diluées dans le quotidien.
Combien ont conscience, en effet, que des femmes et des hommes conçoivent, maintiennent et font
évoluer des systèmes d'information lorsque nous retirons de l'argent à un guichet automatique ou que
nous achetons des billets d'avion sur Internet ? Ces orfèvres de la technologie bénéficient-ils d'une
quelconque reconnaissance et considération de la part de la nation ? Il est permis d'en douter.
Du côté du gouvernement, le numérique n'a hérité dans un premier temps que d'un ministère délégué
chargé des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et, enfin, de l'économie numérique,
devenu depuis le dernier remaniement ministériel, un secrétariat d'Etat en charge du Numérique,
auprès du ministre de l’Economie, du Redressement productif et du Numérique. Finalement peu de
choses, pour un domaine qui est en train de transformer radicalement la société et l'économie !
Certes, des signes positifs sont apparus dans la sphère publique ces derniers mois tels que
l'inauguration du US French Tech Hub à San Francisco lors de la visite de François Hollande aux
Etats-Unis en février dernier ou encore l'instauration, dans l'enseignement, de référents numériques
au sein de chaque académie. Quant au Plan France Numérique, si le premier volet était consacré
aux infrastructures, celui de 2020 met l'accent sur les questions de gouvernance, de production et
d'offres de contenus, d'usages et de services numériques, tant dans les entreprises, que dans
l'administration et pour les particuliers, ce dont on ne peut que se réjouir. Après une longue
traversée du désert, la France commence ainsi à prendre des initiatives intéressantes dans ce
domaine. Cette tendance positive ne doit cependant pas occulter les graves lacunes qui subsistent :
nos pépites numériques, à savoir les talents et les créateurs d'entreprises, ne sont pas encore
reconnus comme une chance immense pour le pays. Par ailleurs, la France, contrairement à
d'autres pays, ne fait pas à l'enseignement de l'informatique la place qu'il mériterait d'avoir, à égalité
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avec les mathématiques, la physique ou la biologie. Comme le relève Yann Verdo, dans les Echos ,
les expérimentations dans ce domaine ont tourné court, faute d'enseignants disponibles : « on
observe quelques frémissements depuis deux ans, mais sans dépasser le stade du système D et
des bouts de ficelle. »
La France, si fière, à juste titre, de ses métiers d'art, du luxe et de l'image de haute qualité et de
savoir-faire qu'ils véhiculent à travers le monde, a bien du mal à louer avec le même empressement,
la même spontanéité, le génie de ses ingénieurs, le brio de ses développeurs, l'excellence de ses
1 Verdo Yann, « Lire, écrire, compter… et programmer ! », les Echos, 29 avril 2014
architectes systèmes ou encore la créativité de ses designers de sites web ainsi que la place prise
par ses entreprises de services sur l'échiquier mondial. Des professions et des salariés qui ne
portent pas de bonnets, ne bloquent pas les routes, ne déversent rien sur les bâtiments publics.
Invisibles et silencieux. Comme le numérique.
1.2. Un impact évident sur la croissance et l’emploi
Trop souvent, cette reconnaissance vient de l'étranger : de très grands noms du numérique ont en
effet installé des centres de recherche en France en raison du vivier de compétences qu'ils ont trouvé
dans notre pays.
Ce vivier n'est toutefois pas inépuisable. Si rien n'est fait à court terme pour attirer beaucoup plus de
jeunes talents, hommes ET femmes, vers les professions du numérique, notre attractivité va
irrémédiablement diminuer. Surtout, il n'y aura plus assez de cerveaux pour continuer à assurer la part
croissante du numérique dans tous les grands projets que la France devra engager, notamment en
matière de santé, avec par exemple le vaste chantier de la transition numérique à l’hôpital,
d'environnement ou d'énergie. L'indispensable poursuite de la modernisation de notre pays, qu'il
s'agisse de l'Etat ou des entreprises, pourrait s'en trouver affectée. Tout comme le développement de
start-up innovantes, futures entreprises de croissance pourvoyeuses d'emploi, de valeur ajoutée et de
dynamisme, notamment à l'international, qui, faute de pouvoir recruter en nombre suffisant, verront
leur ambition considérablement freinée.
Et, puisque nous semblons un peu amnésiques sur le phénomène du numérique et son impact
évident sur l'emploi et la croissance, il n'est pas inutile de rappeler quelques chiffres. Selon un
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rapport du cabinet McKinsey datant de 2011, Internet, considéré en temps que filière, a été un
contributeur majeur à la croissance du pays ces 15 dernières années, avec une tendance à
l’amplification de ce rôle moteur. Sur l’ensemble de la période, Internet est à l’origine de 10% de la
croissance. « Alors que l’économie française se contractait de 40 milliards d’euros entre 2008 et 2009,
la Toile a engendré », constate McKinsey, « une amélioration de la rentabilité des entreprises de
15 milliards d’euros. » Pour ce qui est de l'emploi, McKinsey a calculé qu'en contribution nette,
« Internet a permis, depuis son apparition en France, une création d’environ 700 000 emplois, ce qui
correspond au quart des créations nettes d’emplois au cours des 15 dernières années. » D'après les
dernières données de l'Observatoire du numérique, ce secteur représenterait 4,18% du PIB en France
(2010 comme année de référence), contre 4,02% en Allemagne et 5,85% au Royaume-Uni. Pour le
Boston Consulting Group (BCG), la qualité de l’environnement numérique d’un pays peut avoir des
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effets significatifs sur sa croissance . Plus les freins à l’économie numérique sont importants, plus les
Etats risquent de se priver d’une source pérenne et solide de création d’emplois et de soutien à la
croissance. Le cabinet a ainsi calculé que l'écart de croissance entre les pays où de fortes contraintes
pèsent sur l'économie numérique et les pays où elles sont faibles peut représenter jusqu’à 2,5% du
PIB.
Mais le dynamisme d'Internet et plus largement, de l'ensemble du secteur du numérique, n'est
possible que si les compétences sont disponibles. Or, rien n'est moins sûr !
1.3 Une pénurie de talents qui s’aggrave
C'est Bruxelles qui a tiré la sonnette d'alarme. En 2015, il manquera, dans l'Union européenne, 700
000 postes dans le secteur du numérique et ce, alors même que le chômage des jeunes Européens
2 « Impact d’Internet sur l’économie française. Comment Internet transforme notre pays », McKinsey, 2011
3 « Greasing the Wheels of the Internet Economy », Janvier 2014. Rapport commandité par l’Internet
Corporation for Assigned Names and Numbers
de moins de 25 ans s'élève à plus de 5,5 millions de personnes. D’importantes inadéquations de
compétences existent sur le marché de l’emploi en Europe, constate ainsi Bruxelles. Ce qui entraîne,
au-delà de l'aspect individuel induit pour les personnes concernées, des dommages économiques
collectifs considérables : la Fondation européenne pour les conditions de vie et de travail a estimé que
le fait d'avoir 7,5 millions de jeunes sans emploi ou formation équivaut à 150 milliards d'euros par an
de pertes pour l'UE.
Pour la France, qui comptait en décembre dernier, plus de 535 000 chômeurs de moins de 25 ans,
l'autorité européenne estime le déficit de collaborateurs dans le numérique entre 40 000 et 50 000
personnes. Si les responsables politiques et les médias s'inquiètent régulièrement des emplois non
pourvus dans la chaudronnerie, la plomberie ou la restauration, ils sont moins diserts sur les difficultés
à recruter des spécialistes Java et .Net et des experts en ERP, GRC, mobilité et systèmes
embarqués. Certes, la France a bien installé des ordinateurs dans les écoles depuis 30 ans mais elle
n'a pas su pour autant créer, chez les jeunes, d'engouement pour les métiers du numérique.
Pourquoi une telle situation ? Comment combler ce déficit des vocations et accorder au secteur du
numérique la place qui lui revient dans la société et l'économie françaises ?
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Dans son rapport de mai 2013 sur l'enseignement de l'informatique dans notre pays, l'Académie des
sciences constate que : « l’informatique est d’une importance toujours grandissante en termes de
création de richesses et d’emplois dans le monde » et déplore que : "l’Europe et la France en
particulier accusent un important retard conceptuel et industriel dans ce domaine par rapport aux pays
les plus dynamiques, comme les Etats-Unis et certains pays d’Asie. Ce retard est en partie lié aux
carences de l’enseignement de l’informatique, resté longtemps au point mort ou réduit à
l’apprentissage des seuls usages de produits de base. Un enseignement aussi limité ne saurait
permettre de faire basculer notre pays de l’état de consommateur de ce qui est fait ailleurs à celui de
créateur du monde de demain.»
La France forme environ 10 000 ingénieurs par an, et tous, loin s'en faut, ne se dirigent pas vers les
carrières du numérique qui peinent à convaincre les jeunes diplômés alors que les contrats qui y sont
offerts sont à durée indéterminée à plus de 90% et les salaires en moyenne souvent plus élevés que
dans d'autres secteurs. Résultat, ceux qui font ce choix sont très courtisés et sortent de l'école avec
deux ou trois propositions d'embauche, reflétant ainsi cette situation de pénurie. Le vivier de
recrutement, par ailleurs très masculin, touche ainsi à ses limites. Des limites qui pourraient être
largement repoussées si les jeunes femmes diplômées choisissaient en plus grand nombre les
métiers du numérique. Mais nous sommes très loin du compte : la France atteint difficilement un taux
de 25% de féminisation dans ce secteur, proportion qui tombe à 19% parmi les cadres dirigeants. La
marge de progression est donc considérable. Encore faut-il que les stéréotypes qui collent toujours à
ces métiers, à savoir exclusivement techniques, isolés, sans relationnel ni notoriété, dans lesquels les
femmes ne se reconnaissent pas du tout, tombent.
Cette très faible présence des femmes est, selon une étude de la Commission européenne, largement
préjudiciable aux entreprises et à l’économie. Une répartition équitable des emplois dans le numérique
entre hommes et femmes se traduirait, selon Bruxelles, par un gain d'environ 9 milliards d'euros par
an pour le PIB européen. Quand aux sociétés du secteur qui accorderaient davantage de place aux
femmes aux postes d’encadrement, elles pourraient espérer, estime la Commission, un taux de
rentabilité de leurs capitaux propres supérieur à 35% et une rentabilité totale pour l'actionnaire
supérieure de 34 %. Mixité et performance sont donc bien intimement liées. McKinsey est arrivé à des
4 « L’enseignement de l’informatique en France : il est urgent de ne plus attendre », Académie des sciences, Mai
2013
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conclusions similaires en étudiant les performances financières d'entreprises européennes choisies
parmi l'ensemble des sociétés ayant une capitalisation boursière supérieure à 150 millions d'euros :
les entreprises qui ont une plus grande proportion de femmes dans leurs comités de direction sont
aussi celles qui sont les plus performantes financièrement, a constaté le cabinet.
2. La mise en place d'une action collective en faveur du numérique
2.1. Du rôle des pouvoirs publics
A la lumière de l'ensemble de ces études, rapports, constats, il faut à présent en France une action
collective en faveur de l'ensemble de la filière du numérique, qui doit devenir, à côté du luxe, un pôle
d'excellence reconnu comme tel. Transverse par définition, le secteur du numérique doit, tout à la fois,
changer son image auprès du plus grand nombre, reconstituer ses forces vives, irriguant ainsi une
véritable galaxie de métiers, être en mesure d'accueillir un grand nombre de jeunes femmes
diplômées en leur offrant de réelles perspectives et continuer, par son dynamisme et sa capacité
d'innovation à contribuer à la croissance, à l'emploi et au progrès dans notre pays.
Cette action collective dépasse largement les acteurs de la filière stricto sensu. D'une manière
générale, les pouvoirs publics doivent tout mettre en œuvre pour que l'ensemble des citoyens
s'approprient les outils numériques, ce qui aura pour effet de faire évoluer favorablement l'ensemble
de la société dans ce domaine. Les Français semblent d'ailleurs d'ores et déjà conquis par le
numérique et estiment que ce secteur est un levier essentiel pour l'économie du pays. En effet, selon
la deuxième édition du baromètre Inria TNS-Sofres publiée en mars dernier, le numérique « a de
l'avenir » pour 91% de nos compatriotes. De plus, une large majorité pense qu'il a un effet positif sur
la croissance économique (59%), l'emploi (65%) et la capacité d'entreprendre (79%). Nos pouvoirs
publics pourraient également développer, pour les demandeurs d'emploi, des filières de reconversion
vers les métiers du numérique. Il conviendrait aussi de faire évoluer les référentiels métiers de Pôle
Emploi, qui n'a pas pour le moment su s'adapter à la demande dans ce domaine, afin que la grande
diversité des métiers du numérique soit réellement représentée, pour faciliter le retour à l'emploi et la
formation des demandeurs d'emploi issus du secteur. Des métiers du numérique qui pourraient aussi
accueillir des travailleurs handicapés. Il serait en effet judicieux de mener une véritable réflexion sur
l'organisation d'une filière emplois numériques et travailleurs handicapés pour combler le vide actuel
en la matière, vide illustré par les difficultés à trouver des sous-traitants employant ces personnes ou
encore par le fait que très peu d'universités intègrent une réflexion autour du handicap et des
opportunités d'emploi.
Ces mêmes pouvoirs publics ont également un rôle majeur à jouer, au niveau de l'éducation, en
faisant en sorte que l'informatique, avec l'aide des acteurs du numérique, soit mieux intégrée dans les
parcours scolaires des élèves, ses métiers mieux compris et qu'ils deviennent un véritable choix au
moment de l'orientation.
Dans son rapport précité, l'Académie des sciences détaille les éléments et les différents stades de cet
enseignement de l'informatique. Dès le primaire, il peut et doit être amorcé par une sensibilisation aux
notions d’information et d’algorithme. On poursuivra au collège par l’acquisition de l’autonomie en
approfondissant la structuration de données et l’algorithmique, et en dispensant une initiation à la
programmation, point de passage obligé d’activités créatrices. Le perfectionnement, enfin, qui doit se
faire principalement au lycée, avec un approfondissement accru des notions de base et des
expérimentations les plus variées possibles. Bien entendu, pour bâtir un tel dispositif : « la formation
des enseignants est une priorité absolue », souligne l'Académie des sciences.
5 « Women Matter – La mixité, levier de performance de l'entreprise », McKinsey, 2007
Cette dernière, dans ses recommandations, estime donc que : « la décision essentielle à prendre est
de mettre en place un enseignement de science informatique depuis le primaire jusqu’au lycée,
orienté vers la compréhension et la maîtrise de l’informatique, et dépassant donc largement les seuls
usages des matériels et logiciels. Cette mise en place ne doit plus être différée. »
2.2. Enseignement : les grandes nations accélèrent le pas
Il est d'autant plus urgent d'agir que certains pays, en Europe, en Asie et en Amérique du Nord ont
déjà ou sont en train de mettre en place un tel enseignement. Or, ces pays sont également de grands
concurrents de la France dans le commerce mondial où les outils numériques et donc, les talents
associés qui les créent et les utilisent, se développent très rapidement et peuvent faire la différence en
termes de capacité de réactivité et d'innovation. Ainsi, selon le cabinet McKinsey, les entreprises « à
forte intensité web » grandissent et exportent deux fois plus que les autres. Du côté du BCG, on
observe que : « parmi les petites et moyennes entreprises, celles qui ont le plus recours à Internet
sont les plus à même d'étendre leur activité au-delà de leur région d'origine. Elles sont plus
susceptibles de vendre (à 50 %) et d'acheter (à 63 %) des biens et services en dehors de leur
région. »
L'Inde, la Chine, le Japon et la Corée du Sud ont rendu depuis longtemps obligatoire l'enseignement
de l'informatique depuis le milieu de l'école primaire jusqu'à l'équivalent du bac. Aux Etats-Unis, les
cours de programmation informatique se répandent à travers toutes les écoles du pays à la vitesse de
l'éclair. « La propagation de l'enseignement de la programmation informatique est sans précédent. Il
n'y a jamais eu de mouvement aussi rapide dans l'éducation », a déclaré Elliot Soloway, professeur de
6
science de l'informatique à l'Université du Michigan, au New York Times.
Chicago espère, par exemple, que dans ses 187 écoles secondaires publiques, la science de
l'informatique fasse partie, d'ici cinq ans, des matières exigées pour l'obtention du diplôme de fin
d'études. La ville de New York est actuellement en train de former 60 enseignants en programmation
pour dispenser des cours dans 40 écoles secondaires publiques. Depuis décembre dernier, en
Californie, 20 000 enseignants ont introduit des leçons de programmation y compris en maternelle. En
outre, fait intéressant, les parents sont impliqués dans des événements extra-scolaires de
programmation informatique organisés pour les enfants et ont tendance à considérer que cette
matière fait partie des connaissances de base qui leur seront profitables dans leurs carrières
professionnelles. D'ailleurs, dans neuf Etats du pays, les décideurs publics ont commencé à octroyer
aux classes de science informatique les mêmes crédits qu'aux matières « traditionnelles » telles que
les mathématiques ou les sciences. On estime en général à deux millions le nombre total d'élèves
américains qui vont bénéficier de cours de programmation dès la prochaine rentrée scolaire. Enfin
beaucoup plus près de nous, la Grande-Bretagne sera le premier pays au monde à instaurer des
cours de code dans le primaire et le secondaire et ce dès la rentrée 2014 !
3. Pour un Grenelle du numérique : les grands principes
3.1. Quels objectifs ?
Le temps est donc venu pour un Grenelle du numérique. Voici un rapide aperçu de ce que pourraient
être ses objectifs, sa gouvernance et ses participants. Un tel événement, qui serait une première en
France, poursuivrait trois grands objectifs :
- Tout d'abord, il s'agirait d'accompagner et d'étoffer le plan France Numérique 2020, déjà évoqué,
ainsi que le plan européen pour le numérique, en mobilisant et en affectant des missions précises à
l'ensemble des parties prenantes ;
6 Richtel Matt, « Schools rush to add a new subject: computer coding », New York Times, 20 mai 2014
- Ensuite, il conviendrait de définir des indicateurs de performance et de suivi appliqués à un
ensemble de thèmes en partant de l'instant « T0 » jusqu'à l'horizon 2020-2030. A cet effet, un bureau
dédié au sein de l'Insee pourrait être créé ;
- Enfin, il faudrait s'attacher à définir les objectifs et à envisager les moyens appropriés de création et
de reconversion d'emplois vers la filière numérique.
3.2. Quelle gouvernance ?
Pour servir ces objectifs, le Grenelle du numérique pourrait comprendre six groupes de travail. Un
premier groupe consacrerait ses travaux aux différents moyens à mettre en œuvre pour faire du
numérique une industrie d'excellence reconnue tant en France qu'à l'international. Dans ce contexte, il
est essentiel que le secteur du numérique soit désormais considéré comme un domaine d'étude
prioritaire de la France au même titre que l'énergie, les biotechnologies ou les transports. Cette
réflexion serait conduite par un second groupe de travail. L'apprentissage du numérique à l'école et
ce, dès le plus jeune âge, la formation des enseignants, les nouveaux moyens de formation à distance
tels que les fameux Massive Open Online Courses ou MOOC, dispositif interactif dans lequel les
Etats-Unis ont pris une sérieuse avance, sont quelques aspects de ce volet fondamental « éducationformation » qui ferait l'objet d'un troisième groupe de travail. Au sein de ce dernier serait également
discutée la manière dont les industriels du secteur pourraient se mobiliser afin d'apporter leur
contribution à la formation et à l'éducation des élèves comme des enseignants.
Le thème de l'emploi devrait être examiné par deux groupes de travail : l'un plancherait sur
l'accompagnement de l'emploi autour des métiers du numérique en France en y associant Pôle
emploi, l'AFPA et les filières de reconversion professionnelle tandis que l'autre travaillerait sur les
adaptations nécessaires du marché du travail par rapport aux compétences induites par les métiers du
numérique. Un volet crucial puisque d'ici 2020, 90% des emplois nécessiteront des compétences
numériques.
Enfin, un sixième groupe se pencherait sur la question du numérique dans la société française,
comme facilitateur de lien social et de lien public. Il s'agirait de traiter les vastes champs d'action du
secteur public 2.0 ou encore de l'apport des outils numériques pour trouver des solutions à la
dépendance des personnes âgées, toujours plus nombreuses et des personnes en situation de
handicap.
3.3 Quels participants ?
Appréhender des domaines aussi complexes, divers et évolutifs requiert forcément une approche
pluridisciplinaire, chère au philosophe Michel Serres et au sociologue Edgar Morin. Ce Grenelle du
numérique ne doit pas se résumer à un débat d'experts sur des solutions techniques. Il doit faire appel
à de multiples compétences, décidées à travailler ensemble pour faire en sorte que notre pays soit
l'une des grandes nations du numérique du XXIème siècle et bénéficie d'un rayonnement
international.
C'est pourquoi nous sommes convaincus que les participants à ce Grenelle devraient être issus de
multiples horizons. Des cercles qui font de la prospective économique, des économistes de l'Insee,
des réseaux économiques des ambassades de France, des représentants français auprès de la
Commission européenne, etc.
Du côté des grands ministères, ceux de l'économie, de l'éducation, de l'emploi, de l'industrie ont
vocation naturelle à participer à ce Grenelle du numérique. Tout comme des représentants des
professeurs des écoles, des lycées et des universités mais aussi des étudiants. En ce qui concerne le
monde du travail, la présence de responsables de Pôle Emploi, de l'AFPA, d'associations de
chômeurs, d'organismes représentant des personnes handicapées qui s'intéressent à l'emploi dans le
numérique et de salariés de la filière, hommes ET femmes, sans oublier ceux de la médecine du
travail afin de prendre en compte les questions liées à l’ergonomie des postes de travail par exemple,
nous apparaît tout aussi indispensable.
Rien de solide ne saurait non plus se faire sans des représentants des entreprises du secteur du
numérique mais aussi des CCI, des « business angels » ou plus généralement d'organismes de
soutien à l'économie, par exemple ceux qui agissent dans le domaine du micro-crédit tels que l’ADIE.
Nous souhaiterions également associer à ce grand rassemblement, des collectivités territoriales,
particulièrement actives dans le secteur du numérique.
Enfin, pour ne pas se limiter à une approche franco-française, des représentants de pays à la pointe
dans l'enseignement de l'informatique tels que la Finlande, l'Estonie ou encore le Land de Bavière
pourraient être invités afin qu'ils puissent nous faire part de leurs retours d'expérience.
Les solutions pour que la France soit en mesure d'être l'un des « créateurs du monde de demain »
existent mais il ne faut plus tarder. Construisons-les ensemble, dès aujourd’hui.
Bibliographie
-
Verdo Yann, « Lire, écrire, compter… et programmer ! », les Echos, 29 avril 2014
-
« Impact d’Internet sur l’économie française. Comment Internet transforme notre pays »,
McKinsey, 2011
-
« Greasing the Wheels of the Internet Economy », Janvier 2014. Rapport commandité par
l’Internet Corporation for Assigned Names and Numbers
-
« L’enseignement de l’informatique en France : il est urgent de ne plus attendre », Académie
des sciences, Mai 2013
-
« Women Matter – La mixité, levier de performance de l'entreprise », McKinsey, 2007
-
Richtel Matt, « Schools rush to add a new subject: computer coding », New York Times, 20
mai 2014

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