Document enseignants - Musée des Beaux
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Musée des beaux-arts de Nantes / Exposition Fernand Léger : reconstruire le réel / Service des Publics / juin 2014 1 SOMMAIRE MODALITES DE VISITES……………………………………………...p. ...p.3 VISITES ...p.3 Cartels ………………………………………………………………..p. ..p.5 ..p.5 PISTES PEDAGOGIQUES 1ER DEGRE / Arts visuels, Histoire des Arts………………………………p. p.12 Arts p.12 PISTES PEDAGOGIQUES 2ND DEGRE / Arts plastiques…………………………………………………...p. ...p.16 plastiques ...p.16 Lettres………………………………………..……………………...p. ...p.22 Lettres ...p.22 Histoire………………………………………………..……………...p. ...p.27 Histoire ...p.27 BIBLIOGRAPHIE / SITOGRAPHIE p.31 SITOGRAPHIE……………………………………p. GRAPHIE p.31 Musée des beaux-arts de Nantes / Exposition Fernand Léger : reconstruire le réel / Service des Publics / juin 2014 2 Musée des Beaux-arts de Nantes Chapelle de l’Oratoire Fernand Léger Reconstruire le réel 19 juin– 22 septembre 2014 Chapelle de l'Oratoire (place de l'Oratoire, 44000 Nantes) Ouverte tous les jours sauf le mardi, de 10h à 18h, nocturne le jeudi jusqu'à 20h. L’escalier du bâtiment classé monument historique ne permet pas l’accessibilité aux personnes à mobilité réduite L’EXPOSITION Le musée des beaux-arts de Nantes, en collaboration avec le musée national Fernand Léger de Biot, met à l’honneur l’artiste pendant la période estivale. L’exposition présente une partie de ses productions artistiques de 1924 à 1946 mettant en lumière celles qui ont des similitudes avec certaines préoccupations formelles traitées par les surréalistes. Bien qu’il n’ait jamais adhéré au groupe, sa pratique et son répertoire pictural tendent à le rapprocher de ce mouvement. Attentif à leurs œuvres, il collabore avec certains d’entre eux et expose à leurs côtés, notamment pendant son exil à New-York. Profondément marqué par la Première Guerre mondiale, Fernand Léger modifie sa vision du monde réel dès 1920. Les lumières de la ville, l’agencement des objets dans les vitrines et les éléments mécaniques deviennent ses sujets de prédilection. Composée de six sections, l’exposition met en scène les thématiques développées par Léger pendant ces décennies. L’œuvre cinématographique Le Ballet mécanique ouvre le parcours en 1924 et rappelle l’importance des objets dans le travail de l’artiste. Elle introduit également les questions de contrastes (forme, couleur) et d’apesanteur développées dans le parcours. La visite se conclut en 1946 par la période new-yorkaise de Léger. PRESENTATION DE L’EXPOSITION AUX ENSEIGNANTS Il est fortement conseillé de s’inscrire à la présentation de l’exposition réservée aux enseignants Le mercredi 25 juin 2014 à 14h30 >Gratuit/ sur inscription, 02 51 17 45 74 ou sur [email protected] >A la Chapelle de l’Oratoire/ présentation de l’expo et des outils mis à votre disposition par une conférencière du musée et les professeurs chargés de mission. Musée des beaux-arts de Nantes / Exposition Fernand Léger : reconstruire le réel / Service des Publics / juin 2014 3 LES VISITES SCOLAIRES Réservations obligatoires (au moins 2 semaines avant la date pour une visite avec médiation) [email protected] Ou par téléphone au 02 51 17 45 74 Lundi, mardi, jeudi, vendredi de 10h à 12h et de 14h à 17h Visites d’1 heure maximum. 1/ Visites en autonomie, tous niveaux 1h de visite / Réservation obligatoire / Gratuit Après étude du dossier d’accompagnement, choisissez 3 ou 4 œuvres et faites autant de groupe d’élèves que d’œuvres. Vous devez diviser votre classe, la capacité d’accueil dans la chapelle étant réduite et la circulation difficile. Prévoir des accompagnateurs pour encadrer chaque groupe. 2/ Visites avec médiation, tous niveaux Visites accompagnées d’un conférencier du musée, dans la limite des créneaux disponibles 1h de visite/ Réservation obligatoire / Animation payante sauf pour les Primaires nantais / pour tous les autres niveaux : Nantais : 25 € - non Nantais : 35 € par classe Déroulement : Classe divisée en 2 groupes Moitié de la classe avec médiatrice 30 min Introduction du sujet de l’exposition Observation des œuvres Moitié de la classe avec l’enseignant 30 min Observation d’œuvres choisies par l’enseignant (avec l’aide du document d’accompagnement) Au bout de 30 minutes, l’enseignant et la médiatrice changent de groupe. A NE PAS OUBLIER 1/ Réserver votre visite auprès du secrétariat du Service des Publics 2/ Avant la visite Ce moment mérite d’être préparé avec vos élèves comme avec les personnes qui les accompagnent. Une attention toute particulière vous sera demandée quant à l’attitude de respect envers les œuvres, les autres visiteurs et le personnel garant de la sécurité. 3/ Sur place • laisser les sacs et manteaux dans l’entrée pour être à l’aise et éviter de heurter les œuvres, • ne pas toucher les œuvres, pour les préserver car certaines ont déjà traversé des siècles, notre devoir collectif est de les conserver pour les générations à venir, • n’utiliser que des crayons de bois car un geste malheureux peut toujours arriver, • enfin, pour que tous les visiteurs puissent profiter de l’exposition, marcher et parler doucement dans la chapelle. BONNE VISITE ! CARTELS Musée des beaux-arts de Nantes / Exposition Fernand Léger : reconstruire le réel / Service des Publics / juin 2014 4 Le Ballet mécanique 1923-1924 Film 35 mm noir et blanc, muet Achat en 1975 Paris, Centre Pompidou, MNAM/CCI Réalisé dès 1923 avec les américains Dudley Murphy, Man Ray et George Antheil, Le Ballet mécanique, rend hommage à la poésie de l'objet moderne. Lors de sa présentation au public en 1924, il est ainsi défini par son auteur comme « le premier film sans scénario » : chapeau de paille, bouteilles, éléments mécaniques se multiplient et s’animent, comme autant de mises en valeur de l’objet standardisé. Ce film manifeste un lien particulier avec ses recherches picturales du moment : « A cette époque, je réalisais des tableaux avec, comme éléments actifs, des objets dégagés de toute atmosphère et dans des rapports nouveaux. On avait déjà, les peintres, détruit le sujet », explique-t-il. ………………………………………………………………………………... Nature morte 1931 Huile sur toile Donation Maurice Jardot Belfort, Coll. Musée(s) de Belfort Cette nature morte propose une solution picturale atypique. Léger réalise une nouvelle association d’objets, mais en les superposant les uns aux autres, il refuse à la fois l’ordonnancement architecturé des contrastes d’objets réunis ici et le dynamisme des objets dans l’espace. Positionnés au centre de l’espace pictural, les objets nous donnent l’impression d’être vus du dessus. Leurs contours affaissés suggèrent une forme de ramollissement ou de dissolution telle qu’ils deviennent difficiles à reconnaître. Exposé plus loin, un dessin présente le même type de composition et permet d’identifier une lampe de poche, une chaînette, un journal, un couteau, un morceau de pain, etc. ………………………………………………………………………………... Nature morte au compas 1928 Huile sur toile Paris, Fondation Le Corbusier Les objets du quotidien, livre, fleurs, compas, feuille, sont suspendus dans l'espace et, par effets de contrastes, dévoilent leur matière et leur densité. Des pointillés, des fragments de lignes courbes, distribués savamment s'ajoutent au cloisonnement de l'espace construit de formes colorées. Ces effets strictement picturaux proposent une mise en scène qui distribue les objets dans un ordre inventé pour que s'opère la magie du tableau. ………………………………………………………………………………... Musée des beaux-arts de Nantes / Exposition Fernand Léger : reconstruire le réel / Service des Publics / juin 2014 5 Composition à la main et aux chapeaux 1927 Huile sur toile Dation en 1982 Paris, Centre Pompidou, MNAM/CCI Entre 1924 et 1927, Fernand Léger peint une série d’imposantes natures mortes. Les objets représentés acquièrent une majesté inédite, renforcée par le surdimensionnement des produits manufacturés. Le cinéma et les sciences modernes apportent en effet leur lot d’innovations visuelles. Fernand Léger utilise les procédés de gros plan et de fragmentation. Il attribue par ailleurs une fonction précise aux couleurs : les bruns et les noirs découpent l’espace en profondeur tandis que la lumière artificielle diffusée par le blanc donne aux objets un aspect presque irréel. En 1931, il explique : « Le cinéma personnalise le fragment, il l'encadre et c'est un nouveau réalisme dont les conséquences peuvent être incalculables ». ………………………………………………………………………………... Composition en bleu et jaune 1929 Huile sur toile Donation Maurice Jardot Belfort, Coll. Musée(s) de Belfort « Le signe plastique de notre temps c'est la libération de l'objet en tant que valeur plastique. Il a une valeur en lui même qu'il est nécessaire de mettre en évidence, » écrit Léger. A partir d'éléments mécaniques, des formes du canon et de la crosse placées sur un dispositif de plans multiples se met en place la suggestion de l'objet. Quelques morceaux de cartouchière dispersés dans l'ordre du tableau précisent et complètent le travail minutieux de jeux d'accords et de distances déterminés par le format de la toile. A la même époque (faut-il y voir une relation ?) Magritte utilise des canons et des fusils dans ses jeux surréalistes. ………………………………………………………………………………... La Joconde aux clés 1930 Huile sur toile Donation Nadia Léger et Georges Bauquier, 1969 Biot, Musée national Fernand Léger Revendiquant une beauté moderne adaptée à son époque, Fernand Léger confronte des objets quotidiens avec cette célèbre peinture de la Renaissance italienne. « Un jour j’avais fait sur une toile un trousseau de clés. Je ne savais pas ce que j’allais mettre à côté. Il me fallait quelque chose d’absolument contraire aux clés. Alors quand j’eus fini de travailler, je suis sorti. J’avais à peine fait quelques pas et qu’est-ce que je vois dans une vitrine ? Une carte postale de la Joconde ! J’ai compris tout de suite : c’est elle qu’il me fallait, qu’est-ce qui aurait pu contraster plus avec les clés ? Comme ça j’ai mis sur ma toile la Joconde. Après j’ai ajouté aussi une boîte de sardines. Cela fait un contraste aigu. C’est un tableau que je garde, je ne le vends pas ». ………………………………………………………………………………... Musée des beaux-arts de Nantes / Exposition Fernand Léger : reconstruire le réel / Service des Publics / juin 2014 6 La Danseuse bleue 1930 Huile sur toile Don de Paul Rosenberg en 1947 Paris, Centre Pompidou, MNAM/CCI en dépôt depuis 2001 au musée national Fernand Léger, Biot La photographie a toujours fasciné Léger. Il ne fait pas lui-même des prises de vues. L'intéressent les inventions de ses amis photographes : la prise de vue instantanée ou travaillée, les cadrages, les gros plans et les techniques du tirage. Rendre compte de l'instant où dans la lumière orangée de l'atelier apparaît en négatif une souriante danseuse était un sujet à peindre. La danseuse s'oppose aux fragments d'un instrument d'atelier voire une pince disproportionnée. Dans le bas du tableau, un disque en noir et blanc fait et donne un effet d'ouverture tel le diaphragme de l'appareil photographique. Cet objet hétéroclite accentue la mystérieuse alchimie de la composition. ………………………………………………………………………………... Les Clés (composition) 1928 Huile sur toile Don de Madame Fanny Wadsworth en 1951 Londres, Tate Gallery Les clefs sont un des motifs récurrents que Léger emploie dans diverses expérimentations picturales de 1925 jusqu'à La Joconde aux clés (1930). En aplat, au premier plan de la composition, les clés apportent les formes circulaires des anneaux, les lignes verticales des tiges pour cloisonner l'espace. La forme découpée d'un panneton inscrit la lettre E inversée. Les clés divisent en deux le tableau, à gauche le profil à droite un motif abstrait d'essence minérale ou végétale, librement offert à notre imagination. La juxtaposition de formes abstraites et réelles, procédé également adopté par les surréalistes, est complétée d'effets de profondeur créés par les plans colorés. ………………………………………………………………………………... Feuilles de houx (étude) 1930 Huile sur toile Donation Maurice Jardot Belfort, Coll. Musée(s) de Belfort Les éléments végétaux apparaissent timidement dans les natures mortes peintes en 1926 puis leur utilisation s'intensifie progressivement jouant de juxtapositions, d’accumulations, d'effets de transparence ou de colorations extrêmes, jusqu'aux feuilles de houx qui occupent alors tout le tableau. Récoltées pour être étudiées, elles se raidissent tout en conservant la brillance de leur texture. Le peintre accentue les bordures acérées, module de noir et d'effets lumineux leur couleur verte afin d'apparenter ce bouquet à une draperie métallique. Isolées et agrandies ces feuilles à elles seules deviennent véritable objet d'art. ………………………………………………………………………………... Musée des beaux-arts de Nantes / Exposition Fernand Léger : reconstruire le réel / Service des Publics / juin 2014 7 Paravent, composition sur fond marron 1930 Trois feuilles, huile sur toile Donation Nadia Léger et Georges Bauquier, 1969 Biot, Musée national Fernand Léger Dans les années 30, l'intérêt de Fernand Léger pour les images scientifiques influence ses motifs. L'illustration d'un ouvrage de Camille Flammarion lui inspire ce paravent à l'iconographie astronomique, commandé par ses amis américains Sara et Gerald Murphy pour leur villa antiboise. Inédit dans sa production, cet objet décoratif illustre la prise de distance de l'artiste avec la période mécanique et abstraite qui précède. De nombreux travaux préparatoires mettent en place les formes molles et la répartition des blancs qui procure une étrange luminosité à la composition. Initialement peint sur deux faces (marron et noire), le paravent est dissocié par la suite. Le musée national Fernand Léger possède le revers de cet objet aux représentations si nettement biomorphiques. ………………………………………………………………………………... Troncs d’arbre 1928 Huile sur toile Achat en 2013 Biot, Musée national Fernand Léger Par l’isolement et l’agrandissement, l’objet chez Fernand Léger se métamorphose. A l'instar des recherches surréalistes, des formes mystérieuses apparaissent, mêlant origine naturelle et apparence humaine. Reprenant ici l'un de ses motifs privilégiés (celui du tronc d'arbre en hiver), il lui fait subir une transformation anthropomorphique en prolongeant les branches par une chevelure. Récemment acheté par l'Etat, ce portrait humanisé d'un fragment végétal se retrouve dans des compositions plus vastes, telle La Baigneuse (1932) appartenant au musée national Fernand Léger qui fait dialoguer amoureusement un nu féminin en cours de pétrification et un tronc d'arbre aux rondeurs évocatrices. ………………………………………………………………………………... Silex 1932 Gouache, encre de Chine et mine graphite sur carton Achat en 1981 Paris, Centre Pompidou, MNAM/CCI A la recherche du merveilleux, Fernand Léger mène une étonnante exploration formelle en dessinant des objets personnels conservés dans sa ferme normande à Lisores et des formes naturelles observées au gré de ses déplacements. Entre matière et mémoire, il s'immerge avec une rêverie toute bachelardienne dans la beauté primitive de la Nature. En compagnie de Charlotte Perriand, de Pierre Jeanneret et de Simone Herman, il collecte chaque dimanche des silex, des bois flottés ou des troncs de poirier à Dieppe ou à Bourron près de Fontainebleau. Il procède de même à Bad Aussee en Autriche, chez ses amis américains, Sara et Gerald Murphy. Son ami Le Corbusier, qui en fait tout autant, qualifie ces naturalia d'« objets à fonctionnement poétique ». ………………………………………………………………………………... Musée des beaux-arts de Nantes / Exposition Fernand Léger : reconstruire le réel / Service des Publics / juin 2014 8 Etude de noix 1931 Encre sur papier Donation Nadia Léger et Georges Bauquier, 1969 Biot, Musée national Fernand Léger Au début des années 1930, Léger réalise une série de dessins témoignant d’une observation minutieuse du réel. Il les décrit comme des « dessins au trait très finis, des genre Dürer, serrés, durs, éclatants, même méchants ». Une sélection en est présentée en avril 1934 à la galerie Vignon, Paris, sous le titre « Objets par Fernand Léger : gouaches – dessins 1933-34 ». Dans un inventaire à la Prévert, le sous-titre indique l’hétéroclisme des objets représentés : « racines, silex, quartier de mouton, tire-bouchon, vase, pantalon, morceau de bœuf, fromage, noix, etc. » Les cerneaux de la noix sont rendus méconnaissables par leurs dimensions. Ecorce d’arbre ou hémisphères d’un cerveau ? L’œil hésite avant de reconnaître le fruit. ………………………………………………………………………………... Cordage et quartier de bœuf 1933 Encre de Chine sur papier Achat en 1985 Paris, Centre Pompidou, MNAM/CCI Titré, signé et daté, le dessin est une œuvre à part entière pour Léger. Il est également une étude de formes destinées à la composition picturale. En juxtaposant sur une même feuille, un cordage et un quartier de bœuf, l’artiste propose un contraste d’objets étonnant. La surprise naît de la perturbation du rapport d’échelle et du mouvement qui semble animer la corde, telle un lombric. L’intérêt pour l’objet (souvent modifié) parcourt le milieu surréaliste dans les années 1930 : sculptures-objets de Miró, exposition surréaliste d’objets à la galerie Charles Ratton en 1936, etc. Dans ses dessins, Léger choisit de porter un regard plus « dur », « moins romantique » sur l’objet. « Sa fatalité l’oriente vers les choses brutes et parfaites : l’objet à poils », écrit Carl Einstein. ………………………………………………………………………………... Les gants vers 1930 Encre sur papier Achat en 2000 Biot, Musée national Fernand Léger Cette série de dessins est l’occasion pour Léger de se confronter à une double contrainte : faire naître la couleur de la modulation du noir et blanc et donner à percevoir les volumes et les matières (« peu d’éléments autour de soi, mais en faire bien le tour » écrit-il). Les pièces vestimentaires sont des objets de prédilection pour Léger. Ceinture, étude de draperie (le manteau de l’artiste), gants sont autant de témoignages du « vrai » : la trace de l’usage, le chiffonnement, voire l’usure, renvoient aux corps qui ont habité ces habits. Pour Léger, les gants revêtent une signification sensuelle particulière : le toucher de la main reste l’apanage des amants, mais l’organe est aussi l’outil premier de l’ouvrier, comme de l’artiste. Musée des beaux-arts de Nantes / Exposition Fernand Léger : reconstruire le réel / Service des Publics / juin 2014 9 ………………………………………………………………………………... Composition sur fond orange 1932 Gouache et crayon sur papier Donation Nadia Léger et Georges Bauquier, 1969 Biot, Musée national Fernand Léger Cette composition est un des rares exemples d’abstraction totale chez Léger. L’artiste, qui prône l’abandon du sujet au profit de l’objet, propose ici d’y parvenir par l’emploi de formes aux contours irréguliers et le recours à un nombre restreint de couleurs. L’œuvre est à rapprocher de la série de gouaches dite « des vaches », exécutée en 1932. Dans une grande liberté formelle, Léger évoque les rapports de formes et de tons qui animent sa campagne normande. La série des « Queues de comètes », datant de 1930, propose également des formes nuageuses et inconsistantes. Evocation lyrique des taches d’une vache normande ou des nébuleuses célestes, cette composition est-elle finalement une pure abstraction colorée ? ………………………………………………………………………………... Femme à la rose 1930 Encre sur papier Paris, Galerie Jaeger Bucher/Jeanne-Bucher Par l'intermédiaire de Blaise Cendrars, le poète belge Robert Guiette (Anvers, 1885-1971) rencontre Léger à Paris en 1920. Le projet d'un spectacle rapproche les deux artistes en 1935, mais reste lettre morte. Le peintre accepte de fournir un dessin pour illustrer Mort du fantôme de Robert Guiette, édité aux éditions G.M.L, en 1937 à Paris. Parmi plusieurs variantes, Léger choisi le dessin d'une danseuse énigmatique située dans un paysage de formes flottantes qui fait écho aux premiers vers du poème. ………………………………………………………………………………... Paysage polychrome 1937 Huile sur toile Saint-Denis, Musée d’Art et d’Histoire Ce paysage imaginaire fait référence au paysage normand et par ses jeux de formes colorées peut être rapproché de certaines œuvres de Joan Miró. Ce tableau a appartenu à Paul Eluard et atteste des liens d'amitiés entre le poète surréaliste et Fernand Léger qui se sont renforcés au cours de leurs carrières. Dans une peinture intitulée L'Araignée bleue (1938), Léger a donné l'occasion au poète d'intégrer sur la toile ces vers « Mange ta faim/Entre dans cet /œuf Où le plâtre/s'abat ». En écho, ce tableau illustre le poème de Paul Eluard dédié « A Fernand Léger » publié dans l'ouvrage Voir en 1948. ………………………………………………………………………………... Musée des beaux-arts de Nantes / Exposition Fernand Léger : reconstruire le réel / Service des Publics / juin 2014 10 La feuille verte 1945 Huile sur toile Nantes, Musée des Beaux-Arts Exécuté en 1945 aux Etats-Unis, La Feuille verte synthétise expérience américaine et préoccupations plastiques présentes dès les années 1920. Lors de ses séjours estivaux à Rouses Point, campagne au nord de New-York, de 1943 à 1945, Léger est marqué par les objets au rebus abandonnés dans le paysage : « Je cherche ce choc entre les aspects naturels et les éléments mécaniques. » Positionnant les objets sur un fond blanc, espace abstrait, Léger ne compose pas un paysage mais reprend la méthode des « objets dans l’espace ». Par une technique proche du collage, il juxtapose des éléments qui ont auparavant été observés et dessinés séparément : son manteau, des éléments de grillage, un morceau de barrière, un poteau indicateur, une aile d'avion, une feuille verte, etc. ………………………………………………………………………………... Adieu New York 1946 Huile sur toile Don de l’artiste en 1953 Paris, Centre Pompidou, MNAM/CCI En hommage à la modernité américaine, Fernand Léger achève cette peinture à son retour d'exil : « Ça c’est l’Amérique, ma dernière toile Adieu New York écrit sur la banderole. Vous savez les USA sont un pays où les décharges sont innombrables. On jette tout plutôt que de réparer. Alors, vous voyez ici, il y a des morceaux de ferraille, des bras de machine et même des cravates. Ce que j’aimais là-bas, c’était faire des toiles éclatantes avec tout cela.» Le contraste entre les machines abandonnées et la végétation caractérise la série des « Paysages américains » découverts en 1943 à Rouses Point. L'association d'objets trouvés est une pratique qu'il partage aussi avec les surréalistes. ………………………………………………………………………………... The Girl with a Prefabricated Heart [La fille avec un cœur préfabriqué], 1944-45 Séquence du film Dreams that Money Can Buy [Rêves à vendre], réalisé par Hans Richter. Musique : paroles de John Latouche, chantées par Libby Holman et Josh White. Film 16 mm, sonore, couleur Paris, Centre Pompidou, MNAM/CCI En 1944, Léger est invité par Hans Richter, admiratif du Ballet mécanique, à prendre part à la réalisation d’un film collectif. Ce premier long métrage (85mn) expérimental en couleurs réunit également Max Ernst, Man Ray, Marcel Duchamp et Alexander Calder. Chacun réalise des séquences de rêve, liées par un fil conducteur inspiré du film noir. Dans son bureau (décoré d’un tableau de Léger), Joe, le héros, propose de vendre des rêves à ses clients : un don lui permet de pénétrer leur inconscient en les regardant dans les yeux. Léger met en scène une histoire d’amour ratée. Vie moderne, mannequin, bicyclette sont autant de motifs de l’œuvre de Léger, partagés avec la galaxie surréaliste. La mariée et la roue sont sans doute des allusions aux œuvres de Duchamp. En raison de la présence d’un scénario, Breton refusera de considérer ce film comme surréaliste. Musée des beaux-arts de Nantes / Exposition Fernand Léger : reconstruire le réel / Service des Publics / juin 2014 11 Pistes pédagogiques 1er degré Arts visuels – Histoire des arts L'exposition débutant le 19 juin et s'achevant le 22 septembre, les pistes proposées pourront être exploitées dans une séquence de fin d'année ou bien pour commencer l'année. Contrastes et mélanges Diversité des formes Composition et association d’objets AVANT LA VISITE Sensibiliser les élèves Fernand, que fais-tu ? - Découvrir La feuille verte qui est la seule œuvre de l’exposition appartenant aux collections du musée des beaux-arts de Nantes. Elle est consultable en ligne sur : http://www.collection.museedesbeauxarts.nantes.fr/Navigart/index.php?db=internet&qs=1 - Repérer quelques éléments de la composition : palette, éléments, formes, titre - Observer le carton d’exposition : questionner les élèves sur le titre et le sens de cette exposition. Fernand, où es-tu ? - Cette exposition temporaire programmée à La Chapelle de l’Oratoire à Nantes sur la période estivale pourra être redécouverte en famille. - Montrer aux élèves la façade du musée national Fernand Léger de Biot où sont exposées de façon permanente certaines œuvres de cet artiste. http://www.musees-nationaux-alpesmaritimes.fr/fleger/le-musee-et-ses-collections/musee/batiment-etjardin/ Mosaïque monumentale sur la façade du musée de Biot Fernand qui es-tu ? - Rechercher des informations sur la vie de l’artiste. - Consulter la biographie de Fernand Léger sur le site du Musée national Fernand Léger à Biot : http://www.musees-nationaux-alpesmaritimes.fr/fleger/ Musée des beaux-arts de Nantes / Exposition Fernand Léger : reconstruire le réel / Service des Publics / juin 2014 12 PENDANT LA VISITE Trois pistes de travail permettent de répartir les élèves en trois groupes. Piste 1. Inventer des histoires : l’enseignant prépare une boîte à contes. Cette boîte contient : - Des objets réels ou des images correspondant à cette liste : profil, masque, chapeau, feuille, branche, fruits secs, main, cartes à jouer, cuiller, bouteille, pipe, cercle, cœur - Des fonds de couleur : morceaux de tissu rouge, jaune, bleu, vert, noir et gris - Des formes géométriques : cercles, rectangles, triangles - Un mannequin en bois ou en carton Les élèves piochent à tour de rôle une image ou un objet qui sollicite leur imagination. Ils inventent un court récit devant les œuvres. Pour les élèves des classes élémentaires, il est proposé de choisir trois étiquettes-verbes de cette liste : rêver, rapprocher, rencontrer, rapetisser, répéter, flotter, sourire, superposer Suggestion d’œuvres pour la piste 1 : - Composition à la main et aux chapeaux, 1927, huile sur toile, MNAM / CCI, Centre Pompidou, Paris - Nature morte au masque de plâtre, 1927, huile sur toile, Fondation Beyeler, Riehen/Bâle, Suisse Piste 2. Exprimer ses impressions devant les œuvres : l’enseignant prépare une boîte à mots Flottement, géométrique, cerne, couleurs, aplats colorés, mouvement, superposition, lignes, trames, vides et pleins, danse, chef-d’œuvre, figure, contraste, pointu, estompé… Devant une ou plusieurs œuvres choisies, les élèves sélectionnent dans la boîte les mots-étiquettes que ces peintures leur inspirent. Ils argumentent et expliquent leurs choix. Suggestion d’œuvres pour la piste 2 : Section Objets dans l’espace - La danseuse bleue, 1930, huile sur toile, MNFL (dépôt du MNAM), Biot - La Joconde aux clés, 1930, huile sur toile, MNFL, Biot Section Période américaine - Adieu à New York, 1946, huile sur toile, MNAM / CCI, Centre Pompidou, Paris Section Contrastes d’objets - Contrastes d’objets, 1930, huile sur toile, MNFL (dépôt du MNAM), Biot Musée des beaux-arts de Nantes / Exposition Fernand Léger : reconstruire le réel / Service des Publics / juin 2014 13 Piste 3. Parcours de dessin thématique : « La feuille verte » La feuille est un motif récurrent dans les œuvres présentées. L’enseignant attire l’attention des élèves sur les variations du motif d’un tableau à l’autre. Sur leur carnet de croquis, les élèves reproduisent différents motifs de feuilles au crayon de bois. Ces croquis pourront être réutilisés en classe pour des réalisations plastiques. APRES LA VISITE Pratiquer les arts visuels en classe : les pistes proposées sont à adapter selon l’âge des élèves ainsi que la formulation des contraintes. Réaliser des compositions d’objets dans un cadre Par groupes de trois, les élèves disposent de boîtes contenant des objets et des morceaux de tissus de couleur. Ils sont invités à organiser des compositions dans des cadres vides de différents formats. Puis, ils expliquent leurs choix de composition. Une trace photographique ou un croquis peuvent garder la mémoire de ces recherches. Expérimenter des opérations plastiques Associer et changer d’échelle : « Maîtresse, j’ai rétréci les jouets ! » Par le dessin ou le collage, l’élève associe une silhouette humaine et un objet sur ou sous–dimensionné en ayant soin de créer un lien de sens à travers un décor ou une situation narrative. Ex. : un casque minuscule, un gigantesque vélo, un petit enfant et un énorme chien… Reproduire : « Les feuilles mortes se ramassent à la pelle… » L’élève choisit un motif de feuille dessiné sur son carnet de croquis pendant la visite. Il crée une composition qui répète ce même motif sur un format A3. Il joue sur la taille ou l’orientation, l’espacement, la dispersion, l’organisation, le nombre, la couleur… Se souvenir de la visite à La Chapelle de l’Oratoire : Boîte à contes, boîte à souvenirs La boîte à contes est réutilisée pour retrouver la trame du récit inventé devant les œuvres. Ces histoires sont écrites et illustrées par des dessins ou des collages. Dessin Dans l’exposition, plusieurs dessins de Fernand Léger sont présentés : Les gants, La ceinture, Silex, Troncs d’arbres, Femme à la rose. Ces titres sont des invitations pour chercher des modèles de dessin (objets ou images). Dessiner le même objet avec la contrainte suivante : un dessin d’observation, un dessin d’interprétation et un dessin d’imagination Les élèves utilisent l’encre de Chine, la mine graphite, le crayon de couleur, les encres et l’aquarelle sur des papiers Canson de couleurs différentes. Musée des beaux-arts de Nantes / Exposition Fernand Léger : reconstruire le réel / Service des Publics / juin 2014 14 Histoire des arts Natures mortes : Fernand Léger a donné pour titre Nature morte à plusieurs de ses œuvres. Un questionnement est engagé avec les élèves sur ce qu’est une nature morte. La comparaison avec des tableaux d’époques différentes apporte des éléments d’information sur la représentation peinte d’objets inanimés et la composition. Une approche des genres en peinture peut être abordée. La figure humaine : Proposer aux élèves de découvrir d’autres périodes de création de Fernand Léger où la figure humaine est représentée avec des scènes de groupe. Musée des beaux-arts de Nantes / Exposition Fernand Léger : reconstruire le réel / Service des Publics / juin 2014 15 Pistes pédagogiques 2nd degré L'exposition débutant le 19 juin et s'achevant le 22 septembre, les pistes proposées pourront être exploitées dans une séquence de fin d'année au collège ou bien pour commencer l'année (au collège et au lycée). Arts plastiques L'exposition de la Chapelle de l'Oratoire propose cette année un regard neuf sur l’œuvre de Fernand LEGER. La modernité de l'artiste se construit face aux préceptes du surréalisme. Quelles sont les questions qui nous permettent de faire de tels rapprochements ? Comment la peinture de Léger intègre les éléments propres u surréalisme ? Avant même de découvrir le choix des œuvres, la muséographie ou le propos de l'exposition, le titre de cette dernière offre d'emblée une belle entrée en matière pour un professeur d'arts plastiques : « Reconstruire le réel ». A lui seul, il pourrait presque faire office de situation d'enseignement ouverte. Le quotidien comme source d'inspiration, un processus et un répertoire de formes comparable au surréalisme sont de possibles entrées de l'exposition qui aboutissent à des questions plastiques communes telles que le collage, la représentation de l'espace, l'exercice du regard face au traitement de l’échelle...... Les quelques entrées ci-dessous ont pour objectif principal de proposer des pistes d'exploitation en classe qui permettront à l'enseignant de traiter les points fondateurs de l’œuvre de LEGER tout comme ceux des programmes de notre discipline du collège au lycée. ENTREES PLASTIQUES Du collage à l'assemblage Les œuvres de Fernand Léger sont pour la majorité des peintures à l’huile. La notion de collage ne sera donc pas à considérer au sens premier du papier collé qui se rapporte historiquement à l'intrusion de fragments de réel dans l’œuvre d'art. Il s'agira avant tout d'une expérience de l’hétérogénéité : entre construction et déconstruction, entre ordre et désordre, l'élève cherchera, à travers ces relations duelles, à trouver une cohérence plastique et sémantique à sa production. La notion de collage, plus vaste et plus riche que la technique du même nom, peut être envisagée en classe à travers plusieurs techniques telles que la photographie, la vidéo mais également les pratiques tridimensionnelles. Cela sera le rôle de l'enseignant de permettre aux élèves de comprendre les enjeux d'une telle notion engendrant contrastes de formes, de figures, d'espaces,...Comment trouver de l’homogénéité à partir d'éléments hétérogènes ? Le collage n'a pas la même signification selon les mouvements artistiques qui l'emploie : Pour les cubistes, « l'emploi des éléments collés répondait à l'exigence de trouver une solution au problème de la réalité »1. Pour Dada, le collage est surtout « un moyen de subversion politique »2 alors que pour les surréalistes, il s'agit d' «un procédé poétique 3». Musée des beaux-arts de Nantes / Exposition Fernand Léger : reconstruire le réel / Service des Publics / juin 2014 16 Dans les œuvres de Fernand Léger, la notion de collage dépasse celle de l'élément collé. Les associations d'objets, de figures sur une surface peinte comme dans un film mettent en exergue une seconde notion inhérente à la première : celle de contraste. Du collage, on peut également évoquer la notion d'assemblage. Celle-ci peut concerner une sculpture, une image fixe mais également une image mobile, animée. L'importance de l'usage de la vidéo dans le cursus d'un élève du collège au lycée n'est pas moindre. L’enchaînement d'images et de sons construisent le temps et la narration pour ces deux médiums. L'image est omniprésente dans les programmes de collège et de lycée. Comment l'image animée s'empare t-elle des mêmes questionnements que l'image fixe ? Comment la pratique de tel médium permet-elle de mieux en connaître les enjeux ? Léger décrit son travail ainsi : « J’ai pris des objets très usuels que j’ai transposés à l’écran en leur donnant une mobilité et un rythme très voulus et très calculés. Contraster les objets, des passages lents et rapides, des repos, des intensités, tout le film est construit là-dessus » (conférence « Autour du Ballet mécanique », 1924-25 in Fonction de la peinture) L'enregistrement et la mise en scène du réel est un usage courant pour nos élèves, presque banal. Le cadre, la profondeur de champ, l'angle de prise de vue et le point de vue sont les éléments constitutifs de l'image qui induisent des choix et font sens. Fernand Léger évoque ses propres choix pour le Ballet Mécanique. Sans scénario, le film est à analyser uniquement sur ces choix plastiques (ou non choix). La succession ou la répétition des plans associée à l'alternance entre la figure humaine et les objets, les plans d'ensemble ou les gros plans créent un rythme, parfois une frénésie donnant le tournis. En élaborant matériellement des images, les élèves se confrontent aux modalités de leur réception et de leur diffusion. Quelles valeurs expressives peuvent avoir les composants plastiques et matériels de ces images ? Sur place.... Les œuvres permettant d'établir une réflexion autour de la notion de collage : • Composition à la main et aux chapeaux, 1927 Rencontre fortuite. La notion de collage est avant une rencontre entre deux éléments, deux objets, deux représentations ou deux réalités. Ce tableau multiplie les points de vue, les codes de représentation et les échelles. Un pêle-mêle d'objets et de formes dans un espace suggéré dessinant peu de profondeur de champ. Le titre évoque clairement la notion de composition donc d'agencement, voire d'organisation des éléments les uns par rapport aux autres dans une logique d'équilibre plastique, donc de forme et de couleur. Mais qu'en est-il du sens produit par ces rencontres ? L'interprétation du spectateur est mise à mal. Le recours à la célèbre citation de Lautréamont nous revoie à une image de la beauté comme motivation première. L'enseignant n'aura que l'embarras du choix dans cette exposition pour travailler la notion de collage avec ses élèves dans cette exposition. Paysage romantique, (1946), Nature morte (1931), Le ballet mécanique (1924)..... « Beau comme la rencontre fortuite, sur une table de dissection, d'une machine à coudre et d'un parapluie » Isidore Ducasse, dit Comte de Lautréamont, Les Chants de Maldoror Musée des beaux-arts de Nantes / Exposition Fernand Léger : reconstruire le réel / Service des Publics / juin 2014 17 La question de la représentation de l'espace Les modes et les codes de représentation de l'espace sont multiples4. Du point de vue monoculaire de la Renaissance à sa remise en cause au XXe siècle, la perception de l'espace réel ne change pas mais sa représentation s'en éloigne pour expérimenter d'autres voies davantage sensorielles et plastiques. « J'ai pris l'objet, j'ai fait sauter la table, j'ai mis cet objet en l'air, sans perspective, sans support » Fernand Léger5 Les œuvres de Fernand Léger se caractérisent par cette perte de repères que sont la table ou le guéridon. Ce renoncement engendre une sensation de flottement des objets dans l'espace représenté. Le texte6 de claire Lebossé explique clairement, à travers des citations de l'artiste et des repères historiques, la question de l'objet dans l'espace de représentation dans l’œuvre de Léger. Comment se construit un espace sans repère de profondeur ? Quelle interaction se crée entre les éléments représentés ? Sur place.... Les œuvres permettant d'établir une réflexion autour de la représentation des objets dans l'espace : • La Joconde aux clés, 1930 En apesanteur. Icône de la peinture et objet banal se côtoient dans un espace représenté sans ancrage dans le réel. Si l'association des formes identifiables paraît incongrue, leur rapport à l'espace peint laisse en suspens le regard du spectateur. • Femme à la rose, 1930 La figure humaine comme objet. L'inscription des corps aux côtés d'objets divers, de végétaux ici, le tout sans respect des échelles et dans un espace de représentation sans repères concrets et réels, entraîne le changement de statut de la figure humaine. « La figure humaine ne m’inspire pas plus que des clés ou des bicyclettes » Fernand LEGER • Sans titre (racine), 1932 Dessus-dessous. Dans cette œuvre, les éléments représentés sont également en lévitation. Le seul repère que le spectateur puisse percevoir se limite à la disposition des éléments représentés les uns par rapport aux autres : 4 degrés de profondeur sont alors identifiables. Mais comment qualifier cet espace ? Musée des beaux-arts de Nantes / Exposition Fernand Léger : reconstruire le réel / Service des Publics / juin 2014 18 L'exercice du regard face au traitement de l'échelle La question de l'échelle chez Léger est avant tout une histoire de repère. Ces derniers se construisent dans notre rapport au réel avant même de se confronter à sa représentation. Lorsque cette rencontre se produit, une comparaison s'instaure malgré nous. Une comparaison avec le réel fait émerger du sens ou un questionnement mais une confrontation s'impose très vite : celle de l’œuvre au regard de l'histoire de l'art. Cette comparaison induit un regard « éduqué » et moins instinctif mais il complète le premier. Si la figure humaine chez Léger s’apparente à un mannequin, l’œil et l'esprit du regardeur adaptent très vite l'échelle différente passant de celle l'homme à celle d'un objet. Cette adaptation n'est pas figée car le statut de la figure humaine chez l'artiste ne l'est pas non plus. « Si Léger parle bien des « fonctions » de la peinture, nulle part il ne réinterroge sur la fonctionnalité de l'objet. L'objet interagit plastiquement avec son regardeur et son manipulateur ; sa mobilité imite l'humain, oui. » Par ailleurs, la peinture de Fernand Léger défie les règles de représentation de l'espace réel sur un support bidimensionnel. A propos de sa peinture, Apollinaire écrivait : « Encore un petit effort pour se débarrasser de la perspective, du truc misérable de la perspective, de cette quatrième dimension à rebours, la perspective, de ce moyen de tout rapetisser inévitablement » L'exercice du regard est donc perturbé par le jeu implicite ou explicite des rapports d'échelle. Sur place.... Les œuvres permettant d'établir une réflexion autour du rôle de l'échelle dans le sens produit des œuvre : • Composition à la main et aux chapeaux, 1927 Défier les règles de la perspective. Les objets se côtoient, s'associent visuellement aux aplats de couleurs. Les zones rectangulaires colorées acquièrent un poids visuel identique aux objets peints (bouée, bouteilles, chapeau, cuillère,...) • Contrastes d'objets, 1930 « La Joconde est pour moi un objet comme les autres ». La figure humaine traitée comme un objet perd d'emblée son rapport au réel pourtant cher à la Renaissance. Une Joconde désacralisée, banalisée et traitée tel un objet. • Troncs d'arbres, 1928 Un regard perturbé. Troncs et longues chevelures s'unissent dans une même forme tout en défiant les rapports d'échelle. Dans un premier regard, le spectateur tente de déterminer la nature même de la chose peinte puis prend conscience des écarts d'échelle : de la réduction des troncs ou de l'agrandissement de la femme à travers sa chevelure. Musée des beaux-arts de Nantes / Exposition Fernand Léger : reconstruire le réel / Service des Publics / juin 2014 19 Entre figuration et abstraction : la métamorphose du corps L'espace pictural n'est pas chez Fernand Léger une condensation du réel mais un passage transitoire où des formes connues et repérables se transforment, se métamorphosent. Cet entre-deux, figeant le passage d'un état à l'autre, devient une source poétique. La question du référent, de sa présence et de son identification, est prégnante dans l’œuvre de Fernand Léger. Ce point permet un rapprochement avec le travail des surréalistes. Derrière l'objet représenté, n'existe t-il pas un sens autre ? Ou ce dernier ne se révèle t-il pas par son association visuelle à un autre objet ? Visible ou invisible, identifiable ou non, l'interprétation du spectateur est mise à mal. L'imitation du modèle n'est plus privilégiée, en revanche la distance de l'image à son référent introduit la réflexion. La figure humaine, récurrente chez Léger, se simplifie. Un ovale ou cercle détermine le visage. Un léger modelé lisse la surface telle celle d'un objet. Les caractéristiques de la représentation font glisser la figure humaine vers celle du mannequin. La géométrisation des formes achève toute sensualité dans la représentation. Sur place.... Les œuvres permettant d'établir une réflexion sur la question du référent et de son identification : • Troncs d'arbres, 1931 Métamorphose. La présence de troncs se confirme par le titre de l’œuvre mais la rondeur des formes et leur enchevêtrement font glisser la nature de l’identification vers des sphères plus anthropomorphes, plus organiques. Une rencontre fortuite pour provoquer l'imagination. • Nature morte aux deux clés, 1930 Contraste de forme. Seules les clés sont identifiables sur cette toile. De nature rigide, leur représentation respecte cet état. Leur contexte environnant s'oppose à elles par la mollesse qu'il suggère. L'identification d'un élément du tableau incite l’œil du spectateur à chercher du sens dans les formes environnantes. • Paysage polychrome, 1937 Faire paysage. L'artiste met en œuvre des stratégies de construction d'image pour évoquer le paysage alors que les éléments qui le composent n’appartiennent pas à ce registre : ligne d'horizon, échelle des plans, couleurs,.... Musée des beaux-arts de Nantes / Exposition Fernand Léger : reconstruire le réel / Service des Publics / juin 2014 20 AUTRES PISTES Perte du sujet - La machine - La couleur - Les objets - La figure humaine Histoire des arts L'homme et la machine « arts, techniques et expression» La guerre engendre une révolution esthétique capitale chez l'artiste : la machine. Celle-ci symbolise le savoir-faire humain et la modernité. Plus qu'un objet industriel elle devient un objet esthétique cher à l'artiste. « Je fus ébloui, explique Léger, par une culasse de canon de 75 ouverte en plein soleil, magie de la lumière sur le métal blanc. Il n’en fallut pas moins pour me faire oublier l’art abstrait de 1912-1913. Révolution totale comme homme et comme peintre » 7 1Étienne SOURIAU, Vocabulaire d'esthétique, p.415 2idem 3idem 4Des représentations de l'espace, fiche pédagogique InSitu 5Citation extraite du catalogue d'exposition, chapitre. Objet dans l'espace de Claire Lebossé. 6Claire Lebossé, l'Objet dans l'espace, catalogue de l'exposition Fernand Léger 7Citation tirée du catalogue Fernand Léger, Paris,Grand Palais, octobre 1971 – janvier 1972 Musée des beaux-arts de Nantes / Exposition Fernand Léger : reconstruire le réel / Service des Publics / juin 2014 21 Lettres Le titre de l'exposition, « Fernand Léger : reconstruire le réel, 1924-1946 », est d'emblée très évocateur pour le professeur de lettres : l'artiste, sa volonté de donner à voir le monde autrement, dans la période de l'après Première Guerre mondiale, sont autant de lien avec le surréalisme. Si Léger n'a pas souhaité adhérer à ce courant (ni à aucun autre d'ailleurs), il a cependant beaucoup côtoyé d'artistes surréalistes et travaillé avec eux. De nombreuses pistes d'étude s'ouvrent alors entre l'exposition présentée par le musée des beaux-arts de Nantes et l'étude du courant surréaliste, au programme de français au collège et surtout au lycée. LE SURREALISME DANS LES PROGRAMMES DE FRANÇAIS ET DE LITTERATURE Au collège, les entrées se font principalement dans les classes de Cinquième et de Troisième : - En Cinquième : « Poésie : jeux de langage » (auteurs du XXème siècle : Apollinaire, Desnos, Max Jacob, Queneau, Roubaud). - En Troisième : « La poésie dans le monde et dans le siècle ». On s'intéresse en particulier à la poésie engagée (Éluard Éluard, Aragon, Desnos, Char), ainsi qu'aux nouveaux regards portés sur le monde (Cendrars, Ponge, Michaux). - Un tableau de Fernand Léger pourra être étudié en Histoire des Arts : croiser les regards historique, plastique et littéraire est bien sûr essentiel dans cette perspective. Au lycée, on aborde le surréalisme dans les classes de : - Seconde : l'objet d'étude « La poésie du XIXe siècle au XXe, du romantisme au surréalisme » a pour objectif de « faire percevoir aux élèves la liaison intime entre le travail de la langue, une vision singulière du monde et l'expression des émotions ». - Première : l'objet d'étude intitulé « Écriture poétique et quête du sens, du Moyen-Âge à nos jours » permet aussi d'aborder le surréalisme, « l'objectif étant d'approfondir avec les élèves la relation qui lie, en poésie, le travail de l'écriture à une manière singulière d'interroger le monde et de construire le sens, dans un usage de la langue réinventé »1. L'étude d'un groupement sur la poésie de la ville, par exemple, peut conduire les élèves à s'interroger sur les liens entre modernité urbaine et poétique. Cette étude prend véritablement sens, en Histoire des arts, complétée par celle de peintres comme Léger, Chagall, Delaunay, …, dont de nombreuses œuvres témoignent de cette interrogation à la même époque. On étudiera, par exemple, la collaboration de Blaise Cendrars et Sonia Delaunay, qui illustre le long poème « La Prose du Transsibérien et de la petite Jéhanne de France », retraçant un périple à travers des paysages variés, dont de nombreuses villes. Cendrars a également travaillé avec Fernand Léger, qui a illustré La Fin du Monde, filmée par l'Ange N.-D2. 1 Bulletin officiel spécial n°9 du 30 septembre 2010. 2 « En octobre 1919, ce texte de Blaise Cendrars est édité sous la forme d’un album comportant vingt-deux illustrations de Léger, dont vingt coloriées au pochoir. Il retrace avec drôlerie l’apocalypse du monde moderne en cinquante-cinq petits chapitres.Véritable expérimentation typographique, le travail d’illustration de Léger intègre des lettres, des chiffres, des slogans de publicité et des citations dans des compositions souvent éclatées qui traduisent l’agitation de la Musée des beaux-arts de Nantes / Exposition Fernand Léger : reconstruire le réel / Service des Publics / juin 2014 22 On pourra tout particulièrement s'intéresser à trois lithographies de Fernand Léger du musée des Beaux-Arts de Nantes3 : Les Constructeurs (deux œuvres différentes portent ce titre)et L'homme dans la ville. L'inscription de l'Histoire des Arts dans cette étude sera particulièrement pertinente : les textes officiels insistent en effet sur l'intérêt d'étudier, « en relation avec l'histoire des arts, un choix de textes et de documents permettant de mettre en évidence les relations entre la poésie et d'autres arts, à une époque donnée ou dans le cadre d'un mouvement esthétique particulier. On privilégiera l'étude de mouvements qui marquent des étapes dans la revendication d'un renouveau esthétique. [...] les grands traits de l'esthétique surréaliste, par exemple, peuvent faire l'objet d'un travail qui rende sensibles aux élèves les correspondances entre les arts et la singularité de leurs modes et de leurs formes d'expression. ». - En Terminale littéraire, l'une des deux œuvres au programme pour l'année 2014-2015 , inscrite dans le domaine d'étude « Littérature et langages de l'image », est Les Mains libres, de Paul Éluard et Man Ray. Cette œuvre conduit à étudier l'esthétique surréaliste, par le dialogue entre la poésie et le dessin, à travers un projet original. En effet, dans ce recueil, les « dessins de Man Ray [sont] illustrés par les poèmes de Paul Éluard », comme l'indique le sous-titre de l'œuvre. Entrer dans l'étude de ce recueil par la visite de l'exposition consacrée à Fernand Léger paraît intéressant : les élèves pourront ainsi amorcer leur réflexion sur les liens, les échanges, entre des formes d'expression artistique différentes. De nombreuses collaborations artistiques pourront également être abordées dans ce but : Paul Éluard a travaillé avec Max Ernst, De Chirico, Matisse, Dali, Picasso mais également avec Fernand Léger. On pourra par exemple évoquer leur collaboration artistique dans le poème-objet « Liberté » (poème écrit en 1942, illustré en 1953 par Fernand Léger). PROPOSITIONS PEDAGOGIQUES AUTOUR DES ŒUVRES DE L'EXPOSITION L'horreur de la Première Guerre mondiale a profondément marqué les esprits et modifié la perception du monde : de nombreuses œuvres vont ainsi refléter ce traumatisme et chercher à explorer les méandres de l'esprit dans lesquels la raison se perd. Dans la continuité des dadaïstes, qui ont rejeté l'art bourgeois et la rationalité du langage, les surréalistes, refusant un art figé et recherchant un bouleversement esthétique, tendent donc, comme le titre de l'exposition consacrée à Fernand Léger, à « reconstruire le réel ». 1924 est une date charnière : Breton publie son Manifeste du surréalisme, nouvel art poétique prônant une morale de la révolte. Les surréalistes vont s'attacher à porter un nouveau regard sur les objets et les mots, les délivrant de leur fonction « utilitaire ». Si les recherches plastiques de Fernand Léger se distinguent de celles des surréalistes à cette époque, on peut cependant montrer des similitudes entre son travail des années 20 à 1946 et celui du mouvement surréaliste. grande ville. La force plastique des caractères d’imprimerie associée aux aplats colorés rappelle la fascination du peintre pour l’esthétique de la réclame. En écho au texte conçu par Cendrars comme un scénario de film, Léger joue de surprenants effets de cadrage et de gros plans qui évoquent au fil des pages le principe du fondu enchaîné. » (Source : site du Musée national Fernand Léger). 3 Oeuvres en ligne sur le site du Musée : Collections / Oeuvres en ligne / navig'art Musée des beaux-arts de Nantes / Exposition Fernand Léger : reconstruire le réel / Service des Publics / juin 2014 23 Différentes sections de l'exposition pourront donc conduire les élèves à s'interroger sur plusieurs aspects, dont deux essentiels dans la perspective d'une « reconstruction du réel » : les objets et la modernité. Les objets Les deux sections de l'exposition consacrées à l'objet (« contrastes d'objets » et « objets dans l'espace ») pourront être l'occasion d'un rapprochement entre l'oeuvre de Léger et certains préceptes surréalistes. La question de l'objet est centrale dans cette exposition consacrée à Fernand Léger : de nombreuses œuvres (tableaux, films) présentent ainsi des associations étonnantes d'objets, dans une perspective novatrice. Il sera intéressant d'amener les élèves à s'interroger sur le traitement de l'objet dans les œuvres de Léger et dans celles des surréalistes. Ainsi, André Breton définit la notion de « hasard objectif » comme une « forme de manifestation de la nécessité ». « Beau comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d'une machine à coudre et d'un parapluie. » : la célèbre citation de Lautréamont -dont Les Chants de Maldoror ont été redécouverts par les surréalistes- pourra ainsi constituer un point de départ à la réflexion des élèves sur les tableaux de Fernand Léger. PENDANT LA VISITE DE L'EXPOSITION − « Beau comme la rencontre fortuite de...................... et de........................ » : la citation de Lautréamont pourra faire l'objet de réécritures par les élèves (du collège comme du lycée), à partir d'un tableau de leur choix (par exemple : les « nature morte », « Composition à la main et aux chapeaux », « Contraste d'objets », « La Joconde aux clés », « Composition aux clés », …). − On pourra également proposer cet exercice en modifiant le premier ou les deux adjectifs de la citation : « …...............(Étrange / Étonnant/ …) comme la rencontre.......... (aléatoire / volontaire /...)de ….......... et de......................». Ces travaux d'écriture permettront aux élèves de formuler leurs impressions face aux tableaux, tout en créant des associations de mots inattendues, recréant une nouvelle réalité. On pourra également les faire travailler autour des contrastes, des oppositions et des rencontres aléatoires entre les objets, qui, représentés de façon « réaliste », sont pourtant détachés de leur contexte quotidien dans les tableaux et le film « Le ballet mécanique » de Fernand Léger. Supports à l'imaginaire (et pourquoi pas au lyrisme), ils offrent la possibilité de nombreux travaux avec des collégiens et des lycéens (étude de l'image filmique -les plans, en particulier le gros plan ; le rythme ; la place des objets, celle des personnages, ...- ; écriture : .présenter ce film « sans scénario » ; …). « J'ai pris des objet très usuels que j'ai transposés à l'écran en leur donnant une mobilité et un rythme très voulus et très calculés. Contraster les objets, des passages lents et rapides, des repos, des intensités, tout le film est construit là-dessus. » Fonctions de la peinture, « Autour du ballet mécanique », éd. Folio, p.137. Musée des beaux-arts de Nantes / Exposition Fernand Léger : reconstruire le réel / Service des Publics / juin 2014 24 APRES LA VISITE - Dans le prolongement de la visite de l'exposition, l'étude de « poèmes-objets » de Breton (Je voisJ'imagine) enrichira la réflexion sur l'association entre deux modes d'expression, l'un littéraire, l'autre non. -L'écriture de « cadavre exquis »4 pourra aussi être expérimentée, avec la contrainte d'utiliser des objets présents dans les tableaux de l'exposition. -On pourra aussi étudier le « collage », emprunté au cubisme et utilisé par les surréalistes pour rapprocher deux réalités distinctes et en recréer une nouvelle par leur rencontre « hasardeuse », toujours en partant des tableaux (ou des films) vus dans l'exposition. La modernité Dans la première partie du XXème siècle, les transformations du monde, les progrès techniques et industriels, entraînent une révolution artistique, rapidement infléchie par la Première puis la Seconde guerre mondiales. Les arts plastiques, la musique, la littérature vont ainsi s'attacher à rendre compte des transformations liées à la modernité puis à proposer une vision renouvelée, fragmentée, du monde. Les artistes vont alors produire des œuvres empruntant à plusieurs formes d'art ou expérimenter différents supports : la collaboration de Léger avec des artistes surréalistes, à la réalisation du film d'Hans Richter, Dreams that money can buy, est un bon exemple de ces œuvres collectives. L'exposition sera donc un support très riche pour réfléchir à la notion de modernité (à son éloge comme à sa critique). La modernité, à travers les objets et la « section New-Yorkaise » de l'exposition − Mener une réflexion autour de la place des objets sera crucial pour aborder la question de la modernité. On s'attachera en particulier à distinguer la façon dont les surréalistes recréent une réalité en provoquant la rencontre aléatoire des objets et le travail de Léger, relevant d'une association d'objets où le hasard ne semble pas avoir de place. − Il sera intéressant d'accompagner les élèves de l'identification des objets incarnant la modernité à la construction d'une définition de celle-ci. − La section new-yorkaise de l'exposition permettra une étude comparée des tableaux La feuille verte (1945) et Adieu New York (1946), autour du thème du rebut, dans deux paysages différents. La modernité dans les œuvres filmiques de l'exposition Le film de Fernand Léger, Le ballet mécanique, pourra constituer une autre étape de la réflexion sur la modernité. Si certains aspects du film montrent la fascination de l'artiste pour la technologie, d'autres peuvent aussi traduire une certaine défiance, voire une désillusion envers le monde « moderne ». De nombreux poètes, dans la première moitié du XXème siècle, témoignent de cette fascination-répulsion pour le monde moderne (on pourra choisir parmi les poèmes de Cendrars -par exemple « Les Pâques à New-York », en 1912- des textes abordant les mêmes questionnements). 4 Cadavre exquis : « jeu qui consiste à faire composer une phrase, ou un dessin, par plusieurs personnes sans qu'aucune d'elles puisse tenir compte de la collaboration ou des collaborations précédentes. » Dictionnaire abrégé du surréalisme. Musée des beaux-arts de Nantes / Exposition Fernand Léger : reconstruire le réel / Service des Publics / juin 2014 25 Propositions Au cours de l'exposition, les élèves pourront relever les différentes machines, les outils, utilisés dans le film, puis dans un second temps, on leur proposera un écrit argumentatif, les incitant à montrer quels aspects positifs et négatifs ressortent de ce support5 Dans Fonctions de la peinture, Léger nous dit que « La femme à la balançoire c'est la carte postale en mouvement. »6 . On pourra demander aux élèves de définir, dans l'un des deux films de l'exposition, une autre « carte postale en mouvement », montrant, selon eux, une image de la modernité7. La séquence du film d'Hans Richter, « The Girl with a Prefabricated Heart » (extrait de Dreams that Money Can Buy, film collectif auquel a contribué Fernand Léger), pourra également être exploitée, en lien avec des thèmes chers aux surréalistes : la modernité et les machines, le quotidien dans la ville, mais également la fascination pour les mannequins ou les poupées au corps démembré. L'écriture automatique, la place du rêve et la thématique de la femme s'inscriront dans la continuité de la réflexion sur la modernité artistique. 5 Exemple de sujet d'écriture : « Quelle(s) image(s) de la modernité nous présente « Le ballet mécanique» de Fernand Léger ? ». 6 . Fonctions de la peinture, « Autour du ballet mécanique », éd. Folio, p.138. 7 Pour élargir la réflexion, dans le cadre d'une séquence sur la modernité, on pourra également citer un film d'Eugène Deslaw (1899-1966), La Marche des machines (1929), présentant plusieurs similitudes avec celui de Fernand Léger. Film cinématographique, silencieux, il présente « un ballet mécanique de machines dans l'architecture métallique industrielle du début du XXe siècle » (cartel de l'oeuvre, exposée au Centre Pompidou, à Paris). Une étude comparée des deux supports filmiques pourrait être proposée aux élèves, toujours dans la perspective d'une réflexion sur l'image de la modernité. Musée des beaux-arts de Nantes / Exposition Fernand Léger : reconstruire le réel / Service des Publics / juin 2014 26 Histoire FERNAND LEGER, UN ARTISTE TEMOIN DE SON TEMPS Le programme d'histoire de la classe de troisième cite Fernand Léger - en compagnie de peintres comme Pablo Picasso, Otto Dix ou Andy Warhol... - comme l'un des artistes du XXe siècle permettant une étude transversale sur le thème les arts témoins de l'histoire du monde contemporain. A travers sa vie et nombre de ses œuvres, en troisième ou en première, Fernand Léger peut en effet servir de support à des activités permettant d'enrichir le travail des élèves sur certains points du programme d'histoire en lien avec l'histoire des arts. Entrées dans les programmes d'histoire Collège, classe de troisième - Thème introductif : un siècle d'innovations scientifiques et technologiques - Partie I : guerres mondiales et régimes totalitaires, thème 1, la Première Guerre mondiale, vers une guerre totale. - Partie III : vie politique et société en France Les années 1930, la République en crise et le Front populaire ; effondrement et la refondation républicaine, 1940-1946 Lycée, classe de première Thème 2 : la guerre au XXe siècle la Première Guerre mondiale : l'expérience combattante dans une guerre totale Thème 5 : les Français et la République La République et la question ouvrière : le Front populaire ÉTUDIER L'HISTOIRE ET L'ART DU XXE SIECLE A TRAVERS LA VIE ET L'ŒUVRE DE FERNAND LEGER Comment exploiter l'exposition dans les cours d'histoire ? L'exposition Fernand Léger : Reconstruire le réel est dominée par la question de l'objet dans l'œuvre de Fernand Léger. Elle rend compte des préoccupations formelles qui dominent la création de l'artiste en résonance avec les avant-gardes du début du XXe siècle, cubisme, futurisme, surréalisme. Léger est un artiste de la modernité, obsédé par la machine, la vie urbaine, la vitesse. Il se passionne pour le cinéma que ce soit celui de Chaplin ou celui du documentariste scientifique Jean Painlevé. Au-delà de ses aspects formels et novateurs, son œuvre porte aussi la trace des grands événements historiques auxquels l'artiste fut confronté. En classe, la visite de l'exposition pourra être précédée par un travail autour de la biographie de l'artiste : Fernand Léger a participé à la Première Guerre mondiale et, s'il n'est pas à proprement parler un artiste engagé, il fut un sympathisant du Front populaire, s'exila aux États-Unis pendant la période de l'occupation et prit sa carte du Parti communiste français après la Libération comme le firent beaucoup de ses contemporains, artistes et intellectuels. Musée des beaux-arts de Nantes / Exposition Fernand Léger : reconstruire le réel / Service des Publics / juin 2014 27 En cours d'année, la visite de l'exposition pourra être prolongée par l'étude de dessins ou de tableaux en liens avec quelques aspects du programme d'histoire. - La Première Guerre mondiale et l'expérience combattante Mobilisé en 1914, Fernand Léger réalise de nombreux dessins alors qu'il est sur le front comme sapeur puis comme brancardier dans le secteur de Verdun. Malgré son extrême dureté, la guerre est pour lui une expérience humaine très riche. Il raconte dans ses lettres les rencontres qu'elle lui permet de faire avec des hommes de toutes origines et de toutes catégories sociales. http://mediation.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-leger/ENS-leger.html http://www.centrepompidou.fr/cpv/ressource.action?param.id=FR_Rd8db537dfaef6c236b2e2571e80a34d¶m.idSource=FR_O-a32538c1e362f0f722c3f745df68a6f0 http://lewebpedagogique.com/imagesdeguerre/2011/09/24/3h1-la-partie-de-cartes-de-fernand-leger-1917/ Après sa démobilisation en 1917, Léger réalise à partir de ces dessins une grande composition à l'huile, La Partie de cartes (Musée Kröller-Müller, Otterlo), qui reprend le thème traditionnel des joueurs de cartes (Georges de La Tour, Cézanne, Dix, etc.). C'est une peinture « tubulaire » montrant des soldats sans visages, sans regards. Les corps de ces « hommes-machines » sont formés de cônes, de tubes, de cylindres dont l'aspect métallique rappelle les canons. Fernand léger « souhaite, par ce tableau, montrer la dimension à la fois inhumaine de la guerre avec l'éclatement des formes mais également la dimension humaine des soldats-joueurs. De plus son activité artistique au front démontre ce besoin de créer pour survivre, exister et ne pas devenir fou face aux atrocités vécues lors des combats. » http://sepia.ac-reims.fr/clg-ay/-spip-/IMG/UserFiles/Files/corlfi.pdf Dans ses représentations des poilus, Léger donne à la guerre son caractère « abstrait » par l’élimination de l’humain. « Cette guerre-là, c’est linéaire et sec comme un problème de géométrie. Tant d’obus en tant de temps sur telle surface, tant d’hommes par mètre et à l’heure fixe en ordre. Tout cela se déclenche mécaniquement. C’est l’abstraction pure, plus pure que la peinture cubiste. » Ainsi pour Léger, « il n’y a pas plus cubiste qu’une guerre comme celle-là qui te divise plus ou moins proprement un bonhomme en plusieurs morceaux et qui l’envoie aux quatre points cardinaux ». http://www.histoire-image.org/site/etude_comp/etude_comp_detail.php?i=797 Citation tirée de Fernand LÉGER, « Une correspondance de guerre à Louis Poughon, 1914-1918 », éd. Christian Derouet in Les Cahiers du musée national d’Art moderne, hors-série, 1990. Autres sites à consulter http://www.memorial-caen.fr/10EVENT/EXPO1418/fr/texte/029text.html http://www.histoire-image.org/site/etude_comp/etude_comp_detail.php?i=797http://sepia.ac-reims.fr/clgay/-spip-/IMG/UserFiles/Files/corlfi.pdf - Le Front populaire et le développement des loisirs L'expérience du Front populaire marque profondément Fernand Léger et le conduit à orienter son art vers une nouvelle forme de réalisme. Si Léger a souvent célébré le travail dans son œuvre, de 1948 à1949, il réalise plusieurs tableaux sur le thème des loisirs dont Les Loisirs sur fond rouge (Musée national Fernand Léger, Biot, Musée des beaux-arts de Nantes / Exposition Fernand Léger : reconstruire le réel / Service des Publics / juin 2014 28 http://www.musees-nationaux-alpesmaritimes.fr/fleger/), dans lequel il rend hommage à David. Le tableau date de 1949 mais il évoque évidemment le Front populaire et la loi sur les premiers congés payés votée pendant l'été 1936 qui permit à de nombreux travailleurs de partir en vacances. http://pedagogie.ac-toulouse.fr/col-aussonne/IMG/pdf/hda_liberte.pdf - La Résistance et la Libération Pendant l'occupation, Fernand Léger est en exil aux États-Unis. En 1953, il illustre le célèbre poème de Paul Eluard Liberté qui avait été publié en 1942 dans la clandestinité (Poème-objet conservé au Musée national d'art moderne, Centre Georges Pompidou, Paris). http://pedagogie.ac-toulouse.fr/col-aussonne/IMG/pdf/hda_liberte.pdf http://www.acgrenoble.fr/college/lesemnoz.seynod/IMG/pdf/hda_liberte_eluard_leger_doc_final_pour_3e2.pdf - La Reconstruction Le tableau Les constructeurs peint en 1950 (Musée national Fernand Léger, Biot) est un symbole de la période de reconstruction après la Seconde Guerre mondiale et constitue une « allégorie de l'homme au travail ». A travers ce type de sujet, Léger cherche à produire « un art direct qui s'adresse avant tout aux travailleurs ». http://clg-achicourt.etab.ac-lille.fr/IMG/pdf/Fiche-HDA_Leger-les-constructeurs.pdf Fernand Léger a réalisé de nombreuses études préparatoires pour le tableau et exécuté de nombreuses variantes du même thème. Le Musée des Beaux-arts de Nantes possède deux lithographies de Léger déclinant ce thème des constructeurs. http://www.collection.museedesbeauxarts.nantes.fr/Navigart/images/image_fset.php?iid=0&maxh=860&is_s el=0&aid=780&ord=title&sl=L%C9GER - Autres thèmes possibles : la ville et la société de consommation La ville moderne, ses gratte-ciel, ses publicités, constitue un thème majeur dans l'œuvre de Léger. Dans les années 1920, il produit de nombreux tableaux sur ce sujet comme par exemple Les disques dans la Ville (Musée national d'art moderne, Centre Georges Pompidou, Paris). Le Musée des Beaux-arts de Nantes conserve une lithographie de 1959 de la série La ville intitulée L'Homme dans la ville. En 1946, Fernand Léger réalise Adieu New York (Musée national d'art moderne). Ce tableau est un curieux hommage à la ville qu'il s'apprête à quitter. Il y représente des objets hétéroclites, déchets d'une société de consommation qui commence à se développer aux États-Unis. « Vous savez les USA est un pays où les décharges sont innombrables. On jette tout plutôt que de réparer. Alors, vous voyez ici, des morceaux de ferraille, des bras de machine et même des cravates. Ce que j'aimais làbas, c'est faire des toiles éclatantes avec tout cela. » http://mediation.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-leger/ENS-leger.html Musée des beaux-arts de Nantes / Exposition Fernand Léger : reconstruire le réel / Service des Publics / juin 2014 29 BIOGRAPHIE DE FERNAND LEGER 1881 : Naissance de Fernand Léger à Argentan en Normandie. 1900 : A dix-neuf ans, il s’installe à Paris où il suit des cours de peinture, notamment à l’Académie Julian, et travaille chez un architecte et un photographe. 1907 : Expose pour la première fois au Salon d’automne. 1909 : S’installe à la Ruche où il rencontre Delaunay, Archipenko, Soutine, Chagall, Cendrars… 1911 : Il commence à fréquenter les théoriciens du Cubisme, Gleizes et Metzinger, et les frères Duchamp. Ensemble, ils forment le groupe de la Section d’or. 1912 : Ses expositions se multiplient, à Paris comme à l’étranger. 1913 : Participe à l’Armory Show de New York. La même année, il signe un contrat avec la galerie Kahnweiler. 1914 : Léger est mobilisé le 2 août et part au front dix jours plus tard. 1917 : Hospitalisation à Paris puis à Villepinte. Signature de son contrat avec la Galerie de l’Effort moderne de Léonce Rosenberg qui le représentera pendant dix ans. Peint La partie de carte. 1918 : Léger est réformé. 1922 : Création de décors pour les Ballets suédois et pour le film de Marcel L’Herbier L’Inhumaine, pour lequel il collabore avec Robert Mallet-Stevens et Pierre Chareau. 1924 : Réalisation avec le cinéaste Dudley Murphy de Ballet mécanique, film sans scénario, composé à partir des contrastes d’images. 1925 : Collabore avec Delaunay, Barillet, Laurence et Mallet-Stevens à la réalisation du hall d’entrée du pavillon français pour l’Exposition internationale des arts modernes décoratifs et industriels de Paris. Il participe aussi à la Revue L’Esprit nouveau de Le Corbusier et Ozenfant. 1931 : Premier voyage aux Etats-Unis à l’invitation de Gérald Murphy. Rencontre avec Simone Hermann. 1935 : Travaille avec Charlotte Perriand pour l’Exposition internationale qui se tient à Bruxelles. Rétrospective de son œuvre au MoMA de New York. 1936 : Il sympathise avec le Front populaire. 1937 : Participation à l’Exposition internationale des arts et des techniques de la vie moderne où il réalise des panneaux muraux pour la CGT. Exposition Léger-Calder à Helsinki et rencontre avec Alvar Aalto. 1940 : Il s’embarque pour New York où il séjournera durant les années de guerre et sera très actif. 1945 : Adhère au parti communiste français dont il deviendra un artiste phare avec Picasso. 1946 : Retour en France et exposition des œuvres réalisées aux États-Unis à la galerie Louis Carré. Il commence le chantier de la façade de l’Église Notre-Dame de Toute Grâce du plateau d’Assy, près de Chamonix. Peint Adieu New York. 1949 : Rétrospective au Musée national d’art moderne à Paris. Peint Les loisirs sur fond rouge. 1950 : Peint Les Constructeurs. 1953 : Illustre le poème de Paul Eluard, La liberté. 1954 : Nombreux chantiers monumentaux, par exemple pour l’Université de Caracas ou pour Gaz de France à Alfortville. 1955 : Il meurt le 17 août. Adapté d'un document du service médiation du Centre Georges Pompidou http://mediation.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-leger/ENS-leger.html Les passages surlignés en jaune correspondent aux différents moments de la biographie de Léger et aux œuvres offrant des liens avec les programmes d'histoire Musée des beaux-arts de Nantes / Exposition Fernand Léger : reconstruire le réel / Service des Publics / juin 2014 30 BIBLIOGRAPHIE • Léger, Les grands plongeurs noirs, Collection L’art en jeu, Centre Georges Pompidou, 1990 • Fernand Léger, Peindre la vie moderne, Pierre Arnauld, Gallimard Découvertes, 1997 • Fernand Léger, Fonctions de la peinture, 1965, Folio essais n°309. • Pierre Daix, Les surréalistes, 1917-1932, Hachette Littératures (collection Pluriel). • Gaston BACHELARD, La poétique de l'espace, 1957 SITOGRAPHIE • Dossier pédagogique Fernand Léger du Centre Pompidou http://mediation.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-leger/ENS-leger.html • Musée national Fernand Léger à Biot http://www.musees-nationaux-alpesmaritimes.fr/fleger/ • Fernand LEGER, dossier d’œuvre, Alexandre HOLIN – guide conférencier au LaM • Le Centre de Recherches sur le Surréalisme (Université de Paris III) propose de nombreux documents et liens autour de ce mouvement : melusine.univ-paris3.fr • Sur le site Histoire des Arts de l'académie.... Quel est l'impact de la machine sur l'homme ? : Une série de séquences disciplinaires décline cette question. Musée des beaux-arts de Nantes / Exposition Fernand Léger : reconstruire le réel / Service des Publics / juin 2014 31