Récompense : sort des deniers placés sur un

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Récompense : sort des deniers placés sur un
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Récompense : sort des deniers placés sur un compte
propre à l’un des époux
le 9 mars 2012
CIVIL | Mariage - Divorce - Couple
Si, dans le cadre d’un divorce, la communauté doit récompense à l’époux lorsqu’elle a encaissé des
fonds qui lui sont propres, la preuve d’un tel encaissement n’est pas établie par le seul fait que les
deniers aient été placés sur un compte propre ayant en partie servi au paiement des charges
communes.
Civ. 1re, 15 févr. 2012, F-P+B+I, n° 11-10.182
La fongibilité de l’argent fait obstacle à toute tentative de traçabilité et impose, par là-même, une
approche globale. Cet axiome trouvant à s’appliquer en tous domaines, la liquidation des intérêts
de la communauté résultant du mariage ne saurait y échapper. C’est, en quelque sorte, ce que
nous rappelle la Cour de cassation à travers la présente décision.
En l’espèce, un époux reprochait à la cour d’appel de Paris de l’avoir débouté de sa demande de
récompense au titre de l’encaissement par la communauté de fonds qu’il estimait lui être propres.
D’après le pourvoi, la perception de sommes d’argent au bénéfice de la communauté était
démontrée par l’encaissement de fonds propres sur un compte, certes, ouvert au nom de l’auteur
du pourvoi, mais mis au service des deux époux. L’époux reprochait ainsi aux juges d’avoir exigé
qu’il fasse la démonstration de l’utilisation de ses fonds au bénéfice de la communauté. Une telle
preuve étant, selon le pourvoi, superfétatoire au regard de l’utilisation commune du compte
bancaire du mari. La Cour de cassation rejette le pourvoi en approuvant la cour d’appel d’avoir mis
en évidence la double utilisation du compte litigieux. En effet, s’il n’est pas contesté que le compte
ouvert au nom de l’époux a servi à faire face aux dépenses courantes de la vie de famille, il a
également été relevé que ce même compte ne servait pas exclusivement l’intérêt commun, mais
avait été le support d’opérations réalisées au seul bénéfice du titulaire du compte. La première
chambre civile en tire comme conséquence l’impossibilité de déterminer une règle générale
tendant à affirmer que tous les fonds présents sur le compte ont bien été perçus par la
communauté.
Ainsi, la haute juridiction souligne que « le profit tiré par la communauté résultant de
l’encaissement […] des deniers propres d’un époux ne peut être déduit de la seule circonstance
que ces deniers ont été versés, au cours du mariage, sur un compte bancaire ouvert au nom de cet
époux ».
Depuis le revirement qu’elle a opéré en 2005 (Civ. 1re, 8 févr. 2005, n° 03-15.384 et 03-13.456, D.
2005. 592 ; ibid. 2114, obs. V. Brémond, M. Nicod et J. Revel ; AJ fam. 2005. 149, obs. P. Hilt ;
RTD civ. 2005. 445, obs. B. Vareille ), la première chambre civile considère que l’encaissement de
deniers propres par la communauté fait présumer le droit à récompense tel que le définit l’article
1433 du code civil. La question s’est donc déplacée sur le terrain de la preuve de cet encaissement.
Sur ce point, il est jugé que si les deniers propres ont alimenté un compte bancaire ouvert aux
noms des deux époux, la preuve de l’encaissement est établie et, en conséquence, le profit tiré par
la communauté des fonds propres peut être présumé et ouvrir droit à récompense (Civ. 1re, 22 nov.
2005, n° 02-19.283, AJ fam. 2006. 76, obs. P. Hilt ; 28 nov. 2006, n° 04-17.147, D. 2006. 3010 ;
ibid. 2007. 2126, obs. V. Brémond, M. Nicod et J. Revel ; AJDI 2007. 562, obs. C. Denizot ; AJ fam.
2007. 42, obs. P. Hilt ). Pour s’opposer à celle-ci, il conviendra de démontrer l’emploi ou le réemploi
des sommes litigieuses.
À l’inverse, dès lors que les deniers propres ont été versés sur un compte ouvert au nom d’un seul
époux, leur encaissement par la communauté n’est pas établi (Civ. 1re, 8 nov. 2005, 03-14.831, D.
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2005. 2897 ; ibid. 2006. 2066, obs. V. Brémond, M. Nicod et J. Revel ; AJ fam. 2006. 33, obs. P.
Hilt ; RTD civ. 2006. 814, obs. B. Vareille ; ibid. 815, obs. B. Vareille ).
Mais qu’en est-il lorsque le compte personnel d’un époux n’a pas toujours été utilisé dans le seul
intérêt de celui-ci mais a également été mis au service de la communauté ? C’est en effet cette
hypothèse que recouvre la situation ayant donné lieu au présent arrêt. Des deniers présents sur le
compte ouvert au nom du mari ont incontestablement été utilisés pour les besoins du ménage.
Faut-il alors faire fi de la propriété du compte et privilégier son utilisation pour permettre le recours
à la présomption, ou faut-il, au contraire, s’attacher au seul caractère personnel du compte ?
C’est à cette deuxième conception que se rattache l’arrêt puisqu’il approuve la Cour d’appel de ne
pas avoir fait droit à la demande de récompense dès lors qu’il est avéré que le compte a, au moins
partiellement, servi à des opérations n’intéressant pas la communauté mais le seul titulaire du
compte.
Dans cette hypothèse la présomption disparaît et la charge de la preuve se trouve inversée puisque
c’est au titulaire du compte de démontrer que les sommes litigieuses ont bien servi les intérêts de
la communauté.
Si la Cour de cassation avait déjà eu l’opportunité de préciser que ce n’est pas parce que des
sommes sont déposées sur un compte ouvert au nom d’un seul individu qu’elles sont
nécessairement propres à celui-ci (Civ. 1re, 9 juill. 2008, n° 07-16.545, AJ fam. 2008. 438, obs. P.
Hilt ; RTD civ. 2009. 158, obs. B. Vareille ), elle apporte ici la précision symétrique selon laquelle
des sommes versées sur un compte à l’usage du ménage ne profitent pas nécessairement à la
communauté.
Site de la Cour de cassation
par N. Le Rudulier
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