Le « calendrier des Français » ou calendrier révolutionnaire L

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Le « calendrier des Français » ou calendrier révolutionnaire L
Le « calendrier des Français » ou calendrier révolutionnaire
L’invention du « calendrier des Français » est progressive. Au lendemain de la prise de la Bastille,
il est d’usage d’appeler 1789, « l’An I de (l’ère de) la Liberté ».
Le 22 septembre 1792, jour de l'équinoxe d'automne, la Convention
proclame la Première République et l’An I d’une nouvelle époque (par
opposition à l’Ancien Régime) : « Tous les actes publics sont désormais datés à
partir de l'An I de la République ». Le 20 septembre 1793, le
mathématicien, député du Puy-de-Dôme, Charles-Gilbert Romme,
rapporteur du groupe de travail nommé par le Comité d'instruction
publique, présente devant la Convention un projet de calendrier, qui
entre en vigueur le 14 vendémiaire An II (6 octobre 1793). Il est publié
pour la première fois le 4 frimaire An II (24 novembre 1793). Les
députés menacent de la guillotine quiconque s'exprimerait selon
l'ancien calendrier, hérité de Jules César et modifié par le pape Grégoire
XIII.
Le nouveau calendrier n’est pas sans poser quelques difficultés d’adaptation au nouveau
découpage du temps. Les ouvriers ne travaillaient pas le dimanche, selon la tradition ancienne, et
chômaient le décadi, selon la tradition nouvelle. Les petits patrons commencent à se plaindre de
la fainéantise de certains ouvriers. Dans les campagnes, l’attachement au calendrier grégorien
reste fort, en particulier en ce qui concerne les choix des prénoms des nouveau-nés. Toutefois, le
calendrier républicain est bien accueilli dans les campagnes d’Ile de France.
Le 22 fructidor An XIII, Napoléon Ier signe le sénatus-consulte abrogeant le calendrier
républicain et signe ainsi le retour du calendrier grégorien rendu effectif le 1er janvier 1806.
Toutefois, celui-ci fait une brève réapparition pendant la Commune de Paris du 6 au 23 mai 1871
(An LXXIX), dans le Journal officiel. Le philosophe grec Theóphilos Kaíris s'en inspira pour son
calendrier théosébiste dans les années 1830.
La Révolution fait de la France un État laïc. Le calandrer doit permettre d’effacer de la mémoire
collective le calendrier grégorien et ses noms de saints, son repos dominical et ses fêtes
religieuses. Le nouveau découpage du temps repose sur le système décimal.
« La régénération du peuple français, l'établissement de la République, ont entraîné nécessairement la réforme de
l'ère vulgaire. Nous ne pouvions plus compter les années où les rois nous opprimaient, comme un temps où nous
avions vécu.
Les préjugés du trône et de l'église, les mensonges de l'un et de l'autre, fouillaient chaque page du calendrier dont
nous nous servions. Vous avez réformé ce calendrier, vous lui en avez substitué un autre, où le temps est mesuré
par des calculs plus exacts et plus symétriques » (Fabre d’Églantine).
Un nouveau découpage du temps
Débutant à l'équinoxe d'automne (22 ou 23 septembre), l’année est divisée en douze mois de
trente jours. Ils reçoivent des noms évocateurs du climat français ou des moments importants de
la vie paysanne. Alors qu’il se voulait universel, le calendrier reste fortement lié à la nation qui l’a
fait naître. Les mois sont complétés par cinq ou six jours consacrés à des fêtes patriotiques, les «
sanculottides ».
Les mois révolutionnaires :
 Les mois d’automne (terminaison en « aire ») :
 Vendémiaire (22 septembre ~ 21 octobre) : période des vendanges
 Brumaire (22 octobre ~ 20 novembre) : période des brouillards
 Frimaire (21 novembre ~ 20 décembre) : période des froids (frimas)
 Les mois d’hiver (terminaison en « ose » à l'origine, abusivement orthographiée « ôse » par la suite) :
 Nivôse (21 décembre ~ 19 janvier) : période de la neige
 Pluviôse (20 janvier ~ 18 février) : période des pluies
 Ventôse (19 février ~ 20 mars) : période des vents
 Les mois du printemps (terminaison en « la ») :
 Germinal (21 mars ~ 19 avril) : période de la germination
 Floréal (20 avril ~ 19 mai) : période de l'épanouissement des fleurs
 Prairial (20 mai ~ 18 juin) : période des récoltes des prairies
 Les mois d’été (terminaison en « idor ») :
 Messidor (19 juin ~ 18 juillet) : période des moissons
 Thermidor (19 juillet ~ 17 août) : période des chaleurs
 Fructidor (18 août ~ 16 septembre) : période des fruits
Les douze mois du calendrier républicain
Les Jours complémentaires ou « sanculottides »
1er jour complémentaire
Fête de la Vertu (17 septembre)
2e jour complémentaire
Fête du Génie (18 septembre)
3e
jour complémentaire
Fête du Travail (19 septembre)
4e
jour complémentaire
Fête de l'Opinion (20 septembre)
5e jour complémentaire
Fête des récompenses (21 septembre)
Tous les quatre ans (année bissextiles), un 6e jour complémentaire est consacré au « Jour de la
Révolution ».
Les mois sont subdivisés en trois semaines (des décades), de dix jours. Le nom des jours
correspondait à leur chiffre dans l'ordre de numérotation : primidi, duodi, tridi, quartidi, quintidi,
sextidi, septidi, octidi, nonidi, décadi. Ils ne sont plus consacrés à des saints mais à des produits du
terroir comme « châtaigne, chèvre, abeille, sarcloir...». Le dernier jour de chaque décade correspondait
à un jour de repos.
Quelques noms associés aux jours de messidor :
1.
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14.
15.
Seigle
Avoine
Oignon
Véronique
Mulet
Romarin
Concombre
Échalote
Absinthe
Faucille
Coriandre
Artichaut
Girofle
Lavande
Chamois
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20.
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22.
23.
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26.
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29.
30.
Tabac
Groseille
Gesse
Cerise
Parc
Menthe
Cumin
Haricot
Orcanète
Pintade
Sauge
Ail
Vesce
Blé
Chalémie
La journée comportait dix heures découpées en dix parties elles-mêmes décomposables en dix
parties, ainsi de suite « jusqu’à la plus petite portion commensurable de la durée ». Cette division décimale
de la journée ne fut jamais appliquée et abolie en 1795 (entre l'An III et l'an IV).
Les noms associés aux jours du calendrier républicain ont été choisis par le poète Philippe
François Nazaire Fabre, dit Fabre d'Églantine (1750-1794), auteur de la chanson enfantine «Il
pleut, il pleut, bergère...», avec l’aide du jardiner du Jardin des Plantes de Paris, André Thouin. Ils
sont choisis parmi les noms de fleurs, d'arbres, de plantes diverses, d'animaux et d'outils agricoles.
Fabre d'Églantine s’inspire, pour les noms des mois du rythme des saisons et des événements
naturels qui y sont associés.
Calendrier révolutionnaire établi et signé par Fabre d’Églantine (Paris, CHAN)
Dans les registres de l’État civil, les prénoms relevés sont empruntés au calendrier révolutionnaire
mais bien plus à la période révolutionnaire même. Ainsi, une fillette fut-elle nommée
« Montagnarde », une autre « Valmy » (en référence à la bataille). L'Antiquité est également une
source de prénoms : Brutus, César, Agricola, Scipion… La loi du 11 germinal An XI (1er avril
1803) stipule une nouvelle utilisation des prénoms. Seuls sont autorisés ceux contenus dans le
calendrier grégorien ou ceux de personnages historiques, les prénoms inscrits au calendrier
républicain étant proscrits. De sorte que les Thimèle, Zorobabel, Cerise, Prune, Belle de nuit
disparaissent.
Source :
 Fabre d’Églantine, Rapport sur le calendrier révolutionnaire, 24 octobre 1793
http://www.royet.org/nea1789-1794/archives/science-artculture/sciences_fabre_calendrier_1793_10_24.htm