La soprano australienne Joan Sutherland est morte

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La soprano australienne Joan Sutherland est morte
La soprano australienne Joan Sutherland est morte
La soprano australienne Joan Sutherland, en 1997
L'une des plus fameuses et exemplaires cantatrices du XX e siècle vient de mourir,
dimanche 10 octobre, à Genève, des suites d'une "longue maladie". Née le 26 novembre
1926 à Sydney, en Australie, Dame Joan Sutherland avait 83 ans. Elle s'était arrêtée de
chanter depuis vingt ans exactement, mais était restée, grâce à ses nombreux
enregistrements, un mythe du chant international. Notamment depuis ses débuts au
Théâtre de la Fenice de Venise, en 1960, qui lui valurent l'admiratif sobriquet de "la
Stupenda" ("l'Epoustouflante"), puis, au fil d'une carrière jalonnée par l'interprétation des
rôles du bel canto italien les plus acrobatiques, celui de "La voix du siècle".
Dotée d'un timbre chaud, d'une tessiture qui lui permettait de
descendre jusqu'à certaines notes de contralto et de grimper
largement au dessus du contre-ut, la soprano sera notamment
connue pour ses interprétations des ouvrages de Donizetti et
Bellini.
Sa première apparition publique professionnelle remonte à 1947,
lorsqu'elle chante Didon dans Didon et Enée de Henry Purcell, à
Sydney. Après quelques années d'études complémentaires à
Londres, elle intègre, en 1952, la troupe de l'Opéra royal de
Covent Garden, dans le modeste rôle de la première des Trois Dames de La Flûte enchantée
de Mozart. Mais très vite, l'institution lyrique britannique lui confie un premier rôle dans un
autre opéra de Mozart, celui de la Comtesse des Noces de Figaro, dans lequel elle emporte la
mise et reçoit des critiques dithyrambiques.
En 1954, elle retrouve à Londres un jeune pianiste et chef de chant compatriote, Richard
Bonynge, de quatre ans son cadet, et l'épouse. Bonynge devient son mentor, l'aide à vaincre
sa modestie naturelle et la convainc qu'elle est une chanteuse véritablement exceptionnelle.
C'est avec lui qu'elle travaillera le plus souvent, au concert, à
l'opéra et au disque, quand celui-ci deviendra chef d'orchestre, à
partir de 1962. Ensemble, ils défricheront un vaste répertoire,
parfois méconnu ou oublié : celui du bel canto italien, mais aussi
de l'opéra français du XIXe siècle, comme Les Huguenots, de
Meyerbeer, qu'elle enregistrera pour Decca, sa maison principale,
et dans lesquels elle fera ses adieux à la scène en 1990, ou
Esclarmonde, de Massenet, dont elle considérait l'enregistrement
comme l'un de ses meilleurs disques.
2/2 - La soprano australienne Joan Sutherland est morte
CALLAS LUI PRÉDIT UNE BELLE CARRIÈRE
Alors qu'à Covent Garden elle avait plus ou moins tout chanté
(jusqu'à Wagner : certains voyaient même en elle une soprano
dramatique tant sa voix était large), son mari lui fait entendre
Maria Callas et la persuade qu'elle est faite pour chanter, mieux
encore, le répertoire de la célèbre diva. Bonynge aidera son épouse
à travailler une voix de soprano colorature qui deviendra célèbre
pour son ambitus de près de trois octaves. Après une sérieuse
préparation, elle triomphe dans Lucia di Lammermoor, de
Donizetti en 1959, à Covent Garden.
Callas, qui avait assisté à la générale, lui prédit une belle carrière,
tout en rappelant que, dans ce répertoire, elle-même restait la meilleure des deux... Ceux qui
aimaient l'engagement dramatique intense de Callas dans des rôles qui n'étaient pas toujours
idéalement destinés à sa voix reprochaient à Sutherland un chant trop "lisse" et une présence
scénique moins irradiante. La diction un rien molle de la soprano australienne fut aussi son
défaut le plus communément relevé.
En 1960, pour Decca, au faîte de ses moyens, elle enregistre l'un des ses meilleurs récitals,
L'Art de la Prima Donna, puis, trois ans plus tard, L'Age du bel
canto.
En 1961, elle débute à New York dans un ouvrage rare de
Bellini, Beatrice di Tenda, et rechante dans la foulée Lucia di
Lammermoor, rôle avec lequel elle avait également fait ses
débuts, quelques mois plus tôt, à l'Opéra de Paris et à la Scala
de Milan.
En 1963, le couple fait la connaissance d'un jeune ténor italien
encore inconnu dont il repèrent immédiatement le talent –
qu'elle juge "absolument phénoménal" : Luciano Pavarotti
(1935-2007). Sutherland et Bonynge le feront travailler et l'engageront, en 1965, pour une
immense tournée de quatorze semaines en Australie. Pavarotti répétera souvent combien il
avait appris de la technique de chant en écoutant et observant cette cantatrice exceptionnelle
et exemplaire. Avec lui, Dame Joan enregistrera notamment une version fameuse de La Fille
du régiment de Donizetti, pour Decca, et chantera souvent au Metropolitan Opera de New
York. C'est avec son fidèle ami qu'elle s'y produira, une dernière fois, en 1987, dans Le
Trouvère, de Verdi.
Aimée de ses partenaires, dotée d'un caractère d'une grande
gentillesse et d'une trop grande modestie, celle qui fut l'une des
divas les plus admirées de la planète se retirera, à 63 ans, dans son
chalet près de Vevey, en Suisse, à deux pas de son ami le
compositeur et auteur dramatique Noel Coward (1899-1974). Les
dernières années de sa vie seront consacrées à des classes de
maître, des jurys de concours internationaux et à sa passion pour
le... crochet et la broderie.
Source Le Monde.fr