Danseur étoile cherche galaxie

Transcription

Danseur étoile cherche galaxie
MERCREDI 15 FÉVRIER 2012 L'EXPRESS - L’IMPARTIAL
CINÉMA
Meryl en Margaret
PATHÉ
Dans «La dame de fer», Meryl Streep
endosse le rôle de Margaret Thatcher
avec un talent hors du commun.
PAGE 16
LE MAG
CRÉATION «Sirius, mon alter ego», un spectacle du Neuchâtelois Pierre-Yves Diacon.
Danseur étoile cherche galaxie
POSTURE HIP-HOP
Dans «Sirius, mon alter ego», Pierre-Yves Diacon et sa «coéquipière miroir» Kristina Veit explorent les facettes de l’altérité à travers un langage corporel et émotionnel original. SP
CATHERINE FAVRE
Vu de la Terre, Sirius est
l’étoile la plus brillante après le
Soleil. C’est aussi un astre binaire aux doubles composantes.
Jouant sur cette altérité parfaite,
les danseurs Pierre-Yves Diacon
et Kristina Veit réinventent les
lois de la gravitation. Dans leur
création, «Sirius, mon alter
ego», à voir ce week-end à l’Espace danse de la rue de l’Evole,
l’artiste neuchâtelois et sa «coéquipière miroir» de Francfort
intègrent au postulat de Newton des facteurs impromptus,
tels les sentiments humains, la
question de l’identité, de l’individualité et de cet autre soimême tapi en chacun de nous.
Attention, il s’agit de danse
con-tem-po-rai-ne! Mais les
préjugés inhérents à un art expérimental, Pierre-Yves Diacon
en a l’habitude; il les démonte
patiemment, un à un – après
1h30 d’entretien, notre interlocuteur n’a de loin pas fait le tour
du sujet.
Mondes transversaux
Sans sectarisme aucun, le
créateur, issu de la scène hiphop chaux-de-fonnière, rêve
juste de «favoriser l’ouverture des
possibles» hors des schémas
convenus de l’esthétisme et de
l’esbroufe. Et même s’il pratique
toujours la breakdance, c’est
bien à la rencontre «du corps mis
en scène» qu’il s’est reconverti.
Formé à la chorégraphie à
Amsterdam, Pierre-Yves Diacon
a fondé en 2008, à Neuchâtel,
les Mondes transversaux, structure de création à géométrie variable, modulable. «Une voie alternative à une compagnie» qui
lui permet de diversifier ses
champs d’investigation, en
créant ses propres performances ou en s’associant à d’autres
artistes au gré de projets menés
tant en Suisse qu’à l’étranger.
Ainsi, en ouverture du festival
Hiver de danses, en octobre dernier, le public neuchâtelois a pu
le voir en interprète au sein de
la compagnie tessinoise de Tiziana Arnaboldi. Ce week-end,
le revoilà dans «Sirius». Lui e et
Kristina Veit – une des artistes à
l’origine de ID Frankfurt, vérita-
On n’essaie pas d’aller
«contre
une certaine idée
de l’esthétisme...»
PIERRE-YVES DIACON DANSEUR CHORÉGRAPHE
LA CRITIQUE DE... JEAN-FRANÇOIS BALMER
Henri IV sous toutes les coutures
Placer Henri IV sur la scène d’un théâtre contemporain, habiller un sujet historique d’agréments, faire le portrait en mouvement d’un roi
haut en couleur: voilà ce que l’auteur et metteur
en scène Daniel Colas s’est proposé. Le carrosse
d’«Henri IV, le bien-aimé» a traversé Neuchâtel
lundi et hier au théâtre du Passage, ramenant l’acteur royal Jean-François Balmer dans son canton
natal.
Comment raconter au théâtre un épisode chargé d’histoire: les derniers mois d’Henri IV, assassiné en 1610? On peut se lancer dans une reconstitution fidèle, jusque dans le détail des répliques
et des costumes. On peut moderniser cette matière en lui donnant le recul d’un certain humour
ou en soulignant les échos contemporains de
quelques thèmes, comme la tolérance religieuse.
On peut valoriser l’aspect politique ou l’aspect intime…
ble laboratoire de recherche
chorégraphique – portent ensemble la double casquette de
chorégraphe /interprète. «On
n’essaie pas de se démarquer à
tout prix des styles, d’aller contre
une certaine idée de l’esthétisme.
On part simplement du corps et on
regarde ce que ça génère au plan
émotionnel, sensoriel, sémantique.»
La danse contemporaine, il ne
faut pas la diaboliser, mais l’apprivoiser en déjouant ses pièges,
Daniel Colas n’a pas choisi entre ces options: il
les a toutes prises! Par conséquent, sa pièce est
longue et dense, et pourtant fluide, rythmée. La rigueur historique implique à l’occasion des passages explicatifs qui, dans la bouche des personnages, paraissent peu naturels, mais c’est un mal
nécessaire. On voit ainsi s’animer toute la cour et
ses intrigues dans un contexte de tensions politiques particulièrement palpables.
Stratège militaire, le roi est aussi un stratège
amoureux. La pièce le présente en séducteur malin, en amant rempli de verve, en mari essuyant
toutes les misères de la vie conjugale; le ton oscille entre la tragédie pesante et la franche comédie de boulevard. Ce mélange peut dérouter, mais
il donne une image d’Henri IV originale, riche en
relief et en contrastes. Balmer tisse habilement la
cohérence de son personnage dans la diversité
des registres. TIMOTHÉE LÉCHOT
ses dérives: «A force de vouloir
s’extraire de tous les styles, le contemporain s’est affublé d’une étiquette fourre-tout. Pourtant, il fallait bien se réapproprier
l’ensemble des possibilités d’un
corps sur scène.»
Marcher, ne rien faire...
«Marcher, ne rien faire», reprend le chorégraphe, «sont des
éléments de vocabulaire nécessaires si l’on veut composer en travaillant sur la dimension humaine
et personnelle de l’interprète. Du
coup, aujourd’hui, on peut puiser
dans tous les registres, toutes les
postures scéniques, on peut intégrer du texte, de la vidéo, il y a
même parfois des pièces sans danseurs...»
Qu’on se rassure, dans «Sirius», Pierre-Yves Diacon et
Kristina Veit sont là et bien là.
Mais le spectacle se nourrit d’un
Pierre-Yves Diacon, 32 ans, s’est immergé dans la breakdance dès l’âge
d’onze ans, d’abord avec un groupe
d’ados de la fondation Borel, à Dombresson, ensuite au Centre de rencontre de La Chaux-de-Fonds et, enfin,
au sein du crew CDForce avec lequel il
dansera tous les vendredis dans le
hall de la gare de La Chaux-de-Fonds.
Après quelques détours, il envisage
de faire de la danse un métier. Ce qui
implique l’acquisition d’un vocabulaire chorégraphique. Mais l’idée
d’apprendre des styles, «de se mettre
dans des boîtes», le rebute. «Du coup,
j’ai été admis à la School for New
Dance Developpment, à Amsterdam.
Une école où on acquiert des outils
permettant de travailler directement
sur le geste, sur le corps en mouvement et la mise en situation d’un contenu sans avoir à passer par les prismes des catégories.» Et si aujourd’hui
le Neuchâtelois a enrichi sa palette
expressive, il ne renie en aucun cas le
hip-hop, où «l’expérimentation personnelle et l’autodidactisme priment». processus évolutif, empirique,
où la musique et la lumière,
conçues par Jam el Mar et Jochen Göpfert, sont des éléments de création au même titre que la gestuelle.
Tel un lutin intergalactique,
Pierre-Yves Diacon remet son
petit bonnet de laine et sa capuche. C’est l’heure de se quitter,
non sans une ultime précision:
«Le terme même d’expérimental
prête à confusion, on croit qu’il
s’agit d’une proposition bâclée et
inachevée, alors qu’on invite le public à partager notre exploration
avec toutes les prises de risques
qu’implique une mise en abyme.»
L’invitation est lancée. +
INFO
Neuchâtel: Espace danse, rue de
l’Evole 31a, samedi à 20h30, dimanche à
17h30, réservations: [email protected]
032 730 46 65, www.hiverdedanses.ch
EN IMAGE
HUMOUR VACHE
Deux fois Proust. Féroce, cynique.
Politiquement incorrect. Proust, Gaspard Proust,
l’humoriste du moment que d’aucuns comparent
à Pierre Desproges, à voir au Locle (Casino, ce
soir à 20h30) et à Neuchâtel (théâtre du Passage,
demain à 20h). Un trentenaire cultivé, féru de
littérature et de musique classique, et qui sur
scène balance des vannes affûtées comme des
rasoirs, l’air de rien, mains dans les poches. Du
genre: «Aucun problème avec les femmes. J’ai
toujours eu l’intelligence de les considérer
comme des objets.»
La sexualité, les vieux, les handicapés, la religion,
les SDF... L’humoriste repéré et produit par
Laurent Ruquier tape sur toutes les têtes.
«J’incarne la lucidité sans idéal», analyse-t-il
dans un entretien avec Pierre Notte. «Et J’aime
plutôt, sur le plateau, entretenir l’ambiguïté entre
ce personnage, un peu distant, détaché, et ce
que je suis réellement.» Un vrai faux méchant, ce
Gaspard Proust? DBO
SP

Documents pareils