les émeutes du ramadan
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les émeutes du ramadan
LES ÉMEUTES DU RAMADAN OCTOBRE-NOVEMBRE 2005 LE BON (Gustave) Médecin et sociologue français (1841-1931) << L’anarchie est partout quand la responsabilité n’est nulle part. >> Source : Hier et Demain. Pensées brèves, Flammarion, 1918. Présentation Rompre avec l’antiracisme, « communisme du XXIe siècle » « Gouverner, c’est prévoir ». Les gouvernants d’hier qui se sont succédé depuis plus de trente ans n’ont pas prévu les conséquences de la poursuite continue d’une immigration non européenne, de l’échec inéluctable de l’intégration de populations de plus en plus nombreuses, venues de plus en plus loin ; ils n’ont pas davantage prévu les effets des déséquilibres démographiques et sociaux qui en ont résulté ; ils n’ont pas vu, non plus, les dangers de la multiplication des zones de non-droit et du développement d’une économie de rente dans les banlieues immigrées. Les émeutes du ramadan 2005 sont la conséquence de cet aveuglement ; mais elles ne sont que le premier soubresaut des conflits à venir. Les gouvernants d’aujourd’hui peinent à voir que l’immigration noire africaine dont le flux s’intensifie risque de créer dans l’avenir des problèmes encore plus graves que ceux déjà observés. Ils ne veulent pas davantage accepter l’idée que l’installation de l’islam dans les structures nationales et locales de la République débouchera sur des revendications sans cesse croissantes d’adaptation des lois et des coutumes françaises. Ils ne prévoient pas davantage la menace que fait peser sur la sécurité – des aéroports, des centres d’affaires, des centres commerciaux, des grandes surfaces – le fait de la sous-traiter à des sociétés qui ont souvent partie liée avec les bandes des cités. Les gouvernants croient conjurer le mauvais sort en focalisant la perception des risques sur le danger terroriste, qui ne peut venir que d’une minorité qu’ils pensent pouvoir isoler du reste de la population. Ils se trompent : le danger terroriste est sans doute le plus spectaculaire que fait courir à la France l’islam militant mais il n’est pas le seul et il n’est peut-être pas le plus grave. Un autre danger infiniment plus profond et plus diffus existe : celui du séparatisme intérieur. Séparatisme territorial de basse intensité qui conduit des pans entiers du territoire à échapper à la loi commune. Séparatisme territorial de haute intensité qui pourrait déboucher sur des revendications politiques visant à donner des lois différentes aux communes et aux départements où les populations issues de l’immigration sont en passe de devenir majoritaires : ainsi l’hypothèse d’une République islamique de SeineSaint-Denis pourrait passer pour fantaisiste si elle n’était inscrite dans les courbes démographiques ; et le cahier des revendications de ceux qui s’appellent « les indigènes (sic) de la République » est déjà prêt. Ce séparatisme territorial pourrait s’appuyer sur un séparatisme social : la révolte des damnés des sous-sols ; ceux qui assurent aujourd’hui – dans ces lieux modernes et vulnérables que sont les aéroports et les centres d’affaires – la sécurité, la propreté et la logistique ; ces travailleurs-là proviennent généralement de populations issues de l’immigration et bien souvent sont dirigés par des cadres islamiques. Bien sûr, le pire n’est pas certain, mais il est possible, et il est singulier, que le seul domaine dans lequel le principe de précaution ne soit pas appliqué soit celui des politiques d’immigration. Il y a à cela, comme à l’aveuglement des gouvernants, une raison de fond justement dénoncée dans un moment de lucidité par Alain Finkielkraut : « L’antiracisme est le communisme du XXIe siècle » et il fonctionne à la perfection comme idéologie aussi totalitaire qu’incapacitante. En ce sens, il ne peut y avoir de vrais changements dans la conduite des politiques nationales et européennes sans rupture avec les paradigmes dominants. 1. Reconnaître les différences et affirmer son identité Le capitalisme partage avec le socialisme l’idée que les hommes se réduisent à des consommateurs et des producteurs ; ce qui conduit à sous-estimer, voire à nier, les différences de mentalités liées à la diversité des origines et des appartenances civilisationnelles ; en ce sens, croire que les populations musulmanes ont vocation à penser et à agir comme les Occidentaux est une erreur ; tout comme celle qui consiste à nier les valeurs particulières de nos racines européennes et chrétiennes. 2. Refuser la culpabilité et assumer la fierté d’être soi-même La culpabilisation assourdissante de la France et de l’Europe est à la fois injustifiée et incapacitante ; les Français doivent se réapproprier leur histoire – qui leur est aujourd’hui volée – et ne pas se laisser imposer la seule mémoire culpabilisante des minorités ethniques ou religieuses. 3. Respecter les libertés individuelles mais aussi réaffirmer la souveraineté nationale La politique de l’immigration est aujourd’hui abordée sous le seul angle des droits (qui vont bien au-delà des libertés) individuels : droit au séjour, droit aux aides sociales, droit aux soins, droit au logement ; et ce au détriment de la souveraineté nationale qui doit fixer les règles collectives : droit d’entrée et de rester ou non sur le sol national. Un rééquilibrage est manifestement nécessaire. Cela suppose évidemment une rupture claire avec l’idéologie « antiraciste » qui nie les différences tout en rendant impossible l’exercice collectif de la souveraineté nationale. Polémia SOMMAIRE Page Présentation : Rompre avec l’antiracisme, « communisme du XXIe siècle » 5 I L’immigration en France 9 > QUELQUES CHIFFRES (I) : - 250 000 étudiants étrangers en France… 27 500 détenus musulmans… 20 % de musulmans dans l’armée française… 2,5 milliards d’euros envoyés par les émigrés dans leur pays d’origine… 73 % des émigrés entrés en France en 2004 sont arrivés au titre du regroupement familial… 56 % des Français, selon un sondage CSA pensent que le nombre d’étrangers en France est trop important… 15 %, c’est la progression du marché hallal en France… 68 établissements pénitentiaires, sur 188, sont touchés par l’islamisme… 16, coefficient mutiplicateur des titres de séjour pour raison médicale… > QUELQUES CITATIONS (I) : - « « « « « « « « « « « « « « « Un marché planétaire du religieux est en train d’apparaître… » Je suis toujours très surpris par la force des convertis à l’islam… » L’académie de Versailles obtient des résultats scolaires… » En s’attaquant au tabou du droit du sol… » Nier la progression de l’islam en France… » Dans les cités, la loi du plus fort prévaut… » La recherche d’une femme française… » La capacité du gouvernement à fixer des objectifs… »16 Rien n’arrêtera les mouvements des populations misérables… » Ces gens viennent directement de leur village africain… » C’est là, en détention, que se tissent des liens entre une minorité… » Les dogmes de la laïcité et de la politique d’intégration… » Là où il y aura des successions à assurer, je privilégierai… » La cécité volontaire est la plus dangereuse des idéologies… » C’est le grand phénomène de notre époque que la violence de la poussée la islamique… » 11 11 11 11 11 11 12 12 12 12 13 13 13 13 13 13 14 14 14 14 15 15 15 15 16 > LA POLÉMIA DE JANVIER : Voyage dans l’économie souterraine du 9-3 > LES DOSSIERS (I) : - Sociétés multiculturelles, sociétés liberticides ? Implantation de l’islam en France : le plan de 130 ans Discrimination positive pour les uns ? Discrimination négative pour les autres ! Banlieues : une économie de rente en révolte Banlieues : déni de réalité, deni de liberté 17 23 23 27 29 31 35 Page II Les émeutes : les faits 39 > QUELQUES CHIFFRES (II) : 41 41 - 45 588 voitures incendiées… 82 % des Français ne voient pas d’amélioration depuis la crise des banlieues… 121 personnes interpellées en flagrant délit… > QUELQUES CITATIONS (II) : - « La réalité, c’est qu’on est bien loin du retour au calme et de l’apaisement… » « J’ai eu peur de prendre le train seule… » « Au niveau symbolique, [l’état d’urgence] a été plutôt efficace… » > LES DOSSIERS (II) : - Emeutes en banlieue, vues par la presse étrangère Emeutes en banlieue, vues sur les sites Internet arabes Après les émeutes, le déluge ? Emeutes novembre 2005 : abécédaire Les « immigrés » français font peur à Moscou La déconstruction de la France Une identité et un territoire Lettre ouverte au président de la République Christian Jelen, auteur de trois ouvrages annonciateurs des émeutes de l’automne 2005 41 41 43 43 43 43 45 45 51 53 57 73 75 81 83 85 III Les conséquences : coût économique et financier 87 > QUELQUES CHIFFRES (III) : 89 - - 30 % de majoration des cotisations d’assurance pour les collectivités locales 1,085 milliard d’euros consacré au programme de rénovation urbaine 600 000 travailleurs sociaux 100 millions d’euros attribués par l’Europe aux banlieues difficiles 200 millions d’euros d’indemnisation à verser par les assureurs > QUELQUES CITATIONS (III) : - « S’il n’y a pas de développement autonome en Afrique… » « Clichy-sous-Bois fait honte à notre pays… » > LES DOSSIERS (III) : - 89 89 89 89 90 91 91 91 93 Colloque sur « Immigration et Intégration : un essai d’évaluation des coûts économiques et financiers » 93 Conclusions du colloque sur « Immigration et Intégration : un essai d’évaluation des coûts économiques et financiers » 117 –I– L’immigration en France QUELQUES CHIFFRES (I) · 250 000 C’est le nombre des étudiants étrangers en France, qui a fait un bond de 60 % depuis 1998. Une arrivée massive qui ne traduit pas seulement l’excellence de nos universités, mais aussi de sérieux dysfonctionnements dans le dispositif d’accueil de ces étudiants. Josy Reiffers, ancien membre du cabinet Ferry, dans un rapport remis en novembre 2004 à François Fillon, ministre de l’Education, posait un diagnostic sans complaisance sur la réelle qualité de ces étudiants. « L’Etat a trop délivré, sans trop regarder, des visas et des cartes de séjour à des étudiants auxquels il était incapable de garantir de bonnes conditions d’accueil (…). Certaines universités compensent la baisse des effectifs nationaux par des recrutements abusifs d’étrangers », pour obtenir le maintien de leurs crédits. (SOURCE : Le Figaro du 28/09/2005.) · 27 500 C’est le nombre des détenus musulmans (soit 50 % du total des prisonniers) qu’hébergent les prisons françaises et qui a été révélé par Pascal Clément, garde des Sceaux, à l’occasion de la nomination officielle de Moulay El Hassan El Alaoui Talibi, premier aumônier national des prisons. (SOURCE : F&D du 1er au 15/10/2005.) · 20 % C’est la proportion minimum de musulmans dans l’armée française, et les heurts sont désormais fréquents entre hommes du rang et gradés à propos de la pratique religieuse. D’ores et déjà, la décision a été prise par l’état-major des armées de multiplier les postes d’aumôniers musulmans. Le ministère de la Défense a chargé l’Institut français des relations internationales (IFRI) de conduire une enquête sur les militaires français issus de l’immigration. (SOURCE : F&D du 1er au 15/10/2005.) · 2,5 milliards d’euros C’est la somme que les immigrés installés en France ont envoyée dans leur pays en 2004, en priorité pour aider leurs proches. Ce chiffre est donné par la Banque de France. Les immigrés originaires du Maghreb sont ceux qui envoient le plus, suivis par ceux du Portugal. 520 000 Marocains de France envoient de l’argent pour 750 millions d’euros au total. Ceux nés en France gardent pour eux leurs économies, alors que les clandestins et les prostituées transfèrent « par des canaux non visible » une grande partie de leurs revenus. (SOURCE : Figaro économie du 17/11/05.) · 73 % C'est la proportion d'immigrés, parmi ceux entrés légalement en France en 2004, qui sont venus au titre du regroupement familial (102 600 personnes contre 100 149 l'année précédente). S'y ajoutent 13 989 étrangers admis au séjour « en raison de liens personnels et familiaux », c'est-à-dire des clandestins régularisés (+30 % entre 2003 et 2004), et 65 600 demandeurs d'asile, la France restant depuis plusieurs années le pays le plus sollicité dans ce domaine. L'immigration de travail ne concerne en revanche que 6 740 personnes, pour l'essentiel des saisonniers employés dans l'agriculture. (SOURCE : Rapport de l'Observatoire statistique de l'immigration et de l'intégration - Osii - cité par Le Figaro du 24/11/2005.) · 56 % C’est, selon un sondage CSA réalisé pour la commission nationale consultative des droits de l’homme sur la xénophobie, le pourcentage des Français qui pensent que le nombre d’étrangers est « trop important » et pose un problème pour l’emploi. 18 % lient cette question à l’insécurité. Un Français sur trois déclare que « personnellement, il dirait de lui-même qu’il est raciste ». (SOURCE : Le Monde du 18-19/12/05.) · 15 % C’est le pourcentage de progression du marché du hallal (licite, en arabe) qui pèse trois milliards d’euros. Les cinq millions de musulmans de France connaissent des difficultés pour se fournir en viande pour la fête de l’Aïd-el-Kebir et les entreprises ont du mal à répondre aux attentes communautaires de plus en plus fortes. (SOURCE : Le Figaro économie du 12/01/06.) · 68 C'est le nombre, parmi les 188 établissements pénitentiaires français, de ceux qui sont aujourd’hui touchés par l’islamisme. Dans le dernier rapport des Renseignements généraux, la direction centrale des RG précise qu’ « il y a actuellement, dans les établissements pénitentiaires français, 175 individus qui s’adonnent au prosélytisme islamique ». Pour 70 % d’entre eux, ces prédicateurs sont de nationalité française, le reste se répartissant entre les pays du Maghreb, la Turquie, l’ex-Yougoslavie ou le Pakistan. Deux catégories de détenus prosélytes inquiètent les RG : les islamistes incarcérés pour des faits de terrorisme et les convertis à l’islam. (SOURCE : Le Figaro du 13/01/06.) • 16 C’est le coefficient multiplicateur des titres de séjour délivrés à des étrangers pour raison médicale : d’un millier en 2000 à 16 000 en 2004. Les directions déparmentales des affaires sanitaires et sociales (Ddass) croulent sous les demandes de prises en charges. A tel point que le ministère de la Santé prépare un décret et une circulaire pour éviter les abus. (…) En Seine Saint-Denis, département leader de l’immigration avec 30 % de population étrangère, le nombre de demandes a été multiplié par 30 entre 1998 et 2005, de 198 à 5 900. (…) Sur les demandes enregistrées en 2005, le taux de réponses positives ne dépasse pas 30 %. « Derrière ces 5 900 dossiers, ce sont en fait 18 000 personnes qui sont concernées, car il y a généralement un accompagnant et un enfant », décrypte Christian Bruel, médecin inspecteur de la Ddass de Bobigny. (…) Les étrangers bénéficiant d’un titre de séjour pour raisons médicales proviennent à 73,6 % du continent africain. (SOURCE : « L’immigration sanitaire en pleine explosion », « Etrangers : De plus en plus de recalés du droit d’asile tentent de forcer la porte du séjour en France en faisant valoir des raisons médicales », Marie-Christine Tabet in Le Figaro du 25/01/2006.) QUELQUES CITATIONS (I) > « Un marché planétaire du religieux est en train d’apparaître. (…) On fait son marché religieux sur Internet comme on fait ses courses par mail. Hier, les prédicateurs enseignaient que l’islam se propageait par le sabre et le Coran. Aujourd’hui, pour les plus radicaux, c’est par la bombe et l’Internet ». (SOURCE : Gilles Képel, in Le Point du 22/09/2005.) > « Je suis toujours très surpris par la force de conviction des convertis chrétiens à l’islam. Qu’est-ce qu’ils y trouvent ? Une virilité et une sécurité qu’il n’y a plus dans le christianisme ». (SOURCE : Malek Chebel, in Le Point du 22/09/2005.) > « L’Académie de Versailles obtient des résultats scolaires “préoccupants” », estiment les deux inspections de l’Education nationale dans un rapport non publié remis au ministre Gilles de Robien, en juillet. Les inspections générales estiment que l’Académie doit gérer une population « de plus en plus hétérogène », avec des catégories sociales qui, « dans bien des cas, ne veulent plus cohabiter et être scolarisées ensemble ». (SOURCE : Le Monde des 25-26/09/2005.) > « En s'attaquant au tabou du droit du sol, Baroin fait œuvre utile. Il invite à poser de bonnes questions, à l'heure où l'immigration non voulue peut devenir un risque pour l'équilibre démographique et un défi pour la souveraineté. Ces cas de figure se retrouvent à Mayotte et en Guyane, où plus d'un habitant sur quatre est un étranger en situation irrégulière. La maternité de Mamoudzou, à Mayotte, est devenue la première de France avec 7 500 naissances par an. 80 % des mères y sont en situation irrégulière. Il faut écouter les élus locaux. Antoine Karam, président (PS) du conseil régional : “Nous sommes au bord de la rupture de l'équilibre sociologique de la population guyanaise.” Mansour Kamardine, député (UMP) de Mayotte : “Mayotte croule sous le poids de l'immigration et est en train de sombrer.” Certains, comme le sénateur Georges Othily, n'hésitent pas à parler de “génocide par substitution du peuple guyanais”, tandis que d'autres dénoncent des “invasions”. Le mur bétonné du politiquement correct est en train de rompre sous la pression des réalités. Les citoyens des DOM souffrent de l'immigration imposée et posent crûment le problème inabordable du contenu de la nationalité. Un tel sujet mérite mieux que les cris d'orfraie des moralistes du moment. (…) La droite, naguère si peu téméraire, a enfin décidé de dire m… au terrorisme intellectuel. Le plus dur est fait. (…) François Baroin, proche de Jacques Chirac, avait déclaré précédemment : “Le droit du sol ne doit plus en être un.” Mais cette réflexion doit aussi s'engager concernant la métropole ellemême. » (SOURCE : Yvan Rioufol, Bloc-notes du Figaro du 23/09/2005.) > « Nier la progression de l'islam en France depuis trente ans relève de l'amnésie, du mensonge ou de l'inconscience (…). En tant que musulman, j'affirme que l'islamisme ne peut naître que de l'islam. En tant que musulman, j'affirme que l'intégrisme musulman ne peut naître que de l'islam. En tant que musulman, j'affirme que l'islamisme est générateur de terrorisme et je défie quiconque de me démontrer le contraire. (…) Nier cette réalité est avant tout prendre position contre la majorité des musulmans lucides qui n'aspirent pas au djihad, et privilégier la takia largement utilisée par les islamistes : faire la guerre en feignant de promouvoir la paix. » (SOURCE : Kébir Jbil, président du Mouvement des Maghrébins laïcs de France, proche de la gauche, cité par Le Figaro du 23/09/2005.) > « Dans ces cités, la loi du plus fort prévaut. Les filles que leur clan ne protège pas sont réellement en danger. Comme “les Gauloises”, qui, considérées comme des filles faciles, subissent un véritable racisme. Corinne, blonde aux yeux clairs, a même pensé se convertir à l'islam “pour avoir la paix”. Petite, elle rêvait d'amour. Son prince charmant l'a finalement coincée dans le local à poubelles. Elle avait douze ans. Le lendemain, la mère de l'agresseur ouvrait “son dossier”, en lui fabriquant une réputation de traînée. Dès lors, Corinne est devenue une pestiférée. Elle a grandi, seule, constamment menacée de viol, supportant les insultes et les propositions scabreuses. Et n'en a jamais rien dit à ses parents, un ménage surendetté. Partout, par peur des représailles, le silence prévaut. » (« Le calvaire sexuel des filles dans les cités », Cécilia Gabizon, in Le Figaro du 4/10/2005.) > « La recherche d'une femme française est une activité importante des réseaux islamistes. Cela pour des raisons évidentes : elles permettent d'obtenir des papiers en règle et peuvent donner un coup de main discret. Certaines n'ont pas hésité à suivre leur homme jusque dans les pays de djihad. » (Un policier spécialisé dans la lutte contre l'activisme islamiste, « Des Françaises converties enrôlées dans les rangs du djihad » in Le Figaro du 5/10/2005.) > « La capacité du gouvernement, sous contrôle du parlement, à fixer des objectifs quantitatifs d’immigration » devra être renforcée, vient de dire Claude Guéant, directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy, dans une note destinée à ses services dans le cadre de la préparation d’un avant-projet de loi sur l’immigration. Ce texte devra également avoir pour objet de « mieux maîtriser l’immigration familiale », de « promouvoir une immigration choisie d’étudiants » et de lutter « contre les détournements de procédure, s’agissant notamment des étrangers malades ». (SOURCE : Le Monde du 7/10/2005.) > « Rien n’arrêtera les mouvements des populations misérables vers un Occident vieux et riche. (…) C’est pourquoi la sagesse, la raison, consiste désormais à faire comme si nous allions recevoir de plus en plus d’émigrés dont il faut préparer l’accueil, leur répartition dans le pays et la possibilité de les traiter dignement. (…) Il faut se faire à l’idée que les nations ne seront plus ce qu’elles sont aujourd’hui, mais ce que les immigrés, progressivement, contribueront à en faire. En bien. Ou en mal. » (Jean Daniel, « Le siècle des émigrés », Le Nouvel Observateur, 13-19 octobre 2005.) > « Ces gens, ils viennent directement de leurs villages africains. Or la ville de Paris et les autres villes d'Europe, ce ne sont pas des villages africains. Par exemple, tout le monde s'étonne : pourquoi les enfants africains sont dans la rue et pas à l'école ? Pourquoi leurs parents ne peuvent pas acheter un appartement ? C'est clair, pourquoi : beaucoup de ces Africains, je vous le dis, sont polygames. Dans un appartement, il y a trois ou quatre femmes et 25 enfants. Ils sont tellement bondés que ce ne sont plus des appartements mais Dieu sait quoi ! On comprend pourquoi ces enfants courent dans les rues. (…) Pendant des années le gouvernement n'osait même pas appeler ces gens des “hooligans” : ce mot n'était pas autorisé. Lorsque Nicolas Sarkozy les a appelés “voyous” et “racailles”, ces jeunes gens, ces chéris, ont demandé qu'il s'excuse. En France, nous avons une abominable manie des excuses. (…) Oui, la télévision russe ne fait que suivre Poutine pas à pas. Mais la télévision française est tellement politiquement correcte que cela en est un cauchemar. Nous avons des lois qui auraient pu être imaginées par Staline. Vous allez en prison si vous dites qu'il y a cinq juifs ou dix Noirs à la télévision. Les gens ne peuvent pas exprimer leur opinion sur les groupes ethniques, sur la Seconde Guerre mondiale et sur beaucoup d'autres choses. On vous juge tout de suite pour infraction. (…) Le politiquement correct de notre télévision est presque comme la censure des médias en Russie. » (Hélène Carrère d'Encausse, interviews à la chaîne de télévision russe NTV le 13 novembre 2005 et à l'hebdomadaire Moskovskie Novosti, citées par Libération du 15/11/05.) > « C'est là, en détention, que se tissent effectivement des liens entre une minorité d'activistes islamistes, soit une centaine de détenus, et d'autres individus ancrés dans la délinquance, qui trouvent ou retrouvent le chemin de la religion sous sa forme radicale. Nous en constatons les effets sous la forme d'un prosélytisme fort et d'actes de provocation : les prières pendant les promenades, les détériorations de bibles dans les bibliothèques ou des sapins au moment de Noël. (…) La surveillance (des mosquées) est essentielle, moins à cause de ce qu'il se dit que des rencontres faites dans les parages. Sur 1 700 lieux de culte recensés il y a un an, 75 avaient fait l'objet d'une tentative de déstabilisation. La moitié avait résisté, l'autre avait été conquise par les radicaux. Depuis le mois d'octobre 2003, 31 activistes ou prêcheurs radicaux ont été expulsés. Une dizaine d'imams restent aujourd'hui dans notre collimateur. L'influence étrangère est toujours forte. (…) On admet généralement qu'il y a 5 millions de musulmans en France. Environ 200 000 sont des fidèles pratiquants. Les salafistes représentent quelque 5 000 personnes. Les convertis sont environ 1 600, selon notre recensement. Environ 1 sur 4 est engagé dans l'islam radical. En cinq ans, le salafisme a fait autant de convertis que le mouvement Tabligh en vingt-cinq ans. Le processus est souvent très rapide et offre à des gens déstructurés une nouvelle façon d'organiser leur vie, avec des perspectives spirituelles et sociales. » (Pascal Mailhos, directeur général des Renseignements généraux, interview au Monde datée du 25/11/05.) > « Les dogmes de la laïcité et de la politique d’intégration ont été poussés jusqu’à l’absurde (…). Ainsi depuis plus de trente ans se rassemble dans les tristes cités-dortoirs des métropoles françaises une population étrangère ou dépossédée de son identité, marginalisée, défavorisée, victime de discrimination et sans aucune chance de formation. » (SOURCE : Der Spiegel dans sa revue de fin d’année, cité par Le Monde du 28/12/05.) > « Là où il yaura des successions à assurer, je privilégierai les femmes et les gens issus de l’immigration », a lancé à la cantonade [Nicolas Sarkozy] le numéro deux du gouvernement, jetant un froid parmi ses collègues. [Cet] avertissement [était destiné aux] ministres (Jean-François Lamour et Philippe Bas notamment) en quête d’une circonscription en 2007. (SOURCE : Le Figaro du 20/12/05.) > « …la cécité volontaire est la plus dangereuse des idéologies. Or, il faut se rendre aveugle pour ne pas percevoir à quels malheurs et à quels excès désordonnés nous mènent l’arrivée massive d’immigrés non européens et leur regroupement dans certains quartiers qui se transforment en zones interdites. Ici, la clandestinité porte atteinte non seulement à l’identité, mais d’abord à l ‘indépendance nationale. Elle signifie tout simplement que la France n’est plus maîtresse de ses frontières, en d’autres termes qu’elle est privée d’une part essentielle de sa souveraineté sans y avoir renoncé par une décision de son gouvernement et un vote de son parlement. » (SOURCE : Maurice Schumann de l’Académie française, ancien ministre des Affaitres étrangères, in Une grande imprudence, Flammarion 1986.) > « C'est le grand phénomène de notre époque que la violence de la poussée islamique. Sous-estimée par la plupart de nos contemporains, cette montée de l'islam est analogiquement comparable aux débuts du communisme du temps de Lénine. Les conséquences de ce phénomène sont encore imprévisibles. (...) Les formes variées de dictature musulmane vont s'établir successivement à travers le monde arabe, (...), l'Afrique noire ne restera pas longtemps insensible à ce phénomène (et) le monde occidental ne sembleguère préparé à affronter le problème.(...) Politiquement, l'unité de l'Europe est une utopie. Il faudrait un ennemi commun pour l'unité politique de l'Europe, mais le seul ennemi commun qui pourrait exister serait l'islam. » (André Malraux, citations de 1956 et 1974 reprises dans « Enquête sur la montée de l'islam en Europe » in L’Express du 26/01/06.). LA POLÉMIA DE JANVIER 31 janvier 2006 Voyage dans l’économie souterraine du 9-3 Audition d’un criminelles praticien de la sécurité publique et des enquêtes Il ne s’agit pas d’une étude généraliste de plus sur les violences urbaines et autres formes de criminalité qui gangrènent les banlieues françaises. Je vous propose de partir du terrain en vous offrant une plongée dans l’économie souterraine du « 9-3 ». Pourquoi la Seine-Saint-Denis ? Parce que ce territoire symbolise la « France africaine » (J.P. Gourevitch) en devenir et qu’il a constitué l’épicentre des émeutes urbaines du mois de novembre 2005. Comme l’a indiqué Polémia à cette occasion, nous avons bel et bien assisté à la révolte d’une « économie de rente ». Explications. 1. Anthropologie socio-économique du 9-3 Pour bien comprendre la situation, il faut avoir à l’esprit quelques chiffres. Le « 9-3 » (ou « 9 cube »), c’est : 1.1 Une population nombreuse : 1,4 million d’habitants. 1.2 Une immigration massive : 26 % d’étrangers officiels en 2003 (disposant d’un titre régulier de séjour), mais 45 % à Aubervilliers, 42 % à Clichy-sousBois, 40 % à Saint-Denis (berceau du royaume de France, à ce titre notre Kosovo)… 1.3 De très nombreuses communautés : africaines, bien sûr (maghrébines et sub-sahariennes), mais aussi des Portugais, des Chinois (dont le nombre explose, notamment à Aubervilliers et Montreuil), Indo-pakistanais, Sikhs, Roms, Gitans yougoslaves… 1.4 Une population jeune : 30 % de moins de 20 ans (37 % à Clichy-sousBois) et 37 % de moins de 25 ans. 1.5 Une situation socio-économique fragile : 51 000 RMIstes (1er département français pour le nombre d’allocataires du RMI), 15 % de chômeurs, 50 % des foyers connus des services fiscaux ne payant pas d’impôts… 1.6 Un taux de criminalité important : 96 ‰ pour une moyenne nationale de 60 ‰ (4 e département français), sachant que ce chiffre ne reflète pas la gravité de la situation : au-delà du « chiffre noir » de la délinquance (actes ne faisant l’objet d’aucune plainte), qui est commun à l’ensemble du territoire national mais est particulièrement prégnant en Seine-Saint-Denis où prédomine un sentiment de peur et d’abandon, la délinquance locale s’exporte beaucoup en direction de territoires et de populations jugés plus « rentables » (Paris et Grande Couronne). 1.7 Des territoires en sécession : une trentaine de « cités sensibles » gangrenées par la fraude et les trafics, vivant essentiellement de l’économie souterraine. 2. Le trafic de drogue 2.1 Un trafic à grande échelle : il est au cœur des cités, où les petits dealers, ceux qui font la sortie des écoles et des métros, viennent s’approvisionner. Il s’agit essentiellement de la résine de cannabis, qui repose sur une organisation précise et bien huilée, du dealer au grossiste et à l’importateur. Celui-ci est en contact direct avec les producteurs (essentiellement du Rif marocain) et dispose de réseaux et de moyens matériels permettant le trafic international, depuis le Maroc jusqu’en France en passant par l’Espagne. C’est lui qui organise la traversée maritime, le stockage en Espagne et la remontée en France, par poids lourds et plus généralement par le système du « go fast » : 3 à 5 véhicules de forte cylindrée, avec de grosses capacités de stockage (Porsche Cayenne, BMW X5, Audi S4…) roulant en convoi à 200 km/h sur les autoroutes du sud de la France… En l’état actuel de la législation sur l’usage des armes, l’administration n’a pas encore trouvé le moyen d’intercepter ce type de convois ! 2.2 Un trafic extrêmement rémunérateur et corrupteur. La consommation hebdomadaire de résine de cannabis en Ile-de-France est estimée à 5 à 6 tonnes. Une « barrette » (de l’ordre de 4 grammes de résine de cannabis) est vendue 15 €, une savonnette (250 g.) 500 €, un kg 1 500 €, avec un bénéfice par kilo de 800 € pour un dealer de cité. Un trafic de cité normal écoule entre 20 et 40 kg par semaine, soit un chiffre d’affaires de 200 000 € et un bénéfice de 100 000 € par mois, à répartir entre 20 à 30 personnes concernées (y compris ceux qui prêtent un véhicule, un logement pour le stockage, un compte bancaire pour le blanchiment, etc.). Les revenus directs s’échelonnent entre le chef du réseau (20 000 €/mois), le dealer (5 000 €/mois), le guetteur (20 € pour 3 heures), etc. L’argent généré permet surtout d’arroser tout un réseau pour assurer la sécurité du trafic, soit 150 à 250 personnes par cité : si le cercle familial du chef de réseau est le réceptacle naturel du bénéfice du trafic, il existe une dilution très importante du cash qui permet à beaucoup de gens d’accéder à un niveau de vie de cadres moyens sans jamais travailler. 3. Vols, recel et trafics 3.1 Le trafic de véhicules et de pièces détachées. Il concerne absolument toutes les cités. Il a un double objet : – Un vol qui sert à commettre d’autres crimes et délits (« go fast », braquages, cambriolages, etc.) ; – Un vol qui alimente un marché de la revente (marché local et marché d’exportation : Maghreb mais aussi Europe de l’Est et balkanique), qui constitue un trafic particulièrement rémunérateur et facile dès lors que l’on dispose de cartes grises… 3.2 Le recel et la revente de matériels volés. Avec ses énormes dépôts de fret (Garonor, Roissy…), le « 9-3 » est le terrain de chasse idéal pour les braquages de camions, le cambriolage d’entrepôts, de magasins, d’entreprises… Le matériel volé (informatique, hi-fi, téléphones portables et vêtements sport…) alimente à la fois la cité, les marchés locaux (véritables souks, quasiment impénétrables pour un Européen), les puces (Montreuil, Saint-Ouen) et le « marché aux voleurs » parisien (sous le métro aérien au niveau de la station Barbès), voire les magasins amis (Phone House en particulier). 3.3 Le trafic de faux papiers et faux documents. La fausse identité, qui permet au même voyou de démultiplier les fraudes et délits, est particulièrement courue. La fausse carte de séjour ou carte d’identité se monnaie 500 €. Une officine de 3 personnes, qui en produisait 50 par semaine (soit 25 000 € de chiffre d’affaires hebdomadaire…) a été récemment démantelée. Le nec plus ultra est le « vrai faux papier », à savoir un papier authentique (permis de conduire, carte grise, carte de séjour, etc.) obtenu à partir de faux documents. Sont également recherchés de nombreux faux apparemment plus anodins (fiches d’imposition, bulletins de salaire, contrats de travail…) mais qui permettent l’obtention de prêts bancaires (essentiels pour le blanchiment), d’indemnités de chômage (y compris quand on est trafiquant de haut niveau), de pensions d’invalidité, etc. 3.4 Les autres trafics. Le trafic de cigarettes se développe d’autant plus rapidement qu’il est juteux et peu réprimé. Les contrefaçons, réalisées sur place ou importées, touchent l’ensemble des secteurs économiques (vêtements de marque, pièces détachées…). Les machines à sous infestent toute la banlieue et le nord de Paris : chaque machine rapporte 4 000 €/mois à son placier et autant au cafetier, qui voit de surcroît sa clientèle augmenter. 4. L’économie de la fraude 4.2 Un mal endémique. Une partie importante, mais impossible à quantifier, de la population du « 9-3 » vit de la criminalité, de la délinquance et des fraudes de toute nature : au-delà des revenus des grands trafics comme la drogue, des familles entières dépendent de la fraude pour obtenir des prestations et allocations sociales ou du travail (au noir). Des secteurs économiques entiers, tenus notamment par des Maghrébins ou des Chinois, reposent sur la fraude (absence de déclarations fiscales et sociales, nonrespect des versements Ursaff ou des réglementations sanitaires, etc.) : des commerces et restaurants (tout particulièrement les « kebabs »), des entreprises (ainsi des sociétés de sécurité qui, par le jeu de la sous-traitance courant dans ce secteur, voient par exemple des vigiles étrangers en situation parfaitement irrégulière assurer la sécurité de Roissy, 1re porte de l’immigration en France…). 4.1 Où va l’argent ? La criminalité génère un flux considérable d’argent, essentiellement liquide, à réinjecter dans les circuits légaux. Le trafic de drogue est le principal producteur de cet argent sale : une partie est réinjectée au Maroc, notamment par le biais d’investissements immobiliers (10 milliards d’€ par an, soit autant que le chiffre d’affaires du tourisme, d’où les réserves des autorités du pays à s’engager pleinement dans la répression du trafic). Mais la majeure partie du produit du trafic est investie en France, dans l’immobilier (via des SCI généralement) et surtout dans les commerces de toute nature, qui ont le double avantage de présenter une façade honnête et légale et d’éponger de grandes quantités d’argent liquide (pizzeria halal, kebabs, garages, boutiques de téléphonie à l’étranger, salons de coiffure, cafés, magasins de vêtements, blanchisseries, sociétés de sécurité, petits commerces de marché, etc.). 5. L’impact sur l’organisation de la société et sur l’Etat en particulier L’Etat ne sort pas indemne de cette situation criminelle. Les délinquants bénéficient d’entrées privilégiées dans les préfectures (services des étrangers, des cartes grises, des permis de conduire…), car de nombreux agents (essentiellement de catégorie C) sont recrutés localement et ne résistent pas à l’appât du gain, aussi modeste soit-il a priori. On retrouve le même phénomène parmi les forces de l’ordre « à l’image de la population » : le mélange d’une solidarité de fait avec les délinquants et d’une mentalité où ne prédomine pas spontanément le sens de l’Etat pose trop souvent un problème de fiabilité des recrues. La justice n’est pas épargnée. Ainsi le parquet de Bobigny, qui s’est notamment illustré par une affaire de corruption touchant le vice-procureur il y a quelques années, et plus récemment l’arrestation du greffier en chef, responsable des scellés, qui se livrait au trafic de stupéfiants en écoulant les saisies… D’autres affaires ont touché des fonctionnaires de l’OFPRA ou du service des étrangers à Nantes… C’est donc, à partir de la population et des territoires concernés, l’ensemble de la société, et jusqu’à ses institutions de contrôle et de régulation, qui est aujourd’hui frappée au cœur. Si le tableau peut paraître sombre, il n’est ni excessif, ni exhaustif. Il est à craindre que les problèmes soient largement devant nous. Le temps joue indubitablement contre le retour à l’ordre dans ces « territoires perdus de la République ». © Polémia 31/01/06 Bibliographie sommaire : Xavier Raufer : « Violences et insécurité urbaines » (avec Alain Bauer), Que sais-je ?, janvier 2005 ; « Le crime organisé » (avec Stéphane Quéré), Que sais-je ?, septembre 2005. Jean-Pierre Gourevitch : « L'Economie informelle : De la faillite de l'Etat à l'explosion des trafics » (Le Pré aux Clercs, mars 2002) et « La France africaine » (Le Pré aux Clercs, mars 2000). Serge Latouche (sous l’angle de la justification des aspects informels de l’économie moderne) : « L’autre Afrique, entre don et marché » (Albin Michel, oct. 1998), « Survivre au développement : De la décolonisation de l'imaginaire économique à la construction d'une société alternative » (Mille et une nuits, oct. 2004), « Décoloniser l'imaginaire : La Pensée créative contre l'économie de l'absurde » (L’Aventurine, sept. 2003). Réponses aux questions 1/ La criminalité est aussi un facteur de stabilisation sociale et d’enracinement démographique des populations concernées : les cités les plus gangrenées ont également été les plus calmes en novembre 2005. Lors de ces émeutes, seule la moitié des cités du 9-3 se sont embrasées, et c’étaient les moins organisées… 2/ Les rapports criminalité/islam relèvent davantage du voisinage que de l’influence réciproque. Sauf dans quelques cas bien ciblés relevant en général du grand banditisme (ex : braquage de DABistes), il n’y a guère de contacts « professionnels ». L’islam est un marqueur identitaire pour bon nombre de délinquants maghrébins ; en aucun cas on ne peut estimer, sauf de façon théorique, que l’islam est un facteur pacifiant qui permettrait de limiter, a fortiori de juguler, la délinquance et la criminalité endémique des territoires concernés. 3/ Au-delà de l’aspect strictement criminel, la drogue provoque un double dommage d’ordre sociétal dont on ne parle jamais : - sanitaire (le risque pour une génération d’élèves qui s’y adonnent, au moins de façon occasionnelle) ; - économique (le transfert massif de propriété en faveur d’une fraction spécifique de la population hexagonale…). LES DOSSIERS (I) Sociétés multiculturelles, sociétés liberticides ? Dans le prolongement de la Renaissance, les XVIIe et XVIIIe siècles ont refondé les libertés européennes : liberté de la personne avec l’habeas corpus, liberté de conscience, liberté d’opinion, d’expression et de recherche. C’est dans ce prolongement que les révolutions, anglaise, américaine et française ont posé les principes de liberté aujourd’hui encore en vigueur dans les grandes démocraties occidentales. Or la transformation des sociétés européennes et américaines en sociétés multiculturelles et multiraciales change la donne. En Angleterre, la fin de l’habeas corpus est programmée. En France, la liberté d’expression est mise sous surveillance. Aux Etats-Unis, la communautarisation des relations du travail est judiciarisée. Explications : 1. Angleterre : la fin de l’habeas corpus Dans la suite des sanglants attentats de Londres, l’affaire de l’innocent Brésilien tué à bout portant par la police – a révélé que Scotland Yard avait reçu des instructions autorisant le tir « préventif » sur les suspects de terrorisme. Et le gouvernement de Tony Blair a préparé une loi sur le terrorisme – suscitant, il est vrai débat – portant le délai de garde à vue… à 3 mois. Il est lourd de sens que ces deux faits soient survenus au pays de l’habeas corpus ! Ils sont d’autant plus surprenants que le terrorisme n’est pas un phénomène nouveau en Grande-Bretagne : depuis près de 40 ans le terrorisme irlandais y est présent. Tout comme l’Espagne a dû faire face au terrorisme basque, la France au séparatisme corse sans parler du terrorisme d’extrême gauche, des Brigades rouges (Italie), de la Fraction Armée rouge (Allemagne) ou d’Action directe (France). Certes ces terrorismes classiques à finalités politiques (construire un Etat nouveau ou changer de société) ont été combattus et dans certains cas ont suscité des adaptations législatives mais sans que globalement les principes fondamentaux concernant les libertés de la personne soient remis en cause. Il en va différemment avec le terrorisme islamique qui présente la double caractéristique d’être à la fois domestique (ceux qui le pratiquent habitent le pays qu’ils frappent et en ont parfois la nationalité) et étranger (par la mentalité qu’il véhicule et les techniques qu’il utilise). Il y a en effet trois différences majeures entre le terrorisme classique et le terrorisme islamique : a) le terrorisme classique a des objectifs politiques et inscrit son action dans la rationalité occidentale ; il peut donc faire l’objet d’analyses rationnelles voire permettre l’existence d’un espace de négociation ; il en va différemment du terrorisme islamique qui est un cri de douleur de masses délocalisées et déracinées dont le centre est partout et la circonférence nulle part ; il n’ouvre pas d’espace à la négociation ; b) le terrorisme islamique ne réserve pas ses attaques à des objectifs « politiques » ou « militaires », il choisit principalement des cibles civiles. c) le terrorisme islamique utilise une arme particulière, le kamikaze, dont le mode opératoire rend évidemment plus difficile les actions de prévention et de neutralisation. Ces trois différences majeures du terrorisme islamique avec le terrorisme classique expliquent que, pour le combattre, les Etats démocratiques sont portés à s’écarter de leurs lois traditionnelles et à se rapprocher des règles de l’état d’urgence pour faire face à des situations d’exception, perçues comme des situations de guerre. La notion de « guerre au terrorisme » porte en elle-même le germe d’un abandon de l’Etat de droit classique. Abandon d’autant plus grave qu’il est mis en œuvre à l’intérieur du territoire des démocraties et que par souci de non-discrimination il s’applique à toutes les populations, y compris celles qui par leur culture ne peuvent pas être les vecteurs du terrorisme islamique. 2. France : la liberté d’expression sous surveillance Que penser d’un pays qui défère devant ses tribunaux pour délit d’opinion des écrivains, des professeurs d’université ou de collège, des sociologues, des parlementaires, des journalistes, des humoristes, des chanteurs, des maires ? Que penser de ce pays où les condamnations pour délit d’opinion peuvent être symboliques mais déboucher aussi sur des amendes importantes ou des interdictions civiques ou professionnelles voire la prison ? Ce pays auquel nous pensons ici ce n’est pas la Corée du Nord ou Cuba, la Chine ou la Russie, c’est la France. Au cours des derniers mois la liste des personnalités déférées devant des tribunaux ou jugées pour leurs propos est impressionnante. Il s’agit du sociologue Edgar Morin, de l’essayiste et ancien député européen Samir Naïr, de l’universitaire Danièle Sallenave, de l’écrivain italien Oriana Fallaci, de Michel Houellebecq, du rappeur « Monsieur R », du professeur d’histoire Louis Chagnon, des députés Philippe de Villiers et Christian Vanneste, de l’écrivain Jean Raspail, du journaliste Daniel Mermet, de l’animateur de télévision Marc Olivier Fogiel, de l’ancien patron de France 2 Marc Tessier, du maire UMP d’Emerainville Alain Kelyor et de l’humoriste Dieudonné. Cette liste est incomplète, elle n’en est pas moins impressionnante. Cet ensemble de personnalités – de gauche, de droite ou du centre, intellectuels ou artistes, politiques ou universitaires – a pour point commun d’avoir été poursuivi au titre de la loi Pleven/Gayssot/Perben) pour incitation « à la haine ou au racisme ». Nul, bien sûr, n’est obligé de partager leur propos : on peut trouver bien lourdes les provocations de Dieudonné, excessives les analyses d’Oriana Fallaci sur l’Islam, injustes pour l’Etat d’Israël les points de vue de Daniel Mermet ou d’Edgar Morin et grossières les strophes de « Monsieur R » pour qui « la FranSSe est une garce, n’oublie pas de la baiser jusqu’à l’épuiser comme une salope ». Il n’en reste pas moins que l’encombrement des bancs des tribunaux correctionnels par des personnalités aussi diverses à qui le seul reproche fait concerne leurs propos ne manque pas de mettre mal à l’aise. Car ce qui est demandé ici aux tribunaux c’est de juger des délits d’intention, des délits de mauvaise pensée. Le plus grave sans doute étant que la loi Perben II a abandonné, pour ce type d’affaires, les règles procédurales protectrices de la grande loi sur la presse de 1881 : bref, un bond en arrière, en matière de liberté, d’un siècle et demi ! Tout ceci est inspiré par une bien-pensance faite de bons sentiments : prévenir tout ce qui pourrait passer pour « des incitations à la discrimination, à la haine, à la violence, envers des personnes à raison de leur appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion ». Or dans une société où les difficultés de coexistence entre communautés différentes s’accroissent, la tendance est d’incriminer de plus en plus de propos, de plus en plus d’écrits, de plus en plus de personnes, ce qui débouche sur une nouvelle pudibonderie défendue par la loi, comme en d’autres temps les lois protégeaient les croyances religieuses du blasphème. Or cette évolution s’est faite grâce à des lois multiples généralement votées à l’unanimité ou à la quasi-unanimité. Ce qui est plus grave encore c’est que cette volonté de contrôler les expressions semble acceptée par l’opinion publique. C’est ainsi qu’un sondage TNS/Figaro du 24/25 août 2005 affirme que 77 % des Français (contre 20 %) jugeaient « inacceptable » de « critiquer une religion ». Si ce sondage reflète la réalité, il révèle que l’opinion a intégré l’idéologie dominante visant à gommer les oppositions de culture, de religion, de civilisation, de crainte de voir de légitimes critiques déboucher sur des conflits. Cette forme d’autocensure n’en est pas moins préoccupante. Renoncer à toute critique des religions n’est-ce pas la négation de la vitalité dans la double mesure où l’arborescence religieuse s’est construite par la critique ou la révision des religions préalablement existantes et où le monde moderne s’est édifié à partir de la libre critique des dogmes religieux ? Là encore le nouveau conformisme, s’il est la marque du succès du formatage de l’opinion, n’en représente pas moins une formidable régression des libertés de l’esprit. 3. Aux Etats-Unis : des judiciarisées relations du travail communautarisées et Aux Etats-Unis, la politique dite de discrimination positive, en fait, de discrimination forcée en faveur des minorités, conduite notamment dans les universités et pour l’accès à l’emploi, est mise en œuvre depuis près de 40 ans. Contestée dans certains Etats, elle n’en est pas moins appliquée avec une sévérité de plus en plus grande. On assiste ainsi à une communautarisation des relations du travail : une certaine proportion des divers emplois devant être attribuée selon des critères collectifs et non individuels aux représentants des différentes minorités raciales, et plus particulièrement aux Afro-Américains. Cette communautarisation, qui consiste à juger en bloc la légalité de la politique d’emploi des firmes, est de plus en plus soumise au contrôle des juges : chaque année la commission pour l’égalité d’accès à l’emploi défère en effet plus de 400 cas devant les tribunaux. Ceci ne représente d’ailleurs qu’une partie de la réalité puisque beaucoup d’entreprises préfèrent négocier préventivement avec les représentants des minorités pour éviter des procès. C’est ainsi que la SODEXHO vient d’accepter de verser près de 80 millions de $ de dommages et intérêts à ses 4 000 employés noirs pour éviter un procès aussi spectaculaire que coûteux. 4. Angleterre, France, Etats-Unis : un recul massif des libertés Ainsi dans les trois grandes démocraties modernes le recul des libertés est manifeste. Certes, il ne porte pas partout sur les mêmes sujets. La liberté d’expression reste quasiment intacte en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis (où elle est protégée par le Premier Amendement de la Constitution). L’habeas corpus n’est pas remis en cause en France. Et la judiciarisation de la communautarisation des relations du travail n’est encore qu’embryonnaire en France et en Grande-Bretagne. Il n’empêche que si on cumule les évolutions majeures observées aux Etats-Unis, en France et en Grande-Bretagne on aboutit à la mise en œuvre de pratiques liberticides : au nom de la défense de l’harmonie des sociétés multiculturelles, ce sont des politiques multitotalitaires qui se mettent en place. Andrea Massari © Polémia 6/10/2005 LES DOSSIERS (I) Implantation de l'Islam en France : le plan de 130 ans ! Henri Pena-Ruiz, un des vingt « sages » de la commission Stasi sur la laïcité, et Jean-Pierre Brard, député-maire de Montreuil, ont entamé fin mai un « Tour de France de la laïcité » dont le but n'a en définitive d'autre objet que d'attaquer le christianisme et, surtout, de préparer dans les esprits le financement public du culte musulman. Un véritable tour de force, tant les thèses défendues sont a priori antinomiques. Ce « Tour de France » est réalisé par une série de conférences paisibles au ton convenu et évidemment très politiquement correct à peu près sans intérêt sauf celui, et il est de taille, de dévoiler au passage comment les impôts des Français financeront un vaste plan de construction de mosquées partout dans le pays. Afin d'éviter toute confusion, il faut préciser que, malgré ses concepteurs, ce plan ne tient en rien du type soviétique (calendrier, objectifs) ; il vise simplement à permettre l'établissement autonome d'une multitude d'associations cultuelles musulmanes avec leurs mosquées propres. Ce plan dépasse de loin les seuls intérêts électoralistes dont on pourrait aisément taxer leurs promoteurs : son achèvement final est prévu dans 130 ans ! Cette durée donne à elle seule la mesure de leur sectarisme et la profondeur stratégique avec laquelle ils comptent le mettre en œuvre. J.-P. Brard est sans doute le principal architecte de ce plan car il en a déjà effectué le premier essai sur sa commune, finançant ainsi une mosquée et une synagogue. Le montage juridico-financier envisagé, remarquablement subtil, ne nécessiterait même pas une modification de la fameuse loi de 1905 qu'il s'empresse de défendre ardemment. Voici la manière dont il devrait se dérouler : 1. La communauté musulmane déterminée se constitue en association cultuelle au même titre qu'une association paroissiale. 2. La mairie, propriétaire d'un terrain, conclut avec cette association un bail emphytéotique à 130 ans pour la jouissance de ce terrain et accorde le permis de construire la mosquée. Elle prévoit également l'achat par la communauté cultuelle du terrain à l'issue de ce bail à un prix convenu par avance. 3. L'association cultuelle musulmane n'ayant pas d'argent, on prévoit que la Caisse des Dépôts accorde à celle-ci un prêt à taux préférentiel pour une durée de 50 ans, voire plus. Ce sont les dons des fidèles qui doivent permettre de régler les mensualités. 4. La mairie se porte caution du prêt et, s'il n'est pas honoré ou si le terrain n'est pas acheté, le bâtiment deviendra propriété communale. 5. L'association cultuelle construit la mosquée et bénéficie de l'usage exclusif du bâtiment pendant la durée du bail. Si tout se passe « bien », l'association cultuelle musulmane rembourse le prêt et devient propriétaire de sa mosquée et du terrain à l'issue du bail emphytéotique, c'est-à-dire dans 130 ans. C'est d'ailleurs l'option envisagée par la communauté juive qui, elle, a bien fait spécifier lors d'un conseil municipal à Montreuil que c'est seulement le terrain dont elle aura à s'acquitter ; sans doute dans le souci de garder son entière indépendance, quelles que soient les autorités en place. Juridiquement, c'est limite, surtout en raison de la nature du prêt et de celle de l'organisme se portant caution, et l'opération revient objectivement à une subvention déguisée. Mais politiquement, même réticente au premier abord, l'opinion publique est très susceptible de donner un accord, fût-il tacite. Les musulmans auront même probablement l'appui des diverses obédiences chrétiennes et juives (sans compter des sectes) qui espéreront aussi profiter à plein de la brèche ainsi offerte. C'est remarquablement bien joué car le véritable plan envisage probablement que les choses ne se passent pas « bien » mais « mal ». très En effet, que se passe-t-il si les dons de la communauté musulmane ne se révèlent pas suffisants pour rembourser les mensualités du prêt, en supposant même qu'elle soit assez idiote pour vouloir honorer ses dettes ? C'est la mairie qui devra les assumer. Or il n'est pas du tout prévu que le bail emphytéotique de 130 ans soit suspendu à cette occasion ; on imagine assez bien le tollé soulevé, sinon les troubles occasionnés. Donc, ce n'est qu'à l'issue du bail que le bâtiment deviendra propriété communale pleine et entière. Et de la même manière que l'Etat est propriétaire de la plupart des églises au titre du Patrimoine et accorde un bail d'usage à l'Eglise catholique, les mairies accorderont les mêmes droits à la communauté musulmane sur les bâtiments « nouvellement » acquis. C'est assurément un très joli tour de passe-passe. Car, passé un délai aussi long dans la mémoire populaire, qui ira soulever que ce sont les impôts qui auront financé, en pratique, la construction de ces mosquées désormais inscrites dans le paysage ? C'est donc dès maintenant qu'il faut rejeter ces pratiques et faire appliquer très strictement la loi de 1905. Nos adversaires sont des partisans de celle-ci : qu'on la leur applique scrupuleusement ! Si les musulmans veulent des mosquées, qu'ils se les payent ! Toussaint LAVENTURE Envoi internet 28/09/2005 LES DOSSIERS (I) Discrimination positive pour négative pour les autres ! les uns ? Discrimination Suivant en cela les dérives du modèle américain, la discrimination positive s’impose progressivement dans les esprits et dans les faits en France. Cela pose une série de problèmes de fond. C’est d’abord une rupture avec l’idée universaliste puisqu’avec la discrimination positive l’individu n’est plus seulement défini par lui-même mais par son appartenance à un groupe et que c’est cette appartenance qui lui donne des droits spécifiques. C’est aussi une rupture avec la méritocratie puisqu’avec la discrimination positive on ne juge plus selon les capacités individuelles mais selon l’appartenance à une communauté. C’est enfin une rupture avec le principe d’égalité et une injustice profonde. Une injustice, d’abord, pour ceux des membres des « minorités visibles » qui s’imposent par leurs capacités personnelles à travers les concours ou la réussite professionnelle et qui risquent d’être mis sur le même plan que ceux qui obtiennent un bon statut grâce à une appartenance collective ; ainsi ce que ces hommes et ces femmes doivent à leurs mérites, une opinion mal informée risque de l’imputer aux « quotas ». C’est aussi une injustice pour les membres des majorités car la discrimination positive pour les « minorités visibles », c’est une discrimination négative pour les « majorités silencieuses ». Lorsqu’il y a des « citoyens plus », il y a forcément des « citoyens moins ». A un double titre : lorsque l’accès à certaines fonctions est facilité pour les « minorités visibles », il est par contrecoup rendu plus difficile pour les représentants des majorités qui ont donc un handicap. En revanche, dans les secteurs commerciaux ou de services, dans les domaines culturel ou professionnel où il peut arriver, comme c’est naturel, que ces mêmes membres des majorités soient sous-représentés, aucune mesure de discrimination positive n’est prévue à leur intention. Ainsi pour les majorités, la discrimination positive c’est un jeu perdant/perdant. C’est ce qui explique que la discrimination positive a été démantelée dans certains Etats américains à la suite de référendums populaires… au moment où l’opinion dirigeante française et la classe politique s’y rallient, illustrant à merveille ce que Samuel Huntington appelle la « démocratie non représentative ». Andrea Massari © POLÉMIA 2/10/2005 LES DOSSIERS (I) Banlieues : une économie de rente en révolte Les violences urbaines et les émeutes ethniques de la Toussaint, ou plutôt du ramadan 2005, ont jusqu’ici fait l’objet de la part des autorités politiques et médiatiques d’un double traitement sémantique à base de « fermeté et de justice ». Quelques mois de prison ferme d’un côté pour les émeutiers, des torrents d’eau de rose pour les habitants des cités, de l’autre. Mais la réalité des banlieues est complexe : il n’y a pas d’un côté des petites minorités aussi oisives qu’agressives, de l’autre une masse de travailleurs désireux de s’intégrer ; malheureusement, il y a aussi une partie importante de la population des cités qui s’est installée dans une économie de rentes : rente des trafics, rente des activités parallèles, rente sociale, rente des services publics, rente d’emplois, rente idéologique. 1. La rente des trafics La première opinion qui court sur les banlieues consiste à opposer populations tranquilles et jeunes délinquants, et, au sein de ceux-ci, à distinguer les « petits délinquants » des « gros trafiquants ». La réalité est autre : c’est la connexion du business entre les gros trafiquants et les petits délinquants – qui servent de vigies et de passeurs aux premiers – et le fait que le bénéfice des trafics, gros ou petits, profite à une partie importante de la population des cités en termes de redistribution des revenus, dans les cercles familiaux et claniques, des emplois à partir des entreprises et des commerces créés avec l’argent des trafics, sans même parler des aumônes versées à certains imams qui permettent le développement d’un islamisme militant et souvent radical. Les trafics d’ailleurs, ce ne sont pas seulement les trafics de drogue, ce sont aussi les trafics de cigarettes, les trafics de jeux, le racket et les vols avec ou sans violence : chacun trouvant ensuite son intérêt à acquérir – à bon marché – auprès des receleurs les biens de consommation du monde moderne pour soimême et ses proches ou pour en faire bénéficier le pays d’origine à l’occasion des vacances d’été : les véhicules lourdement chargés qui prennent en juillet la route du Sud ne transportent pas uniquement des objets payés avec factures… Certes, il serait injuste de dire que 100 % d’une cité vit ainsi ; mais il est parfaitement illusoire de faire semblant de croire que cela ne concerne que quelques pour cent des habitants des cités les plus chaudes. De ce point de vue, ce qui est à l’origine des émeutes, ce ne sont pas, contrairement à ce qui est répété en boucle, les expressions vigoureuses de Nicolas Sarkozy, c’est la création et la réussite des GIR, c’est aussi la volonté de renforcer le dispositif policier sur le terrain : ce n’est sûrement pas un simple hasard si les émeutes coïncident avec l’implantation dans les banlieues les plus difficiles de 17 compagnies de CRS et de 7 escadrons de gendarmerie ; c’est la réaction de tous ceux qui ne veulent pas risquer de voir se réduire les zones de non-droit. Derrière les petits émeutiers, l’enjeu de la bataille c’est donc la défense des trafics par tous ceux qui en profitent et pas seulement les caïds. 2. La rente de l’économie parallèle Souvent financée par l’argent des trafics, une économie parallèle se développe dans les banlieues : commerces de bouche et restaurants, appliquant pour le moins imparfaitement les réglementations sanitaires, sociales et fiscales ; commerces de réparation et de transformation d’automobiles à base de pièces usagées, contrefaites ou volées et à qui les incendies de voitures vont donner de nouveaux clients : certaines victimes qui n’auront guère les moyens d’acheter des véhicules neufs étant conduits à se retourner vers des revendeurs marrons ; sociétés de sécurité qui prospèrent en recrutant dans les mêmes milieux que les bandes de délinquants et en obtenant des marchés captifs de l’économie officielle encore présente en périphérie des cités (commerces, entreprises) ou desservie par des transports en commun (centres commerciaux). 3. La rente sociale Beaucoup d’habitants des cités des banlieues vivent aussi de la rente sociale que leur procurent les allocations familiales (conséquentes pour les familles très nombreuses généralement issues du Maghreb ou d’Afrique), les aides sociales diverses, municipales et départementales, voire des aides ménagères, le RMI ou la CMU. Dans ce dispositif, le RMI est central, car, outre le revenu, il procure une multitude d’avantages complémentaires qui rendent peu attractive la recherche d’un travail officiel mais qui constituent un appoint appréciable aux petits trafics. Dans cette même logique de rente sociale, on trouve les emplois artificiellement aidés et qui maintiennent dans l’assistance. 4. La rente des services publics Ajoutons-y la rente des services publics. Toutefois, pour la première fois, le discours sur le « manque de moyens des banlieues » s’est heurté à l’incrédulité générale : réunis le 3 novembre, dans les ors de Matignon par le Premier ministre, les maires de banlieue – socialistes, UDF ou UMP – ont repoussé par avance un « énième plan Marshall ». C’est que depuis trente ans – très exactement depuis l’ouverture des crédits « habitat et vie sociale » à la fin des années 70 – les banlieues reçoivent une abondance de crédits. Il y a belle lurette que, comme le souhaitait Michel Rocard, les cages d’escaliers ont été refaites : et les cités HLM sont très souvent aujourd’hui physiquement en bien meilleur état que les petites copropriétés modestes. Le maire socialiste de Trappes où 27 autobus ont été incendiés le 3 novembre soulignait à quel point l’habitat avait été rénové dans sa commune… sans que cela suffise à régler les problèmes. S’agissant de l’Education nationale, les cités sensibles ont avec les ZEP le plus fort taux d’encadrement d’élèves par les professeurs (on compte en moyenne de l’ordre de 10 élèves par professeur dans les collèges) de France et même du monde. Et il est peu vraisemblable qu’un effort supplémentaire change quoi que ce soit à la réalité économique et sociale des banlieues. Les communes elles-mêmes ont beaucoup investi en lieux de sociabilité et en crédits associatifs et la desserte des banlieues par les transports en commun, bus, trains, métros, tramways, s’est considérablement améliorée en générant un volume de dépenses publiques sans commune mesure avec les recettes. Ainsi le quartier du Luth à Gennevilliers va être desservi par un RER, un métro et un tramway… ce qui n’empêche pas les voyous du quartier de s’agiter. 5. La rente idéologique Si les émeutes ethniques de novembre 2005 se sont aussi facilement développées, c’est qu’elles ont rencontré de la part de la population qui vit dans les banlieues une double attitude : la résignation de ceux qui en souffrent mais ne peuvent s’y opposer sauf à y risquer leur vie, et la complicité des autres qui laissent leurs fils, leurs frères, leurs neveux ou les fidèles de leur culte s’y livrer. Comme le note le sociologue Michel Wievorka dans « Le Parisien » du 4 novembre : « Les habitants de ces banlieues jeunes ou moins jeunes sont certes les premières victimes des violences, mais dans le même temps, ils ressentent une certaine solidarité avec cette jeunesse enragée. » Et d’ailleurs dans l’état actuel des faiseurs d’opinion et des décideurs qui leur sont soumis, la fin des émeutes risque de déboucher sur une amélioration de la rente des banlieues : rente des trafics et de l’économie parallèle que la police de proximité gênera moins qu’une police plus répressive ; rente sociale et rente des services publics fruits de l’hypothétique « dialogue » conduit par les pouvoirs publics. La rente économique et sociale des banlieues s’appuie d’ailleurs sur une rente idéologique : la culpabilisation de la France et des Français par la mise en cause de leur racisme, de la colonisation et de l’esclavage. En servant de légitimation à tous les actes de violences ou d’incivilités, l’antiracisme a généré une nouvelle forme de racisme : le racisme des éléments les plus radicaux des « minorités visibles » à l’égard des représentants de la majorité française d’origine qui se trouvent minoritaires dans les cités. D’ailleurs, les seules victimes de meurtres jusqu’ici ont été Jean-Claude Irvoas tué à Epinay pour avoir voulu résister au vol de son appareil photo et Jean-Jacques Le Chenadec tué pour avoir résisté à l’émeute en tentant d’éteindre, à Stains, un feu de poubelles. Par ailleurs, en servant de légitimation à la victimisation des « minorités visibles » et à leurs revendications, la critique de l’œuvre de la France coloniale génère des demandes en réparations. Elle légitime aussi les violences ; en tout cas elle les excuse par avance, au nom de « la lutte contre la gestion coloniale des banlieues » dénoncée par le « Mouvement des indigènes de la République » sur le grand portail islamique « oumma.com » : http://oumma.com/article.php3?id_article=1754. Et d’ailleurs les émeutes initiées à Clichy-sous-Bois trouvaient leur légitimité sur le site de la mairie de cette ville qui ouvrait en Une sur la répression policière de la manifestation parisienne du FLN le 17 octobre 1961 : http://www.clichy-sous bois.fr/jsp/site/Portal.jsp?article_id=148&portlet_id=118. Est-il vraiment utile, 45 ans plus tard et… après quatre décennies d’échec des gouvernements algériens successifs, de rouvrir les plaies de la guerre d’Algérie ? Car comment un peuple peut-il assurer son présent et, qui plus est, parvenir à assimiler des éléments étrangers quand il efface la mémoire de son passé ou accepte de la voir diabolisée ? Fermer le Musée des arts et traditions populaires des provinces françaises au profit de l’ouverture d’un hypothétique Musée des arts euro-méditerranéens c’est renier une partie de la culture nationale. Laisser à l’abandon le Musée de la France d’outre-mer pour le remplacer par un Musée de l’immigration, c’est avoir honte de son histoire. Ce n’est pas ainsi qu’on peut donner la fierté d’être ou de devenir français. Bref comment défendre la République dans les banlieues quand on fait passer Jules Ferry pour Hitler ? Et De Gaulle pour Pinochet ? Sans même parler des droits à réparations communautaires réclamés par ceux qui se pensent comme des descendants d’esclaves et qui oublient que, si toutes les civilisations ont pratiqué l’esclavage (la civilisation arabo-musulmane encore tout récemment), une seule l’a aboli : la civilisation européenne. 6. Il ne faut pas changer de politique, il faut changer de paradigmes Aujourd’hui la sortie de crise passe d’abord par le rétablissement de l’ordre et de la paix civile dans les banlieues. A terme, la pacification des quartiers ethniques ne passera ni par la problématique « tolérance zéro » qui supposerait la construction de plusieurs centaines de milliers de places de prison, ni par des rencontres mondaines avec des représentants choisis ou autodésignés des « minorités visibles », ni même par une injection de crédits supplémentaires mais par un changement de paradigmes. Ce qu’il faut abandonner, c’est le discours dominant des trois dernières décennies : non, n’en déplaise à Bernard Stasi, qui y doit 20 ans de carrière politique et médiatique, « l’immigration (n’) est (pas) une chance pour la France » mais un boulet économique et social ; non, l’intégration, ça ne marche pas, en tout cas pas pour des masses nombreuses issues de certaines aires civilisationnelles ; non, l’antiracisme ne facilite pas l’intégration, au contraire, il la rend plus difficile en débouchant sur un racisme à rebours et la diabolisation de l’identité française ; non l’Etat-providence et la commune-assistance ne règlent pas tous les problèmes économiques et sociaux, ils les enracinent dans la durée. Le véritable problème des banlieues n’est pas technique. Il est politique, il est moral. Il suppose que les Français et les Européens abandonnent leur complexe de culpabilité et retrouvent leur dignité et la fierté de leur histoire. Il suppose aussi que chacun soit mis en face de la responsabilité de ses actes et de ses comportements car il n’y a pas de droits, y compris à l’emploi, sans devoirs. Bref, il faut sortir de l’économie d’assistance et de la morale de culpabilité et tout redeviendra possible ! Mais cela implique, il est vrai, un renversement de l’univers médiatique dominant. © Polémia 7/11/05 LES DOSSIERS (I) Banlieues : déni de réalité, déni de liberté La crise des banlieues a fait l’objet d’un double traitement par la classe politicomédiatique au pouvoir : le déni de réalité d’abord, le déni de liberté ensuite. Explications : 1. Grâce à la presse étrangère une information pluraliste Pendant la 2e guerre mondiale, beaucoup de Français avaient pris l’habitude d’écouter Radio-Londres. Pendant la guerre froide, « Le Figaro » prétendait faire connaître à ses lecteurs ce que le journal communiste « L’Humanité » leur cachait. Aujourd’hui c’est la « Pravda » qui révèle aux lecteurs du « Figaro » ce que ce journal leur cache. Pendant la crise des banlieues beaucoup de Français ont surfé sur Internet pour savoir ce qu’on disait à l’étranger. Là où les médias français parlaient de « jeunes en révolte » dans des « zones sensibles » où sévissait une « crise sociale », les presses russe ou anglo-saxonne parlaient, elles, d’ « émeutes raciales ». Et d’ailleurs plusieurs personnalités françaises du monde intellectuel ou politique n’ont pu s’exprimer en toute liberté que depuis l’étranger : Mme Carrère d’Encausse, secrétaire perpétuelle de l’Académie française, à la presse russe ; M. Alain Finkielkraut, professeur de philosophie à l’Ecole polytechnique, à la presse israélienne ; M. Jacques Larché, ministre de l’Insertion professionnelle, à la presse britannique où, en évoquant le problème de la polygamie, il a attiré l’attention sur la forte présence des jeunes d’origine africaine dans les émeutes urbaines. 2. Avec les médias français, retour au déni de réalité Sous la pression des faits et la concurrence de la presse étrangère et d’Internet, la classe politico-médiatique française a dû finir par convenir qu’il s’agissait d’émeutes raciales ; mais alors un dispositif d’explication politiquement correct s’est mis en place. Les mêmes qui, dans un premier temps, niaient le caractère ethnique des émeutes l’ont ensuite justifié par des discours de légitimation évoquant les « suites de la colonisation » ou la « discrimination » dont seraient victimes les habitants noirs ou arabes des banlieues. Ce type de discours est même devenu parole officielle conduisant le gouvernement à renoncer à célébrer le soleil d’Austerlitz (au motif que Napoléon avait rétabli l’esclavage) et à lancer d’importants chantiers de « lutte contre les discriminations ». 3. Déni de réalité, déni de liberté (a) Ce qui est grave, c’est que ce nouveau déni de réalité débouche sur un déni de liberté. D’abord parce que ceux qui ont eu le courage de poser les problèmes se voient menacés dans leurs fonctions par une véritable chasse aux sorcières lancée au son du grand orchestre de la diabolisation. Le journal « Libération » appelait « à ne pas laisser sans réaction » les déclarations de la secrétaire perpétuelle de l’Académie française. Une campagne est conduite pour retirer à Alain Finkielkraut la possibilité de s’exprimer sur France-Culture et le site islamique « Oumma.com » diffuse des mots d’ordre pour perturber ses déplacements en province. Le dirigeant socialiste Marc Ayrault à reçu du Premier ministre une lettre dans laquelle celui-ci lui déclare qu’il « allait examiner précisément le compte rendu analytique des propos tenus dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale et qu’il serait vigilant sur le respect des règles républicaines ». Ce qui paraît plutôt singulier : la logique de la démocratie parlementaire étant que le parlement contrôle les actes du gouvernement, non… que le gouvernement contrôle les propos des parlementaires. Observons toutefois que l’universitaire Anne-Marie Le Pourhiet est parvenue à s’exprimer, dans « Le Monde » du 4/5 décembre 2005, pour s’inquiéter de « l’esprit critique menacé » et poser la bonne question en affirmant : « Il en va de la crédibilité de la France sur la scène internationale ; comment pourrionsnous donner des leçons à la Turquie ou à la Chine en matière de droits de l’homme si nous laissons envoyer nos journalistes et intellectuels en correctionnelle ? » 4. Déni de réalité, déni de liberté (b) Il y a plus grave encore : l’ensemble des dispositions législatives ou réglementaires annoncé pour lutter contre les discriminations va limiter les libertés de choisir, d’agir et d’entreprendre. Le CV anonyme vise à priver les chefs d’entreprise de l’exercice du libre choix de leurs collaborateurs, c'est-à-dire de l’un de leurs principaux moyens d’action. Quant au projet de renforcement des pouvoirs de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE), il est ouvertement liberticide car il vise à offrir à cette instance administrative : – d’une part, la possibilité de prononcer dans un cadre administratif et sans protection judiciaire des sanctions financières très lourdes, susceptibles d’ailleurs (double peine) d’être cumulables avec des sanctions judiciaires ; – la faculté de recourir à des actions de « testing », c’est–à–dire des actions de provocation : procédé que s’interdisent pourtant les polices judiciaires dans les Etats démocratiques. Le fait que la HALDE soit présidée par Louis Schweitzer, déclaré coupable (mais dispensé de peines) d’écoutes téléphoniques illégales (affaire de l’Elysée) n’est évidemment pas fait pour rassurer ! Il faut espérer que le Conseil d’Etat soulèvera ces objections lors de l’examen du projet de loi et qu’à défaut il se trouvera 60 parlementaires pour avoir le courage de déférer cette loi, si elle finissait par être votée, devant le Conseil constitutionnel. 5. Déni de liberté, déni de réalité Mais le déni de liberté est aussi un déni de réalité. La tyrannie du politiquement correct est contournée par la société civile et les comportements individuels. Ce qu’on ne trouve pas dans les médias français, on le trouve dans les médias étrangers et sur Internet ; de ce point de vue-là, la crise de la presse parisienne n’en est qu’à ses débuts ! Et la mixité sociale et raciale qu’on veut imposer à toute force par les contraintes sur les logements et sur la carte scolaire n’empêche ni la fuite des habitants vers les quartiers calmes (voire l’étranger !), ni la scolarisation de leurs enfants dans des établissements judicieusement choisis. Le paradoxe est là : malgré tous les beaux discours sur la « lutte contre la discrimination », les trois semaines d’émeutes raciales auront pour résultat pratique une ethnicisation croissante de la société et… des discriminations grandissantes. Les résidences sécurisées, les marchands de clôtures, les entrepreneurs privés d’éducation et les écoles libres vont faire encore davantage recette pendant que la tendance des Français à l’exil va s’accentuer. Qui veut faire l’ange fait la bête, et les discours de culpabilisation à outrance ne feront qu’amplifier les choses. En contrôlant les esprits des électeurs, d’un côté, le choix des hommes politiques mis à l’étalage, de l’autre, la tyrannie médiatique peut sans doute parvenir à rendre inopérant le vote que les citoyens font avec leurs mains : d’où la crise de la représentation et de la démocratie. Mais rien ne peut empêcher les citoyens de voter avec leurs pieds : comme dans toute situation totalitaire les adaptations individuelles permettent d’échapper au carcan collectif ; derrière la fumée du politiquement correct de la France des palais officiels et des médias centraux une forme de résistance civile se met en place. © Polémia 15/12/2005 Appendice : Vers la « désintégration » des Antillais ? Jusqu’ici les Français originaires des Antilles étaient dans leur grande majorité très bien intégrés à la société française : présents dans de nombreux emplois, y compris dans la fonction publique, plutôt absents des tribunaux ou des prisons, exprimant un particularisme régional teinté d’exotisme mais inscrit dans une certaine tradition française, souvent fiers d’une appartenance tricentenaire à la France, n’hésitant pas à exprimer leur patriotisme et leur attachement à la France, les Antillais de métropole apparaissent comme une population bien intégrée. Le discours politiquement correct sur les « victimes de l’esclavage » et la communautarisation voulue par certaines associations noires médiatisées vise à engendrer du ressentiment et à briser cette harmonie. Ceux qui s’en font les relais complaisants, y compris en reprenant les billevesées sur Napoléon, prennent une lourde responsabilité : Celle de détruire l’intégration d’une importante minorité française. – II – Les émeutes : Les faits QUELQUES CHIFFRES (II) · 45 588 C'est le nombre de voitures qui ont été incendiées en 2005. Plus de 100 000 faits violents : le premier tableau de bord de l’Indicateur national des violences urbaines confirme que 2005 a bien été une année noire. (SOURCE : Le Parisien – Edition des Yvelines du 12/01/06.) • 82 % C’est le pourcentage de Français qui ne voient pas d’amélioration depuis la crise des banlieues. Ils estiment que peu de choses ont été faites pour améliorer la situation après la crise des banlieues en octobre et novembre derniers, et moins du tiers font confiance à l'action gouvernementale en la matière, selon une enquête CSA publiée lundi 30 janvier 2006 par Le Parisien/Aujourd'hui en France. En outre, 86 % des Français jugent « certain » (33 %) ou « probable » (55 %) que des événements semblables se reproduiront dans les mois à venir. (SOURCE : dépèche AP du 30/01/06.) • 121 C’est le nombre de « personnes interpellées en flagrant délit [émeutes dans les Yvelines]. Trente-neuf [ont été] laissées libres après leur garde à vue. Les 82 autres, dont 25 mineurs, ont été déférées au parquet et ont fait l’objet de poursuites. 41 d’entre elles ont été écrouées. Sur les 121 au total, 74 étaient des délinquants connus pour avoir été mis en cause dans une ou plusieurs procédures judiciaires », selon le procureur de la République de Versailles, Yves Colleu, qui a souligné l’activité du parquet au moment des violences urbaines de novembre, lors de l’audience solennelle de rentrée. Il a également insisté sur l’augmentation des « mariages blancs » : sur les 339 dossiers reçus en 2005, le parquet a délivré 48 assignations pour annuler le mariage. (SOURCE : Le Courrier des Yvelines, éd. Saint-Germain-en-Laye du 18/01/06.) QUELQUES CITATIONS (II) > « La réalité, c’est qu’on est bien loin du retour au calme, de l’apaisement ou de la reprise de contrôle du terrain qu’on nous a annoncée », a déclaré le porteparole du PS Julien Dray, en évoquant de possibles « embrasements » au moindre « dérapage ». 425 véhicules ont été brûlés dans la nuit du samedi 31/12 au dimanche 1 er janvier, contre 333 l’an dernier. Le nombre des violences et des incendies a progressé de 27,6 % (…). Les forces de l’ordre ont procédé à 362 interpellations (contre 272 l’an passé) (…). La principale tendance soulignée par le directeur général de la police nationale, Michel Gaudin, est la « très, très grande dispersion » des incidents, qui ont touché 267 communes et 53 départements. 132 communes et 41 départements avaient été concernés l’an dernier. (SOURCE : Le Monde du 3/01/06.) > « J'ai eu peur de prendre le train toute seule, j'ai demandé qu'un policier m'accompagne pour aller à Paris. » Charlotte N., 20 ans, devait être reçue par le ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy, jeudi 5 janvier à 15 heures. C'est cette jeune femme, étudiante à Besançon, qui a déposé plainte pour « agression sexuelle », à la suite des incidents survenus dans le train Nice-Lyon, le dimanche 1er janvier. Depuis, son médecin lui a prescrit deux semaines d'arrêt de travail. « Je n'ose plus sortir, j'ai des bouffées d'angoisses », raconte-t-elle au Monde. Ce 1er janvier, elle ne pouvait surtout pas manquer son train à la gare des Arcs (Var). (…) « Je suis montée dans l'avant-dernier wagon, j'avais à peine posé mon pied sur la première marche que j'ai été aspirée par une dizaine de jeunes », se souvient-elle. En tout, il y avait une vingtaine de voyageurs dans ce wagon, plutôt moins rempli que les autres. Au départ, les jeunes en voulaient à ses affaires. « Ils m'ont dévalisée. Pris mon portefeuille, mon argent et mon carnet de chèques. Ils avaient entre 15 et 20 ans et n'avaient pas l'air saoul », témoigne-t-elle. Hormis ses agresseurs, il n'y avait qu'un seul autre passager dans le wagon. Il n'a pas bougé. Selon la jeune femme, « il devait avoir peur. » (…). Pour Bruno L., un artisan joaillier parisien, (…) ces « jeunes nous cherchaient dans le train, parce qu'on râlait. J'ai tout de suite compris qu'il fallait planquer ma copine ». (…) « Le pire, c'est que je n'avais que les contrôleurs avec moi. Les gendarmes sont restés longtemps sur le quai. Les jeunes tenaient des propos racistes anti-Blancs et les narguaient en leur demandant quand le train allait repartir. » Aujourd'hui, « encore sous le choc » Bruno L. en veut surtout à la SNCF. « Avec le billet à 1,20 euro, la SNCF nous faisait courir un risque. Elle le savait. » (SOURCE : Yves Bordenave, envoyé spécial dans le Var, et Pascal Ceaux à Paris, in Le Monde du 6/01/06.) > « Au niveau symbolique, cette mesure [l’état d’urgence] a été plutôt efficace. Elle a d’abord servi à neutraliser les critiques contre un gouvernement qu’on aurait pu qualifier de laxiste ou comme n’ayant pas suffisamment pris en compte la mesure du phénomène. (…) Le Premier ministre a en outre été habile en laissant son application à la discrétion des préfets. C’était à la fois agir avec force et souplesse. En revanche, l’état d’urgence n’a eu aucun effet pratique. » (SOURCE : Sébastien Roche, directeur de recherches au CNRS, spécialiste de la délinquance – auteur de Police de proximité, éd. Seuil –, in Le Parisien - Edition des Yvelines du 12/01/06.) LES DOSSIERS (II) Emeutes en banlieues, vues par la presse étrangère A mesure que les émeutes et les incendies criminels se propagent en France, la presse internationale et les sites Internet d’informations développent leurs nouvelles sur un ton assez différent de celui auquel nous sommes habitués par les médias français. A la fois plus exhaustifs sur les faits et plus explicites sur les causes des troubles survenant dans les banlieues, ils ne ménagent pas le « modèle français » ni nos gouvernements passés et présents. 1. La presse étrangère en dit plus sur les faits La presse étrangère relate au jour le jour les différents événements et donne parfois à l’avance des informations qui n’ont pas été livrées par les médias français : MSNBC, site d’informations américain, 3/11/05. Les jeunes ignorent l’appel au calme lancé par le président Jacques Chirac dont le gouvernement travaille fébrilement pour éliminer une crise politique au milieu de critiques qui lui reprochent d’avoir ignoré le problème des banlieues à forte populations d’immigrés de première et de deuxième génération nord-africaine et musulmane [sic]. Le Martinternet, site d’informations canadien, 3/11/05, annonce que des individus ont tiré au pistolet à grenaille sur des véhicules de la CRS 23 à Neuillysur-Marne, sans faire de blessés et que la SNCF installe un dispositif de sécurité dans le RER. BBC news, site d’informations britannique, 3/11/05, décrit la situation générale dans la Seine-Saint-Denis avec ses incendies, les arrestations, le tir à balles réelles sur des policiers et la péripétie causale des événements, soit la mort par électrocution de deux jeunes d’origine africaine dans un transformateur électrique. « François Massenet, secrétaire général du syndicat de la police française, décrit la situation comme dramatique et prévient que la violence pourrait s’intensifier » [la presse française a fait dire aux policiers exactement le contraire]. « Les politiciens français se trouvent affrontés à la réalité : beaucoup des principales populations d’immigrés dans les cités sont depuis longtemps dans un état de tension chronique. » « Les immigrés et leurs progénitures représentent 10 % de la population vivant en France, mais beaucoup n’ont pas la citoyenneté française ni le droit de vote. Ils souffrent aussi du plus haut taux de chômage et leurs relations avec la police sont généralement difficiles ou hostiles. » « Dalil Boubakeur, recteur de la mosquée de Paris et président du Conseil français du culte musulman [créé par Nicolas Sarkozy – NDLR], dit que les conditions de vie des immigrés musulmans sont inacceptables. » Xinhuanet, China view, site chinois d’informations, 3/11/05. Le gouvernement [français – NDLR] est intervenu après que les incidents survenus eurent dévoilé les difficultés d’intégration des jeunes immigrés dans près de 300 villes françaises. Il est contraint, sous la pression des partis communiste et socialiste, à constituer une commission d’enquête et à fournir une information exacte et exhaustive. Mail & Guardian, journal d’Afrique du Sud, 4/11/05. Les troubles montrent la séparation entre les grandes villes françaises et leurs banlieues où colère et désespoir prospèrent. Les émeutes ont aussi dévoilé les frustrations accumulées dans les cités du nord et du nord-est de Paris, largement peuplées d’immigrés musulmans nord-africains et marquées par un chômage en plein essor. BBC news, 4/11/05. « Des groupes d’adolescents et d’hommes jeunes continuent à déambuler devant les magasins et les cafés du secteur et traitent les “étrangers” [!] avec une profonde suspicion sinon carrément de l’hostilité. » « Bien que certains se plaignent que leurs voix ne soient jamais entendues, au moment où nous essayions de parler avec les gens du cru on nous a dit de quitter la zone, sinon nous risquions d’être agressés. » Times online, quotidien britannique, 4/11/05. Les émeutes se propagent et forcent le gouvernement français à reconnaître son échec dans sa tentative d’intégrer une importante population d’immigrés. « Sarkozy a déclaré la guerre aux villes ; s’il y a la guerre, nous y allons », déclare Mohamed, 20 ans, fils d’un immigré marocain. Le Times décrit, comme ses confrères, la situation générale avec les voitures brùlées, les émeutes qui ont commencé à Clichy-sous-Bois pour s’étendre à Aulnay et à d’autres localités, avec le rappel, comme un leimotiv, des deux jeunes électrocutés et une police largement présente à la Cité des 3 000 à Aulnay, un ensemble d’appartements soupçonné, il y a quelques années, d’être un repaire de terroristes. « Gauche et droite acceptent aujourd’hui ce diagnostic de l’échec du modèle “républicain” d’intégration français, mais il y a peu d’accord sur la façon d’attaquer le problème. » « M. Sarkozy s’est inspiré des mesures de discrimination positive prises aux Etats-Unis pour aider les enfants d’immigrés afin de les intégrer dans le système scolaire normal et il souhaite que l’Etat donne plus de reconnaissance aux cultures non françaises. » BBC news, 5/11/05. Le maire d’Aulnay-sous-Bois a lancé un appel au calme devant plusieurs centaines de manifestants réunis devant la caserne des pompiers qui avait fait l’objet d’une attaque par les émeutiers. Mais des jeunes, dans un rassemblement à Mitry, ont annoncé que la violence continuerait jusqu’à ce que Nicolas Sarkozy démissionne. Beaucoup disent qu’en traitant de « racaille » les émeutiers, Nicolas Sarkozy a aggravé la situation – quelques gouvernements étrangers, dont celui des EtatsUnis, ont averti leurs ressortissants de ne pas aller dans les banlieues. M. de Villepin essaie de lancer un plan d’action destiné aux banlieues pauvres, peuplées en grande partie d’immigrés qui connaissent un haut niveau de chômage. « Nous avons le sentiment d’avoir été entendus », dit Anyss, une étudiante de Bondy, après avoir été reçue avec d’autres jeunes par M. de Villepin. Le premier ministre « était sincèrement à la recherche d’une solution aux problèmes », ajoutait-elle. Prenant compte de la critique formulée à son gouvernement de n’avoir pas réussi à mettre fin à la violence, M. de Villepin s’est engagé à restaurer l’ordre, mais il a essuyé les critiques des trente maires et élus des villes concernées qui lui ont lancé que le temps n’était plus à proposer des plans. USA TODAY, site d’informations américain, 5/11/05, signale qu’une femme handicapée a été aspergée d’essence et sérieusement brûlée alors qu’elle tentait de descendre d’un autobus attaqué par les émeutiers. Selon le préfet de Dijon, un groupe de jeunes traqués par la police pour trafic de drogue dans un faubourg de la ville ont incendié cinq véhicules. Onze voitures ont brûlé dans un lotissement de Salon-de-Provence. Les troubles gagnent les Yvelines. Le site publie des photos impressionnantes de policiers casqués et armés. Free world news, site d’informations australien, 5/11/05. L’appel au calme lancé par Chirac a eu peu d’effet sur les jeunes qui continuent à commettre leurs violences. 2. Tous affichent l’échec du « modèle français d’intégration » L’unanimité des commentaires étrangers se fait sur l’abandon, par les gouvernements successifs français, des banlieues livrées à elles-mêmes, avec des populations fortement composées d’immigrés d’origine nord -africaine et africaine de l’Ouest [sic] de religion musulmane. Pour chacun des médias relevés, les causes sont toujours les mêmes et peuvent se résumer en quelques mots : frustrations accumulées dans le temps, pauvreté, urbanisme et logements déplorables, et chômage toujours en extension. The Indian Express, journal de l’Inde, 3/11/05. « Les troubles dans les banlieues du nord et du nord-est de Paris, fortement peuplées de minorités nordafricaine et d’Afrique noire [sic] sont fomentés par des jeunes frustrés dans leur échec à trouver un travail et à être reconnus dans la société française. » Washington Post, quotidien américain, 3/11/05. La violence était contagieuse dans les communautés d’immigrés et les citoyens français de seconde génération chez lesquels le taux de chômage est plus du double du taux national, où la délinquance sévit, où les services sociaux sont réduits au minimum et où les habitants sont parqués dans des appartements miteux au sein de tours de grande hauteur. MSNBC, 3/11/05. La violence jette un doute sur la réussite du « modèle français » à rechercher l’intégration de sa grande communauté d’immigrés, sa population de musulmans estimée à cinq millions, la plus importante de l’Europe de l’Ouest. Los Angeles Times, quotidien américain, 3/11/05. « Une crise que les Français ont redoutée pendant des années : des troubles à grande échelle dans des quartiers difficiles à contrôler où des jeunes d’origine africaine et arabe [sic] ressentent fureur et ressentiment contre la société. » « Le violent déclenchement [des troubles – NDLR] n’a rien de nouveau dans de tels secteurs où les deux principales forces sociales sont le milieu criminel et l’activisme islamique. » Fox news, site d’informations américain, 3/11/05. « Les émeutes ont révélé la coupure entre les grandes villes et leurs banlieues pauvres, ainsi que les frustrations exacerbées dans les cités du nord et du nord-est de Paris, où se concentrent des populations d’immigrés musulmans avec leurs enfants nés Français qui sont aux prises avec le chômage, la délinquance et la pauvreté. USA TODAY, 3/11/05. Alors que sont dénoncées les origines de la violence comme résultant de décennies de négligence à l’égard des banlieues, on dit que c’est la rhétorique un peu rude de Nicolas Sarkozy au sujet de la délinquance qui a mis le feu aux poudres, provoquant un incendie généralisé dans les banlieues défavorisées à haute concentration d’immigrés. CTV.ca, site d’informations canadien, 4/11/05. Le secteur [nord et nord-est de Paris – NDLR] est principalement habité par des familles immigrées, souvent originaires des pays de l’Afrique du Nord, marquées par le chômage qui monte en flèche. International Herald Tribune, éd. Europe du journal américain, 4/11/05. Audelà de la pauvreté et du désespoir dans les misérables communautés d’immigrés autour de la capitale française brillant de tous ses éclats, des musulmans disent : il n’y a plus personne pour avoir une emprise sur ces jeunes révoltés. Les parents, la police et le gouvernement ont perdu pied. 3. Les causes et la politique vont de pair Les commentateurs étrangers n’éludent pas la question politique dans l’analyse qu’ils font des émeutes récentes survenues dans la banlieue parisienne. On l’a d’ailleurs évoqué plus haut. Mais, contrairement à la presse française en général, qui se concentre sur les querelles et rivalités entre politiques et sur les qualificatifs un peu raides d’un certain ministre, ils donnent pour cause principale aux événements une longue politique inadaptée ou plutôt une absence de politique suivie, durant trois décennies au moins, à l’égard des banlieues défavorisées. Les médias étrangers, tous sans exception, se gardent bien de mentionner l’erreur fondamentale à l’origine de ces troubles, car ils tomberaient immanquablement dans le politiquement incorrect : le fait d’avoir accepté sinon favorisé, depuis trente ans, une immigration non sélective (paradoxalement, on en parle beaucoup aujourd’hui) et illimitée, sans avoir su se prémunir contre les risques en tout genre que nous découvrons, ou faisons mine de découvrir, aujourd’hui. Mail & Guardian, 2/11/05. Sarkozy – rendu responsable par beaucoup d’attiser la violence par ses propos rugueux et ses tactiques brutales – défend sa méthode et se promet de restaurer le calme : « Quand vous tirez à balles réelles sur la police, vous n’ètes pas un jeune, vous ètes un gangster. » USA TODAY, 3/11/05. Reprise d’une partie d’un communiqué de l’Agence France-Presse : « Les émeutes secouant les banlieues de Paris ont mis à nu les points faibles des ambitions présidentielles sous-jacentes du ministre de l’intérieur français, Nicolas Sarkozy. » Le Daily Telegraph, quotidien britannique, 3/11/05, à la suite de la déclaration de Nicolas Sarkozy exigeant une tolérance zéro en matière de violence, écrit : « Il a terni son image en usant du langage de l’extrême droite, parlant de nettoyer les banlieues de la “racaille”. » Agence France-Presse, 3/11/05. « Le premier ministre, Dominique de Villepin – actuellement principal concurrent de Nicolas Sarkozy pour la présidentielle de 2007 – mais aussi les décennies de politiques gouvernementales ont été l’objet de critiques en raison de l’inaction face au délabrement des banlieues. » Le Telegraph, journal conservateur britannique, 3/11/05. « Ils [les ministres – NDLR] sont confrontés aux conséquences d’une politique d’intégration ratée pendant des décennies et d’une économie qui a failli dans la création d’emplois. ». « Les émeutes ont mis à jour les inadéquations du “modèle” français. » Der Standard, journal autrichien, 3/11/05, écrit que « le gouvernement français apparaît comme “n’ayant aucune idée de ce qu’il faut faire” » et qu’il fallait au moins reconnaître le rôle joué par Nicolas Sarkozy « qui ne pourrait guère montrer plus clairement comment NE PAS résoudre le problème ». Kommersant, Moscou, 3/11/05. La presse russe rejette sur les immigrés la responsabilité de la plupart des problèmes. « Les immigrés arabes règlent leurs comptes avec les autorités. » Washington Post, 3/11/05. Les ministres français se querellent et se battent pour le choix d’un plan visant à faire cesser les troubles. Le conseil des ministres s’est réuni toute la journée de mercredi, mais ils n’ont annoncé aucun plan concret pour circonscrire la violence. De Villepin et Sarkozy se sont mutuellement et publiquement rejeté la responsabilité de l’inaction en échangeant un certain nombre de rosseries. BBC news, 3/11/05. « La rivalité vraisemblable des deux hommes [D. de Villepin et N. Sarkozy – NDLR] pour la présidentielle de 2007 et leurs approches différentes des émeutes ont divisé le Conseil des ministres. » « M. Sarkozy a provoqué une controverse en traitant les émeutiers de “racaille” et en disant que bon nombre de banlieues avaient besoin d’un “nettoyage industriel”, tandis que M. de Villepin préconisait un message plus conciliant, conseillant vivement aux ministres de ne pas “stigmatiser” de vastes territoires. » Times online, 3/11/05. « Les tactiques provocantes de M. Sarkozy et sa querelle avec Dominique de Villepin, premier ministre, paraissent avoir nourri les troubles dans les secteurs qui sont en permanence des foyers de colère. » « S’adressant en conseil des ministres à l’Elysée, à 10 km seulement, mais séparé par un monde, du “93”, le président Chirac lança un appel au calme et implicitement pointa du doigt le ministre de l’intérieur qui est son ennemi en même temps que chef de son parti centre-droit l’UMP. » « Dans l’entourage de Chirac, on dit qu’il a demandé à M. de Villepin de laisser M. Sarkozy gérer seul les émeutes dans l’espoir qu’il compromettrait ses chances dans la course à la présidentielle de 2007. » On ne peut conclure cette revue de presse étrangère que sur un modeste constat et une immense interrogation. Le constat : Les commentateurs étrangers, et c’est normal puisqu’ils disposent du recul que les Français n’ont pas, ont une vue plus analytique de ces événements dramatiques et discernent leurs vraies origines. La grande interrogation : La dégradation extrême du tissu social des populations immigrées, déjà fragile à leur arrivée, est-elle remédiable ? A quel prix ? Et surtout, avec quelle volonté politique ? R. Schleiter © Polémia 6/11/05 LES DOSSIERS (II) Emeutes en banlieues, vues sur les sites arabes « Les émeutes ont été vues comme une réaction des jeunes originaires de l’Afrique du Nord et de l’Afrique noire en colère contre le racisme, le chômage et l’exclusion dont est responsable la majorité de la société française. » Cette phrase, relevée sur le site du Khaleej Times (Emirats arabes unis) du 5 novembre 2005, résume assez bien ce que l’on peut lire sur les sites arabes. Les médias que l’on pourrait appeler « occidentaux », français et étrangers, couvrent l’actualité au jour le jour. Il nous a paru intéressant de visiter deux sites arabes en langue française : Oumma.com et El Watan.com. 1) Sur Oumma.com du 5 novembre 2005, sous le titre « Evénements de SeineSaint-Denis : récupération ? », on parle donc de « récupération », de « provocations », de « complot », de « manœuvres ». Selon l’auteur du texte, il s’agit là d’une « rhétorique policière ». En effet, il faut expliquer les événements. Pour la police, « des groupes » seraient à l’œuvre qui « manipuleraient » les jeunes et s’emploieraient à « souffler sur les braises » sans pour autant aller plus avant dans les explications : on s’enferme dans la stricte « dialectique ». Pour les émeutiers, le gazage de la mosquée de Clichy-sous-Bois a été délibérément l’œuvre des policiers : « brutalité arbitraire » destinée à faire « obstacle aux tentatives de pacification de la situation par les habitants du quartier euxmêmes ». « L’écrasement moral et physique des quartiers populaires massivement peuplés de populations issues de la colonisation » n’est pas source de paix civile. « L’idée que les jeunes gens, qui ne savent plus canaliser leur révolte, seraient de simples marionnettes manipulées par des groupes aux projets obscurs est une insupportable marque de mépris. » Quant à l’image des cités des banlieues que l’on présente comme des « repaires intégristes, lieux de tournantes dans les caves et de tous les petits trafics », elle est totalement surréaliste, affirme toujours l’article, et les mensonges sont ressentis comme des insultes par des populations entières. Il est bien évident qu’avec une telle présentation des faits aux lecteurs arabes, on voit mal comment un dialogue tel qu’il est souhaité par le premier ministre pourrait avoir quelque chance d’aboutir : les interlocuteurs ne sont pas sur la même planète, d’autant plus qu’en conclusion le Mouvement des indigènes de la République, signataire de l’article, ne voit le salut des banlieues que dans de « profonds bouleversements, tant sur le plan politique et social que sur le plan idéologique et moral ». 2) Sur El Watan.com (édité en Algérie) du 6 novembre 2005, sous le titre « Boucs émissaires », le grand responsable des émeutes et de leur intensité, c’est Nicolas Sarkozy, ministre de l’intérieur. « Fallait-il que les banlieues s’embrasent et qu’il y ait mort d’homme pour que la vie dans les banlieues françaises devienne subitement un sujet de préoccupation pour les parlementaires et la classe politique française qui semblent découvrir, médusés, le phénomène de la violence et des inégalités criantes qui caractérisent les banlieues ? » Quant au ministre chargé de l’Egalité des chances, il fait dans la figuration. Aziz Begag, Français d’origine algérienne, universitaire, présenté en France comme le parfait exemple d’une intégration réussie, est réduit à l’inaction « par une politique gouvernementale qui ne lui laisse que peu de liberté pour concrétiser enfin le combat dans lequel il s’est investi depuis de longues années (…) » « La révolte des émigrés de seconde génération, dont l’écrasante majorité est française (…), se nourrit (…) d’humiliations que subissent les jeunes dans la vie de tous les jours, dans leur quartier, par des comportements provocateurs des policiers, dans leur lieu de travail, dans l’accès à l’emploi, dans les lieux publics. » Et, comble d’humiliation, s’offusque le journal, une émission de télévision n’est-elle pas allée jusqu’à présenter « l’émigré » comme un fraudeur et un profiteur des avantages sociaux existant en France ? La loi française du 23 février 2005 votée par l’Assemblée nationale et glorifiant le colonialisme est pour les émigrés algériens un ferment supplémentaire de malaise. El Watan rappelle que le ressentiment des émigrés s’est accentué lorsque M. Sarkozy a parlé de « kärcher » à La Courneuve et, plus tard, de « racaille » : le ministre de l’intérieur « pouvait-il considérer que tout le peuple des banlieues n’est constitué que de trafiquants de drogue et de voyous irrécupérables et donc inéligibles à une bonne intégration ? » En conclusion, il est intéressant de revenir sur un autre article, cette fois d’une teneur essentiellement philosophique, de Oumma.com du 5 novembre intitulé « Peut-il exister un islam en France ? » par Rochdy Alili. La réponse de l’auteur est évidemment : Oui. Malgré un bilan, en France, « des instances extrafamiliales actuelles de construction d’une conscience et d’une identité musulmanes » qui présente un certain nombre de faiblesses, ces instances « savent très bien ce qui est musulman et ce qui n’est pas musulman à leurs yeux ». « Les critères ont été fixés de l’Algérie au Pakistan, de l’Iran à l’Arabie saoudite et du Soudan aux campagnes d’Anatolie, et ils sont clairement répétés ici, en Europe occidentale. » Voilà ce qui peut expliquer en partie l’échec de toute tentative d’intégration tant souhaitée par nos gouvernements. L’auteur poursuit : « La quête d’une identité musulmane en France et la prise de conscience claire de cette identité ne se font pas sans tension », à la fois entre, d’une part, les itinéraires personnels des musulmans et les « instances importées » et, d’autre part, entre les musulmans et la société française « dont le rejet anti-islamique est une donnée culturelle ancienne et récurrente ». Reste à savoir qui, chez les Arabes d’origine, est musulman et qui ne l’est pas. Ceux qui prétendent n’avoir aucun lien religieux avec l’islam peuvent-ils être considérés malgré tout comme des musulmans ? Rochdy Alili répond encore par l’affirmative : « Les personnes issues du monde musulman et de famille musulmane, même si elles n’assument ni ne revendiquent aucune part d’islamité, et parfois regrettent cette islamité, peuvent très bien être considérées comme musulmanes » et parfois « stigmatisées par l’opinion commune dominant dans la société française. (…) L’ethnique apparaît alors indissociable du culturel, le culturel du religieux et le religieux du cultuel lorsqu’il s’agit d’islam. » Rien d’étonnant à ce que les malentendus s’instaurent, les tensions montent ; il y a risque d’explosion, puis explosion. René Schleiter © Polémia 7/11/05 LES DOSSIERS (II) Après les « émeutes », le déluge ? Ce que les médias qualifient aimablement d’émeutes « urbaines », (toujours la langue de bois de la France officielle [1]) sont bel et bien, en réalité, des émeutes « ethniques », les premières du genre dans notre pays. Il faut considérer les problèmes d’immigration et d’intégration pour ce qu’ils sont : un conflit pour les ressources et, à terme, pour la conquête du pouvoir politique [2]. Les mesures adoptées par le gouvernement pour faire face à la situation ontelles des chances ? Sans faire preuve de pessimisme excessif, cela paraît fort douteux pour un ensemble de raisons : a) ces mesures consistent, pour une bonne part, à mettre une « couche » de plus sur celles qui existaient déjà, dans la logique de l’assistant social d’Etat dont la France a le secret [3] (un déluge de primes, franchises, subventions, allocations, d’éducateurs, de moniteurs, de médiateurs, etc.) [4]. Or, devant l’échec patent de la politique de la Ville, il faudrait « inventer » quelque chose de radicalement différent [5]. Mais quoi ? b) car il n’y a pas d’exemple, dans l’histoire du monde, d’une communauté d’origine musulmane, massive et croissante (rappelons que la communauté d’origine immigrée croît en France à un rythme de 3 % l’an, sans compter les flux migratoires : 250 000 par an), qui se soit paisiblement intégrée dans une communauté nationale étrangère (cf. le Kosovo, la Bosnie) [6]. Quant aux Noirs américains, après deux siècles et demi sur le sol américain, ils sont toujours marginalisés aux Etats-Unis, malgré l’apparition tardive d’une petite bourgeoisie noire. c) au surplus, les « Jeunes » auront compris qu’en brûlant moult voitures ils ont eu accès à la télévision (le rêve de tout un chacun) et obtenu encore plus d’argent des pouvoirs publics : une leçon qu’on n’oublie pas. Que peut-il se passer ? On est ici en présence de deux scénarios, le rose et le noir : – L’officiel, « le rose », voudrait que la France, enfin éveillée à ce difficile problème, évolue paisiblement, grâce aux heureuses mesures d’intégration qui auront porté leurs fruits, vers une société apaisée et réconciliée dans ses différentes composantes « Bleu/Black/Beur », où fils et filles de la République [7] seraient réunis autour du drapeau tricolore (comme lors de la Coupe du monde de football) [8]. – A l’opposé, « le noir » verrait la France évoluer vers une radicalisation croissante de communautés de plus en plus étrangères les unes aux autres [9]. 1°/ Il serait bien surprenant, s’il ne l’a pas déjà fait, que l’islamisme ne s’empresse pas de récupérer aussi vite que possible une partie du mouvement parti des banlieues pour l’utiliser à ses fins propres. 2°/ Il est vraisemblable qu’au fil des années l’on assistera à une double prise d’otages : – les pouvoirs publics seront pris en otages par les communautés d’origine immigrée et agiront sous la contrainte et la crainte perpétuelle de l’agitation, de l’émeute ou du terrorisme : – le gouvernement, à court de ressources sans cesse réclamées puis exigées prendra en otages les classes moyennes françaises, celles qui travaillent et qui produisent des ressources, par le biais d’un alourdissement constant de la fiscalité (locale ou nationale) et des charges sociales, sans compter les primes d’assurances ! Car il faudra bien financer le « panem » et les « circenses » de l’immigration. Et la classe politique, dans sa majorité, ne verra aucune objection à pressurer et contraindre ses compatriotes, au nom du bien public, bien sûr. Les médias, déjà largement gagnés à la cause, feront de même. 3°/ D’où le risque, à terme, d’une double guerre civile, larvée ou ouverte : – au sein de la société d’accueil où, parmi les « natifs » [10] l’on verra, comme entre 1940 et 1945, se dresser les « résistants », peu nombreux, qui ne voudront à aucun prix accepter cette exploitation d’un nouveau genre, contre les « collabos », évidemment majoritaires, qui feront le gros dos pour avoir la paix ou qui militeront avec enthousiasme pour le nouveau système afin de hâter l’avènement d’une France nouvelle [11] ; – au sein des communautés immigrées où les ralliés, ou les « nouveaux harkis » intégrés, minoritaires, qui auront choisi la France dans ses défauts et ses vertus, seront confrontés aux non-intégrés et aux non-intégrables, majoritaires, qui profiteront de la nouvelle donne pour tenter d’accéder aux commandes. 4°/ Avec, en toile de fond, le risque bien réel, en fait déjà en route si l’on en croit les indicateurs internationaux, de l’installation d’un processus de sousdéveloppement économique de la France, avec départ à l’étranger: – de nos entreprises : celles qui le pourront, – de nos élites (la France exporte des bacs plus 5 et importe des bacs moins 5, disait Jacques Dupâquier) [12]. Sur le plan international : 1°/ Dans un tel contexte aussi peu favorable, il est vraisemblable que la France, devenue trop vulnérable et trop lourde à porter, fera l’objet d’une sorte de mise en quarantaine de la part de ses voisins européens, sur le plan : – de l’euro, par lassitude de devoir soutenir un pays à la balance des paiements structurellement déficitaire ; – des mouvements de personnes par suspension des accords de Schengen [13]. 2°/ Il est manifeste que ce scénario s’inscrit dans la logique de la politique française des trente dernières années avec le regroupement familial, le droit d’asile, l’extension des droits sociaux les plus généreux à tout immigré qui a réussi, légalement ou non, à franchir la frontière, l’octroi « en vrac » de la nationalité française, l’accumulation d’entraves et d’interdits juridiques de toute sorte à l’action de l’Etat [14] qui fait de la France un cas unique en Europe, avec une population d’origine immigrée et de culture musulmane d’environ 5 millions de personnes – Noirs, Maghrébins et Turcs – contre 2,5 en Allemagne, 1,3 en Grande-Bretagne, 300 000 en Italie ou en Espagne. Il est clair que, depuis trente ans, les pouvoirs publics ont joué les apprentis sorciers et créé une situation démographique devenue ingérable. 3°/ Reste à savoir si les développements récents – et à venir – ne pourraient pas, tôt ou tard, s’inscrire dans le cadre d’une stratégie mondiale de l’islamisme. Ce dernier pourrait viser à une domination mondiale par la prise en otage d’une Europe vulnérable, riche mais molle, à partir de la conquête du pouvoir en France. Cette dernière deviendrait donc, bon gré, mal gré, la tête de pont pour le contrôle de l’Europe [15]. Yves-Marie Laulan 26 novembre 2005 Notes : [1] Après le doux nom de « Jeunes » donné pendant des années aux voyous des quartiers sensibles. [2] La création de l’association « Noirs de France » au lendemain desdites émeutes est très significative à cet égard. [3] Comme dans les DTOM et, naguère, en Afrique francophone. [4] Il est vrai que cela crée de l’emploi public et du déficit. La dernière idée en date, sortie de ces cerveaux étroits et camus, est qu’il faut démanteler les ghettos en répartissant la population d’origine immigrée sur tout le territoire, comme on délaie du café dans du lait pour l’édulcorer. Et cela alors que les émeutes ont déjà touché la plupart des régions. Faudra-t-il installer, de force, une famille immigrée dans chaque immeuble et dans chaque maison comme les Bolcheviks l’ont fait pour les bourgeois à la Révolution ? [5] Car, jusqu’ici, tout a échoué, en France comme en Angleterre, comme aux Pays-Bas. [6] Aussi l’Algérie « française », le Pakistan et les communautés musulmanes en Inde, en Indonésie, au Nigéria : les exemples sont innombrables. [7] L’expression est du président de la République dans son allocution de fin d’émeutes. [8] En vertu du postulat, acquis depuis 30 ans, que tout immigré qui franchit nos frontières devient, dans l’instant, fils de Vercingétorix et cousin de Clovis. [9] La référence à Haïti, où l’auteur a commencé sa carrière, est très illustrative d’un tel processus : après la « libération » par Toussaint Louverture, les Métis ont exterminé ou chassé les Blancs au cours du XIXe siècle, puis les Noirs ont exterminé ou chassé les Métis. Si bien qu’aujourd’hui Haïti est un enfer tropical d’où les meilleurs s’enfuient vers des cieux plus cléments : les docteurs haïtiens abondent à Chicago mais sont absents à Haïti. [10] L’expression, oh combien expressive, est de Michelle Tribalat. [11] On voit tout de suite de qui il s’agit : sociologues, politologues, ethnologues, gens des médias persillés de quelques représentants de la classe politique soucieux de préserver leur carrière. [12] Nos universités sont déjà envahies (250 000) par des étudiants étrangers souvent quasi illettrés. [13] L’étranger, et cela se comprend, sera sans doute fort peu soucieux de recevoir cette masse d’étrangers peu ou pas qualifiés mais porteurs de droits sociaux que la France prodigue a été si enthousiaste à accueillir : « Gardez vos immigrés, nous gardons les nôtres. » [14] La convention des Droits de l’homme, l’action du Conseil d’Etat (cf l’arrêt Montcho autorisant la polygamie), celle du Conseil constitutionnel pour peu qu’il soit présidé par un Me Badinter, du corps judiciaire dont une bonne partie est acquise au tiers-mondisme, etc. L’Etat, réduit à l’impuissance, voit sa politique empêtrée sans espoir dans cette toile d’araignée invisible mais terriblement efficace. [15] Dans ce jeu aux dimensions du monde, la Turquie sera un pion essentiel. Jacques Chirac aura fait loyalement son jeu aussi longtemps qu’il l’a pu. LES DOSSIERS (II) Emeutes novembre 2005 : Abécédaire « Cela fait des années que nos gouvernements ne savent que réagir et non plus agir » : Paul Thibaud, philosophe, ancien directeur de la revue « Esprit ». Il aura fallu plusieurs morts, 9 000 véhicules brûlés, des policiers blessés par armes à feu, plusieurs établissements industriels et commerciaux incendiés, des supermarchés dévalisés, des crèches, des écoles, des gymnases ravagés, etc., pour que des politiques, des intellectuels, des militants associatifs, venant de tous les horizons émergent de la torpeur dans laquelle ils sommeillaient depuis près de trente ans. Polémia a relevé sous forme d’abécédaire dans la presse écrite bon nombre de leurs déclarations, parfois surprenantes, souvent iconoclastes et, pour certaines, hélas, encore très conformistes. * * * Action affirmative (Nicole Bacharan) : « Au lieu de se plaindre du regard parfois caricatural que les étrangers portent sur la crise des banlieues, il serait opportun d’étudier les méthodes qu’ils ont utilisées pour favoriser l’intégration. Ainsi l’ « action affirmative » pratiquée aux Etats-Unis depuis les années 60 mérite un examen attentif et lucide, fondé non sur des idées reçues comme il en circule tant en France, notamment dans les cercles gouvernementaux, mais sur les faits. (…) La traduction française « discrimination positive » est une absurdité : le mot « discrimination » n’a jamais eu le moindre sens positif ni en français ni en anglais. (…) Qu’est-ce alors que l’ « action affirmative » ? Ceci : les entreprises et agences publiques doivent engager des employés issus des minorités sous peine d’être en infraction avec la législation sur la nondiscrimination dans l’emploi (…). Contrairement à ce que l’on dit souvent ici, les quotas sont interdits aux Etats-Unis. Il est aussi faux de dire que chaque Américain serait définitivement « fiché » selon sa « race ». (…) On oppose souvent le « modèle républicain à la française » à un prétendu « modèle communautariste à l’américaine ». Cela n’a pas de sens. Les deux constitutions garantissent l’égalité de tous les citoyens sans distinction de sexe, de religion ou d’origine. Aux Etats-Unis, l’action affirmative n’est [pas] un principe constitutionnel (…). C’est une méthode pragmatique. Quarante ans après cette déclaration, on ne peut que constater les progrès accomplis : en 1960, seuls 13 % des Noirs faisaient partie de la classe moyenne ; ils sont aujourd’hui 66 %. (…) Contrairement à ce que prétendent certains responsables français, les Etats –Unis n’ont pas renoncé à l’action affirmative [qui] a été reconfirmée par la Cour suprême en 2003 » (extraits de « L’ “action affimative” pour forcer les portes de l’intégration », par Nicole Bacharan, historienne, politologue, spécialiste des Etats-Unis, in Le Figaro du 17/11/05). ANPE (Christian Charpy) : « Nous allons recevoir les 70 000 jeunes qui sont inscrits à l’agence. Notre premier devoir consiste à essayer de leur trouver une solution. Nous les recevrons tous les mois s’il le faut, dès décembre si possible. Il ne s’agit pas de multiplier les entretiens pour faire du chiffre mais pour les accompagner dans le retour à l’emploi. A la sortie d’un entretien, nous devons avoir proposé à chacun un parcours vers l’emploi, une formation ou un stage »(Christian Charpy, directeur de l’ANPE, Le Figaro économie du 22/11/05). Antirépublicain (Alain Finkielkraut) : « (…) La république est la version française de l’Europe. Eux et ceux qui les justifient disent que cela provient de la fracture coloniale. D’accord, mais il ne faut pas oublier que l’intégration des travailleurs arabes en France à l’époque du pouvoir colonial était beaucoup plus simple. C’est-à-dire que c’est une haine à retardement, une haine a posteriori. Nous sommes témoins d’une radicalisation islamique qu’il faut expliquer dans sa totalité avant d’arriver au cas français, d’une culture qui au lieu de s’occuper de ses propres problèmes recherche un coupable extérieur. Il est plus simple de trouver un coupable extérieur. Il est séduisant de se dire qu’en France tu es exclu et “Donnez-moi ! Donnez-moi !” (…) Mais je pense que ce qu’on a vécu c’est un pogrom antirépublicain. On nous dit que ces quartiers sont délaissés et que les gens sont dans la misère. Quel lien y a-t-il entre la misère et le désespoir et brûler des écoles ? (…) Et j’ai été tout simplement scandalisé de ces actes qui se sont répétés et encore plus scandalisé par la compréhension qu’ils ont rencontrée en France. On les a traités comme des révoltés comme des révolutionnaires. C’est la pire des choses qui pouvait arriver à mon pays et je suis très malheureux. Pourquoi ? Parce que le seul moyen de surmonter c’est de les obliger à avoir honte. La honte c’est le début de la morale. Mais au lieu de les pousser à avoir honte, on leur a donné une légitimité : ils sont “intéressants”. Ils sont “les damnés de la terre”. Imaginez un instant qu’ils soient blancs comme à Rostock en Allemagne on dirait immédiatement : le fascisme ne passera pas. Un Arabe qui incendie une école c’est une révolte, un blanc c’est du fascisme. Je suis daltonien : le mal est le mal, peu importe sa couleur. Et ce mal-là pour le juif que je suis est totalement inacceptable. Pire, il y a là une contradiction, car si effectivement ces banlieues étaient dans une situation de délaissement total, il n’y aurait pas de salles de sport à incendier, il n’y aurait pas d’écoles et d’autobus. S’il y a des gymnases, des écoles et des autobus, c’est que quelqu’un a fait un effort. Peut-être insuffisant mais un effort quand même » (extraits d’une interview donnée par Alain Finkielkraut à Dror Mishani et Aurelia Samothraiz du quotidien israélien Haaretz paru le 18/11/05). Colonialisme (Philippe Bernard) : « “Racaille”, “état d’urgence”, en deux mots l’exécutif a donné raison à ceux qui tentent de persuader les jeunes issus de l’immigration qu’ils ne sont rien d’autre que des “indigènes de la République”, traités dans leur propre pays comme l’étaient leurs parents du temps des colonies (…). Cette analyse (…) assimile abusivement les discriminations actuelles au statut des colonisés et renvoie dramatiquement les jeunes à une identité d’éternelles victimes (…). Pourtant, en convoquant l’imaginaire colonial, le gouvernement n’est pas loin de justifier l’appel à “décoloniser la République” lancé par les “indigènes” et alimente le communautarisme qu’il prétend combattre (…). Tant que les politiques, de gauche comme de droite, peineront à considérer les enfants d’immigrés comme des Français à 100 % quelle que soit la couleur de leur peau, tant qu’un discours de vérité sur la colonisation ne sera pas substitué au “rôle positif de la présence française” scellé par la loi de février 2005, les jeunes des quartiers populaires (…) continueront de sentir combien le poids de cette histoire imprègne encore les regards posés sur eux » (extraits de « Banlieue : la provocation coloniale », par Philippe Bernard in Le Monde du 19/11/05). Communautarisme (Daniel Jospin) : « Je suis hostile au communautarisme. Il faut rester dans notre tradition républicaine qui consiste à garantir l’égalité des citoyens quelle que soit leur origine. (…) Qu’il faille faire des efforts particuliers en direction de telle ou telle catégorie de la population pour en favoriser l’intégration, c’est évident, mais il ne faut pas le faire sur des bases ethniques ou religieuses » (Lionel Jospin, dans Les Echos du 7/12/05). Communautarisme (bis) (Nicolas Sarkozy) : « Absurde! Comme si c'était moi qui étais responsable du communautarisme! Pouvez-vous me regarder et me dire en face que le communautarisme, c'est moi? Le communautarisme, il naît de la faiblesse de l'Etat républicain. Quand l'Etat ne remplit plus son rôle, les membres d'une communauté se retournent vers celle-ci pour être défendus, faute de l'être par l'Etat. (…). J'en viens à l'islam de France : comment pouvez-vous oublier ces grands moments de la vie de la République, quand le CFCM a déclaré publiquement qu'il ne se reconnaissait pas dans les tortionnaires qui avaient enlevé vos confrères journalistes en Irak ? Quand l'UOIF [Union des organisations islamiques de France], qui concurrence, au bon sens du terme, les salafistes dans les cités, a adressé une fatwa pour déclarer qu'on ne pouvait pas se dire bon musulman et se faire l'apôtre de la violence dans les banlieues ? Eh bien, je me suis dit en entendant cela que ce que j'avais fait était utile ! Vous ne pouvez pas dire le contraire. (…) J'ai dit que les religions étaient capables de redonner du sens à la vie et que la question spirituelle était plus importante que la question temporelle, notamment dans des quartiers qui sont devenus des déserts culturels et cultuels. Je n'ai jamais parlé du lien social. Je ne veux pas de l'ordre des mafias et je ne veux pas plus de l'ordre des barbus. Je veux l'ordre de la République. Maintenant, sur le bilan soi-disant dérisoire du CFCM, comment pouvez-vous dire cela, alors que 1 300 mosquées ont participé à la définition de l'islam de France, deuxième religion de notre pays, au cas où vous l'auriez oublié? Si ce bilan-là est dérisoire, que devrait-on dire des autres! Quant à la discrimination positive, je suis choqué qu'il n'y ait pas plus de préfets de minorités visibles, je suis choqué que, quand on est musulman ou originaire d'Afrique noire, on ne se reconnaisse pas dans les magistrats, dans les généraux, dans la haute fonction publique. La France est multiple ; cette multitude est une richesse. Je ne veux pas d'une élite française unique. »(…) Pour moi, la France, ce n'est pas une addition de communautés. Mais, à force de décrire une France qui n'existe pas, c'est-à-dire des Français tous égaux, on passe à côté de la résolution des problèmes. La France n'est pas une succession de parts de marché, mais il y a des Français qui ont des problèmes différents des autres. Et s'occuper des problèmes de tous les Français, ce n'est pas un reproche qu'on peut faire à un responsable politique. Il y a des problèmes spécifiques. Quand vous parlez de communautarisme, vous traduisez une peur. La République, vous la voyez beaucoup plus faible que moi. S'occuper des banlieues ou des musulmans, ce n'est pas faire du communautarisme. Mon action est profondément républicaine, car je veux rétablir l'ordre républicain. Elle est le contraire du communautarisme. Après toutes les interpellations que nous avons faites, la France ne sera, d'ailleurs, plus la même, car le sentiment d'impunité, pour la première fois depuis très longtemps, va reculer. Vous devriez dire : enfin un ministre de l'Intérieur républicain ! Le droit de vote des étrangers, par exemple, c'est un facteur d'intégration » (extraits d’une interview exclusive donnée par Nicolas Sarkozy à Denis Jeambar de L’Express, parue le 17/11/05). Consommation (Alain Finkielkraut) : « (…) Et ces gens qui détruisent des écoles, que disent-ils en fait ? Leur message n’est pas un appel à l’aide ou une exigence de plus d’écoles ou de meilleures écoles, c’est la volonté de liquider les intermédiaires entre eux et les objets de leurs désirs. Et quels sont les objets de leurs désirs ? C’est simple : l’argent, les marques, et parfois des filles. C’est pourquoi il est certain que notre société a sa responsabilité, parce qu’ils veulent tout maintenant et ce qu’ils veulent c’est l’idéal de la société de consommation. C’est ce qu’ils voient à la télévision. (…) Aujourd’hui la haine des Noirs est encore plus forte que celle des Arabes. (…) Bien sûr qu’il y a une discrimination. Et il y a certainement des Français racistes. Des Français qui n’aiment pas les Arabes et les Noirs. Et ils les aimeront encore moins maintenant quand ils prendront conscience de combien eux-mêmes les haïssent. C’est pourquoi cette discrimination va s’approfondir pour tout ce qui concerne le logement et aussi le travail. Mais je pense que l’idée généreuse de guerre contre le racisme se transforme petit à petit monstrueusement en une idéologie mensongère. L’antiracisme sera au XXIe siècle ce qu’a été le communisme au XXe » (extraits d’une interview donnée par Alain Finkielkraut à Dror Mishani et Aurelia Samothraiz du quotidien israélien Haaretz paru le 18/11/05). Culpabilité (Dominique Sopo) : « Il existe en France un antiracisme bienpensant. Il est dangereux, car dévoyé. Il se nourrit principalement de cette culpabilité blanche, il est une perpétuelle action de repentir (…) [qui] laisse la place à toutes les dérives » (Dominique Sopo, dans Le Point du 24/11/05). Culture (Robert Redeker) : « Les événements enflammant les banlieues françaises en cet automne sont d’un genre inédit. (…) La violence s’est déchaînée contre la culture, écoles et bibliothèques ont été brûlées, comme en temps de barbarie (…). Pour la sociologie, servant de base à tous les travailleurs sociaux, médiateurs, intervenants en banlieue, “la” culture n’existe pas ; seules existent “les” cultures, toutes également légitimes. A force de marteler que “la” culture est oppression, élitisme, qu’une pièce de Shakespeare n’a pas plus de valeur qu’une chanson et qu’un vers de Racine ne vaut pas mieux qu’un couscous, comment s’étonner qu’on brûle des bibliothèques ? On ne cesse de dévaluer “la” culture (sens philosophique du mot) et de surévaluer, au nom du différentialisme, “les” cultures (sens sociologique), dans leur pluralité. Les définitions de l’homme et du citoyen entrent, du fait du pluralisme culturel, en concurrence aux dépens des jeunes de banlieue, qui ne savent plus à quoi il faut essayer de ressembler puisqu’on leur a enseigné que tout se vaut. Le nihilisme est la situation d’égalisation des cultures (…) [avec pour effet] l’impossibilité, pour des populations issues de cultures étrangères, de s’amalgamer à la culture nationale et républicaine de la France. Caractérisées par l’absence de sens, les émeutes des banlieues s’expliquent avant tout par le nihilisme auquel a conduit une politique culturelle inspirée de la sociologie plutôt que de la philosophie » (extraits de « Le nihilisme culturel imprègne les émeutes banlieusardes », par Robert Redeker, philosophe, in Le Figaro du 28/11/05). Déconnection (Guy Sorman) : « La guérilla urbaine engagée par les “jeunes de banlieues” n’est qu’un témoignage de plus de la déconnection totale entre la société française telle qu’elle est devenue et la classe politique telle qu’elle ne change pas (…). Or depuis les années 80, l’Etat parle dans le vide et la société file dans mille autres directions ; exemples : il n’existe plus aucune relation entre l’économie capitaliste et mondialisée et une politique économique hexagonale à base de subventions (…). La société française est balkanisée, auto-organisée sur la base de solidarités nouvelles (…) ; le patronat s’est internationalisé (…), les syndicats ne défendent plus les ouvriers mais leurs intérêts particuliers, (…) les immigrés ont créé une économie parallèle (…). En somme, l’Etat est nu mais il ne le sait pas (…). Il existerait bien une thérapie, mais lourde, qui pourrait tuer le patient. Elle s’appelle l’autocritique. Mais imagine-t-on la classe politique avouer qu’elle a très mal géré l’Etat depuis 25 ans ? (…). Cet autisme politique est la véritable cause des incendies (…). Qui a créé la zone de non-droit d’où l’incendie est parti ? Les adolescents ou l’Etat autiste ? » (extraits de « Violences urbaines, c’est l’Etat qui a pris feu », par Guy Sorman in Le Figaro du 14/11/05). Désastre (Ivan Rioufol) : « Qui a mis la France dans cet « état d'urgence » ? Ceux qui ont laissé croire aux seuls bienfaits de la multiethnicité, du mélange des cultures, de la “citoyenneté du monde”. Ceux qui ont, dans le même temps, ringardisé le patriotisme, relativisé la légitimité des lois, victimisé les minorités. Ceux qui ont dissimulé les réalités, bidonné les chiffres, nié les évidences. Ceux qui ont lynché les contradicteurs. Comment suivre encore ces faiseurs de désastre ? Ces professionnels du parler faux n'envisagent pas l'autocritique. Ils s'essayent même à d'autres acrobaties : les violences urbaines traduiraient une demande d'intégration, les incendies d'écoles un besoin d'instruction (…). Aujourd'hui, le peuple excédé n'est pas loin de tenir ses représentants et médiateurs pour collectivement responsables d'un risque de libanisation du pays. (…) Une réflexion sur ces événements – qui n'auront surpris que les esprits moutonniers – conduit à mettre en cause la pensée clonée, qui refuse d'appeler un chat un chat (…). Il est temps d'ouvrir les yeux sur les maltraitants de la France, pressés d'en finir – au nom d'un universalisme mal compris – avec une nation héritière de Louis XI, de Molière et des poilus de Douaumont. (…) Faut-il poursuivre l'immigration, le regroupement familial, le droit du sol ? Comment faire respecter la nation, son histoire, ses valeurs ? Urgent d'en débattre » (extraits du « Bloc-notes » d’Ivan Rioufol in Le Figaro du 18/11/05). Ecole (Alain Finkielkraut) : « (…) Ce sentiment qu’ils ne sont pas français ce n’est pas l’école qui le leur donne. (…) En France, comme vous le savez peutêtre, on inscrit les enfants dans les écoles, même s’ils se trouvent illégalement dans le pays. Il y a ici quelque chose de surprenant, de paradoxal. L’école pourrait très bien appeler la police puisque l’enfant se trouve en France illégalement, et malgré tout l’école ne prend pas en considération leur illégalité. Prenez par exemple la langue : vous dites qu’ils sont d’une troisième génération, alors pourquoi est-ce qu’ils parlent le français comme ils le parlent ? C’est un français égorgé, l’accent, les mots, la grammaire. C’est à cause de l’école ? A cause des profs ? (…) Je ne sais pas. Je suis désespéré. A cause des émeutes et à cause de leur accompagnement médiatique. Ils vont se calmer, mais qu’est-ce que ça veut dire ? Ce ne sera pas un retour au calme. Ce sera un retour à la violence habituelle. Alors ils vont arrêter parce qu’il y a tout de même un couvre-feu, et les étrangers ont peur, et les dealers veulent reprendre les affaires. Mais ils jouiront du soutien et de l’encouragement à leur violence antirépublicaine, par le biais du discours repoussant de l’autocritique sur leur esclavage et le colonialisme. C’est cela, ce n’est pas un retour au calme mais à la violence de routine. (…) J’ai perdu. Pour tout ce qui concerne la lutte sur l’école, j’ai perdu. C’est intéressant, parce que, quand je parle, beaucoup de gens sont d’accord avec moi. Beaucoup. Mais il y a quelque chose en France, une espèce de déni qui provient des “bobos”, des sociologues et des assistants sociaux, et personne n’a le courage de dire autre chose. Ce combat est perdu, je suis resté en arrière » (extraits d’une interview donnée par Alain Finkielkraut à Dror Mishani et Aurelia Samothraiz du quotidien israélien Haaretz paru le 18/11/05). Enfants (Emmanuel Todd) : « Mais je ne vois rien dans les événements euxmêmes qui sépare radicalement les enfants d'immigrés du reste de la société française. J'y vois exactement le contraire. J'interprète les événements comme un refus de marginalisation. Tout ça n'aurait pas pu se produire si ces enfants d'immigrés n'avaient pas intériorisé quelques-unes des valeurs fondamentales de la société française, dont, par exemple, le couple liberté-égalité. Je lis leur révolte [celle des enfants d’immigrés] comme une aspiration à l'égalité. Je trouve d'une insigne stupidité de la part de Nicolas Sarkozy d'insister sur le caractère étranger des jeunes impliqués dans les violences. Je suis convaincu au contraire que le phénomène est typique de la société française. Leur violence traduit aussi la désintégration de la famille maghrébine et africaine au contact des valeurs d'égalité françaises » (extraits de « Rien ne sépare les enfants d’immigrés du reste de la société », par Emmanuel Todd, historien et démographe, in Le Monde des 13-14/11/05). Erreurs (Nicolas Sarkozy) : « (…) Je voudrais, surtout, qu'on en finisse avec quarante années d'erreurs, droite et gauche confondues. J'en vois quatre importantes. - Première erreur: on a cherché à aider des territoires plutôt qu'à aider des individus. Aider des territoires, ça veut dire aider tout le monde, celui qui veut s'en sortir mais aussi celui qui ne fait rien pour cela. Ça permettait à la société de se dérober et d'ignorer qui il fallait aider, c'est-à-dire les personnes issues de l'immigration maghrébine et d'Afrique noire. On n'a pas eu le courage de dire cela et on s'est protégé avec l'aide au territoire. - Deuxième erreur : on a fait du social là où il fallait offrir du travail. On a aidé les colonies de vacances, on a créé des terrains de football, on a distribué des subventions là où il fallait donner une formation. - Troisième erreur : on a refusé de regarder le problème des banlieues en face. On a nié l'existence de bombes à retardement à dix minutes du centre de la capitale de la France et de la plupart de ses villes. - Quatrième erreur : on a laissé à penser qu'on pouvait confondre générosité et impunité. L'impunité, ce n'est pas de la générosité, c'est de la complicité. Voilà les quatre erreurs et les quatre changements de cap profonds que je souhaite réaliser. (…) Si on devait trouver une faute qui résumerait tout, c'est la lâcheté. Lâcheté, parce qu'on n'a pas voulu dire que l'immigration est un problème qui existe. Lâcheté, parce qu'au fil des ans on a laissé le problème s'enkyster. Lâcheté, parce qu'on a trouvé plus facile de faire du collectif plutôt que de l'individuel. Lâcheté, parce qu'il était plus simple de distribuer des crédits dans une France en croissance, plutôt que d'obliger des gens à se former et à travailler. Lâcheté, parce qu'on s'est retranché derrière un concept, le modèle d'intégration à la française, sans se demander s'il était encore efficace. Lâcheté, parce qu'on n'a pas voulu poser la question d'une immigration choisie plutôt que subie » (extraits d’une interview exclusive donnée par Nicolas Sarkozy à Denis Jeambar de L’Express parue le 17/11/05). Etat d’urgence (Frédéric Rolin) : « La question est de savoir si les troubles sont suffisamment graves pour justifier l’état d’urgence. Or il n’y a plus de troubles… » (Frédéric Rolin, professeur de droit public, in Libération du 9/12/05). Ethnique (Alain Finkielkraut) : « (…) En France on voudrait bien réduire les émeutes à leur niveau social. Voir en elles une révolte de jeunes de banlieues contre leur situation, la discrimination dont ils souffrent et contre le chômage. Le problème est que la plupart de ces jeunes sont noirs ou arabes et s’identifient à l’Islam. Il y a en effet en France d’autres émigrants en situation difficile, Chinois, Vietnamiens, Portugais, et ils ne participent pas aux émeutes. Il est donc clair qu’il s’agit d’une révolte à caractère ethnico-religieux. (…) Cette violence a été précédée de signes annonciateurs très préoccupants que l’on ne peut réduire à une simple réaction au racisme français. Prenons par exemple les événements qui ont accompagné il y a quelques années le match de football France-Algérie, ce match s’est déroulé à Paris au stade de France, on nous dit que l’équipe de France est adorée par tous parce qu’elle est “blackblanc-beur”, en fait aujourd’hui elle est black-black-black, ce qui fait ricaner toute l’Europe. Si on fait une telle remarque en France on va en prison mais c’est quand même intéressant que l’équipe de France de football soit composée presque uniquement de joueurs noirs. Quoi qu’il en soit, cette équipe est perçue comme le symbole d’une société multiethnique, ouverte, etc. Le public dans le stade, des jeunes d’origine algérienne, ont hué pendant tout le match cette même équipe. Ils ont même hué la “Marseillaise” et le match a dû être interrompu quand les jeunes ont envahi le terrain avec des drapeaux algériens. Et il y a aussi les paroles des chansons de rap, des paroles très préoccupantes, de véritables appels à la révolte, je crois qu’il y en a un qui s’appelle docteur R qui chante “Je pisse sur la France, je pisse sur de Gaulle”, etc., ce sont des déclarations très violentes de haine de la France. Toute cette haine et cette violence s’expriment maintenant dans les émeutes ; y voir une réponse au racisme français c’est être aveugle à une haine plus large : La haine de l’Occident qui est responsable de tous les crimes. La France découvre cela aujourd’hui » (extraits d’une interview donnée par Alain Finkielkraut à Dror Mishani et Aurelia Samothraiz du quotidien israélien Haaretz paru le 18/11/05). Exemple (Kim Goodman) : « La seule façon pour la communauté noire d’améliorer sa condition, c’est de se concentrer sur les études, de faire des percées majeures dans le monde des affaires et d’augmenter sa participation au capitalisme » (extraits de « Les vertus de l’exemple », par Kim Goodman, viceprésidente de Dell, diplômée de sciences politiques, MBA de Harvard et master en ingénierie industrielle de Stanford, in « La chronique d’Yves de Kerdrel », Le Figaro du 22/11/2005.) Français (Nicolas Sarkozy) : « (…) Ils sont tous français juridiquement. Mais disons les choses comme elles sont : la polygamie et l'a-culturation d'un certain nombre de familles font qu'il est plus difficile d'intégrer un jeune Français originaire d'Afrique noire qu'un jeune Français d'une autre origine. (…)La discrimination positive à la française, c'est arrêter de considérer qu'on résout le problème des injustices en parlant et en ne faisant rien. C'est arrêter de penser qu'on arrive à l'égalité par le nivellement. Ça veut dire que nous allons créer des écoles spécifiques pour que des jeunes des quartiers puissent passer avec de vraies chances de succès les concours de la fonction publique. (…) L'affaire est grave. Nous n'avons pas quelques dizaines ou quelques centaines de délinquants. Il s'agit de milliers et le nombre de personnes interpellées en donne la mesure. Un certain nombre de territoires sont passés sous le contrôle de bandes parfaitement organisées. Elles règnent en maîtresses absolues. On voit leur organisation à partir de la façon dont elles utilisent les mineurs. Quand on découvre un laboratoire de fabrication de cocktails Molotov à Evry [Essonne], on y trouve sept mineurs de 13 à 17 ans, utilisés par des caïds. Les bailleurs sociaux sont rackettés. On a constaté que n'ont des appartements que ceux que ces bandes acceptent. Une épreuve de force s'est donc déroulée sous les yeux de la France : un certain nombre de gens se sont dit “si on fait reculer les forces républicaines, on aura définitivement la paix”. Un calme précaire s'était installé sur la démission de l'ordre public. Ils ont voulu s'enraciner définitivement. Le mal est profond, c'est pour cela que j'ai dit qu'il fallait l'éradiquer en profondeur, j'allais dire passer le Kärcher, mais je ne voudrais pas vous choquer ! Par ailleurs, il faut réfléchir à la question des mineurs, qui n'ont plus rien à voir avec ceux d'il y a quarante ans. Il y a des mineurs qui, à 14 ou 15 ans, ont déjà violé, braqué, brûlé et qui sont forts comme des hommes. Il n'y a pas à lutter contre [la polygamie], elle est interdite. Je demande donc qu'on repense les conditions de mise en œuvre du regroupement familial. Il a été détourné de son objectif. On ne peut plus accepter de regroupement familial sans vérification. C'était une mesure pour favoriser l'intégration. C'est devenu une nouvelle filière d'immigration. Celui qui demande le regroupement doit avoir les moyens matériels d'accueillir sa famille et de la faire vivre » (extraits d’une interview exclusive donnée par Nicolas Sarkozy à Denis Jeambar de L’Express paru le 17/11/05). Grands ensembles (Roland Castro) : « Au lieu de concevoir des villes porteuses d’une continuité, les grands ensembles créent un événement idéal où l’espace est généré par l’empilement de cellules (…). Les immeubles n’ont aucun rapport avec la rue, la cité vit sur elle-même, loin de tout. La mixité ne s’obstient que si les lieux donnent aux gens l’envie d’y vivre et l’occasion de s’y rendre » (Roland Castro, architecte, animateur du groupe Banlieue 89 dans les années 80, in Le Monde du 6/12/05). Grands ensembles (bis) (François Maspero) : « [A Aulnay-sous-Bois, cité des 3 000, NDLR], un seul permis de construire, un seul opérateur, et vas-y que je te construis 3 000 logements sociaux. On vit grand : 16 000 habitants prévus. La municipalité communiste de son côté rêvait certainement de prolétariat radieux dans une cité heureuse » (François Maspero, écrivain, in Les passagers du Roissy-Express, Le Seuil 1990, cité par Le Monde du 18/11/05). Identification (Alain Finkielkraut) : « (…) Elles [les émeutes, NDLR] sont orientées contre la France, comme ancienne puissance coloniale, contre la France, pays européen. Contre la France avec sa tradition chrétienne, ou judéochrétienne. (…) On a tendance à avoir peur du langage de vérité, pour des raisons “nobles”. On préfère dire “les jeunes” que “Noirs” ou “Arabes”. Mais on ne peut sacrifier la vérité quelles que soient les nobles raisons. Il faut bien entendu éviter les généralisations : Il ne s’agit pas de tous les Noirs et de tous les Arabes, mais d’une partie des Noirs et des Arabes. Et évidemment la religion, non pas comme religion mais comme ancre d’identité, joue un rôle. La religion telle qu’elle apparaît sur internet et les chaînes de télévision arabes, sert d’ancre d’identification pour certains de ces jeunes. Contrairement à d’autres, moi je n’ai pas parlé d’Intifada des banlieues, et je ne pense pas qu’il faille utiliser ce terme. J’ai pourtant découvert qu’eux aussi envoyaient en première ligne de la lutte les plus jeunes, et vous en Israël vous connaissez ça, on envoie devant les plus jeunes parce qu’on ne peut pas les mettre en prison lorsqu’ils sont arrêtés. Quoi qu’il en soit ici il n’y a pas d’attentats et on se trouve à une autre étape : je pense qu’il s’agit de l’étape du pogrom anti-républicain. Il y a des gens en France qui haïssent la France comme république » (extraits d’une interview donnée par Alain Finkielkraut à Dror Mishani et Aurelia Samothraiz du quotidien israélien Haaretz paru le 18/11/05). Identité (Pierre Manent) : « La crise d’identité dont a parlé le président de la République ne pèse pas que sur les jeunes des banlieues : elle pèse sur l’ensemble de la population. Mettons un terme à ce discours qui fait semblant d’offrir quelque chose – l’intégration à on ne sait quoi – à des gens dont on ignore s’ils ont envie du cadeau. Je le répète, soyons plus laïcs, parlons moins de valeurs et plus de choses objectives comme le travail » (extrait de « La crise du sens n’est pas plus grande à Clichy-sous-Bois qu’à Neuilly-sur-Seine », par Pierre Manent, professeur à l’Ecole des hautes études en sciences sociales in Le Monde des 4-5/12/05). Intégration (Bernard Kouchner) : « C’est l’intégration à la française qui a failli. Et voilà que le président de la République nous exhorte à ne pas changer un modèle qui perd » (Bernard Kouchner, Le Point du 24/11/05). Intégration (bis) (Alain Finkielkraut) : « Cela va être difficile d’intégrer des gens qui n’aiment pas la France dans une France qui ne s’aime pas » (Alain Finkielkraut, Le Point du 24/11/05). Islamisme (Maurice Le Dantec) : « Votre combat [celui du Bloc Identitaire, NLDR] pour empêcher l’islamisation de l’Europe, la dissolution de l’Europe (la vraie) me touche profondément » (Maurice Le Dantec, Le Point du 24/11/05). Modèle républicain (Alain Finkielkraut) : « (…) On dit que le modèle républicain s’est effondré dans ces émeutes. Mais le modèle multiculturel ne va pas mieux. Ni en Hollande ni en Angleterre. A Bradford et à Birmingham aussi ont eu lieu des émeutes sur fond racial. Deuxièmement l’école républicaine, le symbole du modèle républicain, n’existe plus depuis longtemps. Je connais l’école républicaine, j’y ai étudié. C’était une institution avec des exigences sévères, austère, assez antipathique, qui avait construit de hautes murailles pour se protéger du bruit de l’extérieur. (…) Le problème est qu’il faut qu’ils [les jeunes] se considèrent eux-mêmes comme Français. Si les immigrants disent : “les Français” quand ils parlent des Blancs, alors on est perdu. Si leur identité se trouve ailleurs et ils sont en France par intérêt, alors on est perdu. Je dois reconnaître que les juifs aussi commencent à utiliser cette expression, je les entends dire “les Français” et je ne peux pas supporter ça. Je leur dis : “Si pour vous la France n’est qu’une question d’intérêt et votre identité est le judaïsme, alors soyez cohérents avec vousmêmes, vous avez Israël.” C’est effectivement un grand problème : nous vivons dans une société post-nationale dans laquelle pour tout le monde l’Etat n’est qu’une question d’intérêt, une grande compagnie d’assurance, il s’agit là d’une évolution très grave. (…) Mais s’ils ont une carte d’identité française ils sont français et s’ils n’en ont pas, ils ont le droit de s’en aller. Ils disent “Je ne suis pas français, je vis en France, et en plus ma situation économique est difficile.” Personne ne les retient de force ici, et c’est précisément là que se trouve le début du mensonge. Parce que s’ils étaient victimes de l’exclusion et de la pauvreté ils iraient ailleurs. Mais ils savent très bien que partout ailleurs, et en particulier dans les pays d’où ils viennent, leur situation serait encore plus difficile pour tout ce qui concerne leurs droits et leurs chances » (extraits d’une interview donnée par Alain Finkielkraut à Dror Mishani et Aurelia Samothraiz du quotidien israélien Haaretz paru le 18/11/05). Nique ta mère (Jean Baudrillard) : « “Nique ta mère”, c’est au fond leur slogan. Et plus on tentera de les materner, plus ils niqueront leur mère. Nous ferions bien de revoir notre psychologie humanitaire » (Jean Baudrillard, philosophe, dans Libération, cité par Le Point du 24/11/05). Pauvreté (Ulrich Beck) : « Jadis, les riches avaient besoin des pauvres pour devenir riches. A l’heure de la mondialisation, les riches n’ont plus besion des pauvres. C’est la raison pour laquelle les enfants français d’origine africaine ou nord-africaine pâtissent d’une complète absence de perspective dans les banlieues des grandes villes. (…) La vraie misère se manifeste de façon ultime à travers la hiérarchie des apprentissages : les “jobs” destinés aux adolescents peu qualifiés ont été automatisés ou délocalisés. Ainsi l’école élémentaire est menacée, dans toute l’Europe, de devenir une prison derrière les murs de laquelle les groupes sociaux les plus humbles sont condamnés pour la vie au chômage et à l’aide sociale… » (Ulrich Beck, sociologue et professeur à l’université de Munich, in Le Figaro du 18/11/05). Peur (Nicolas Sarkozy) : « (…) Qu'est-ce que vous me reprochez ? D'appeler un voyou un voyou ? De dire que je veux débarrasser les banlieues d'un trafic que l'on commente depuis des années sans s'y attaquer ? (…) La police et la gendarmerie n'ont jamais eu les consignes pour aller en profondeur dans les banlieues. (…) Dans la polémique sur cette crise, j'ai très bien vu que certains observateurs demandaient que l'on retire les forces de l'ordre pour ramener le calme et expliquaient que les émeutes étaient liées à la présence de la police et à un ministre de l'Intérieur qui entendait faire régner l'ordre public dans ces zones de non-droit. La vérité, c'est que, depuis quarante ans, on a mis en place une stratégie erronée pour les banlieues. D'une certaine manière, plus on a consacré de moyens à la politique de la ville, moins on a obtenu de résultats. Enfin, je voudrais dire qu'il y a un mot qu'on ne prononce jamais quand on parle des banlieues : c'est le mot «peur». Un certain nombre de Français vivent avec la peur au ventre. Peur parce qu'ils sont des oubliés de la République ! Ils ne vont plus voter parce qu'ils n'ont plus d'espérance et ne croient plus les gens d'en haut, qui parlent, discourent et ne font rien pour eux… (extraits d’une interview exclusive donnée par Nicolas Sarkosy à Denis Jeambar de L’Express paru le 17/11/05). Police (Nicolas Sarkozy) : « J'ajoute que l'action policière que j'ai engagée dans les quartiers ne s'arrêtera pas avec la fin des violences urbaines. La police va rester et nous allons éradiquer les trafics. Des affaires vont sortir dans les prochaines semaines. La vraie police de proximité, c'est que, désormais, le tiers des forces mobiles, au lieu d'être consacrées au maintien de l'ordre, s'installent durablement dans les quartiers, pour la sécurité quotidienne. Mais ce ne sera pas une police de proximité pour dire bonjour à des commerçants qui, par ailleurs, ont déserté ces quartiers, ce sera pour interpeller, pour protéger et pour punir chaque fois que ce sera nécessaire. La police va arriver dans les quartiers à 17 heures et partir à 4 heures du matin, parce que ce sont les horaires des voyous qui trafiquent de la drogue ou volent des voitures ! Ça, c'est de la vraie prévention et de la protection. Demandez aux habitants de la Cité des 4 000, à La Courneuve, pourquoi elle est restée calme ces derniers jours ! Demandez-leur si la situation n'a pas changé ! Parlez aux vrais habitants de cette cité, où je suis allé trois fois, et vous verrez s'ils trouvent qu'il y a trop de police ! L'action que j'ai engagée s'inscrit dans le long terme » (extraits d’une interview exclusive donnée par Nicolas Sarkozy à Denis Jeambar de L’Express paru le 17/11/05). Politiquement correct (François Dufay) : « Au royaume du politiquement correct, l’état d’urgence a été promulgué. Malgré la vigilance de la “police de la pensée”, des éléments incontrôlés osent en effet braver le couvre-feu idéologique en vigueur depuis trois décennies. Leur crime ? Remettre en question notre réputé modèle social français » (François Dufay, in Le Point du 24/11/05). Racial (Bernard Kouchner) : « Je crois aussi que l’on ne peut nier la dimension raciale qui s’est manifestée durant cette crise » (Bernard Kouchner, in Le Point du 24/11/05). Rupture (Nicolas Sarkozy) : « (…) Tant de Français qui pensent que ceux qui prononcent ces discours ne croient pas un mot de ce qu'ils disent. C'est pour cela que j'ai parlé de la nécessité de la rupture dans notre façon de faire de la politique. (…). J'ai la conviction que ce n'est pas la politique qui n'intéresse pas ; c'est l'absence de débat politique qui consterne. (…) La France ne trouve pas de solutions structurelles à la crise qui la traverse parce que ses élites n'ont pas le courage de dresser le véritable diagnostic sur cette crise. (…) Le premier, j'ai dit que le modèle social français était à bout de souffle. Le premier, j'ai dit que l'intégration à la française était un échec. Parmi les premiers, j'ai dit que les banlieues étaient des poudrières, qu'il fallait faire une place aux musulmans de France, qu'il fallait engager le pays sur la voie de la discrimination positive à la française en faisant plus pour ceux qui ont moins. (…). J'ai proposé, par exemple, le droit de vote des immigrés aux municipales dès 2001. En définitive, ce qui manque en France, c'est un vrai débat. (…) On ne réglera pas les problèmes de la France de 2005 avec les idées d'il y a trente ans. Elles ont déjà échoué il y a trente ans. Elles échoueront aujourd'hui et l'on ne peut pas demander à celui qui cherche à avancer de ne jamais se tromper, parce que la peur de l'échec, c'est l'immobilisme. Oui, j'ai connu un échec en Corse avec le référendum, oui, j'ai pu me tromper. Mais peu importe, car ce qui compte, c'est d'essayer d'avancer, de soulever des montagnes, de dire à la France: “Regarde-toi telle que tu es”, de refuser l'immobilisme qui, lui, conduit toujours à l'échec et à l'impasse. Mon credo, c'est qu'il n'existe aucune fatalité. (…) Peut-être y a-t-il surtout trop de mondanités dans le débat politique : on parle entre nous de sujets qui ne concernent personne avec des mots que personne ne comprend. La sémantique, ça compte. (…) Quand je dis “racaille”, je ne parle pas des jeunes, contrairement à ce qu'on cherche à faire croire, ni des jeunes ni des habitants des banlieues, je ne fais aucun amalgame, je fais même le contraire. Je désigne avec un mot qui n'est pas assez fort ceux qui ont tué d'un coup de poing un homme âgé, qui ont battu à mort un autre en train de prendre des photos dans la rue, qui ont mis le feu aux cheveux d'une infirme. Quand je dis Kärcher, tout le monde comprend que je veux agir en profondeur pour débarrasser les quartiers des trafics et des trafiquants, pour la tranquillité de ceux qui y vivent. Alors, c'est vrai, j'ouvre des débats. Depuis quatre ans, c'est d'ailleurs moi qui les ai portés. Sans exception ! » (extraits d’une interview exclusive donnée par Nicolas Sarkozy à Denis Jeambar de L’Express paru le 17/11/05). Sens (Jean-François Colosimo) : « On ne restaure pas la République idéale façon XXIe siècle, (…) quand les Beurs n’ont pour tout horizon que le communautarisme religieux, quand les Blacks ne se définissent que par l’esclavage et que les Gaulois demandent qu’on les protège des habitants des cités. On n’assiste pas au retour du Sens avec un grand S mais à la poursuite de la désagrégation. Nous ne faisons actuellement que substituer à un discours de générosité béate un discours répressif, tout aussi fantasmé » (Jean-François Colosimo, éditeur et théologien, in Le Point du 24/11/05). Système scolaire (Ghislaine Hudson) : Dans les classes d’enseignement général, les événements n’ont pas eu d’écho particulier (…). Dans l’enseignement professionnel, en revanche, les répercussions ont été sensibles ; il y a un sentiment de révolte, parfois de haine. (…) En fait, nos classes professionnelles sont totalement homogènes : socialement en terme de territoire, de lieux d’habitat, par sexe (…). Elles sont hétérogènes, en revanche, par l’origine ethnique des familles (…). Mais la grande majorité des élèves sont de nationalité française. Nous avons affaire à des jeunes qui, depuis leur très jeune âge, ont subi une succession d’échecs et arrivent en fin de troisième avec (…) un diagnostic personnel d’incapacité à suivre une voie générale (…). [L’apprentissage dès l’âge de 14 ans] est une solution dans de très rares cas. Nous parlons là de jeunes qui ont de grandes difficultés d’expression, d’adaptation, mais qui devront plus tard se débrouiller avec quelques connaissances de base que l’école leur aura inculquées. Or à 14 ans, c’est vraiment trop jeune pour quitter l’école. (…) Le système français est rigide : il faut réussir tel cursus, à tel âge, passer dans la classe supérieure, etc. L’échec scolaire se construit très tôt, dès la maternelle, quand l’environnement de l’enfant ne lui permet pas un développement harmonieux basé sur le langage… (Ghislaine Hudson, proviseur du lycée de Dammarie-lès-Lys (Seine-et-Marne), in Le Monde des 20-21/11/05). Rap (Jean-Marc Ayrault) : « J’estime qu’il est “absurde” de faire du rap et de la polygamie les responsables de nos maux. (…) Il y a eu les mots racaille, karcher. Maintenant on cible la polygamie. Ça suffit ! On vise des problèmes marginaux contre lesquels existent déjà des lois. Le rap fait partie de nos expressions culturelles et a droit de cité » (Jean-Marc Ayrault, président du groupe PS à l’Assemblée nationale, « nouvelobs.com » 28/11/05). Réfugiés (Omar Bongo) : « Quand il y a un problème, ne cherchez pas d’abord la solution, trouvez la cause. Je crois que cette crise est liée à l’immigration. Nous les Africains, nous qui émigrons, nous avons nos torts. Mais c’est votre faute : vous acceptez des réfugiés qui n’en sont pas et qui se fabriquent des histoires d’exilés politiques… » (Omar Bongo, président du Gabon, in Valeurs actuelles du 26/11/05). Sabir (Charles Pellegrini) : « Tant que l’école ne sera pas un lieu d’éducation intellectuelle et civique sécurisé, les jeunes qui s’expriment dans un “sabir pathétique” n’auront pas accès au marché du travail qui a des exigences incompatibles avec certains comportements » (Charles Pellegrini, ancien chef de l’Office central de répression du banditisme, in La Tribune du 29/11/05). Réflexions américaines (Daniel Pipes) : « Les émeutes causées par de jeunes musulmans depuis le 27 octobre en France aux cris de “Alla hou Akbar” pourraient marquer un tournant dans l'histoire de l'Europe. (…). Ces violences appellent plusieurs réflexions. (…) Fin de règne. L'époque de l'innocence culturelle et de la naïveté politique, pendant laquelle la France pouvait éviter de voir ou de ressentir les conséquences de ses erreurs, touche à son terme. (…) Une série de problèmes, tous apparentés à la présence musulmane, se sont imposés au sommet des préoccupations politiques de la France et vont probablement s'y maintenir pour quelques décennies. Ces problèmes incluent notamment : le déclin de la foi chrétienne et l'effondrement démographique qui l'accompagne ; un système d'assistance sociale s'étendant du berceau à la tombe qui attire vers elle les immigrants et sape ses capacités économiques à long terme ; un abandon des coutumes historiques en faveur de styles de vie expérimentaux et d'un multiculturalisme insipide ; une incapacité à contrôler les frontières ou à assimiler les étrangers ; un type de criminalité qui rend les villes européennes beaucoup plus violentes que les cités américaines ; et une poussée de l'Islam et de l'Islam radical. L'insurrection française n'a rien d'inédit en matière de soulèvement musulman semi-organisé en Europe. (…) Ce qui distingue les événements actuels est leur durée, leur ampleur, leur planification et leur férocité. La presse française parle de “violences urbaines»” et présente les émeutiers comme les victimes du système. Les principaux organes de la presse écrite et des médias audiovisuels nient tout lien des événements avec l'Islam et veulent ignorer la propagation de l'idéologie islamiste, avec ses postures violemment antifrançaises et son ambition grossière de dominer le pays et de remplacer sa civilisation par celle de l'Islam. Au cours des dernières années, les musulmans autochtones du nord-ouest de l'Europe ont déployé trois différentes formes de djihad : une version extrêmement brutale en Grande-Bretagne qui consiste à tuer au hasard des usagers des transports publics londoniens ; une version ciblée utilisée aux PaysBas, où des personnalités des mondes politique et culturel sont sélectionnées, menacées et parfois attaquées ; et maintenant une version plus diffuse mise en œuvre en France, où l'action est moins directement meurtrière mais aussi moins facile à ignorer politiquement. Il n'est pas encore possible de distinguer clairement laquelle de ces méthodes est la plus efficace mais, la version britannique s'étant révélée nettement contre-productive, il est probable que les stratégies hollandaise et française seront réitérées. (…) Les émeutes débutèrent huit jours après que Sarkozy eut déclaré une nouvelle politique de “guerre sans merci” contre les violences urbaines. De nombreux émeutiers se considèrent comme impliqués dans une lutte contre l'Etat et concentrent leurs attaques sur ses symboles. (…) Les Français peuvent réagir de trois manières. Ils peuvent se sentir coupables et tenter d'apaiser les émeutiers en octroyant des prérogatives et le “plan d'investissement massif” que certains exigent. Ou ils peuvent lâcher un soupir de soulagement quand le calme sera revenu et, comme ils l'ont fait lors de crises antérieures, retourner à leurs affaires comme si de rien n'était. Ou encore ils peuvent considérer les événements présents comme la salve d'ouverture d'une révolution en devenir et s'atteler à la tâche difficile qui consiste à réparer les négligences et l'indulgence coupable des dernières décennies. Je m'attends à assister à un mélange des deux premières réactions et, malgré la montée actuelle de Sarkozy dans les sondages, à la prépondérance de l'approche apaisante de Villepin. La France aura sans doute besoin de quelque chose de plus important, de plus terrible, pour sortir de sa somnolence. Mais le pronostic à long terme est définitif : pour reprendre les termes de Theodore Dalrymple, “Le doux rêve de la compatibilité culturelle universelle a cédé la place au cauchemar du conflit permanent » (Daniel Pipes, chroniqueur américain au Wall Street Journal, New York Sun, Los Angeles Times, reconnu comme un des meilleurs spécialistes du Moyen-Orient, http://forum.subversiv, 8/11/05). Territoire (Prince Tahal de Jordanie) : « De nombreuses études menées par des sociologues, notamment aux Pays-Bas, ont prouvé que les groupes d’étrangers issus du Maghreb perdaient dans l’immigration à la fois leur territoire et leur identité. (…) Ce qui les pousse évidemment à se rattacher à une territorialité externe au pays. Ainsi progresse l’islamisme ou la marginalité. C’est en tout cas ce que j’ai essayé de dire à M. Sarkozy. Et je me suis permis de lui conseiller de ne pas employer le mot “laïc” et de lui préférer le terme de “société civile”. Car “laïc” signifie athée pour un musulman, ce qui pousse d’autant les jeunes à se tourner vers les “sorciers” qui dévoient la religion. Tandis que la “société civile ” fait appel à des droits mais aussi à des obligations » (Prince Tahal de Jordanie, oncle du roi Abdallah II, in L’Express du 17/11/05). ZEP (Martine Laronche) : « Depuis leur création en 1982, le nombre des zones d’éducation prioritaires a presque doublé. Le premier ministre veut en réviser la carte et concentrer les moyens. C’est la réouverture d’un chantier à haut risque qu’a annoncée, jeudi 1er décembre 2005, le premier ministre, avec la relance des zones d’éducation prioritaire (ZEP). Coupant court aux déclarations du ministre de l’intérieur, Nicolas Sarkozy, qui avait estimé qu’il “fallait déposer le bilan des ZEP”, Dominique de Villepin a estimé qu’il fallait “les renforcer”. Le gouvernement y voit un moyen de favoriser l’égalité des chances, au lendemain de la crise des banlieues. (…) En septembre [2005], une étude publiée par l’INSEE sur la période 1982-1992 indiquait que les ZEP n’avaient eu aucun impact sur la réussite des élèves. (…) L’allégement de la carte apparaît – une fois de plus – comme la solution pour sortir de l’impasse : “Il faut arrêter le saupoudrage des moyens et mettre le paquet sur 5 % d’élèves les plus en difficulté”, préconise le président de l’Observatoire des zones prioritaires (OZP) [et] “pour être efficace, il faudrait ramener le nombre des élèves de ZEP à 18 par classe”, estime l’économiste Thomas Piketty, directeur d’études à l’EHESS… » (Martine Laronche, « L’efficacité des ZEP en question », in Le Monde du 10/12/05). ZEP (bis) (Martin de Halleux) : « La création, symbolique, d’une classe préparatoire dans le prestigieux lycée Henri-IV, destinée à des élèves issus de banlieue, me laisse perplexe. Qu’en est-il de l’efficacité de cette mesure sinon de faire émerger une sélection d’élèves certainement très méritants mais, souvent, déjà pris en charge ? Sont-ils ceux qui ont le plus besoin d’un enseignement d’excellence ? La question ne serait-elle pas plutôt que ce soient les professeurs d’Henri-IV – car c’est bien eux qui font la valeur de cet établissement et non les superbes bâtiments ou le quartier qui les abritent – qui soient volontaires pour enseigner auprès de ceux qui ont le plus besoin de leur excellence. L’expérience, le savoir et la pédagogie des professeurs d’un des meilleurs lycées de France au service des enfants des banlieues, voilà un symbole plus fort que celui d’extraire les meilleurs élèves de chez eux, sans perspective pour les autres » (Martin de Halleux, Courrier des lecteurs in Le Monde du 10/12/05). * * * A la lecture de ces articles parus dans la presse durant et au lendemain des émeutes d’octobre-novembre 2005, on voit avec étonnement que les esprits les plus conformistes se sont débridés. Certaines barrières du politiquement correct ont été franchies, avec parfois, pour des intellectuels bien en cour, des retombées qui n’ont pas manqué de les surprendre. Ils ont découvert à leurs dépens qu’il était plus confortable de porter l’uniforme du diaboliseur que celui du diabolisé ! Au-delà de ces considérations, ces mêmes émeutes, la cacophonie du gouvernement pris à ses propres pièges, la rivalité Villepin-Sarkozy et le très grand conservatisme de Jacques Chirac incapable de s’extraire de l’idéologie des Droits de l’homme ont favorisé l’éclosion de phénomènes latents comme la « Colère noire » : c’est le début d’une crise grave dans les DOM-TOM, c’est la création du Conseil représentatif des associations noires (CRAN), celle de l’association des « racailles de France » qui sont déjà et seront des forces d’opposition actives, c’est le rejet de la loi du 23 février 2005 reconnaissant le « rôle positif de la présence française outre-mer », ce sont les virulentes protestations contre les commémorations autour de Napoléon auxquelles nos « élites » autoproclamées se sont dérobées. Ces « élites » sauront-elles gérer sur le long terme ces nouvelles situations qui surgissent, pendant que la dette publique de la France est de 2 000 milliards d’euros ? Trouveront-elles les bons remèdes ? Seul l’avenir nous le dira. René Schleiter © Polémia 10/12/2005 LES DOSSIERS (II) Les « immigrés » français font peur à Moscou Il ne se passe pas un jour à Moscou sans que les violences qui secouent la France soient abordées par les médias, par les politiques et dans les dîners en ville. « La fin de votre France ! : ce que veulent les incendiaires », titre l'hebdomadaire Vlast de cette semaine ; « Les Maures à l'œuvre », annonce un autre magazine, qui se propose d'expliquer « pourquoi Paris a brûlé ». Dimanche 13 novembre, la plupart des télévisions russes ont ouvert leurs émissions d'information hebdomadaires sur « la révolte des immigrés », un thème qui ressort aujourd'hui dans toutes les conversations des Moscovites. Pour la plupart des Russes, les images que leur renvoie leur petit écran sont choquantes, au premier chef parce que ce ne sont pas celles de la France qu'ils croient connaître et dont, indéniablement, ils admirent la culture, celle de Balzac, de Victor Hugo, d'Alexandre Dumas. C'est sur cette France-là qu'ils ont arrêté leur regard pendant les quatre-vingt-cinq années de chape de plomb soviétique, la voyant comme la quintessence de la civilisation. Ceux qui ont fait le voyage jusqu'à Paris – ils sont de plus en plus nombreux – se remettent difficilement de ce qu'ils ont vu : « Tant d'Africains, tant d'Arabes ! C'était tellement humiliant pour moi de faire la queue avec eux à la préfecture », explique Vitia, un étudiant qui a séjourné quelques mois en France il y a deux ans. « Heureusement que votre ministre de l'Intérieur va les déporter : cela va les calmer », explique Boris, un militaire à la retraite. Les passions se sont à ce point enflammées que le bureau du Monde à Moscou a reçu de la province russe des messages de soutien envers la France « contre ces méchants Arabes et ces Noirs ingrats ». Cette vision phobique trouve toute son expression dans un ouvrage récemment publié. Intitulé Mosquée Notre-Dame de Paris, le livre est une fiction qui dépeint Paris en 2047, soumise à la loi islamique. Les habitants, s'ils ne se sont pas convertis, en sont réduits à vivre dans des ghettos. « La guerre des religions entre chrétienté et islam est plus qu'inévitable : elle a déjà commencé », a déclaré Elena Tchoudinova, son auteur, à l'agence de presse russe Interfax. Car ici la grille de lecture la plus communément livrée pour comprendre ce qui se passe en France est celle du choc des civilisations et des guerres de religions. Interrogé sur le pourquoi des « troubles en France » à l'occasion d'une conférence de presse, Viatcheslav Postavnine, chef du département des Migrations, a mis en avant le « facteur islamiste ». Alexandre Privalov, de l'hebdomadaire Ekspert, a expliqué que les insurgés en France étaient « pour la plupart de jeunes islamistes ». Les « experts » français choisis par les télévisions pour faire de l'explication de texte renforcent cette tendance. Interviewé à tout bout de champ, Jean-Marie Le Pen et ses explications – « Depuis longtemps je disais bien que la France allait devenir algérienne » – sont pris pour argent comptant. Hélène Carrère d'Encausse, secrétaire perpétuelle de l'Académie française et historienne spécialiste de la Russie, a expliqué sur la chaîne privée NTV : « Tout le monde s'étonne : pourquoi les enfants africains sont-ils dans la rue et pas à l'école ? Pourquoi leurs parents ne peuvent-ils pas acheter un appartement ? C'est clair : beaucoup de ces Africains, je vous le dis, sont polygames. » Dans un entretien accordé à l'hebdomadaire Les Nouvelles de Moscou, elle ajoute : « La télévision française est tellement politiquement correcte que cela en est un cauchemar. Nous avons des lois qui auraient pu être imaginées par Staline. Vous allez en prison si vous dites qu'il y a cinq juifs ou dix Noirs à la télévision. Les gens ne peuvent pas exprimer leur opinion sur les groupes ethniques, sur la seconde guerre mondiale et sur beaucoup d'autres choses. » Les angoisses de toute une société se sont désormais cristallisées sur la crise française. La Russie, qui se voit comme le dernier rempart entre l'Europe et la barbarie, voit resurgir ses propres peurs. « Ce qui se passe en France va se produire chez nous, j'en suis certaine », confie Elisaveta, une professeur de français. La question revient sans cesse sur le tapis. « Le scénario français nous menace-t-il ? », interrogeait la chaîne de télévision publique RTR, dimanche soir. « Rien de tel ne se produira », explique Modeste Kolerov, l'homme chargé au sein de l'administration présidentielle russe de lutter contre les « révolutions orange ». La Russie, rappelle-t-il à l'agence de presse Itar-Tass, est, « depuis plus de mille ans », un Etat « multiethnique ». Le sociologue Valeri Tichkov, cité par RTR, exclut, lui aussi, semblable développement : « Nos immigrés sont terrorisés, effrayés ; je ne pense pas qu'ils osent se livrer à de tels actes de barbarie », pronostique-t-il. Depuis l'arrivée de Vladimir Poutine au pouvoir, le discours nationaliste prend de l'ampleur et le slogan « La Russie aux Russes ! » connaît un certain succès. Par ailleurs, la guerre menée en Tchétchénie a servi de terreau à la haine ethnique contre les « Noirs » (Tchernye), c'est-à-dire les Caucasiens et les ressortissants d'Asie centrale, fréquemment décrits dans le discours de l'homme de la rue comme des « barbares ». Le 4 novembre, jour de la fête de l' « unité nationale », près d'un millier de manifestants ont défilé dans les rues de Moscou en clamant des slogans racistes contre « les mafieux caucasiens » et contre « les trafiquants de drogue tadjiks ». La semaine dernière, le parti ultranationaliste Rodina (Patrie) a fait diffuser en boucle, à la télévision, un petit film de campagne en vue des élections législatives du 4 décembre. On y voit un groupe d'hommes aux cheveux noirs, assis sur un banc dans un parc, manger des melons et jeter les épluchures par terre. Deux hommes passent – les deux sont des figures du parti Rodina : Dmitri Rogozine et Iouri Popov – et leur demandent de ramasser les détritus. « Vous comprenez le russe ? » demande, narquois, Iouri Popov. Le clip se termine sur le slogan : « Nettoyons notre ville de ses détritus ! », qui résume le programme électoral du parti Rodina. Depuis la protestation de l'ambassadeur d'Azerbaïdjan à Moscou, le clip a été retiré. Mais le message a suffisamment été diffusé pour être gardé en mémoire. Sa teneur en dit long sur les peurs qui animent les Russes aujourd'hui et dont les événements de France sont pour eux le miroir. Marie Jégo Le Monde du 16 décembre 2005 Reçu d’un correspondant de Polémia 25 novembre 2005 LES DOSSIERS (II) La déconstruction de la France Les violences dans les banlieues ont porté sur le devant de la scène une réalité cachée : les conflits ethniques en France. Mais cette mise en lumière s’est immédiatement accompagnée d’une surinterprétation idéologique et médiatique : l’explication des violences ethniques par les « discriminations ». Porté par les « médias centraux », relayé par les deux chefs de l’exécutif (Chirac/Villepin), soutenu par l’éminence grise du patronat (Bébéar), le thème de la « discrimination » est devenu une bombe à fragmentation pour l’identité française. Explications : 1. La culpabilisation Par un formidable retournement dialectique, les violences ethniques du Ramadan 2005 n’ont pas conduit à la mise en cause des communautés dont étaient issus, pour l’essentiel, les émeutiers, mais à la mise en accusation de la majorité – française, européenne, chrétienne – qui a fourni les victimes (les deux morts d’Epinay et de Stains, notamment). Jugés objets de discriminations, les coupables ont été ainsi promus victimes et porte-paroles des communautés d’origine. Jugées auteurs de discriminations, les victimes ont été déclarées coupables et se sont fait faire la leçon par les « autorités morales » médiatiques et politiques. Comme si la discrimination n’était pas un phénomène social naturel que toutes les communautés pratiquent, consciemment ou non, et pas seulement la communauté majoritaire ! 2. Les réparations Le « diagnostic » une fois posé, la solution en a découlé : déverser des dépenses supplémentaires sur les banlieues et reprendre massivement le financement d’associations artificielles (190 millions d’euros de crédits nouveaux pour commencer) et de faux emplois. Ainsi « la révolte de l’économie de rente » devient rentable pour ses auteurs puisqu’elle augmente la rente dont ils bénéficient. Et là où elle devrait imposer davantage d’exigences, la communauté publique offre davantage de moyens. Au sens moral comme au sens économique, les contribuables français se trouvent d’ailleurs placés dans une logique de « réparation ». De même que l’Allemagne déclarée coupable de la première guerre mondiale (comme elle le fut à nouveau en 1945) avait été condamnée à « payer » des réparations (Traité de Versailles), aujourd’hui les forces vives, déclarées coupables de discrimination à l’encontre des jeunes des banlieues, se voient surtaxer. Au risque de handicaper encore davantage l’économie française dans la compétition mondiale. 3. La négation de l’histoire Symboliquement, l’année 2005 a été marquée par la participation de la France, à travers son vaisseau amiral, le « Charles de Gaulle », à la commémoration de la défaite de Trafalgar, et par son absence à la commémoration de la victoire d’Austerlitz. La signification de ce double choix est forte. C’est d’abord la reconnaissance de la victoire des thalassocraties anglosaxonnes : car les guerres napoléoniennes, ce sont moins les guerres de la France contre l’Europe coalisée que l’expression fatale et récurrente du conflit du continent contre l’Angleterre, de la terre contre la mer, des producteurs contre les marchands. C’est ensuite un détournement de sens. Contrairement à ce qu’affirment bruyamment quelques associations noires extrémistes, le bilan de Napoléon ce n’est pas d’avoir, aux marges de son empire, rétabli l’esclavage, son œuvre, c’est d’avoir assuré la synthèse entre l’Ancien Régime et la Révolution et légué à la France un mode d’organisation sur lequel elle vit encore largement aujourd’hui à travers son Code civil et ses institutions administratives. Il ne faut pas non plus négliger la profondeur du mythe napoléonien, en France comme en Europe, ainsi salué par Frédéric Nietzsche dans « Le Gai Savoir » : « Ce sera à Napoléon qu'un jour on reconnaîtra le mérite d'avoir restitué à l' “homme” en Europe la supériorité sur l'homme d'affaires et le Philistin […] Napoléon, qui tenait la civilisation avec ses idées modernes pour une ennemie personnelle, s'est affirmé par cette hostilité comme l'un des plus grands continuateurs de la Renaissance ; c'est lui qui a ramené au jour tout un morceau de nature antique, le morceau décisif peut-être, le morceau de granit » (http://leventmauvais.hautetfort.com/). 4. Le vol de la mémoire De plus en plus tourné vers la seule lecture culpabilisante du passé, la France a multiplié les lois mémorielles : en 1990, la loi Gayssot sur la « Shoah » ; en janvier 2001, la loi sur la reconnaissance publique du génocide arménien ; en mai 2001, la loi Taubira de reconnaissance de la traite océanique et de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité ; en février 2005, l’amendement Vanneste sur la reconnaissance du rôle positif de la présence française outremer. Dix-neuf historiens de premier plan se sont prononcés, le 12 décembre 2005, pour l’abrogation de ces lois, selon eux, « indignes d’un régime démocratique » et de rappeler dans un texte fort et dense que « l’histoire n’est pas une religion. L’histoire n’accepte aucun dogme, ne respecte aucun interdit, ne connaît pas de tabou. L’historien n’a pas pour rôle d’exalter ou de condamner, il explique. L’histoire n’est pas l’esclave de l’actualité. L’historien ne plaque pas sur le passé des schémas idéologiques contemporains et n’introduit pas dans les événements d’autrefois la sensibilité d’aujourd’hui » ! Logiquement ce texte aurait dû conduire à l’abrogation des quatre lois visées. Tel ne sera pas le cas. Une seule le sera, celle qui visait à protéger la mémoire de l’œuvre française outre-mer. Au-delà des péripéties politico-médiatiques, la signification de cet événement est claire : il n’y a de mémoire (en tout cas de mémoire protégée) que s’agissant de minorités ; la majorité, elle, malgré une histoire différente, riche, complexe et parfois contradictoire, n’a pas le droit à d’autre mémoire que celle des minorités. Alors que toutes les civilisations ont pratiqué l’esclavage et que seule la civilisation européenne l’a aboli, seuls les Européens doivent expier ! Et subir le ressentiment historique des autres. 5. La fin de la raison d’Etat Dans ce contexte de culpabilisation et de judiciarisation, la vie des services de l’Etat, en 2005, aura été marquée par trois événements majeurs : la mise en détention préventive d’un policier ayant participé à la répression des émeutes de Seine-Saint-Denis, la mise en garde à vue du général Poncet et de son adjoint le colonel Burgaud, chefs de la force Licorne en Côte d’Ivoire, et leur mise en examen pour complicité dans le meurtre d’un coupeur de route ivoirien ; et la mise en cause – pour complicité de génocide, cette fois – des troupes françaises au Rwanda. Certes, si l’Etat a le monopole de la violence légitime, il doit la contrôler et éviter les débordements injustifiés. Pour autant, peut-on envisager durablement de tout déballer sur la place publique ? Peut-on accepter sans graves dommages de « lâcher » des hommes qu’on a exposés dans des situations difficiles ? Peut-on conduire une guerre uniquement en respectant le Code pénal ? Peut-il y avoir encore un Etat sans raison d’Etat ? Il est clair qu’aujourd’hui encore toutes les grandes puissances (Etats-Unis, Grande-Bretagne, Russie, Chine, Inde) – sauf la France – répondent non à ces questions. En répondant oui, les autorités françaises satisfont peut-être l’appétit immédiat des médias mais elles risquent de se heurter demain à des difficultés majeures lorsque leurs forces de l’ordre seront engagées face à des émeutes plus dures que celles de l’automne dernier, ou lorsque leurs forces armées conduiront de par le monde des actions de rétablissement de la paix, voire des opérations spéciales, contre des milices d’ensauvagement. 6. La fin de l’élitisme républicain Chaque pays a son mode de sélection des élites. L’Angleterre a ses collèges et ses universités, la Russie, ses grandes universités et ses académies, les EtatsUnis d’Amérique leurs grandes universités et l’accaparement des élites du reste du monde ; la France, elle, a l’élitisme républicain structuré autour des classes préparatoires, des grandes écoles (publiques et privées) et des grands corps. Le système a sans doute ses imperfections ; il a aussi sa force, une sélection sévère fondée sur des critères, certes, imparfaits mais objectifs et connus ; il a aussi son efficacité, car ce qui reste aujourd’hui de puissance française ou eurofrançaise – dans le nucléaire, l’énergie, l’espace, l’aéronautique, l’optique, les télécommunications et l’armement – est le produit de ce système de sélection. Or l’élitisme républicain est aujourd’hui fortement menacé. Au motif que l’Education nationale ne remplit plus, à la base, c'est-à-dire dans les écoles primaires et les collèges, son rôle de détection des enfants capables, et de promotion sociale des plus méritants, on reproche au système des classes préparatoires d’être discriminatoire. Et pour y faire face les autorités politiques et patronales préconisent la « discrimination positive », ce qui revient à remplacer le système imparfait du concours par la faveur et la combine ; et à privilégier la Seine-Saint-Denis sur le Rouergue. 7. Quelles causes ? Tyrannie tyrannie culpabilisatrice médiatique, tyrannie des minorités, L’ampleur des bouleversements en cours doit conduire à s’interroger sur les causes. La première cause est l’abdication de tous les pouvoirs devant la tyrannie médiatique : ce qui détermine les actions et les prises de position des hommes politiques comme des grands patrons, ce sont désormais les exigences de la « communication » ; on ne décide plus de ce qui est bon, on décide de ce qui est bien communicable. La deuxième cause est la tyrannie des minorités : celles-ci sont visibles et revendicatrices alors que la majorité est à la fois silencieuse et invisible. La troisième cause est la tyrannie culpabilisatrice : les forces les plus nombreuses (la majorité d’origine européenne et chrétienne, les familles), les forces les plus puissantes (la technostructure issue des grands concours) sont paralysées par la culpabilisation, elle-même conséquence de la tyrannie des minorités et de la tyrannie médiatique. 8. Quelles réponses : la réponse électorale ? La première réponse envisageable est la réponse démocratique, la réponse politique. Aujourd’hui les victimes de l’évolution actuelle en termes économiques, fiscaux, sociaux, culturels et sentimentaux sont encore majoritaires en France. Il pourrait donc y avoir une réponse en terme électoral. On peut d’ailleurs penser que les événements de 2005 font pencher la balance électorale vers la droite identitaire et sécuritaire et que le total des voix Le Pen/Sarkozy/Villiers sera sûrement élevé en 2007. Mais l’exercice électoral est strictement cadré par la sélection médiatique préalable : – avant le premier tour, par la répartition des rôles : protestataire radical d’un côté, homme de gouvernement responsable, c'est-à-dire sensible à l’humeur médiatique, de l’autre ; – après le premier tour, par l’interdiction formelle de toute coalition de deux électorats partageant pourtant des « valeurs communes » selon l’expression de Charles Pasqua… en 1988 ! 9. Quelles réponses : la conscientisation des forces vives ? Le second type de réponse est plus qualitatif ; il vise à recenser les forces vives qui ont un intérêt matériel ou sentimental à l’existence de la France à travers son identité et ses institutions, et à les conscientiser. Ces forces sont nombreuses et influentes. Prenons quelques exemples : Un patron de grande entreprise française, présente à l’internationale, voit de facto sa position affaiblie dans le monde anglo-saxon et dans le monde tout court quand le gouvernement de son pays participe à la commémoration de Trafalgar et boycotte celle d’Austerlitz ; un patron de PME voit sa liberté réduite quand le libre choix de ses collaborateurs s’amenuise sous l’effet des dispositions antidiscriminatoires et que les dépenses d’immigration et d’intégration qu’il finance augmentent ; un ingénieur issu d’une grande école ne peut que déplorer la remise en cause du modèle qui lui a permis de faire ses preuves et dont il espère souvent qu’il sélectionnera ses enfants ; un chercheur qui s’exprime en français ne peut que déplorer l’abaissement de l’image internationale de son pays quand il constate que les communications scientifiques doivent être rédigées en anglais ; un officier ne peut que souffrir quand il voit l’action de ses pairs mise en accusation sur la place publique. La déconstruction de la France nuit à toutes les élites qui la dirigent, qu’elles soient économiques, administratives ou militaires. Encore faut-il qu’elles en soient conscientes et que, en étant conscientes, elles aient le courage d’en tirer les conséquences. C’est ici que la formule de Jaurès prend tout son sens : « Il n’y a de classe dirigeante que courageuse. » 10. Quelles réponses : la décrédibilisation des médias centraux Encore faut-il que le courage soit possible ! De ce point de vue là, la modification du rapport de forces entre les grands médias centraux (télévisions et journaux qui inspirent leur ligne éditoriale) et les médias périphériques (sites, blogs et courriels sur Internet) est déterminante. La tendance va évidemment dans le bon sens : la presse écrite recule, les médias audiovisuels se dispersent et Internet se renforce. Néanmoins les grands médias conservent l’avantage de la masse et, sur la masse, leur décrédibilisation est aujourd’hui un préalable nécessaire à quiconque espère un changement des paradigmes dominants. Pour que l’estime d’être soi-même remplace le mea culpa universel. © Polémia 12/01/2006 P.S. : Lorsque les émeutes du ramadan 2005 partirent de Clichy-sous-Bois, la une du site Internet officiel de cette mairie socialiste était consacrée à la répression des émeutes de la manifestation FLN du 19 octobre 1961. Ce type de communication, unilatérale et culpabilisatrice, ne pouvait que légitimer la méfiance des bandes vis-à-vis de la police nationale et les violences qui en ont découlé. LES DOSSIERS (II) Une identité et un territoire Les événements des banlieues françaises ne semblent pas relever d’un plan et d’une volonté d’ensemble. Pas de chef déclaré, pas de représentant emblématique, pas de drapeaux, pas d’idéologie, pas de Cause, pas de revendications précises : ce soir, on va caillasser. On y va pour le fun, pour se venger d’un coup de matraque reçu le soir précédent ou pour se voir à la télévision. Peut-être que demain on ira, peut-être que non. On s’en prendra à n’importe qui, n’importe comment et sans motif particulier. Les explications surabondent. Beaucoup évoquent le chômage et l’absence d’avenir professionnel des jeunes vivant dans ces banlieues. L’explication prend tout son poids quand on compare la dégradation de la situation (1) à l’omniprésence des termes de progrès et d’égalité dans les discours officiels. Les uns incriminent le racisme des Français blancs à l’égard des Noirs et des Arabes, les autres, à l’inverse, l’ouverture irresponsable des frontières à une immigration incontrôlée. Certains y voient les prolégomènes d’une prise de pouvoir islamique. Dans une interview donnée le 25 novembre au journal israélien « Haaretz » et qui a donné lieu à une plainte du MRAP (2), Alain Finkielkraut dénonce la haine de l’Occident, de la France « judéo-chrétienne », de la république. Toutes ces explications semblent avoir du vrai et il serait déraisonnable de rejeter absolument l’une ou l’autre. Mais il est tout aussi difficile de s’en satisfaire pleinement, ne serait-ce que parce qu’elles mettent dans ces événements plus d’ordre et de logique qu’ils n’en contiennent réellement. Les « jeunes » se groupent par bandes dans le cadre de leur quartier, dont ils interdisent l’accès aux autres bandes. Dans une appréhension des choses où les notions de légitimité politique et de respect des lois n’ont pas de place, la police n’est qu’une bande parmi d’autres. Ils s’y opposent comme à tous les autres groupes armés, sans état d’âme particulier. Le quartier leur fournit à la fois une identité basique et un territoire qu’ils considèrent comme le leur. Là est l’essentiel. Avant même toute théorisation politique ou toute affirmation patriotique consciente, l’appartenance collective et territoriale est constitutive de l’individu. Même si celui-ci ne s’en rend pas toujours compte, il en a un besoin vital. Elle est une condition de ce qu’on appelle l’enracinement. Nous utilisons le mot (3) à dessein, parce qu’il est reconnu par tout l’éventail politique. Se dire de quelque part, même s’il s’agit d’une zone insalubre, se savoir d’un groupe, même s’il s’agit d’une horde de hâbleurs et de casseurs, est une nécessité première pour l’être humain. En ce sens, il y a chez ces jeunes des banlieues bien plus de naturel, d’existence, d’humanité que chez les autistes libidineux qui peuplent les ouvrages de Michel Houellebecq. Durant des siècles, la France a comblé ce besoin d’appartenance chez les Français de toute origine sociale. Elle le fait de moins en moins. La modernité la transforme progressivement en une simple abstraction, la république, avec ses « valeurs républicaines », son « ordre républicain », sa « culture républicaine ». Ces notions ne sont en rien propres à la France. Un universalisme exsangue remplace peu à peu la réalité à la fois affective et raisonnable de la patrie et lui substitue un discours passepartout, sans frontières ni centre, sans passé, sans résistance possible face aux forces de dissolution qui s’exercent de l’extérieur et de l’intérieur. Cette perte affecte tous les Français, mais tout particulièrement ceux qui n’ont ni argent pour la camoufler, ni perspectives d’avenir pour espérer une renaissance. Ceux qui n’ont pas appris l’histoire de la France. Ceux qui ne connaissent de leur douce langue natale (ils sont nés en France !) qu’un baragouin dérivé, utilitaire et belliqueux. Une jeune sociologue s’exprimant sur France-Culture le 29 novembre dernier a émis l’hypothèse que la suppression du service militaire obligatoire avait été une catastrophe pour ce monde de jeunes Français vivant en marge de la France. C’est peut-être vrai. Elle les a privés de leur dernière relation de dépendance et de service réciproque avec la communauté nationale. Ils ne lui appartiennent plus du tout. Le besoin vital d’identité et de territoire, qu’une France officielle affairiste, carriériste et internationalisée n’incarne plus, se reporte sur le groupe racial ou ethnique, sur l’islam (moins comme pratique religieuse que comme affirmation d’appartenance collective), sur le quartier, sur la bande, sur une culture musicale et picturale agressive. Et ce ne sont pas les gigantesques programmes de réhabilitation hâtivement planifiés ces dernières semaines, ni les milliers de pédagogues qui sont censés déferler ces prochains temps sur les « zones de nondroit » qui y changeront quelque chose. La violence brute des banlieues est subie non seulement par ses victimes mais aussi par ses acteurs. Elle n’a pas de but. Elle n’est qu’un symptôme, non le seul, certes, mais le plus dérangeant, de la décomposition accélérée d’une grande nation. Olivier DELACRÉTAZ Notes: 1) On en voit un terrifiant exemple dans le film « Les Mauvais Garçons » consacré à la déchéance inéluctable de la Commanderie, « cité » de l’agglomération de Creil, dans la ville de Nogent-surOise, à son renfermement progressif sur elle-même, à sa fermentation criminelle sous l’œil atone d’autorités locales indifférentes. 2) Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples. 3) auquel Simone Weil a consacré en 1949 un livre à lire absolument. Correspondance Polémia « La Nation » n° 1773, 9 décembre 2005 http:/www.ligue-vaudoise.ch/nation LES DOSSIERS (II) Lettre ouverte au Président de la République Monsieur le Président de la République, Permettez-moi de vous exposer, par ces quelques mots jetés sur le papier, mon sentiment de profonde injustice ressentie à la suite des événements qui ont embrasé, en ce mois de novembre 2005, les banlieues de cette République que vous présidez. J’ai vu, de visu ou à travers l’écran de ma télévision, des cohortes à l’allure étrangère, incendier des voitures et des lieux de savoir ou de culte. J’ai entendu les réponses de vos ministres, au-delà du couvre-feu instauré dans certains quartiers, autant que les promesses de discrimination positive, d’ailleurs mises en œuvre depuis longtemps. Le fils d’ouvrier que je suis, issu d’un milieu modeste, ne peut dès lors réprimer une sourde colère ! Ainsi donc, un jeune de banlieue pourra intégrer un Institut de sciences politiques ou bénéficier d’un parrain issu d’une grande école pour lui permettre d’avoir le baccalauréat et réussir son cursus. Que n’ai-je pu bénéficier d’une telle aide, moi dont les parents se saignaient aux quatre veines pour que je puisse décrocher mon baccalauréat, et qui ai raté de quelques points le concours d’entrée de cet Institut de sciences-po en province ! Ma vie en aurait été changée. Ainsi donc un jeune de banlieue peut, dans la région parisienne, par le biais de l’armée ou du service civil volontaire, passer le permis de conduire gratuitement. Que n’ai-je pu bénéficier d’une telle aide, moi qui ai dû économiser sou après sou et beaucoup me priver pour pouvoir me payer les cours d’auto-école ! Ainsi donc, un jeune de banlieue pourra bénéficier d’un réseau d’associations subventionnées, et d’équipements et stades rénovés. Que n’ai-je pu, avec les jeunes de mon quartier, bénéficier de tels équipements ! Cela nous aurait évité de jouer derrière ce garage entre gravas et gravillons ou le long de cette autoroute où subsistait le seul espace vert. Ainsi donc 20 000 emplois liés à la fonction publique seront créés pour les jeunes de banlieue. Que n’ai-je pu bénéficier d’une telle mesure ! Cela m’aurait évité de connaître les aléas de l’ANPE et du chômage. Ainsi donc, un jeune de banlieue pourra bénéficier des avantages des zones franches lorsqu’il créera son entreprise et des exonérations qui vont avec. Que n’ai-je pu bénéficier de telles aides, moi qui suis aujourd’hui en train de faire les chèques pour l’Urssaf et autres organismes sociaux ! Monsieur le Président de la République, dois-je en vouloir à mes parents de s’être impliqués dans mon éducation et d’avoir joué leur rôle en m’apprenant ce qu’était la Loi et l’Ordre ? Dois-je leur en vouloir de n’avoir jamais mendié quoi que ce soit pour nous venir en aide et de m’avoir inculqué le sens de l’effort et de la discipline ? Monsieur le Président de la République, lorsque j’entends les mesures prises par votre gouvernement, lorsque j’entends certains ministres évoquer la nécessaire discrimination positive, je pense aux trois mots « Liberté, Egalité, Fraternité » que l’on croise de moins en moins sur les frontons des mairies. La Liberté n’est désormais plus la même pour tous puisque certains peuvent mettre les quartiers à feu et à sang (je pense aux deux morts victimes d’agressions), tandis que d’autres sont des délinquants simplement parce qu’ils téléphonent dans leur voiture ou qu’ils ont le malheur de revendiquer leur identité de Français. L’Egalité n’est plus, puisque désormais, à la lueur de mon existence, je sais qu’il y a des jeunes plus « égaux » que moi dans la République. Quant à la Fraternité, la société marchande l’a mise en pièces pour instaurer l’individualisme consumériste et la seule subsistance de cette valeur est celles des « bandes » dans les quartiers. Monsieur le Président, Je m’accuse, en me regardant dans la glace, de supporter tout cela et je m’accuse presque de respecter la loi lorsque je vois que dans certains quartiers le crime a payé. Mais j’accuse surtout une classe politicienne, de gauche comme de droite, de faire en sorte que je me sente de plus en plus exclu, étranger, discriminé et même victime d’un certain racisme au cœur de ma propre région, au cœur de mon propre pays. Et vous, Monsieur le Président, de quoi vous accusez-vous ? Roberto Fiorini Correspondance Polémia par e-mail 1/02/06 LES DOSSIERS (II) Trois ouvrages de Jelen : « La famille, secret de l’intégration », « Les casseurs de la République » et « La guerre des rues » On ne peut pas comprendre ce qui se passe actuellement dans de nombreuses banlieues françaises si l’on n’a pas lu les ouvrages d’enquête de Christian Jelen, journaliste au « Point », spécialiste des problèmes de société et d’immigration. Ce qu’écrit Jelen n’est pas politiquement correct. (…) Il a regardé les statistiques, s’en est procuré plusieurs, il est allé dans les banlieues, a fait des enquêtes, a rencontré des victimes et des fauteurs de troubles. (…) Les analyses des politiques de droite et de gauche ont souvent été démenties par les faits. Ils ont réduit les premières émeutes du début des années 1980 au dérapage de quelques « allumés ». Lorsque l’affaire devient plus sérieuse, aux alentours des années 1990, ils croient aux seules vertus de la « prévention », du « développement social » et de l’ « insertion ». Faute de bon diagnostic, le nombre de quartiers qualifiés de dangereux est en constante augmentation. Ces élus ont eu peur de reconnaître que la délinquance est l’œuvre d’une minorité de jeunes Français (…), qu’il s’agit là d’un problème d’intégration et non pas d’une « faute » de la société (…). Pour Christian Jelen, montrer les faits est un devoir du journaliste enquêteur. Et ce sont justement ces faits que les politiques refusent de voir. Jelen montre, exemples à l’appui, que ce ne sont pas seulement les cadres de vie qui incitent à la violence. A Strasbourg où des voitures sont brûlées toutes les nuits avec un pic lors de la Saint-Sylvestre, on ne trouve pas des barres en béton ou des tours abîmées. Au contraire, les espaces verts abondent, ainsi que les équipements socioculturels. Pourtant, les violences sont au-dessus de la moyenne nationale. A contrario, dans le Nord-Pas-de-Calais où de nombreuses banlieues sont hideuses, avec un taux de chômage deux fois plus élevé qu’à Strasbourg, les statistiques de la délinquance sont en dessous de la moyenne nationale (…). Jelen dénonce aussi les innombrables politiques publiques soldées par autant d’échecs. Depuis que Mitterrand a déclaré après les émeutes de Vaulx-en-Velin de 1990 qu’ « il y a de bonnes raisons au pillage et au saccage » et a inauguré un plan de la ville, de multiples plans ont vu le jour : plan Delebarre, plan Tapie, plan Raoult en 1995, plan Sueur, plan Bartolone en 1998 et plan Borloo en 2004. Des milliards de francs et d’euros ont été déversés sur les « zones urbaines sensibles ». En pure perte, puisque la délinquance n’a cessé d’augmenter. Et Jelen montre, toujours exemples à l’appui, que les équipements d’Etat, centres sportifs, maisons de la culture, services publics, transports, ne font pas du tout défaut dans les quartiers sensibles. Au contraire, ces quartiers en sont souvent mieux pourvus que d’autres. La violence ne découle pas d’un problème d’ennui mais d’une déculturation et d’un désintérêt pour la culture et le savoir. (…) Les « jeunes » s’ennuient parce qu’ils ne s’intéressent à rien et, comme ils ne risquent pas grand-chose, ils préfèrent casser ou brûler des voitures. Villepin continue cette politique. Encore un « plan social pour les banlieues », 15 nouvelles zones franches alors que l’on connaît l’échec de ces zones, un nouveau « machin administratif », l’Agence pour l’égalité des chances, alors qu’il existe déjà de nombreux organismes publics et para-publics qui font la même chose (comme la Haute Autorité de lutte contre les discriminations), l’ANPE mise à contribution alors que son échec au plan national est connu de tous et, enfin, 100 millions d’euros distribués aux associations sans aucun plan, évaluation ou étude des besoins. Par ailleurs, l’argent des associations en France représente environ 45 Mds d’euros par an sans savoir exactement où va l’argent… (SOURCE : N. Lecaussin, in « Société Civile » N°53, http://ifrap.cabestan.com/Go/index.cfm ?WL=101& ;WS=10987_4332692&a mp ;WA=55 décembre 2005). « La famille, secret de l’intégration, enquête sur la France immigrée », Robert Laffont, 1990. « Les casseurs de la République », Plon, 1997. « La guerre des rues, la violence et les jeunes », Pocket, 2000. Correspondance Polémia 23/01/06 – III – Les conséquences : Coût économique et financier QUELQUES CHIFFRES (III) · 30 % C’est la majoration qui devrait être appliquée, pendant trois ans, aux cotisations versées par les collectivités locales à leur assureur, la Société mutuelle d’assurance des collectivités locales, pour rétablir l’équilibre technique des garanties mises en jeu, s’il n’y pas de la part de l’Etat reconnaissance de sa pleine responsabilité pour les dommages résultant des émeutes dans les banlieues. Pour Bernard Bellec, président de la SMACL, les violences urbaines représentent un « 11 septembre territorial » et il évalue le montant des dommages territoriaux à environ 250 millions d’euros. Le président de la SMCL estime que « les phénomènes auxquels nous avons assisté ne sont pas conjoncturels mais bien structurels. Au-delà de la facture des derniers événements, la survenance de répliques doit être désormais envisagée ». Il y aura donc risque pour les communes de ne plus trouver d’assureurs pour répondre aux appels d’offres ! (SOURCE : Mairie info du 16/11/05.) · 2,5 milliards d’euros C’est la somme que les immigrés installés en France ont envoyée dans leur pays en 2004, en priorité pour aider leurs proches. Ce chiffre est donné par la Banque de France. Les immigrés originaires du Maghreb sont ceux qui envoient le plus, suivis par ceux du Portugal. 520 000 Marocains de France envoient de l’argent pour 750 millions d’euros au total. Ceux nés en France gardent pour eux leurs économies, alors que les clandestins et les prostituées transfèrent « par des canaux non visibles » une grande partie de leurs revenus. (SOURCE : Figaro économie du 17/11/05.) · 1,085 milliard d’euros C'est le crédit de paiement dont disposeront en 2006 les programmes « rénovation urbaine » et « équité sociale et territoriale et soutien », sans compter l’aide fiscale de 217 millions d’exonération d’impôts sur les sociétés pour les entreprises implantées en zone franche. Enfin, les aides allouées aux associations passeront de 106 à 109 millions. Telles sont les principales mesures et dotations retenues au budget 2006 au titre de la « politique de la ville – logement ». De son côté, le Médef prolongera pour les années 2008-2013 l’affectation d’une fraction du 1 % logement à la rénovation urbaine. (SOURCE : La Tribune du 21/11/05.) · 600 000 C'est le nombre de travailleurs sociaux en France. Ce chiffre a pratiquement doublé ces dix dernières années (367 000 en 1993 contre 600 000 en 2002). (SOURCE : Le Parisien - Aujourd'hui en France du 28/11/05.) • 100 millions d’euros C’est le montant des fonds susceptibles d’être attribués aux banlieues difficiles par les caisses européennes, au lieu de l’enveloppe d’un milliard d’euros annoncés par José Manuel Barroso, le président de la Commission européenne. Il ne s’agira que d’un redéploiement. (…) Après un minutieux travail d'audit, les experts français et européens ont identifié entre 30 et 35 millions d'euros redéployables sur les sommes allouées à la France d'ici à la fin du plan de financement 2000-2006 au titre du soutien aux régions en difficulté. A ce montant, s'ajoutent entre 60 et 65 millions d'euros financés par le Fonds social européen. (SOURCE : Le Figaro du 21/01/06.) • 200 millions C’est le montant des indemnisations que les assureurs estiment devoir verser en réparation des dommages résultant des émeutes : 100 millions aux commerçants et entreprises, 70 millions pour les collectivités locales et 30 millions pour les voitures incendiées. (SOURCE : Le Parisien - Aujourd’hui en France du 31/01/06.) QUELQUES CITATIONS (III) > « S’il n’y a pas de développement autonome en Afrique, les conséquences en termes de migrations, de maladies et de problèmes d’environnement viendront jusqu’à nous, que nous le voulions ou non », a déclaré dans une interview à l’hebdomadaire Die Zeit le président allemand Horst Köhler, ancien président du Fonds monétaire international de 2000 à 2004 ; et de tirer cette conclusion : il faut « repenser l’aide à l’Afrique » des pays industrialisés. (SOURCE : Le Figaro du 14/10/05.) > « Clichy-sous-Bois fait honte à notre pays », car « c’est à partir de cette ville que les émeutes dans les banlieues ont commencé. Or c’est la ville de France qui reçoit le plus d’argent de l’Etat depuis une vingtaine d’années », a déclaré Eric Raoult, député UMP de Seine-Saint-Denis dans une interview parue dans l’hebdomadaire Minute. (SOURCE : Le Figaro du 22/12/05.) LES DOSSIERS (III) Colloque sur « Immigration/Intégration : un essai d’évaluation des coûts économiques et financiers » 17 novembre 2005 Dans le cadre de la Fondation Singer-Polignac, le 17 novembre 2005 s’est tenu un colloque organisé par Yves–Marie Laulan, président de l’Institut de géopolitique des populations, avec pour thème : « Immigration/Intégration : un essai d’évaluation des coûts économiques et financiers ». La Fondation Polémia remercie Yves-Marie Laulan de l’avoir autorisée à mettre sur son site les trois contributions suivantes : -I Introduction, par Yves-Marie Laulan, président ; - II Immigrations : quels coûts pour les finances publiques ? par Jacques Bichot, professeur à l’Université Jean Moulin (Lyon 3) ; - III L’effort national à consentir, par Yves-Marie Laulan, président. Polémia 5/12/05 I - Introduction par Yves-Marie Laulan Nous abordons ici aujourd’hui avec ce colloque, qui prend un singulier relief à la lumière des récentes émeutes urbaines, un des problèmes socio-économiques les plus opaques, les mieux gardés et les plus controversés de notre temps : les coûts économiques et financiers de l’immigration et de l’intégration des communautés issues de l’immigration. Je reprends la formule du rapport Seguin. Ce qui nous amènera à nous demander au passage si la France a fait assez, ou pas assez, et si elle l’a fait à bon escient, en faveur des populations issues de l’immigration. Il est vrai que cette question semble contenir sa propre réponse, si l’on en juge par ce qui vient de se passer un peu partout sur notre territoire. 1°/ Mais tout d’abord, il faut s’interroger sur le fait de savoir si le couple immigration/intégration se traduit par un bénéfice économique, ou un avantage, pour le pays d’accueil, le nôtre en l’occurrence, comme on l’a longtemps soutenu de façon péremptoire. L’on songerait ici à tel ancien ministre, qui a fait son chemin depuis, lequel intitulait lyriquement son livre L’Immigration, une chance pour la France ou tel autre qui assimilait poétiquement les travailleurs immigrés aux bâtisseurs de ces cathédrales modernes que sont nos HLM. 2°/ A l’opposé, nombreux sont ceux qui ont soutenu exactement le contraire : l’immigration coûte plus, voire bien plus, qu’elle ne rapporte, en termes économiques et financiers, s’entend. Car il n’est évidemment pas question ici de s’attarder sur des considérations touchant à l’identité nationale ni aux difficultés sociales bien connues associées à l’intégration de communautés issues d’un environnement religieux, linguistique, culturel très différent du nôtre, difficultés dont les dernières semaines ont donné la mesure, pour ceux – car il y en a – qui en doutaient encore. Mais posons-nous au préalable la simple question de savoir si, sur le plan de l’économie nationale, l’arrivée d’étrangers, le plus souvent peu ou pas qualifiés : a) dans une société à haut niveau de protection sociale et disposant de bénéfices sociaux généreux – en termes d’emploi, de chômage, de santé, de retraite, de logement, d’éducation, etc. ; b) dans une économie qui se veut moderne, qui fait de plus en plus appel à la haute technicité, qui exige des connaissances technologiques avancées ; cette arrivée, donc, ces flux migratoires, se traduisent, pour la première génération et celles qui suivent, par un bilan positif pour la société d’accueil et pour l’économie d’accueil ? Evidemment la question ne se pose même pas pour des immigrés qui viennent en France au nom du droit au regroupement familial ou du droit d’asile – plus de 100 000 par an, soit, sur trente ans, 2,5 millions à 3 millions de personnes –, dont une bonne partie est constituée de femmes et d’enfants et qui émargent dans l’instant aux comptes sociaux. Mais pour revenir à la question posée plus haut, nous sommes en présence d’un problème de « cost/benefit » comme le diraient nos amis anglo-saxons – que mon ami Toubon veuille bien me pardonner cet horrible anglicisme – ou, si vous préférez, la « balance des paiements », si je puis m’exprimer ainsi, des communautés d’origine immigrée, est-elle positive ou négative ? Vaste question, d’une grande complexité comme nous allons le voir, qui suppose en premier lieu un inventaire et une estimation des coûts et des dépenses de la puissance publique, l’Etat et les collectivités locales, à des titres très divers. 3°/ Sur ce chemin « montant, sablonneux, malaisé », comme aurait dit le bon La Fontaine, nous ne sommes néanmoins pas totalement dépourvus de repères sous la forme de quelques travaux : a) Voici quelques années, un rapport, qui a eu son heure de célébrité, a été publié sur ce sujet par un expert d’un parti politique qui avait fait son cheval de bataille de la lutte contre l’immigration. Mais, comme l’a dit toujours La Fontaine, « un auteur gâte tout quand il veut trop bien faire ». Et il est permis de penser que les estimations dudit rapport étaient quelque peu surestimées, peut-être d’ailleurs en partie faute de données fiables disponibles ; b) En second lieu, un précédant colloque intitulé « Ces migrants qui changent la face de l’Europe », que nous avions organisé dans cette même enceinte, avait permis d’avancer – avec toute la prudence et les précautions nécessaires – que les communautés immigrées en France n’étaient en mesure de couvrir qu’environ les deux tiers de leurs coûts en matière de chômage. Voilà qui avait, en principe, le mérite d’être à peu près clair ; c) Là-dessus, voici que de l’autre côté du Rhin, en Allemagne, une étude, totalement indépendante, du professeur Birg, économiste et démographe, de l’Université de Bielefen, fort honorablement connu, a été récemment publiée. Que nous dit cette étude ? Le professeur Birg a ainsi calculé que les recettes versées par la communauté turque résidant en Allemagne, sous forme d’impôts et de cotisations sociales, ne compensaient qu’à hauteur des deux tiers les prestations perçues au titre de la santé et du chômage. Voilà donc deux études totalement indépendantes, réalisées dans deux pays différents, qui semblent parvenir aux mêmes conclusions. Ce qui n’est pas inintéressant. d) Puis voici le rapport Seguin, du nom de l’actuel président de la Cour des comptes dont on connaît la rigueur intellectuelle. Armé de l’appareil statistique de l’Etat, ce dernier s’est attaqué avec courage et obstination – car il en fallait – à un premier inventaire des coûts directs pour la puissance publique résultant de l’immigration. Il en ressort deux constations simples : tout d’abord ces coûts sont considérables – on s’en doutait –, ensuite ces coûts sont largement sousestimés et cela pour au moins deux raisons, comme nous le dit expressément le rapport : – en premier lieu, les administrations concernées ne disposent pas des données requises, loin de là ; au surplus, elles ne manifestent aucun enthousiasme à les fournir ; – en second lieu, ces dépenses sont souvent impossibles à identifier, en raison des multiples lois, conventions et règlements visant, en principe, à protéger les libertés publiques et privées, la CNIL, la Convention des Droits de l’homme et que sais-je encore, qui résultent dans ce travers bien français que le grand démographe Alfred Sauvy appelait déjà « le refus de savoir ». Autrement dit – et pardonnez-moi d’être aussi explicite – il n’y a pas grand chose à tirer de ce rapport si ce n’est un inventaire méticuleux des lacunes de nos connaissances et de la méthodologie requise pour les combler. Ce qui est évidemment déjà beaucoup. On pourrait ajouter, pour compléter ce tableau, que, quels que soient ses mérites, le rapport Seguin n’éclaire, et encore d’une bien pâle lueur, que l’un des deux versants de la montagne : les coûts de l’immigration. Il laisse, par contre, totalement dans la pénombre l’autre face : les coûts de l’intégration, sur lesquels nous allons précisément tenter, vaille que vaille, de jeter quelque lumière. Or ces coûts, directs ou indirects, immédiats ou différés, qui se traduisent par autant de dépenses pour la puissance publique et pour ses démembrements, les entreprises publiques, SNCF, RATP, mais aussi les compagnies d’assurances, s’accumulent en autant de strates enchevêtrées qui en rendent l’inventaire bien ardu. En effet, comme le fait le rapport Seguin, additionner le coût des nuits d’hôtels pour le logement des clandestins ou des demandeurs de droits d’asile en instance de décision administrative est relativement simple. Calculer le coût pour le budget de la construction de logements sociaux subventionnés par l’Etat pour loger des immigrés légalement installés sur le territoire est une tout autre affaire. Idem pour le surcoût résultant d’une éducation spécialisée en faveur d’enfants défavorisés issus de familles peu familières avec l’usage de la langue française ; même chose pour le surcoût lié à la délinquance ou au maintien de l’ordre, sans parler des fraudes dans le métro, la SNCF, les problèmes des hôpitaux débordés dont le fonctionnement est gravement perturbé. Faut-il y inclure le coût de tout ou partie des 300 000 emplois « jeunes », j’ai envie de dire « faux emplois », créés à la hâte pour « éponger » la masse des Jeunes au chômage faute de qualification ? La liste de ces surcoûts est infinie. Elle concerne en réalité pratiquement toutes les facettes de la société française, dans une France qui a voulu, un moment, se poser en société d’accueil à vocation universelle contrainte aujourd’hui, bon gré mal gré, d’accueillir, comme le disait Michel Rocard, une partie de la « misère du monde ». Qu’il s’agisse du droit d’asile, du regroupement familial ou d’autres droits encore, la France s’est voulue et se veut encore généreuse. Mais voilà. La générosité a un coût. 4°/ Or le malheur veut que les ressources de la nation, les ressources de l’Etat ne sont pas indéfiniment extensibles. Elles le sont d’autant moins que, depuis quelques années, la croissance s’est ralentie à des taux compris entre 1,5 et 2 % l’an contre 3 et 3,5 % autrefois ; que le taux de chômage, devenu structurel depuis une trentaine d’années, reste obstinément fixé autour de 10 % de la population active ; que le déficit budgétaire tourne autour de 3,6 % année après année ; si bien que l’endettement public dépasse 66 % du PIB, contre 30 % voici vingt ans, lourd héritage que nous allons léguer à nos enfants et petits-enfants qui vont devoir payer les notes accumulées depuis dix ans sinon plus. Et cela alors que chacun sait que le prix du pétrole, porteur d’inflation à terme, va continuer de croître ; que nous sommes à la veille d’un énorme afflux de personnes âgées, plus de 5 millions nous dit-on, porteuses de nouveaux droits à la retraite. Pour faire face à toutes ces obligations, il faudra des ressources, beaucoup de ressources. Il s’agit donc pour nous de muscler notre productivité pour doper notre croissance, pour faire face à une mondialisation inévitable et pour réussir l’intégration des communautés immigrées. Il faut mettre un terme aux dissimulations bien pensantes et aux demi-vérités qui ont eu cours jusqu’à maintenant. Car, sans aucun doute, les Français devront se serrer la ceinture. Autant qu’ils le sachent dès maintenant, pour mieux l’accepter. C’est le prix, sans doute très élevé, à payer pour ne pas sombrer dans le chaos. Peut-on, dans un tel contexte, répéter ce que disait, voici quelques années, une dame ministre que je ne citerai pas, laquelle proclamait haut et fort qu’elle ne voulait pas être « le ministre des comptes ». Car le temps est venu pour la France de faire ses comptes en matière d’immigration et d’intégration, comme dans d’autres domaines, pour mieux préparer, pour mieux réussir, notre avenir commun. C’est à cet exercice que nous sommes conviés aujourd’hui. II - Immigrations : quels coûts pour les finances publiques ? par Jacques Bichot Quelques événements récents font que la présente étude s’inscrit dans un contexte émotionnel qui rend à la fois plus difficile et plus nécessaire l’objectivité scientifique : - Les incendies de squats parisiens occupés par des immigrés ; L’incendie survenu dans un centre de détention pour immigrés à Amsterdam ; Les « échelles de Mellila », symboles de la ruée vers l’Europe de foules africaines ; Le démantèlement, au Royaume-Uni, d’un réseau mafieux spécialisé dans l’acheminement et l’infiltration de clandestins ; Les émeutes dans diverses banlieues « chaudes » d’abord de l’Ile-deFrance puis de la France entière. La première obligation scientifique quand on veut étudier tels ou tels effets de l’immigration est l’emploi du pluriel : il existe une multitude d’immigrations, car les contrées d’origine, les profils des immigrants, les conditions de leur entrée sur le territoire et d’autres caractéristiques encore sont diverses, si bien qu’il ne serait pas prudent de considérer a priori comme identiques les effets résultant de ces différentes immigrations. Il arrive en France des retraités britanniques qui y achètent une maison moins coûteuse que celle qu’ils occupaient outre-Manche, des ingénieurs allemands qui s’y établissent pour y exercer leur métier, des paysans maliens en quête de survie, des jeunes filles biélo-russes attirées par la fallacieuse promesse de carrières de mannequins et qui s’y font exploiter par des souteneurs : les problèmes rencontrés et posés ne sont pas les mêmes, non plus que les effets pour le pays d’accueil et sa population. Les modèles du marché du travail construits comme si tous les travailleurs potentiels étaient interchangeables ont à juste titre fait l’objet de fortes critiques et ont désormais leur place au musée des théories économiques ; il serait maladroit de ne pas en tirer de leçon pour l’immigration. Les effets économiques des immigrations, par définition, n’incluent pas les conséquences du départ des migrants pour leur pays d’origine. Le fait de limiter ainsi le champ des investigations ne signifie cependant pas que l’on puisse se désintéresser de la question placée hors des limites de l’épure : le « brain drain » peut constituer un handicap important pour certains pays, pour d’autres les envois de fonds des émigrés sont une ressource qui compte beaucoup. Les problèmes de ce type méritent de rester présents à l’esprit en arrière-plan, même s’ils ne sont pas directement traités. Sont également renvoyés à d’autres travaux, en dépit de l’importance du sujet, les effets des immigrations sur les migrants eux-mêmes. Gagnent-ils au change, ou bien sont-ils victimes d’une illusion d’optique en pensant être plus heureux sous de nouveaux cieux ? Symétriquement, en dehors des impôts et cotisations sociales qu’elles payent en plus ou en moins du fait des immigrations, quel est l’impact de celles-ci sur les conditions de vie des populations autochtones ? Ce sont deux vraies questions, complémentaires de celle sur laquelle se concentre la présente étude, à savoir les coûts et avantages des immigrations pour les finances publiques du pays d’accueil. Ces coûts et avantages, il aurait été concevable de les évaluer séparément, avant de faire une série d’additions et de soustractions pour déterminer le solde. Ce n’est pas la méthode qui a été employée ici. En effet, pour la plupart des postes examinés, les données disponibles conduisent plutôt à calculer une différence de coûts résultant des caractéristiques des populations immigrées ou issues de l’immigration, et plus précisément de leurs différences statistiquement mesurables par rapport aux autochtones. N’ayant trouvé aucun poste pour lequel la différence aille dans le sens de coûts moindres du fait de la présence de populations immigrées et issues de l’immigration (pour faire court, nous dirons « allochtones »), nous ne pratiquerons pas la langue de bois et parlerons tout simplement de surcoûts. Chaque fois que cela a été possible, ces surcoûts ont été calculés de la manière suivante : on soustrait au coût observé le coût qui aurait prévalu si la totalité de la population avait eu les caractéristiques statistiques des autochtones. Par exemple, quel aurait été le coût du système carcéral si la sous-population allochtone avait les mêmes taux d’incarcération que la sous-population autochtone ? Tel est pour l’essentiel le contenu et la méthode de la plus longue partie du présent travail, la seconde. Il aurait été possible d’en rester là. Cependant, pour bien marquer que les coûts et avantages qui intéressent les économistes ne sont pas seulement ceux qui se traduisent par une dépense monétaire, une première partie est consacrée à montrer la diversité des coûts et avantages sur lesquels il conviendrait de réaliser des investigations. Elle aura l’utilité d’établir clairement le caractère très partiel du travail réalisé et la nécessité de le poursuivre. 1/ Les notions de coût et d’avantage, s’agissant des immigrations Qu’est-ce qu’un coût, qu’est-ce qu’un avantage ? Pour l’économiste, le coût monétaire n’est qu’une composante du coût total, et de même en ce qui concerne les avantages. Par exemple, pour déguster chez soi un bon repas, il ne faut pas seulement dépenser de l’argent pour en acheter les ingrédients, il faut aussi consacrer à sa préparation et à ses suites du temps, de l’énergie, des compétences, qui auraient pu être employés autrement. Il se peut que faire les courses, cuisiner, dresser la table, laver la vaisselle et ranger représente un coût (non monétaire) qui dépasse le montant des achats effectués. De même le salaire ne résume-t-il pas l’avantage lié à un emploi : il faut prendre en compte l’agrément éventuel de ce travail, les relations qu’il rend possibles, la considération qu’il procure, etc. De manière générale, il y a coût dès lors qu’il est fait usage de ressources rares. Cependant, la référence à la mobilisation de ressources rares ne suffit pas : il convient également de prendre en compte les agréments ou désagréments découlant de cette mobilisation, ce qui complique les choses, car ils ne sont pas identiques pour les différents acteurs concernés. Si une personne adore cuisiner, tandis qu’elle déteste faire les courses, le temps qu’elle a passé devant ses fourneaux n’est pas de son point de vue un coût, mais plutôt un plaisir, une détente, à la différence de celui qu’elle a sacrifié en se déplaçant jusqu’aux magasins et en y faisant la queue. En revanche, pour ses enfants qui espéraient jouer avec elle, ces deux emplois du temps paternel ou maternel constituent à égalité des coûts découlant du dîner organisé par leurs parents. Les notions de coût et d’avantage ne relèvent donc pas de « l’en soi » (une réalité objective que chacun percevrait de la même manière) mais du « pour soi » (un ressenti personnel, éventuellement fort différent d’un individu à l’autre). Cette remarque vaut d’ailleurs pour l’argent comme pour les coûts et avantages non monétaires : cent euros constituent pour le pauvre une somme qu’il est merveilleux de recevoir, et tragique d’avoir à débourser, tandis que pour le riche elle compte à peine. La monnaie ne constitue l’étalon de la valeur que dans le cadre de théories économiques très rudimentaires. Il convient donc de toujours préciser le SUJET (« pour qui ? ») des coûts et avantages dont il est question. Concernant les immigrations, l’étude des coûts et avantages ne saurait donc se limiter aux aspects monétaires, ni prétendre à cette forme d’objectivité qui permettrait de les mesurer sans avoir à se soucier de savoir POUR QUI il s’agit d’un coût ou d’un avantage. Les coûts pour l’immigrant, les coûts pour les habitants du pays de départ, les coûts pour ceux du pays d’arrivée sont choses différentes, dont l’argent ne constitue qu’une partie. Et concernant la troisième catégorie de sujets des coûts et avantages, objet de la présente étude, il existe d’importantes différenciations. Par exemple, l’arrivée d’immigrés d’origine culturelle non occidentale coûte davantage aux autochtones modestes, dans les quartiers desquels ils s’installent, s’ils font l’objet de peu d’efforts d’a-culturation de la part des pouvoirs publics, et davantage aux gros contribuables, si les pouvoirs publics s’occupent très activement d’eux. Cela explique que les « petits blancs » soient en moyenne davantage hostiles que les habitants des beaux quartiers à l’immigration maghrébine et africaine avec a-culturation et intégration limitées qui se pratique actuellement en France. Les coûts de l’immigration peuvent prendre des formes difficiles à quantifier monétairement, par exemple lorsqu’il s’agit d’une dégradation de capital national immatériel. Prenons un exemple. La Cour des comptes (2004) rapporte (p. 201) qu’en 2002 les préfets ont signé 21 621 arrêtés de reconduite à la frontière avec interpellation, dont seulement 11 621 ont fait l’objet d’une saisine du Bureau de l’éloignement de la Direction centrale de la police aux frontières, sur lesquels 6 967 ont finalement été exécutés. Le fait que deux arrêtés sur trois restent sans effet a un coût non monétaire important : la détérioration de l’autorité préfectorale, et par là même de l’autorité de l’Etat. Le capital immatériel qu’est l’autorité des représentants du pouvoir exécutif légal s’érode ainsi progressivement. Que l’on effectue ou non une estimation monétaire de la valeur de ce capital (nous nous y essayerons, malgré la difficulté de l’entreprise), il est clair que sa diminution est une perte de richesse, une destruction de valeur. La Cour manifeste d’ailleurs sa sensibilité au problème de dégradation du capital immatériel quand elle expose (p. 196) que les immigrants en situation régulière sont victimes de l’immigration irrégulière, parce que celle-ci ternit leur image : « une partie de l’opinion sera tentée de faire l’amalgame, l’immigration en général étant alors assimilée à l’insécurité et à la délinquance alors que leur rapprochement ne peut être partiellement légitime qu’avec une certaine forme d’immigration irrégulière. » Certes, le raisonnement de la Cour est entaché d’erreur manifeste : il faut n’avoir jamais lu Sebastian Roché ni aucun spécialiste du sujet pour postuler que seule l’immigration illégale contribue à augmenter l’insécurité et la délinquance. Une analyse plus réaliste serait la suivante : la présence d’une proportion élevée de délinquants et de fauteurs d’incivilités parmi les immigrés en provenance de certaines origines et leurs descendants porte préjudice aux immigrés honnêtes et respectueux des personnes et des biens dont les apparences physiques sont semblables. Mais l’erreur commise par les rapporteurs de la Cour ne supprime pas le mérite qu’ils ont eu en reconnaissant le coût non monétaire qu’est la détérioration de la réputation attachée à une catégorie de personnes lorsque certains membres de cette catégorie se conduisent mal. L’économie des conventions, comme la sociologie, a montré l’importance de la réputation, du capital de confiance dont bénéficie une personne ou catégorie de personnes : la diminution de ce capital est une perte de richesse. De tels destructions de valeur, lorsqu’elles sont la conséquence de certaines immigrations, font partie de leur coût. 2/ Essai de recension et d’évaluation des surcoûts budgétaires 2.1. Justice et maintien de l’ordre Il ne s’agit pas de rendre certaines immigrations responsables de toute diminution de l’autorité des représentants de la loi : l’inflation législative et réglementaire, le manque de professionnalisme de nombre de responsables politiques, la sclérose administrative, l’évolution des mœurs et des mentalités, le rôle joué par les médias dans cette évolution, et d’autres facteurs encore, sont à prendre en compte. Il n’en reste pas moins que l’arrivée relativement massive de personnes que les autorités ne savent pas par quel bout prendre a contribué et contribue à rendre leur travail plus difficile, à engorger les circuits, à créer des zones dites « de non-droit » (1) où les caïds locaux, soucieux de protéger leur « business » (notamment le trafic de drogue) excellent à dresser contre elles la population, particulièrement allochtone, et à donner aux représentants de la loi le sentiment d’être rejetés comme le serait une armée d’occupation. Pour la protection du « business » délinquant ou criminel, la constitution de ghettos ethniques est excellente, ce qui conduit les caïds à accentuer le mouvement naturel de concentration des populations issues de l’immigration mis en évidence par le rapport du Conseil économique et social (2003) et celui de la Cour des comptes (2004). Les forces de l’ordre ne comprennent pas ce que disent les habitants s’ils décident de parler la langue de leur pays d’origine ; il est dès lors assez facile d’empêcher les contacts autres que conflictuels entre elles et la population. Les jeunes, dont les parents sont désorientés par l’écart qui existe entre le monde où ils ont eux-mêmes acquis leurs repères et celui où ils vivent, sont massivement manipulés par les narcotrafiquants, comme ils le sont ailleurs (mais cela commence en France) par les terroristes islamistes. Il n’est pas très difficile de les dresser à jeter des pierres contre les voitures de police ou de pompiers, la tactique de l’Intifada étant connue des leaders, et à brûler des voitures lorsque se présente une occasion amplificatrice de « la haine » qui les habite. Dès lors, la moindre action de police requiert l’intervention d’effectifs importants. Et comme les banlieues « chaudes » ne sont pas l’endroit le plus agréable pour exercer le métier de maintien de l’ordre, on assiste à une répartition des effectifs qui maximise l’utilité des fonctionnaires plus que celle de la population : selon Bauer et Raufer (2001) il y avait en 1999 119 habitants pour un policier à Paris, 395 en petite couronne et 510 dans la grande couronne, là où la densité de crimes et délits est maximale. Un plan de redéploiement a certes été lancé en 1999, mais il ne semble pas avoir eu tous les effets escomptés. A cela il convient d’ajouter le taux devenu fort bas des procédures pénales par rapport aux faits vraisemblablement délictueux ou criminels : en 1999, 86 % de classement sans suite sur 4 600 000 procès-verbaux ou dénonciations traités par les parquets, qui croulent sous le travail, dont 3 320 000 classements sans suite (67 %) parce que « l’enquête n’a pas permis d’identifier l’auteur de l’infraction ». Cela signifie une certaine impunité pour les délinquants, d’autant plus que la moitié des faits délictueux (et plus de 99 % des incivilités) ne sont pas signalés à la police. Quelles responsabilités les immigrations portent-elles dans cette érosion de l’autorité républicaine ? Faute d’études circonstanciées, que dissuade le tabou relatif aux rapports entre immigrations et délinquance, on ne peut proposer que des estimations grossières. Pour effectuer ces premières approximations, avant de lancer un chiffre relatif aux effets de la diminution de l’autorité de l’Etat, on risquera d’abord une estimation de l’augmentation du nombre de policiers, de fonctionnaires du ministère de la Justice et des budgets de fonctionnement associés, nécessaire pour faire face au surcroît de travail résultant de l’immigration. Plus précisément, nous prendrons comme indicateur la part des crimes et délits, et celle des incarcérations, qui résultent de la différence d’occurrence de tels phénomènes chez les allochtones et chez les autochtones respectivement. Par exemple, s’il est vrai comme l’indique Geneviève Guérin (2003) que la population carcérale de sexe masculin est constituée à 24 % d’hommes nés à l’étranger alors que dans l’ensemble de la population masculine le pourcentage est de 13 %, nous considérerons (moyennant quelques applications de la règle de trois) (2) que l’immigration majore de 14 % les coûts du système carcéral, à qualité égale (et médiocre, comme chacun sait). Cette méthode ne permet pas de ventiler ce surcoût entre les diverses immigrations mais elle a l’avantage de pouvoir être effectuée avec les statistiques judiciaires ou carcérales disponibles, dans lesquelles les ventilations requises ne figurent souvent pas. Sachant que les hommes nés en France mais issus de certaines immigrations (la « seconde génération ») ont fort probablement, eux aussi, une propension à être incarcérés plus forte que la moyenne, le pourcentage de majoration égal à 14 % peut être considéré comme insuffisant. Nous ne connaissons malheureusement pas leur part dans les effectifs carcéraux. Force est donc d’en rester à une valeur plancher de 14 % de majoration de frais carcéraux attribuable au fait migratoire, avec la perspective de monter par exemple à 18 % ou 20 % si des statistiques relatives à la seconde génération étaient disponibles. En ce qui concerne l’activité des tribunaux, de la police et de la gendarmerie, on ne dispose semble-t-il que de statistiques par nationalité. En 1999, 2000 et 2001, selon « Etudes et statistiques justice » n° 19 et 20, les condamnations au pénal concernent pour 87 % des Français et pour 13 % des étrangers. Il faut donc procéder à des interpolations, toujours risquées, pour connaître la part des immigrés. Selon Borrel et Durr (2005), la collecte 2004 de données en vue du recensement donne 9,6 % d’immigrés dont 5,66 % d’étrangers dans la population de 18 ans et plus. Remarquons au passage la différence considérable qui sépare ce 9,6 % du 13 % précédent, lequel ne concernait que les hommes (pas seulement majeurs), mais qui peut être transposé à la population totale si, comme l’écrivent Borrel et Durr, les femmes composent 50,3 % de la population immigrée. Si l’on néglige la différence (inconnue) qui peut exister entre la surcondamnation des étrangers mineurs et celle des étrangers majeurs, le coefficient de sur-condamnation des étrangers est 2,3. Supposons que ce coefficient soit un peu plus faible pour les immigrés ayant acquis la nationalité française, par exemple 2 : on aboutirait à 9,6 % de la population concentrant 20,9 % des condamnations (coefficient 2,18). Un calcul analogue à celui effectué précédemment pour la population carcérale fournit alors une majoration des frais de justice et, s’ils se répartissent semblablement, de l’ensemble police et gendarmerie, de 14,3 % du fait de l’existence de l’immigration. (Il est équivalent de dire que les frais seraient, à service rendu équivalent, inférieurs de 12,5 % si la population, numériquement égale, ne comportait pas d’immigrés.) Cette proximité avec le chiffre obtenu pour la prison (14 %) et le fait qu’il s’agit dans les deux cas d’un plancher ne tenant pas compte des surcoûts inhérents à la « seconde génération » nous incitent à retenir pour l’ensemble du budget de la justice et des forces de l’ordre une majoration due à l’immigration, ou plus exactement à certaines des immigrations, de 14 % pour les immigrés au sens strict, et sensiblement supérieure (18 % ? 20 % ?) si l’on tient compte de la descendance des migrants (3). Le budget 2005 consacrait 5,46 Md€ à la justice, 5,77 à la police nationale et 5,94 à la gendarmerie, soit au total 17,17 Md€ pour les fonctions qui nous intéressent ici. Sur cette base, le surcoût dû aux immigrations s’élève à 2,11 Md€ pour les seuls immigrés et peut monter à 2,86 Md€ en tenant compte de la seconde génération. La dépense « profitant » aux immigrés, quant à elle, s’élève environ à 21 % de ces 17,17 Md€ (24 % pour l’incarcération, 20,9 % pour le reste) soit 3,61 Md€. On peut donc considérer que les immigrés coûtent environ 3,61 Md€ au titre des fonctions justice et maintien de l’ordre, dont 2,11 Md€ de surcoût dû à la propension à la délinquance très supérieure à la moyenne qui s’observe pour certaines nationalités d’origine. Quant à la baisse de l’efficacité des services concernés provenant de la part du travail de sape de l’autorité de l’Etat attribuable à l’immigration, il nous paraît difficile de l’estimer à moins de 5 %, soit environ le cinquième des effets de type démoralisation, démotivation, désorganisation, pertes de temps provoquées par les complications inutiles, que l’on peut globalement chiffrer à 25 % provenant par parts égales des cinq facteurs recensés au début de cette section : l’inflation des normes juridiques et leur manque de cohérence, l’amateurisme d’une partie importante du personnel politique (4) et le manque de compétences managériales de nombreux fonctionnaires d’autorité, l’évolution des mentalités amplifiée par la démagogie des médias (5), la sclérose administrative générale et les difficultés inhérentes à la multiplicité des langues, des cultures, des situations, conséquence de diverses immigrations. Sur cette base, certes discutable, 0,86 Md€ supplémentaires pourraient être portés au débit des immigrations au titre de surcoût pour l’exercice des fonctions justice et sécurité. 2.2. Surcoûts et manque d’efficacité du système scolaire La mise en œuvre de la présentation du budget conformément à la Loi organique relative aux lois de finance (LOLF) fournit pour 2006 un chiffrage global de la « mission » enseignement scolaire : 19,5 % du budget de l’Etat, 59,7 Md€, en hausse de 6,3 % sur l’année 2005. Par ailleurs, les données fournies par le ministère de l’Education nationale (éditions annuelles successives de « L’état de l’école ») montrent que le rapport entre le nombre des élèves et celui des enseignants a fortement diminué depuis 1960 et est nettement inférieur à ce que l’on observe dans divers pays de même niveau de développement. Pour le premier degré, « les tailles moyennes de classes en maternelle et primaire se situent maintenant aux environs de 26 et 23 élèves contre respectivement 40 et 30 au début des années 1960 ». Quant au second degré, y compris l’enseignement privé sous contrat, il emploie 530 000 enseignants pour 6 520 000 élèves, soit 12,3 élèves par enseignant, contre 16,1 dans le secondaire public en France en 1963-64 (nous n’avons pas le chiffre incluant le privé, mais traditionnellement il fonctionne avec un peu moins d’enseignants en proportion des élèves, donc son inclusion ne ferait pas baisser ce ratio). Aux Etats-Unis, au Canada, au Japon, on compte plus de 15 élèves par enseignant dans le second degré. Autrement dit, le coût de l’enseignement est en France particulièrement élevé. Dans les circonstances actuelles, où la modération des dépenses publiques est à l’ordre du jour, la « sanctuarisation » de l’Education nationale se traduit par un taux de progression des dépenses étonnamment élevé. D’où cela vient-il ? Le mécontentement du corps enseignant, ses revendications, ses pressions de toutes sortes en faveur d’une réduction du nombre d’élèves par classes ne peuvent être mis purement et simplement sur le compte de la propension au « toujours plus » dépourvu de justification que dénonçait François de Closets (1982). Le corporatisme fournit certes une partie de l’explication, mais son succès lui-même tient largement à l’exaspération des enseignants face à des classes de plus en plus difficiles à « tenir » et à intéresser. Pourquoi les élèves posent-ils ainsi à leurs enseignants des problèmes accrus et leur rendent-ils la vie plus difficile au point de faire aspirer nombre d’entre eux à une retraite précoce, comme on l’a vu durant les grèves et manifestations de 2003, auxquelles les enseignants ont pris une large part ? La réponse figure dans la plupart des livres de témoignages écrits par des « profs », par exemple Claire Pentice (2004) : le métier est devenu dans bien des cas ingrat, voire franchement pénible. On peut donc estimer qu’une fraction importante de la diminution du nombre d’élèves par classe depuis les années 1960 est à mettre au compte de certaines immigrations. Quelle proportion ? Des études délicates seraient nécessaires pour le déterminer de façon scientifique. En leur absence, nous avons retenu 50 %. Ce chiffre laisse de la place pour les erreurs pédagogiques telles que la systématisation de la méthode globale, dont les effets ont été étudiés par Liliane Lurçat (1998). Il en laisse un peu moins pour le corporatisme d’une fraction importante du corps enseignant, car il est probable que le succès des revendications en termes de postes à créer doive beaucoup à l’aggravation des conditions d’enseignement. Celles-ci sont beaucoup plus fortes dans certaines zones que dans d’autres, mais la création des Zones d’éducation prioritaires (ZEP) n’a pas suffi à éviter les effets d’entraînement provoqués par l’égalitarisme, important chez les enseignants : si l’on diminue les effectifs par classes dans des quartiers difficiles, les enseignants en poste dans des établissements « normaux » verraient d’un mauvais œil leurs effectifs rester stables (6). Il existe aussi un effet d’entraînement relatif aux incivilités, agressions et manques de motivation : la présence d’une proportion notable d’élèves qui, mal insérés socialement du fait de leur origine, réagissent de façon agressive (« la haine, la rage ») amène nombre de jeunes autochtones mal dans leur peau à faire de même, si bien que les malaises et révoltes classiques de l’adolescence et de la pré-adolescence s’expriment de façon plus brutale et plus perturbatrice pour l’activité pédagogique. Les données démographiques, enfin, nous paraissent de nature à justifier un pourcentage assez conséquent : la proportion d’élèves immigrés ou issus de l’immigration, selon la Direction de l’enseignement scolaire (DESCO), en y intégrant les enfants dont un des deux parents seulement est immigré, dépasserait 20 % (Cour des comptes 2004, p. 238). Par rapport aux normes 1963-64, en désignant par M, P et S le nombre d’élèves actuels dans les maternelles, le primaire et le secondaire respectivement, le nombre d’enseignants supplémentaires est M/26 – M/40 ; P/30 – P/23 ; et S/12,3 – S/16,1. Si l’on estime que les autres frais sont accrus proportionnellement, et en suivant notre décision de retenir la moitié des frais supplémentaires comme surcoût dû aux immigrations, en désignant par BM, BP et BS respectivement les budgets des divers ordres d’enseignement, on obtient comme surcoût la moitié de : BM (1 – 26/40) + BP (1 – 23/30) + BS (1 – 12,3/16,1). Sachant que le budget de l’enseignement scolaire pour 2005 s’élève à 56,6 Md€, dont 19 % pour le primaire public, 43 % pour le secondaire public, 12 % pour le privé sous contrat et 26 % pour les services généraux, nous avons dû procéder à quelques approximations pour déterminer BM, BP et BS, qui ne sont pas directement fournis. D’abord parce que les dépenses des collectivités territoriales, loin d’être négligeables, représentent selon « L’état de l’école » 32 % de celles de l’Etat, ce qui conduira à augmenter de ce pourcentage le surcoût calculé à partir des seules dépenses de l’Etat. Ensuite parce que, le ministère des Finances ne fournissant pas la répartition entre les scolarités préélémentaire et élémentaire, nous avons dû procéder à cette répartition sur la base des effectifs et des coûts unitaires fournis par « L’état de l’école » ; ces derniers ne diffèrent d’ailleurs que de 8 %. Se posait enfin le problème de la ventilation des frais généraux, très élevés, et de l’enseignement privé sous contrat : les frais généraux (26 % du total, donc 35 % des autres postes) ont été traités en majorant de 35 % les résultats trouvés sans eux ; quant à l’enseignement privé, la clef de répartition choisie correspond aux effectifs enseignants : 15 % de ceux du public pour le premier degré, et 24,5 % dans le second degré. Cela donne BM = 4,60 Md€ ; BP = 7,76 Md€ ; et BS = 30,3 Md€. On en déduit comme surcoût pour la part prise en charge par l’Etat, sans les frais généraux : 0,5 (1,61 + 1,81 + 7,15) et donc y compris frais généraux (multiplication par 1,35) et collectivités territoriales (multiplication par 1,32) : 9,42 Md€. Ce mode de calcul a l’avantage de permettre une révision immédiate si l’on estime excessif ou insuffisant l’attribution à l’immigration de la moitié de la diminution des effectifs par enseignant : en ne retenant ce facteur que pour 30 %, on aboutit à un surcoût de 5,65 Md€, et en le poussant jusqu’à 70 % on obtient 13,18 Md€. En tout état de cause, le surcoût engendré au niveau du système scolaire par l’accueil de populations dont beaucoup d’éléments éprouvent des difficultés à en suivre les règles, et qui posent ipso facto des problèmes délicats, apparaît comme fort important, et l’on ne saurait trop conseiller d’étudier cette question en détail, d’une part pour mieux cerner le surcoût, d’autre part et surtout pour trouver le moyen de le diminuer. On remarquera in fine que rien ne prouve que la diminution de la taille des classes ait suffi à conserver la qualité de l’enseignement. C’est possible en ce qui concerne la majorité des établissements, dans lesquels les immigrés et enfants d’immigrés sont peu nombreux. En revanche, dans la minorité d’établissements où se concentre la moitié de ces populations, les résultats scolaires sont tels qu’il est permis d’en douter : notons par exemple (Cour des comptes, 2004, p. 236) que sur 1000 élèves entrés en 6 e en 1989, s’ils étaient de nationalité française 637 d’entre eux ont obtenu le baccalauréat, tandis que sur 1000 élèves de nationalité étrangère, le nombre des lauréats tombe à 469. Quelle que soit l’importance de l’effort consenti, s’agissant de l’intégration des jeunes immigrés ou issus de l’immigration, le résultat n’est pas à la hauteur des attentes. Mais peut-être la solution est-elle à rechercher davantage du côté de l’innovation pédagogique que dans l’accroissement des moyens budgétaires ? En tout cas l’enjeu est de taille. Relisons ce qu’écrivait Jacques Lesourne en 1988 dans une perspective prospective : « On ne peut exclure, pour le premier quart du prochain siècle, des scénarios se traduisant pour la France et la communauté européenne par un flux notable d’immigration en provenance du tiers-monde, trois variantes extrêmes pouvant être a priori imaginées : celle d’une aculturation progressive et sans heurt de la population immigrée au sein de la population française ; celle de la coexistence pacifique entre la culture dominante et plusieurs cultures minoritaires ; celle enfin de relations conflictuelles entre les diverses communautés présentes sur le sol français, les manifestations hostiles d’une minorité de Français s’opposant à la revendication brutale de leur identité culturelle par une fraction des immigrants. Or, si l’immigration devait se développer, c’est de l’école que dépendra largement l’émergence d’une variante favorable ; une variante associant un certain degré d’a-culturation et d’ouverture entre cultures. » Dix-sept ans plus tard, l’immigration en provenance du tiersmonde a effectivement pris de l’ampleur, et c’est le troisième scénario qui semble être en train de se réaliser. Si J. Lesourne a vu juste, le système scolaire porte une lourde responsabilité en la matière. Faut-il dire que c’est lui qui est coupable, où que le sont ceux qui ont permis l’arrivée d’un nombre trop important de ressortissants du tiers-monde ? Le débat n’a pas plus d’intérêt que la question de savoir si la bouteille est à moitié vide ou à moitié pleine. Le fait est que la combinaison d’arrivées nombreuses en provenance du tiers-monde et d’un système scolaire qui n’a pas su trouver les solutions adéquates a produit des effets très négatifs, que les contribuables payent très cher, tandis que les habitants des banlieues « chaudes » payent le prix le plus élevé, d’autant plus élevé qu’il n’est pas monétaire. Pour n’avoir pas d’équivalent monétaire, la peur, la haine, l’insécurité, le viol et la mort violente n’en sont pas moins des coûts particulièrement considérables. 2.2.bis Les études supérieures Depuis l’année universitaire 1998-99, où il y avait en France 150 000 étudiants étrangers représentant 8,6 % des effectifs, on est passé en 2003-2004 à 250 000 et 13,7 % des effectifs (M.C. Tabet, « Le Figaro », 28 septembre 2005). Ceux-ci viennent à 54 % d’Afrique, et à 16 % seulement de l’Europe des 15. L’article cité fournit le chiffre de 2,4 Md€ pour l’accueil des étudiants concernés, mais ce chiffre paraît très excessif sachant que le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche est de l’ordre de 7 milliards pour 2 millions d’étudiants. Basons-nous donc sur 5 milliards de dépenses d’enseignement supérieur (hors recherche) et sur le taux de réussite des étudiants étrangers, égal à environ 65 % de celui des Français. Si l’on remplaçait les 250 000 étudiants étrangers par 162 500 nationaux, on aurait autant de résultats. Donc, en termes de résultats universitaires, les frais relatifs à 87 500 étudiants pourraient être économisés, soit 0,22 Md€. Cette estimation du surcoût paraît modeste puisqu’elle ne prend pas en compte la part très importante des étrangers dans les logements étudiants subventionnés, non plus que l’impact des étudiants de nationalité française mais d’origine étrangère. 2.3. La protection sociale La question a été traitée antérieurement (Bichot, 2004). Nous actualiserons donc simplement les résultats présentés il y a deux ans, en renvoyant à l’article cité pour ce qui est du détail de la méthodologie et des nécessaires précautions à prendre pour les interpréter. Rappelons que l’estimation se base sur le principe suivant : on regarde combien les nationaux âgés de 15 à 64 ans et pourvus d’un emploi entretiennent d’inactifs et de chômeurs dans la même tranche d’âge ; cela fournit le ratio national ; on applique ce ratio à telle sous-population (dont on retient tous les éléments âgés de 15 à 64 ans). Si cette sous-population comporte plus d’inactifs et de chômeurs que le ratio national n’en fournirait, le produit du nombre de ces inactifs et chômeurs en supplément par la dépense unitaire moyenne de protection sociale fournit une estimation du surcoût « social » de cette souspopulation. En 2003, nous avions choisi comme sous-population l’ensemble des allochtones, c’est-à-dire immigrés et fils ou filles d’immigrés, en nous limitant aux allochtones d’origine extérieure à l’Union européenne, du fait que ceux originaires des 15 pays formant alors l’UE avaient des taux d’activité et de chômage qui ne différaient pas significativement de ceux des autochtones. Nous aboutissions à 7 Md€ de coût net (dit ici « surcoût »). Les comptes de la protection sociale relatifs prestations totalisant 480,4 Md€, ce qui fait, habitant de la métropole. Les performances en provenant de l’extérieur de l’UE ne se sont précédente étude : à l’année 2004 indiquent des en arrondissant, 8 000 € par matière d’emploi des immigrés pas améliorées depuis notre a) Les taux de chômage étaient à l’enquête emploi de mars 2002 de l’ordre de 8 % pour les « non-immigrés » (comme le dit INSEE 2005 que nous suivons ici), descendaient à 6 % pour les immigrés d’origine italienne, espagnole ou portugaise mais montaient à 25 ou 26 % pour ceux qui viennent d’Algérie, du Maroc et de Turquie. Ce décalage existe même pour les personnes ayant suivi des études supérieures. Globalement, le taux de chômage des étrangers non issus de l’UE était égal à 21,5 % en 2002, soit presque le triple du taux des ressortissants de l’UE (7,4 %). b) A l’enquête emploi 2004, dont certains résultats ne figurant pas dans « INSEE Première » n° 1009 qui en rend compte ont heureusement été publiés par « Le Monde » du 4 octobre 2005, le taux de chômage des Français de naissance se situait à 9,2 % et celui des ressortissants de l’UE à 7,3 %, alors que l’ensemble des Africains en était à 27,8 %, avec, pour les deux groupes les plus importants, 28 % pour les Algériens et 25,7 % pour les Marocains. Le taux de 14,4 % relatif aux Français par acquisition reflète vraisemblablement la présence parmi eux d’un fort contingent d’immigrés ou enfants d’immigrés en provenance des nations dont les ressortissants ont en France des taux de chômage élevés. A défaut de disposer de données plus récentes qu’en 2003 sur les allochtones d’origine extérieure à l’UE, et constatant que la situation de cette catégorie ne s’est en rien améliorée sur le plan de l’emploi, nous conserverons donc le chiffre arrondi d’un million d’allochtones inactifs ou chômeurs à la charge des cotisants nationaux ou provenant de l’Europe des 15. Cela donne 8 milliards de coût annuel net pour le système français de protection sociale par rapport à la situation qui serait la sienne si les allochtones d’origine extérieure à l’UE avaient en matière d’emploi les mêmes performances que les nationaux. A ces 8 milliards il convient d’ajouter 0,5 Md€ correspondant à l’aide médicale gratuite de l’Etat, qui bénéficie aux seuls « sans papiers » (170 000 bénéficiaires en 2003). 2.4. Logement, « politique de la ville » et services publics Il est difficile de comptabiliser ce qui doit être retenu sous le poste « Politique de la ville », car premièrement le budget 2006, présenté par « missions » selon les nouvelles règles, présente sous ce titre des dépenses relevant de divers ministères, dont l’Intérieur et la Défense (police et gendarmerie), qui comptent en 2006 pour 1,8 Md€ et, deuxièmement, les collectivités locales sont très impliquées (1,12 Md€ pour 2006, selon Anne Rovan dans Le Figaro du 9 novembre 2005), l’Union européenne apporte sa quote-part, la Caisse des dépôts également. Au total, selon l’article cité, 34 Md€ auraient été dépensés depuis 2000, et l’enveloppe pour 2006 s’élèverait à 7,2 Md€. Par prudence, nous nous limiterons à retenir comme surcoût non évalué par ailleurs 30 % des sommes, estimées à 1,5 Md€ pour 2005, qui ne relèvent pas de l’Etat, soit 0,45 Md€, et nous compterons le logement à part. Le budget du logement se monte à 6,53 Md€ pour 2005 ; on peut lui ajouter celui dit « Ville et rénovation urbaine » de 0,42 Md€, soit près de 7 Md€ au total. Le parc de logement HLM comptait 3 721 000 logements en 2001, soit environ 3 830 000 en 2005 si le rythme d’augmentation est resté au niveau modeste atteint en 2001. A défaut de statistiques, on peut supposer que les allochtones occupent un vingtième de ces logements sociaux en supplément de ce qu’ils occuperaient s’ils avaient le même taux d’occupation que les autochtones. Pour d’autres formes de logement subventionné telles que les foyers de travailleurs migrants, la proportion est évidemment très supérieure. Evaluer le surcoût à 6 % du budget du logement, de la ville et de la rénovation urbaine, soit 0,42 Md€, nous paraît donc très prudent, d’autant que cette estimation ne prend pas en compte les différences de vitesse de détérioration moyenne selon l’origine des locataires, sur lesquelles il ne semble pas y avoir de statistiques, mais dans le sens desquelles vont nombre de témoignages. — L’occupation et la détérioration des espaces publics — Les communes et leurs groupements consacrent de gros budgets à aménager des espaces publics tels que places, jardins, centres commerciaux, gares. Un certain nombre de ces lieux sont plus ou moins squattés par des éléments de la population qui se conduisent de manière discourtoise : leurs incivilités dissuadent les personnes et familles plus civilisées de fréquenter ces lieux pourtant construits avec leur argent, ou d’y envoyer leurs enfants (7). Tout observateur impartial remarque que les allochtones d’origine extérieure à l’Europe des 15 sont là en proportion nettement supérieure à celle qu’ils occupent dans l’ensemble de la population. A défaut de pouvoir en donner une estimation chiffrée, il convenait de citer ce phénomène qui fait incontestablement partie du coût de l’immigration. — La détérioration des services publics — Le personnel des transports en commun redoute de plus en plus les lignes de certaines banlieues, et, lors d’événements comme la crise des banlieues de cet automne 2005, les services de transport sont partiellement suspendus, causant de sérieuses difficultés aux habitants des quartiers concernés. Par ailleurs, sans sous-estimer la combativité « naturelle » des employés des transports en commun, il n’est pas exclu qu’une partie de leur propension à faire grève de manière fréquente et prolongée (cf. Marseille en octobre-novembre 2005) soit due aux vexations et au sentiment d’insécurité qu’ils éprouvent lorsque leurs fonctions les amènent dans des quartiers à fortes concentrations allochtones. Certes, se faire injurier par un adolescent dont les ascendants sont français depuis la nuit des temps n’est pas moins désagréable que de l’être par un jeune Beur ; mais comme la proportion de ces derniers qui se livrent à des incivilités, à des fraudes, à des détériorations de matériel et à des atteintes aux personnes est indéniablement plus élevée, force est de considérer que l’immigration a accru l’importance du problème et des coûts qui en découlent. Le contexte est celui de politiques visant à dissuader les habitants des grandes agglomérations de se déplacer en voiture, et à les pousser à emprunter les transports en commun par une réduction des surfaces dévolues à l’automobile. Un tel contexte rend le problème plus aigu. La population ressent douloureusement la contradiction entre deux politiques, l’une qui rend indispensable le recours aux transports en commun, et l’autre qui contribue à rendre ceux-ci irréguliers, peu fiables. A titre de toute première estimation, on peut se baser sur le budget sécurité de la RATP : 0,52 Md€. Ce chiffre doit être augmenté pour tenir compte de la fraude et de la détérioration du matériel effectuée en dépit de la surveillance. Pour la première, de l’ordre de 8 % du chiffre d’affaires à la RATP, elle atteint 0,69 Md€ ; faute de données, nous chiffrerons modestement la seconde à 0,1 Md€, ce qui amène en arrondissant à un total de 1,3 Md€. Connaissant les subventions grâce auxquelles cet organisme, comme beaucoup de ses homologues, équilibre son budget, on peut considérer que cette somme est prise en charge par les contribuables et qu’il s’agit bien de finances publiques. Une grande partie de ces 1 300 millions serait évidemment nécessaire même en l’absence d’allochtones ; cependant, on peut considérer que leur présence engendre un surcoût dans les mêmes proportions que pour les forces de l’ordre, donc de l’ordre de 18 %, et sans doute davantage puisque l’on est en région parisienne, la plus « chargée » en immigrés et personnes issues de l’immigration. On obtient ainsi 0,23 Md€, montant qui peut largement être doublé, disons porté à 0,5 Md€, pour tenir compte de la SNCF et des transports en commun des grandes villes de province. D’autres services publics sont affectés : les pompiers qui redoutent d’avoir à intervenir en des lieux où ils sont reçus à coups de pierres ; les médecins et personnels paramédicaux intervenant à domicile ; et l’hôpital lui-même. En effet, de nombreux témoignages font état de désordres, d’altercations, de menaces et même de coups, provenant pour une large part de mœurs qui posent problème en milieu hospitalier. La désaffection dramatique pour les métiers de l’hôpital qui mettent en contact avec les malades et leurs proches provient en partie du fait qu’une proportion importante et croissante de ces contacts sont désagréables, et, là encore, tout est question de proportion, certaines immigrations y contribuent au-delà de la dégradation du savoir-vivre constatée chez les autochtones. Ce fait engendre un surcoût, dont l’estimation monétaire, à supposer qu’elle soit possible, n’a peut-être pas grand sens, mais qui n’en est pas moins conséquent. 2.5. Les faits mafieux Quand on ouvre au mot « émigration » (l’entrée « immigration » n’y existe pas) le « Dictionnaire de l’économie politique » de Guillaumin, écrit il y a un siècle et demi, on y lit notamment ceci : « Le transport des émigrants a donné lieu à des abus nombreux. Les entrepreneurs d’émigration n’exécutent pas toujours les stipulations, ordinairement verbales, qui ont été faites avec leurs agents. Ils font attendre les émigrants dans des ports d’embarquement jusqu’à ce que leurs cargaisons soient complètes ; ils les embarquent sur des navires en mauvais état et mal aménagés, etc., etc. (…) Les entrepreneurs d’émigration envoyaient leurs agents dans les bourgs les plus misérables du Bengale, où ces recruteurs de bas étage séduisaient les coulis par des promesses aussi merveilleuses que mensongères. Les engagés étaient amenés à Calcutta, où on les séquestrait dans un entrepôt jusqu’à ce que les navires qui devaient les recevoir fussent prêts à partir. On les entassait dans des navires à peu près comme des nègres de traite, sans observer aucune progression hygiénique. » La lecture de divers reportages relatifs aux migrations clandestines ou frauduleuses montre que les mêmes causes produisent les mêmes effets : les profiteurs sont à l’affût de cette occasion de s’enrichir aux dépens des personnes pauvres et vulnérables qui quittent leurs pays dans l’espoir de laisser derrière elles la misère ou/et l’insécurité. Ces profiteurs sont désormais organisés en réseaux mafieux. Parfois le prix du passeur peut paraître raisonnable, à l’aune de nos critères occidentaux. Par exemple, selon Fabien Collini dans Messages de novembre 2005, aller de Bucarest à Turin en évitant les exigences officielles (billet allerretour plus 100 € en poche par jour de séjour) peut se faire pour 600 €. Mais la vente de la maison qui a financé cette émigration aurait rapporté 1000 € ! Parfois le prix en euros est bien plus élevé, sans que le migrant soit plus riche. Un Sénégalais, Kadim, témoigne (La Croix, 31 octobre 2005) : « Un soir, vers 22 heures, on m’a appelé. Le prix pour le passage sur une embarcation de fortune pour Las Palmas était fixé à 2 000 €. J’ai payé la moitié et je devais m’acquitter du reste une fois arrivé. Je me suis retrouvé, caché pendant deux jours sous une bâche, à traverser le Sahara occidental. Notre groupe a finalement été arrêté en plein désert avant de se faire arrêter par les policiers marocains. » Le même article parle de sommes allant jusqu’à 12 000 € pour des émigrés venant du subcontinent indien. Ce trafic d’êtres humains a évidemment ses correspondants dans les pays d’arrivée, qui exploitent des personnes que leur situation irrégulière prive de défense. La prostitution prospère de cette manière-là (Jeléna Bjelica, 2005). Si les conséquences les plus dramatiques concernent les migrants, l’opportunité ainsi fournie en Europe aux spécialistes des opérations illégales est loin d’être négligeable. Endettés envers leurs passeurs, certains immigrés sont contraints de servir de « mulets » pour les transports de stupéfiants et autres substances illicites, ou de mendier, de voler, de se prostituer dans des conditions sanitaires douteuses. Ces opportunités amènent certainement les organisateurs mafieux à résider ou à être de passage plus nombreux sur le territoire français. Les coûts pour le contribuable sont difficiles à évaluer, mais il convenait de signaler ce problème. CONCLUSION Des autochtones posent des problèmes tout comme le font des immigrés. La question est de connaître les proportions et de mesurer le degré de préparation (ou d’impréparation) des responsables et des services à prendre ces problèmes en charge. Les immigrés en provenance de l’Europe des 15 et leurs descendants ne posent en moyenne pas davantage de problèmes que les allochtones, et les administrations concernées ne sont pas trop mal préparées à les affronter. En revanche, l’immigration africaine, l’immigration turque, celle en provenance des pays anciennement communistes, et quelques autres, présentent des pourcentages de difficultés supérieurs à la moyenne, que traduisent les statistiques disponibles : réussite scolaire, emploi, délinquance. Ces différences de pourcentage se traduisent par des coûts plus élevés pour les finances publiques, ce qui a été ici dénommé « surcoût ». Une estimation incomplète et prudente de ces surcoûts, par totalisation des chiffres obtenus au cours de ce travail, qui ne comportent pas de recouvrements notables, aboutit à 24 Md€, dont 3,61 + 0,86 au titre des fonctions justice et maintien de l’ordre, 9,42 pour l’enseignement primaire et secondaire, 0,22 pour l’enseignement supérieur, 8,5 pour la protection sociale, 0,45 au titre des « politiques de la ville » non prises en charge par l’Etat, 0,42 à celui du logement et 0,5 pour les transports en commun. Limitées aux finances publiques, ces estimations ne tiennent pas compte des incommodités et désagréments supplémentaires éprouvés par différentes catégories de population, lesquels ont une influence importante sur la qualité de la vie. Cela suffit pour montrer que la question des immigrations ne doit pas rester un tabou, un phénomène dont il est malséant de chercher à connaître les dimensions et les coûts, et par voie de conséquence un « no man’s land » statistique et scientifique. La politique de l’autruche n’a rien arrangé et n’arrangera rien. Nous devons pouvoir réfléchir sur les immigrations comme sur tout autre sujet de société, sans passion, aussi objectivement que possible. Le présent travail se situe entièrement dans cette perspective. Il montre que l’intégration, qui se traduirait statistiquement par une forte diminution des écarts à la moyenne entre catégories d’allochtones et ensemble de la population, est loin d’être réalisée. Les surcoûts liés à certaines immigrations seraient-ils majorés ou réduits si l’on prenait les mesures requises pour accélérer le processus d’intégration ? C’est une question importante, que Gérard Lafay a étudiée, et qu’il lui revient maintenant de présenter. Je terminerai simplement en disant en tant que citoyen que le statu quo me semble la pire des solutions : ou bien il faut tarir les sources des immigrations qui posent statistiquement le plus de problèmes, ou bien il faut sélectionner soigneusement les candidats, ou bien il faut prendre des dispositions de grande envergure et surtout réellement appropriées pour assurer l’intégration. Comme il ne saurait être question de renvoyer massivement ceux qui sont aujourd’hui installés régulièrement sur le sol français, un effort d’intégration sera de toute façon indispensable (8). Les deux premières options ont aussi un coût important en terme de contrôle. La pression migratoire entraîne par elle-même des coûts, que ce soit pour l’empêcher d’aboutir à des migrations nombreuses et sans rapport avec les besoins des pays d’accueil, ou pour intégrer les populations originaires du tiers-monde admises dans ce qui constitue, il faut bien le dire, l’Eldorado des temps modernes. Faire partie du milliard d’humains passablement riches qui vivent entourés de cinq milliards de frères humains passablement pauvres génère inévitablement des coûts. C’est comme le fait qu’il fasse froid en hiver : cela est coûteux, nous ne pouvons pas faire qu’il n’en aille pas ainsi, nous avons seulement le choix entre dépenser davantage en chauffage ou davantage en isolation. L’économiste peut et doit éclairer de tels choix ; il ne lui appartient pas ès-qualité de les faire, et encore moins de les imposer comme s’il existait une seule solution : la pensée unique est bien la dernière des causes au service de laquelle il doive mettre ses compétences ! Notes : (1) Définition donnée par Bauer et Raufer (2001) : « Par ‘non-droit’ nous entendons les quartiers ou cités dans lesquels des groupes organisés ont imposé, par l’intimidation ou la force, un ‘ordre’ parallèle ou concurrent de l’ordre républicain. » (2) 87 % des hommes fournissent 76 % des détenus : le taux de détention des hommes nés en France est donc à 87,36 % de la moyenne. Si les 13 % nés à l’étranger avaient le même taux de détention, cela fournirait 11,4 % des détenus au lieu de 24 %. Il y aurait donc 76 % + 11,4 % du nombre actuel de détenus, soit 87,4 %. Reste à convertir les 12,6 % à déduire de 100 % pour arriver à 87,4 % en 14,4 % de 87,4 %. En clair, à population égale, constituée exclusivement d’autochtones, il y aurait 87,4 N détenus ; la présence de 13 % d’hommes nés à l’étranger fait passer à 100 N détenus, 12,6 N de plus, soit une augmentation de 14,4 %. Sachant que la population carcérale est à 95 % masculine, on réduit un peu ce pourcentage, par prudence, pour obtenir un chiffre applicable à la population carcérale totale. (3) Ce qui est indispensable : Commissaire divisionnaire honoraire chargé durant des années, aux renseignements généraux, de suivre les banlieues à problèmes, Lucienne Bui Trong dans son article « Violences urbaines : les raisons de la contagion » (« Le Figaro », 7 novembre 2005) témoigne du fait que tout commence avec « une violence au quotidien exercée par de petits groupes de jeunes pour la plupart français nés de parents immigrés, occupant l’espace public, animés par le nationalisme de quartier et la haine des institutions ». (4) Pour se faire une idée de cet amateurisme, lire Lucienne Bui Trong (2000). (5) Exposée par L. Bui trong (2000), qui ajoute à propos des émeutes de banlieue de fin octobre/début novembre 2005 dans son article du « Figaro » cité plus haut : « Une fois encore, la télévision a joué le rôle de tam-tam battant le rappel des troupes. » (6) Ainsi la Cour des comptes (2004) p. 239 relève-telle que « L’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche considère que la correction des inégalités territoriales demeure des plus incertaines ». On peut interpréter cela en disant que les 7 % d’écoles primaires qui accueillent 54 % des élèves étrangers, et où « les élèves du Maghreb représentent 54 % de l’effectif total et les Turcs 14 % » (p. 239) et les 15,1 % des collèges qui accueillent 48,5 % des élèves étrangers ne bénéficient pas d’une suffisante diminution des effectifs ; on peut aussi l’interpréter, ce qui n’est pas contradictoire, en disant que si le ministère opère une telle diminution, il est fortement poussé à agir dans le même sens au profit des établissements (majoritaires) qui n’ont pas le même problème. (7) Témoignage d’une mère de famille rapporté par Louis de Courcy dans « La Croix » du 9 novembre 2005 : « Il y a un square dans le quartier, fait pour les petits. Eh bien, ce sont les grands qui s’y tiennent, parfois jusque tard dans la nuit. Alors, pas question d’y aller avec les enfants ! » (8) S’il n’a pas lieu, alors s’accentuera ce qu’Alexandre Adler (« Le Figaro » du 10 novembre 2005) a dénommé, à la suite de Hans Magnus Enzensberger, le phénomène du « perdant radical ». C’est-à-dire la dévalorisation de soi qui se transforme en haine des autres, selon la formule : « Puisque le monde m’a condamné, c’est le monde qui est condamné. » Méditons la leçon qu’en tire Adler : « Si aujourd’hui le nihilisme maghrébin de banlieue a pu prendre comme un feu de brousse, c’est parce que l’immense majorité des Français d’origine maghrébine et des Maghrébins qui travaillent en France éprouvent, à des degrés divers, la même vertigineuse mélancolie que la poignée de perdants radicaux qui passent au suicide actif sur le dos des autres. » III - L’effort national à consentir par Yves-Marie Laulan Voici très exactement un mois, j’écrivais, en anticipation de la réunion d’aujourd’hui et je cite : « Le problème de l’intégration des communautés immigrées et de leurs descendants est bien loin d’être réglé. Certes, un certain ordre relatif s’est instauré dans la rue mais, pour l’essentiel, les choses sont restées ce qu’elles étaient. » Fin de citation. Je ne me savais pas aussi bon prophète. Pourquoi ne pouvait-il en aller autrement ? Car il est illusoire de transformer comme un coup de baguette magique les mentalités et les comportements de toute une génération de « Jeunes » – je mets des guillemets comme le fait un grand quotidien du soir – une génération qui a été dramatiquement négligée pendant des années, une génération à qui l’on n’a pas appris à s’exprimer, à lire, à écrire, à compter convenablement, ni à payer le bus, le train ou le métro, encore moins à respecter les murs, les vitres ou les sièges des transports en commun – et pourtant l’éducation civique commence là – une génération qui, pour certains, n’a pas appris à gagner sa vie autrement que par la came et le casse, quitte à se distraire en cassant du retraité. Autrement dit, beaucoup reste à faire. Et l’effort de redressement national ne peut se borner à la répression. A ce stade de nos débats, il nous faut conserver à l’esprit, comme on l’a dit ce matin, qu’en matière d’intégration toute dépense non consentie à temps est affectée d’un coefficient multiplicateur considérable. On parle dans le jargon des économistes du multiplicateur de la dépense, familier aux étudiants de 1re année de licence. On pourrait donc parler de même d’un multiplicateur de la dépense publique négligée. En d’autres termes, toute dépense qui n’a pas été effectuée à temps, en matière d’intégration, qu’il s’agisse d’éducation, de formation ou tout simplement de civisme, coûte deux, trois, cinq fois plus cher. De quoi et de qui s’agit-il ? Ceci dit, combien sont-ils ces « Jeunes » dont on parle tant, sans bien les connaître, ni les dénombrer d’ailleurs ? Eh bien justement, on n’en sait rien. Car une grande proportion d’entre eux échappent précisément à la statistique puisqu’ils sont français de naissance ou par naturalisation. Une des grandes spécificités françaises – contrairement à ce qui se passe aux Etats-Unis où l’on n’a pas ce genre de pudeur : on peut parfaitement dénombrer sans complexe les Américains d’origine africaine, les « Afro-Américains » ou les Latino- Américains – est que toute personne qui reçoit sa carte d’identité disparaît dans l’instant des statistiques. Autrement dit, l’on recense avec soin ce qui ne sert à rien – par exemple le nombre de veaux nés dans l’année – et l’on omet soigneusement d’identifier ce qui pourrait précisément servir à quelque chose, le nombre d’enfants et d’adolescents en mal d’intégration. Or comment bâtir des politiques d’intégration avec un minimum de sérieux si l’on ignore précisément le nombre des enfants et d’adolescents en difficulté d’insertion qu’il conviendrait de prendre en charge pour les aider à surmonter leurs problèmes ? Tout cela au nom de la liberté. Qui dira la malfaisance de ces belles consciences qui savent mieux que personne, et surtout mieux que les intéressés eux-mêmes, ce qui est bon pour eux ! Or on ne bâtit rien de solide, rien de durable sur les demimensonges ou les demi-vérités. Savoir est aujourd’hui un devoir. Ce que l’on sait néanmoins est qu’en Ile-de-France, selon l’INSEE, un jeune de moins de 20 ans sur trois est d’origine étrangère. Naturellement, l’Ile-de-France est la région où l’on observe la plus grande concentration de populations d’origine étrangère. Mais le bon sens commande que des proportions assez voisines pourraient doute être observées dans la région Rhône-Alpes, le Midi toulousain ou autour de Strasbourg, avec des pourcentages dépassant parfois 50 % en fait partout où les banlieues ont flambé. On sait également que le taux de fécondité des populations d’origine étrangère est sensiblement supérieur à celui de la population d’accueil, le double selon certaines sources, plus de trois fois pour ce qui concerne les femmes d’origine africaine. Si bien que l’on estime généralement à 5 ou 6 millions, peut-être davantage, les communautés d’origine maghrébine, turque ou originaire d’Afrique noire, souvent de culture musulmane – bien qu’en vérité l’on n’en sache pas grand-chose –, en tout cas celles qui font problème. Car les Chinois ou les Vietnamiens n’ont pas brûlé beaucoup de poubelles ou de voitures ces tempsci, semble-t-il. Dans ces conditions, il est permis de penser que les jeunes de moins de 20 ans qui souffrent d’un déficit d’intégration pourraient représenter 10 % de ce total, soit 600 000 Jeunes, dont la moitié sont naturellement des garçons (les filles ne cassent guère les voitures), soit encore 300 000. (J’ai procédé à partir des chiffres du recensement de 1999 à un calcul plus raffiné pour parvenir à ce chiffre que je serai heureux de vous livrer si cela peut vous intéresser). Mais, pour l’instant, nous retiendrons simplement le pourcentage de 10 % de ces 300 000 jeunes, soit 30 000, qui pourrait représenter le nombre de jeunes délinquants, ou délinquants d’occasion ou susceptibles de le devenir – chiffre qui est probablement en dessous de la vérité – mais peu importe (1). Ce qui fait, en gros, pour 200 villes (en fait nous savons qu’il y en a eu bien davantage) touchées par les émeutes, une moyenne de 150 à 300 individus par ville susceptibles de devenir dangereux et de troubler l’ordre public à la moindre occasion (2). Et n’oublions pas que les portables, qui ne sont pas seulement faits pour lancer des SMS sentimentaux, permettent très rapidement des actions concertées. Ce chiffre est évidemment énorme. D’autant plus qu’il est appelé à s’accroître d’année en année du fait du différentiel de fécondité souligné plus haut : sur 750 000 naissances enregistrées en France, probablement 75 000 à 80 000 proviennent du Maghreb, de Turquie et surtout d’Afrique noire ; et de la persistance des flux migratoires, je le répète, 260 000 en 2002, toutes catégories confondues dont plus de 100 000 pour le seul regroupement familial. Si bien que dans 20 ans ces chiffres auront probablement doublé. Il faudrait que les hommes politiques, de temps à autre, consultent les tables de projection démographiques. Cela peut servir. Quels sont les enjeux ? Cela étant établi, quels sont les enjeux ? Ils sont, de toute évidence, considérables. Nous n’insisterons pas, ce n’est ici ni le moment ni le lieu, sur les risques, toujours actuels, d’un terrorisme nourri par l’immigration. Nos amis anglais en ont fait voici quelques mois la triste expérience à Londres, expérience qui a bien montré les limites et les dangers d’un communautarisme « à l’américaine ». Mais en France le risque est là bien réel, toujours présent : après les poubelles, les bombes ? Non moins présents sont les risques de conflits inter-communautaires, c’est-àdire d’affrontements entre communautés d’origine étrangère qui entrent en rivalité à un moment quelconque pour la possession d’un territoire ou de trafics rémunérateurs : rappelons ici les récentes émeutes de Birmingham entre Jamaïcains et Pakistanais ; mais n’oublions pas non plus celles de Montpellier entre Maghrébins et Gitans. Chacun doit balayer devant sa porte et ne pas s’imaginer que les difficultés du voisin ne pourraient pas se reproduire chez soi. Mais ce ne sont pas ces problèmes très spécifiques qui nous préoccuperont ici. Il s’agit de tout autre chose. Il s’agit de faire en sorte qu’une fraction importante de la population vivant sur le territoire national ne se sente pas aliénée, ne se perçoive pas comme étrangère aux mœurs, aux valeurs, aux aspirations, aux chances aussi du reste de la population. Pour y parvenir, il faut que ces jeunes gens et jeunes filles disposent d’une bonne maîtrise de la langue française, et non d’un ersatz de français plus ou moins pittoresque mais qui passe mal dans l’entreprise ou devant le client ; d’un niveau d’instruction convenable associé à l’apprentissage d’un métier permettant l’insertion sur le marché du travail sans sombrer dans la délinquance ou le chômage et qu’ils apprennent aussi, pourquoi pas, les valeurs qui sont celles de la majorité des Français, et puis, on peut toujours rêver, apprendre aussi à aimer la France, « mère des Arts, des Armes, et des Lois ». C’est simple, en théorie. En pratique, c’est autre chose. Car si l’intégration d’individus, surtout s’ils sont doués, est relativement facile, celle d’une communauté massive, en croissance rapide, surtout si elle est repliée sur elle-même et prisonnière de ghettos est une tout autre affaire. C’est le cas aujourd’hui dans bien des zones, bien des banlieues, bien des quartiers défavorisés. Ce n’est pas la réussite hautement médiatisée de quelques personnalités chanceuses ou particulièrement brillantes – ceux qui intègrent Sciences-Po – qui doive faire illusion à ce sujet, soyons en persuadés. Et pourtant cet enjeu est fondamental. Il fait toute la différence entre une société relativement sereine et harmonieuse – autant qu’on puise l’être, c’est vrai, à l’heure de la prolifération nucléaire, du réchauffement de la planète et du terrorisme international – et une société douloureuse où règnent la peur, la méfiance ou la haine, où les affrontements sont fréquents entre communautés rivales qui n’ont pas appris à se connaître ni à s’apprécier, où l’épanouissement des hommes et des femmes surtout est bridé par la violence au quotidien. La planète offre beaucoup d’exemples de ce genre en Afrique, en Amérique latine, même si l’on n’en parle guère. Nous ne voulons pas de cela en France. Alors que faut-il faire pour épargner ce cauchemar à nos enfants et petitsenfants ? Faire ce qui a été trop longtemps négligé par le passé, c’est-à-dire consacrer les ressources nécessaires pour obtenir une intégration réussie. C’est un effort national d’une grande ampleur auquel nous sommes conviés. Il va bien au-delà de certaines propositions quasi caricaturales de jadis, comme telle dame ministre, que j’aurai la charité de ne pas citer, laquelle voulait intégrer les Jeunes en difficulté par l’apprentissage du tir à l’arc. Pourquoi pas la pétanque, tant qu’on y est, en anticipation de la retraite ! Et tout d’abord un constat : aux EtatsUnis, les immigrés débouchent quasi instantanément sur le marché du travail ; en France, ils déboulent sur celui du chômage : vive le modèle social français ! En bref, la problématique d’aujourd’hui peut se résumer à trois constats : a) Depuis 30 ans les problèmes d’intégration n’ont pas été vraiment pris au sérieux alors qu’il s’agissait de toute évidence d’une question fondamentale pour l’avenir de la nation ; b) En dehors des problèmes de financement, les instruments utilisés ont été tragiquement inadaptés à la situation, totalement sans précédent, il est vrai, dans l’histoire de notre pays ; c) J’ajouterai, à titre personnel, que nous ne savons toujours pas ce qu’il faudrait faire pour parvenir à un meilleur résultat. Je crains fort que si l’on se contente de faire plus de la même chose, plus de subventions, plus d’allocations, plus de primes, plus d’éducateurs, de moniteurs, de médiateurs, dans le cadre de l’assistanat social d’Etat cher à nos gouvernements et à notre administration, nous courrons à l’échec. Les récentes mesures annoncées me confortent dans cette inquiétude. En fin de compte, nous savons, à peu près, ce que cela va nous coûter mais nous ne sommes pas du tout assurés que cela servira à quelque chose. De toute façon, il faut que les Français sachent que l’intégration ne va pas de soi, qu’elle exigera un effort de longue haleine, qu’elle va s’étendre sur la longue période, une génération, probablement même plusieurs. Il n’est que de voir, de l’autre côté de l’Atlantique, la situation de la communauté noire aux Etats-Unis mise en lumière à l’occasion de la dévastation de la Nouvelle-Orléans. L’intégration n’est pas seulement l’affaire des autres, éducateurs spécialisés ou policiers de proximité, mais l’affaire de tous, de toute la communauté nationale, ne serait-ce que par le biais de l’impôt et des charges sociales et des polices d’assurances. Et la note sera salée, d’autant plus qu’elle a trop longtemps été occultée, ignorée, remise à plus tard. L’effort national à consentir Ceci étant, peut-on chiffrer l’effort à consentir ? Il faut se reporter ici à ce que nos éminents experts nous ont dit ce matin. Il en ressort, pour l’immigration et l’intégration, toutes catégories de dépenses confondues : éducation, formation professionnelle, logement, lutte contre la délinquance et maintien de la sécurité, santé, etc., etc., un chiffre annuel, évidemment approximatif, d’environ 36 milliards d’euros, dont 24 milliards pour l’immigration et 12 milliards pour l’intégration. A mon avis, mais mon jugement est purement intuitif, le second chiffre est peut-être quelque peu en dessous de la vérité. Mais passons. Retenons pour l’instant ce chiffre fatidique de 36 milliards d’euros par an. Pour mieux apprécier l’effort national à consentir, il convient de mettre ce chiffre en regard d’un certain nombre d’agrégats significatifs comme nous autres, économistes, disons dans notre jargon. Il faut qu’on sache que ces 36 milliards d’euros représentent à eux seuls : - 80 % du déficit public (45 milliards), 13,5 % des dépenses publiques, 2,4 % du PIB, 3,5 fois le « trou » de la Sécu (10 milliards) . Vu sous un autre angle, ce chiffre équivaut à : - 87 % du budget de la défense nationale (41,5 milliards), les deux tiers du budget de l’enseignement scolaire, 2 fois le budget de l’enseignement supérieur, 7 fois le budget de la justice, etc. etc. Il en ressort aussi que chaque immigré qui franchit la frontière (250 000 par an) coûte quand même 100 000 EUROS PAR AN à la collectivité nationale, soit 20 fois plus que les Corses (5 000 euros par an). En fin de compte, les Corses ne nous coûtent pas si cher que cela, ce qui est une bonne nouvelle. Il est intéressant de noter que nous rejoignons ainsi les calculs de Maurice Allais, prix Nobel d’Economie, qui évaluait, voici plusieurs années, à 4 fois son salaire annuel le coût d’installation d’un immigré. A ceci près que Maurice Allais estimait qu’il s’agissait d’un coût effectué une fois pour toutes, alors qu’ici, vous l’avez bien compris, il s’agit d’un coût annuel. Ces chiffres sont élevés, certes. C’est largement le prix à payer pour les négligences passées et assurer la paix sociale. D’ailleurs, en contrepartie, il faut bien comprendre que ce financement visant à une intégration réussie comportera naturellement ses compensations, bien sûr, difficiles à mesurer, mais néanmoins bien réelles : - sur le plan de la dépense publique, des économies substantielles de ressources en matière de police et de justice sont probablement à attendre à terme, du fait d’une meilleure maîtrise de l’insécurité et de la délinquance ; - mais c’est surtout sur le plan de la productivité et de la croissance que des gains significatifs sont à engranger. C’est là-dessus que je voudrais insister en tant qu’économiste, car cette idée me tient à cœur. Les projections démographiques montrent, en effet, que chaque année des dizaines puis des centaines de milliers de jeunes issus de l’immigration vont entrer sur le marché du travail en quête d’emplois. Il ne faut pas être grand clerc pour en déduire que meilleure sera leur formation, meilleures seront leurs chances de ne pas aller grossir les chiffres du chômage et de la délinquance, mais d’obtenir des emplois qualifiés et rémunérateurs dont, entre parenthèses, les cotisations pourront faciliter le financement des dépenses de retraites et de santé. La France a moins besoin d’aides soignantes, de balayeurs ou de femmes de ménage que d’ingénieurs, de techniciens et de cadres de haut niveau. L’on disait ici même que la France exportait des bacs plus 5 et importait des bacs moins 5, en fait des bacs zéro. L’intégration devrait nous permettre de former des bacs plus 5 sur place et de les garder. De ce point de vue, il faut considérer les dépenses d’intégration comme un investissement national destiné à préparer notre avenir commun. L’intégration d’aujourd’hui financera la croissance de demain, laquelle alimentera l’amélioration du niveau de vie de tous. CONCLUSION Il nous appartient de faire en sorte que les émeutes d’hier ne soient pas une simple répétition de drames infiniment plus graves à venir, mais un point tournant vers un avenir meilleur. Sinon, c’est le chaos qui nous guette. Certes, c’est un pari auquel nous sommes conviés. Il est loin d’être gagné. Peut-être même ne peut-il pas, ne peut-il plus être gagné. Mais, au moins, aurons-nous essayé. Notes : (1) En fait le chiffre réel serait probablement plus proche de 35 à 40 000 individus. (2) Le recensement de 1999 nous indique qu’il y a chaque année environ 60 000 naissances provenant des populations à problèmes issues de l’immigration, soit 30 000 garçons par tranche d’âge : ce qui fait bien, sur 10 ans, pour les tranches d’âge comprises entre 15 et 25 ans, l’âge des émeutiers, 300 000 personnes. LES DOSSIERS (III) Dans sa lettre du mois de décembre 2005, Polémia a présenté trois contributions au Colloque sur « Immigration/Intégration. Essai d’évaluation des coûts économiques et financiers » qui s’est tenu le 17 novembre 2005 dans le cadre de la Fondation Singer-Polignac. Avec l’aimable autorisation de son auteur, Yves-Marie Laulan, président de l’Institut de géopolitique des populations, Polémia, cette fois, publie les conclusions générales du colloque. Polémia Conclusions du colloque « Immigration/Intégration » par Yves-Marie Laulan Ce colloque consacré au coût de l’immigration et de l’intégration des populations issues de l’immigration (1) soulève une première question : peut-on considérer que la balance des paiements des communautés immigrées – c’est-à-dire le rapport entre les dépenses et les recettes publiques résultant de l’immigration – est équilibrée ou non ? Vieille question posée dès l’origine par les avocats de l’immigration comme Jacques Delors, lequel soutenait que l’immigration était une « bonne affaire » (notamment pour le financement de nos retraites) ou encore Bernard Stasi qui écrivait naguère : L’Immigration, une chance pour la France. Ainsi posée, cette question en appelle une autre. Côté dépenses, l’affaire paraît simple : il suffirait, en principe, d’additionner les multiples coûts résultant de l’implantation en France de ces communautés (ou, plus précisément, les coûts supplémentaires) éparpillés (ou dissimulés) dans le maquis de la comptabilité publique, des budgets des collectivités territoriales et de la Sécurité sociale en termes de logements sociaux subventionnés, d’éducation spécialisée, d’allocations familiales et de chômage, de frais de santé, de justice et de maintien de l’ordre (3). Côté recettes, le problème est plus complexe, car l’on confond souvent deux éléments très distincts : – – l’un est la contribution d’un travailleur immigré à la création de richesses, c’est-à-dire au PIB (produit intérieur brut) ; l’autre représente les recettes, sous forme d’impôts et de cotisations sociales acquittés par le même travailleur, permettant de financer le budget de l’Etat, de la Sécurité sociale et même des entreprises publiques (SNCF et RATP) (4). 1°/ Pour ce qui concerne la formation du PIB, en termes de flux, il est clair que les immigrés venant au titre du droit d’asile et du regroupement familial, et à titre étudiant, sont, par définition, consommateurs nets de services. En fait, l’immigration de travail, forte dans les années 60, se réduit aujourd’hui à un mince ruisselet (6 740 visas sur un total d’entrées supérieur à 260 000 en 2003) (5). A ce titre, leur « balance des paiements » est de toute évidence fortement négative en ce qui concerne la création de richesses. En termes de stocks, c’est-à-dire les populations déjà installées depuis un certain temps, il en va évidemment différemment, encore que le taux de chômage y soit plus de deux fois supérieur à la moyenne française (6) et que ce soit précisément là la raison souvent alléguée des récentes émeutes (7). De toute évidence, les communautés issues de l’immigration comportent une large proportion d’inactifs (8). Mais un autre facteur fort important, et trop souvent négligé, concerne la productivité travail (9). La France a une productivité moyenne relativement élevée (10). Mais, si la productivité moyenne des travailleurs immigrés – en raison de leur manque de qualification – est inférieure à la moyenne nationale (11), il en résultera à terme deux ordres de conséquences : - le PIB français augmentera, bien sûr, ne serait-ce qu’en raison de leur contribution, même modeste ; - le PIB par tête va se réduire, d’où une tendance à la baisse du niveau de vie moyen français. Cette approche originale a le mérite de privilégier l’importance cardinale, trop souvent ignorée, d’une intégration porteuse de qualification, celle dont une économie moderne a besoin. Il ne suffira pas de fournir un métier, ce qui est bien, mais de procurer un métier qualifié, ce qui est mieux. Faute de cela, le risque serait grand de faire des populations immigrées une sorte de Lumpen Proletariat nouvelle manière, porteur de rancœurs et de ressentiments. Au surplus, la productivité française moyenne ne manquera pas de se rétrécir au fil des années, à mesure que les descendants de l’immigration vont constituer une proportion croissante de la population active (12). 2°/ Le deuxième problème, on l’a vu, est d’un ordre tout différent. Il s’agit de la capacité de ces populations de contribuer par l’impôt et la cotisation sociale au financement des dépenses de l’Etat, de la Sécurité sociale et des collectivités locales (13). On observera que les immigrés dans la plupart des cas ne paient ni l’impôt sur le revenu, ni la taxe d’habitation (ni, la plupart du temps, la CSG ni le CRDS) en raison de la faiblesse de leur revenu, ni de cotisations sociales s’ils sont inactifs ou travaillent « au noir ». Leur contribution aux recettes publiques se ramène donc à leurs achats de consommation par la TVA (et la TIPP s’ils roulent en voiture), ce qui n’est pas forcément négligeable. Mais il est permis de penser que les ressources ainsi versées aux différents budgets de la puissance publique sont loin d’équilibrer les dépenses évoquées par les précédents intervenants estimées – un chiffre sans doute minimal – à 36 milliards d’euros par an (14). En d’autres termes, l’immigration, d’abord tolérée, puis subie, devenue, au fil des années, une immigration de peuplement ou de substitution de population, a un coût net pour la population d’accueil susceptible de s’alourdir avec le temps avec l’entrée massive de nouveaux immigrés clandestins on non (15). L’immigration serait donc dans l’état actuel des choses une entreprise lourdement déficitaire. Il peut en aller tout autrement si la France se dote enfin d’une politique d’intégration totalement différente, essentiellement axée sur l’accès au marché du travail, poursuivie avec constance et détermination sur la longue période, afin de valoriser le capital humain dont elle s’est dotée, bon gré mal gré, depuis une trentaine d’années (16). Pour l’instant, c’est loin d’être le cas (17). L’on sait, approximativement, ce que l’on va dépenser, mais on ignore ce à quoi cela pourra servir (18). Notes : (1) Formule reprise du rapport de Philippe Seguin, président de la Cour des Comptes, sur le même sujet. (2) Notamment pour les familles polygames. (3) Le coût des récentes émeutes, à titre d’exemple, doit se situer entre 500 millions et 1 milliard d’euros. Il est évidemment bien réel mais difficile à quantifier, comme par exemple : les conditions parfois infernales voire périlleuses de l’enseignement en zones sensibles, l’épuisement du personnel hospitalier ou des transports qui sont souvent à l’origine des grèves multiples, et coûteuses, affectant ces secteurs exposés, etc., etc. (4) Dont les déficits sont couverts par le budget public. (5) En 2003, l’immigration « légale », 173 000, se décomposait ainsi : regroupement familial : 102 000 ; étudiants : 56 000 ; demandes de droit d’asile : 90 000 (dont 10 000 agréées et le solde, soit 80 000, disparaissent dans la clandestinité), soit au total 263 000 personnes. (6) 21 % dans les quartiers sensibles. (7) Sans compter les facteurs culturels. Comment une France qui a perdu ses repères et ses valeurs de référence peut-elle espérer intégrer les étrangers venus d’ailleurs ou ceux qui sont nés sur son sol sans y apprendre l’amour du pays qui les accueille ? (8) Femmes, enfants, adolescents, vieillards et chômeurs. (9) Il s’agit de la capacité pour un travailleur de faire un certain volume de production donnée en un temps donné (et à capital). On calcule ainsi une productivité horaire, annuelle, moyenne, marginale, etc. (10) Précisément en raison de son taux de chômage élevé. (11) On peut se douter que ce sera le cas pour les nounous, les aides soignantes et les travailleurs manuels non qualifiés. (12) On peut estimer que les immigrés et leurs descendants qui constituent aujourd’hui un peu moins de 10 % de la population active en constitueront environ 20 % dans 20 à 25 ans. (13) Voire des entreprises publiques comme la SNCF et la RATP. (14) Rappelons que ces sommes représentent quand même 80 % du déficit public et 3,5 fois le fameux « trou » de la Sécurité sociale. Le coût moyen par tête – sur la base d’une population de 5 millions de personnes provenant de pays de culture ou d’origine musulmane, essentiellement Turquie, Maghreb et Afrique noire – s’élèverait donc à 7 000 euros. (15) A cet égard, peut-être serait-il opportun de classer ces dépenses sous la rubrique de l’aide au tiers-monde. On notera d’ailleurs que les remises de migrants à l’étranger représentent déjà 2 milliards d’euros par an. (16) Reste le problème de la « génération perdue », les « sauvageons » de Jean-Pierre Chevènement, 30 000 à 50 000 jeunes de 15 à 25 ans, garçons pour la plupart, qui ne savent guère faire autre chose que le tag et le rap (sans compter la came et le casse). Comment les réintégrer dans les forces vives de la nation ? Sans doute un service civil – ou militaire – OBLIGATOIRE pourrait-il y contribuer. (17) Il conviendrait que la France, et les Français, changent radicalement de comportements. En termes clairs, il faudrait adapter enfin les méthodes de l’Education nationale aux impératifs de notre temps ; abolir les mesures malthusiennes qui bloquent l’accès des jeunes peu ou pas qualifiés au marché du travail : 35 heures, droit de grève illimité de la fonction publique, SMIG ; modérer le montant des retraites et des soins de santé, en bref, accepter une véritable cure d’austérité. La France n’y est nullement préparée et devra passer sans doute par une série d’épreuves douloureuses avant de se résigner à l’inévitable. (18) Surtout si la France persiste dans la voie de l’assistanat social d’Etat à base d’aides, de subventions et d’exemptions fiscales chères à nos élites qui s’imaginent ainsi pouvoir faire l’économie de réformes de fond.