La relation médecin/malade - Facultés de Médecine de Toulouse

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La relation médecin/malade - Facultés de Médecine de Toulouse
Item n° 1 : La relation médecin-malade. L'annonce d'une maladie grave. La formation du patient atteint de
maladie chronique. La personnalisation de la prise en charge médicale.
Module 1 : Apprentissage de l'exercice médical
Sous module : Ethique et déontologie, relation médecin-malade
Objectifs :
- Expliquer les bases de la communication avec le malade.
- Établir avec le patient une relation empathique, dans le respect de sa personnalité et de ses désirs.
- Se comporter de façon appropriée lors de l'annonce d'un diagnostic de maladie grave, d'un handicap ou d'un décès.
- Élaborer un projet pédagogique individualisé pour l'éducation d'un malade porteur d'une maladie chronique en
tenant compte de sa culture, ses croyances.
Auteur(s) :
Arlet Philippe (La relation médecin/malade)
Nicodème Robert (La relation de soins, synthèse des tables rondes)
Delpla Pierre-André (Personnalité du patient dans la prise en charge médicale)
Florent Trapé (Information et formation du patient atteint d’une maladie chronique)
Hélène Hanaire-Broutin, Sylvie Cadroy (L’éducation thérapeutique)
Dernière mise à jour : 25 juillet 2001
La relation médecin/malade
1. BASES DE LA COMMUNICATION AVEC LE MALADE :
Dans tout acte médical, la communication inter active avec le patient est d’une importance
fondamentale.
1.1 : LA COMMUNICATION VERBALE
La communication verbale passe par l’intermédiaire de mots, qui sont en général véhiculés par
l’expression orale. Dans certaines situations pathologiques la communication nécessitera d’autres
moyens, en particulier chez le patient sourd ou chez le patient ayant des troubles des fonctions
supérieures.
Les bases de la communication orale avec un patient nécessitent des mécanismes et des temps
d’adaptation qui permettront à la communication de s’établir de manière la plus satisfaisante possible
dans les deux sens.
Dans un entretien médical, il y a des temps d’écoute où le médecin laisse parler le patient, des temps
d’interrogatoires plus dirigistes où le médecin a besoin de préciser des éléments sémiologies
indispensables à la bonne prise en charge du patient. Dans tous ces différents temps de la
communication orale médecin/patient, il faut absolument que le médecin adapte son langage c’est-à-dire
les mots qu’il utilise au niveau socio-culturel du patient, et donc en essayant d’utiliser les mots les plus
simples du langage lorsque cela est possible. Ces niveaux de compréhension et ces niveaux socioculturels sont différents d’un patient à l’autre et le médecin doit s’adapter en permanence.
Dans cette optique de l’adaptation, il est important que le médecin utilise la reformulation (redire une
phrase ou un mot à l’aide de synonymes) pour s’assurer que le patient va bien comprendre la question
qu’on lui pose ou le message que l’on veut lui proposer.
Autre élément technique qu’il faut utiliser, c’est demander au patient d’expliquer à son tour ce que le
praticien lui a expliqué concernant sa problématique, sa maladie ou ses symptomes ou les
thérapeutiques à envisager.
Paradoxalement un défaut très habituel du jeune étudiant en médecine est d’utiliser des termes médicaux
pour interroger un patient.
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1.2 : LA COMMUNICATION NON VERBALE
Il est tout à fait bien connu que dans la relation inter humaine, les mots ne comptent que pour un faible
pourcentage de l’information que l’on délivre à une personne à laquelle on s’adresse. L’intonation, les
modulations, la mimique, la gestuelle, le rythme de la conversation, le regard, tout cela compte autant
pour une personne à qui l’on s’adresse. Autant dire que le médecin doit maîtriser au mieux certaines de
ses réactions pour ne pas, sans le vouloir, modifier le message verbal qu’il doit adresser à son patient.
A l’opposé le patient qui s’adresse à un médecin le fait avec son langage, avec sa problématique, avec
ses bases socio-culturelles, son angoisse. De ce fait, il n’exprime pas toujours par les mots la réalité de
sa plainte ou de sa souffrance.
Le médecin doit donc tenir compte de ces éléments pour écouter, interpréter, décoder le langage du
patient et saisir à un moment ou à un autre de l’entretien ce qui paraît être la demande forte du patient. Il
est bien connu que certaines demandes, certaines plaintes ne sont exprimées que tout à fait à la fin
d’une consultation, et il faut savoir les entendre, ne pas les minimiser, et les prendre en compte.
1.3 : L’EMPATHIE
La relation médecin/malade reste d’un domaine très original et ne ressemble à aucun autre type de
relation. Le médecin doit apprendre l’empathie c’est-à-dire la capacité à mettre en place une relation de
soutien et de compassion vis-à-vis du patient, sans aller vers des sentiments plus conformes aux
relations inter humaines habituelles c'est-à-dire de sympathie ou d’antipathie.
Dans ce contexte le médecin doit être à l’écoute du patient, respecter ses désirs, être capable de discuter
sans passion de la problématique que lui pose le patient, en respectant son avis, et sans exercer trop de
pression pour faire valoir un point de vue ou une conduite à tenir refusée par le patient.
Chaque patient a une personnalité différente à laquelle le médecin doit s’adapter dans la relation
médicale qu’il établit à partir de la demande exprimée par le patient.
1.4 : ANNONCE D’UNE MALADIE GRAVE, D’UN HANDICAP OU D’UN DECES
Il arrive régulièrement dans l’activité d’un médecin praticien d’avoir à annoncer de mauvaises nouvelles à
un patient ou à l’entourage d’un patient. C’est le cas d’une maladie à pronostic défavorable, d’une
nécessité de thérapeutiques iatrogènes ou responsables de perte de certaines capacités (amputation par
exemple), de l’annonce d’un décès à un entourage familial immédiat, de l’annonce d’un handicap
important lors d’une naissance par exemple.
Dans tous ces cas le médecin praticien doit apprendre à s’exprimer de manière adaptée tant sur le plan
verbal que sur le plan de la conduite générale.
Cette partie de la relation médecin/malade représentée par l’annonce d’une maladie grave ou d’un
handicap va dépendre bien sûr du type d’annonce et de l’état dans lequel se trouve le patient ou son
entourage au moment de l’annonce.
Si dans certains pays du nord et en particulier aux Etats-Unis il est dans la culture que le médecin
annonce très clairement et de manière assez abrupte des diagnostics graves, des pronostics mortels,
cela n’est pas dans la culture française. Il faut donc respecter cela, et parfois prendre beaucoup de
précautions, prendre du temps, choisir les mots pour expliquer ce genre de chose à un patient fragile,
sensible, ou une famille. Tout l’art pour le médecin est d’avoir apprécié le psychisme et les capacités
d’écoute et d’adaptation du patient.
2 . ECOUTER BEAUCOUP, EXPLIQUER BEAUCOUP :
La relation médecin/malade est exigeante et nécessite de plus en
pédagogiques des praticiens.
plus d’écoute et de capacités
L’écoute objective et empathique permet au mieux de faire des diagnostics et même le début de la prise
en charge thérapeutique. Les explications que le praticien donne au patient doivent être de plus en plus
travaillées, de plus en plus pertinentes, de plus en plus complètes.
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L’absence d’écoute, l’absence d’explications suffisantes est à l’origine de la plupart des
mécontentements des patients par rapport aux praticiens et donc d’éventuelles plaintes posant des
problèmes de responsabilité.
La relation de soins
Section 1 : Les bases éthiques et déontologiques
1. Historique
- Le respect de la vie et de la dignité humaine : C'est la mission du médecin.
- Antiquité: peu respecté (loi du talion)
- Moyen - âge : c'est surtout l'âme du patient qui intéresse les moines-médecins avec la
confession du malade.
- Renaissance : l'indépendance du médecin apparaît. Ambroise PARE n’abandonne plus les
malades.
- XVIIème et XVIIIème : se développe avec J. BERNIER et T. PERCIVAL.
- XXème : reconnu et affirmé en première place dans le code, et le soulagement des
souffrances devient une règle déontologique.
- A l’aube du XXIème : risques de non respect (ex. eugénisme avec les P.M.A).
- La liberté du malade :
- Transparaît dans le serment d'Hippocrate.
- Apparaît à la révolution Française.
- Au XXème : légalisée et affirmée dans tous les codes de déontologie.
C'est la base de la relation médecin-malade avec :
- Le libre choix (permet la confiance du malade)
- le consentement (c'est l'affirmation de sa confiance)
- qui permettent le colloque singulier (relation d'Homme à Homme) :
« C'est une confiance qui rejoint librement une conscience » (L. PORTES).
2. Les grandes règles éthiques et déontologiques
La déontologie désigne la science des devoirs elle adapte l'exercice de la médecine.
- L 'indépendance du médecin : C'est un droit du malade.
Le médecin, dans son exercice professionnel, ne peut se soumettre à aucune dépendance. Le seul
objectif est de prévenir, soigner et guérir.
- Le respect du malade implique que le médecin ait conscience de sa responsabilité. Il doit se préoccuper
de la conséquence de ses actes et des conseils qu'il donne.
- Le secret médical : Un médecin respecte l'intimité de ses patients ; il ne les trahit pas. Le médecin prête
le serment d'Hippocrate : « Admis dans l'intérieur des maisons, mes yeux ne verront pas ce qui s'y passe,
ma langue taira les secrets qui y sont confiés ». Le secret est la propriété du malade, lui seul peut en
disposer (Article 4 du code de déontologie). Le secret médical s'impose même après la mort.
- Le consentement de la personne : Il appartient au praticien de se prêter au libre choix du malade et de
ne pas s'opposer a l'exercice de ce droit.
- Information du malade : La relation médecin-Malade doit aboutir à une information telle qu'elle est
définie : « Le médecin doit à la personne qu'il examine une information claire, simple et loyale sur son
état, les investigations et tes soins qu'il lui propose. Il veille à la compréhension des explications données
». Cette information est souvent difficile à réaliser, sauf dans les cas très simples.
Il n'est pas question « de tout dire » car :
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- le médecin ne sait pas tout ;
- la médecine n'est pas une science exacte ;
- les complications d'une maladie ne sont pas toujours prévisibles ;
- le malade n'a pas la connaissance exacte des buts poursuivis par le médecin et des risques que
comporte son état (exemple : le médecin peut avoir comme objectif le confort d'un malade âgé et pas la
guérison à tout prix de sa maladie) ;
- une énumération de toutes les éventualités constituerait une lourde faute pouvant avoir, dans certains
cas, un effet psychologique néfaste.
Section 2 : La dimension psychologique de la relation de soins
1. La personnalité du médecin
Il existe des obstacles personnels à une bonne communication.
1.1. La peur de la mort
M. TEIFFEL, en 1965, a montré que les étudiants en médecine, à leur entrée à l'Université, avaient une
anxiété de la mort plus élevée que les autres groupes : après leurs études médicales, ils étaient moins
anxieux, mais leur anxiété restait supérieure à celle du reste de la population.
« C'est la peur de leur propre mort que les médecins affrontent indirectement à travers celle de leurs
patients ».
1.2. La peur d'être désapprouvé
Nous craignons d'être blâmés pour avoir inquiété et déstabilisé un patient par notre entretien.
Nous recevons, d'autres part, fréquemment, en pratique quotidienne, la colère déplacée des familles qui
veulent par là se protéger.
1.3. La sur-responsabilité
Nous mettons trop souvent l'accent sur la technologie et les capacités de guérison.
Le principe à rappeler doit demeurer : « Guérir parfois, soulager souvent, consoler toujours »
Nous vivons la pression de vouloir sauver la vie à tout prix et la culpabilité de ne pas pour le faire.
1.4. La peur des réactions émotionnelles
Nous vivons une pudeur extrême face à l'expression de nos propres sentiments et donc de ceux de nos
patients.
Le manque de temps et notre manque de confort face à nos sentiments induisent un comportement que
nous maîtrisons mal.
N'avons-nous pas tous eu peur de demander à l'un de nos patients dépressif, s'il n'avait déjà pensé à se
suicider, par crainte de sa réaction ?
2. Les mécanismes de défense du malade
On peut considérer les mécanismes de défense du malade comme des mécanismes d'adaptation : face à
une réalité nouvelle, un traumatisme, ou un événement stressant, l'individu développe une série de
réactions qui lui permettent de faire face (coping ability des anglo-saxons).
2.1. Le déni
En dépit de l'évident et de la multiplication d'indices manifestes et flagrants, le malade refuse de toutes
ses forces de reconnaître la réalité, préférant refouler sa souffrance et enfouir, en le niant, ce savoir trop
douloureux.
2.2. Le déplacement
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Le malade focalise sa peur sur une autre réalité, en transférant l'angoisse liée à sa maladie, sur un
élément substitutif par exemple, il ne parle que de sa peur des effets secondaires du traitement, ou d'un
symptôme mineur sans jamais évoquer son cancer.
2.3. Les rites obsessionnels
Le malade, dans une tentative de maître de la maladie, s'attache à certains rites, précis et obsessionnels.
il respecte scrupuleusement toutes les prescriptions et suit rigoureusement l'évolution de sa maladie pour
en appréhender les moindres détails, comme si cette surveillance sans relâche avait pour corollaire un
gage de guérison.
2.4. La régression
Le malade se repli sur lui-même et sur ses symptômes, demandant à être protégé et pris en charge sur
un mode parental : incapable de s'investir dans une lutte active contre la maladie, il se laisse porter par
son entourage et par les soignants, auxquels il s'en remet complètement.
2.5. La projection agressive
Le malade réagit de façon agressive et revendicatrice, attaquant ses proches et les soignants sur un
mode paranoïaque et déversant son ressentiment et son amertume. Cette agressivité exprimée au
travers de «l'incompétence » des médecins et de l'inadéquation affective de ses proches constitue son
unique système de défense pour se préserver encore de l'angoisse.
2.6. Sublimation, combativité : rendre constructif le rapport à l'adversité
Le malade prend appui sur l'épreuve qu'il endure pour tenter de la dépasser et se dépasser lui-même,
pour rendre constructif son rapport à l'adversité. Cette combativité peut engendrer une énergie
surprenante, ne laissant place qu'à l'initiative, au dynamisme et à l'action : il s'attache à créer une
association, à écrire un livre ou à se tourner vers l'autre dans une réelle forme d'altruisme. Ce désir de
consolider sa propre fragilité par le don de soi restitue un sens à sa maladie, comme Si l'intensité même
du présent pouvait atténuer la souffrance à venir.
2.7. Le « clivage du moi »
Avec l'apparition de nouvelles douleurs, de rechutes itératives, ces mécanismes de défense ne sont plus
toujours opérants ; dès lors le « clivage du moi » peut apparaître : un espoir et un désespoir authentiques
cohabitent chez le sujet tout en réclamant la vérité, le sujet paraît demander implicitement d'en être
protégé. Même s'ils sont lucides et conscients de leur état, certains malades se remettent parfois à
espérer, à réclamer un nouveau traitement curatif, à la faveur par exemple d'un bon contrôle de la
douleur. Le malade va de surcroît moduler son comportement en fonction de l'interlocuteur semant le
doute et le désarroi dans son entourage, mettant ainsi les soignants dans une position difficile.
3. Les mécanismes de défense des soignants
Face à souffrance psychique du malade et à la difficulté à contrôle certains symptômes, les soignants
vont mettre en place des mécanismes de défense pour se préserver d'une réalité trop douloureuse, et qui
peut remettre en question leur identité de soignants. Si se protéger ne s’avère jamais répréhensible, il est
indispensable que le soignant sache apprécier sa subjectivité et ses limites pour appréhender au mieux
son patient.
3.1. Le mensonge
Le mensonge est souvent mécanisme de défense de « l'urgence». Par son caractère entier et radical, il
est probablement le plus dommageable à l'équilibre psychique du malade. Si la vérité, dévoilée
brutalement ou découverte fortuitement, constitue toujours un traumatisme, le mensonge (évoquer par
exemple une hépatite pour un cancer du foie) évite la montée de l'angoisse, ce qui empêche le malade
de mette en place ses mécanismes d'adaptation et donc de s'ajuster progressivement à la réalité. Une
évolution défavorable de la maladie risque de compromettre toute relation de confiance.
3.2. La fuite en avant
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Surestimant la maturation psychique du patient, méconnaissant ses mécanismes d'adaptation, certains
soignants devancent les questions et brûlent les étapes. Ils s'empressent de tout dire, oppressés par le
poids d'un savoir trop lourd à porter, dont ils voudraient se libérer.
3.3. La fausse réassurance
En optimisant des résultats alors que le patient lui-même n'y croit plus, le soignant cherche à se protéger
encore un peu en conservant la maîtrise de ce savoir sur lequel, lui seul, a encore prise ; il tente de
retarder la confrontation à la réalité.
3.4. La rationalisation
Par un discours très technique et totalement incompréhensible pour le malade, le soignant se retranche
derrière son savoir. Ainsi parvient-il à établir un dialogue sans dialogue, apportant aux questions trop
embarrassantes des réponses obscures qui ne peuvent qu'accroître le malaise et la détresse du malade.
3.5. L'évitement
Le médecin peut craindre d'être mis en difficulté par les questions du malade, par sa quête d'espoir, par
la confrontation à sa dégradation physique. il cherche alors à réduire au minimum le contact physique et
psychique avec le malade :
- en prenant comme interlocuteur quasi exclusif un tiers (famille, infirmière);
- en limitant le temps de visite, d'écoute et d'examen;
- en se retranchant derrière les examens para cliniques, la tenue du dossier.
4. Les théories
4.1. La théorie psychanalytique
Elle tend à expliquer le non dit de la relation médecin-malade
- Le non dit des émotions d'origine sociale, les sociétés civilisées ont évacué l'émotion de la vie
quotidienne.
- Le non dit camouflage : il correspond au secret honteux, la peur du jugement de l'autre.
- Le non dit implicite : il est constitué par le cadre et le rituel de la consultation, il est le reflet des
conventions sociales qui président à la relation médecin-malade : chez le médecin on parle de maladie.
- Le non dit tabou : « le tabou est ce qui ne peut être dit, touché au fait ». Les principaux tabous de la
société moderne sont liés à la sexualité et à la mort. Ces non dits restent volontaires et sont fonction des
interdits culturels, familiaux, sociaux et religieux. Le cabinet médical est le lieu où ils sont en partie levés.
La théorie psychanalytique tend à expliquer le non dit et son expression physique ou mentale. Elle est
basée sur l'analyse du symptôme et sa signification. Le symptôme n'est pas seulement indice de maladie
mais considéré comme un signifiant. Le symptôme signifiant garde le souvenir de souffrances anciennes
et son sens est ignoré du malade lui-même.
- Le transfert : le patient investit celui qu'il choisit comme soignant d'un savoir de sentiments et d'un
pouvoir qu'il lui suppose, il existe une dimension transférentielle à toute relation thérapeutique.
- L'inconscient : on considère qu'il en existe en chacun une part méconnue par nous-même qu'on appelle
l'inconscient. Cette notion permet de comprendre sinon d'admettre combien peut être variée la volonté de
maîtrise et de toute puissance dans la relation médecin-malade.
4.2. La théorie sociologique
Il est indispensable de concevoir la rencontre du malade et du médecin hors d'un contexte social. La
maladie est une construction au bout d'un dialogue mais une construction qui dépasse le dialogue
puisque derrière la maladie il y a toutes les représentations collectives des troubles et derrière le médecin
des systèmes appris dans les livres et dans les écoles.
Le dialogue thérapeutique est donc un dialogue entre deux segments de la société plus qu'entre deux
êtres.
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Le sociologue perçoit la relation médecin-malade avant tout en terme de pouvoir et de contrôle. Le
modèle actuel est basé sur la participation mutuelle et la négociation de consensus. On ne peut nier
d'ailleurs que le contexte social de la relation entre patients et praticiens soit en train de changer :
orientation de plus en plus consumériste des patients, demande accrue de participation au processus
thérapeutique, contestation du système de soins (maladie mentale, soins palliatifs).
Ce contexte social est une nouvelle donne qu'il est inutile de déplorer et qu'il serait surtout dangereux de
nier.
4.3. La théorie anthropologique
La première idée maîtresse est que quel que soit l'épisode de maladie en question le patient et son
entourage proche s'en font une représentation particulière. Comment la maladie est apparue, ce qui a pu
la causer, pourquoi elle affecte ce sujet personnellement, quel sera son cours probable, quel type de
traitement est le plus approprié ? Bien entendu le patient n'a pas de réponses à toutes ces questions, il
n'a pas toujours d'ailleurs une idée claire de la représentation de la maladie en partie subconsciente.
Mais des modèles explicatifs qui lui viennent à la fois de son expérience passée des histoires de maladie
vécue dans son entourage, des schémas qui prévalent dans son groupe culturel vont modeler son
comportement face à la maladie par exemple, demander plusieurs avis médicaux, prendre l'avis d'un
guérisseur, hostilité vis à vis des autres médicaments...).
Le praticien lui-même construit son propre modèle explicatif basé sur le recueil des données cliniques.
les Modèles explicatifs du patient et du médecin différent souvent et d'autant plus Si une distance sociale
ou culturelle sépare ces deux acteurs. Bien souvent, le patient n'ose pas expliciter ouvertement ses
modèles explicatifs sachant qu'ils risquent d'être négligés ou disqualifié. Il en résulte des malentendus
préjudiciables à la relation que l'on peut concevoir comme la négociation d'un modèle explicatif
acceptable par les deux parties.
Le malade recherche à donner un sens personnalisé à sa maladie.
Le médecin cherche à identifier les symptômes et à construire sa démarche médicale.
Section 3 : Stratégie de communication
Il est primordial d'établir un environnement adapté pour le patient et pour le médecin. S'installer dans une
pièce calme et confortable. Si nécessaire, prévoir un temps suffisant sans être dérangé.
S'il est accompagné, s'assurer que le patient est entouré par les personnes qu'il a choisies.
1. Les principes de la communication
- Disponibilité
- Etre en situation d'écoute active du patient et décoder les éléments de communication verbale et non
verbale.
- Prendre en compte les préférences du patient dans l'élaboration du projet de soins.
- Adapter son comportement, sa démarche à la situation du patient.
- Différencier à chaque étape d'une séance de soins, les implications de ses paroles et de ses actes.
- Donner des explications claires, concises et adaptées au niveau de compréhension du patient et vérifier
qu'elles sont effectivement comprises.
- Obtenir le consentement éclairé du patient afin d'établir un contrat de soins clair et une implication
active dans la maladie.
- Respecter les silences
- Adaptation de la forme et du contenu du discours à son interlocuteur
- Questions ouvertes et fermées
- Contrôle de la compréhension
- Reformulation si nécessaire
2. Le patient au centre de la relation
Souvent il s'agit d'une véritable négociation avec son patient.
- Commencer par répondre aux questions
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- Informer le patient et son entourage
- Négocier la décision
- Exprimer la vérité la plus acceptable possible.
2.1. Elaborer un plan avant de commencer
- Il va falloir faire admettre votre décision dictée par vos connaissances scientifiques en intégrant le
malade et son environnement.
- Parfois, la relation médecin-malade s'inscrit sur une longue période.
- De même que l'on développe une conduite à tenir face à un problème médical, l'existence d'un plan
pour gérer la communication contribue à diminuer sa propre anxiété.
- il paraît aussi utile d'évoquer toutes les possibilités de résultats dès le début d'un bilan avant d'avoir la
confirmation, ainsi le patient reste acteur de son destin.
- il faut respecter une sorte de cohérence entre ce que ressent le malade moralement ou physiquement
et ce que lui dit le médecin.
2.2. Donner au patient le contrôle de la qualité vitesse des informations qu'il reçoit
- Il ne faut pas se laisser prendre par des termes hermétiques et des explications longues et trop
techniques.
- Il est capital de vérifier si le patient désire entendre les nouvelles ou s'il souhaite attendre.
- Dans certains cas, le patient cherchera à savoir d'où « çà vient » afin d'y trouver un sens, ce qu'on
appelle le travail de responsabilisation.
Exemple : Si j’avais moins bu...
- Dans d’autres cas, le patient pourra aussi manifester des inquiétudes en rapport avec la souffrance de
ses proches « Comment vont faire ma femme et mes enfants ? »
2.3. Donner avec les mauvaises nouvelles, de bonnes nouvelles ou au moins de l'espoir
- Ne pas révéler de pronostic en terme de durée. Une évolution miraculeuse, le 1% des statistiques peut
mystifier toutes nos attentes.
- L'espoir permet d'offrir au patient une relativisation de l'information.
- L'espoir permet d'explorer avec le patient le sens de sa vie et de sa maladie.
- L'espoir permet de fixer, avec le malade, des buts réalistes et adaptés au stade de sa maladie. Pour les
malades, c'est l'espoir d'être assurés de notre disponibilité de notre présence et du contrôle de ses
symptômes jusqu'au bout qui est une bonne nouvelle.
- C'est l'espoir qui donne au patient le pouvoir de vivre des moments significatifs au jour le jour. « L'espoir
n'est pas une façon de contourner, mais. une façon de passer à travers ».
- Si l'annonce du diagnostic est évitée, nous assurons au patient de prendre en charge son isolement, sa
culpabilité, sa recherche de responsabilité, ses craintes réalistes et irréalistes.
2.4. Ne jamais mentir
Les familles veulent protéger leurs parents des mauvaises nouvelles parce qu'elles ont peur que la vérité
nuise.
Souvent il nous est demandé de participer à cette complicité dans l'intérêt du patient. Complicité qui
aboutit inévitablement à son isolement dans la conspiration du silence. Il faut donner un espoir réaliste à
la famille pour diminuer son anxiété. Il faut annoncer « Je donnerai des réponses honnêtes, je ne mentirai
pas ».
En fait, nos patients et leurs familles ne nous demandent pas de miracles, mais notre écoute, notre
authenticité notre assurance d'un accompagnement au travers des investigations et des traitements.
3. Instaurer avec le patient une relation de tolérance et de confiance
- Respecter la pudeur et les difficultés psychologiques du patient.
- Maîtriser ses propres réactions par rapport à ce type de situation : rejet, difficultés personnelles,
compassion ou attitude « citoyenne ».
- Identifier la hiérarchie des besoins et ce qui est réalisable pour le patient.
- Expliquer au patient l'intérêt pour lui et sa santé d'établir un lien durable avec un cabinet de médecine
générale, en relation avec les autres professionnels
- Accessibilité et disponibilité, permanence des soins
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- Prise en charge globale de ses problèmes, orientation optimum dans le circuit de soins,
- Moindre coût, pour lui et sa famille, notamment grâce aux cartes santé et aux possibilités de dispense
d'Avance de Frais.
Section 4 : Aptitude personnelle à la relation de soins
Le médecin n'est pas à l'abri de décharges émotionnelles (angoisse, doute) dans une relation exigeante
parfois conflictuelle d'emblée ou mal ressentie toujours différente d'un malade à l'autre, d'une famille à
l'autre, d'un moment à l'autre.
Une bonne relation médecin-malade est inséparable de la démarche qui accompagne dans la demande
de soins tout raisonnement clinique et diagnostic et son corollaire: la responsabilité personnelle du
praticien dépassant l'acte purement technique pour rejoindre le champ privilégié de l'humanisme médical
« Dans le respect de la vie et de la dignité de la personne humaine sans discrimination » (Art. 1 : Principe
d'Ethique Européenne).
1. Les critères affectifs
Doivent être retenus tant à l'égard du malade que de notre entourage ;
- la compassion : définition : du latin souffrir avec Sentiment de pitié qui nous rend sensible aux
malheurs d'autrui. C'est la participation à la souffrance d'autrui « concrète, singulière, silencieuse »
(André Comte Sponville).
- la prudence : par volonté de ne pas nuire grâce au choix calculé des risques: le choix des moyens doit
être adapté de façon à ce que le résultat soit efficace et que les investigations entreprises ne soient pas
moralement condamnables. « Ce qui n'est pas scientifique n 'est pas éthique » (Pr J. BERNARD) ou plus
classiquement « Science sans conscience n'est que ruine de l'âme » (Dr François RABELAIS).
- l'humilité : le médecin doit savoir reconnaître et être conscient des limites des limites de toute
connaissance.
- l'empathie : calquée de l'Allemand Einfühlung : mode de connaissance intuitive d'autrui qui repose sur
la capacité à se mettre à la place de l'autre. L'ensemble de ces moyens doit permettre au médecin de
montrer de l'empathie pour mener sa consultation dans les conditions optimales de confort
psychologique. Montrer de l'empathie consiste à se préoccuper activement et de manière évidente des
émotions, des valeurs et des expériences de l'autre. Ce comportement montre au malade que son
médecin est bien présent et bienveillant. La parole, gestes, mimiques et autres messages non verbaux
sont les moyens de communiquer notre empathie.
3. Les moyens de communications
- la parole : permet d'informer directement de façon simple, intelligible, en évitant par l'intermédiaire d'un
tiers ou d'un proche une transmission incomplète, déformée, incontrôlable. Elle associe le ton de la voix,
le regard, l'expression du visage qui peuvent traduire le souci, l'inquiétude, l'hésitation du médecin.
L'expression orale dans la réponse aux questions du patient n'est pas exempte d'un langage évasif,
approximatif, le pire étant le silence, l'absence de réponse précise ou une réponse hors sujet. Tous ces
éléments risquent d'être perçus par les malades dans un climat d'angoisse, de souffrance tant physique
que morale et les conséquences peuvent aller de la panique au refus de soin, au suicide...
- l’expression écrite se concrétise par la rédaction d'une prescription médicamenteuse, d'une notice
explicative, d'un certificat. Toute information écrite doit être accompagnée par le médecin traitant d'un
commentaire et d'un dialogue pour ne laisser subsister aucun doute d'interprétation. Toute situation non
contrôlée, communication téléphonique ou transmission par le truchement d'un tiers est à bannir
formellement dans la transmission d'une information.
- les autres messages :
- Le contact physique
- La proximité
- L'orientation
- L'aspect extérieur
- La posture
- Les signes de tête
- L'expression du visage
- Les gestes
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-
Le regard
Les aspects non linguistiques du discours d'élocution (ton de la voix, rythme et rapidité
d’élocution)
Les signes de communication non verbale accompagnent la communication verbale et se retrouvent
aussi chez celui qui écoute.
Ce sont des réponses muettes qui ont leur signification. Elles sont captées par celui qui parle et
représentent le retour (feed back) qui complète le processus de communication.
3. Aptitudes personnelles
Ce sont des qualités propres à chaque individu qui lui permettront de réaliser une activité avec plus ou
moins d 'aisance et de réussite.
Ces aptitudes peuvent se cultiver et se développer lors du processus de formation.
Adaptabilité – Souplesse : Adapter son comportement aux spécificités du patient, de la maladie, de
l'entourage.
Confiance en soi : Tolérance à l'incertitude et au doute.
Confidentialité : Ne pas utiliser les informations en dehors de leurs destinataires.
Connaissance de soi – réalisme : Bien identifier le champ de sa compétence, Etre conscient de ses
limites.
Diplomatie : Trouver des compromis acceptables.
Disponibilité – Accessibilité : Assumer une écoute personnalisée.
Maîtrise de soi - juste distance : Maîtriser en toutes circonstances ses réactions, ses émotions.
Rigueur : Appliquer systématiquement et correctement les procédures.
Sens critique : Savoir se remettre en question.
Sens des responsabilités – Autonomie : Avoir conscience des implications de ses actes pour autrui
Item 1 – Page 10/33
LA PERSONNALITE DU PATIENT DANS LA PRISE EN CHARGE MEDICALE
Cinq pour cent des individus ont un trouble de la personnalité.
Il ne s’agit pas de maladies ayant un début et une fin précis, mais de troubles qui s’expriment, plus ou
moins sévèrement, tout au long de la vie de l’individu. Ils perturbent le fonctionnement du sujet dans
plusieurs domaines de sa vie (équilibre émotionnel, vie sociale et affective), et peuvent être responsables
de souffrances aussi bien pour lui-même que pour son entourage. Les troubles de la personnalité euxmêmes motivent rarement une demande de soins spécifique, mais ce sont leurs complications fréquentes
(dépression, troubles du comportement, addictions, etc.) qui sont le plus souvent à l’origine des
consultations.
Il est donc utile de connaître les caractéristiques principales des troubles de la personnalité les plus
importants, afin de les repérer chez un patient consultant pour d’autres motifs, somatiques ou
psychiatriques. Cela pour orienter au mieux les choix thérapeutiques, avec également des
conséquences certaines pour la relation médecin-malade.
Nous ne pourrons ici indiquer que les grandes lignes des principaux problèmes rencontrés, le domaine
des troubles de la personnalité étant un des plus complexes et riches de la psychiatrie.
Section 1 : Les principales personnalités pathologiques
Tout trait de personnalité (ou de « caractère ») peut être plus ou moins marqué chez un individu (stabilité
émotionnelle, extraversion, impulsivité, etc.), sans se traduire pour autant par un fonctionnement
pathologique. Certains sujets ont cependant une organisation particulière de plusieurs traits qui, par leur
caractère excessif et rigide, et leur combinaison les uns avec les autres, sont à l’origine d’une souffrance
personnelle ou de comportements difficiles pour l’entourage, et cela de manière durable sinon
permanente.
Les classifications psychiatriques actuelles reconnaissent une dizaine de troubles de la personnalité,
regroupés en trois grandes familles : les personnalités excentriques, les personnalités « spectaculaires »
et impulsives et, enfin, les personnalités anxieuses (1, 2).
1. Les personnalités « excentriques » et bizarres
Il s’agit de trois troubles de la personnalité se rapprochant des troubles psychotiques (délires chroniques,
schizophrénie), dont ils constituent des formes atténuées ou partielles :
- les personnalités paranoïaques (tendance générale à la méfiance, à l’interprétation constante des
faits et gestes d’autrui comme étant volontairement nuisibles, à la rigidité et à la surestimation de soi) ;
- les personnalités schizoïdes (détachement des relations sociales et froideur émotionnelle très
importante) ;
- les personnalités schizotypiques (comportements excentriques, bizarres, s’accompagnant d’un
système de pensée flou et de difficultés à communiquer normalement).
2. Les personnalités « spectaculaires » et impulsives
Il s’agit d’un regroupement hétérogène de personnalités marquées par un contrôle émotionnel et
pulsionnel insuffisant, s’exprimant par des conduites souvent « bruyantes » et spectaculaires :
- les personnalités dyssociales (synonyme d’antisociales, sociopathiques, ou encore psychopathiques)
marquées par l’impulsivité et l’agressivité, le mépris des règles, l’instabilité dans tous les domaines, et
l’intolérance à la frustration ;
- les personnalités histrioniques : dramatisation et théâtralisation des émotions, recherche constante
d’attention de la part d’autrui, attitudes souvent érotisées et inauthentiques, et tendance durable à
l’insatisfaction affective ;
- les personnalités limites (synonyme d’états limites, ou de personnalités émotionnellement labiles),
marquées par de grandes fluctuations de l’humeur et de l’angoisse, des relations affectives excessives
dans l’attachement comme dans le rejet, et des passages à l’acte souvent auto-agressifs favorisés par
l’impulsivité et une forte sensibilité aux ruptures (TS, toxiques).
3. Les personnalités anxieuses
Elles sont caractérisées par un « fonctionnement » anxieux permanent, s’exprimant sous différentes
formes :
Item 1 – Page 11/33
- les personnalités évitantes : comportements phobiques et inhibition sociale durables, forte sensibilité
au rejet, tendance au repli sur soi par crainte des autres ;
- les personnalités dépendantes : besoin de soutien et de réassurance permanent, et soumission aux
autres par peur d’être abandonné (on parle parfois de personnalités abandonniques) ;
- les personnalités obsessives-compulsives (synonyme d’anankastique), marquées par une tendance
exagérée au perfectionnisme, un besoin permanent de planifier, de vérifier les choses dans le détail, et
de préserver l’avenir, notamment en économisant argent ou autre biens (collectionnisme).
4. Autres personnalités pathologiques
A côté de ces trois grandes familles, il existe quelques profils qui en sont plus ou moins éloignés. La
personnalité sensitive est proche de la personnalité paranoïaque (méfiance, interprétations,
susceptibilité), de même que la personnalité narcissique (surestimation de soi, recherche de l’admiration
des autres).
La personnalité psychasthénique comporte des éléments de la personnalité
obsessionnelle (doutes, hésitations) associés à une tendance à la rumination, aux crises de conscience
morale et à l’inhibition.
Les personnalités dites de « type A » ne sont pas véritablement des personnalités pathologiques, mais
plutôt des styles comportementaux dominés par un sens exacerbé de la compétition, notamment au plan
professionnel, et par une lutte permanente contre le temps (impatience, rapidité d’action). Ce type de
fonctionnement peut être bénéfique au point de vue de la réussite, mais il a été montré qu’il
s’accompagne d’un risque accru d’accidents cardiovasculaires et peut être est-il aussi corrélé à une
vulnérabilité aux « stress ».
Enfin, certains types de « tempéraments » sont en fait des formes atténuées de troubles de l’humeur : le
tempérament hyperthymique (marqué par une tendance à la jovialité et l’hyperactivité permanente), le
tempérament cyclothymique (alternance quasi permanente de phases sub-dépressives et d’euphorie)
ou encore la « personnalité dépressive ».
Section 2 : Diagnostic et implications cliniques
1. Diagnostic des troubles de la personnalité
Parvenir à un diagnostic précis de troubles de la personnalité est souvent une tâche difficile et longue,
pouvant nécessiter plusieurs consultations ou l’utilisation de questionnaires spécialisés (3). Il faut en effet
explorer différents traits de tempérament, estimer leur caractère éventuellement excessif et gênant,
s’assurer de leur stabilité dans le temps et dans différents domaines, et déterminer si leur combinaison
correspond à l’un ou à plusieurs des troubles de la personnalité selon les descriptions évoquées cidessus.
Une évaluation plus simple et brève est cependant possible dans un cadre de consultation habituelle,
avec pour objectif au moins d’identifier ces principaux traits de personnalités, à partir de trois types
d’informations :
- le vécu subjectif de différentes situations par le patient lui-même (craintes, contact à la réalité, gestion
des émotions) ;
- l’observation de son comportement : inhibition, ou au contraire extraversion, agressivité, impulsivité, etc.
;
- et éventuellement les renseignements qui peuvent être donnés par ses proches sur son passé, sur les
problèmes relationnels existants, et surtout sur l’ancienneté des traits identifiés.
Il faut en effet éviter d’amplifier certaines difficultés qui n’existent que de manière très ponctuelle dans
certaines situations très précises (avec seulement une personne déterminée ou uniquement en milieu
familial par exemple) ou seulement temporairement, et de se laisser influencer par l’état actuel du patient
qui peut avoir tendance à modifier inconsciemment la description de ses attitudes habituelles
(pessimisme et auto dépréciation dans la dépression par exemple).
Les traits fondamentaux utiles à explorer sont entre autres l’impulsivité, l’agressivité, l’inhibition,
l’inquiétude, ou encore la dépendance aux autres.
Cette évaluation passe par un questionnement détaillé sur les réactions du sujet dans des situations
concrètes de la vie quotidienne (capacité à attendre ou à différer une décision pour l’impulsivité, réactions
verbales et physiques en cas de conflit pour l’agressivité, comportements en situations sociales pour
l’inhibition, troubles du sommeil la veille d’évènements importants ou nouveaux pour l’inquiétude, place
donnée à l’avis de l’autre pour la dépendance affective, etc.), en ayant soin de demander plusieurs
exemples pour chaque caractéristique et de vérifier leur permanence dans le temps.
Item 1 – Page 12/33
L’aspect éventuellement pathologique de chacun des traits doit être évalué en fonction de leur rigidité
(adaptabilité insuffisante) et du retentissement négatif qu’ils peuvent avoir dans la vie du sujet (pour lui
et/ou pour les autres).
2. Implications cliniques
L’identification d’un trouble de la personnalité chez un patient consultant pour des plaintes
psychologiques ou non peut avoir différentes implications, dans la relation médecin-malade tout d’abord.
Il est en effet souvent utile d’adapter sa propre attitude à différents profils de patients « difficiles »
: mettre en confiance une personnalité évitante, garder une distance appropriée avec une personnalité
histrionique, éviter la confrontation avec une personnalité paranoïaque, fixer un cadre clair aux
personnalités sociopathiques, etc. Il est par ailleurs important de rechercher attentivement des troubles
psychiatriques qui seraient passés inaperçus mais qui émaillent souvent la vie des sujets présentant un
trouble de la personnalité (dépression, alcoolisme, troubles anxieux, etc.)(4).
Les orientations thérapeutiques à proposer à un patient présentant un trouble de la personnalité sont
naturellement fonction de la nature de ce trouble et du patient lui-même, et notamment de sa demande. Il
s’agit le plus souvent de psychothérapies, psychanalytiques ou cognitives en particulier (5, 6). Une phase
de « préparation » est souvent nécessaire, et parfois longue, pour faire naître une demande chez des
patients qui ont dans certains cas l’impression de n’avoir aucun problème ou que ceux-ci viennent des
autres (personnalités paranoïaques par exemple).
Enfin, des traitements médicamenteux peuvent avoir une efficacité partielle sur certains traits
comportementaux comme l’impulsivité ou l’agressivité (antidépresseurs sérotoninergiques,
neuroleptiques sédatifs, valproate, carbamazépine) ou sur des caractéristiques émotionnelles comme le
tempérament anxieux (antidépresseurs le plus souvent) (7). La prise en compte des profils de
personnalité permet en fait surtout d’éviter la prescription de médicaments « à risque » comme les
benzodiazépines chez des sujets présentant des personnalités impulsives, dépendantes ou limites, dont
on sait qu’ils sont plus exposés aux effets paradoxaux (désinhibition) et aux risques d’abus, de
dépendance et de passages à l’acte auto ou hétéro-agressifs (syndrome amnésie-automatisme).
Conclusion
Les troubles de la personnalité concernent environ 5 % des individus et plus d’un patient sur deux en
psychiatrie. Il est souvent difficile de les identifier précisément, mais leur recherche attentive est toujours
enrichissante et utile pour la pratique clinique.
En pratique
• Les troubles de la personnalité sont des pathologies fréquentes (concernant environ 5 % des
individus), mais souvent délicates à identifier.
• Il est pourtant très utile de les reconnaître pour adapter sa propre attitude face à des patients souvent
« difficiles », et leur proposer des orientations thérapeutiques adaptées.
• Une connaissance générale des différents profils de personnalité pathologique est indispensable, de
même que l’exploration attentive des réactions du patient dans différentes situations de la vie
quotidienne, qu’elles soient observées directement ou rapportées par le sujet ou ses proches.
• Une procédure en deux étapes peut être proposée : l’identification des traits de personnalité les plus
marquants (tendance à l’anxiété, à l’impulsivité, à l’extraversion, à la dépendance, etc.), puis
l’évaluation de leur caractère éventuellement pathologique en fonction de leur rigidité et leur
retentissement en terme de souffrance induite pour l’individu ou son entourage.
Références
1. American Psychiatric Association. Diagnostic and Statitical Manual of Mental Disorders, fourth edition. Washington
DC, 1994. Traduction française par Guelfi JD et al. Paris : Masson, 1996.
2. Lelord F, André C. Comment gérer les personnalités difficiles ? Paris : Odile Jacob, 1996 : 345 pp.
3. Pélissolo A, Lépine JP. Traduction française et premières études de validation du questionnaire de personnalité.
TCI. Ann Med Psychol 1997 ; 155 : 497-508.
4. Péron-Magnan P. Tempérament et dépression. In : Olié JP, Poirier MF, Löo H (eds). Les maladies dépressives.
Flammarion : Paris, 1995 : 183-91.
5. Cottraux J, Blackburn IM. Thérapies cognitives des troubles de la personnalité. Masson : Paris, 1995 : 244 pp.
6. Debray O, Nollet D. Les personnalités pathologiques. Approche cognitive et thérapeutique. Masson : Paris, 1995 :
173 pp.
7. Siever LJ, Coccaro EF, Zemishlany EF et al. Psychobiology of personality disorders : pharmacologic implications.
Psychopharmacol Bull 1987 : 23 : 333-6.
Item 1 – Page 13/33
Information et formation du patient atteint d’une maladie chronique
Introduction :
ème
Il aura fallu attendre la fin du XX
siècle pour que la prise de conscience de l’importance du rôle du
patient dans la gestion de son capital santé et de ses possibilités de devenir un partenaire du médecin
viennent au centre des préoccupations.
Grâce à une éducation spécifique, le patient peut acquérir les connaissances et les techniques
nécessaires à une cogestion de sa santé et de celle de ses proches.
Il lui sera alors possible de substituer à un état de dépendance une attitude responsable. Il devient un
véritable partenaire de l’équipe médicale.
Section 1 : L’information
C’est l’action de mettre au courant, de donner des renseignements précis, d’avertir et d’instruire, elle doit
être claire, loyale et adaptée à chaque sujet. Ainsi permet-elle à l’esprit de se former. Ainsi est-il possible
d’obtenir un consentement et un assentiment éclairés, établissant un des principes fondamentaux du
droit civilisé : le respect de l’autonomie de la personne humaine
L’arrêt Hédreul du 25 février 1997 (Cour de Cassation) a provoqué une certaine émotion du corps
médical, en énonçant qu’il appartenait au médecin d’apporter la preuve qu’il avait donné au patient
l’information souhaitable.
Ce renversement de jurisprudence doit être ramené à ses justes proportions : il a le mérite de rappeler au
médecin qu’il doit informer la personne malade, autant qu’il est utile, autant qu’elle le souhaite. C’est là
une notion indispensable à ce qu’on dénomme le consentement éclairé.
Le conseil d’état a également statué le 5/01/2000 que : « lorsque l’acte médical envisagé, même
accompli conformément aux règles de l’art, comporte des risques connus de décès ou d’invalidité, le
patient doit être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé ; que,
si cette information n’est pas requise en cas d’urgence, d’impossibilité, de refus du patient d’être informé,
la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu’exceptionnellement ne dispense pas les
praticiens de leur obligation »
De cette information, dont l’obligation déontologique est résumée dans l’article 35(1) du Code de
Déontologie (CD), il n’y a qu’un pas à la formation
Section 2 : La formation
Sous le vocable formation se cache dans l’entendement commun celui de l’éducation.
En effet, la formation permet de créer, de constituer quelque chose qui n’existe pas, et de façonner par
l’instruction et l’éducation.
L’éducation du patient s’adresse aussi bien à un individu qu’à un groupe restreint et homogène atteint
d’une même affection. C’est une nécessité éthique, déontologique et économique essentielle mais aussi
une nécessité collective.
La formation sanitaire, quant à elle, doit atteindre une population la plus large possible et s’adresse à des
personnes bien portantes ; elle est le plus souvent largement médiatisée, elle a un but de prévention.
Quoi qu’il en soit, comme l’information, la formation en façonnant l’esprit permet à l’individu d’acquérir les
connaissances, l’orientant dans sa démarche de consentement aux soins et aux examens requis. En cela
on respecte l’article 36(2) du Code de Déontologie.
Section 3 : Le patient
3.1 Définition
Selon le dictionnaire, le patient est une « personne qui subit une intervention médicale » . Cette définition
n’est plus très adaptée au consultant actuel qui ne subit pas un acte médical mais participe à une
intervention médicale en partenariat avec le praticien.
Nous préférerons donc le vocable de consommateur ou d’usager pour définir le patient.
3.2 La relation médecin-patient :
Item 1 – Page 14/33
La relation entre le patient et son médecin demeure une relation contractuelle au moins en médecine
libérale. Il s’agit d’un contrat civil et particulier comportant des obligations réciproques pour les parties, ce
contrat étant réalisé le plus souvent à titre onéreux.
A l’hôpital public, il en est différemment, puisqu’il s’agit d’un contrat tacite entre le patient et la structure
hospitalière ou le libre choix est celui d’un département, d’une équipe ( radiologues, chirurgiens et
anesthésistes etc…).
Pour le malade, la principale nature de son droit fondamental demeure sa liberté de contracter: en effet,
le patient demeure totalement libre de s’adresser au médecin ou à la structure de son choix, en particulier
à l’hôpital, ce principe étant affirmé par l’article 3 (3) du Code de Déontologie.
Si le patient est incapable de fait, ou inconscient, les membres de la famille peuvent consentir au contrat
à sa place.
En outre, le patient doit pouvoir s’adresser à un docteur en médecine, diplômé, ce diplôme demeurant
une présomption suffisante de compétence, même assortie d’une certaine polyvalence, c’est-à-dire
permettant d’accomplir n’importe quel acte médical ; cependant, le médecin ne doit pas outrepasser les
limites de sa compétence (article 70(4) du Code de Déontologie médicale).
3.3 Les droits du patient :
Le patient doit conserver un droit fondamental concernant l’acte médical, ce dernier demeurant la relation
juridiquement constituée entre le médecin et lui-même.
Il peut, en outre, mettre fin au contrat médical à tout instant, selon son principe fondamental du libre
choix.
Le patient doit obtenir l’engagement du praticien, sinon bien évidemment de le guérir, mais de lui donner
et de lui prodiguer des soins, non pas quelconques, mais consciencieux, attentifs et conformes aux
données acquises de la science.
Tout patient doit exiger qu’il soit traité de la même manière, ainsi que les autres malades, quelles que
soient sa condition de vie, sa religion, sa nationalité, ou les sentiments qu’il peut inspirer.
L’adhésion du malade ne porte pas automatiquement sur tous les actes médicaux futurs ou en cours. Le
consentement du patient doit être renouvelé avant tout geste médical ou chirurgical important.
Un patient étranger doit être informé dans sa propre langue ou dans une langue qu’il comprend
facilement, tandis que le malentendant recevra si besoin, une information écrite.
L’accord du malade ainsi renseigné doit être explicite, c’est-à-dire exprimé objectivement. Le silence,
résigné ou non, n’a pas de valeur juridique en matière d’adhésion à un contrat.
Après en avoir été informé, le malade peut accepter ou refuser la procédure qui lui est proposée.
3.4 Cas particuliers :
Dans le cas d’un malade mineur, avant tout acte médical, le consentement d’un ou des deux parents ou
du représentant légal doit être sollicité et recherché, sauf cas exceptionnels que le médecin apprécie en
conscience.
De plus, tout consentement doit être éclairé, c’est-à-dire en connaissance de cause, le patient et ses
représentants disposant des informations leur permettant de prendre raisonnablement une décision en
temps utile.
Un enfant ou un malade mineur, dès qu’il est en mesure d’avoir une certaine autonomie personnelle et
une capacité correcte de discernement valable, doit être consulté pour donner éventuellement son
consentement pour des actes médicaux bénins: on s’accorde en général à reconnaître une majorité
médicale vers l’âge de 15 ans.
Item 1 – Page 15/33
Obtenir l’accord de l’enfant en âge de le donner pour les actes de diagnostic ou de soins paraît en effet
souhaitable pour les mêmes raisons que chez l’adulte, afin de dédramatiser la situation et d’améliorer la
coopération.
Pour accepter un acte valable, il faut être sain d’esprit. L’atteinte des facultés mentales peut rendre la
personne incapable de contracter, et le malade mental ne peut pas toujours pourvoir seul à ses intérêts ni
apporter lui-même son consentement, que ce soit vis-à-vis d’un diagnostic ou vis-à-vis de ses soins. Il a
donc besoin d’être protégé et de disposer d’une mesure de protection jurique, et ainsi d’être assisté d’une
façon continue pour la gestion et la protection de ses biens. Pour un malade aliéné, c’est-à-dire souffrant
de troubles mentaux profonds, son approbation ou son consentement doit être remplacé par celui de la
personne qui a la compétence pour décider à sa place.
Toutefois, si l’incapable majeur peut émettre un avis, le praticien doit en tenir compte dans toute la
mesure du possible.
Section 4 : Les textes récents
L’ordonnance du 24 avril 1996 a donné une nouvelle impulsion aux droits des patients à l’hôpital. Deux
articles nouveaux du Code de la Santé ( L.710-1-1 et 710-1-2) confirment cette reconnaissance de ces
droits. Ils concernent :
La qualité de la prise en charge des patients, comportant une évaluation régulière de satisfaction,
notamment sur les conditions d’accueil et de séjour;
Le livret d’accueil et la Charte du patient hospitalisé. Les deux existent depuis 1974, la Charte elle-même
a été complètement rénovée en 1995, l’Ordonnance leur donne en tout état de cause une base juridique
plus forte et plus solennelle;
La définition de règles de fonctionnement des établissements tendant à assurer le respect des droits et
obligations des patients hospitalisés.
La création d’une Commission de Conciliation chargée d’assister et d’orienter les personnes qui pensent
être victimes d’un préjudice du fait de l’établissement hospitalier qui les a accueillies.
L’ ANAES en mars 2000 énonce ainsi un certain nombre de recommandations concernant le droit et
l’information des patients (5).
.
Section 5 : Le médecin
5.1 Les compétences requises:
L’éducation du patient modifie considérablement la relation médecin-patient. Ce dernier pourrait même
devenir un des participants à l’évaluation des pratiques médicales.
Une affection chronique va nécessiter un accompagnement de longue durée où seront étroitement
intriqués, traitement, soutien et éducation .
5.1.1 Apprendre à écouter
Entendre avec « ses deux oreilles » et apprendre à écouter, apprendre à décoder les phrases, sentir le
sens du mot, de la phrase, mais aussi à entendre le rythme et l’intonation ; c’est apprendre à ne pas
interpréter par rapport à nous.
Sont donc très importantes :
Item 1 – Page 16/33
L’écoute.
La compréhension du problème.
La sensibilisation.
L’aide psychologique.
L’aide sociale.
L’organisation des soins.
L’étude des comportements liés à la santé et ceux liés à la maladie.
L’évaluation de la compréhension de l’information transmise.
5 .1.2 Se poser certaines questions:
Chaque cas est particulier et les problèmes sont en continuels mouvements. Il n’en reste pas moins que
la prolongation de la durée de la vie coexistant avec un certain nombre d’affections chroniques fait
apparaître des situations inédites et exige des tentatives de solutions qui ne peuvent être toutes
codifiées.
Néanmoins on peut retenir quelques questions qui concernent aussi bien le praticien que son équipe :
Que comprend le patient lorsqu’on lui parle de santé ?
Quelle idée se fait-il de sa vulnérabilité ?
Croit-il aux possibilités de la médecine dans son cas ?
Est-il prêt à observer les prescriptions ?
Quelle idée a-t-il sur sa propre maladie ?
Peut-il guérir ?
Quelles sont les conséquences familiales et professionnelles de son état ?
A-t-il une idée du coût et du bénéfice-risque du traitement ?
Mais le plus souvent le but sera de permettre au patient de vivre, sans trop de mal, conjointement avec
sa pathologie (ou mieux ses pathologies) et son traitement dont on ne sait jamais si, à long terme, la
« iatrogénie » ne sera pas dominante.
On comprend que dans ce cas le patient lui-même, alors que sa surveillance va devenir plus délicate et
sophistiquée, doit jouer un rôle et participer à ses propres soins, sans pour cela se croire meilleur que
son partenaire thérapeute ; l’équilibre n’est pas facile à trouver.
Mais l’éducation n’est pas seulement individuelle, il est souvent salutaire d’y inclure le conjoint , la famille,
voire les amis en respectant le secret médical et jamais sans l’accord de l’intéressé.
5.1.3 Prendre le temps:
Le médecin cherche plus souvent à confirmer immédiatement ses hypothèses qu’à donner le temps à
son consultant de faire connaître son environnement affectif, socioculturel, et la façon dont il envisage
son quotidien.
Malheureusement le patient est souvent interrompu avant même d’avoir pu exprimer des faits précis, et
en matière de maladies chroniques, c’est d’abord la façon dont s’intègre le malade dans la société qui est
importante, ce qui nécessite de sa part un temps de parole minimum.
Le soignant a tendance à s’étendre sur la maladie plus que sur le traitement lui-même.
Nous nous devons d’éviter de consacrer la quasi-totalité du temps de l’entretien aux considérations
physiopathologiques obscures à la compréhension des patients.
Le plus souvent n’est pas mis en œuvre ce dialogue qui va permettre de connaître la logique de
compréhension du patient.
Or il est certain que si n’intervient pas un déclic qui annonce la parfaite communion interactive des
discours, le but éducatif et donc thérapeutique n’est pas atteint avec une pleine efficacité. Cette
interactivité peut se réaliser plus ou moins tôt, mais, dès le premier contact, il faut que le courant passe.
Les pratiques actuelles en médecine de ville, ou même encore à l’hôpital, ne sont pas, en général,
centrées sur l’aspect pédagogique au sens où on l’entend maintenant.
5 .1.4 Annoncer le diagnostic:
Le moment le plus important reste celui du jour de l’annonce du diagnostic surtout s’il est grave et d’un
pronostic incertain.
Item 1 – Page 17/33
Il est nécessaire ainsi de faire la distinction entre l’information à chaud en urgence pour laquelle il existe,
presque constamment, de la part du patient une surdité émotionnelle, et l’information à tête reposée qui
va permettre un véritable échange.
L’acceptation de la maladie sera plus ou moins bonne suivant la motivation du patient, celle-ci est une
condition essentielle à la possibilité d’apprentissage.
C’est alors que le projet de vie, élaboré en commun, va permettre au patient de construire son avenir. Il
aura aussi fallu tenir compte de l’expérience antérieure du malade et de ce qu’il sait déjà et adapter le
message éducatif à sa structure mentale.
Faire raconter a posteriori au patient les circonstances de cette consultation particulière peut être
instructif. On se rendra compte alors qu’il a parfois mémorisé, à cette occasion, des détails qui
semblaient futiles mais qui resteront inscrits toute sa vie dans sa mémoire.
C’est dire l’importance de chaque mot, de chaque attitude, de l’environnement, de l’atmosphère dans
cette circonstance.
5 .2 La stratégie éducative :
Elle prend toute sa valeur dans la prise en charge des patients atteints de maladie chronique.
Le consultant doit comprendre l’utilité du projet thérapeutique, la faisabilité et la possibilité de l’intégrer
dans son vécu quotidien.
Bien évidemment il faudra définir des objectifs clairs et réalisables, c’est-à-dire pertinents et réalistes.
Dans un premier temps, ce sont la personnalité du patient, ses possibilités de compréhension, ses
connaissances antérieures, ses croyances, ses caractéristiques psychologiques, sa motivation qui
doivent faire l’objet d’une évaluation.
Le praticien doit tenter de mettre à jour, puis de renforcer le rôle actif du patient qui ne sera plus un
acteur passif dans la prise en charge de son traitement.
Ce dernier doit sortir de cet état traditionnel de dépendance et de passivité qui lui offre, par certains
côtés, plusieurs avantages dont le refus de responsabilité et le maintien d’un état de pseudo liberté.
La notion de durée de cette formation ne doit pas entrer en ligne de compte et ne peut être que très
variable, en fait ne doit-elle pas être continue ?
Le facteur temps est à prendre en compte, une consultation médicale courante ne permet pas toujours de
s’étendre sur la pédagogie. Ce temps réduit justifie la participation d’autres professionnels, spécialistes
de tel ou tel domaine, à un complément de consultation.
L’enseignement pratique va permettre par l’expérience et la répétition des gestes et des attitudes une
bonne mémorisation de ce qui est nécessaire pour gérer ses propres soins.
Section 6 : En pratique
A tous les moments de son existence, dès qu’il est capable d’accéder à la compréhension, chacun va
devoir se former de façon à acquérir, maintenir et à gérer au mieux les compétences qui vont lui
permettre de conserver, tout en gardant ses libertés fondamentales d’homme et de citoyen, un état de
santé le meilleur possible.
- Il s’agit donc d’un processus par étapes qui devra s’intégrer non seulement dans une démarche de
soins mais surtout dans une démarche de prévention.
- A d’autres moments de l’existence, il s’agira de maintenir, d’actualiser chez le patient les données
nécessaires à la meilleure gestion possible de telle ou telle affection dont il est porteur ; surtout de
régulièrement vérifier l’acquisition de nouvelles données.
- Une mesure utile est bien de faire prendre conscience au patient du coût, des actes médicaux, dont la
justification est liée à l’efficience et à la nécessité diagnostique et thérapeutique.
- On ne peut nier qu’il y ait aussi une arrière-pensée économique, le but n’est-il pas d’assurer à tous des
soins de qualité au meilleur coût, dans un système où la solidarité nationale joue un rôle fondamental ?
Les médecins doivent en être conscients.
Item 1 – Page 18/33
Dès lors il apparaît qu’il n’existe pas de différence dans la pratique entre éducation et formation puisque,
dans la démarche médicale ou paramédicale, l’intervenant est tantôt éducateur tantôt formateur.
On pense bien sûr à l’asthme, au diabète, à l’hypertension artérielle, aux maladies malignes, ou à
certaines affections rhumatismales ou infectieuses chroniques dont le sida ; mais aussi au traitement
anticoagulant, ou antalgique qui peuvent nécessiter une participation active du patient.
Les bonnes intentions ne sont pas suffisantes et ce type de démarches doit être formalisé avec rigueur :
- Dans les maternités auprès des futures mères et des futurs pères.
- Au sein de la famille. L’enfant est considéré de plus en plus comme un sujet responsable avec ses
désirs, ses préférences et ses rejets et capable très petit, d’enregistrer des explications relativement
sophistiquées
- A l’école où, dès le plus jeune âge, il apparaît nécessaire de faire prendre conscience aux enfants de
leur rôle de citoyens, responsables de leur santé, et de la nécessité d’une solidarité (au moins dans
l’urgence), et de leur donner des rudiments de secourisme et d’hygiène alimentaire; ce qui est aussi
indispensable que de savoir écrire. Il est indispensable aussi de leur faire prendre conscience des
comportements à risques (tabac, alcool, accidents de la circulation, comportements sexuels).
- Au travail. La médecine du travail doit être partie prenante dans la prévention et l’éducation-formation.
- Au niveau de toutes les structures de soins, médecine de ville ou hôpital. Il est à noter l’importance de
l’information sanitaire dans les services de pédiatrie pour des affections comme le diabète, l’asthme,
l’hémophilie
- Au moment de chaque acte médical
- Au sein des maisons de retraite, la personne âgée peut bénéficier tout comme les plus jeunes d’une
information-formation qui peut considérablement améliorer son existence et avoir une incidence non
négligeable sur le coût des soins.
- Au sein des associations de malades qui ont un rôle dont l’importance croît tous les jours.
- Au sein des associations d’usagers qui ont une grande influence.
- Dans les médias où le contrôle de l’information et de sa qualité est aléatoire, surtout sur internet.
Il faut une complète interdépendance des divers intervenants, médicaux ou non, qui devront à chaque
niveau avoir un discours cohérent, adapté et clair et qui puisse être contrôlé.
6.1 L’information orale :
Elle s’impose, peut être adaptée selon les patients au cas par cas et nécessite les compétences
médicales d’écoute, de disponibilité et de relations.
Elle nécessite la prise en compte des différences ethniques et culturelles auxquelles nous sommes
régulièrement confrontées.
Il ne faudra pas se déstabiliser devant les réactions parfois exagérées et théâtrales propres à certaines
cultures, savoir appréhender les syndromes méditerranéens et gérer le transfert de certains patients et
son propre contre-transfert.
6.2 L’information écrite :
Elle peut constituer un complément à l’information orale mais ne doit pas s’y substituer.
Le patient peut s’y reporter, il n’y a pas lieu de lui faire signer ce document , les informations doivent
être :
• hiérarchisées, reposant sur des données validées, présentant les bénéfices attendus avant
les inconvénients, précisant les risques graves y compris exceptionnels.
• Synthétiques et claires (pas au delà de 4 pages)
• Compréhensibles par le plus grand nombre de patients
• Validées par des critères de qualité
Elle est cependant la preuve la plus sûre que l’information a bien été donnée au patient et c’est cette
sûreté juridique qui l’impose à une majorité de praticiens.
Elle permet de garder une trace de l’information.
Elle altère cependant la relation médecin malade que nous essayons de définir sur le mode de la
confiance et de la transparence réciproque et qui avec cette preuve écrite que l’information a bien été
donnée aurait tendance à présager d’un éventuel contentieux.
Section 7 : L’évaluation des acquis
Pour que l’action pédagogique soit fructueuse, il faut pouvoir la contrôler pour éventuellement l’améliorer
: c’est l’évaluation des acquis du patient dont l’importance est plus grande au cours des maladies
chroniques et aussi plus aisée compte tenu de la multiplication des contacts.
Item 1 – Page 19/33
Il est bien certain que dans le cas de l’asthme et du diabète le contrôle des acquisitions est plus
facilement normalisé que dans d’autres affections où la pédagogie est tout aussi utile, mais moins
facilement contrôlable.
Le résultat conduit à se poser des questions en cas de problèmes :
Est-ce que le défaut d’apprentissage vient du patient ?
Est ce que l’enseignement a atteint son but ?
Est ce que les instruments étaient appropriés ?
Un exemple bien documenté est celui de l’évaluation des acquis d’un patient asthmatique qui passe par
un certain nombre de questions clés :
Que savez-vous de votre affection ?
Avez-vous sur vous vos médicaments à inhaler?
Pouvez-vous les citer ?
Pouvez-vous les utiliser devant moi à l’instant ?
Savez-vous la différence entre ceux du traitement de fond et ceux à utiliser en cas d’urgence ?
A quel moment avez-vous l’impression que votre asthme s’aggrave ?
Comment évaluez-vous l’importance de votre gêne respiratoire ?
Avez-vous des signes qui vous laissent présager l’arrivée d’une crise ?
Comment vous rendez-vous compte qu’il peut s’agir d’une crise grave ?
Savez-vous quand il faut faire appel à votre médecin ?
Savez-vous utiliser le « peak-flow « ?
Quels chiffres sont alarmants ?, quels sont ceux qui indiquent la crise ?,
Que faites-vous lorsque le chiffre tombe au-dessous de 150 l/mn. ?.
Ces questions appropriées à la situation vont permettre au patient de ne pas rester passif et, au
contraire, d’avoir un rôle actif dans la prise en charge de son cas .
Chez l’enfant, le carnet de bord (il s’agit essentiellement d’enfants asthmatiques) permet d’apprécier
l’apprentissage et ce dès l’âge de 4 ans.
Ce contrôle de ses acquis doit donc intégrer plusieurs notions qui s’interpénètrent :
Sur le plan de l’éducation proprement dite : c’est l’aspect technique d’utilisation d’un matériel adéquat,
d’un comportement approprié devant une situation d’urgence et d’une collaboration fructueuse avec
l’équipe de soins.
Sur le plan clinique et biologique : c’est l’évaluation de la qualité de l’observance par la diminution des
complications de l’affection, des consultations, des hospitalisations, de la pathologie iatrogène.
Un des moyens de contrôler l’efficacité des mesures éducatives est bien aussi l’étude de l’observance
thérapeutique et qui dit observance parle d’une rigoureuse discipline dans le suivi des soins.
Celle-ci est de 70% dans le meilleur des cas et toutes pathologies confondues.
Le plus souvent elle ne dépasse pas 50%.
Plus le traitement est long, moins l’observance est bonne.
Section 8: Les autres intervenants
Les infirmières, les infirmiers, les kinésithérapeutes, les assistantes sociales, les auxiliaires de vie ont
chacun à leur niveau un rôle essentiel d’éducation à jouer. Il est souhaitable que leur enseignement ne
soit pas trop compartimenté et qu’au contraire il y ait une part commune permettant une certaine
cohérence de leurs actions respectives.
Également, les associations de malades voire de consommateurs sont maintenant un relais essentiel.
Des études concernant le diabète ont bien montré l’intérêt et les économies réalisées par la réduction des
hospitalisations, des urgences, des accidents de décompensation, parmi des groupes de diabétiques
bien informés sur leur maladie et aidés par leurs associations. Il en est de même pour les insuffisants
rénaux, respiratoires, les hypertendus artériels, les coronariens et les asthmatiques en particulier, voire
Item 1 – Page 20/33
les porteurs du V.I.H .
Néanmoins, il faut garder à l’esprit que l’éducation, la formation ne peuvent pas tout, le médecin reste de
toute façon responsable de ses actes et de ceux de l’équipe qu’il dirige.
Section 9 : En conclusion
9.1 Le médecin :
Généralistes comme spécialistes, les médecins se trouveront bientôt au centre d’un réseau de
ressources éducatives qui permettront à leurs patients, dans la mesure où ils auront été sensibilisés,
d’obtenir un complément de formation et d’informations.
Cela implique que tous les professionnels de santé acquièrent des compétences complémentaires dans
la communication pour devenir en même temps enseignants et soignants, et que les centres de soins et
de recherche ajoutent à leurs fonctions celle d’école de santé.
Cela paraît d’autant plus important que le temps imparti à la consultation courante du médecin est
souvent trop court et que cette délégation de temps, qui pour autant ne doit pas être une délégation
systématique à des structures non contrôlées des responsabilités éducatives, permet au patient de
bénéficier d’une période plus longue d’attention à son égard.
9.2 Le patient :
Que ce soit au cours des consultations ou des visites de son médecin traitant, de celles des membres de
l’équipe de soins, à l’hôpital, dans son association avec ses publications spécifiques, dans la presse
quotidienne ou mensuelle, avec même l’accès à internet, il pourra trouver de multiples sources
d’informations qui vont lui permettre d’assumer au mieux et personnellement son suivi.
Grâce à ses connaissances il devra pouvoir, dans le cas d’un certain nombre d’affections bien précises:
Relier des symptômes à une cause possible
Identifier ce qui dans la vie courante peut provoquer une aggravation
Connaître les symptômes qui font craindre une aggravation
Connaître les effets secondaires fâcheux de ses médicaments
Adapter un traitement à ses conditions de vie
Utiliser éventuellement un carnet de constatations
Former son entourage à la compréhension de la maladie et des soins nécessaires notamment en cas
d’urgence.
Prendre conscience du coût des soins.
L’acte médical est un tout, il devient inséparable de la démarche éducative et ne doit pas impliquer une
séparation des tâches mais au contraire une synthèse entre tous les professionnels de la santé.
Il conviendra de veiller à ce que l’information donnée au patient ne se construise pas dans un objectif
défensif en vue d’un éventuel procès mais comme une relation d’échange et de confiance.
ANNEXES
(1) Article 35 CD
Le médecin doit à la personne qu’il examine, qu’il soigne ou qu’il conseille, une information loyale, claire et
appropriée sur son état, les investigations et les soins qu’il lui propose. Tout au long de la maladie, il tient compte
de la personnalité du patient dans ses explications et veille à leur compréhension.
Toutefois, dans l’intérêt du malade et pour des raisons légitimes que le praticien apprécie en conscience, un
malade peut être tenu dans l’ignorance d’un diagnostic ou d’un pronostic graves, sauf dans les cas où l’affection
dont il est atteint expose les tiers à un risque de contamination.
Un pronostic fatal ne doit être révélé qu’avec circonspection, mais les proches doivent en être prévenus, sauf
exception ou si le malade a préalablement interdit cette révélation ou désigné les tiers auxquels elle doit être
faite.
Item 1 – Page 21/33
(2) Article 36 CD
Le consentement de la personne examinée ou soignée doit être recherché dans tous les cas.
Lorsque le malade, en état d’exprimer sa volonté, refuse les investigations ou le traitement proposés, le médecin
doit respecter ce refus après avoir informé le malade de ses conséquences.
Si le malade est hors d’état d’exprimer sa volonté, le médecin ne peut intervenir sans que ses proches aient été
prévenus et informés, sauf urgence ou impossibilité.
Les obligations du médecin à l’égard du patient lorsque celui-ci est un mineur ou un majeur protégé sont définies
à l’ article 42.
(3) Article 3 CD
Le médecin doit, en toutes circonstances, respecter les principes de moralité, de probité et de dévouement
indispensables à l’exercice de la médecine.
(4) Article 70 CD
Tout médecin est, en principe, habilité à pratiquer tous les actes de diagnostic, de prévention et de traitement.
Mais il ne doit pas, sauf circonstances exceptionnelles, entreprendre ou poursuivre des soins, ni formuler des
prescriptions dans des domaines qui dépassent ses connaissances, son expérience et les moyens dont il dispose
(5)
Recommandations de l’ANAES
•
•
•
•
•
•
Fixer un contenu à l’information donnée au patient
Garantir au patient des informations validées
Réfléchir à la manière de présenter les risques et à leur prise en charge
Veiller à la compréhension de l’information par les patients
Veiller à ce que les documents d’information aient une fonction strictement informative
Veiller à ce que l’information soit envisagée comme un élément du système de soins
Item 1 – Page 22/33
L’éducation thérapeutique :
Place dans les maladies chroniques et exemple du diabète
Depuis les années 1980, et de façon accélérée au cours des dernières années, l’éducation thérapeutique
du patient fait sa place dans la prise en charge des maladies chroniques, et acquiert sa reconnaissance
comme élément à part entière du traitement, à côté de la prescription médicamenteuse. Les enjeux de
cette évolution concernent les patients, les soignants, et la société :
- Le patient devient partenaire des soignants dans la gestion de la prise en charge de sa maladie, il
acquiert autonomie et aptitude à s’impliquer dans la gestion de son traitement.
- Le soignant fait l’expérience d’une nouvelle relation avec le patient, au travers d’un dialogue
thérapeutique.
- L’éducation thérapeutique permet la réalisation d’économies de santé. Dans le cas du diabète, la
réduction de la fréquence et de la durée des hospitalisations, ainsi que la réduction de la fréquence des
amputations ont été établies.
1. Définition de l’éducation thérapeutique
L’éducation thérapeutique, ou formation thérapeutique, consiste à exercer un ensemble cohérent
d’actions en vue de conférer au patient des compétences précises, lui permettant de participer à la
gestion de son traitement et de son suivi. L’objectif est double : prévention des complications à long
terme de sa maladie chronique, et préservation de sa qualité de vie.
L’éducation thérapeutique s’adresse à un patient atteint d’une maladie chronique, elle satisfait à des
objectifs de prévention secondaire (prévention des complications de la maladie), ou tertiaire (prévention
de l’aggravation des complications). Elle se distingue de l’éducation sanitaire d’une population non
malade, dans un souci de prévention primaire à l’égard de l’apparition d’une pathologie (exemple :
éducation nutritionnelle des enfants visant à réduire l’incidence de l’obésité infanto-juvénile).
Parler d’éducation thérapeutique du patient souligne deux points :
- L’éducation ainsi dénommée est reconnue comme faisant partie des moyens de traitement.
- Les actions d’éducation mises en place par les soignants ne sont pas standardisées, mais sont
adaptées et personnalisées pour un patient donné, dans le respect du contexte global de ce patient et
des objectifs de son traitement. C’est pourquoi l’éducation thérapeutique est un acte de soin dont le rôle
revient aux soignants, médicaux et paramédicaux. Ceci nécessite pour eux une formation spécifique à la
pédagogie destinée à l’éducation thérapeutique des patients.
2. La maladie aiguë et dans la maladie chronique
A de nombreux points de vue, la maladie chronique présente des spécificités par rapport à la maladie
aiguë, qui remanient profondément le vécu de la maladie par le patient, le rôle des soignants,
l’organisation du processus de soins et la relation entre soignés et soignants.
Item 1 – Page 23/33
MALADIE AIGUE
MALADIE CHRONIQUE
L’objectif des soins
Guérison
Stabilisation
Prévention des complications
La maladie
Symptomatique, visible
Silencieuse en dehors de crises
Durable, d’évolution incertaine
Le patient
Passif
Applique les décisions
Est informée
Actif
Participe au traitement
Est associée au suivi
-
La famille du patient
La relation soignant/soigné
Le soignant
- Attitude
- Rôle
- Pouvoir
- Identité
Le processus de soin
Adulte/Enfant
Adulte/Adulte
Ponctuelle, et centrée sur un Difficultés liée à la durée, aspects
objectif à court terme
complexes prise en charge, lassitude
Centrée sur la maladie
Intervenant direct
Direct, efficace
Biotechnique définie
Codifié
Court terme, de type biomédical
Décision des soignants
Centrée sur le patient
Expert, guide, soutien
A partager avec le patient
Nouvelle, peu préparé à la
dimension psychosociale
Adaptations sur la durée
A moyen/long terme : biopsycho-socio-pédagogogique
Coopération soignants/soigné
L’éducation thérapeutique trouve sa place dans un processus de soins à long terme, qui
nécessite la prise en compte de plusieurs facteurs :
- La position du patient face à la maladie chronique
-
Le rôle du soignant élargi à la dimension psychosociale
-
Pour le soignant et le patient, les difficultés liées à la prise en charge de longue durée
- Les besoins pédagogiques de l’éducation du patient
3. Le patient vivant avec une maladie chronique
3.1. L’acceptation de la maladie et de son traitement
L’annonce d’une maladie chronique suscite chez le patient des réactions émotionnelles, qui varient selon
le mode d’entrée dans la maladie.
3.1.1. Lorsque le début de la maladie est très symptomatique, et nécessite un traitement contraignant,
quotidien, et immédiat, comme dans le diabète de type 1, le patient est brutalement confronté aux
perturbations de l’image qu’il a de sa santé, des ses habitudes de vie, et de sa projection dans l’avenir.
L’acceptation de la maladie chronique est un long processus de maturation, fait de plusieurs réactions
psychiques successives, qui présentent des analogies avec le modèle du travail de deuil décrit par Freud.
Le soignant doit pouvoir identifier les stades d’acceptation de la maladie, qui sont au nombre de six, afin
d’adapter son attitude.
Les stades d’acceptation de la maladie et l’attitude des soignants
- Le choc initial
L’anxiété qui submerge souvent le patient affecte sa faculté de raisonnement. La qualité de la
communication entre le médecin et le patient joue un rôle déterminant.
Attitude réflexe du soignant : donner un maximum d’informations et d’instructions.
Item 1 – Page 24/33
Attitude adaptée : permettre au patient d’exprimer ce qu’il ressent, le soutenir.
- La dénégation (ou le déni)
Il s’agit d’un mécanisme de défense, tendant à refouler une réalité ressentie comme trop menaçante.
Ceci se traduit par une attitude allant de l’incrédulité à la banalisation de la maladie. Cette
"anesthésie affective" entrave l’implication du patient dans son traitement.
Attitude réflexe du soignant : mise en garde, annonce du risque de complications.
Attitude adaptée : tenter de déceler en quoi la personne se sent surtout menacée, donner des
informations positives.
- La révolte
A ce stade, le sentiment d’injustice face à la maladie, et la révolte qu’il induit, accompagnent la
confrontation du patient à la réalité de sa pathologie.
Attitude réflexe du soignant : défense et autorité face à ce qu’il perçoit souvent comme de
l’agressivité.
Attitude adaptée : encourager la capacité du patient à faire face à la réalité actuelle.
- Le marchandage
Ce mécanisme traduit le désir de trouver des accomodements avec la nouvelle réalité, en limitant les
contraintes du traitement.
Attitude réflexe du soignant : agacement et prescription catégorique.
Attitude adaptée : négocier les points secondaires, procéder par étapes.
- La tristesse
Ce stade n’est pas un état dépressif, et est de bon pronostic dans le cheminement vers l’acceptation
de la maladie. Cette tristesse méditative est liée à la prise de conscience de ce qu’il va falloir
dorénavant assumer et concilier avec sa vie.
Attitude réflexe du soignant : le risque est de ne pas reconnaître cette étape et de laisser le patient
dans sa solitude.
Attitude adaptée : manifester de l’intérêt, laisser s’exprimer cette tristesse.
-
L’acceptation
Le patient assume sa maladie et retrouve un équilibre émotionnel. Il reconnaît que la maladie
comprend des contraintes et des risques, sans en être obsédé. Il est prêt à une implication active
dans sa prise en charge.
Ces étapes sont physiologiques, leur durée est variable selon les patients, et occupent schématiquement
un à deux ans. Il arrive que le processus n’aboutisse pas à l’acceptation, et on décrit deux situations
d’impasse à l’acceptation de la maladie :
-
La résignation
Item 1 – Page 25/33
Face à une maladie vécue comme inexorable, le patient s’installe dans une soumission et une
dépendance aux soignants et à son entourage qui ne sont pas favorables à la qualité de la prise en
charge.
Attitude réflexe du soignant : dévouement croissant, renforçant la passivité du patient.
Attitude adaptée : éviter d’adhérer à la résignation, essayer de mobiliser ce sentiment d’impuissance qui
inhibe le patient.
-
La pseudo-acceptation
Cette situation de refus conscient d’admettre la maladie et ses contraintes, vis à vis de soi même et de
son entourage, réduit les possibilités de coopération avec les soignants.
Attitude réflexe du soignant : perplexité, sentiment d’impuissance du soignant.
Attitude adaptée : suivi régulier, montrer intérêt et préoccupation pour le patient. Cette situation est très
difficile.
3.1.2. Lorsque le début de la maladie est asymptomatique, que son développement est insidieux,
comme c’est le cas pour le diabète de type 2, le modèle des stades d’acceptation ne s’applique pas de la
même manière. La difficulté est de conduire le patient à la prise de conscience d’une maladie non
ressentie, qui nécessite des changements dans les habitudes de vie (comme l’alimentation et l’activité
physique). Deux pièges à éviter pour le soignant sont :
-
La banalisation des contraintes du traitement : le patient se sentant incompris n’est pas
encouragé à s’investir dans un partenariat de soins avec son médecin
-
La dramatisation des risques, la menace des complications : en éloignant, voire en confrontant
patient et médecin, elle agit contre l’établissement d’une coopération.
3.2. Les représentations et les croyances liées à la maladie et à son traitement
A côté des phases psycho-dynamiques du processus d'acceptation de la maladie, le contexte
socioculturel est déterminant dans le rapport de la personne à sa maladie. Les représentations, ou
conceptions de la maladie désignent la connaissance antérieure, ou l’idée que se fait un patient de tel ou
tel point concernant sa santé ou son traitement.
Dans la relation d'éducation thérapeutique, il est important que le soignant invite le patient à exprimer les
conceptions qu’il a, car c’est au travers d’elles qu’il décode les messages éducatifs. Plutôt que de voir un
obstacle dans ces représentations, le soignant peut chercher à les utiliser. Leur connaissance le
renseigne sur les moyens de compréhension et de fonctionnement dont le patient dispose, et lui permet
de s'y adapter.
En entretien individuel, le rapport de force avec le patient est à éviter à tout prix. En cherchant plus à
comprendre qu'à convaincre, le but est de négocier en utilisant ce que livre le patient.
En éducation en groupe, on peut guider les confrontations de points de vue entre patients, pour ébranler
telle ou telle certitude, et transformer favorablement un représentation. Le soignant joue ici le rôle de
médiateur.
Les croyances des santé sont des représentations profondément ancrées qui ont une incidence directe
sur le comportement du patient. Pour accepter le traitement d’une maladie et y adhérer à long terme, un
patient doit :
1. Etre persuadé qu'il est bien atteint de cette maladie
Item 1 – Page 26/33
2. Penser que cette maladie peut avoir des conséquences graves pour lui
3. Avoir confiance dans le bénéfice du traitement
4. Estimer que les bienfaits du traitement contrebalancent avantageusement les effets secondaires,
et les contraintes du traitement
La valeur de ces postulats a été démontrée dans plusieurs maladies chroniques, comme le diabète,
l'hypertension artérielle, l'asthme, le cancer.
3.3. Les convictions du patient à propos du contrôle de sa maladie
La conviction du patient par rapport à la source essentielle de contrôle de sa maladie est variable. Le
patient peut attribuer le contrôle de sa maladie à :
•
Sa ressource intérieure : lui même, sa force et son intuition personnelles ("je me connais"). On
parle de contrôle interne, ou de logique de gestion.
•
Un pouvoir extérieur : le corps médical ("c'est vous le Docteur"), une médecine parallèle, Dieu, le
destin.... On parle de contrôle externe, ou de logique d'abandon.
L'établissement d'une relation de partenariat efficace entre le médecin et le patient nécessite l'existence
d'un équilibre entre les parts de responsabilité que le patient attribue à son médecin et à lui-même dans
la gestion de son traitement.
3.4. Les déterminants modifiables et non modifiables dans l'éducation thérapeutique
3.4.1.
Paramètres non modifiables
Ce sont : l'âge, le sexe, le type de maladie, les origines socio-culturelles, le statut économique, le niveau
d'instruction, l'expérience antérieure de la maladie.
3.4.2.
Paramètres modifiables, pour lesquels les soignants ont un rôle important :
- les réactions émotionnelles : au cours des phases d'acceptation, de la survenue d'un changement de
traitement, d'une complication, d'un passage difficile lié ou non à la maladie (ex : perte d'emploi).
Attitude adaptée du soignant : attention vigilante, discernement des blocages, écoute, intervention
empathique.
- les représentations de la maladie, les croyances de santé.
Attitude adaptée du soignant : pédagogie utilisant les confrontations de points de vue (notamment lors
de l’éducation en groupe), et les expériences vécues puis analysées avec le patient.
- Contrôle externe/interne : le but est de trouver un équilibre entre les actions du soignant et du patient,
dans une rapport de partenariat.
Attitude adaptée du soignant : procéder par petites étapes, en proposant au patient de faire des
expériences qu'il commentera et que l'on analysera avec lui.
4. Une communication thérapeutique avec le patient
La relation soignant-soigné est à la base de l’éducation. Dans la manière de conduire un entretien avec
un patient, un certain nombre d’attitudes de la part du soignant peuvent influer favorablement sur la
démarche d’éducation thérapeutique.
Item 1 – Page 27/33
4.1. Le vocabulaire médical et les explications au patient
Il est indispensable que le patient comprenne les propos du médecin, ou de tout soignant. Il est pour cela
utile ou nécessaire de :
- Simplifier et clarifier son langage, de façon adaptée au patient.
- Conserver les mots du vocabulaire médical s’ils ont un intérêt pratique pour le patient.
- Définir simplement ces mots, en se reportant éventuellement à la vie quotidienne.
- De s'assurer de la bonne compréhension du patient.
- Utiliser facilement des images ou métaphores tirées de la vie courante.
- S'appuyer sur un support visuel : ne pas hésiter à écrire un mot pour qu'il devienne plus concret, à faire
un petit dessin.
Exemples :
1) Il est utile que le mot glycémie, si souvent entendu par un patient diabétique, prenne
pour lui une signification concrète. Définition médicale : taux plasmatique de glucose. Explication
possible : Le sucre dosé dans le sang est le glucose. La quantité de glucose, en grammes, qui est
dissoute dans chaque litre de sang de l’organisme est la glycémie.
2) Comprendre ce qu'est biologiquement l'HbA1c n'est pas utile au patient. Par contre, il
est important pour lui de savoir que ce dosage lui permet d'avoir un reflet global de son équilibre
glycémique au cours des trois derniers mois, et lui fournit donc un retour sur l'efficacité des actions mises
en oeuvre.
4.2. Les questions
Poser des questions est une manière de faire participer le patient. Certains modes de formulation des
questions sont plus appropriés que d’autres à l’implication du patient dans un dialogue.
Les questions fermées, appelant un réponse brève (comme oui/non, ou un seul mot) sont utiles
pour une enquête sur un point précis, mais leur répétition fait de l’entretien davantage un interrogatoire
qu’un dialogue. « A quelle date a été fait le diagnostic de votre diabète ? Vous buviez beaucoup ? Vous
aviez maigri ? »
Les questions ouvertes invitent à une expression plus libre. Plus pédagogiques, elles permettent
une perception du vécu du patient et de sa personnalité. «Racontez-moi quand et dans quelles
circonstances votre diabète a été découvert ».
Les questions qui font appel à la compréhension stimulent davantage une démarche mentale
dynamique de la part du patient que celles qui font appel à la connaissance. La réponse est un
entraînement vers une utilisation pratique des connaissances, elle sollicite l’imagination, la projection de
soi dans un situation, plutôt que de ne faire appel qu’à la mémoire. « Comment vous organisez-vous pour
avoir du sucre à portée de main quand vous n’êtes pas à la maison ? »
4.3. L’écoute, la reformulation et l’empathie
L’écoute du patient est indispensable à l’établissement du dialogue thérapeutique. Le patient ayant le
sentiment d’avoir été entendu sera plus à même d’entendre à son tour le soignant.
L’écoute est une démarche active qui consiste à saisir les contenus intellectuel et émotionnel du propos
que l'on vient d'entendre. Pour signifier au patient cette compréhension de ses paroles, un outil utile du
dialogue est la reformulation. Par ce mode de réponse, le soignant reproduit ce qui a été dit, en
choisissant d’autres mots, et incite le patient a apporter des rectifications, des nuances propres à faire
progresser l’échange.
« Si je vous comprends bien, vous voulez dire que… », « A votre avis », « Selon vous… »
L’attitude de compréhension qui consiste pour le soignant à manifester au patient qu’il a saisi son propos
intellectuellement et émotionnellement est appelée l’empathie. Cette attitude a un effet constructif
dans la relation de partenariat soignant/soigné.
4.4. La progression par objectifs à court terme et le contrat éducatif
L’implication du patient dans la gestion de son traitement nécessite souvent l’adaptation de multiples
comportements, et dans divers domaines, ceci est particulièrement vrai pour le diabète. En revanche, les
enjeux se situent essentiellement sur le long terme. Cette durée dans le suivi doit être mise à profit pour
progresser avec le patient par étapes
Dans une démarche d’éducation centrée sur le patient, il est intéressant de cheminer pas à pas avec lui,
par exemple selon la séquence suivante :
- Au cours d’une consultation (ou un entretien en général), le patient et le soignant conviennent ensemble
de 1 à 3 objectifs (au maximum), sur lequel le patient portera son attention jusqu’à la prochaine
consultation. Ex : 1) avoir toujours du sucre sur soi. 2) faire un contrôle glycémique en cas de suspicion
d’hypoglycémie.
Item 1 – Page 28/33
- A la consultation suivante, soignant et patient discutent de l’expérience du patient par rapport à ces 2
objectifs. Ils font ensemble une évaluation de cette expérience. Ex : 1) Le patient a-t-il du sucre sur lui
pendant la consultation ? Comment s'est-il organisé ? Qu'est-ce qui lui pose difficulté ? 2) Le patient a-t-il
fait l'expérience d'une sensation d'hypoglycémie qui n'était pas confirmée par le lecteur ? Qu'a-t-il alors
fait ?
L'analyse des expériences permet de progresser dans la recherche de solutions. Ainsi peut s'établir un
travail en partenariat qui représente un contrat éducatif, ou contrat thérapeutique entre soignant et
soigné.
5. L'organisation de l'éducation thérapeutique
5.1. Les 3 volets de l’acquisition d’un savoir
L'éducation thérapeutique est un processus dynamique dans lequel le patient est l'acteur central.
L'acquisition d'une compétence concerne 3 domaines, et le rôle pédagogique des soignants est
d’intervenir de façon spécifique et adaptée dans chacun de ces domaines.
• Acquisition d'un savoir : Le soignant transmet au patient un niveau suffisant et nécessaire de
connaissances pour une mise en pratique adaptée. Ex : Connaître l'objectif glycémique 2h
après un repas.
•
Acquisition d'un savoir-faire : Le soignant montre puis fait faire au patient un geste, il s'agit
d'un apprentissage. Celui-ci doit le plus souvent être répété, en tâchant de se rapprocher ou de
se projeter des conditions dans lesquelles s'effectuera ce geste à domicile. Ex : Savoir mesurer
sa glycémie capillaire avec un lecteur, si possible le lecteur qu'aura le patient.
•
Acquisition d'un savoir-être : Ce domaine est plus complexe, le patient met en pratique à bon
escient les acquis du savoir et du savoir faire dans sa vie quotidienne, ce qui met fortement en
jeu des paramètres psycho-affectifs. Le rôle du soignant est ici dans le dialogue, proposant au
patient l'analyse de ses expériences, et la progression par objectifs successifs vers un savoir-être
de plus en plus adéquat. Ex : Comparer sa glycémie avant et après un repas, et réfléchir au vu
des résultats au caractère adapté ou non de l’alimentation et du traitement à ce moment là.
5.2. Les atouts d’une équipe multiprofessionnelle
Le caractère multiprofessionnel d’une équipe d’éducation est un atout majeur, qui renforce l’efficacité et
la cohésion des messages. En diabétologie, la formation du patient concerne le médecin, l’infirmière, la
diététicienne, le pédicure-podologue, et également le psychologue, l’assistante sociale…D’autres
professionnels sont utilement associés à une équipe chaque fois que cela est possible.
Une équipe multiprofessionnelle :
Doit délivrer des messages consensuels, consignés dans un référentiel écrit.
Permet une diversification et un enrichissement de l’approche pédagogique, en combinant
l’action de compétences spécifiques et de personnalités différentes.
Facilite souvent l’utilisation de techniques et outils éducatifs plus variés.
Doit mener une action concertée,
o Pour établir une stratégie thérapeutique consensuelle pour chaque patient
o Pour évaluer et faire progresser ses pratiques professionnelles
5.3. Education individuelle et éducation en groupe
L’éducation du patient seul et l’éducation de plusieurs patients en groupe présentent des avantages et
des inconvénients respectifs. Ces deux modalités d’organisation s’avèrent très complémentaires, il est de
donc souhaitable de les combiner. Le tableau ci-dessous présente les spécificités de ces 2 modalités
d’éducation.
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Education individuelle
Entretien personnalisé
Relation privilégiée patient/soignant
Adaptation au rythme du patient
Prend beaucoup de temps
Risque d’emprise du soignant sur le patient
Possible incompatibilité des 2 personnalités
Monotonie dans la relation, lassitude
Education en groupe
Echange d’expériences entre les patients
Interactions, confrontations, émulation
Convivialité
Gain de temps
Complémentarité/équilibre entre les différentes
personnalités
Stimulation par exercices interactifs
Que ce soit lors d’éducation individuelle ou en groupe, il est nécessaire de favoriser une méthodologie
interactive, dont l’efficacité supérieure est établie. Pour cela, doivent être privilégiés :
- La participation active du patient (le schéma opposé est l’audition passive d’instructions)
- L’équilibre entre les temps de parole du (des) patient(s) et du soignant
- L’utilisation d’outils éducatifs et de techniques pédagogiques interactives.
Exemples : Utilisation de photos d’aliments comme supports d’exercices d’éducation nutritionnelle.
Utilisation d’instruments de soins des pieds pour éducation à la prévention des plaies du pied. Exercices
de mise en situation, de résolution de problèmes (ex : les patients choisissent de quoi resucrer une
hypoglycémie dans un panier contenant divers produits alimentaires).
Un programme d’éducation en groupe s’aménage selon un emploi du temps structuré et pré-établi, que
soignants et patients respectent. La durée d'un programme d'éducation en groupe est variable et adaptée
au besoin des patients (ex : une 1/2 journée pour une formation initiale de patients diabétiques de type 2
en ambulatoire ; 3 jours pour des patients diabétiques de type 2 en échec thérapeutique et ayant déjà
bénéficié d'un programme d'éducation court ; 5 jours en hospitalisation pour des sujets diabétiques de
type 1).
Dans le cas d'un programme développé sur plusieurs jours en hospitalisation, l'éducation individuelle et
en groupe s'associe à une évaluation médicale et à un ajustement du traitement. L'immersion pour
quelques jours dans une dynamique d'éducation, avec un groupe de patients et une équipe de soignants,
facilite une progression du patient vers une implication active, et optimise les bénéfices de l'éducation en
groupe.
Naturellement, le patient doit participer à un programme d'éducation en groupe en dehors d'une période
de pathologie intercurrente, ou de fragilité psychologique qui altèreraient momentanément sa disponibilité
et sa réceptivité.
Il est souhaitable qu’une documentation écrite synthétisant les principaux messages éducatifs pratiques
soit remise aux patients.
5.4. Education initiale et renforcement de l'éducation
La participation active du patient dans la prise en charge de sa maladie chronique, qui est indispensable
au bon contrôle de celle-ci, nécessite une formation initiale.
Exemples :
. Dans le cas du diabète, l'enjeu essentiel est la prévention des complications à long
terme, qui sont avant tout la conséquence de l'hyperglycémie chronique. La difficulté n'est donc pas tant
l'obtention en milieu médical de la normoglycémie, toujours possible grâce à un traitement intensifié, que
son maintien en ambulatoire et au long cours. Cette maîtrise continue de l'équilibre glycémique suppose
la gestion coordonnée et quotidienne de plusieurs paramètres : alimentation, activité physique,
adaptation du traitement.
Dans le cas de l'asthme, l'ajustement du traitement influe favorablement sur la fréquence et la sévérité
des crises.
A distance de la formation initiale, il est commun à tous les processus éducatifs (dans le domaine de la
santé ou non) de voir leurs effets s'atténuer avec le temps. L'éducation a donc besoin d'être
régulièrement rectifiée, renforcée et enrichie des données les plus récentes, à la manière d'une
formation continue.
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•
La formation initiale
Elle s'effectue de façon optimale dans le cadre d'un programme d'éducation structuré en groupe, le
programme est choisi selon les besoins du patient.
Dans le cas d'une maladie chronique telle que le diabète de type 1, dont le début brutal confronte le
patient au vécu des stades d'acceptation de la maladie, le moment du diagnostic n'est pas propice à cette
éducation structurée. Le patient y sera plus réceptif à distance du choc émotionnel initial, et après
avoir fait lui-même quelques expériences liées à sa maladie et à son traitement (ex : expérience d'une
hypoglycémie, de l'effet de l'activité physique sur la glycémie). La participation au programme d'éducation
en groupe est à proposer entre 3 mois (minimum) et 1 an après le diagnostic d'un diabète de type 1.
Au moment du diagnostic doit seulement être effectuée une éducation de sécurité, permettant au
patient d'être autonome vis à vis de son traitement, en évitant les accidents aigüs (ex : apprendre à faire
une glycémie capillaire et une injection d'insuline, le traitement des hypoglycémies, la recherche de
l'acétone, manger des féculents à tous les repas).
•
Le renforcement de l'éducation, ou l'éducation continue
De façon régulière, les divers objectifs éducatifs doivent tour à tour être évalués, rectifiés et renforcés au
travers d’objectifs à court terme.
Cette continuité dans l’éducation peut se faire dans différents cadres :
-
Education individuelle au fil des consultations avec le médecin généraliste et le médecin
spécialiste, au travers d’une communication thérapeutique.
-
Reprise de l’éducation individuelle et en groupe au cours de programmes plus courts que celui
destiné à la formation initiale, par exemple dans une structure d’hôpital de jour.
Enfin, il faut savoir proposer de temps à autre une mise à jour plus approfondie au travers d’un
programme plus développé tel qu’il est proposé en formation initiale (par ex. tous les 5 ans dans le cas
du diabète de type 1, à discuter selon les besoins de chaque patient).
5.5. Le contexte socioculturel, le contexte psychologique et son évolutivité
•
Prise en compte du cadre de référence du patient
Pour le patient, l'acquisition d'un savoir, l'apprentissage d'un savoir-faire, et plus encore le
développement d'un savoir-être dans la gestion du traitement et du suivi de sa maladie chronique font
intervenir plusieurs registres : intellectuel, culturel, social et émotionnel.
Pour un patient donné, l'ensemble de ces registres dessinent un cadre de référence, dont la prise en
compte par les soignants est essentielle à l'efficacité de l'éducation thérapeutique. Voici quelques
exemples d'éléments appartenant au cadre de référence auxquels les soignants ont à s'adapter :
- Le niveau d'instruction, il faut parfois composer avec l'analphabétisme
- Le contexte linguistique et culturel (un programme d'éducation en groupe pour patients diabétiques de
langue et de culture arabes, avec présence d'un traducteur, qui aide aussi à faire le lien entre les 2
cultures, a été mis en place)
- Des éléments relatifs à la personnalité du patient
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•
Importance de l'approche psychologique
La prise en compte des aspects d'ordre psychologique est essentielle dans la prise en charge de la
maladie chronique, et dans la sollicitation du patient à s'impliquer dans sa prise en charge. La
disponibilité d'une psychologue dans les équipes de soignants impliqués dans l'éducation thérapeutique
est utile à indispensable. Son intervention se fait au travers d'entretiens individuels, et également sous
forme d'animation de groupes de parole de patients (par exemple à propos du vécu de la maladie).
•
Education et suivi à long terme
A côté des objectifs biomédicaux à long terme, tels que la réduction de la fréquence et de la sévérité des
crises d'asthme, ou la réduction du risque de complications aiguës et chroniques du diabète, la qualité
de vie du patient est un objectif majeur des soins dans la maladie chronique. Elle représente un
paramètre essentiel de la santé globale, et conditionne également l'acceptabilité à long terme du
traitement, et sa gestion active par le patient.
Sur le long terme, le patient traverse diverses périodes de sa vie, plus ou moins favorables à sa
réceptivité à l'éducation thérapeutique. Certains moments propices à une motivation accrue doivent être,
pour chaque patient, identifiés et mis à profit par les soignants. Ceci requiert une attention vigilante, car
ces moments privilégiés sont variables d'un patient à l'autre. Par exemple, dans le suivi de patients
diabétiques, il peut s'agir :
- d'une grossesse (motivation pour la santé de l'enfant et de la mère dans le futur)
- d'un départ à la retraite (davantage de temps pour s'occuper de soi)
- de l'annonce d'une complication (décision de prendre les choses en main pour préserver son capital
santé).
6. Conclusion
L’éducation thérapeutique du patient vivant avec une maladie chronique modifie les données de la
relation entre le soignant et le soigné. Jusqu’à ce jour, les professionnels de santé, et plus encore les
médecins que les soignants paramédicaux, notamment les infirmières, reçoivent au cours de leurs
études :
-
Une formation davantage centrée sur la maladie que sur le patient
-
Une formation ciblant davantage le soin dans la maladie aiguë que dans la maladie chronique.
La formation du soignant à la prise en charge de la maladie chronique recouvre :
-
La formation scientifique pour une prise en charge précise et compétente de la maladie
-
La formation du soignant à la communication thérapeutique avec le patient et sa famille
-
La formation à la pédagogie interactive destinée au patient adulte
L’évaluation de l’efficacité de l’éducation thérapeutique est complexe. Elle doit prendre en compte des
indicateurs de santé (ex. l’HbA1c dans le cas du diabète), évaluer l’évolution des comportements du
patient à l’égard de la prise en charge de sa maladie, et s’intéresser à l’impact sur la qualité de vie.
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Synthèse des tables rondes sur la relation médecin-malade
Les bases de la communication avec le malade nécessitent de connaître les grandes règles éthiques et
déontologiques, les théories de toutes relations interpersonnelles ainsi que les stratégies de
communication.
Etablir une relation c’est :
- connaître les critères affectifs de la relation et les mécanismes de défense des soignants et du
malade
- connaître sa propre personnalité de médecin et savoir évaluer la personnalité du patient,
- évaluer les troubles éventuels de la personnalité des patients.
L’annonce d’une maladie chronique nécessite le respect de l’autonomie de la personne humaine, une
information claire et appropriée du patient qui se réévalue dans le temps.
Elaborer un projet pédagogique individualisé ne peut se faire qu’après une information adaptée du
patient, elle est basée sur l’éducation thérapeutique ou formation thérapeutique différente dans les
maladies aiguës et chroniques.
Elle passe par la connaissance des stades de l’acceptation d’une maladie et une progression par objectif
avec une organisation de l’éducation thérapeutique.
Cette éducation thérapeutique tient compte non seulement de la qualité des soins mais de la qualité de
vie du patient.
Conclusion :
La relation médecin-malade est basée sur le principe du respect de la personnalité, sur la qualité de
l’information délivrée et sur la mise en place d’un projet thérapeutique élaboré et accepté par le patient ou
l’éducation thérapeutique doit jouer un rôle essentiel.
La relation de soins est une relation qui évolue avec le temps, qui s’adapte à l’évolution de la maladie et à
l’évolution de la volonté du patient concernant sa santé.
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