Statistiques ethniques, débats sociétaux et études en
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Statistiques ethniques, débats sociétaux et études en communication. L’universalisme français à la lumière du différentialisme anglo-saxon Laurent Béru * Université de Paris III & Centre d’histoire des récits, de l’information et des médias en Europe (CHRIME) Les médias français et américains sont marqués par une logique ethnoraciale clairement affichée. Cette logique est productrice d’inégalités entre les diverses origines ethniques et appartenances raciales. La couleur de peau non-blanche, le type ethnique non-caucasien et l’origine culturelle autre que judéo-chrétienne sont souvent sous-représentés ou stigmatisés dans les productions des industries de la culture, de l’information et de la communication. En France, les recherches en communication, préférant fonder l’analyse autour de l’immigration, ne sont entrées que dernièrement – et plutôt timidement – dans l’étude ethnoraciale. D’ailleurs, au sein des sciences sociales françaises, la thématique ethnoraciale a toujours été un champ de recherche marginal. À l’opposé, dans les sociétés anglo-saxonnes, principalement l’Amérique du Nord et la Grande-Bretagne, les Media Studies et autres Communication Studies, pleinement imprégnées des Cultural Studies, admettent depuis de longues années une tradition de recherche portant sur les questions d’ethnicité et de race. Quand l’université française éprouve de grandes difficultés à aborder la pluriethnicité et le multiculturalisme de la France, les chercheurs anglo-saxons évoquent plus volontiers les rapports interethniques et interraciaux. Le débat français autour des statistiques ethnoraciales cristallise l’embarras hexagonal, et révèle l’autocensure idéologique et morale de bon nombre de chercheurs. Le présent article souligne que le suremploi aux États-unis et la quasi-absence en France des statistiques ethnoraciales sont à l’image des principes sociopolitiques nationaux en vigueur. Le caractère officieux des statistiques ethnoraciales, notamment perceptible lors de certaines décisions et pratiques internes à l’institution policière en matière de contrôles d’identité intempestifs à l’encontre des indi- * [email protected] MEI, nº 28 (« La communication nombre »), 2008 vidus de type non-caucasien – soit de type maghrébin, subsaharien ou asiatique (Lévy et Zauberman, 1998 : 293-294 ; Mucchielli, 2003 : 32-33) –, fait tomber le masque républicain qui voile la véritable réalité française – c’est-à-dire celle d’une société marquée par l’institutionnalisation d’un différentialisme ethnoracial. Le combat intellectuel des chercheurs anti-statistiques ethniques peut paraître louable, mais leurs propos font peu de cas de la réalité actuelle (Blum, 2007). En effet, les risques qu’ils pointent en cas d’instauration desdites statistiques ethniques sont déjà présents sous une forme plutôt insidieuse, et semblent davantage attentatoires aux principes pour lesquels ils disent lutter ardemment. Cette situation est à l’image de la loi républicaine ; celle-ci reconnaît l’existence du racisme et des discriminations qui s’y rapportent, mais interdit formellement la moindre tentative qui permettrait d’évaluer le problème de manière sérieuse et rigoureuse. Comme l’administration policière, le monde médiatique connaît également des habitudes préférentielles anti-républicaines ; celles-ci favorisent une origine ethnique et / ou une appartenance raciale par rapport à d’autres. Quand, en 2005, le quotidien Le Monde affirme que la diversité ethnoculturelle est « une idée très médiatique mais peu pratiquée par les médias », il ne fait que mettre en lumière cette routine. Bien évidemment, la statistique possède des failles ; les données statistiques ont des limites non négligeables : que ce soit au sujet de la sincérité des questionnés ou de la précision des questionneurs, de la pertinence qualitative ou quantitative du panel sélectionné (Klatzmann, 1985 : 8-15). Mais force est de constater que, quand la statistique fait défaut, difficile est la réflexion sereine sur un fait, quel qu’il soit ; plus difficile devient l’apport d’un raisonnement éclairé, aussi pertinent soit-il. Débat politico-ethique et exigences académiques Les différences d’approches américaine et française correspondent respectivement à l’avance et au retard pris par les communautés scientifiques des deux pays au sujet de l’institutionnalisation académique des études ethnoraciales : en effet, alors que le besoin d’investir dans de telles études s’est ouvertement imposé à l’université américaine dès le tournant des années 1970-1980 (Hinojosa-Smith et al., 1979), l’université française n’a commencé à s’y intéresser avec insistance que depuis le tournant des années 1990-2000 (Béru, 2006). À l’inverse des nations anglo-saxonnes (États-Unis, Canada, Royaume-Uni), le concept d’ethnicité est pour le moins tabou en France. Selon de nombreux chercheurs (Simon, 1983 ; Bertheleu, 1997), en France, pays dont le passé est notamment marqué par l’esclavage et la colonisation, une réticence à évoquer l’ethnicité s’est 54 Statistiques ethniques, débats sociétaux et études en communication… Laurent Béru pérennisée du fait de résistances républicaines. Par contre, aux ÉtatsUnis, nation fondée d’après diverses vagues d’immigration, concevoir la population nationale comme un patchwork ethnoracial est une idée culturellement acceptée et politiquement institutionnalisée. Contrairement aux enseignants-chercheurs anglo-saxons, qui évoluent dans des communautés académiques où les Race Studies et autres Ethnic Courses ont “pignon sur campus”, celles et ceux de France sont peu ou prou contraints par des considérations politiques et des observations idéologiques. Dans le cas du débat français concernant les statistiques ethnoraciales, le véritable objectif n’est pas de faire progresser la science, en accroissant les connaissances accessibles, mais plutôt de la restreindre, et cela afin de prévenir une éventuelle idéologisation – ou prise en otage – de chiffres absolus et relatifs en faveur d’enjeux politico-identitaires (StavoDebauge, 2003a). D’ailleurs, en France, comme aux États-Unis, le désintérêt ou l’intérêt porté aux statistiques ethnoraciales résulte souvent de considérations extra-scientifiques. Les suites du traumatisme (partiel) français consécutif à l’indépendance algérienne ont participé à freiner la prise en compte d’une réalité multiethnique et pluriculturelle, tout comme les conséquences du succès (mitigé) du mouvement américain pour les droits civiques ont contribué à la favoriser. Quand les enseignants-chercheurs anglo-saxons bénéficient des résultats des études statistiques ethnoraciales, principalement réalisées par les institutions administratives (comme l’américaine US Census Bureau, la canadienne Statistique Canada / Canada Statistics ou la britannique Office for National Statistics), et ont donc accès aux informations concernant l’origine ethnique et l’appartenance raciale (Simon, 1997), leurs collègues français ne peuvent en faire autant car les statisticiens français (exerçant notamment à l’Institut national de la statistique et des études économiques [INSÉÉ] et à l’Institut national d’études démographiques [INÉD]), proposant peu ou pas d’informations ethniques et raciales mais uniquement des précisions sur le statut d’immigré ou d’étranger, ont tendance à analyser la population hexagonale sans inclure les différences ethnoraciales à leur réflexion (Simon et Stavo-Debauge, 2004). De là, confrontés aux critiques militantes qui émanent d’associations au discours ouvertement ethnoracial (par exemple, le National Association for the Advancement of Colored People ou le National Council of La Raza aux ÉtatsUnis, le Conseil représentatif des associations noires ou les Indigènes de la République en France), les chercheurs anglo-saxons disposent des moyens pour s’exprimer en connaissance de cause en se référant à des faits scientifiques (ceux-ci font suite à des comptages statistiques), tandis que leurs confrères français fondent leurs hypothèses de recherche et justifient leurs points de vue scientifiques à partir des valeurs 55 MEI, nº 28 (« La communication nombre »), 2008 républicaines (ces dernières taisent une partie de la réalité vécue, car elles se drapent d’un idéalisme moral). Récemment, des universitaires français en sciences humaines et sociales se sont pleinement opposés, notamment par tribunes de presse interposées : les uns appelant à un « engagement républicain contre les discriminations » (Amadieu et al., 2007), les autres invitant à utiliser les « statistiques contre [les] discriminations » (Bataille et al., 2007). Depuis 2006, au lendemain des événements violents de novembre 2005, parallèlement au positionnement public de chercheurs, de nombreux articles journalistiques des principaux titres de la presse quotidienne française (notamment Le Monde 1 et Libération 2) sont régulièrement publiés. Dans le domaine médiatique français, la question se pose fortement depuis quelques années, d’autant plus qu’elle était jusqu’à présent évacuée des débats sociétaux. Comment lutter sérieusement et efficacement contre les préférences ethnoculturelles ou ethnoraciales, notamment présentes sur les petits et grands écrans, sans connaître au préalable et de manière précise leur ampleur ? Durant les événements de novembre 2005, le président français de l’époque, Jacques Chirac, diagnostiquant une « crise d’identité » 3 et déplorant le « poison des discriminations » 4, demanda solennellement aux dirigeants des principales chaînes de télévision d’« accueillir les minorités » 5. Cependant, cette prise de position institutionnelle n’a 1 Voir notamment les articles suivants, écrits par la journaliste du Monde Laetitia Van Eeckhout : « Recensement “ethnique”. Le débat français » (10 novembre 2006) ; « Statistiques ethniques : les propositions des candidats » (24 février 2007) ; « Des députés veulent légaliser les statistiques ethniques » (15 septembre 2007) ; « Faux débat sur les statistiques ethniques » (15 novembre 2007) ; « Données ethniques : perplexité après la décision du Conseil constitutionnel » (25 novembre 2007). 2 Voir notamment les articles suivants, publiés par le quotidien Libération et écrits par la journaliste Catherine Coroller : « Polémique autour d’une enquête de l’INED sur l’intégration » (5 septembre 2006) ; « Le comptage ethno-racial divise » (21 octobre 2006) ; « La CNIL lance le débat sur les statistiques ethniques » (19 janvier 2007) ; « Les statistiques ethniques au menu du CRAN » (9 avril 2007) ; « La discrimination ethnique sans statistiques » (17 mai 2007). 3 Béatrice Gurrey, « M. Chirac diagnostique une “crise d’identité” », Le Monde, 16 novembre 2005. 4 Raphaëlle Bacqué, « Chirac déplore “le poison des discriminations” », Le Monde, 16 novembre 2005. 5 Guy Dutheil et Béatrice Gurrey, « Les télévisions devront accueillir les minorités », Le Monde, 24 novembre 2005. 56 Statistiques ethniques, débats sociétaux et études en communication… Laurent Béru pas eu pour effet de transformer radicalement le paysage audiovisuel français, car elle s’appuie essentiellement sur le volontarisme – ou le bon vouloir – des professionnels des médias de masse. La position idéologicopolitique française, limitée par les principes républicains, est aux antipodes de la position américaine ou britannique : en effet, aux États-Unis et en Angleterre, l’évolution statistique des communautés ethnoraciales y est suivie de près, afin de réduire (ne serait-ce qu’en apparence) les inégalités et d’apporter un (semblant) d’égalité par le biais des quotas. L’apparente mise à l’écart des non-blancs français dans les programmes audiovisuels hexagonaux, soulignée par certains travaux universitaires français – tels que ceux d’Éric Macé (2006) et de Marie-France Malonga (2007) –, est également relevée dans de nombreux ouvrages universitaires nordaméricains portant sur le contexte états-unien – tels que ceux d’Oscar Gandy (1998) et de Robert Entman (2000). Ainsi, quand certaines recherches des American cultural studies relèvent que des personnalités féminines latinas du star-system hollywoodien – comme Rosie Perez et Jennifer Lopez, toutes les deux d’origine hispanique – sont médiatiquement utilisées à partir de poncifs ethniques – l’accent particulier ou les attributs corporels (Valdivia, 1998 ; Beltran, 2002) –, dans le contexte français, le point crucial observé est la normalisation médiatique (et politique) d’une population hexagonale essentiellement de type caucasienne et de culture judéo-chrétienne (Malonga, 2000a : 34 ; Macé, 2001 : 234). Si les chercheurs nord-américains précités parlent surtout de la forte présence de stéréotypes négatifs qui stigmatisent l’Afro-américain ou l’Hispano-américain sous les traits du délinquant urbain ou de l’immigré clandestin, les chercheurs français susnommés évoquent plutôt l’absence régulière à l’écran de journalistes, de comédiens ou d’animateurs non-blancs – c’est-à-dire d’individus de type asiatique ou africain. Au vu du contexte hexagonal, la situation des enseignants-chercheurs français semble scientifiquement et intellectuellement intenable : ils sont amenés à reconnaître une réalité médiatique dans laquelle des « disproportions suspectes » (Simon et Stavo-Debauge, 2004 : 65) du point de vue ethnoracial sont pour le moins flagrantes, mais sans toutefois parvenir à introduire la moindre précision sur leur portée. Pareillement à la classe politique française, la communauté scientifique française privilégie et cautionne activement une certaine forme d’inconnaissance concernant le savoir autour de l’ethnicité. Pourtant, pour évoquer et lutter contre l’institutionnalisation de pratiques racistes, impérative devrait être l’étude qualitative et quantitative à ce sujet. 57 MEI, nº 28 (« La communication nombre »), 2008 Réalité sociale et (mé)connaissances académiques Quand il est question d’apporter des éléments de connaissance – voire même de réponse – permettant de lutter contre la mortalité routière (Chanel et Vergnaud, 2004 ; Haudidier, 2005), la dépendance aux drogues (Simmat-Durand, 2002 ; Da Silva, 2006) ou la propagation du virus du sida (Maiffret et Vasconcellos 2004 ; Rosenblum, 2004), il est inconcevable que des chercheurs français étudiant les bilans annuels de la sécurité routière, de la consommation de stupéfiants ou du comportement sexuel par rapport aux maladies sexuellement transmissibles, n’apportent aucun résultat chiffré, hésitent à donner des précisions en chiffres absolus et relatifs sur la différentiation entre les générations, les sexes et/ou les pratiques sexuelles. Par contre, inévitable est le flou scientifique et statistique (Simon, 2000 : 35) entretenu de manière générale par les chercheurs français qui analysent le racisme et les stéréotypes ethnoraciaux ou ethnoculturels : cette situation est très prégnante dans l’étude des inégalités à l’intérieur des industries culturelles – particulièrement dans les fictions cinématographiques et télévisuelles. Au début des années 2000, quand il fut question de préciser l’état des violences physiques et verbales des hommes envers les femmes, un rapport remis aux gouvernants français s’est principalement appuyé sur une étude scientifique dans laquelle les éléments statistiques furent centraux (Jaspard et al., 2001). Depuis, la communauté académique française utilise volontiers cette étude, qui contribue à dévoiler une situation auparavant connue, mais de manière assez imprécise 1. Dans le cas de la pauvreté française concernant l’étude ethnoraciale, l’imprécision statistique peut être productrice des fantasmes les plus fantaisistes et des occultations les plus préjudiciables (Stavo-Debauge, 2003b : 20-25 ; Stavo-Debauge, 2004 : 39-44). Comme le remarque l’universitaire Georges Felouzis, « la statistique est le miroir des inégalités. Les statistiques font exister les inégalités en les introduisant dans le débat public. Les inégalités sociales à l’école n’existaient pas avant le panel de l’INÉD de 1962. Le plafond de verre dont 1 Dans cette enquête, réalisée au cours de l’année 2000, les femmes interrogées avouèrent les choses suivantes : 13 % endurèrent la violence de l’insulte ou de la menace verbale, et plus de la moitié d’entre elles subirent au moins une nouvelle fois cette mésaventure. Dans 75 % des cas, l’auteur de l’insulte ou de la menace fut un homme. Concernant les violences physiques à l’encontre des femmes, 80 % des agresseurs furent des hommes. Au sujet des violences perpétrées au domicile et au travail, que ce soit chez les femmes jeunes (2034 ans) ou plus âgées (45-59 ans), les pressions psychologiques furent les violences les plus citées. 58 Statistiques ethniques, débats sociétaux et études en communication… Laurent Béru sont victimes les femmes dans les entreprises “n’existait pas” avant les recherches sur le sujet. On peut avancer le même constat à propos [des] travaux sur la ségrégation ethnique à l’école, ou encore ceux […] sur le racisme au travail. Les formes d’inégalités qui ne sont pas “connues”, n’ont pas d’existence sociale et de ce fait n’accèdent pas au rang d’inégalités contre lesquelles il est légitime de lutter. Nous avons aujourd’hui une connaissance précise des inégalités sociales, économiques et des discriminations liées au genre. Ces éléments ne sont pas de simples “connaissances” sur la société, ce sont aussi des arguments, des motifs voire des moteurs de mobilisation collective » (cité in Actes du colloque « Statistiques ethniques », 2006 : 11). Le manque de lisibilité amène à employer des termes impropres au contexte français : (hélas !) à l’instar de la plupart des commentaires journalistiques et politiques peu avisés, de (trop) nombreux discours scientifiques portant sur l’étude des médias abordent, notamment, le cas des jeunes générations de non-Blancs vivant dans les quartiers populaires en évoquant (presque) uniquement les termes “intégration” ou “assimilation” et “immigrés” ou “étrangers” (Battegay et Boubeker, 1993 ; Boyer et Lochard, 1998). Il est intéressant de noter que ces termes ethnicisent la population française, car ils sont essentiellement utilisés pour évoquer les générations de Français d’origine extra-européenne (sénégalaise, algérienne, ivoirienne, marocaine…), et non celles de Français d’origine européenne (italienne, polonaise, espagnole, portugaise…). Cependant, la plupart de ces adolescents et jeunes adultes sont nés en France et de nationalité française ; demeurant d’éternels issus de l’immigration ou enfants d’immigrés (voire appartenant à la seconde ou troisième génération), la confusion est entretenue entre le statut de certains parents immigrés / étrangers et celui de leurs enfants Français. Il est important de rappeler qu’en France, ce n’est pas le manque de papiers d’identité qui entrave la vie de bon nombre de non-Blancs, mais d’abord et surtout leur type noncaucasien – celui-ci présuppose une origine extra-européenne et une culture non-occidentale. En 2000, les crispations générées autour des conclusions du rapport Présence et représentation des minorités visibles à la télévision française (Malonga, 2000b), commandité par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et réalisé sous la direction d’une chercheuse, révélèrent autant la gêne scientifique que l’embarras idéologique de la communauté académique française. Pourtant, ce rapport apporte des précisions que certains présumaient mais que d’aucuns avaient jugé bon de réaliser : il souligne que, dans les émissions télévisées françaises, les minorités ethniques représentent seulement 6 % des professionnels, 11 % des invités et 6 % du public ; si 81 % des programmes de fiction accueillent un (strict) minimum d’individus issus des minorités ethniques, plus de 70 % d’entre eux sont en fait des productions étrangères (principalement nord-américaines). 59 MEI, nº 28 (« La communication nombre »), 2008 Dans le cadre du secteur publicitaire audiovisuel, le rapport affirme que les minorités ethniques interviennent dans moins de 20 % des cas – la plupart du temps, de manière secondaire, c’est-à-dire en qualité d’éléments secondaires ou subalternes vis-à-vis de la majorité ethnique. Parallèlement à cela, dans les vidéoclips musicaux, les minorités ethniques (principalement les Noirs) bénéficient d’une surreprésentation, mais la moitié des individus montrés sont essentiellement des étrangers (là encore, des afro-américains pour la plupart). Cependant, il faut dire qu’à l’instar des États-Unis, où le Noir – qu’il soit danseur, musicien, chanteur ou sportif (Joséphine Baker, Miles Davis, Michael Jackson, Wilt Chamberlain…) – est immanquablement perçu sous les traits du showman ou de l’entertainer, un discours lancinant, autant diffusé par les programmateurs français qu’exprimé par le public français, réduit le Noir à ses qualités physiques. Trop souvent, pour ne pas dire tout le temps, les recherches en communication françaises occultent ou évitent cette dimension ethnoraciale ; en 2007, l’étude de Vincent Charlot et Jean-Paul Clément (2007), portant sur le public d’une équipe française de basketball, relève les effets discursifs de la normalisation du différentialisme ethnoracial français 1. Le travail de Charlot et Clément permet de souligner le fait que la situation française n’est guère éloignée de celle des États-Unis, que ce soit au sujet des commentaires médiatiques (Wonsek, 1992) ou des perceptions du public (Armstrong, 1992). 1 D’après un échantillon représentatif du public ciblé (celui du Club de l’élan béarnais Pau-Orthez), comportant 99 % de spectateurs blancs, 72 % affirment qu’il est plus difficile de diriger un joueur noir plutôt qu’un joueur blanc (28 %). Pour 71 % du public interrogé, les joueurs noirs s’expriment le mieux dans le domaine athlétique ; seuls 25 % estiment qu’ils s’expriment mieux dans le domaine de la stratégie. Pour définir un joueur de basket, 56 % avancent le mot “noir”. Donnons quelques exemples de commentaires rapportés par les deux chercheurs : « on critique souvent les blacks pour leur côté fantasque […] mais heureusement qu’ils sont là pour réveiller le public parfois […]. Je crois que c’est dans leur nature, tu prends Noah par exemple […], il faisait se lever les foules » (p. 123) ; « une équipe sans blacks […] ça impressionne moins, c’est sûr. Ce n’est pas que j’aime pas les basketteurs blancs mais physiquement, ils sont moins intimidants dans la raquette [cf. près du panier] » (p. 125). 60 Statistiques ethniques, débats sociétaux et études en communication… Laurent Béru La recherche confrontée aux logiques sociomédiatiques S’exprimant lors du colloque « Les écrans pâles », organisé en avril 2004 par le Haut conseil à l’intégration (HCI), le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et le Fonds d’action et de soutien pour l’intégration et la lutte contre les discriminations (FASILD), l’ancien vice-président de TF1, Étienne Mougeotte, posa une question presque désespérée au public présent, bien qu’étant l’un de ceux qui pouvait y répondre : « Comment peut-on […] donner une place plus importante et plus positive aux représentants des “minorités visibles”, c’est-à-dire à des filles et des garçons blacks, beurs, venant d’Afrique, des Antilles et d’ailleurs ? » (cité in Le bilan de la politique d’intégration, 2006 : 55). Comme ses confrères de l’époque – notamment Marc Tessier et Nicolas de Tavernost, respectivement dirigeants de France Télévision et de M6 –, Mougeotte affirma son rejet des quotas ethniques ; ceux-ci sont, selon lui, « une absurdité, [car] cela ne peut pas marcher. Je ne vois pas comment on arriverait à déterminer qu’il faut tant d’Asiatiques, tant de Français originaires du Maghreb ou d’Afrique noire » (ibid.). Imposant une représentation qui tend vers l’ethnocentrisme autour de l’apparence caucasienne, qui se veut pourtant ethniquement et racialement neutre, les responsables des chaînes de télévision françaises légitiment leur position ségrégationniste et postcoloniale, soit antirépublicaine et antidémocratique, en s’abritant derrière les principes républicains d’indistinction et d’indifférence ethnoraciales dont l’exigence est d’interdire toute évaluation ou désignation selon la couleur de la peau, l’origine géoculturelle et / ou la confession religieuse. Il est difficile de ne pas relever une « production de systèmes discriminatoires » (Noël, 2006) ; il est également difficile de ne pas reconnaître l’existence de la « face cachée des discriminations institutionnelles » (Noël, 2000). Entretenues par une certaine omerta républicaine, la superficialité des interventions publiques et l’hypocrisie de l’antiracisme de façade ne sont qu’à l’image des résistances françaises à ne pas reconnaître pendant de longues décennies l’existence et l’étendue de normes ethnoraciales : dénier la prégnance des pratiques racistes fut aussi commode qu’ordinaire. Cependant, ce déni est encore actif chez les décideurs politiques et économiques, qui n’hésitent pas à rejeter la faute sur les usagers– 61 MEI, nº 28 (« La communication nombre »), 2008 consommateurs. 1 À l’heure actuelle, la duplicité du discours républicain à l’intérieur des médias d’information se pose davantage à propos de la logique différentialiste : dans l’ensemble des médias (radio, télévision, presse), la production de l’information admet, avec une systématicité déconcertante, une différence entre les Français blancs et non-blancs. Par exemple, dans le discours journalistique, le politicien, l’entrepreneur ou le délinquant de type caucasien, d’origine européenne et de culture judéo-chrétienne, est tout simplement nommé politicien, entrepreneur ou délinquant, alors que pour l’homme politique, le chef d’entreprise ou le coupable d’actes délictuels de type africain (d’origine subsaharienne ou maghrébine) et de confession musulmane, des qualificatifs liés à son ethnicité, son origine géoculturelle et sa foi religieuse sont presque toujours convoqués pour le décrire (Béru, 2008). En effet, les considérations ethnoraciales des médias français sont légion pour commenter les violences réalisées par une infime minorité de la jeunesse issue des quartiers populaires 2, mais disparaissent dès qu’il est question de brutalités accomplies par des pêcheurs ou des agriculteurs 3. De là, à l’instar des discours d’Amérique du Nord, qui établissent des distinctions officieuses et officielles au sein de la mosaïque ethnoraciale outre-Atlantique – Blacks et Afro-Americans, Whites et Euro-Americans, Browns et Hispano-Americans, 1 Après avoir affirmé que l’ambition menant à une meilleure représentation de la population française « mérite davantage qu’un appel convenu et incantatoire à la mobilisation », Catherine Vautrin, ancienne Secrétaire d’État à l’intégration et à l’égalité des chances, souligna, lors du colloque « Les écrans pâles » (avril 2004), que « s’il est de la responsabilité commune des pouvoirs publics, des chaînes de télévision et de radio, des représentants de la profession, du Conseil supérieur de l’audiovisuel, des institutions et organismes compétents dont au premier chef le Haut Conseil, de mener à bien cette ouverture de l’audiovisuel sur la pluralité de notre nation, rien ne se fera dans la durée sans le concours tacite ou affirmé des destinataires naturels de l’audiovisuel que sont les millions de téléspectateurs de notre pays » (cité in Le bilan de la politique d’intégration, 2006 : 57). 2 Voir notamment le traitement médiatique des événements suivants : les manifestations anti-CPE (Luc Bronner, « Au cœur d’une bande du “9-3”, le plaisir de la violence », Le Monde, 25 mars 2006) et les échauffourées dans une gare parisienne (Gérard Davet et Élise Vincent, « Les bandes sous la loupe des RG », Le Monde, 6 septembre 2007). 3 Voir notamment le traitement médiatique des événements suivants : l’incendie volontaire d’une institution administrative (Jean-Louis Saux, « Une journée de violences dans les rues de Rennes a été suivie par l’incendie du Parlement de Bretagne », Le Monde, 6 février 1994) et l’acte de vandalisme dans un immeuble ministériel (François Grosrichard, « Des agriculteurs du Bassin parisien saccagent le bureau de Mme Voynet et les locaux de l’ÉNA », Le Monde, 10 février 1999). 62 Statistiques ethniques, débats sociétaux et études en communication… Laurent Béru Reds et Native Americans, Yellows et Asian-Americans –, l’universalité française prônée n’est pas car elle s’efface au profit de termes différentialistes ; ceux-ci s’attardent sur les petites différences des minorités ethnoraciales vis-à-vis de la majorité ethnoraciale. La description des discriminations ethnoraciales va de pair avec celle des écarts ethnoraciaux (Simon, 2005). Mais dès que la thématique ethnoraciale est employée pour étudier le contexte français, une forte majorité de chercheurs s’occupent davantage à mettre en avant des considérations et questionnements idéologico-politiques que des examens et interrogations méthodologico-scientifiques. Scientifiquement, ce tiraillement est dommageable, car il force les chercheurs français à se résoudre au « bricolage résult[ant] directement du manque de réflexion en amont, chez les producteurs de données » (Simon, 1998 : 562). La conséquence est que les chercheurs en sciences humaines et sociales, dans leur grande majorité, s’érigent en gardiens ou garants du principe anti-ethnoracial que promeut le régime républicain (Lorcerie, 1994 ; Simon, 2003) – selon eux, l’acceptation sociopolitique d’une France multiethnique serait un danger pour l’unité nationale. Pourtant, la domination sociale s’exprime autant à travers le niveau d’enseignement (entre surdiplômés et sous-diplômés), les ressources économico-financières (entre riches et pauvres), le genre sexuel (entre hommes et femmes), que de l’appartenance ethnique (entre Caucasiens ou Blancs et non-Caucasiens ou non-Blancs). À l’opposé de leurs confrères d’outre-Atlantique, les universitaires et les statisticiens français ne prennent en compte que les trois premières caractéristiques citées – sur ce point, les sciences sociales françaises s’accordent peu ou prou avec la démarche critique de la sociologie bourdieusienne (Bourdieu et Passeron, 1970 ; Bourdieu, 1993 ; Bourdieu, 1998). Loin d’être contre l’idée de reconnaître la réalité d’une tendance sociétale lourde, c’est-àdire celle de la reproduction des avantages et des désavantages selon l’appartenance à une classe ou à un sexe, bon nombre de chercheurs français sont toutefois moins obnubilés par la thématique ethnoraciale. Ainsi, la plupart des statistiques françaises disponibles ne parviennent pas à couvrir l’ensemble des inégalités sociales spécifiquement ethnoraciales, car elles se limitent principalement aux critères “immigrés” ou “étrangers” ; elles ne détaillent donc pas les inégalités qui défavorisent les Français d’origine africaine (maghrébine et subsaharienne) ou les Français noirs originaires des territoires ultramarins. Les pratiques racistes touchent en effet autant les Français d’origine malienne et les Noirs de nationalité malienne résidant sur le territoire français, que les citoyens français noirs guadeloupéens ou guyanais habitant en métropole. Pourtant, malgré l’existence de cet angle mort dans les résultats statistiques disponibles, des autorités institutionnelles comme la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), chargée de défendre la vie privée des citoyens par la protection des informations personnelles les 63 MEI, nº 28 (« La communication nombre »), 2008 concernant, veillent à ce que les études statistiques menées se réduisent au lieu de naissance et à la nationalité 1. Aux États-Unis, les travaux statistiques des chercheurs ont permis de faire émerger des données sociales marquantes, qui illustrent la constance des inégalités entre les communautés ethniques : ainsi, les commentaires intellectuels émanant d’impressions “à l’emporte-pièce” laissent place à des exposés rigoureux bâtis à partir d’éléments scientifiques (Skrentny, 2007). Par exemple, nous savons que les Noirs et les Hispaniques représentent respectivement 25 % et 22 % des pauvres américains, alors qu’ils ne représentent chacun que 13 % de la population totale du pays ; le taux de chômage chez les Noirs est deux fois plus élevé que chez les Blancs. Quand, en Californie, quatre diplômés du secondaire sur dix sont issus de la communauté noire ou hispanique de l’état, seuls deux étudiants sur dix sont Afro-américains ou Hispano-américains – de plus, ils sont plutôt inscrits dans des universités peu prestigieuses, et moins à Stanford ou Berkeley. Bref, ces logiques inégalitaires se répercutent dans l’ensemble des secteurs de la société américaine, notamment au sein des industries culturelles. Par exemple, à la fin des années 1990, il n’y avait que 3,9 % de Noirs membres de l’Academy Award, alors que les Afroaméricains représentaient 12 % de la population américaine et 25 % des spectateurs des salles de cinéma (Gandy, 1998 : 146) – par exemple, lors des Oscars de 1996, un seul Noir fut nommé sur un total de 166 nommés (soit 0,6 %). De tels éclaircissements socioethniques, réalisés d’après des statistiques ethniques, sont monnaie courante en Amérique du Nord. En France, par contre, la situation inverse a cours. À l’instar des travaux statistiques menés par les scientifiques d’instituts de recherche (INÉD ou INSÉÉ ), ceux réalisés par les chargés d’études des instituts d’opinion sont également contraints par la vulgate républicaine – ou du moins le furent jusqu’à peu. Les récentes enquêtes menées par les instituts d’opinion CSA 2 et TNS-SOFRES 3, portant sur les pratiques 1 Ce fut le cas du groupe audiovisuel public, France Télévision, dans le cadre d’une étude interne, menée en collaboration et selon les critères de la CNIL, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (in Actes du colloque « Statistiques ethniques » (19 octobre 2006), 2006 : 32). 2 Voir le sondage « Portrait des originaires d’Outre-mer vivant en Métropole », Institut CSA, février 2006. Consultable sur http://www.csa-fr.com/ dataset/data2006/opi20060124a.pdf 3 Voir le sondage « Les discriminations à l’encontre des populations noires de France », Institut TNS-SOFRES, janvier 2007. Consultable sur http://www.tns-sofres.com/etudes/pol/310107_cran.pdf 64 Statistiques ethniques, débats sociétaux et études en communication… Laurent Béru discriminatoires envers les Français noirs, démontrent que les instituts d’opinions se sont plus ou moins affranchis d’un vieux tabou consensuel au sein de la profession. Apeurés par cette récente tendance française, de très nombreux chercheurs-statisticiens de l’INSÉÉ et de l’INÉD sont fondamentalement contre les statistiques ethnoraciales pour la seule et unique raison qu’ils craignent l’usage qui sera fait des données quantitatives et qualitatives obtenues – notamment en faveur d’une idéologie d’extrême droite ou gauche. Cette posture est toute à leur honneur ; elle marque leur intérêt pour l’incidence néfaste que pourraient avoir leurs travaux scientifiques 1. Néanmoins, si la conscience citoyenne de ces chercheurs-statisticiens est sans faille concernant l’institutionnalisation des critères ethnoraciaux, elle est pour le moins absente au sujet des études portant sur le taux de chômage ou le niveau de formation des immigrés (voir Les immigrés en France, 2005) : là aussi, il y a lieu de craindre un usage détourné et malveillant de ces données 2, et pourtant nul ne remet en cause leur existence. Étude du monde réel ou respect des conventions républicaines À la faveur du développement des White(ness) Studies, émergées consécutivement à l’institutionnalisation académique des études dédiées aux minorités ethniques (Black & Africana Studies, Latino & Chicano Studies, Asian Studies…), de nombreux travaux nord-américains et britanniques (Dyer, 1988 ; Hall, 1990 ; Lipsitz, 1995), peu éloignés de certaines hypothèses fanoniennes (Fanon, 1952 ; Fanon, 1961), relèvent la prégnance sociale de la blancheur, ancrée dans l’imaginaire commun et imbibant les commentaires médiatico-politiques. Naturalisée dans les sociétés occidentales, ladite blancheur s’apparente à une évidence humaine, et s’exprime donc le plus naturellement du monde – certes, 1 Voir les articles de presse suivants, publiés le 6 novembre 1998 par le journal Le Monde, et écrits par les journalistes Philippe Bernard et Nicolas Weil : « Deux “versions fortes” de la gauche républicaine » et « Une virulente polémique sur les données “ethniques” divise les démographes ». 2 Par exemple, lors du recensement 2005 de l’INSÉÉ, 48 % des immigrés et 23 % des non immigrés ne possédaient pas de diplômes ; en 2003, sur un total de 25 420 personnes, le regroupement familial a concerné 19 014 individus originaires d’Afrique et 1 032 individus originaires d’Europe. Consultable sur http://www.insee.fr/fr/ffc/chifcle_fiche.asp?ref_id= NATSOS07236 — Voir aussi http://www.insee.fr/fr/ffc/chifcle _fiche.asp?tab_id=498 65 MEI, nº 28 (« La communication nombre »), 2008 souvent de manière codée ou souterraine – dans le discours institutionnel et institutionnalisant, officiel et officialisant, légitime et légitimant. En France, une telle voie académique est plus difficilement imposable. Les critiques qui se sont abattues sur les historiens français Nicolas Bancel, Pascal Blanchard et Sandrine Lemaire (2006), qui œuvrent depuis quelques années à mettre en évidence la perpétuation au sein de la démocratie républicaine de cadres discursifs et mentaux du différentialisme ethnoracial (celui-ci fut instauré durant les périodes d’esclavage et de colonisation), soulignent la cécité volontaire d’une grande partie de la communauté scientifique française (Bancel et Blanchard, 2007). Une mésaventure similaire est arrivée aux socio-démographes français Patrick Simon et Martin Clément (2006), qui, dans leur rapport Mesure de la diversité : une enquête expérimentale pour caractériser l’origine, ont incorporé le critère ethnique pour sonder la diversité ethnoraciale dans le monde de l’entreprise. Le tollé provoqué au sein de la communauté scientifique des démographes par cette étude fait suite à une importante controverse intellectuelle et méthodologique, débutée au cours des années 1990, et opposant adversaires et partisans de l’emploi des statistiques ethniques : cette confrontation fut notamment symbolisée par le débat intellectuellement tendu entre Michèle Tribalat (1997 ; 2000) et Hervé Le Bras (1997 ; 2001). Il peut paraître étonnant que les recherches françaises portant sur les industries de la culture et de l’information ne s’inspirent pas davantage des résultats obtenus par celles menées, notamment, en sociologie urbaine (Ebermeyer, 2004 ; Berger, 2006) ou scolaire (Payet, 2000 ; Felouzis, 2003), dans lesquelles sont relevées de profondes tendances ségrégatives et inégalitaires entre les divers groupes ethnoraciaux. La transdisciplinarité n’est donc pas (re)conduite afin de lier les logiques ethnoraciales qui président à la composition des quartiers des grandes villes, découlant de fait sur la composition des collèges et lycées publics, et celles peu ou prou en vigueur dans les domaines audiovisuel et cinématographique. Pourtant, que ce soit du point de vue urbain ou médiatique, ces logiques ethnoraciales produisent des « rapports de domination […] incorporés dans un ordre quasiment naturel où les inégalités fondées sur l’origine ethnique ou raciale ne sont pas (plus) perçues, de telle sorte que les discriminations n’ont pas à se justifier [car] elle ne peuvent tout simplement pas se produire » (Simon, 2006 : 162) – les Français noirs sont en effet plus présents à la télévision française en tant que sportifs de haut niveau dans le cadre d’un match de football professionnel, et moins en tant que spécialistes politiques s’exprimant lors d’une émission de débat et d’analyse. C’est précisément à ce stade de la réflexion que le besoin scientifique de statistiques doit s’imposer. La logique ethnoraciale dans les programmes télévisuels français, comme dans les productions cinématographiques, est la suivante : « La plupart des non-Blancs [montrés] 66 Statistiques ethniques, débats sociétaux et études en communication… Laurent Béru sont majoritairement à leur place, c’est-à-dire en position subalterne, et sans que ceci semble poser problème » (Macé, 2006 : 74). D’autant plus que nombreux sont les discours et représentations sociomédiatiques ou sociopolitiques qui réduisent le non-Blanc à la violence physique, à l’intégrisme religieux ou à la misogynie réactionnaire (Rigouste 2004a ; Rigouste, 2004b ; Ivekovic, 2006). Cette position subalterne – ou relative absence – se retrouve dans les effectifs journalistiques des grands médias. En France, le manque de diversité ethnoraciale des rédactions journalistiques n’a été évoqué que très récemment, car aucune étude ne pointait ce fait 1. Contrairement à la France, où sont conjointement privilégiées l’autorégulation libérale du marché du travail et la lutte contre les pratiques discriminatoires, les États-Unis tendent à multiplier les rapports aux critères ethnoraciaux dans le but de mesurer le respect ou l’irrespect des principes anti-discriminatoires. À l’instar des rapports consacrés à la présence des étudiants et des professeurs issus des minorités ethniques au sein des universités américaines, des rapports sont dédiés à la présence des Afro-Américains, des Hispano-américains, des Asiatico-Américains et des Amérindiens au sein des entreprises de communication et de médias. Commandé en 2005 par la John S. and James L. Knight Foundation, le rapport Does your newspaper reflect its community ? (Doig et Dedman, 2006) souligne que les principaux groupes médiatiques états-uniens qui respectent le plus la diversité du pays, sont ceux qui la promeuvent en interne à travers une charte professionnelle et citoyenne empreinte de volontarisme, et dont le but premier est de refléter peu ou prou la société du point de vue ethnoracial. Parmi les entreprises à la pointe de cette démarche anti-discriminatoire, citons Gannett Company, Knight Ridder, New York Times Company ou McClatchy Company. Les auteurs du rapport épinglent ainsi “les bons et les mauvais élèves” : de 2004 à 2005, parmi les 200 plus grands titres de la presse américaine, 57 % ont accru et 32 % ont décru leur nombre de rédacteurs nonblancs 2. Il est à noter qu’en matière de diversité ethnoraciale de ses effec- 1 Les travaux des sociologues des médias Rémy Rieffel (L’élite des journalistes. Les hérauts de l’information, Paris, Presses universitaires de France, 1984, 224 p.), Jean-Marie Charon (La presse quotidienne, Paris, La Découverte, 1996, 120 p.) et Érik Neveu (Sociologie du journalisme, Paris, La Découverte, 2004, 122 p.) n’apportent aucune considération pour cette logique ethnocentriste – pourtant flagrante. 2 Le rapport réalisé par Stephen Doig et Bill Dedman relève les progrès réalisés depuis la fin des années 1970, à l’époque où l’American Society of Newspaper Editors (ASNE), association réunissant les responsables éditoriaux des … 67 MEI, nº 28 (« La communication nombre »), 2008 tifs journalistiques, la presse outre-Atlantique revient de très loin : en effet, en 1986, un peu plus de 87 % des équipes dirigeantes des rédactions des quotidiens et magazines américains étaient entièrement composées de responsables blancs (Johansen, 1997 : 520). Conclusion Qu’ils soient en Sciences de l’information et de la communication ou en Science politique, certains chercheurs français aimeraient continuer à faire l’impasse sur les commentaires ethnoraciaux ; ils voudraient ainsi poursuivre leurs recherches malgré le fait que bon nombre de travaux en sciences sociales soulignent la prégnance de logiques ethniques – ou ethnicis(an)tes – et raciales – ou raci(ali)s(an)tes – dans l’élaboration de discours et la décision d’actions. Pourtant, la faible présence de journalistes télévisés ou la quasi-absence d’élus (députés et sénateurs) métropolitains en provenance de la France ultramarine (Guyane, La Réunion, Martinique…) ou d’origine africaine (subsaharienne et maghrébine) est plus que flagrante pour ne pas être soulignée à sa juste valeur. Pour relever scientifiquement ce fait, s’appuyer sur la dimension qualitative est nécessaire mais insuffisant. Dans une situation où l’hypothèse posée confronte surreprésentation (blanche, caucasienne) et sous-représentation (non-blanche, africaine, asiatique), la dimension quantitative s’avère essentielle. Seule une recherche à la fois quantitative et qualitative, composée de questionnaires (questions et réponses basiques : âge, sexe, catégorie socioprofessionnelle, origine ethnique, couleur de peau) et … quotidiens américains, invita ses adhérents à améliorer leur réflexion sur la société américaine en prenant garde à ne plus produire des salles de rédaction entièrement constituées de journalistes blancs. En 1978, l’ASNE avança l’idée suivante : favoriser l’embauche d’un plus grand nombre de reporters nonblancs. Le rapport rappelle qu’en 2005, les rédactions de plus de trois cents quotidiens américains n’étaient constituées que de salariés caucasiens. Cette logique ethnocentrique provient principalement du fait que ces journaux sont situés dans des villes – souvent (très) petites – qui possèdent une communauté blanche extrêmement majoritaire, comme le Plainview Daily Herald au Texas. Alors que les rédactions des 200 plus grands titres de la presse américaine ont perdu 2 200 journalistes depuis 2001, le nombre de journalistes non-blancs a augmenté de 700 personnes. Cependant, malgré un certain volontarisme de la part des professionnels américains, les écarts ethnoraciaux demeurent tout de même prégnants : par exemple, le Wall Street Journal et le New York Times embauchent respectivement 18 % et 17 % de rédacteurs non-blancs, alors que la population de l’état où ils sont implantés (New York) possède 30 % de non-blancs. 68 Statistiques ethniques, débats sociétaux et études en communication… Laurent Béru d’entretiens (questions et réponses nécessitant de plus amples développements), permettrait de cibler l’importance des stéréotypes ethnoraciaux, autant dans les dits que dans les non-dits, qui normalisent à partir des Blancs et particularisent autour des non-Blancs. Les désignations d’Audrey Pulvar et d’Harry Roselmack à la présentation d’un journal télévisé d’une grande chaîne audiovisuelle française, comme les nominations de Rachida Dati et de Rama Yade au sein du gouvernement français, aussi médiatisées et symboliques soient-elles, ne suffisent à camoufler la persistance d’un racisme institutionnel car culturel (Bataille, 1999). Est-ce le discours pro-statistiques ethniques qui communautarise la France ? Comment répondre positivement à cette dernière question quand nous savons notamment les choses suivantes : du milieu des années 1970 jusqu’au début de l’année 2008, TF1 et France2 réunis n’ont connu que deux journalistes non-blancs – un noir et un d’origine maghrébine – à la présentation de leurs journaux télévisés (13 heures et 20 heures) pour une cinquantaine de journalistes blancs ; sur le territoire métropolitain, chacun des cinq principaux partis politiques français représentés à l’Assemblée nationale n’a investi en moyenne que trois ou quatre candidats noirs lors des élections législatives de juin 2007 sur un total de 555 investitures possibles 1. Est-ce le fait d’énoncer ce constat qui ethnicise les débats sociétaux français ? Ou bien est-ce le fait de vivre cette réalité qui communautarise la société française ? Par ailleurs, nous savons que lors de la production de chacun de leur message audiovisuel, annonceurs et publicitaires étudient de très près leur cœur de cible, notamment en visant la fameuse “ménagère de moins de cinquante ans”. Connaissant l’invariabilité de cette pratique communicationnelle, comment peut-on imaginer que seul le critère ethnoracial échappe au portrait-type de l’acheteur–consommateur potentiel ? Bibliographie —. Actes du colloque « Statistiques ethniques » (19 octobre 2006), Paris : Centre d’analyse stratégique, 65 pages. —. Le bilan de la politique d’intégration, Paris : La Documentation Française, 2006, 328 pages, p. 55. —. Les immigrés en France. Paris : INSÉÉ, 2005, 161 pages. 1 Chiffres issus d’une étude réalisée en juin 2007 par le Conseil représentatif des associations noires (CRAN). 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