Fasc. 1284 : BAIL COMMERCIAL. Fin du bail. Clause résolutoire
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Page 1 Fasc. 1284 : BAIL COMMERCIAL. Fin du bail. Clause résolutoire JurisClasseur Bail à loyer Fasc. 1284 : BAIL COMMERCIAL. Fin du bail. Clause résolutoire Date du fascicule : 9 Octobre 2014 Date de la dernière mise à jour : 9 Octobre 2014 Philippe-Hubert Brault - Avocat à la Cour de Paris Points-clés 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. La clause résolutoire sanctionne l'inexécution par le preneur des clauses et conditions du bail et elle est susceptible de s'appliquer aux baux assujettis au statut des baux commerciaux pendant la tacite prolongation ou le maintien dans les lieux du preneur après refus de renouvellement (V. n° 1, 3 à 7 ). Cette sanction s'applique de plein droit lorsque le bail commercial n'est pas assujetti au statut des baux commerciaux, dans le cas contraire le juge est amené nécessairement à se prononcer selon l'article L. 145-41 du Code de commerce (V. n° 6 et 8 ). Ce texte est d'ordre public ainsi qu'il était explicitement rappelé par l'article L. 145-15 du Code de commerce : la sanction encourue se trouve renforcée depuis que la loi du 18 juin 2014 a substitué à la nullité la notion de "clause réputée non écrite" (V. n° 12 ). Sa mise en uvre est subordonnée à la notification par exploit d'huissier d'une mise en demeure établissant l'imputabilité des faits au regard des clauses et conditions du bail et dans la limite de la clause résolutoire en faisant courir un délai d'un mois à l'issue duquel la persistance du manquement doit être établi par le bailleur, sous réserve que celui-ci en invoque le bénéfice de bonne foi (V. n° 12 à 24 ). La mise en uvre de la clause résolutoire est exclue lorsque celle-ci ne mentionne pas explicitement le délai d'un mois requis par la loi ou lorsque les indications fournies par le commandement sont susceptibles d'impliquer des délais différents en vue de l'exécution de ses obligations par le preneur (V. n° 25 ) L'opposition à commandement, comme la demande de suspension des effets de la clause résolutoire avec l'octroi de délais relève de la compétence du tribunal de grande instance (V. n° 42 à 45 ) et la demande de suspension peut être faite tant qu'une décision définitive n'a pas déclaré acquis le bénéfice de la clause résolutoire au propriétaire (V. n° 48 à 53 ) : dans ce cas, il appartient au preneur de se libérer impérativement dans les délais impartis par le juge et selon les modalités prévues à cet effet par l'ordonnance (V. n° 56 à 61 ). Toute demande, soit principale, soit reconventionnelle, tendant à l'acquisition du bénéfice de la clause résolutoire doit être dénoncée aux créanciers inscrits selon l'article L. 143-2 du Code de commerce, et ceux-ci disposent d'un délai d'un mois pour se substituer le cas échéant au débiteur défaillant (V. n° 34 à 39 ), à défaut le créancier peut s'avérer fondé à solliciter Page 2 8. 9. l'indemnisation du préjudice qui en découle (V. n° 40 et 41 ). Si le débiteur se libère dans les délais impartis et selon les modalités prévues, comme dans l'hypothèse où dans le délai d'un mois consécutif à la dénonciation le créancier se substitue au débiteur défaillant, le bailleur ne peut se prévaloir du bénéfice de la clause résolutoire (V. n° 39 et 61 ), tout en conservant néanmoins ses droits soit sur le fondement du droit commun (V. JCl. Bail à loyer, Fasc. 1282 ou JCl. Civil Code, Art. 1708 à 1762, fasc. 1282 ou JCl. Notarial Répertoire , V° Bail à loyer , fasc. 1282 ou JCl. Entreprise individuelle , Fasc. 1282), soit sur le plan statutaire si la mise en demeure visait les dispositions de l'article L. 145-17 du Code de commerce. Des questions spécifiques se posent en cas d'ouverture d'une procédure collective du chef du preneur soit dans le cas où le bailleur a tenté de se prévaloir de la clause résolutoire antérieurement à cette décision, soit postérieurement au jugement.Quelques remarques sont formulées concernant le sort des procédures antérieures au jugement d'ouverture ou les conditions d'obtention de délai postérieurement, notamment par le liquidateur, mais ces différentes questions sont examinées d'une façon plus complète et détaillée par les fascicules consacrés aux procédures collectives (V. JCl. Bail à loyer, Fasc. 1286-10, 1286-20, 1286-30 et 1286-40 ou JCl. Civil Code, Art. 1708 à 1762, fasc. 1286-10, 1286-20, 1286-30 et 1286-40 ou JCl. Notarial Répertoire, V° Bail à loyer, fasc. 1286-10, 1286-20, 1286-30 et 1286-40 ou JCl. Entreprise individuelle , Fasc. 1286-10, 1286-20, 1286-30 et 1286-40). Introduction 1. La clause résolutoire a pour objet de sanctionner l'inexécution par le cocontractant des obligations découlant du bail commercial, faute d'avoir obtempéré dans le délai d'un mois consécutif à la mise en demeure qui lui a été auparavant signifiée. Sa mise en application découle de la convention, mais se trouve encadrée par des dispositions d'ordre public : l'article 25 du décret du 30 septembre 1953 devenu après codification l'article L. 145-41 du Code de commerce inséré dans la section VII "de la résiliation" du Chapitre V consacrée au bail commercial. La question de la constitutionalité de ce texte a été posée, mais il a été jugé que celle-ci ne présentait pas un caractère sérieux, dès lors que la disposition critiquée, autorisant le preneur d'un bail à usage commercial en obtenant des délais de grâce, à faire suspendre les effets de la clause résolutoire, répond à un motif d'intérêt général et que sa mise en uvre est entourée de garanties procédurales et de fond suffisantes (Cass. 3e civ., 18 juin 2010, n° 09-71.209, 12103 : JurisData n° 2010-010069 ; RTD com. 2011, p. 57, note F. Kanderian). Indépendamment de ce texte se trouvent également regroupées sous cette rubrique les modalités d'application de la clause résolutoire lorsque la loi limite ses effets : ainsi pendant le temps nécessaire à la réalisation des travaux de transformation découlant de la déspécialisation sans que le délai ne puisse excéder six mois (C. com., art. L. 145-42) ; en cas de redressement ou de liquidation judiciaire de l'entreprise locataire, procédures qui ne peuvent entraîner de plein droit la résiliation du bail des immeubles affectés à l'industrie, au commerce ou à l'artisanat du débiteur (C. com., art. L. 145-45). Page 3 2. La mise en uvre éventuelle de la clause résolutoire ne doit pas être confondue avec : la résiliation de droit commun qui découle des articles 1184 et 1741 du Code civil : celle-ci peut être poursuivie judiciairement sans mise en demeure préalable, à la requête du bailleur ou du preneur, et la juridiction saisie doit apprécier la gravité de la faute alléguée au regard de la sanction encourue, alors que saisi sur le fondement de la clause résolutoire, le juge doit en principe constater l'existence et la persistance de l'infraction sans pouvoir en moduler les conséquences selon la gravité des faits (cf. CA Paris, 16e ch. B, 10 janv. 2003, n° 2002/03721 : JurisData n° 2003-202179 et n° 46) ; le refus de renouvellement pour motifs graves et légitimes régi par les dispositions de l'article L. 145-17 I du Code de commerce.La délivrance préalable d'une mise en demeure est également requise, mais là encore la juridiction saisie dispose d'une appréciation souveraine de la gravité de la faute alléguée, à défaut par le preneur d'avoir obtempéré dans le délai légal d'un mois (Cass. 3e civ., 28 sept. 2004. Cass. 3e civ., 9 nov. 2004 : Gaz. Pal. n° spécial, Baux commerciaux, déc. 2005, p. 12, note J.-D. Barbier).Mais tant en ce qui concerne le refus de renouvellement pour motifs graves et légitimes que la clause résolutoire, il s'agit de sanctionner un manquement imputable au preneur et non au bailleur. la résiliation de plein droit du contrat de bail encourue lorsque le preneur fait l'objet d'une procédure collective (Cass. com., 21 févr. 2012, n° 11-11.512, 217 : JurisData n° 2012-002828 ; Loyers et copr. 2012, comm. 111, obs. Ph.-H. Brault). I. - Champ d'application A. - Baux assujettis ou non au statut des baux commerciaux 3. L'article L. 145-41 du Code de commerce énonce les conditions dans lesquelles la clause résolutoire insérée dans le bail commercial peut recevoir application : le caractère général de ces dispositions pourrait laisser supposer qu'elles s'appliquent à tout bail commercial assujetti ou non aux dispositions statutaires et la question pourrait alors se poser à l'égard des baux dérogatoires (C. com., art. L. 145-5), des baux portant sur des locaux accessoires ou des baux de terrains non protégés par les dispositions statutaires (C. com., art. L. 145-1, I, 1°) : par analogie avec la solution retenue lorsque les anciennes dispositions de l'article 25 ne pouvaient recevoir application qu'à défaut de paiement des loyers au terme contractuel, il semble que le bailleur puisse opposer à toute demande de délais et de suspension des effets de la clause résolutoire l'inapplication du texte légal, faute par le bail d'entrer dans le champ d'application du statut des baux commerciaux (cf. n° 27). 4. Sous l'empire du décret du 30 septembre 1953, les dispositions régissant la clause résolutoire relevaient du titre V "du loyer et de la clause résolutoire", ce qui correspondait à la finalité initiale du texte (V. n° 10 ) : mais désormais l'article L. 145-41 relève de la section VII "de la résiliation" et ce après codification partielle du statut des baux commerciaux. 5. Lorsque les parties conviennent d'une extension conventionnelle entraînant l'application du statut des baux commerciaux à un bail qui n'en relevait pas nécessairement, il a été jugé que l'ensemble des dispositions statutaires est réputé applicable à cette convention (Cass. ass. plén., 17 mai 2002, n° 00-11.664 : JurisData n° 2002-014447 ; Loyers et copr. 2002, comm. 174, obs. Ph.-H. Brault ; AJDI 2002, p. 525, obs. Blatter ; Defrénois 2002, p. 1234, obs. Libechaber) : tel doit être le cas de l'article L. 145-41 si le bail comporte une clause résolutoire. Mais il a été jugé dans des conditions qui peuvent appeler quelques réserves que le preneur qui n'est pas inscrit au registre du commerce et des sociétés n'a pas la qualité de commerçant et ne peut pas bénéficier du statut des baux commerciaux en sollicitant la suspension des effets Page 4 de la clause résolutoire (CA Douai, 2ech. 1re sect., 21 avr. 2010, n° 09/04396 : JurisData n° 2010-018543). 6. Baux mixtes La clause résolutoire s'applique aux baux mixtes sans distinguer la partie à usage commercial et celle affectée à l'habitation : mais la solution est différente si le commandement vise à la fois les loyers dus au titre de deux baux distincts à usage respectif d'habitation et commercial avec les conséquences procédurales qui en découlent (Cass. 3e civ., 20 juin 2010, n° 09-16.244, 879 : JurisData n° 2010-010530). Néanmoins, elle ne peut être invoquée sur le fondement de la clause insérée dans le bail commercial consécutif à un bail dérogatoire alors que la défaillance alléguée est antérieure au bail en cours (CA Paris, pôle 5, 3e ch., 25 janv. 2012, n° 09/08127 : JurisData n° 2012-00112). 7. Bail à construction et crédit-bail immobilier Il a été jugé que les anciennes dispositions de l'article 25 du décret ne peuvent être invoquées par le preneur d'un bail à construction (Cass. 3e civ., 11 mai 1988 : Bull. civ. 1988, III, n° 89 ; D. 1988, inf. rap. p. 146), si bien qu'une action tendant à constater une résiliation déjà acquise au jour du jugement d'ouverture ne peut être suspendue par application de l'article L. 621-40 du Code de commerce(Cass. 3e civ., 28 janv. 2004, n° 01-00.893 : JurisData n° 2004-021997 ; Loyers et copr. 2004, comm. 52). De même le bénéfice de l'article L. 145-41 ne peut être invoqué par le crédit-preneur (CA Paris, 5 janv. 1996 : Loyers et copr. 1996, comm. 120), les dispositions statutaires étant inapplicables à une telle convention (Cass. 3e civ., 10 juin 1980 : JCP G 1981, II, 1965, note Bey). Ce texte pourrait néanmoins s'appliquer à la convention de sous-location conclue par le crédit-preneur qui est susceptible au moins pendant la durée du contrat de crédit-bail de bénéficier des dispositions statutaires (CA Versailles, 17 juin 1997 : JurisData n° 1997-045014 ; D. Affaires 1997, p. 994). B. - Bail en cours renouvelé ou échu 8. La clause résolutoire s'applique pendant toute la durée contractuelle du bail comme de sa tacite prolongation selon les modalités prévues à cet effet par les articles L. 145-9, L. 145-10 et L. 145-12 du Code de commerce, tels qu'ils découlent des modifications successives dont ils ont été l'objet et en dernier lieu de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012(JCP G 2012, 413). Il en est de même en cas de renouvellement du bail selon les clauses et conditions du bail échu, à moins que les parties ne s'accordent pour modifier ou supprimer la clause résolutoire, en apportant une novation à cet égard. Dans l'hypothèse où le jugement fixant le montant du loyer du bail renouvelé vaut bail selon l'article L. 145-57 du Code de commerce, la clause résolutoire insérée dans le bail initial peut valablement être invoquée par le bailleur (CA Nîmes, ch. com., 12 févr. 2009 : JurisData n° 2009-003968). Une difficulté pouvait surgir postérieurement à la date d'échéance du bail en cas de refus de renouvellement par l'effet du congé ou en réponse à la demande de renouvellement : l'infraction commise par le preneur pendant la période de maintien dans les lieux est néanmoins susceptible d'être sanctionnée par application de la clause résolutoire (Cass. 3e civ., 9 déc. 1980 : Gaz. Pal. 1981, 1, p. 410, note Brault. Cass. 3e civ., 1er mars 1995, n° 93-10.172 : JurisData n° 1995-000516 ; Bull. civ. 1995, III, n° 3 ; Administrer juill. 1995, p. 27, note J.-D. Barbier). C. - Infractions relevant de l'article L. 145-41 9. Dans sa rédaction initiale, l'article 25 du décret visait exclusivement le défaut de paiement du loyer aux échéances convenues : on s'était donc interrogé sur le champ d'application de ce texte dont l'interprétation littérale avait prévalu. Les dispositions de l'article 25 avaient été déclarées inapplicables : au défaut de paiement des taxes et prestations mises en recouvrement de même que le loyer (Cass. 3e civ., 17 nov. 1976 : Gaz. Pal. 1977, 1, somm. p. 16 ; AJPI 1977, p. 635. Cass. 3e civ., 10 oct. 1979 : Gaz. Pal. 1981, pan. jurispr. p. 11. Cass. 3e civ., 7 févr. 1984 : Rev. Page 5 loyers 1984, p. 205) ; au défaut de paiement de l'indemnité d'occupation due par le preneur selon l'article 20 du décret (C. com., art. L. 145-28. Cass. 3e civ., 9 déc. 1980 : Gaz. Pal. 1981, 1, p. 410, note Brault ; JCP G 1981, II, 19612, note Boccara) ; et d'une façon générale, à l'égard de toute défaillance du preneur autre que le défaut de paiement des loyers aux échéances contractuelles (Cass. com., 6 janv. 1961 : Gaz. Pal. 1961, 1, p. 185 ; Rev. loyers 1961, p. 233. Cass. 3e civ., 7 févr. 1984 : JCP G 1984, IV, p. 118 ; Rev. loyers 1984, p. 205), ainsi qu'en cas de défaut de paiement des rappels de loyers après révision judiciaire (Cass. 3e civ., 20 avr. 1985 : Bull. civ. 1985, III, n° 71. Cass. 3e civ., 11 juill. 1990, n° 88-19.994 : JurisData n° 1990-703912 ; Gaz. Pal. 1991, 1, 82, note Ph.-H. Brault ; D. 1991, somm. p. 327, obs. Aubert). 10. Selon cette jurisprudence, pour les baux soumis au statut, il existait deux régimes différents selon la nature de l'infraction commise par le preneur : à défaut de paiement des loyers, le preneur pouvait invoquer le bénéfice de l'ancien article 25 (suspension des effets de la clause résolutoire) ; dans les autres cas, les sanctions découlant de la clause résolutoire étaient encourus dans toute leur rigueur et sans que la juridiction saisie n'ait la faculté d'en suspendre les effets, le juge devant se borner à constater la persistance de l'infraction au-delà du délai d'un mois et d'en tirer les conséquences qui s'imposaient. 11. Loi du 31 décembre 1989 L'article 7 de la loi n° 89-1008 du 31 décembre 1989 relative au développement des entreprises commerciales et artisanales et à l'amélioration de leur environnement économique, juridique et social, a modifié l'article 25 du décret en y supprimant toute référence au "défaut de paiement du loyer" (JO 2 janv. 1990 ; JCP G 1990, III, 63449). Désormais, les dispositions de l'article L. 145-41 sont applicables quel que soit le motif qui a incité le bailleur à tenter de se prévaloir de la clause résolutoire (CA Paris, 4 mai 1990 : D. 1990, somm. p. 259, obs. Rozès. CA Paris, 5 avr. 1990 : Gaz. Pal. 1990, 2, somm. p. 423, note Brault), qu'il s'agisse des charges ou d'une obligation de faire (Cass. 3e civ., 15 janv. 1992, n° 90-16.059 : JurisData n° 1992-000069 ; Administrer mai 1992, p. 21, note Barbier, pour la suppression de l'enseigne. Cass. 3e civ., 30 mai 1996, n° 93-17.201 : JurisData n° 1996-002090 ; Loyers et copr. 1996, comm. 351, note Ph.-H. Brault ; RD imm. 1996, p. 624, obs. J. Derruppé). 12. Il a été jugé que les nouvelles dispositions légales sont d'application immédiate aux baux commerciaux, de même qu'aux instances en cours (Cass. 3e civ., 15 janv. 1992 : Loyers et copr. 1992, comm. 170. Cass. 3e civ., 4 oct. 1994 : Rev. loyers 1995, p. 25 ; Loyers et copr. 1994, comm. 478, note Ph.-H. Brault). II. - Conditions générales A. - Prescriptions légales et sanctions 13. L'article L. 145-41 du Code de commerce énonce les conditions dans lesquelles la clause résolutoire est susceptible, quel qu'en soit le fondement, d'être acquise au profit du bailleur, ce qui implique qu'au-delà de l'imputabilité des faits (cf. n° 17), il soit nécessaire d'analyser toute clause insérée dans le bail commercial pour vérifier si celle-ci se trouve en adéquation avec les prescriptions légales. Page 6 Deux sanctions sont susceptibles d'être encourues : d'une part, selon le texte légal, la nullité faute d'avoir mentionné le délai d'un mois imparti au preneur pour déférer à l'injonction qui lui est notifiée ; d'autre part, selon l'article L. 145-15 du Code de commerce qui, après codification, disposait qu'étaient réputés nuls et de nul effet, quelle qu'en soit la forme, les clauses, stipulations et arrangements qui ont pour effet de contrevenir notamment aux dispositions de l'article L. 145-41 du Code de commerce. Le régime de l'action en nullité était susceptible de relever de la prescription biennale découlant de l'article L. 145-60 du Code de commerce. 14. L'article 6 de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 a substitué aux mots "nuls et de nul effet" une autre sanction découlant des mots "réputés non écrits" : ceci correspond à la volonté du législateur telle qu'elle découle des débats parlementaires et notamment des rapports faits au nom des Commissions des affaires économiques de l'Assemblée Nationale et du Sénat. Le rapport de M. Fabrice Verdier, député, rappelle que : "Cet article adopté [par la Commission à son initiative] modifie les articles L. 145-15 et L. 145-16 du code de commerce en remplaçant la nullité de certaines clauses par le fait qu'elles sont réputées non écrites. La clause réputée non écrite est en effet considérée comme n'ayant pas d'existence et, de ce fait, aucune prescription ne court à son égard" (Rapp. n° 1739 fait au nom de la commission des affaires économiques de l'Assemblée Nationale déposé le 29 janv. 2014). Quant aux causes et aux objectifs affichés de cette modification, elles sont décrites par M. Yannick Vaugrenard, Sénateur, dans son rapport, présenté à la commission des affaires économiques du Sénat : « L'article L. 145-60 du Code de commerce dispose que toutes les actions en justice exercées en vertu du chapitre V du titre IV du livre Ier du Code de commerce, autrement dit le chapitre relatif aux baux commerciaux, se prescrivent par deux ans : Cette durée de prescription s'applique en particulier aux clauses qui ont pour effet de faire échec au droit de renouvellement, ainsi qu'à celles qui tendent à interdire au locataire de céder son bail à l'acquéreur de son fonds de commerce, ce qui est problématique. En effet, ces droits sont des protections relevant de l'ordre public économique. Les clauses contractuelles prévoyant la renonciation à ces droits sont d'ailleurs considérées comme nulles aux termes des articles L. 145-15 et L. 145-16 du Code de commerce. Cependant cette nullité ne permet pas de les soustraire aux règles de prescription prévues à l'article L. 145-60 (bien que nulle, la clause illégale est en effet écrite et donc soumise à la prescription). Un justiciable dispose donc d'une durée très limitée pour contester l'application de clauses contractuelles qui restreignent de manière drastique les dispositions protectrices instituées par le législateur en faveur des locataires. » Et d'ajouter qu'il s'agit de protéger "mieux les locataires victimes de clauses illégales en privant de fait d'impunité les bailleurs qui outrepassent leurs droits" (Rapp. n° 440 [2013-2014] de M. Yannick Vaugrenard, fait au nom de la commission des affaires économiques du Sénat, déposé le 9 avril 2014). Peuvent être concernées les clauses qui auraient pour objet la mise en uvre d'une telle clause par lettre recommandée avec accusé de réception, la résiliation de plein droit du bail en cas de cession réalisée dans des conditions non conformes aux prescriptions du bail ou qui prévoiraient un délai inférieur à un mois (cf. n° 24). La notion de clause "réputée non écrite" n'est pas une innovation dans le statut des baux commerciaux : l'article L. 145-45 sanctionne ainsi toute clause qui prévoirait qu'en cas de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire le bail serait résilié de plein droit. 15. Cependant, la nouvelle rédaction de ce texte suscite quelques interrogations dans l'attente de la jurisprudence : d'une part, la rédaction de l'article L. 145-41 n'a pas été modifiée par la loi du 18 juin 2014 et la nullité du commandement est toujours encourue, faute de mentionner le délai d'un mois : on s'est interrogé sur la contradiction qui pourrait exister au niveau des sanctions encourues (Le statut des baux commerciaux et la clause réputée non écrite, Loyers et copr. 2014, étude 5) Page 7 , mais en réalité il faut distinguer les conditions de forme auxquelles est assujetti le commandement ou la mise en demeure où la nullité de l'acte et non de la clause est effectivement encourue et la sanction attachée à la rédaction de la clause elle-même qui serait réputée non écrite, c'est-à-dire privée d'effet sans que le bailleur ne puisse désormais invoquer le bénéfice d'une stipulation dont la disparition réduirait ses moyens d'action à une demande en résiliation de bail selon le droit commun ou à un motif grave et légitime de refus de renouvellement. d'autre part, le législateur a omis de modifier l'article L. 145-60 du Code de commerce qui énonce que toutes les actions exercées en vertu des textes qui régissent le bail commercial statutaire se prescrivent par deux ans. Or, la sanction découlant de l'article L. 145-15 s'inscrit dans le cadre statutaire : il est vraisemblable que cette question sera soulevée pour tenter de mettre en échec l'action ou la demande d'un locataire et que les cours d'appel seront amenées à préciser le domaine d'application de ce texte qui énonce une prescription civile, en principe inapplicable en présence d'une clause réputée non écrite selon la loi. (cf. sur ce point : C. Mutelet, J. Prigent et M. L. Rodriguez, Réforme du régime des baux commerciaux : Rev. loyers 2014, p. 328. J.-D. Barbier et C.-E. Brault, La Réforme du statut des baux commerciaux par la loi du 18 juin 2014, art. L. 145-15 : Gaz. Pal. 2014, n° Droit des Baux commerciaux 8-9 août 2014, p. 19). B. - Conditions de fond 16. La mise en uvre de la clause résolutoire suppose : qu'une faute puisse être imputée au preneur, donc une infraction commise à l'encontre des charges et conditions du bail (Cass. 3e civ., 17 sept. 2013 : AJDI 2014, p. 447, obs. R. Hallard) ; qu'un tel manquement puisse être sanctionné par la clause résolutoire, dont la portée doit être analysée ; que celle-ci puisse être invoquée de bonne foi par le bailleur compte tenu de la nature des faits reprochés et du délai imparti au preneur qui peut également tenter de s'en exonérer en invoquant la force majeure (CA Nîmes, 11 mars 1993 : Loyers et copr. 1994, comm. 23. CA Paris, 7 janv. 1994 : Loyers et copr. 1994, comm. 430. CA Paris, 19 déc. 2001, n° 2001/16646 : JurisData n° 2001-165196) ; que le manquement ait perduré au-delà d'un mois après commandement ou mise en demeure. 1° Sur l'imputabilité des faits 17. Faute contractuelle Il appartient au bailleur d'établir que le preneur a contrevenu aux clauses et conditions du bail dont les stipulations doivent être analysées en cas de litige pour en déterminer la portée, de même que la persistance de l'infraction au-delà du délai d'un mois (Cass. 3e civ., 18 juin 1986 : Rev. loyers 1986, p. 363. Cass. 3e civ., 22 févr. 1989 : Rev. loyers 1989, p. 168. Cass. 3e civ., 12 juin 2001 : AJDI 2001, p. 983, note Blatter. Cass. 3e civ., 13 nov. 1997, n° 95-16.419 : JurisData n° 1997-004432 ; Loyers et copr. 1998, comm. 67, obs. Ph.-H. Brault). Ce principe a été à nouveau rappelé par deux décisions plus récentes, l'une concernant l'absence de toute référence explicite au défaut de paiement des intérêts dus