Fasc. 1284 : BAIL COMMERCIAL. Fin du bail. Clause résolutoire

Transcription

Fasc. 1284 : BAIL COMMERCIAL. Fin du bail. Clause résolutoire
Page 1
Fasc. 1284 : BAIL COMMERCIAL. Fin du bail. Clause résolutoire
JurisClasseur Bail à loyer
Fasc. 1284 : BAIL COMMERCIAL. Fin du bail. Clause résolutoire
Date du fascicule : 9 Octobre 2014
Date de la dernière mise à jour : 9 Octobre 2014
Philippe-Hubert Brault - Avocat à la Cour de Paris
Points-clés
1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. La clause résolutoire sanctionne l'inexécution par le preneur des clauses et conditions du bail
et elle est susceptible de s'appliquer aux baux assujettis au statut des baux commerciaux
pendant la tacite prolongation ou le maintien dans les lieux du preneur après refus de
renouvellement (V. n° 1, 3 à 7 ).
Cette sanction s'applique de plein droit lorsque le bail commercial n'est pas assujetti au statut
des baux commerciaux, dans le cas contraire le juge est amené nécessairement à se
prononcer selon l'article L. 145-41 du Code de commerce (V. n° 6 et 8 ).
Ce texte est d'ordre public ainsi qu'il était explicitement rappelé par l'article L. 145-15 du Code
de commerce : la sanction encourue se trouve renforcée depuis que la loi du 18 juin 2014 a
substitué à la nullité la notion de "clause réputée non écrite" (V. n° 12 ).
Sa mise en uvre est subordonnée à la notification par exploit d'huissier d'une mise en
demeure établissant l'imputabilité des faits au regard des clauses et conditions du bail et dans
la limite de la clause résolutoire en faisant courir un délai d'un mois à l'issue duquel la
persistance du manquement doit être établi par le bailleur, sous réserve que celui-ci en
invoque le bénéfice de bonne foi (V. n° 12 à 24 ).
La mise en uvre de la clause résolutoire est exclue lorsque celle-ci ne mentionne pas
explicitement le délai d'un mois requis par la loi ou lorsque les indications fournies par le
commandement sont susceptibles d'impliquer des délais différents en vue de l'exécution de ses
obligations par le preneur (V. n° 25 )
L'opposition à commandement, comme la demande de suspension des effets de la clause
résolutoire avec l'octroi de délais relève de la compétence du tribunal de grande instance (V.
n° 42 à 45 ) et la demande de suspension peut être faite tant qu'une décision définitive n'a pas
déclaré acquis le bénéfice de la clause résolutoire au propriétaire (V. n° 48 à 53 ) : dans ce
cas, il appartient au preneur de se libérer impérativement dans les délais impartis par le juge et
selon les modalités prévues à cet effet par l'ordonnance (V. n° 56 à 61 ).
Toute demande, soit principale, soit reconventionnelle, tendant à l'acquisition du bénéfice de la
clause résolutoire doit être dénoncée aux créanciers inscrits selon l'article L. 143-2 du Code de
commerce, et ceux-ci disposent d'un délai d'un mois pour se substituer le cas échéant au
débiteur défaillant (V. n° 34 à 39 ), à défaut le créancier peut s'avérer fondé à solliciter
Page 2
8. 9. l'indemnisation du préjudice qui en découle (V. n° 40 et 41 ).
Si le débiteur se libère dans les délais impartis et selon les modalités prévues, comme dans
l'hypothèse où dans le délai d'un mois consécutif à la dénonciation le créancier se substitue au
débiteur défaillant, le bailleur ne peut se prévaloir du bénéfice de la clause résolutoire (V. n° 39
et 61 ), tout en conservant néanmoins ses droits soit sur le fondement du droit commun (V. JCl.
Bail à loyer, Fasc. 1282 ou JCl. Civil Code, Art. 1708 à 1762, fasc. 1282 ou JCl. Notarial
Répertoire , V° Bail à loyer , fasc. 1282 ou JCl. Entreprise individuelle , Fasc. 1282), soit sur le
plan statutaire si la mise en demeure visait les dispositions de l'article L. 145-17 du Code de
commerce.
Des questions spécifiques se posent en cas d'ouverture d'une procédure collective du chef du
preneur soit dans le cas où le bailleur a tenté de se prévaloir de la clause résolutoire
antérieurement à cette décision, soit postérieurement au jugement.Quelques remarques sont
formulées concernant le sort des procédures antérieures au jugement d'ouverture ou les
conditions d'obtention de délai postérieurement, notamment par le liquidateur, mais ces
différentes questions sont examinées d'une façon plus complète et détaillée par les fascicules
consacrés aux procédures collectives (V. JCl. Bail à loyer, Fasc. 1286-10, 1286-20, 1286-30 et
1286-40 ou JCl. Civil Code, Art. 1708 à 1762, fasc. 1286-10, 1286-20, 1286-30 et 1286-40 ou
JCl. Notarial Répertoire, V° Bail à loyer, fasc. 1286-10, 1286-20, 1286-30 et 1286-40 ou JCl.
Entreprise individuelle , Fasc. 1286-10, 1286-20, 1286-30 et 1286-40).
Introduction
1. La clause résolutoire a pour objet de sanctionner l'inexécution par le cocontractant des obligations
découlant du bail commercial, faute d'avoir obtempéré dans le délai d'un mois consécutif à la mise en
demeure qui lui a été auparavant signifiée.
Sa mise en application découle de la convention, mais se trouve encadrée par des dispositions d'ordre
public : l'article 25 du décret du 30 septembre 1953 devenu après codification l'article L. 145-41 du Code de
commerce inséré dans la section VII "de la résiliation" du Chapitre V consacrée au bail commercial. La
question de la constitutionalité de ce texte a été posée, mais il a été jugé que celle-ci ne présentait pas un
caractère sérieux, dès lors que la disposition critiquée, autorisant le preneur d'un bail à usage commercial en
obtenant des délais de grâce, à faire suspendre les effets de la clause résolutoire, répond à un motif d'intérêt
général et que sa mise en uvre est entourée de garanties procédurales et de fond suffisantes (Cass.
3e civ., 18 juin 2010, n° 09-71.209, 12103 : JurisData n° 2010-010069 ; RTD com. 2011, p. 57, note
F. Kanderian).
Indépendamment de ce texte se trouvent également regroupées sous cette rubrique les modalités
d'application de la clause résolutoire lorsque la loi limite ses effets :
ainsi pendant le temps nécessaire à la réalisation des travaux de transformation découlant de
la déspécialisation sans que le délai ne puisse excéder six mois (C. com., art. L. 145-42) ;
en cas de redressement ou de liquidation judiciaire de l'entreprise locataire, procédures qui ne
peuvent entraîner de plein droit la résiliation du bail des immeubles affectés à l'industrie, au
commerce ou à l'artisanat du débiteur (C. com., art. L. 145-45).
Page 3
2. La mise en uvre éventuelle de la clause résolutoire ne doit pas être confondue avec :
la résiliation de droit commun qui découle des articles 1184 et 1741 du Code civil : celle-ci peut
être poursuivie judiciairement sans mise en demeure préalable, à la requête du bailleur ou du
preneur, et la juridiction saisie doit apprécier la gravité de la faute alléguée au regard de la
sanction encourue, alors que saisi sur le fondement de la clause résolutoire, le juge doit en
principe constater l'existence et la persistance de l'infraction sans pouvoir en moduler les
conséquences selon la gravité des faits (cf. CA Paris, 16e ch. B, 10 janv. 2003,
n° 2002/03721 : JurisData n° 2003-202179 et n° 46) ;
le refus de renouvellement pour motifs graves et légitimes régi par les dispositions de l'article
L. 145-17 I du Code de commerce.La délivrance préalable d'une mise en demeure est
également requise, mais là encore la juridiction saisie dispose d'une appréciation souveraine
de la gravité de la faute alléguée, à défaut par le preneur d'avoir obtempéré dans le délai légal
d'un mois (Cass. 3e civ., 28 sept. 2004. Cass. 3e civ., 9 nov. 2004 : Gaz. Pal. n° spécial,
Baux commerciaux, déc. 2005, p. 12, note J.-D. Barbier).Mais tant en ce qui concerne le refus
de renouvellement pour motifs graves et légitimes que la clause résolutoire, il s'agit de
sanctionner un manquement imputable au preneur et non au bailleur.
la résiliation de plein droit du contrat de bail encourue lorsque le preneur fait l'objet d'une
procédure collective (Cass. com., 21 févr. 2012, n° 11-11.512, 217 : JurisData
n° 2012-002828 ; Loyers et copr. 2012, comm. 111, obs. Ph.-H. Brault).
I. - Champ d'application
A. - Baux assujettis ou non au statut des baux commerciaux
3. L'article L. 145-41 du Code de commerce énonce les conditions dans lesquelles la clause résolutoire
insérée dans le bail commercial peut recevoir application : le caractère général de ces dispositions pourrait
laisser supposer qu'elles s'appliquent à tout bail commercial assujetti ou non aux dispositions statutaires et la
question pourrait alors se poser à l'égard des baux dérogatoires (C. com., art. L. 145-5), des baux portant
sur des locaux accessoires ou des baux de terrains non protégés par les dispositions statutaires (C. com.,
art. L. 145-1, I, 1°) : par analogie avec la solution retenue lorsque les anciennes dispositions de l'article 25 ne
pouvaient recevoir application qu'à défaut de paiement des loyers au terme contractuel, il semble que le
bailleur puisse opposer à toute demande de délais et de suspension des effets de la clause résolutoire
l'inapplication du texte légal, faute par le bail d'entrer dans le champ d'application du statut des baux
commerciaux (cf. n° 27).
4. Sous l'empire du décret du 30 septembre 1953, les dispositions régissant la clause résolutoire
relevaient du titre V "du loyer et de la clause résolutoire", ce qui correspondait à la finalité initiale du texte (V.
n° 10 ) : mais désormais l'article L. 145-41 relève de la section VII "de la résiliation" et ce après codification
partielle du statut des baux commerciaux.
5. Lorsque les parties conviennent d'une extension conventionnelle entraînant l'application du statut des
baux commerciaux à un bail qui n'en relevait pas nécessairement, il a été jugé que l'ensemble des
dispositions statutaires est réputé applicable à cette convention (Cass. ass. plén., 17 mai 2002,
n° 00-11.664 : JurisData n° 2002-014447 ; Loyers et copr. 2002, comm. 174, obs. Ph.-H. Brault ; AJDI 2002,
p. 525, obs. Blatter ; Defrénois 2002, p. 1234, obs. Libechaber) : tel doit être le cas de l'article L. 145-41 si le
bail comporte une clause résolutoire. Mais il a été jugé dans des conditions qui peuvent appeler quelques
réserves que le preneur qui n'est pas inscrit au registre du commerce et des sociétés n'a pas la qualité de
commerçant et ne peut pas bénéficier du statut des baux commerciaux en sollicitant la suspension des effets
Page 4
de la clause résolutoire (CA Douai, 2ech. 1re sect., 21 avr. 2010, n° 09/04396 : JurisData n° 2010-018543).
6. Baux mixtes La clause résolutoire s'applique aux baux mixtes sans distinguer la partie à usage
commercial et celle affectée à l'habitation : mais la solution est différente si le commandement vise à la fois
les loyers dus au titre de deux baux distincts à usage respectif d'habitation et commercial avec les
conséquences procédurales qui en découlent (Cass. 3e civ., 20 juin 2010, n° 09-16.244, 879 : JurisData
n° 2010-010530). Néanmoins, elle ne peut être invoquée sur le fondement de la clause insérée dans le bail
commercial consécutif à un bail dérogatoire alors que la défaillance alléguée est antérieure au bail en cours
(CA Paris, pôle 5, 3e ch., 25 janv. 2012, n° 09/08127 : JurisData n° 2012-00112).
7. Bail à construction et crédit-bail immobilier Il a été jugé que les anciennes dispositions de
l'article 25 du décret ne peuvent être invoquées par le preneur d'un bail à construction (Cass. 3e civ., 11 mai
1988 : Bull. civ. 1988, III, n° 89 ; D. 1988, inf. rap. p. 146), si bien qu'une action tendant à constater une
résiliation déjà acquise au jour du jugement d'ouverture ne peut être suspendue par application de l'article
L. 621-40 du Code de commerce(Cass. 3e civ., 28 janv. 2004, n° 01-00.893 : JurisData n° 2004-021997 ;
Loyers et copr. 2004, comm. 52).
De même le bénéfice de l'article L. 145-41 ne peut être invoqué par le crédit-preneur (CA Paris, 5 janv.
1996 : Loyers et copr. 1996, comm. 120), les dispositions statutaires étant inapplicables à une telle
convention (Cass. 3e civ., 10 juin 1980 : JCP G 1981, II, 1965, note Bey). Ce texte pourrait néanmoins
s'appliquer à la convention de sous-location conclue par le crédit-preneur qui est susceptible au moins
pendant la durée du contrat de crédit-bail de bénéficier des dispositions statutaires (CA Versailles, 17 juin
1997 : JurisData n° 1997-045014 ; D. Affaires 1997, p. 994).
B. - Bail en cours renouvelé ou échu
8. La clause résolutoire s'applique pendant toute la durée contractuelle du bail comme de sa tacite
prolongation selon les modalités prévues à cet effet par les articles L. 145-9, L. 145-10 et L. 145-12 du Code
de commerce, tels qu'ils découlent des modifications successives dont ils ont été l'objet et en dernier lieu de
la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012(JCP G 2012, 413).
Il en est de même en cas de renouvellement du bail selon les clauses et conditions du bail échu, à moins
que les parties ne s'accordent pour modifier ou supprimer la clause résolutoire, en apportant une novation à
cet égard. Dans l'hypothèse où le jugement fixant le montant du loyer du bail renouvelé vaut bail selon
l'article L. 145-57 du Code de commerce, la clause résolutoire insérée dans le bail initial peut valablement
être invoquée par le bailleur (CA Nîmes, ch. com., 12 févr. 2009 : JurisData n° 2009-003968).
Une difficulté pouvait surgir postérieurement à la date d'échéance du bail en cas de refus de renouvellement
par l'effet du congé ou en réponse à la demande de renouvellement : l'infraction commise par le preneur
pendant la période de maintien dans les lieux est néanmoins susceptible d'être sanctionnée par application
de la clause résolutoire (Cass. 3e civ., 9 déc. 1980 : Gaz. Pal. 1981, 1, p. 410, note Brault. Cass. 3e civ.,
1er mars 1995, n° 93-10.172 : JurisData n° 1995-000516 ; Bull. civ. 1995, III, n° 3 ; Administrer juill. 1995,
p. 27, note J.-D. Barbier).
C. - Infractions relevant de l'article L. 145-41
9. Dans sa rédaction initiale, l'article 25 du décret visait exclusivement le défaut de paiement du loyer aux
échéances convenues : on s'était donc interrogé sur le champ d'application de ce texte dont l'interprétation
littérale avait prévalu.
Les dispositions de l'article 25 avaient été déclarées inapplicables :
au défaut de paiement des taxes et prestations mises en recouvrement de même que le loyer
(Cass. 3e civ., 17 nov. 1976 : Gaz. Pal. 1977, 1, somm. p. 16 ; AJPI 1977, p. 635. Cass.
3e civ., 10 oct. 1979 : Gaz. Pal. 1981, pan. jurispr. p. 11. Cass. 3e civ., 7 févr. 1984 : Rev.
Page 5
loyers 1984, p. 205) ;
au défaut de paiement de l'indemnité d'occupation due par le preneur selon l'article 20 du
décret (C. com., art. L. 145-28. Cass. 3e civ., 9 déc. 1980 : Gaz. Pal. 1981, 1, p. 410, note
Brault ; JCP G 1981, II, 19612, note Boccara) ;
et d'une façon générale, à l'égard de toute défaillance du preneur autre que le défaut de
paiement des loyers aux échéances contractuelles (Cass. com., 6 janv. 1961 : Gaz. Pal. 1961,
1, p. 185 ; Rev. loyers 1961, p. 233. Cass. 3e civ., 7 févr. 1984 : JCP G 1984, IV, p. 118 ;
Rev. loyers 1984, p. 205), ainsi qu'en cas de défaut de paiement des rappels de loyers après
révision judiciaire (Cass. 3e civ., 20 avr. 1985 : Bull. civ. 1985, III, n° 71. Cass. 3e civ., 11 juill.
1990, n° 88-19.994 : JurisData n° 1990-703912 ; Gaz. Pal. 1991, 1, 82, note Ph.-H. Brault ;
D. 1991, somm. p. 327, obs. Aubert).
10. Selon cette jurisprudence, pour les baux soumis au statut, il existait deux régimes différents selon la
nature de l'infraction commise par le preneur :
à défaut de paiement des loyers, le preneur pouvait invoquer le bénéfice de l'ancien article 25
(suspension des effets de la clause résolutoire) ;
dans les autres cas, les sanctions découlant de la clause résolutoire étaient encourus dans
toute leur rigueur et sans que la juridiction saisie n'ait la faculté d'en suspendre les effets, le
juge devant se borner à constater la persistance de l'infraction au-delà du délai d'un mois et
d'en tirer les conséquences qui s'imposaient.
11. Loi du 31 décembre 1989 L'article 7 de la loi n° 89-1008 du 31 décembre 1989 relative au
développement des entreprises commerciales et artisanales et à l'amélioration de leur environnement
économique, juridique et social, a modifié l'article 25 du décret en y supprimant toute référence au "défaut de
paiement du loyer" (JO 2 janv. 1990 ; JCP G 1990, III, 63449).
Désormais, les dispositions de l'article L. 145-41 sont applicables quel que soit le motif qui a incité le bailleur
à tenter de se prévaloir de la clause résolutoire (CA Paris, 4 mai 1990 : D. 1990, somm. p. 259, obs. Rozès.
CA Paris, 5 avr. 1990 : Gaz. Pal. 1990, 2, somm. p. 423, note Brault), qu'il s'agisse des charges ou d'une
obligation de faire (Cass. 3e civ., 15 janv. 1992, n° 90-16.059 : JurisData n° 1992-000069 ; Administrer mai
1992, p. 21, note Barbier, pour la suppression de l'enseigne. Cass. 3e civ., 30 mai 1996, n° 93-17.201 :
JurisData n° 1996-002090 ; Loyers et copr. 1996, comm. 351, note Ph.-H. Brault ; RD imm. 1996, p. 624,
obs. J. Derruppé).
12. Il a été jugé que les nouvelles dispositions légales sont d'application immédiate aux baux
commerciaux, de même qu'aux instances en cours (Cass. 3e civ., 15 janv. 1992 : Loyers et copr. 1992,
comm. 170. Cass. 3e civ., 4 oct. 1994 : Rev. loyers 1995, p. 25 ; Loyers et copr. 1994, comm. 478, note
Ph.-H. Brault).
II. - Conditions générales
A. - Prescriptions légales et sanctions
13. L'article L. 145-41 du Code de commerce énonce les conditions dans lesquelles la clause résolutoire
est susceptible, quel qu'en soit le fondement, d'être acquise au profit du bailleur, ce qui implique qu'au-delà
de l'imputabilité des faits (cf. n° 17), il soit nécessaire d'analyser toute clause insérée dans le bail commercial
pour vérifier si celle-ci se trouve en adéquation avec les prescriptions légales.
Page 6
Deux sanctions sont susceptibles d'être encourues :
d'une part, selon le texte légal, la nullité faute d'avoir mentionné le délai d'un mois imparti au
preneur pour déférer à l'injonction qui lui est notifiée ;
d'autre part, selon l'article L. 145-15 du Code de commerce qui, après codification, disposait
qu'étaient réputés nuls et de nul effet, quelle qu'en soit la forme, les clauses, stipulations et
arrangements qui ont pour effet de contrevenir notamment aux dispositions de l'article
L. 145-41 du Code de commerce.
Le régime de l'action en nullité était susceptible de relever de la prescription biennale découlant de l'article
L. 145-60 du Code de commerce.
14. L'article 6 de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 a substitué aux mots "nuls et de nul effet" une autre
sanction découlant des mots "réputés non écrits" : ceci correspond à la volonté du législateur telle qu'elle
découle des débats parlementaires et notamment des rapports faits au nom des Commissions des affaires
économiques de l'Assemblée Nationale et du Sénat.
Le rapport de M. Fabrice Verdier, député, rappelle que : "Cet article adopté [par la Commission à son
initiative] modifie les articles L. 145-15 et L. 145-16 du code de commerce en remplaçant la nullité de
certaines clauses par le fait qu'elles sont réputées non écrites. La clause réputée non écrite est en effet
considérée comme n'ayant pas d'existence et, de ce fait, aucune prescription ne court à son égard" (Rapp.
n° 1739 fait au nom de la commission des affaires économiques de l'Assemblée Nationale déposé le
29 janv. 2014).
Quant aux causes et aux objectifs affichés de cette modification, elles sont décrites par M. Yannick
Vaugrenard, Sénateur, dans son rapport, présenté à la commission des affaires économiques du Sénat :
« L'article L. 145-60 du Code de commerce dispose que toutes les actions en justice exercées en vertu du chapitre V du titre IV
du livre Ier du Code de commerce, autrement dit le chapitre relatif aux baux commerciaux, se prescrivent par deux ans :
Cette durée de prescription s'applique en particulier aux clauses qui ont pour effet de faire échec au droit de renouvellement,
ainsi qu'à celles qui tendent à interdire au locataire de céder son bail à l'acquéreur de son fonds de commerce, ce qui est
problématique. En effet, ces droits sont des protections relevant de l'ordre public économique. Les clauses contractuelles
prévoyant la renonciation à ces droits sont d'ailleurs considérées comme nulles aux termes des articles L. 145-15 et L. 145-16 du
Code de commerce. Cependant cette nullité ne permet pas de les soustraire aux règles de prescription prévues à l'article
L. 145-60 (bien que nulle, la clause illégale est en effet écrite et donc soumise à la prescription). Un justiciable dispose donc
d'une durée très limitée pour contester l'application de clauses contractuelles qui restreignent de manière drastique les
dispositions protectrices instituées par le législateur en faveur des locataires. »
Et d'ajouter qu'il s'agit de protéger "mieux les locataires victimes de clauses illégales en privant de fait d'impunité les bailleurs qui
outrepassent leurs droits" (Rapp. n° 440 [2013-2014] de M. Yannick Vaugrenard, fait au nom de la commission des affaires
économiques du Sénat, déposé le 9 avril 2014).
Peuvent être concernées les clauses qui auraient pour objet la mise en uvre d'une telle clause par lettre recommandée avec
accusé de réception, la résiliation de plein droit du bail en cas de cession réalisée dans des conditions non conformes aux
prescriptions du bail ou qui prévoiraient un délai inférieur à un mois (cf. n° 24). La notion de clause "réputée non écrite" n'est pas
une innovation dans le statut des baux commerciaux : l'article L. 145-45 sanctionne ainsi toute clause qui prévoirait qu'en cas de
redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire le bail serait résilié de plein droit.
15. Cependant, la nouvelle rédaction de ce texte suscite quelques interrogations dans l'attente de la
jurisprudence :
d'une part, la rédaction de l'article L. 145-41 n'a pas été modifiée par la loi du 18 juin 2014 et la
nullité du commandement est toujours encourue, faute de mentionner le délai d'un mois : on
s'est interrogé sur la contradiction qui pourrait exister au niveau des sanctions encourues (Le
statut des baux commerciaux et la clause réputée non écrite, Loyers et copr. 2014, étude 5)
Page 7
, mais en réalité il faut distinguer les conditions de forme auxquelles est assujetti le
commandement ou la mise en demeure où la nullité de l'acte et non de la clause est
effectivement encourue et la sanction attachée à la rédaction de la clause elle-même qui serait
réputée non écrite, c'est-à-dire privée d'effet sans que le bailleur ne puisse désormais invoquer
le bénéfice d'une stipulation dont la disparition réduirait ses moyens d'action à une demande en
résiliation de bail selon le droit commun ou à un motif grave et légitime de refus de
renouvellement.
d'autre part, le législateur a omis de modifier l'article L. 145-60 du Code de commerce qui
énonce que toutes les actions exercées en vertu des textes qui régissent le bail commercial
statutaire se prescrivent par deux ans. Or, la sanction découlant de l'article L. 145-15 s'inscrit
dans le cadre statutaire : il est vraisemblable que cette question sera soulevée pour tenter de
mettre en échec l'action ou la demande d'un locataire et que les cours d'appel seront amenées
à préciser le domaine d'application de ce texte qui énonce une prescription civile, en principe
inapplicable en présence d'une clause réputée non écrite selon la loi. (cf. sur ce point :
C. Mutelet, J. Prigent et M. L. Rodriguez, Réforme du régime des baux commerciaux : Rev.
loyers 2014, p. 328. J.-D. Barbier et C.-E. Brault, La Réforme du statut des baux
commerciaux par la loi du 18 juin 2014, art. L. 145-15 : Gaz. Pal. 2014, n° Droit des Baux
commerciaux 8-9 août 2014, p. 19).
B. - Conditions de fond
16. La mise en uvre de la clause résolutoire suppose :
qu'une faute puisse être imputée au preneur, donc une infraction commise à l'encontre des
charges et conditions du bail (Cass. 3e civ., 17 sept. 2013 : AJDI 2014, p. 447, obs.
R. Hallard) ;
qu'un tel manquement puisse être sanctionné par la clause résolutoire, dont la portée doit être
analysée ;
que celle-ci puisse être invoquée de bonne foi par le bailleur compte tenu de la nature des faits
reprochés et du délai imparti au preneur qui peut également tenter de s'en exonérer en
invoquant la force majeure (CA Nîmes, 11 mars 1993 : Loyers et copr. 1994, comm. 23. CA
Paris, 7 janv. 1994 : Loyers et copr. 1994, comm. 430. CA Paris, 19 déc. 2001,
n° 2001/16646 : JurisData n° 2001-165196) ;
que le manquement ait perduré au-delà d'un mois après commandement ou mise en demeure.
1° Sur l'imputabilité des faits
17. Faute contractuelle Il appartient au bailleur d'établir que le preneur a contrevenu aux clauses et
conditions du bail dont les stipulations doivent être analysées en cas de litige pour en déterminer la portée,
de même que la persistance de l'infraction au-delà du délai d'un mois (Cass. 3e civ., 18 juin 1986 : Rev.
loyers 1986, p. 363. Cass. 3e civ., 22 févr. 1989 : Rev. loyers 1989, p. 168. Cass. 3e civ., 12 juin 2001 :
AJDI 2001, p. 983, note Blatter. Cass. 3e civ., 13 nov. 1997, n° 95-16.419 : JurisData n° 1997-004432 ;
Loyers et copr. 1998, comm. 67, obs. Ph.-H. Brault). Ce principe a été à nouveau rappelé par deux décisions
plus récentes, l'une concernant l'absence de toute référence explicite au défaut de paiement des intérêts dus