Situation économique et financière de la Tunisie

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Situation économique et financière de la Tunisie
Situation économique et financière de la
Tunisie
Encore limitée par des obstacles structurels et par les conséquences sociales de la Révolution,
l’économie tunisienne est tirée par une croissance modeste qui a continué de ralentir début 2015 sous
l’effet des attentats du Bardo et des mouvements de contestation sociale qui se multiplient dans le pays.
Dans ce contexte, le déficit de la balance des transactions courantes (qui s’explique principalement par
un déficit de la balance commerciale) et du solde budgétaire sont à surveiller. La Tunisie a toutefois pu
s’assurer des soutiens financiers étrangers (bilatéraux et multilatéraux) pour combler ses besoins de
financement extérieur. Elle a aussi levé en janvier 2015, pour la première fois depuis la révolution, sans
garantie étrangère, une émission obligataire sur les marchés internationaux. Les plus grands enjeux de
politique économique concernent désormais la relance de la « machine » économique et le calendrier
lié aux réformes structurelles, réclamées par les bailleurs multilatéraux, ainsi que leur mise en œuvre
opérationnelle. C’est probablement le signal qu’attend le secteur privé pour concrétiser de nouveaux
projets d’investissement.
I. Une économie résiliente depuis 2011, mais une croissance
modeste
La croissance a atteint 2,3% en 2014, soit un niveau quasi identique à celui de 2013, qui était pourtant une
année marquée par une crise politique : elle traduit la faible performance de la production industrielle
(contraction de 3% de la production non-manufacturière avec la baisse de la production de pétrole et de gaz
naturel) malgré la bonne tenue des secteurs de l’agriculture (+2,8%) et des activités non marchandes (+4,4%).
La croissance a surtout ralentie sur le premier trimestre de 2015 (à 1,7% contre 2,3% en 2014 sur la même
période) sous l’effet de l'attentat du Bardo et des mouvements de contestation sociale qui se multiplient –
notamment dans le secteur des phosphates sur Gafsa, quasiment à l’arrêt. Le FMI estime devoir réviser ses
prévisions de croissance pour 2015 de 3% à 2%, voire 1,5%. Depuis la Révolution, la croissance est surtout
tirée par la consommation et peu par l’investissement (-12,6% en 2011, -3,8% en 2013 et +1,2% en 2014).
Outre les évènements conjoncturels évoqués ci-dessus, le potentiel de croissance reste bridé par différents
facteurs structurels : faible valeur ajoutée productive des secteurs industriels, prédominance des TPE, crédit
limité au secteur privé productif, insuffisante diversification des exportations, faiblesse de la gouvernance et
de l’investissement public (4,2% du PIB selon les données d’exécution budgétaire 2014, plancher historique),
insuffisance de l’épargne, etc.
En 2014, la pression inflationniste est restée élevée mais elle s’est réduite à 5,5% (contre plus de 6% en 2013),
en raison notamment de la politique monétaire plus restrictive menée par la Banque Centrale depuis la fin du
mois de juin 2014. L’inflation a surtout été tirée par les produits alimentaires (+7%) et énergétiques (+10%).
La tendance se poursuit puisque l’inflation a été contenue à 5,6% sur les cinq premiers mois de 2015. Après
une appréciation du dinar par rapport à l’euro de plus de 10% entre décembre 2014 et mars 2015 (qui
s’explique par une intervention accrue de la Banque Centrale sur le marché des changes par prévention des
effets induits de l'attentat du Bardo), le dinar a retrouvé sa tendance baissière constatée depuis plus d'un an.
Le taux de chômage a officiellement baissé de 18,9% fin 2011 à 15% fin 2014, grâce, entre autres, à de
nouveaux emplois publics (120 000 embauches en 3 ans), et sans remédier aux disparités régionales,
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générationnelles et de genre (le taux de chômage reste de 21,1% pour les femmes fin 2014, contre 12,5%
pour les hommes).
II. Le creusement des déficits jumeaux depuis la Révolution
Par ailleurs, les déficits jumeaux restent une source de préoccupation. Le solde de la balance des transactions
courantes se détériore depuis la Révolution (passant de 7,3% du PIB en 2011 à 8,9% en 2014) principalement
sous l’effet de la dégradation de la balance commerciale (déficit à 15,8% du PIB en 2014 contre 10,3% en
2011) – balance énergétique en particulier. Le solde de la balance des transactions courantes pourrait
s'améliorer légèrement sur 2015 (estimé autour de 7,5% du PIB) grâce à une résorption du déficit commercial
qui s’annonce dans les chiffres du premier semestre 2015. Cependant cette résorption pourrait n'être que
conjoncturelle, sous l’effet de l’augmentation des exportations agricoles (aménagement par l’Union
européenne du quota d’huile d’olive de la Tunisie pour 2015) et de la baisse des importations énergétiques
(répercussion de la baisse des prix des produits pétroliers grâce à la renégociation des contrats
d’importations).
En 2014, le compte financier est marqué par un repli des flux d’IDE entrants (-5,3% par rapport à 2013), qui
poursuit la tendance de 2013 et traduit l’attentisme des acteurs économiques, loin des performances affichées
en 2012 (+85% par rapport à l’année précédente mais provenant pour un tiers, du dégel des actifs confisqués).
Les premiers résultats 2015 sont toutefois encourageants avec une hausse de 47,5% des IDE sur les quatre
premiers mois de l’année par rapport aux quatre premiers mois de 2014.
La dégradation de la balance des paiements courants reste cependant soutenable dans la mesure où les
apports des bailleurs ont comblé depuis la Révolution les besoins de financement externes (et cela à des
conditions très avantageuses par rapport au marché) : en 2014, le FMI a décaissé plus d’1 Md$ (sur les 1,77
Mds$ prévu en juin 2013 dans la cadre de l’accord de confirmation) et la Banque Mondiale 250 M$. En 2014,
la Tunisie a aussi pu bénéficier de différents appuis bilatéraux (200M$ de prêt de la Turquie ainsi qu’un dépôt
de l’Algérie de 100 M$ à la Banque centrale). Cette même année, le pays a d’autre part pu mener des
émissions obligataires d’environ 360 M$ et 500 M$ grâce à des garanties japonaise et américaine. Les
autorités tunisiennes ont par ailleurs cherché à accroître le financement sur le marché interne, notamment par
le biais d’un emprunt national qui a permis en mai et juin 2014 de lever plus de 430 M€. Malgré le déficit de la
balance des transactions courantes, ces financements extérieurs ont permis de soutenir le niveau des
réserves en devises (129 jours d’importations début 2015 contre 112 fin 2014). En 2015, le montant des
financements extérieurs devrait atteindre 2,5 Mds$ (en incluant les 550 M$ restants de l’accord de confirmation
du FMI). La Tunisie est d’ores et déjà sortie avec succès sur les marchés financiers avec une émission
obligataire sans garantie étrangère d’un montant de 1 Md$ en janvier dernier (au taux relativement élevé de
5,75%). Elle pourrait également bénéficier d’une garantie de l’Etat américain pour un emprunt obligataire d’un
montant de 500 M$.
Depuis la révolution, on note également une forte progression du déficit budgétaire (de 0,6% en 2010, il est
passé à 6,2% du PIB en 2013 puis 4,9% en 2014) alimenté essentiellement par une hausse des dépenses de
fonctionnement – 120 000 embauches en trois ans dans la fonction publique et augmentation des crédits
octroyés à la subvention des produits de base. En 2014, le creusement du déficit a pu être jugulé par le
gouvernement précédent grâce à un surcroît de recettes fiscales (augmentation de la TVA et contribution
exceptionnelle), une maitrise des dépenses – stabilisation de la masse salariale dans la fonction publique et
réforme partielle du système des subventions énergétiques. Cependant, les pressions vont de nouveau se
faire sentir sur les soldes 2015 du fait des augmentations salariales consenties dans la fonction publique en
début d’année. Enfin, la structure du budget tunisien n’est pas optimale : en 2014, l’investissement public a
atteint son plus bas niveau historique, à 4,2% du PIB, alors que les salaires de la fonction publique
représentent 13% du PIB.
Dans ce contexte la dette extérieure tunisienne, stabilisée à 54% du PIB en 2013, devrait avoisiner les 56%
en 2015. Le niveau d’endettement de la Tunisie reste soutenable, notamment au regard des conditions de
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prêt très avantageuses consenties par les bailleurs. Cependant, il convient de noter que la dette extérieure,
contractée en monnaie étrangère, reste, par conséquent, vulnérable à un choc de change et les ressources
prêtées par les bailleurs restent encore trop consacrées à des dépenses de fonctionnement plus qu’à des
dépenses d’investissement ou de soutien aux réformes.
III. Enjeux de politique économique pour 2015 : la nécessité de
prendre des mesures concrètes
Le gouvernement précédent de technocrates (janvier 2014 – février 2015) avait amorcé de nombreux chantiers
de réformes structurelles d’importance (restructuration du secteur bancaire public, fiscalité et administration
fiscale, lois sur les procédures collectives, société de défaisance des actifs touristiques, refonte du Code des
investissements, PPP, etc.). La plupart de ces réformes sont toujours prioritaires pour la nouvelle équipe mais
les projets de lois restent encore sur le bureau de l’Assemblée. Les avancées sur l’agenda structurel sont du
reste d’autant plus nécessaires qu’elles conditionnent très largement l’implication présente et à venir des
bailleurs.
La coalition au pouvoir qui semblait se focaliser davantage sur un horizon de moyen terme avec l’élaboration
d’un plan quinquennal 2016-2021 (prévu pour début 2016), commence également à accélérer le rythme des
mesures économiques d’urgence exigées par les bailleurs.
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