Situation économique et financière
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Situation économique et financière
Azerbaïdjan – Situation économique et financière mars 2015 © DG Trésor La majorité des indicateurs macroéconomiques de l’Azerbaïdjan souffriront de la baisse des prix du pétrole, à l’origine de 95% des exportations et de 70% des recettes fiscales – la BERD vient de réviser ses prévisions de croissance de 3% à 1,5%. Outre un chômage en hausse, la balance des paiements sera nettement moins bénéficiaire, et le fonds pétrolier SOFAZ sera en net déficit, pour la première fois depuis sa création. En raison de dépenses de fonctionnement relativement faibles, de réserves de change considérables, et d’un coût marginal d’extraction du pétrole très compétitif, le pays devrait néanmoins pouvoir faire face à ces difficultés en ralentissant le programme d’investissements et en empruntant sur les marchés internationaux, S&P ayant récemment confirmé sa notation BBB-. Les conséquences de la forte dépréciation du manat vis-à-vis du USD le 21 février (33%) sont à suivre : la dévaluation conduira à une inflation significative et présente des risques pour la stabilité du secteur bancaire. 1. Performances économiques : la croissance est en net recul en 2014, toujours portée essentiellement par le secteur non pétrolier. Après avoir atteint 5,8% en 2013, la croissance a ralenti à 2,8% en 2014, en raison d’une baisse de la croissance du secteur non-pétrolier (7,7% en 2014 après 10% en 2013), et d’un recul de l’activité dans le secteur pétrolier (-2,9%). En 2011 et 2012, la croissance avait été de 0,1% et 2,2% respectivement. Dans le secteur non pétrolier, la croissance a été essentiellement portée par la construction (11,8% de croissance en 2014, contre 23% en 2013) et la consommation des ménages, qui a augmenté de 10% en 2014, proche de l’augmentation de 12% en 2013. Après une croissance de 4,9% en 2013 (essentiellement due à une bonne récolte), du secteur de l’agriculture a vu son activité en baisse de 2,6% en 2014. Ce secteur ne représente que 5% du PIB, mais emploie près de 40% de la population. L’année 2015 a été déclarée ‘année de l’agriculture’ en Azerbaïdjan, dans un contexte où les zones rurales (vivant en partie également des transferts de migrants) seront davantage touchées que les zones urbaines par la crise en Russie. Dans le secteur des hydrocarbures, la production pétrolière a baissé de 2,4% en 2014 – en 2013, une légère hausse avait encore été enregistrée. Le PIB pétrolier se situe autour de 30 Mds USD pour la quatrième année consécutive ; l’arrivée d’un plateau dans la production d’hydrocarbures était prévue de longue date. Aujourd’hui, des investissements dans le champ ACG (Azeri-Chirag-Guneshli) permettent de contenir la baisse de sa production, et la production gazière (gisement Shah-Deniz) va compenser l’épuisement d’ACG, ce qui devrait permettre de pérenniser, jusqu’environ 2020, le PIB hydrocarbures entre 25 et 30 Mds USD, à condition que les cours des matières premières se rétablissent légèrement à moyen terme de leur chute importante en 2014. Les autorités prévoient des revenus issus des hydrocarbures autour de 200 Mds USD sur les 10 ans à venir. Sur fond de chute des prix du pétrole, la BERD a revu ses prévisions pour l’année 2015 à 1,5%, ce qui reste néanmoins une des prévisions les plus optimistes de l’institution financière pour la zone CEI. En janvier, le FMI avait rectifié ses prévisions pour la croissance en 2015 de 4,3% à 2,2%. Le secteur non-pétrolier, essentiellement soutenu par des investissements publics dans les infrastructures, verra sa croissance ralentir, dans un contexte de révision des projets d’investissements. Le secteur pétrolier sera quant à lui significativement touché : SOCAR envisagerait de licencier plus de 10 000 employés (pour un effectif actuel de 60 000). La hausse du chômage sera toutefois difficile à quantifier dans un pays dont seulement 30% des employés ont un contrat de travail. La crise russe aura un impact plus limité sur l’économie azerbaïdjanaise que sur les autres économies de la CEI : la Russie n’est pas un client majeur de l’Azerbaïdjan à l’export, n’investit que peu dans le pays, et les migrants azerbaïdjanais en Russie sont nettement moins décisifs que ce n’est le cas pour les voisins arménien ou géorgien. Des investissements, largement décidés par l’Etat, visent à diversifier l’économie : A l’image du secteur de la construction, la quasi-totalité du secteur non pétrolier est essentiellement portée par les dépenses publiques, dans les infrastructures routières, ferroviaires et dans les réseaux de communication et d’électricité en particulier. Les chiffres présentés ne permettent donc pas d’affirmer qu’une diversification de l’économie s’observe. AMBASSADE DE FRANCE EN RUSSIE - SERVICE ÉCONOMIQUE RÉGIONAL A z e r b a ï d j a n – S i t u a t i o n é c o n o m i q u e e t f i n a n c i è r e – m a r s 2 0 1 5 © DG Trésor Les priorités affichées par le gouvernement sont les suivantes : L’agriculture : l’Azerbaïdjan souhaite devenir auto-suffisant, et en outre des perspectives à l’exportation sont vues vers la Russie et le Kazakhstan. Un facteur limitant aujourd’hui est le manque de terres irriguées ; ainsi, l’irrigation de plus de 200 000 ha est prévue dans les années à venir. Des mesures fiscales ont également été prises pour soutenir le secteur : les exploitations ne payent pas d’impôt sur les sociétés, et perçoivent des subventions importantes ; L’industrie : l’année 2014 avait été déclarée « année de l’industrie » en Azerbaïdjan, et divers projets de parcs industriels ayant vocation à regrouper des entreprises dans les secteurs de la chimie, la métallurgie ou la construction de machines voient le jour. Ces projets sont en général décidés à haut niveau, et semblent parfois éloignés des besoins de l’économie réelle. Ainsi, la production industrielle a baissé de 0,7% en 2014 par rapport à 2013 ; Les infrastructures de transport : En matière d’infrastructures, le gouvernement déplore le temps perdu pendant la période de l’Union soviétique et depuis l’indépendance, lorsque le budget global de l’Etat avoisinait les 700 M USD. Aujourd’hui, un tiers du budget de l’Etat est investi dans les infrastructures de transport. Les routes principales sont aujourd’hui en bon état, et la réfection des routes de deuxième catégorie est prévue à court terme, pour un montant global de 10 Mds USD. La ligne Bakou-Tbilissi-Kars reliant le pays à la Turquie via la Géorgie est le projet ferroviaire le plus significatif ; Les services et le tourisme : le ministère de l’Economie indique que le nombre de touristes est en croissance, essentiellement en provenance Russie et du Moyen Orient. Des efforts sont faits pour améliorer l’offre qui leur est proposée. AzStat indique néanmoins des résultats modestes dans ce secteur : seuls 10 000 touristes se rendent en Azerbaïdjan tous les ans, un chiffre qui ne progresse pas depuis 2007, hormis un sursaut ponctuel en 2012, année du prix Eurovision à Bakou. A moyen terme, l’objectif affiché par le gouvernement dans son projet « Azerbaidjan 2020 » est d’atteindre un PIB par habitant de 13 000 USD, contre environ 8 000 aujourd’hui. Approfondissement : Croissance des secteurs pétrolier et non-pétrolier Le secteur non-pétrolier affiche une croissance globalement constante au cours des 15 dernières années, à 10% en moyenne. Les fluctuations dans la croissance ont ainsi été, au cours de cette période, essentiellement dictées par le secteur pétrolier. Il s’agit d’une tendance lourde, on peut considérer que le PIB pétrolier va au mieux rester stable dans les années à venir, et que la croissance dépendra du secteur non pétrolier et d’une éventuelle diversification de l’économie. Secteur pétrolier dans l’économie azerbaïdjanaise Source : AzStat, calculs et graphes SER 2. Balance des paiements : l’excédent du compte courant a baissé une nouvelle fois en 2014, tiré vers le bas par l’augmentation des importations. L’excédent du compte courant était en recul en 2013, tout en restant très confortable à 17,1% du PIB, contre 22% en 2012. Les données disponibles pour l’année 2014 ne portent que sur les 3 premiers trimestres, où l’excédent avait encore pu s’élever à 16% du PIB de la période, en légère baisse par rapport à l’année précédente. Les prix moyens du baril sur 2014 se sont élevés à 100,9 USD/baril dans les ventes de l’Azerbaïdjan, les indicateurs en matière d’échanges extérieurs restent donc au vert. En particulier, si les exportations ont reculé de 2%, les importations avaient baissé de 17% sur les 11 premiers mois de 2014. Malgré l’effondrement des prix du pétrole, la balance des paiements restera positive en 2015 également : seul un prix moyen du baril inférieur à 40 USD mettrait en péril cet équilibre (le prix marginal de l’extraction et du transport du pétrole en Azerbaïdjan est estimé autour de 15 USD/baril). Le ralentissement des crédits à la consommation, couplé à la baisse significative du prix des produits en provenance de Russie (15% des importations du pays), ainsi que la dévaluation nette du manat (cf. partie 4) conduiront à un nouveau recul des importations en 2015. La prise de conscience de la dépendance au pétrole s’est encore renforcée dans le cadre de la crise : les exportations non-pétrolières ne représentent que quelque 1,7 Mds USD (à peine plus de 2% du PIB). L’Azerbaïdjan soigne ainsi ses contacts avec de nombreux partenaires commerciaux, entre l’UE, la Russie, l’Iran (dont le ministre de l’Economie s’est rendu à Bakou fin janvier), la Géorgie, la Turquie, Israël, et AMBASSADE DE FRANCE EN RUSSIE - SERVICE ÉCONOMIQUE RÉGIONAL - 2 - A z e r b a ï d j a n – S i t u a t i o n é c o n o m i q u e e t f i n a n c i è r e – m a r s 2 0 1 5 © DG Trésor souhaite s’établir en tant que hub dans la région, développant pour ce faire des infrastructures logistiques et industrielles indispensables. Via le rapprochement sur le plan économique avec la Géorgie, matérialisé notamment par la ligne de chemin de fer bientôt finalisée, les milieux d’affaires se réjouissent du fait que l’accord douanier Géorgie-Europe pourrait indirectement bénéficier à l’Azerbaïdjan. Approfondissement : Investissements étrangers Depuis 2010, les investissements directs étrangers (qui concernent à 90% le secteur pétrolier) n’augmentent que peu. On constate qu’après une période au début des années 2000 ou les investissements étrangers affluaient en Azerbaïdjan, ce sont aujourd’hui les investissements domestiques qui ont largement pris la relève. Si le ministère de l’Economie voit un potentiel de 180 Mds USD d’investissements étrangers, essentiellement en provenance de Turquie, il faudra tout d’abord renforcer l’attractivité pour ces investissements (cf. partie sur le climat des affaires). L’agence Azpromo, en charge d’attirer des investissements étrangers dans le pays, ne peut afficher, pour l’année 2014, plus de 3 projets réalisés. Investissements dans l’économie azerbaïdjanaise Répartition des investissements conjoints par pays (moyenne 2010-2013) (données à partir de 2009) Source : AzStat et BCA, calculs et graphes SER Le ministère de l’Economie a présenté des objectifs extrêmement ambitieux en matière d’exportations dans le secteur hors hydrocarbures : le volume doit être multiplié par 6 d’ici à 2020, pour représenter alors environ 1 000 USD d’exportations par habitant. Si les marchés de la CEI sont évoqués, en particulier pour les exportations dans le secteur agro-alimentaire, il faut noter que le marché russe a perdu de son attrait, principalement en raison de la dépréciation du rouble. Parmi les projets qui offrent des perspectives de croissance pour la balance commerciale non-pétrolière, globalement stable depuis 2010, des infrastructures de transport supplémentaires sont notamment citées : La ligne de chemin de fer Bakou-Tbilissi-Kars, qui offrira un potentiel de transport de 5 MT de marchandises par an ; Les gazoducs TAP et TANAP, qui permettront de diversifier les destinataires de gaz (notamment Italie) au moment de la montée en puissance de l’exploitation de Shah-Deniz dans les années à venir. 3. Finances publiques : une réduction des dépenses d’investissements à venir, recherche de revenus en cours La situation budgétaire globale du pays demeurait saine en 2014 (excédent du budget consolidé de 2,9% du PIB en 2014, contre 1,8% en 2013) mais le budget reste fortement dépendant des recettes pétrolières (taxes et transferts du Fonds pétrolier SOFAZ), qui en représentent plus de 70% ; les recettes budgétaires hors hydrocarbures ne couvrent ainsi que la moitié des dépenses courantes de l’Etat. Les revenus fiscaux hors hydrocarbures augmentent aujourd’hui de manière plus faible que le PIB créé dans le secteur hors hydrocarbures (croissance de 7% en moyenne sur les dernières années, contre 10% pour le PIB non pétrolier). Les comptes publics sont sous forte pression en 2015. Les transferts du fonds pétrolier SOFAZ vers le budget n’ont cessé d’augmenter au AMBASSADE DE FRANCE EN RUSSIE - SERVICE ÉCONOMIQUE RÉGIONAL - 3 - A z e r b a ï d j a n – S i t u a t i o n é c o n o m i q u e e t f i n a n c i è r e – m a r s 2 0 1 5 © DG Trésor cours des dernières années, et SOFAZ affiche, pour l’année à venir, pour la première fois de son histoire un budget déficitaire. Ayant prévu son budget dans un premier temps sur un scénario à 90 USD/baril, SOFAZ table désormais sur un déficit de 4-5 Mds USD, qui réduira ses actifs de 37 Mds USD (au 1er janvier 2015) à environ 32 Mds USD au courant de l’année. La contribution de SOFAZ au budget 2015 a déjà été entérinée. Le ministère des Finances a saisi l’ampleur des risques qui pèsent sur l’économie et revoit tant ses dépenses que ses revenus. Les projets d’investissement seront revus, seuls seront maintenus les projets d’infrastructure indispensables (TAP/TANAP, complexe de traitement pétrogazier OGPC, premiers Jeux européens en 2015). Au cours des dernières années, les investissements représentaient plus de 40% des dépenses budgétaires, leur réduction était prévue même en cas de maintien des cours pétroliers. Les 4 Mds USD de dépenses annuelles liées au conflit du Haut-Karabagh ne devraient pas être touchés. Du côté des revenus, divers nouveaux impôts ont été introduits au 1er janvier 2015 : les droits d’accise sur les voitures, l’alcool et les cigarettes ont été augmentés, un impôt de 10% sur les intérêts de dépôts et un nouvel impôt sur les routes ont été introduits. L’ensemble de ces mesures devrait apporter un complément de 300 M AZN (environ 350 M USD) au budget : aucune d’entre elles n’était prévue au moment de la préparation du budget à l’été 2014, le ministre des Finances avait annoncé en septembre dernier que l’Etat s’abstiendrait d’augmentations d’impôts. Outre ces revenus complémentaires, le budget pourra utiliser les 1,7 Mds AZN (environ 2 Mds USD) de trésorerie dont il dispose (notamment au titre de l’exercice 2014), et l’Azerbaïdjan s’apprête à émettre une euro-obligation pour lever environ 1 Md USD, à la suite d’une émission réalisée à des taux intéressants en avril 2014. Le service de la dette est ainsi revenu sur ses annonces de septembre 2014, lorsque la possibilité d’émettre une euro-obligation en 2015 avait été écartée. La privatisation de la banque publique International Bank of Azerbaijan est également revenue à l’ordre du jour. Afin de réduire l’exposition aux prix pétroliers à l’avenir, le ministère a décidé de prendre en compte un prix moyen du baril de 45 USD pour le budget 2016, prix en recul de 55% par rapport au prix moyen recensé sur l’année 2014, à 100,9 USD/baril. Il faut néanmoins noter que la forte dévaluation du manat par la Banque centrale le 21 février 2015 (cf. partie 4) facilitera la résolution de l’équation budgétaire. Approfondissement : Gestion du fonds souverain pétrolier L’objectif du gouvernement est d’utiliser 50% des revenus pétroliers pour financer les projets publics, et d’épargner les 50% restants. Le Fonds pétrolier (SOFAZ), créé en 1999 à la fois afin de stériliser une partie des entrées massives de capitaux liés à la rente pétrolière et d’assurer la transmission de ressources aux générations futures, continue de jouer son rôle. Ce fonds finance d’une part ses propres projets (infrastructures, programmes de formation) et d’autre part certaines dépenses budgétaires d’investissement. Les règles de placement des ressources du Fonds ont été modifiées pour permettre à ce dernier d’investir en actions, en or ou dans l’immobilier ; aujourd’hui, l’objectif du Fonds est d’avoir dans son portefeuille 80% de titres à revenu fixe, 10% d’investissement en actions, 5% en immobilier et 5% en or. La Russie et la Turquie ont été ajoutées à la liste des pays dont les actifs peuvent être inclus dans le portefeuille du Fonds. Au 1er janvier 2015, les actifs du Fonds s’élevaient à 37,1 Mds USD, en hausse de 1,2 Md USD par rapport au 1er janvier 2014. Ses marges semblent néanmoins se réduire : 40% des revenus de la période 2008-2012 avaient été économisés, mais la tendance est à la baisse – le gouvernement ponctionne une somme de plus en plus conséquente des revenus du fonds. Le budget de SOFAZ est déficitaire en 2015, même pour des prix du pétrole à 90 USD/baril, SOFAZ sera donc, pour la première fois de son histoire, créditeur net du budget. Cela ne pose pas de problèmes de liquidité, dans la mesure où SOFAZ détient une proportion importante de titres de dette publique de divers pays, ce qui lui permet d’avoir 1 Md USD de liquidité à sa disposition tous les mois. SOFAZ ne sera ainsi pas contraint de vendre les actifs que le fonds a acquis dans une perspective de gestion à long terme. Un manque de rigueur budgétaire hors hydrocarbures Axe de gauche : Axe de droite (%) : Sources : SOFAZ (2009-2014), prévisions 2015 CESD, calculs et graphes SER AMBASSADE DE FRANCE EN RUSSIE - SERVICE ÉCONOMIQUE RÉGIONAL - 4 - A z e r b a ï d j a n – S i t u a t i o n é c o n o m i q u e e t f i n a n c i è r e – m a r s 2 0 1 5 © DG Trésor 4. Politique monétaire : le manat fort remis en question par le président Aliyev, puis dévalué Le 21 février, la banque centrale d’Azerbaïdjan a dévalué le manat azerbaïdjanais (AZN) de plus de 33% vis-à-vis du dollar américain et de 30% vis-à-vis de l’euro. Dans un communiqué, la banque centrale a précisé que cette décision permettrait de « stimuler la diversification de l’économie azerbaïdjanaise, renforcer sa compétitivité internationale et son potentiel à l’exportation ». Cette dévaluation fait suite à une prise de position récente du président azerbaïdjanais : Ilham Aliyev avait jugé, dans une allocation en date du 29 janvier, qu’il n’était pas souhaitable que le manat s’apprécie davantage vis-à-vis de l’euro. Cette prise de position avait provoqué un début de mouvement de panique dans la population. Un euro s’échangeait vendredi 20 février contre 0,8934 AZN, et samedi 21 février contre 1,1950 AZN. Le manat, introduit dans sa forme actuelle au 1er janvier 2006, connait donc vis-à-vis des monnaies européenne et américaine les taux de change les plus faibles depuis son introduction. Quelques jours plus tôt, le gouverneur de la banque centrale d’Azerbaïdjan Elman Roustamov, à ce poste depuis 1995, avait annoncé l’orientation de la monnaie vers une politique de change plus flexible, et à terme vers un ciblage de l’inflation. Afin de tracer la voie à cette nouvelle politique, la Banque centrale avait annoncé le 16 février qu’elle renonçait immédiatement à l’indexation du cours du manat sur le dollar, pourtant en vigueur et stable depuis 2009 ; un panier bi-devises serait dorénavant utilisé, avec une part de 20-30% accordée à l’euro, à déterminer. La Banque centrale avait alors précisé qu’elle continuerait à être active sur le marché des changes en définissant un corridor de fluctuation. La cible d’inflation pour l’année 2015 avait été fixée à 5-7% (contre une inflation à 1,4% en 2014 en g.a.). Suite à cette annonce, le manat s’élevait le 17 février à 0,7853 AZN / 1 USD, soit 0,1% de moins qu’avant cette annonce. Le gouverneur avait par ailleurs, dans une interview accordé le même jour, annoncé que si dévaluation il devait y avoir, elle se ferait de manière progressive et non instantanée. Il avait rappelé les deux raisons pouvant conduire à une dévaluation : une balance des paiements fortement déficitaire, ou bien l’insuffisance de réserves de change - l’Azerbaïdjan ne se trouvant dans aucune de ces deux situations, il avait conclu que la monnaie du pays ne risquait actuellement pas d’être dévaluée. Il avait enfin rappelé l’intérêt d’une monnaie forte afin d’éviter une forte inflation via le canal des importations. Fin janvier, la banque centrale avait publié sur son site le bilan de son activité 2014 et annoncé ses priorités pour l’année 2015, formulées entre autres de la manière suivante : «Number 1 task of the Central Bank for 2015 is to actively support macroeconomic stability, the key factor to continue overall economic growth and socially protect the population.» Approfondissement : Réserves de change La Banque centrale d’Azerbaidjan a acquis, à partir du lancement de la production pétrolière dans le pays, des réserves importantes de change grâce à la balance des paiements chroniquement fortement bénéficiaire, essentiellement en USD. Ces réserves ont atteint un niveau confortable, et représentaient dès fin 2011 plus d’une année d’importations. Hormis en 2009, les réserves ont augmenté tous les ans, de manière régulière. Une des conséquences positives de la solidité du Manat est le recul de la dollarisation dans les dépôts des particuliers : près de 30% des dépôts étaient en devises en 2009, contre 15% mi-2014. Décembre 2014 – janvier 2015 a marqué une nouvelle étape dans l’histoire monétaire de l’Azerbaijan : après une baisse de près de 1,3 Md USD en décembre 2014, une nouvelle baisse de 1,1 Md USD a été observée en janvier 2015. Cela correspond à une baisse de près de 16% en deux mois des réserves, après des années de croissance constante et stable. Source : BCA, graphe SER AMBASSADE DE FRANCE EN RUSSIE - SERVICE ÉCONOMIQUE RÉGIONAL - 5 - A z e r b a ï d j a n – S i t u a t i o n é c o n o m i q u e e t f i n a n c i è r e – m a r s 2 0 1 5 © DG Trésor Le taux directeur de la banque centrale a été baissé à deux reprises en 2014, en raison notamment d’une inflation très faible depuis début 2013 – il s’établit en septembre 2014 à 3,5%. Eu égard à la faible profondeur financière de l’économie azerbaïdjanaise (cf. développements sur le secteur bancaire), le taux directeur n’est néanmoins, de facto, qu’un outil de politique monétaire marginal, et les taux effectivement appliqués sont nettement plus élevés (taux moyens pour les prêts supérieurs à 20%). Enfin, l’inflation s’est située à 1,4% en 2014 d’après les statistiques officielles, après 2,4% en 2013. Certains observateurs estiment qu’elle est supérieure, le think tank CESD indique que l’indice des prix aurait augmenté de plus de 4% sur l’année écoulée. 5. Système bancaire : cher et divisé, le secteur bancaire ne remplit que partiellement son rôle de financement de l’économie 44 banques continuent de coexister, malgré une nette augmentation des capitaux propres minimaux par la banque centrale au 1 er janvier 2015, de 10 à 50 M AZN. Selon la banque centrale, deux banques seraient peut-être mises en danger par cette nouvelle mesure de régulation. Les banques ne financent aujourd’hui que 5-10% de l’économie : les projets restants sont financés par les grands groupes et le gouvernement. Les marchés financiers demeurent largement sous-développés : 80% des échanges sur la bourse de Bakou (qui n’occupe que deux brokers) concernent des bons du Trésor et les transactions ne représentent que 0,005% du PIB. Soutenues par la Banque mondiale, les autorités azerbaidjanaises développent plusieurs projets pour développer le secteur financier dans le pays : projets de développement de la Bourse de Bakou, projet de licence bancaire pour la Poste et mise en place d’une réglementation de protection des consommateurs… La privatisation d’IBA (International Bank of Azerbaijan), qui reste de loin la banque la plus importante du pays, même si sa part de marché baisse depuis plusieurs années (Cf. ci-contre) est à nouveau évoquée – si cette option était écartée il y a encore 6 mois, son intérêt pour une rentrée d’argent opportune dans les caisses de l’Etat remet le sujet à l’ordre du jour. Chroniquement sous-capitalisée, IBA propose pour les dépôts des particuliers des taux autour de 9%, sur lesquels les autres banques s’alignent. Le coût élevé des sources de financement, couplé à des coûts opérationnels importants, conduit à des coûts de crédit ne permettant pas de financer des PME à moyen terme. En effet, selon le FMI, les taux appliqués pour les prêts dépassent de près de 10% ceux qui sont appliqués pour les dépôts, notamment en raison d’une efficacité du capital faible des banques. Les prêts des banques commerciales ne représentent qu’une partie insuffisante des sources de financement du secteur privé (d’après l’OCDE, plus de la moitié des entreprises peinent à obtenir des crédits pendant leur phase de développement). La BERD a signalé que le nombre d’affaires conclues par employé de la BERD à Bakou est deux fois supérieur à ce qu’il est dans des pays comparables : en effet, les banques ne remplissant que partiellement leur rôle de financement de l’économie, les IFI le font pour partie à leur place, en offrant aux entreprises des crédits à long terme à des taux acceptables. Enfin, le Fonds national de soutien à l’entreprenariat créé en 1992 et géré par le ministère du Développement économique, complète l’offre de crédit pour les entreprises de taille moyenne. En 2013 et 2014, environ 300 M USD de crédits ont été accordés par le biais de ce Fonds, et l’enveloppe est appelée à augmenter, aux dires du ministère de l’économie. Globalement, on note que l’économie azerbaïdjanaise étant largement sous financiarisée. La pénétration de la finance dans le secteur privé reste largement inférieure à tous les pays de la zone (Géorgie, Arménie, Russie par ex.) Les statistiques de la Banque centrale montrent des taux de créances douteuses actuellement faibles, à environ 5%. Même si ce chiffre est sans doute sous-évalué, en raison de la prise en compte insuffisante des encours, la valeur réelle doit être peu éloignée. Face à la croissance importante de crédits à la consommation (+30-40% en 2012 et 2013), la Banque centrale a néanmoins augmenté début 2014 les obligations de provisionnement des banques et exigé un renforcement des critères de solvabilité pour les particuliers. Ces mesures ont rapidement montré les effets attendus, la croissance des crédits à la consommation est en baisse. AMBASSADE DE FRANCE EN RUSSIE - SERVICE ÉCONOMIQUE RÉGIONAL - 6 - A z e r b a ï d j a n – S i t u a t i o n é c o n o m i q u e e t f i n a n c i è r e – m a r s 2 0 1 5 © DG Trésor Approfondissement : Les actifs des banques représentent fin septembre 2014 moins de 40% du PIB, cette part est néanmoins en croissance (elle ne se situait qu’à 20% en 2005). Parmi les crédits octroyés, la part des crédits des ménages augmente (environ 50%), au détriment des crédits aux entreprises. En une décennie, les secteurs les plus demandeurs de crédits ont évolué : si au début de l’exploration pétrolière, les banques finançaient encore une partie des projets, cette tâche est aujourd’hui entièrement remplie par les sociétés impliquées. On voit, depuis quelques années, la part du commerce décroître, au profit de la construction, et de l’industrie manufacturière dans une moindre mesure. La part de l’agriculture reste inchangée au cours des années, malgré la volonté du gouvernement de soutenir davantage ce secteur porteur de croissance inclusive. Crédits aux entreprises par secteur d’activité, en part de la masse totale de crédits Source : BCA, calculs et graphes SER 6. Climat des affaires : le pays peine à attirer les investisseurs étrangers La part des hydrocarbures serait passée de 70% du PIB en 2007 à moins de 40% en 2014 ; afin de réduire cette part à moins de 30% à l’horizon 2018, l’objectif affiché est de multiplier par un facteur 6 d’ici à 2020 les exportations non pétrolières. Via divers fonds publics (fonds ICT pour les nouvelles technologies, fonds agricole, fonds d’entreprenariat), le gouvernement soutient les secteurs à potentiel, en accordant des prêts à des taux entre 5 et 7%. Ces prêts transitent par des banques commerciales, mais le gouvernement prend en charge leur garantie, ce qui n’encourage ni les banques intermédiaires, ni les entrepreneurs à optimiser la gestion et la rentabilité des projets. Aucune évaluation de l’efficacité des fonds alloués n’est aujourd’hui publique. Les secteurs de l’économie réelle restent largement organisés sous forme de monopoles ou oligopoles, notamment les filières d’importations, exacerbant les comportements de recherche de rente. De fait, force est de reconnaître que l’Etat reste le principal investisseur, ne serait-ce que par le biais des entreprises placées sous son contrôle dont les investissements sont souvent financés par des transferts budgétaires. Dans cet esprit, la compagnie nationale pétrolière et gazière SOCAR apparaît de plus en plus comme le bras armé de la politique d’investissement intérieur stratégique et international et pas uniquement dans sa sphère naturelle d’activité (raffinage, pétrochimie – projet STAR en Turquie, OGPC en Azerbaïdjan -, distribution de produits pétroliers dans plusieurs pays de la région et l’UE, trading international à Genève). En effet, c’est à la SOCAR qu’il revient d’organiser et de financer le chantier de la dépollution du grand Bakou ainsi que l’aménagement de nouveaux quartiers en lieu et place des friches industrielles à la périphérie de la capitale (white Baku). Les Institutions financières internationales présentes en Azerbaïdjan viennent en soutien au Gouvernement pour amorcer la diversification de l’économie et développer le secteur financier. Banque Mondiale, BERD, ou encore BAD ont des présences fortes dans ces pays où, souvent, elles pallient les insuffisances des banques traditionnelles commerciales, avec des stratégies plus ou moins conservatrices (investissements uniquement dans les infrastructures pour la BAD, projets plus proches de l’économie réelle pour la Banque mondiale, visant à favoriser la production locale). Aujourd’hui, les IDE sont très limités en dehors des grands projets pétroliers, en raison d’un climat d’investissement qui reste relativement peu favorable aux entreprises étrangères. Malgré quelques réformes réglementaires (e-government) et la modernisation des infrastructures, le niveau de corruption reste élevé. La banque mondiale estime que le secteur informel représente 40% des échanges à Bakou, et entre 70 et 90% sur le reste du pays. On peut néanmoins souligner les efforts conséquents qui ont été réalisés face à la corruption qui régnait au quotidien en Azerbaïdjan, par exemple pour le renouvellement de papiers, l’obtention d’un permis de conduire, etc. C’est le mérite de l’agence ASAN, lancée au plus haut niveau de l’Etat pour endiguer la corruption. 7 représentations ont ouvert à ce jour, et plus de 3,6 millions de AMBASSADE DE FRANCE EN RUSSIE - SERVICE ÉCONOMIQUE RÉGIONAL - 7 - A z e r b a ï d j a n – S i t u a t i o n é c o n o m i q u e e t f i n a n c i è r e – m a r s 2 0 1 5 © DG Trésor demandes ont été traitées entre la création de l’agence en 2013 et le 31 décembre 2014. Aucun fonctionnaire (leur moyenne d’âge se situe autour de 25 ans) n’encaisse de paiement, et les administrés sont invités à donner leur avis sur le service rendu, par facebook, skype ou d’autres applications populaires. Cette initiative a permis d’endiguer la petite corruption et ainsi d’améliorer le quotidien des Azerbaïdjanais dans leurs relations avec l’administration. A ce jour, la position de l’Azerbaïdjan dans les classements internationaux relatifs au climat des affaires traduit largement le problème majeur qu’est la corruption : dans le classement « Ease of doing business » de la Banque mondiale, le pays a gagné 8 places pour le classement 2015 (pour être classé 80ème), mais finit parmi les derniers pour l’obtention d’un permis de construire ou les échanges douaniers. Il ne progresse que peu dans le classement du World Economic Forum paru en septembre 2014, sa performance économique étant l’élément qui lui permet de conserver sa 38ème place. La corruption reste l’élément le plus souvent cité par les entrepreneurs parmi les freins aux affaires, suivi de près par l’accès au financement (cf. partie 5). Copyright Tous droits de reproduction réservés, sauf autorisation expresse du Service Économique de Moscou (adresser les demandes à [email protected]) Clause de non-responsabilité Le Service Économique s’efforce de diffuser des informations exactes et à jour, et corrigera, dans la mesure du possible, les erreurs qui lui seront signalées. Toutefois, il ne peut en aucun cas être tenu responsable de l’utilisation et de l’interprétation de l’information contenue dans cette publication. Auteur : SER de Moscou Service Économique pour la CEI et la Géorgie Adresse : Ambassade de France en Russie 45, Bolchaïa Yakimanka, 115 127 Moscou – Russie Version du 2 mars 2015 AMBASSADE DE FRANCE EN RUSSIE - SERVICE ÉCONOMIQUE RÉGIONAL - 8 -