Images du grand âge : impact des représentations sociales

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Images du grand âge : impact des représentations sociales
pages 13-17 du
débat :: no 1
www.pro-senectute.ch/debatte
Le grand âge
un défi pour l’individu
et la société
Images du grand âge : impact des
représentations sociales sur les soins et
l’accompagnement
Mireille Balahoczky
Responsable des soins infirmiers
Département de Gériatrie, Hôpitaux
Universitaires de Genève
Les images du grand âge ont un impact sur le comportement des personnes âgées à l’égard de la vieillesse. Si de
telles images sont influencées par des mythes, elles sont
nuisibles à tous: elles nourrissent la peur de vieillir et
rendent les relations entre les générations plus difficiles.
Il est donc important que les personnes soignantes, en
particulier, fassent un travail sur leurs propres images
afin d’acquérir des représentations réalistes de la vieillesse.
Images du grand âge : impact des représentations sociales sur les
soins et l’accompagnement
Mireille Balahoczky
Responsable des soins infirmiers
Département de Gériatrie, Hôpitaux Universitaires de Genève
Les images du grand âge ont un impact sur le comportement des personnes âgées à l’égard
de la vieillesse. Si de telles images sont influencées par des mythes, elles sont nuisibles à tous:
elles nourrissent la peur de vieillir et rendent les relations entre les générations plus difficiles.
Il est donc important que les personnes soignantes, en particulier, fassent un travail sur leurs
propres images afin d’acquérir des représentations réalistes de la vieillesse.
L’image est la traduction symbolique de la représentation
On définit le terme de «représentation» comme étant un concept fourni à la conscience par les sens
ou qu’elle se donne à elle-même par la mémoire, l’imagination, la réflexion et le souvenir.
La représentation forme le contenu concret d’un acte de la pensée ou d’une visée de la conscience.
C’est la reproduction d’une conception antérieure, un état de la conscience. La représentation est
une idée, une opinion dont le fondement est constitué par la croyance, par les valeurs, par les
impressions et par les expériences affectives. Elle n’est pas interrogée dans sa légitimité ni dans
son origine.
La représentation a sa raison d’être. Elle permet à l’individu de trouver une explication propre à un
questionnement existentiel. Elle guide de manière consciente ou inconsciente le sens de nos actions
et elle justifie le bien fondé de nos interventions.
Au nom du principe de «l’unicité», l'être humain aura tendance à poser des actes cohérents à sa
représentation. En effet, chaque comportement repose sur cette connaissance cognitive et affective
que constitue notre représentation.
Se trouver dans la situation de produire un comportement en opposition à notre représentation
entraîne chez l’humain, l’anxiété et l’incertitude qui se traduit par une désorganisation plus ou
moins grande.
Représentation que l'adulte jeune a de l’âge avancé
Le jeune adulte a une représentation du grand âge qui repose sur ses valeurs, ses croyances, ses
convictions et ses connaissances. Cette représentation se nourrit aussi des propres croyances de la
personne âgée elle-même.
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Il y a plusieurs manières de voir le vieillissement : on peut le considérer comme une période de
déclin d’énergie avec une perte irréversible des capacités, tant affectives que cognitives. Le
vieillissement peut être vu comme un moment d'apprentissage, comme une étape de la vie où
l’individu est riche d'expériences, qu’il possède la distance nécessaire pour analyser les
événements, qu’il envisage l’avenir avec calme et sérénité. On peut aussi voir la vieillesse comme
le temps de la mort où l’individu, débarrassé des stimulations de la vie productive, se retrouve avec
lui-même pour vivre sa spiritualité, pour se préparer à quitter le vie.
La manière de concevoir le vieillissement repose aussi sur nos connaissances. A ce sujet, Butler, en
1975(1) établit une différence entre l’âgisme et les mythes.
L’âgisme, dit-il, est un préjugé défavorable à l’égard des personnes âgées, qui s’explique par le
sentiment négatif que chacun porte en soi, à des degrés divers, vis à vis de la vieillesse.
Les mythes reflètent un manque de connaissances à propos des personnes âgées ou le peu de
rapports qu’on a avec les membres de ce groupe d’âge. Il poursuit en présentant un certain nombre
de mythes entourant les personnes âgées.
• Mythe de la vieillesse : la seule mesure de l’âge chronologique ne tient pas compte de
l’individualité des personnes. Il y a des «jeunes» vieux et des «vieux» vieux.
• Mythe de la non-productivité : en l’absence de maladies ou de contraintes sociales, les
personnes âgées restent bien engagées dans la vie familiale et communautaire. Certaines ont
encore une activité professionnelle.
• Mythe du désengagement : certaines personnes âgées ont tendance à se replier sur elles-mêmes,
à choisir la solitude. Ceci n’est pas une généralité.
• Mythe de l'inflexibilité : l’adaptabilité est liée aux caractéristiques personnelles d’un individu et
non à l’âge. Les personnes âgées peuvent s’adapter à des niveaux divers et la majorité d’entre
elles accepte le changement.
• Mythe de la sénilité : les pertes de mémoire, la diminution de l’attention et les moments de
confusion sont souvent perçus comme de la sénilité. En réalité, ces comportements peuvent être
liés à une pathologie et sont réversibles.
• Mythe de la sérénité : l’âge avancé n’est pas un gage de sérénité, de repos et de temps libre. Les
personnes âgées vivent aussi de la peine, de la désolation et de l’inquiétude face à leurs propres
pertes ou à des difficultés de leur entourage.
Ces mythes, tout comme l'âgisme entre les générations et entre vieillards eux-mêmes, nuisent à
tous. Ils entretiennent la peur de vieillir et rendent difficiles les relations harmonieuses entre les
générations.
En réalité, qui est la personne âgée ?
Lauzon et Adam (1997)1 écrivent : «La personne âgée est un être humain qui est parvenu à une
étape avancée de sa vie, laquelle se caractérise par l’altération de certaines structures et fonctions
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de son organisme. Le vieillissement physique n’est qu’un aspect, certes le plus observable, parmi
d’autres de l’évolution de cet être complexe. L’avancement en âge est souvent décrit comme un
déclin. Pourtant, malgré les apparences, il peut être un processus d’épanouissement où s’affirme et
se consolide l’être social, psychique, spirituel, politique, intellectuel, religieux, sentimental et
philosophique qu’est la personne âgée.»
En effet, le vieillissement est un processus personnel où chaque organe vieillit à son rythme. Il y a
un changement au niveau du système nerveux central qui entraîne une diminution de la sensibilité,
une baisse dans la vitesse «action-réaction» et un certain ralentissement parfois des activités
cognitives.
Au niveau des poumons, on trouve une difficulté possible pour la régulation des échanges gazeux.
Une moins bonne isolation de la peau par la perte du tissu sous-cutané et une diminution de
l’élasticité troublent l’équilibre thermique.
On constate, dans le vieillissement, une fragilité des os et des risques d’ostéoporose avec une
baisse du tonus musculaire.
Au niveau du système digestif, il y a un ralentissement du métabolisme. Concernant les organes
sensoriels, on assiste à une diminution progressive des facultés sensorielles. Il y a une diminution
de la production hormonale et, enfin, les fonctions cardiaques et rénales sont modifiées.
Ce processus, qui est naturel et normal, fragilise la personne et l’expose plus que l’adulte jeune au
risque des maladies avec, pour conséquence, des déficiences et des handicaps.
La personne âgée reste, malgré cela, un être complexe ayant des besoins et des ressources pour les
satisfaire. La satisfaction des besoins procure à la personne le bien-être qui entretient la santé
globale. L’incapacité à répondre à ses besoins engendre l’angoisse, le stress et l’impuissance qui
altèrent la santé.
La vieillesse peut être dynamique et représenter une période d'accomplissement d’unicité et de
sérénité pour l'individu. Les expériences, les rêves, les fantasmes et les souvenirs deviennent des
sources accrues de compréhension et d'enrichissement. Cependant, des causes internes à la
personne, la maladie, externes, liées à l'environnement et au contexte, altèrent l’intégrité physique
et fragilisent le moi. Le vieillard devient un être dépendant, qui espère de son entourage.
En quoi consiste l’aide du soignant ?
Qu'elle vienne du professionnel ou de l’entourage socio-familial, l’aide soignante consiste à veiller
à la satisfaction des besoins chez la personne âgée. La personne soignante intervient en consolidant
et en renforçant les ressources personnes de la personne âgée pour qu’elle puisse satisfaire ses
besoins de manière autonome. Elle l’assiste et l’aide à franchir les étapes difficiles. Elle
l’encourage à établir les priorités et elle valorise ses entreprises.
La personne aidante aura aussi un rôle de suppléance quand la maladie et les handicaps limitent
l'indépendance de la personne âgée.
En règle générale, l’aide à apporter à l’aîné, pour satisfaire les besoins dits de base, appelés aussi
les besoins primaires, est aisée parce que facilement objectivable, l’expression de ces besoins est
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identifiable car connue de tous. Nous savons que toute personne a besoin de manger, de dormir,
d’éliminer les déchets de son organisme, de se protéger contre les dangers.
Il est tout aussi important de retenir chez la personne âgée, le besoin d'avoir une estime positive
d’elle-même, le besoin de communiquer avec les autres, le besoin de se divertir, le besoin de se
sentir utile, le besoin d’appartenir à un groupe, le besoin d’aimer et d'être aimé, le besoin d’intimité
et le besoin de dépassement.
Ces besoins, dits égocentriques et d’auto-accomplissement, sont aussi appelés des besoins
supérieurs.
L’influence de la représentation du soignant sur cette aide
Que ce soit pour la satisfaction des besoins primaires ou supérieurs, seule l’image que l’aidant s’est
faite de la vieillesse l’amènera à intervenir de manière positive auprès du vieillard. L’approche
positive repose sur cette connaissance que la vieillesse n’est pas une maladie mais une période de
la vie, c'est l’aboutissement d’un processus qui débute à la naissance, qui traverse le temps selon
des étapes, qui conduit une personne vers ce moment très riche d’expériences.
C’est la période où des rôles s’effacent pour permettre à la personne d’en adopter d’autres.
La représentation du soignant évolue dans le temps, avec ses acquisitions et grâce à ses
expériences.
Trop souvent, le soignant face à un vieillard souffrant et dépendant, est écrasé par les aspects les
plus lourds de cette situation. Les perspectives sont limitées, les interactions sont perturbées par la
peur, la négation, la pitié ou la colère. La personne âgée devient une menace, par la projection de
notre image future. De part et d’autre, le soignant et le vieillard sont envahis par des sentiments
d’impuissance, de désespoir et d’inutilité. Ce qui rend toute rencontre stérile et toute approche
impossible. Le soignant développe l’agressivité et la personne âgée présente l’apathie et le
désengagement.
Pour faire évoluer les représentations, éviter que l'image dévalorisante reste figée dans la mémoire
du soignant, il doit apprendre.
Nul ne mettra en doute, aujourd’hui, l’existence de la gérontologie en tant que discipline imposant
des connaissances particulières et spécifiques. Le soignant professionnel doit donc connaître les
tâches psychologiques et de développement du grand âge. Il doit reconnaître l'existence des besoins
sous-jacents, difficilement identifiables, se manifestant à travers des comportements parfois
inadaptés. La satisfaction des besoins, la possibilité de modifier les rôles, la poursuite d'interactions
significatives sont les éléments qui entretiennent une perspective globale de vie en santé.
La connaissance de la personne âgée, la compréhension du processus de vieillissement et la
maîtrise de l’approche positive modifient les représentations et les attitudes du soignant. Loin de
développer une perspective étroite et faussée qui relierait la vieillesse à l'institutionalisation, à la
maladie et à la déficience, au contraire, il s’implique avec émotion, les interactions avec la
personne âgée sont teintées d’admiration, d’espoir, de respect et de perspectives existentielles.
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Conclusion
Pour conclure, retenons que la représentation mentale constitue une valeur construite à partir de
croyances archaïques. Nous avons tous une représentation de la réalité avant de la découvrir.
Le soignant, qu’il soit professionnel ou aidant naturel, aborde le vieillard demandeur d’aide avec sa
représentation du grand âge et de son propre rôle. Cette représentation, quand elle est positive,
permet la vision globale et la créativité nécessaire pour accompagner l’aîné dans un moment
important de son existence, faite de richesses, d’obstacles et de péripéties. Quand elle est négative,
elle incite le soignant à l'éloignement, l’incompréhension, la désespérance et l’agressivité.
La représentation se modifie grâce à la connaissance donnée par la formation, à la proximité entre
les générations de jeunes et d’âgés. Le jeune soignant doit côtoyer la personne âgée pour se créer
une représentation de la vieillesse proche du réel.
CE NE SONT PAS LES ANNÉES QUI SÉPARENT LES GÉNÉRATIONS
MAIS NOS REPRÉSENTATIONS MUTUELLES.
Bibliographie
1. Lauzon S. et Adam A. : La personne âgée et ses besoins. Seli Arslan, Paris, 1997.
2. Herfray Ch. : La vieillesse, une interprétation psychanalytique. Ed. Desclée de Brouwer, Paris, 1988.
3. Berger L. : Nursing du troisième âge. Ed. HRW, Canada, 1976.
4. Sebag-Lanoë R. : Vieillir en bonne santé. Ed. Desclée de Brouwer, Paris, 1997.
5. Jasmin C. et Butler R. : Longévité et qualité de vie, défis et enjeux. Institut synthélabo, Paris, 1999.
6. Wilson et Kneisl : Soins infirmiers psychiatiques. Inter Editions, Québec, 1982.
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