Poher - Office de Tourisme de Carhaix et Huelgoat

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Poher - Office de Tourisme de Carhaix et Huelgoat
Projet Cantata : les mots clés du Poher
20. Poher
Les Halles, Carhaix – 29 octobre 2007
Le Poher, fabrication d’un espace historique
Une histoire événementielle du Poher n’est guère envisageable par manque de sources écrites.
Alors, le Poher un objet historique non identifié ? Certes non, la délimitation et l’évolution de cette
région a fait couler beaucoup d’encre entre les tenants d'un Grand Poher, terre originelle de nature
royale dont l’apogée se serait situé au 6e ou au 9e siècle, et ceux, plus circonspects, pour qui le
Poher constitue un cadre fluctuant, en constante évolution.
Poher : un nom vieux breton
Ce nom, cité dans le Cartulaire de Redon (poucaer en 844, poucher en 871, paucar en 895) se
décompose en pou/pau équivalent vieux breton du latin pagus (pays, comté), et de caer/cher
transcription vraisemblable de castrum (le camp et par extension la ville). Le nom Poher évoque un
territoire centré sur la capitale déchue de la cité des Osismes, Carhaix-Vorgium.
Le Poher carolingien, une identité à deux faces
Le Poher est le seul pagus cornouaillais attesté avant le 11e siècle. C’est un comté carolingien,
subdivisé en pagi minores ou vicariats. Sous le règne de Salomon (851-874), le Royaume de
Bretagne regroupe au moins 8 à 9 comtés auxquels le souverain délègue l’autorité judiciaire,
fiscale, administrative et militaire. En 844, le Poher est administré par le beau-frère de Nominoe,
Rivallon. Il est ensuite confié à Rivelen, neveu de Salomon, à Iedecael, petit-fils d’Erispoe, premier
roi de Bretagne, enfin à Matuedoi, père d’Alain Barbetorte, dernier comte de Poher avant que les
Vikings ne désorganisent le royaume à partir de 913.
Quelle est donc au juste la réalité territoriale de ce pagus ? Deux écoles s’opposent sur la
question. L’une considère qu’à l’époque carolingienne le Poher recouvre entièrement l’évêché
cornouaillais, dans ses limites d’avant 1789. J. Quaghebeur note ainsi que les sources ne
mentionnent aucun comte de Cornouaille pour la période et constate que Rivelen, qualifié de
comte de Poher en 868 par le Cartulaire de Redon, est aussi gouverneur de Cornouaille dans un
acte instrumenté à Landévennec entre 857 et 867. A ses yeux, Poher et Cornouaille ne font donc
qu’un. D’autres, comme Bernard Tanguy, remarquant que la rareté des mentions du terme Poher
contraste avec l’abondance de celui de Cornouaille et de ses habitants avant le 9e siècle, tiennent
le Poher pour une subdivision au nord de la Cornouaille.
Cette situation politique avantageuse de bascule entre le nord et le sud pourrait expliquer la
prospérité du lignage attaché à cette terre dont est issue la royauté bretonne et l’intérêt que lui a
accordé la puissance impériale pour asseoir sa domination sur la Bretagne armoricaine. Des
prospections archéologiques récentes prouvent que l’intérieur connaît une densité de peuplement
comparable aux autres régions bretonnes pour les périodes anciennes. Les ressources minières
étaient aussi importantes : d’anciennes galeries d’extraction de galène exploitées entre le 5e et le
9e siècles ont été découvertes en 1965 à Plélauff.
Du pagus à la communauté de communes
Pour B. Tanguy, le Poher, dans sa plus forte extension, confinait à l’Est avec l’Oust, frontière du
diocèse de Cornouaille et qu’il se serait étendu vers l’Ouest jusqu’à l’Elorn et à la rade de Brest.
Vers le Sud, les limites sont plus floues, les Montagnes Noires et le cours inférieur de l’Aulne
formant une frontière naturelle.
Le comté de Poher disparaît au cours du 10e siècle dans la tourmente provoquée par les incursions
scandinaves. Il faut attendre les 12e, 13e et 14e siècles pour voir de nouveau le Poher dans les
sources documentaires. Entre temps, le comté carolingien a été démembré. Un nouveau fief
concédé au vicomte de Cornouaille a fait son apparition, le « pagus en fou », qui étend son
emprise entre l’Aulne et Le Faou. Un acte de 1210 mentionne 2 juridictions distinctes, le Poher et
la Cornouaille. L’archidiaconé de Poher, enfin, le plus vaste du diocèse, regroupe 114 paroisses
réparties en deux doyennés.
La sénéchaussée et cour ducale (puis royale) de Carhaix se confond peu ou prou avec le doyenné
de Poher et regroupe jusqu’à 50 paroisses. La Révolution, par la création des départements et des
nouveaux évêchés, met un point final à ces structures administratives et religieuses. Avant la
renaissance du Poher en tant que collectivité territoriale en 1993.
Le Poher et le mythe de l’unité nationale
Les héritiers de Pierre Le Baud, historien officiel des ducs de Bretagne de la fin du 15e siècle, ont
fait du Poher la terre du prince Conomor qui, au 6e siècle, aurait tenté l’unification des divers
territoires de la Britannia Minor. L’aventure se serait mal terminée. Conomor périt, lâché par le
pouvoir franc et excommunié par le clergé breton. L’historicité du personnage ne peut être mise
en cause. Il est attesté par Grégoire de Tours dans son Histoire des Francs (fin 6e siècle) et selon
d’autres sources, il est préfet du roi mérovingien Childebert 1er (511-558). L’association de
Conomor avec le Poher est bien plus douteuse car elle ne repose sur aucune chronique médiévale
contemporaine. Vitalis, moine du 11e siècle, auteur d’une vie de Saint Gildas dans laquelle
intervient le tyran Conomor, n’en parle pas. La présentation de Conomor comme premier prince
du Poher semble bien être le fruit d’une spéculation manquant de fondement. Au final, la
construction du personnage ressemble beaucoup trop à celui de Nominoe, issu d’un lignage du
Poher au 9e siècle, que l’historien nationaliste breton La Borderie surnommait le père de la patrie,
tad ar vro. Le Poher : paradis perdu de l’Indépendance ?…
Pour aller plus loin...
J. Quaghebeur, La Cornouaille du 9e au 12e siècle, Mémoire, pouvoirs, noblesse, PUR, 2002.
Bulletin de la Société archéologique du Finistère, T CXXX, année 2001
Association Bretonne, T CX, année 2001
La Bretagne des Saints et des Rois, éditions Ouest France Université
Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest, T 110, année 2003, n° 1
Atlas d’Histoire de Bretagne, éditions Skol Vreizh, 2002
Cartulaire de Redon T 1, AHID 1998
Ch. Kerboul, Petite Histoire du Grand Poher, Ed. du Pontig, 2000.