le rôle de la gastronomie dans le tourisme

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le rôle de la gastronomie dans le tourisme
UNIVERSITE PARIS 1 PANTHEON-SORBONNE – INSTITUT DE RECHERCHE ET
D'ETUDES SUPERIEURES DU TOURISME
LE RÔLE DE LA GASTRONOMIE
DANS LE TOURISME
Intervenante : Sophie MISE - LE BOULEISE
Commissaire générale de la Fête de la Gastronomie
Compte-rendu assuré par les étudiants du Master 1 - Gestion des Activités Touristiques et
Hôtelières
23/10/2012
Lieu : Office du Tourisme et des Congrès de Paris
Sujet : Comment faire d'un axe induit un axe principal facteur de succès pour le
rayonnement et l'économie ?
I)
Les grandes dates du tourisme
Au moment de la renaissance il y eut un éveil de la curiosité en France qui s’est traduit entre autre
par le mouvement des lumières. Cette époque a été marquée par le renouvellement du savoir, de
l’éthique et de l’esthétique. L’idéal de diffusion du savoir mène alors à l’édition d’un des premiers guides
de “ce qui vaut la peine d’être vu”.
C’est dans ce cadre-là que naît, à la fin du 17ème siècle, le voyage d’agrément en Angleterre. Le
voyage a surtout été développé par les Anglais, faisant suite à une réelle nécessité commerciale et
géopolitique de voyager. De ce besoin surgira plus tard une certaine curiosité et le plaisir de voyager, ce
qui s’est traduit par l’invention du tourisme thermal ou encore des sports d’hiver.
En 1910 Alexandre Millerand, ministre français des travaux publics de l’époque, crée le premier
office de tourisme, avec la volonté de promouvoir ces endroits qui doivent pouvoir être contemplés et
visités par le plus grand nombre. Le regard intellectuel qu’on porte sur son entourage va alors se modifier
puisqu’on va avoir davantage conscience de ce qui nous entoure. On décide donc consciemment de
construire une activité touristique dans ces endroits. Cependant le voyage reste réservé à une élite aisée,
possédant des ressources financières, du temps et de la culture.
Au début du 20ème siècle, avec la mesure révolutionnaire qu’était à l’époque celle des congés
payés (1936), le voyage devient une activité accessible aux classes populaires qui disposent désormais de
la ressource « temps » pour pouvoir voyager. Cependant, les moyens des classes populaires restent encore
trop limités, ce qui amène les congés payés à être principalement une période de repos pour ces classes-là.
Ce n’est qu’après la seconde guerre mondiale, avec la croissance économique et les politiques
budgétaires des trente glorieuses que le tourisme s’institutionnalise. Dans les années 80, on assiste à une
consécration du tourisme en tant que véritable enjeu économique et social. En effet, cette époque est
marquée par la création d’un ministre délégué au tourisme. Le code du tourisme français ne sera pourtant
élaboré qu’en 2006.
Le tourisme devient progressivement un secteur de poids (notamment en termes de chiffre
d’affaires et d’emploi), amenant, en 2012, à la nomination d’un ministre de plein exercice. Celui-ci était
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très attendu par les acteurs du secteur, qu’ils soient dans le domaine du loisir, de l’artisanat, la
restauration ou encore du voyage. Le tourisme est l’un des plus gros secteurs français mais son
identification souffre encore d’une sorte de perdition de sens. En effet, la structuration du secteur reste
confuse car il se retrouve au milieu de plusieurs bouts de secteurs tiers. Le tourisme bénéficierait donc
d’une recentralisation et d’une organisation plus verticale, que peut amener ce ministre, permettant, par la
suite, un possible travail plus efficace sur les différentes cibles.
II)
Le tourisme : pourquoi ?
Le voyage touristique, c’est le déplacement de soi de manière physique ou mentale et les
impressions sensorielles sont particulièrement importantes. Le tourisme traduit une envie d’initiation et
de découverte, un désir de bien être, de retour à la nature (ressourcement), d’aventure, ou de
dépaysement. Il existe également d’autres axes de motivation aux vacances comme le rapprochement
familial.
III)
Le tourisme : moteur sous exploité de la croissance économique française
On constate qu’au cours de ces dernières années, le rapport entre les déplacements effectifs en
France et le chiffre d’affaires généré a chuté. Alors que la France occupe encore la première place en
termes d’arrivées sur le territoire, elle n’occupe que la troisième place en termes de chiffre d’affaires
généré par le tourisme. Ce chiffre a baissé considérablement au cours des dernières années. En effet, la
France a perdu plus de trois points de parts de marché mondial en matière d’arrivées internationales de
touristes depuis 1995. Paradoxalement, le tourisme est le premier poste exportateur sur la balance des
paiements de l’Etat, ce qui démontre bien un laxisme de l’Etat en termes de politique touristique.
En effet, il y a un manque de ressources en termes de quantité et de qualité (et par cela on entend
la qualité de la main d’œuvre, donc des services touristiques) qui s’explique par une déficience des
formations, des niveaux de formation et un manque d’ambition et d’investissement dans ce secteur par
l’Etat. Il y a donc un vrai déficit d’ambition, de valorisation pour les formations du secteur, se traduisant
par un marché de l’emploi difficile à gérer et un réel manque de ressources, se chiffrant à 20 000
personnes pour la restauration, et de 50 000 dans le reste du secteur.
Du fait de cette dévalorisation des services dans le domaine, on observe que l’accueil en France
n’est plus à la hauteur de ce qu’il était autrefois et constitue, ainsi, une zone de fragilité du secteur,
entraînant des retentissements économiques. Les services touristiques français produisent des déceptions
chez les touristes amenant à un fléchissement de la renommée française.
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Alors que le tourisme français recule, le tourisme des étrangers repart à la hausse. En outre nous
assistons à des mutations dans le secteur du tourisme. Il est donc important que le secteur touristique
français saisisse les opportunités qui en découlent.
Les derniers chiffres ont montré que les touristes chinois représentent une part de 30% de la
totalité des touristes. Le défi de la France va alors consister, dans un premier temps, à capter ces
nouveaux flux. Et cela se traduit, en premier lieu, par des efforts d’adaptation, permettant de proposer une
offre différenciée (en fonction des cultures, s’adapter en matière de traduction) et par la mise en place
d’infrastructures capables d’accueillir ces touristes. Plus particulièrement, par le développement des
aéroports qui permettent de capter ces nouveaux flux d’arrivées. Il faut donc d’avantage d’initiatives
publiques étant donné que ce sont les régions qui sont chargés de développer les aéroports. Ainsi le
Président de la région de Chalon sur Saône a réussi à mettre en place de nouvelles lignes aériennes via la
Russie pour capter une plus vaste clientèle russe.
IV)
Les tendances 2012 du marché du tourisme
Une des premières raisons de visite de la France sont évidemment son patrimoine naturel et
culturel. Cependant, les nouvelles tendances consistent principalement dans les court-séjours ou les
voyages dits « à la carte ». Dans tous les cas il y a une forte hausse de la demande de séjours touristiques
en zones urbaines. Il en va de pair un désir de découvertes culturelles et donc culinaires.
En 2012, de nouvelles tendances se développent donc, à l’exemple des « citybreaks », qui sont des
courts séjours dans une ville et qui mélangent des activités comme des visites, des balades et des
restaurants. Aujourd’hui, les séjours des touristes sont de plus en plus courts. Il faut faire en sorte
d’optimiser le déroulement des activités pour leur éviter de passer la majorité de leur temps de séjour dans
les transports. L’idée étant que le but premier de la venue des touristes est de stimuler la consommation et
le développement économique du pays.
Egalement de plus en plus demandé par les touristes : la personnalisation des offres, c’est-à-dire le
« voyage à la carte ». Les agences répondent à un besoin très spécifiques des touristes et s’adaptent à
leurs envies.
Les touristes sont également très intéressés par des voyages de découvertes culturelles, qui
conjuguent visites de musées, partage avec les populations locales, découverte de la cuisine traditionnelle
etc.
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V)
Tourisme : outil de développement économique
La gastronomie peut, en soi, constituer un moteur du tourisme puisque l’alimentation est une
évidence de l’être humain. En d’autres termes, les êtres humains sont inévitablement poussés à
consommer des produits alimentaires.
D’autre part, l’alimentation est un biais par lequel on peut très bien découvrir une partie de la
culture française. Et pas des moindres étant donnée qu’il s’agit là d’un élément de la culture française qui
a fait la renommée de la France pendant des siècles.
Alors qu’il y a dix ans on prédisait que l’alimentation allait principalement se faire par le biais de
« alicaments » pour gagner du temps, nous nous retrouvons aujourd’hui dans un mouvement inverse de
«slow food », où les repas sont redevenus un moment important d’échange et de repos.
A) L’avènement de la gastronomie en tant que véritable « art de vivre »
Dans ses débuts, Michelin n’était qu’une simple entreprise de pneus. André Michelin a cependant
été un véritable précurseur en matière de tourisme. En effet, il crée, dès 1906, un Bureau de
renseignements pour les voyageurs automobiles. Puis, en 1926, il invente les fameuses étoiles de « bonne
table » en province. L’idée du guide Michelin, novatrice à cette époque, était de recenser les grands
restaurants français et de permettre ainsi, un premier abord avec cette grande culture culinaire qu’est la
cuisine française.
L’accent étant mis sur l’innovation gastronomique française, on commence alors à connaître les
grands chefs de la gastronomie française, tel que François Vatel (1631‐1671), qui fut pâtissier‐
traiteur, intendant et maître d’hôtel français. Ou encore, Jean Anthelme Brillant Savarin (1755 – 1826),
gastronome français, qui fut, toute sa vie, un hédoniste. Il est l’auteur de La psychologie du goût, suite de
médiations gastronomiques, à la fois scientifiques et philosophiques. Très reconnu également, Auguste
Escoffier (1846 – 1935), chef cuisinier, restaurateur et auteur culinaire français. Il est le premier cuisinier
à devenir officier de la Légion d’honneur. Il fut un emblème de la théorisation (symbole de savoir-faire)
de la cuisine française. On pourra donner l’exemple de la réaction de Maillard, qui est une méthode de
séparation utilisée notamment dans la cuisson de viandes ou encore l’invention de la Pêche Melba.
Ce sont les grands noms de la gastronomie qui participent à l’imaginaire français et à son histoire
brillante. On se rend alors compte de la diversité culturelle de la France à travers son terroir qui raconte
l’histoire du pays.
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B) La naissance de la critique gastronomique
C’est avec Grimod de la Reynière que naît la critique gastronomique. Dès 1803, il relate la
société et son rapport à la nature et, dans sa littérature, la culture de l’époque. Le principe sera repris dans
la presse sous forme de chroniques gastronomiques. On se rend compte qu’au début du 19ème siècle, le
« bien manger » était réservé à la noblesse. Il se développe et se diffuse ensuite à la bourgeoisie, pour
finalement être accessible de tous. Les restaurants deviennent des lieux de fascination : on y mange pour
se dépayser et découvrir de nouvelles choses.
Il est vrai que le rayonnement international de la France portait, pendant longtemps,
essentiellement sur les grands axes qu’étaient: l’artisanat, les grands chefs, l’art de vivre. De ce fait, la
communication de la France porte souvent sur la gastronomie, les sensations liées à la gastronomie, l’art
de vivre et les paysages. On peut nommer, à titre d’exemple, les publicités de Relais et Châteaux.
Mais un manque de communication de la part de l’Etat français qui se repose sur ses acquis et
mène une « économie de cueillette » entrainera, à terme, la disparition de cette réputation française. On
peut déjà observer les effets néfastes de ce manque de volonté du secteur public.
VI)
Exemples de réussite de tourisme gastronomique
Alors que l’Italie et l’Espagne ont un budget de communication considérable, la France compte
encore sur ses acquis historiques au lieu de développer et de promouvoir son savoir-faire. En effet, de
nombreux pays tiennent des salons gastronomiques à portée internationale. On pourra citer le Madrid
Fusion, Le Eataly Turin, Taste of London ou encore le Omnivore new yorkais qui sont des grands salons
gastronomiques. Ces salons permettent de raconter les tendances, de présenter la diversité gastronomique
d’un pays, et de communiquer pour capter l’attention des étrangers. Il faut alors faire en sorte que des
projets de ce genre se créent également en France pour stimuler le tourisme.
VII) Fête
gastronomique
comme
enjeu
stratégique
de
développement
économique pour la France.
C’est dans cet objectif qu’a été créée la fête de la gastronomie. L’intérêt de cette fête se porte sur
deux niveaux:
- un niveau B to C (Business to Consumer), où les professionnels de la gastronomie sont en
contact direct avec les consommateurs, ce qui permet de raconter les tendances de la gastronomie, de
promouvoir sa diversité et, en quelques sortes, de rapprocher les Français de leur propre culture.
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- un niveau B to B (Business to Business), qui consiste en un échange entre les professionnels et
qui permet un développement économique national du secteur. En effet tout le domaine de la gastronomie
va pouvoir stimuler son chiffre d’affaires puisque les différents établissements vont pouvoir connaître et
apprécier leurs différences et trouver de nouveaux clients, des clients plus variés, plus fidèles.
Le tourisme français doit donc apprendre à se structurer, à se segmenter pour atteindre
l’excellence. Une telle fête permet de rehausser l’image de la gastronomie française autant à l’étranger
qu’au sein même du pays.
VIII) Fête de la gastronomie à l'international
La gastronomie se fête à l’international, comme à Buenos Aires, où l’Association Lucullus a réuni
400 personnes pour un banquet géant, ou encore, lors de la « French restaurant week » à New York.
Le tourisme est donc un axe de développement économique et de visibilité pour le pays. C’est un
secteur qui tend à devenir plus interministériel et au niveau international, un travail auprès des
ambassades est à prévoir. Egalement un travail avec le commerce extérieur et un travail de solidarité est
attendu. La fête de la gastronomie est donc un axe puissant qui tend à se développer. Elle a déjà fait
preuve d’une évolution notable, passant de 1 à 3 jours. Cet allongement de durée a pour but d’être plus
attirant auprès des offices de tourisme et des agences de voyage étrangères.
IX)
Débat :
Question de Marion Renault (élève de M1 en GSVT) : Comment la gastronomie française a-t-elle été
touchée par son classement au patrimoine immatériel de l’UNESCO ? Cela a-t-il
redynamisé les
acteurs du secteur ?
Réponse : Ce n’est pas la gastronomie mais le repas gastronomique qui a été classé. Nous avons
constaté un affaiblissement dans le domaine, on s’est donc dis qu’il pouvait être intéressant de proposer la
gastronomie française au classement. Mais elle a, dans un premier temps, été refusée. En effet, pour
pouvoir être classé en tant que patrimoine immatériel, l’objet ne doit pas donner lieu à une
commercialisation, ni à des bénéfices. Hors, la gastronomie française génère du chiffre d’affaires, des
bénéfices, des emplois et contribue au PIB. Le repas gastronomique a donc été créé « officiellement »,
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sa place étant déjà encrée dans nos coutumes sociales. On peut dire que c’est une forme
d’expérimentation car sa création a été au centre de nombreux débats.
De plus, la naissance de la fête de la gastronomie est sûrement induite de ce classement. Celle-ci
permet de remonter progressivement l’image de la gastronomie française à l’international. De plus, le
classement au patrimoine apporte une crédibilité nouvelle et une reconnaissance internationale, donnant
même, une sorte de sacralisation.
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