« Le Dictateur », un film engagé L`intention est d`éveiller les

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« Le Dictateur », un film engagé L`intention est d`éveiller les
HDA
éducation musicale Classe de 3
e
Sonia Duval
« Le Dictateur », un film engagé
L’intention est d’éveiller les consciences en plein conflit mondial
Contexte cinématographique
Le 1er film parlant date de 1927 « le chanteur de jazz ». Jusque-là, les films étaient muets et
accompagnés pendant toute leur durée par de la musique : elle illustrait de manière totale l’action, jusqu’à
coller aux gestes remplaçant le bruitage. 2 options se sont succédées : une musique est interprétée en
direct par quelques musiciens. Puis un enregistrement est effectué d’une seule prise par un orchestre qui
se synchronise avec le film.
Contexte historique du film
Le dictateur est le 1er film parlant de Charlie Chaplin.
Le scénario est écrit fin 1938. A cette époque, Hitler, dictateur de l’Allemagne s’apprête à annexer
l’Autriche et démanteler la Tchécoslovaquie.
Le film sort à New-York en 1940. Entre-temps, Hitler a déclenché la seconde guerre mondiale et conquis
une grande partie de l’Europe.
Engagement de Chaplin, artiste visionnaire
Il comprend avant même les grandes manœuvres militaires, la dangerosité d’Hitler, même s’il
appuie sur son caractère ridicule.
Il dénonce l’absurdité de l’antisémitisme ainsi que toute discrimination par de nombreuses
situations ironiques. Il développe une thèse humaniste.
Synopsis
Au cours de la Première Guerre mondiale, un soldat maladroit sauve la vie du valeureux pilote Schultz.
Après quelques années passées à l'hôpital, ce soldat devenu amnésique reprend son métier de barbier, dans
sa boutique qui a été incluse dans un ghetto juif.
Adenoïd Hynkel, le dictateur de Tomanie qui ressemble beaucoup au barbier, institue une discrimination
contre les Juifs, or le barbier est lui-même juif. Arrêté lors d'une rafle, parce que juif et accusé de
comploter contre le régime, le barbier se retrouve en prison avec Shultz. Tous deux finissent pas s'évader,
au moment où la Tomanie envahit l'Österlich.
Hynkel et le barbier se croisent et les soldats les confondent : Hynkel est arrêté comme fugitif, tandis que
le barbier, pris pour le dictateur, est contraint de prendre sa place et d'improviser un discours à la radio :
« Espoir... Je suis désolé, mais je ne veux pas être empereur, ce n’est pas mon affaire. Je ne veux ni
conquérir, ni diriger personne. Je voudrais aider tout le monde dans la mesure du possible, juif, chrétien,
païen, blanc et noir. Nous voudrions tous nous aider si nous le pouvions, les êtres humains sont ainsi faits.
Nous voulons donner le bonheur à notre prochain, pas lui donner le malheur. (...) Chacun de nous a sa place et
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notre terre est bien assez riche, elle peut nourrir tous les êtres humains. Nous pouvons tous avoir une vie
belle et libre mais nous l’avons oublié... »
2 types de sources sonores
son diégétique : son faisant partie de l'action (narration), pouvant être entendu par les personnages du film.
son extradiégétique : son extérieur à la narration et à l’action : musique d’ambiance composée pour susciter
ou évoquer des sentiments.
Nous allons étudier le son extradiégétique
Charlie Chaplin défend la paix et l’harmonie des peuples contre la brutalité barbare de la guerre. Dès le
générique, Chaplin symbolise musicalement cette thèse.
Scène 1 : Le générique
Présentation des noms :
Contexte : jusqu’aux années 50, le fond est fixe (paysage ou un tissu) et tous les noms défilent (proche du
générique de fin). Le cinéma est un spectacle exceptionnel et on n’est donc pas pressé ! C’est un type de
présentation qui se fait maintenant en fin de film, afin de donner du dynamisme en début de film.
La pièce musicale est longue, jouée par un orchestre dans un caractère épique (vents) ou romantique (cordes).
La liaison avec le caractère du film reste assez vague
1ère partie : Fanfare grandiloquente par les cuivres (motifs en ostinato transposés, de caractère militaire
avec une prédominance du rythme pointé et des triolets).
2e partie : thème romantique aux violons (2 lignes enchevêtrées : écriture horizontale) accompagné des
cordes graves.
Un texte d’introduction annonce la situation initiale du film :
3e partie : la guerre
Deux motifs au clairon s’altèrent en question-réponse et se superposent. Les motifs évoquent une sonnerie
militaire (noire-triolet). Le caractère de la première scène du film est posé : c’est la guerre.
Dans une nuance fortissimo, un motif en ostinato de 4 notes est transposé par paliers successifs vers
le grave. Il comprend un accord dissonant puis 3 notes descendantes en rythme pointé. Cela donne une forte
impression de déstructuration (dissonance, chute dans le grave), symbolisant la destruction du monde par
la guerre. Arrivée sur un roulement aux percussions auquel se succède un bruit de bombe.
Scène 2 : Hynkel et le globe terrestre (51’10 à 53’20)
La musique citée est extraite de l’opéra « Lohengrin » (1850) de Wagner. Wagner est le
compositeur symbolisant le 3e Reich, très apprécié par Hitler pour ses fresques sur la
mythologie germanique relatée avec grandiloquence dans des opéras « à grand spectacle ».
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L'appropriation de la musique de Wagner par les nazis
Hitler était lui-même un très grand admirateur de Wagner. Il a assimilé les idées de Wagner à
l’idéologie nazie :
- son antisémitisme cependant retiré de son contexte
- les thèmes germaniques qui jalonnent son œuvre
Il déclara un jour que le national-socialisme n'avait qu'un seul prédécesseur légitime : Richard Wagner. Les
nazis faisaient un usage courant de cette musique et la jouaient lors de leurs grands rassemblements. Ce
n'était pas le seul compositeur apprécié des nazis : Bach, Beethoven ou
Bruckner furent aussi récupérés par le régime.
Wagner et la mythologie allemande
Lohengrin est le 6e opéra de Richard Wagner créé en 1850.
Le livret (le texte) de cet opéra est emprunté à la mythologie allemande.
Il raconte les aventures de Lohengrin, dit « le chevalier au cygne ». A
travers des péripéties complexes, il valorise les vertus de justice,
d’honnêteté et de patriotisme.
La scène d'ouverture de l'opéra peut être interprétée comme un
encouragement à peine voilé, adressée à un prince allemand, de réunifier
l'Allemagne sous son drapeau : « Pour la terre germanique, l'épée
germanique! Que soit ainsi préservée la force de l'empire ! »
Plus tard, Wagner assimila le jeune roi de Bavière Louis II à ce prince anonyme réunificateur et le mécénat du roi sauva
de la faillite, par une rente et la construction d’un théâtre réservé à Wagner « le
palais des festivals de Bayreuth ». Ses derniers opéras purent ainsi voir le jour :
L'Anneau du Nibelung et Parsifal.
Lohengrin fut un succès immédiat, et plusieurs extraits sont devenus célèbres,
dont les préludes des 1er et 3e actes, l'air de Lohengrin « In fernem Land », et le
chœur nuptial « Voici la mariée », marche nuptiale utilisée lors des mariages.
Le jeune roi Louis II de Bavière fut très touché par cet opéra féerique ; il fit
construire plus tard un château de conte de fées, qu'il nomma Neuschwanstein « le nouveau rocher du cygne ».
Cependant Chaplin cite un extrait à l’opposé des passages célèbres et tonitruants de Wagner
comme la célèbre « chevauchée des Walkyries ».

La composition évoque la délicatesse et l’orchestration propose une grande transparence
et clarté des timbres. Cet extrait est de caractère statique et féerique.

Une « mélodie continue » (un thème qui ne s’arrête pas) se dédouble en 2 lignes
principales de violons qui se croisent (écriture horizontale) pianissimo dans les aigus en
valeurs très longues.

Cette féerie est coupée brutalement par 3 accords forte et accentués (écriture
horizontale) de cuivres. Ils semblent annoncer la chute de cet idéal germanique.
Scène 3 : Le travail en musique (53’20 à 55’)
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L’ironie
La radio allemande évoque un des usages courant de la musique : donner du cœur à l’ouvrage
(chants de travail, hymne et chants militaires).
Un barbier juif écoute une radio allemande nazie, et suit les conseils de la radio : il
travaille avec le sourire !
La radio diffuse la « Danse hongroise n°5 » (pour piano à 4 mains ou orchestre) de Johannes
Brahms (1833-1897), compositeur romantique allemand.
Mais ce compositeur allemand cite en fait un thème d’inspiration tzigane. Comme les juifs, les
tziganes étaient exterminés en priorité par les Nazis, considérés comme des « soushommes ».
C’est une musique de contraste (puissance, motifs mélodiques, rythme et tempo, modes de jeu).
Les tempi sont très variables, de lent à rapide avec de nombreuses segmentations séparées par
des brefs silences.
Les motifs sont extrêmement variés, souvent brefs et systématiquement répétés.
Le talent de pantomime de Charlie Chaplin utilise cette musique tzigane aux motifs courts variés
et segmentés pour séparer les gestes brefs lents ou rapides du barbier.
Scène 4 : La fin du discours final du barbier (fin)
Le prélude à l’acte 1 de Lohengrin est repris plus fort lorsqu’il n’y a plus de dialogue. Il symbolise ici
l’espoir et la beauté de la nature humaine.