Etude du comportement des interfaces et des interphases dans les

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Etude du comportement des interfaces et des interphases dans les
Chapitre I - Les composites à fibre et à matrice céramique
I.1. Introduction ...................................................................................................................... 11
I.2. Les composites à matrice céramique SiC et à fibres SiC................................................. 12
I.3. Les fibres SiC ................................................................................................................... 13
I.4. La matrice SiC.................................................................................................................. 16
I.5. Rôle des interfaces et des interphases .............................................................................. 17
I.5.1. Interface fibre matrice très forte (interface liée) .......................................................... 18
I.5.2. Interface fibre matrice très faible (non liée)................................................................. 21
I.5.3. Interface fibre/matrice intermédiaire............................................................................ 22
I.5.4. L’interphase.................................................................................................................. 23
I.5.4.1. Déviation de fissure.................................................................................................. 23
I.5.4.2. Contrainte résiduelle thermique ............................................................................... 27
I.5.4.3. Transfert de charge entre fibre et matrice ................................................................ 28
I.5.4.4. Protection contre l’oxydation ................................................................................... 28
I.6. Comportement mécanique des composites CMC en traction monotone ......................... 28
I.7. Conclusion........................................................................................................................ 31
I.1. Introduction
Les composites à fibres et à matrice céramique (CMC) sont des matériaux qui
possèdent une contrainte à la rupture et une ténacité proche des métaux tels que la fonte ou les
acier ordinaires. Deux types de composites céramiques tolérants à l’endommagement ont été
développés. D’une part les composites renforcés par des fibres longues, d’autre part les
composites à renforts discontinus tels que les whiskers. La principale différence de
comportement entre ces deux types de matériaux concerne la rupture. Les matériaux
composites à fibre longue ont une rupture contrôlée. Après la fissuration de la matrice, la fibre
peut encore supporter un chargement mécanique. La rupture des fibres est statistiquement
distribuée, ce qui est proche des mécanismes contrôlant la rupture du bois.
Pour les composites à fibres courtes, l’introduction de whiskers dans une matrice
céramique améliore la résistance à la propagation de fissures, ce qui rend le composite moins
sensible aux défauts initiaux. Les propriétés à rupture de ce type de matériaux sont décrites en
termes de défaut critique. Cependant, lorsqu’une fissure commence à se propager, la
propagation est généralement catastrophique.
Dans le développement des céramiques renforcées, l’usage de renforts en carbure de
silicium a été de grande importance pour améliorer le comportement mécanique aux hautes
températures. Bien que d’autres types de renforts soient disponibles, comme les fibres de
verre, fibres de carbone et fibres d’alumine, nous nous intéresserons plus particulièrement au
11
cas des fibres et de la matrice en carbure du silicium qui sont de bons candidats pour des
applications aux hautes températures.
Grâce à leurs bonnes propriétés mécaniques aux hautes températures, les composites à
matrice céramique sont utilisés dans le domaine du spatial, de l’aéronautique et de
l’automobile (freinage). Ces composites sont constitués de fibres céramiques et d’une matrice
céramique qui sont donc fragiles individuellement, mais le comportement du composite est
non fragile, en raison des interactions entre fibres et matrice. Les fibres permettent
d’améliorer la contrainte à la rupture du composite et la matrice protège les fibres contre un
environnement agressif.
I.2. Les composites à matrice céramique SiC et à fibres SiC
Le carbure de silicium (β-SiC) est un matériau céramique de dureté élevée, présentant
une bonne inertie chimique et une faible masse volumique. Cependant, comme toutes les
céramiques, il est très fragile. Il ne présente aucune déformation plastique à température
ambiante, et il est donc extrêmement sensible à la présence de rayures, aux effets d’entaille et
aux défauts de fabrication. L’augmentation de la ténacité de cette céramique est obtenue en
associant un second constituant susceptible de supporter la charge mécanique appliquée à
l’ensemble lorsque la matrice est fissuré [ISMA 99 et IGAW 05].
L’association d’une céramique avec des fibres longues céramiques permet d’obtenir
des composites de type renfort fragile/matrice fragile ayant des propriétés mécaniques
globales améliorées, qui présentent une certaine tolérance à l’endommagement [ISMA 99].
Les matériaux SiC/SiC sont des composites non-oxydes très étudiés à l’heure actuelle,
qui présentent une bonne résistance à un environnement agressif à haute température.
Toutefois il est nécessaire d’améliorer les propriétés mécaniques de ces matériaux en insérant
entre les fibres et la matrice un troisième constituant, l’interphase, qui est l’objet de cette
étude.
Dans tous les cas, le manque de ductilité et la faible ténacité, ainsi que la mauvaise
tenue aux impacts, rendent leur utilisation délicate.
Les matériaux qui sont étudiés ici, sont élaborés par dépôt chimique en phase vapeur
en pression réduite (LP-CVD), au Laboratoire des Multimatériaux et Interfaces, (LMI
Université Lyon 1). Il s’agit de minicomposites qui sont constitués d’une mèche de fibres HiNicalon (500 filaments) où les fibres sont d’abord revêtues par LPCVD, d’une interphase
entre 300-500 nm et, ensuite, d’une gaine de SiC (5-8µm) qui joue le rôle de matrice [RAPA
02, JACQ 03].
12
Les échantillons sont enrobés et polis dans un plan perpendiculaire à la direction des
fibres. L’enrobage doit être parfaitement solide pour éviter tout glissement du minicomposites
dans son enrobage sous l’effort d’indentation.
I.3. Les fibres SiC
L’application des composites à matrice céramique à haute température requiert
l’utilisation d’un renfort fibreux présentant à la fois une haute résistance à l’oxydation et de
bonnes propriétés thermomécaniques. Dans les CMC, les fibres utilisées doivent avoir une
faible masse volumique, associée à une contrainte à rupture élevée [SING 99]. Afin de
réaliser des architectures complexes, il faut également que ces fibres aient une bonne aptitude
au tissage. De plus, les composites étant destinés à des utilisations sous des conditions sévères
(hautes températures, environnement oxydant et sollicitations mécaniques longues), il est
primordial que ces fibres présentent une bonne stabilité chimique et structurale, mais aussi
une bonne résistance au fluage et à l’oxydation.
Il existe actuellement une grande variété de fibres céramiques visant à remplacer la
fibre de carbone trop sensible à l’oxydation. Nous présentons au tableau I.1 un
échantillonnage non exhaustif de ces différentes fibres. La fibre de carbure de silicium
apparaît être la plus intéressante actuellement.
Les fibres de type Nicalon ont été mises au point dans les années 1970 par Yajima à
partir de la pyrolyse d’un précurseur organométallique de type polycarbosilane [YAJI 75].
Elle sont commercialisées sous forme de fils de 500 monofilamentes, de diamètre 15 µm, sous
l’appellation Nicalon NLM 202 (Nippon Carbon). Son élaboration à partir du polycarbosilane
(PCS) comporte trois étapes successives : un filage du polymère fondu (300°C) sous
atmosphère inerte, une réticulation par oxydation ménagée pour obtenir une structure
tridimensionnelle au sein de la fibre, et une pyrolyse entre 1100°C et 1300°C en atmosphère
inerte pour former la fibre céramique finale. Afin d’assurer la stabilité dimensionnelle des
fibres pendant l’étape de pyrolyse, celles-ci sont rendues infusibles par un traitement
thermique de réticulation sous air à une température de ~ 180 °C. De petit diamètre (15 µm) et
aisément manipulable, la fibre Nicalon est aujourd’hui largement utilisée dans la fabrication
des composites à matrice céramique d’architectures plus ou moins complexes. Sa composition
chimique ne se réduit pas à du carbure de silicium pur. En effet ces fibres contiennent du
carbone libre et un oxycarbure de silicium SiO2xC1-x dus au processus d’élaboration et, de ce
fait, elles ne sont pas thermodynamiquement stables. Ces fibres présentent aux hautes
températures (dès 1100 °C) et sous environnement agressif, une perte importante des
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propriétés mécaniques en formant une couche riche en carbone et en silice à la surface de la
fibre, d’une dizaine de nanomètres d’épaisseur. [MAH 84, SHIM 91, IGAW 05].
Tableau I.1 : Propriétés de quelques fibres céramiques.
type
A base
Fabricant
Nippon Carbon
Nom
Diamètre Densité
σfR
(g/cm3) (MPa)
εfR
Ef
(%)
(GPa)
commercial
(µm)
Nicalon
14
2,55
2000
1,05
190
NLM 202
SiC
Nippon Carbon
Hi-Nicalon
14
2,74
2600
1,0
263
Ube Industries
Tyranno
8,5
2,37
2500
1,4
180
11
2,39
2900
1,45
199
Nippon Carbon Hi-Nicalon S
13
3,0
2500
0,65
375
Ube Industries
Tyranno SA
10
3,0
2500
0,75
330
Dow Corning
Sylramic
10
3,1
3000
0,75
390
Du pont de
FP
20
3,92
1200
0,29
414
Mitsui Mining
Amax
10
3,9
1020
0,30
344
3M
610
10-12
3,75
2600
0,7
370
ICI
Saffil
1-5
3,2
2000
0,67
300
Sumitomo
Altex
15
3,2
1800
0,8
210
3M
312
10-12
2,7
1700
1,12
152
3M
440
10-12
3,05
2100
1,11
190
3M
720
12
3,4
2100
0,81
260
Lox-M
Ube Industries
Tyranno
Lox-E
SiC
stoechio
α –Al2O3
Nemours
α-Al2O3/
SiO2
Dans le but de remédier à cet inconvénient et ainsi répondre à des besoins
technologiques toujours plus exigeants, Okamura [OKAM 88] a proposé d’effectuer la
réticulation du précurseur par bombardement électronique sous vide. Dans ce procédé, des
liens Si-Si se forment directement entre les extrémités des chaînes polymères ce qui permet
d’obtenir une fibre dont la teneur en oxygène est inférieure à 0,5 % en masse. Cette fibre
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commercialisée sous le nom de Hi-Nicalon (Nippon Carbon Co), représente une nouvelle
génération de fibres SiC. Elle est constituée d’un mélange de petits cristaux de carbure de
silicium et de carbone amorphe. De ce fait, cette fibre présente une meilleure résistance au
fluage et à l’oxydation que la fibre NLM 202 [ISHI 98, IGAW 05]. Elle sera utilisée dans ce
travail comme renfort dans nos composites SiCf/SiC.
Le tableau I.2 regroupe les caractéristiques des fibres SiC potentiellement utilisables
dans les composites SiCf/SiC.
Tableau I.2 : Caractéristiques des diverses fibres SiC
Dénomination
Composition
ρ
3
фf
σfR
εfR
Ef
τmax
(%)
(Gpa)
(ºC)
(% massique)
(g/cm )
(mm)
(GPa)
SCS-6
SiC(âme C)
2,7-3,3
143
3,4-4,0
Sigma
SiC(âme W)
3,4
100
3,4-4,1
Nicalon
Si56,6C31,7O11,7
2,3-2,55
10-20
Hi-Nicalon
Si62,4C31,7O0,5
2,74
14
2,6-2,8
1,0
270
1400
Hi-Nicalon S
Si68,9C30,9O0,2
3,1
12
2,6
0,6
420
1600
Sylramic
SiC95 -B-C
3,1
8-11
2,1-4,3
400
>1600
MPS
Si60C30O10
2,6-2,7
10-15
1-1,4
175-200
Tyranno Lox-M
Si54C31,6O12,4Ti2
2,37
8,5
2,5
1,4
180
Tyranno Lox-E
Si54,8C37,5O5,8Ti1,9
2,39
11
2,9
1,45
199
HPZ
Si59N28C10O3
2,3-2,5
10-12
1,7-2,1
1
180-230
2,523,29
0,8-1,0 410-427
0,8
1299
400-410
1259
1,1-1,5 182-210
1200
1200
Une autre fibre Hi-Nicalon (type S) est développée par la société Nippon Carbon Co
[TAKE93]. Sa préparation exige des conditions spéciales lors de la pyrolyse (atmosphère
d’hélium). Elle a la composition stoechiométrique du SiC et une meilleure cristallinité. Elle se
distingue de la fibre Hi-Nicalon par sa plus grande rigidité et une meilleure stabilité thermique
(jusqu’à 1600°C). Cependant son prix élevé est un frein à son utilisation. Le tableau I.3
suivant permet de comparer les caractéristiques des trois fibres de la série Nicalon [ICHI 00].
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Tableau I.3 : Propriétés comparative des fibres Nicalon [ICHI 00].
propriétés
Nicalon NL
Hi-Nicalon
Hi-Nicalon S
Diametre fibre (µm)
14
14
12
Nombre de filaments (fibre/fil)
500
500
500
Tex (g/1000m)
210
200
180
σfR (GPa)
3
2,8
2,6
Ef (GPa)
220
270
420
εfR (%)
1,4
1,0
0,6
Masse volumique (g/cm3)
2,55
2,74
3,10
Coefficient de dilatation
3,2
3,5
-
Si
56,6
62,4
68,9
C
31,7
37,1
30,9
O
11,7
0,5
0,2
C/Si
1,31
1,39
1,05
thermique (25-500°C) (10-6/°C)
Composition
Chimique
(% massique)
I.4. La matrice SiC
Le principe de densification de la structure fibreuse repose sur l’infiltration chimique
en phase vapeur (CVI). Ce procédé consiste à déposer du SiC sur les parois des pores de la
structure
fibreuse,
à
partir
d’un
gaz
précurseur,
constitué
d’un
mélange
de
methyltrichlorosilane (MTS) et d’hydrogène. Ce dépôt est réalisé sous pression réduite à une
température de l’ordre de 1000°C.
Sur le plan structural, le carbure de silicium est représenté par des motifs tétraédriques
qui peuvent s’empiler différemment et conduire à plusieurs polytypes (3C, 2H, 4H, 6H,
15R,… ). Parmi ceux-ci, la forme cubique, 3C ou β-SiC (a = 0,43589 nm), est celle que l’on
obtient principalement par CVD. Ce composé réfractaire montre une stabilité thermique
jusqu’aux environs de 2500°C où il y a décomposition en silicium liquide et en carbone. Il
présente une dureté élevée (13 sur l’échelle de Mohs, soit 1600-3100 kg/mm2). C’est un des
matériaux les plus durs, il se situe juste derrière le diamant, le carbure de bore et le nitrure de
bore cubique.
16
Le rôle principal de la matrice est de maintenir les fibres sans provoquer de perte
importante de propriétés. L’utilisation du SiC dans un composite sous air permet la formation
d’une fine couche de silice qui protège le renfort contre l’action de l’oxygène de l’air. En
raison de ses propriétés, le β -SiC est un matériau de choix, et est naturellement compatible
thermiquement et chimiquement avec des fibres SiC Hi-Nicalon grâce à leurs coefficients
d’expansion thermique (α ou CTE) et leurs coefficients de Poisson voisins.
Tableau I.4 : Propriétés mécaniques de la matrice SiC et des fibres Hi-Nicalon [RAPA 02]
Propriétés
Matrice SiC (CVD)
Hi-Nicalon
Α (10-6/K)
4,5
3,5
ν
0,18-,019
0,2
Contrainte à rupture σ r(Mpa)
200
2800
Module d’Young E (GPa)
400-440
270
Déformation à rupture εr(%)
1
Masse volumique (g/cm3)
3,21
2,74
I.5. Rôle des interfaces et des interphases
Il est reconnu que le comportement mécanique des composites à matrice céramique à
renforts fibreux dépend fortement de la liaison entre fibre et matrice, qui s’est établie entre les
constituants lors de l’élaboration du composite. Les CMC ont un comportement fragile si
cette liaison est forte (i.e. proche de celui de la matrice monolithique) et, non fragile si cette
liaison est suffisamment faible [NASL 93, 97, 98 BERT 01, DROI 96, CHIA 01]. Cette
liaison est constituée d’une ou plusieurs interphases et interfaces. L’Interphase est une zone
concentrique à la fibre, d’épaisseur fine (en général quelques 10 ou 100 nm) et de nature
chimique définie (formée par un ou plusieurs constituants élémentaires du composite lors de
son élaboration). Elle peut être également une fine couche introduite volontairement dans le
but de protéger la fibre ou de contrôler la liaison interfaciale, ou bien encore de contribuer à
améliorer la compatibilité chimique fibre/matrice. Les interfaces désignent les surfaces
séparant les interphases entre elles ou une interphase de la fibre ou de la matrice [NAIS 92, et
BERT 01].
17
Le problème qui se pose lors de la conception d’un composite est de savoir quelle doit
être l’intégrité de la liaison fibre/matrice sur le plan physico-chimique et sur le plan
mécanique. Répondre à cette question suppose que l’on sache : (i) mesurer la force de la
liaison fibre/matrice par des tests micromécanique appropriés, (ii) identifier l’origine physicochimique de cette liaison, (iii) recréer à volonté des liaisons fibre/matrice d’intensité contrôlée
et (iv) déterminer quels sont les critères à satisfaire. La mesure de l’intensité de la liaison
fibre/matrice peut être approchée par l’essais d’indentation (push-in), ou mieux par des essais
d’expression sur lame mince (push-through) ou encore par mesure du pas de fissuration
matricielle sur composites réels ou sur composites modèles [KERA 89 LAMO 92, CHER 97
98a 98b, EDDY 97 98, MORS 97, MART 2000, ROUB 02, REBI 98 02, KALT 98, HOND
94 95a 95b 98, ROY 05, CHAN 95, ZIDI 98 00 01, HINO 98, YANG 02]. Dans notre travail,
nous nous sommes intéressée à la caractérisation de la liaison fibre/matrice par l’essai de
push-in et par l’essai de push-through.
I.5.1. Interface fibre matrice très forte (interface liée)
Dans ce cas, l’adhésion entre la fibre et la matrice est parfaite et la déformation des
deux constituants est élastique. Il n’y a aucun déplacement relatif entre fibre et matrice, et
donc le transfert de charge s’effectue par l’intermédiaire d’une forte contrainte de cisaillement
dans la matrice, dont l’intensité décroît lorsqu’on s’éloigne radialement de la fibre et de la
discontinuité (Fig. I.3) :
τ =τi
Rf
(I.1)
r
où Rf est le rayon de la fibre, τi la contrainte de cisaillement à l’interface fibre/matrice (où : r =
Rf) et r est la distance radiale à partir du centre de la fibre.
Une fissuration matricielle peut se propager de différentes façons, qui correspondent à
des modes de propagation définis. La Fig. I.2 représente les modes de rupture rencontré dans
les matériaux.
Dans le cas d’une liaison fibre/matrice forte, une fissure se propageant en mode I (mode
d’ouverture) dans la matrice se propagera dans la fibre également en mode I, sans
consommation d’énergie importante. Il en suit une rupture prématurée de la fibre, qui ne peut
plus jouer son rôle de renfort. Ce type de matériau possède un comportement fragile, comme
une céramique monolithique (figure I.1 a). Sa contrainte à rupture σcR sera inférieure à celle
de la matrice.
18
σ
σfR
Fibre seule
Contrainte σ (MPa)
Matrice seule
(a)
σmR
σcR = σec
σf’
Composite
εfR
εmR = εcR = εce
Déformation ε (%)
σ
σfR
Fibre seule
Contrainte σ (MPa)
σcR
Matrice seule
σmR
σce
Composite
σf’
σ
(b)
εfR
εmR = εce
Déformation ε (%)
σfR
Fibre seule
Contrainte σ (MPa)
Matrice seule
σcR
σmR
(c)
Composite
σce
σf’
εmR = εcR = εce
εfR
Déformation ε (%)
Fig. I.1
Comportement mécanique d’un CMC en fonction de la force de la liaison
interfaciale, (a) : liaison forte, (b) : liaison trop faible et (c) : liaison intermédiaire.
19
A l’échelle de la fibre, le mode I, dit mode d’ouverture, constitue le cas le plus
critique, puisqu’il est responsable de la rupture catastrophique des composites. Le mode II, ou
mode de glissement droit, est la situation recherchée dans la déviation de fissure, avec le
mode III (glissement vis). En règle générale, la propagation de la fissure est en mode mixte
combinant le mode I et les deux autres modes (II et III). La consommation d’énergie lors de la
propagation de la fissure est dans ce cas de figure plus importante (Fig. I.2). Ces critères sont
généralement obtenus avec des interphases à structures lamellaires, que l’on trouve avec le
pyrocarbone et le nitrure de bore hexagonal. La Fig. I.3.a représente les profils de contrainte
du cisaillement interfacial τ, et de contrainte axiale dans la fibre σf .
Mode II :
Mode III :
Mode I :
Glissement droit
Glissement vis
Ouverture
Fig. I.2 Les différents modes de rupture rencontrées dans les matériaux fragiles.
L’analyse de l’interaction fibre/matrice faite par plusieurs auteurs ne prend pas en
compte certains aspects. Le premier aspect concerne les contraintes radiales et
circonférentielles qui ne sont pas déterminées et qui sont importantes car elles affectent le
transfert des contraintes, mais aussi la rupture de l’interface. Le second aspect est la nécessité
de calculer un coefficient intervenant dans les expressions de σf et τ qui est valable pour des
fractions volumiques de fibres importantes. Les équations avec prise en compte de l’effet de
Poisson et d’autres paramètres sont données au chapitre II. En général, les tests sur fibres
noyées dans une matrice correspondent à des valeurs de fraction volumique Vf faibles et donc
sous-estiment ce coefficient. Enfin, la dernière limitation est que le modèle de Cox prévoit des
contraintes de cisaillement maximales à l’interface fibre/matrice au droit de la rupture de la
fibre, alors qu’en réalité elles sont nulles du fait de la symétrie de surfaces libres.
20
Fissure matricielle
Fissure matricielle
σm
σm
σf
σf
τ
τ
Fig.I.3
Profils des contraintes dans la fibre.
A gauche : interface non liée, à droite : interface liée
I.5.2. Interface fibre matrice très faible (non liée)
Dans le cas des liaisons fibre/matrice faibles, les modèles supposent que les fibres et la
matrice ne sont pas ou plus physiquement liés sur une certaine distance, et le déplacement
relatif entre les deux se fait avec un frottement interfacial constant [KELL 65, MARS 84 86
87 89, ROUB 02 03]. Dans le cas des composites à matrice céramique, l’intensité de cette
contrainte (τ*) résulte de la superposition de plusieurs phénomènes intervenant à l’interface
fibre/matrice, et peut s’écrire de la façon suivante :
τ * = τ 0 + µ (σ iTH + σ iP )
(I.2)
où τ0 est une constante associée à la rugosité de la fibre.
µ est le coefficient de frottement de Coulomb-Amontons.
µ σiTH est la contribution constante apportée par la contrainte résiduelle radiale dans
l’hypothèse où la fibre est frettée thermiquement par la matrice (σiTH < 0).
21
µ σiP est un terme dépendant du rapport des coefficients de Poisson de la fibre et de la
matrice ([HUTC 90, KERA 95]).
Lorsque une contrainte de traction est appliquée sur une fibre selon son axe, la valeur
de τ augmente et atteint une valeur limite, τ*, qui est considérée comme ensuite constante :
lorsque τ = τ*, on peut observer un déplacement relatif de la fibre dans la matrice.
La contrainte limite de cisaillement fibre/matrice, τ*, est représentative d’un
frottement de Coulomb. Dans ce cas, le profil de contrainte longitudinale croît (ou décroît)
linéairement à partir du point de rupture de la fibre (ou de la matrice) sur une distance d/2.
Une fissure matricielle est déviée en mode II (glissement droit) à l’interface
fibre/matrice, et le renfort, non rompu, supporte seul la charge appliquée au droit de la fissure
matricielle. Dans ce cas, la courbe contrainte/déformation typique d’un CMC (figure I.1
milieu) peut se décomposer en quatre zones distinctes. Nous la décrivons par la suite.
En plus de la présence des contraintes thermiques, certains auteurs ([ARNA 89,
[WELL 85, MARS 92a 92b 95, PART 94]), prennent en compte l’effet de Poisson de la fibre
et de la matrice. En particulier, dans le cas de composites SiC/SiC unidirectionnels, l’étude
faite par Arnault [ARNA 89] montre que le gonflement radial de la fibre (effet de ν) et la
grande rigidité de la matrice induit un frettage mécanique. D’après cet auteur, le frettage
mécanique est prépondérant devant le frettage d’origine thermique et préconise de considérer
l’effet de coefficient Poisson (ν) lors d’une modélisation des courbes d’indentation pour ce
type de composites. Dans ce cas, la valeur de τ n’est donc plus constante et le profil de σf
s’écarte de la linéarité (Fig. I.3-c). Il est difficile d’affirmer si effectivement ce frettage
mécanique est prépondérant sur le frettage thermique. Néanmoins, nous confirmons que
l’effet de Poisson joue un rôle, par la comparaison de la valeur de τ* déterminée par
indentation avec celle estimée par l’exploitation des courbes donnant les contraintes de
pontage en fonction de l’ouverture de la fissure (voir Chap. II.2).
I.5.3.
Interface fibre/matrice intermédiaire
Dans le cas d’une force de liaison fibre/matrice intermédiaire (figure I.1 bas), le
composite présente un comportement dit pseudo-ductile, provenant de la multifissuration
progressive de la matrice et du transfert des efforts des zones rompues vers les zones plus
rigides. La rigidité du matériau diminue alors progressivement au cours de la sollicitation. Ce
type de comportement permet au composite d’avoir une contrainte à la rupture plus élevée
que dans les deux cas précédents. Ce dernier cas est bien entendu celui souhaité pour un
composite optimal [RAPA 02].
22
I.5.4. L’interphase
Nous avons noté que l’interface joue un rôle très important, et son contrôle améliore
les propriétés des CMC [CHIA 01]. Ceci est rendu possible par l’introduction d’une troisième
phase entre fibres et matrice : l’interphase. Cette interphase doit avoir plusieurs rôles, et pour
cela elle doit posséder certaines propriétés particulières [NASL 96, HINO 98, BERT 01,
ISMA 99, LACR 02].
I.5.4.1. Déviation de fissure
Parmi les propriétés recherchées sur l’interphase fibre/matrice, l’interphase doit
permettre au composite d’avoir un comportement dissipatif. Plusieurs auteurs ont effectué des
tests mécaniques pour évaluer l’effet de la présence de l’interphase et de son épaisseur sur les
propriétés interfaciales des CMC [SING 90, HINO 98, SING 99, BERT 01]. Dans cette
optique, des tests mécaniques en push-out sur des composite SiC/SiC avec différentes
épaisseur de carbone, est réalisés par Hinoki et al [HINO 98], montrent que le cisaillement
interfacial diminue rapidement avec l’augmentation de l’épaisseur du carbone (Fig.I.4). Luimême a aussi réalisé des tests en flexion trois points sur les mêmes éprouvettes. Les résultats
(Fig. I.5) montrent l’influence jouée par l’épaisseur de l’interphase carbone : ces essais
montrent que le composite SiC/SiC avec une épaisseur d’environ 1 µm de revêtement du
carbone présente une contrainte de flexion maximale. Ce phénomène est aussi confirmé par
Singh et al. [SING 99] (Fig. I.6). En utilisant les valeurs du rayon miroir, ces auteurs ont
estimé la résistance en traction des fibres selon l’Equ.(I.3) :
σ f Rm1 / 2 = Am
(I.3)
où Rm est le rayon de miroir, σf est la résistance à tension, et Am est la constante de miroir qui
est reliée à la ténacité du matériau. Ils ont supposé Am égale à 3,5 MPa/m1/2 suite aux travaux
de Thouless et al. [THOU 89]. La distribution de la résistance des fibres dans le composite est
décrite par le module de Weibull :
⎡ ⎛ σ ⎞m ⎤
PR (σ ) = 1 − exp ⎢ − ⎜ ⎟ ⎥
⎢⎣ ⎝ σ 0 ⎠ ⎥⎦
(I.4)
où PR est la probabilité à la rupture dans une contrainte donnée σ, m est le module de
Weibull et σ0 est la paramètre d’échelle qui correspond à une valeur caractéristique de la
résistance de la fibre. Les résultats sont montrés en Fig.I.7. Ces résultats montrent que la
résistance des fibres augmente avec l’épaisseur de revêtement du carbone, et atteint une
valeur maximale pour une épaisseur d’interphase de 1 µm.
23
Fig.I.4 Relation entre l’épissure de la couche de carbone
et la contrainte de cisaillement interfacial [HINO 98]
Fig.I.5 Effet de l’épaisseur de la couche de carbone sur la
contrainte de flexion du composite SiC/SiC [HINO 98]
Dans le cas du composite SiC/SiC (Em = 400 GPa, Ef = 200 GPa et Gicm(ténacité du
composite) = 25-40 J/m2), qui possède une interface faible (Gici =~1-2 J/m2), l’introduction
d’interphase (carbone ou BN) sera très utile [LACR 02]. Les études faites par Singh [SING
90] sur des composite de zircone monolithique renforcée ou par des fibre SiC revêtues ou non
par du nitrure de bore, montrent que le matériau non renforcé présente une rupture fragile. Les
deux composites (avec et sans interphase) ont chacun un travail à la rupture beaucoup plus
important que celui de la zircone monolithique. On observe cependant une rupture prématurée
du composite renforcé par des fibres non revêtues par rapport à celui possédant des fibres
revêtues, ce dernier ayant une diminution de la charge plus graduelle après le maximum.
24
FigI.6 Dépendance la contrainte à la rupture en fonction
de l’épaisseur de revêtement [SING 99].
Fig.I.7 Dépendance de la résistance in-situ des fibres en
fonction de l’épaisseur de revêtement [SINGH 99]
Les travaux de Lowden [LOWD 88a, 88b] confirment cet effet positif de l’interphase
(déviation de la fissure) dans les systèmes SiC/SiC. Ses résultats ont montré que la variation
de l’épaisseur de la couche du dépôt a un effet significatif sur la rupture des échantillons : plus
celle-ci est importante, plus l’effet dissipatif à la rupture du matériau est grand.
L’étude faite par Menessier et al. [MENE 88], qui confirme aussi cet effet, montre
qu’une trop forte épaisseur conduit à une décohésion fibre/matrice entraînant une chute des
propriétés mécaniques du composite (Fig. I.7). Il existe donc une épaisseur maximale pour
laquelle les propriétés mécaniques sont optimales [NASL 95, HINO 98, SING 99]. Les
25
conditions de déviation de la fissure matricielle à l’interface ont été étudiées aux éléments
finis par Pompidou [POMP 03].
Toutefois, le procédé de revêtement peut entraîner une diminution des propriétés
mécaniques de la fibre. Une étude effectuée sur des fibres silico-alumineuse revêtues d’un
dépôt à base de titane (épaisseur de 120 nm) montre une chute de valeurs de σR de l’ordre 20
% par rapport à celles des fibres brutes [CONC 89]. Rice [RICE 84] observe le même
phénomène sur des fibres Nicalon revêtues (dépôt non divulgué). Les résultats montrent une
diminution de la valeur moyenne de σR (à probabilité de la rupture Pr de 0,5) d’environ 25 %
par rapport à celle des fibres non revêtues.
L’étude faite par plusieurs auteurs montre le rôle joué par la structure de l’interphase
[NASL 92 et 95, LAMO 95, BANS 99]. La Fig. I.8 montre le comportement en flexion trois
points de quatre composites dont les interphases ont sensiblement les mêmes épaisseurs mais
des structures différentes. Les résultats montrent un comportement différent, ce qui témoigne
bien de l’importance tenue par la structure de l’interphase. Le choix du type de structure
dépendra des caractéristiques mécaniques que l’on souhaite obtenir pour le composite lors de
son application industrielle (Fig. I.9).
Fig. I.8. Courbe de contrainte déformation en flexion 3 points de composite à matrice
celsian (Barium Aluminsilicate) renforcée par des fibres Hi-Nicalon non revêtues, de
composite à fibres revêtues avec BN/SiC dans deux lots différents, et d’une céramique
monolithique type BSAS (BaO.SrO.Al2O3.SiO2) [BANS 99].
26
Figure I.9 Courbe force déplacement pendant le test de push-in,
même composite que Fig. I.8 [BANS99].
I.5.4.2. Contrainte résiduelle thermique
Un autre rôle joué par la présence de l’interphase est de modifier de façon notable le
champ des contraintes thermiques résiduelles (cf. Chapitre II.). En ce sens, Arnault [ARNA
89] a calculé les profils de contraintes thermiques pour une fibre SiC non revêtue noyée dans
un manchon de matrice SiC cylindrique. Celui-ci a une certaine épaisseur correspondant à un
taux volumique de fibre de 45 %. La matrice frette l’interface et la fibre (contrainte radiale de
compression à l’interface), quelle que soit l’épaisseur de la matrice. La fibre est également
soumise à une contrainte de compression circonférencielle dont la valeur est maximale à
l’interface.
Des calculs analogues, cités par Arnault [ARNA 89], ont été faits par la SEP en
prenant en compte la présence de l’interphase de pyrocarbone sur le composite SiC/C/SiC.
Les calculs ont été effectués avec les mêmes valeurs de paramètres relatifs à la fibre et à la
matrice que celle utilisée dans l’étude de Arnault, pour une épaisseur d’interphase de 0,1 µm
et un taux de fibres de 49 %. Les profils des efforts radiaux et longitudinaux dans la fibre et la
matrice ne sont que très peu modifiés par la présence de l’interphase. Par contre, la forte
anisotropie du pyrocarbone diminue de façon sensible la valeur de la contrainte
circonférencielle dans la matrice. Cette interphase constitue alors une zone tampon permettant
d’atténuer les contraintes dans la matrice ([ARNA 1989]). On peut noter que l’interphase
supporte une contrainte circonférenciele inférieure à celle régnant dans la matrice.
27
I.5.4.3. Transfert de charge entre fibre et matrice
L’interposition d’une interphase peu rigide de type pyrocarbone tend à favoriser la
déviation de la fissure matricielle à l’interface interphase/fibre et à réduire la fragilité du
matériau en diminuant la limite de début d’endommagement. Par contre, l’effet inverse se
produit si l’interphase est rigide (par exemple en carbure de bore) en favorisant la fissuration à
l’interface matrice/interphase [MARTb 92, CHIA 01, BERT 99, SING 99, HINO 98, LACR
02, YANG 2002].
I.5.4.4. Protection contre l’oxydation
Enfin, la présence de l’interphase joue aussi un rôle vis-à-vis de l’oxydation lors de
l’utilisation d’un CMC aux hautes températures et sous environnement agressif. Dans ce cas,
une fissure produite par la sollicitation mécanique d’un composite génère un chemin de
diffusion pour les gaz chimiquement dégradants (O2…). L’interphase doit limiter les chemins
de diffusion jusqu’au renfort. Dans le cas d’une interphase de pyrocarbone, elle se consume
rapidement dès 450°C en présence d’oxygène. La cohésion fibre/matrice peut donc diminuer
et les fibres C et SiC sont rapidement dégradées. Pour résoudre ce problème, on peut utiliser
une interphase oxyde poreuse (ZrO2, Al2O3) [CLEG 97] ou lamellaire (alumines type βmagnéplombites) [BOIS 89, CINI 96, MORG 95], ou encore un réfractaire comme le nitrure
de bore qui forme B2O3 en s’oxydant et conduit à la formation d’un verre de borosilicate à
l’interface F/M ou dans les fissures quand il réagit avec les fibres SiC et la matrice SiC
[SHEL 96, JACO99]. Dans ce cas, on parle d’interphases autocicatrisantes. Différentes
interphases s’appuyant sur ce principe d’autocicatrisation ont été étudiées. Nous pouvons
citer, par exemple, les interphases contenant les séquences BN / SiC [HEUR96], B4C / SiC
[CARR96], TiB2 / SiC [GOUJ 94] et C(B) [JACQ97].
I.6. Comportement mécanique des composites CMC en traction monotone
Dans les composites SiCf/SiC la déformation à rupture de la matrice est inférieure à la
déformation à rupture du renfort et le module d’Young de la matrice est plus élevé que celui
du renfort (composite dit inverse).
En raison des interactions fibre/matrice, un CMC peut présenter un comportement non
fragile et une certaine tolérance à l'endommagement, ceci bien que les deux constituants
soient fragiles. Plusieurs mécanismes interviennent et contribuent au travail de rupture :
fissuration matricielle, décohésion interfaciale, glissement et frottement des fibres dans la
matrice. Ces mécanismes qui mettent en jeu les propriétés physiques et mécaniques de chaque
28
constituant soulignent dès à présent le rôle déterminant joué par la liaison fibre/matrice. Le
composite unidirectionel peut être considéré comme étant un système hétérogène constitué
d’au moins deux phases homogènes que sont les fibres et la matrice. De plus, ces deux phases
sont géométriquement réparties ainsi : les fibres sont continues, parallèles entre elles et
séparées les unes des autres par de la matrice. Par ailleurs, les deux constituants présentent un
comportement mécanique de type élastique linéaire fragile. On définit alors de façon générale
les constantes suivantes pour le composite : Ex (module d’Young), Vx (fraction volumique), σR
(contrainte de rupture). Les indices x = c, f et m feront respectivement référence aux
propriétés du composite, des fibres et de la matrice.
Les propriétés mécaniques du matériau composite vierge sont obtenues à partir de
celles de chacun des constituants par l’intermédiaire de la loi des mélanges, sachant que Vf +
Vm = 1 si le volume occupé par la porosité est négligeable. Enfin, dans les matériaux
composites à matrice et à fibres céramiques, pour lesquels l’augmentation de la ténacité et de
la résilience sont les objectifs recherchés, la déformation à rupture de la matrice est inférieure
à la déformation à rupture des fibres soit : εfR > εmR.
La courbe typique contrainte-déformation (σx-εx) en traction d’un matériau composite
unidirectionnel sollicité en traction dans le sens des fibres (x) est représentée sur la figure I.10.
Celle-ci se compose de quatre domaines distincts :
a) partie linéaire élastique,
b) fissuration multiple de la matrice,
c) chargement élastique des fibres,
d) rupture des fibres et du composite.
(d)
σcR
Contrainte σ (MPa)
(c)
σce
(b)
(a)
εfR
Déformation ε (%)
Fig.1.10 comportement théorique d’un composite 1D en traction
29
a) Comportement linéaire élastique
Dans la première région (a), le comportement est purement élastique et le composite
ne présente aucun signe d’endommagement. Le système peut être représenté par un modèle de
Voigt : les fibres et la matrice sont soumises à une déformation identique (εc = εf = εm) alors
que la contrainte subie par le matériau se calcule à partir de la "loi des mélanges" soit :
σ c = Ec ε c = V f σ f + Vm σ m
(I.5)
avec :
Ec = V f E f + Vm Em
(I.6)
b) Multifissuration matricielle du composite [AVES 71]
Le premier endommagement du composite correspond à une fissuration de la matrice à
un niveau de contrainte σmc défini par :
σ mc = V f σ *f + Vm σ mr
(I.7)
où σf* est la contrainte supportée par les fibres au moment de la rupture de la matrice et σmR est
la contrainte à rupture de la matrice.
Lorsque la matrice se fissure, la charge initialement supportée par la matrice (σRm Vm
par unité de surface) est repartie sur les fibres. A ce stade, si les conditions interfaciales
conduisent à un décollement entre fibre et matrice, et si la fraction volumique du renfort est
suffisante pour lui permettre de supporter la surcharge occasionnée par la fissuration
matricielle, alors des fissures transversales multiples apparaissent dans la matrice (région b).
Il est supposé ici que toutes les fissures matricielles apparaissent à la même contrainte σmR , il
en résulte un plateau sur la courbe (σx-εx) au niveau de σmc (cf. Fig. I.10).
Dans la réalité, la fissuration multiple de la matrice est statistiquement distribuée en
fonction de la contrainte appliquée (statistique de Weibull), et la courbe contraintedéformation résultante n’est pas un plateau, mais présente une certaine pente positive en
fonction de la déformation, car on épuise progressivement les défauts préexistants les plus
critiques.
c) Chargement élastique des fibres
Lorsque la fissuration de la matrice est saturée, la charge appliquée au composite est
entièrement supportée par les fibres qui s'allongent élastiquement (région c, Fig. I.10). Alors,
le comportement en traction du matériau est simplement lié à l’allongement des fibres,
donnant une pente :
30
dσ
f
dx
(I.8)
= Ef Vf
d) Rupture des fibres
La rupture du matériau composite intervient au point d (Fig. I.10) lorsque la charge
supportée par les fibres atteint la contrainte à rupture des fibres σfr. Cependant, la rupture de
toutes les fibres ne se produit pas instantanément mais progressivement, dans un domaine de
contraintes plus ou moins étendu, phénomène décrit par la statistique de Weibull. Ce
phénomène résulte de la nature fragile des fibres dont les contraintes à rupture individuelles
sont liées à la présence de défauts initiaux dont les tailles sont distribuées. Ainsi, l’imminence
de la rupture du composite est annoncée par une inflexion de plus en plus prononcée de la
courbe (σx-εx) au fur et à mesure que le taux de fibres rompues (q) augmente. Lorsque q
atteint une valeur critique (q*), l’évolution de la rupture du renfort devient instable et conduit
à la rupture du composite. La rupture des fibres peut se produire au droit des fissures
matricielles ou à l’intérieur des blocs de matrice entre deux fissures matricielles. Dans ce
dernier cas, la rupture du composite implique l’allongement avec friction des fibres intactes et
l’extraction des fibres rompues hors de la matrice. Ce mécanisme de rupture, grand
consommateur d’énergie, permet d’accroître de façon non négligeable la ténacité apparente du
composite.
I.7. Conclusion
L’interface entre fibre et matrice et, dans cette zone, l’interphase jouent donc un rôle
très important. Dans ce qui suit, nous nous intéressons plus particulièrement aux détails des
conditions dans cette zone interfaciale, et aussi au détails des phénomènes qui correspondent
le glissement après décohésion, où le frottement constitue le mécanisme de base.
31