Strasbourg, 2002 - Conseil de l`Europe

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Strasbourg, 2002 - Conseil de l`Europe
Strasbourg, le 25 mars 2003
[cdcj/cjfa/conf6/reports]
CONF/FAM (2002) PRO
PROCEEDINGS CONFFAM
6e CONFERENCE EUROPEENE
SUR LE DROIT DE LA FAMILLE
« La protection juridique de la famille
dans le domaine des successions »
Une Conférence organisée par le Conseil de l’Europe
en collaboration avec la Commission européenne et l’Union
Internationale du Notariat Latin
Strasbourg, 14-15 octobre 2002
ACTES
2
TABLE DES MATIÈRES
Page
Avant-propos........................................................................................................... 5
Programme de la Conférence ................................................................................. 7
ALLOCUTIONS D'OUVERTURE......................................................................11
- Discours d’ouverture prononcé par Guy DE VEL,
Directeur Général des Affaires Juridiques ...............................................................13
- Discours d’ouverture prononcé par Marie-Odile BAUR,
Commission Européenne.........................................................................................17
RAPPORTS.......................................................................................................... 19
- La protection juridique de la famille en matière de succession – une approche
comparative du point de vue de la Commission européenne
rapport rédigé par Marie-Odile BAUR, Commission Européenne............................21
- La protection juridique de la famille en matière de succession – une approche
comparative du point de vue de la Commission européenne
rapport rédigé par Claudia HAHN, Commission européenne .................................. 27
- L’effet des lois européennes concernant les régimes matrimoniaux sur la protection
juridique de la famille en matière de succession
schéma de rapport rédigé par Gert STEENHOFF, Université d’Utrecht...................33
- Les avantages d’une coopération plus étroite en Europe afin de promouvoir et
d’améliorer la protection juridique de la famille en matière de succession
rapport rédigé par Patrick YAIGRE, Notaire à Bordeaux.........................................37
- La protection juridique de la famille dans le domaine des successions en droit
anglais
rapport rédigé par Gillian COCKBURN, Avocat, Cockburns, Panorama .................43
- Les avantages d’une coopération plus étroite en Europe afin de promouvoir et
d’améliorer la protection juridique de la famille en matière de succession
rapport rédigé par Dagmar COESTER-WALTJEN, Professeur, Institut für
Internationales Recht, München .............................................................................47
RAPPORT GENERAL
- Suivi possible de la Conférence par le Comité d’experts sur le droit de la famille
rédigé par Maria PUELINCKX-COENE, Professeur de droit,
Université d’Anvers ...............................................................................................53
3
CONTRIBUTIONS...............................................................................................77
- Aspects relatifs au droit d’héritage de l’enfant et du conjoint survivant en Roumanie
contribution écrite par Serban DUMITRESCU-BOLINTIN, Union Nationale des
Notaires publics de Roumanie .................................................................................79
- La succession et l'augmentation du nombre de couples non mariés
contribution écrite par Anne BARLOW, Université de Pays de Galles
Aberystwyth ...........................................................................................................83
CONCLUSIONS DE LA CONFÉRENCE........................................................... 85
Liste des participants ............................................................................................89
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AVANT-PROPOS
La Conférence s’est tenue sur à Strasbourg les 14 et 15 octobre 2002 le thème « la
protection juridique de la famille dans le domaine des successions ».
Les sujets suivants ont figuré sur l’ordre de jour :
-la protection juridique de la famille en matière de succession – une approche
comparative ;
-l’effet des lois européennes des régimes matrimoniaux sur la protection juridique de
la famille ; et
-les avantages d’une coopération rapprochée en Europe pour promouvoir et améliorer
la protection juridique de la famille en matière de succession.
La protection juridique du droit patrimonial des différents membres de la famille, en
particulier en ce qui concerne les successions et les aspects patrimoniaux des régimes
matrimoniaux, a été évoquée en particulier à la lumière des réformes récentes
entreprises par les Etats dans leurs lois sur les successions. Le sujet a été également
évoqué à la lumière des réserves faites par les Etats à l'article 9 concernant la
succession dans la Convention européenne sur le statut juridique des enfants nés hors
mariage [STE 85], prouvant que des problèmes existent toujours dans ce domaine.
Cette Conférence était conçue comme un forum destiné à examiner la problématique
juridique afférente aux questions de la protection juridique de la famille dans le
domaine des successions. En effet, la Conférence s’est concentrée sur la loi
substantive dans les Etats membres du Conseil de l'Europe afin de mettre en exergue
les similitudes et les différences qui existent entre les différents systèmes juridiques
en ce qui concerne la protection juridique de la famille dans le domaine de la
succession.
Ces Actes contiennent en particulier les discours d’ouverture de la Conférence, les
textes des rapports et des contributions présentés par les Rapporteurs et certains
participants à la Conférence, les conclusions adoptées lors de la Conférence ainsi que
la liste des participants.
5
6
PROGRAMME
lundi, 14 octobre 2002
à partir de 08h00 Enregistrement (à l’extérieur de la salle 5)
10h00
Ouverture de la Conférence
- Guy De Vel, Directeur Général des Affaires Juridiques
- Marie-Odile Baur, Expert national détaché, Unité « Coopération
judiciaire en matière civile », Direction Générale Justice et Affaires
Intérieures, Commission Européenne
- Helmut Fessler, Président Honoraire de l’Union Internationale du
Notariat Latin (discours pas disponible)
10h30
La protection juridique de la famille en matière de succession –
une approche comparative du point de vue de la Commission
européenne
Président :
Rapporteur :
Miloš Hatapka, Directeur, Ministère de la Justice
(Slovaquie)
Marie-Odile Baur, Expert national détaché, Unité
"Coopération judiciaire en matière civile", Direction
Générale Justice et Affaires Intérieures, Commission
européenne, et
Claudia Hahn, Unité "Coopération judiciaire en matière
civile", Direction générale justice et affaires intérieures,
Commission européenne
11h15
Pause
11h45
L’effet des lois européennes concernant les régimes matrimoniaux
sur la protection juridique de la famille en matière de succession
Président :
Rapporteur :
12h30
Werner Schütz, Directeur Général Adjoint, Ministère de
la Justice (Autriche)
Gert Steenhoff, professeur suppléant, Molengraaf Institut
de Droit Privé, Université d’Utrecht (Pays-Bas)
Déjeuner au Restaurant Bleu
7
14h30
Les avantages d’une coopération plus étroite en Europe afin de
promouvoir et d’améliorer la protection juridique de la famille en
matière de succession
Président :
Andrea Schmucker, Chambre fédérale de notaire
(Allemagne)
Rapporteurs: Patrick Yaigre, notaire (France)
Gillian Cockburn, solicitor (Royaume-Uni)
Dagmar Coester-Waltjen, professeur, Institut für
Rechtsvergleichung (Allemagne)
15h45
Pause
16h15
Discussions
17h30
Fin de la première journée
mardi, 15 octobre 2002
9h30
Futurs travaux sur la succession par le Comité d’experts sur le droit
de la famille (CJ-FA) (identification des domaines susceptibles d’un
examen plus approfondi par les Etats européens afin de promouvoir
la protection juridique de la famille en matière de succession)
Président :
Pannellistes:
Jsaak Jansen, Conseiller de la législation, Ministère de
la Justice (Pays-Bas)
spécialistes de différents systèmes juridiques
Questions à examiner :
a)
b)
c)
d)
e)
l'étendue de la protection juridique accordée aux différents
membres de la famille dans les cas de succession testamentaire et
dans les cas de succession ab intestato (par exemple, conjoints et
anciens conjoints, couples célibataires, enfants et questions de
filiation, nomination d’un tuteur testamentaire, autres membres
de la famille y compris les familles recomposées);
le rôle des régimes matrimoniaux dans la protection des intérêts
de l’époux survivant;
les moyens de réduire les cas de succession ab intestato,
inscription des testaments, effets des testaments étrangers,
simplification et réduction des délais nécessaires à la répartition
des capitaux au sein de la famille;
l’effet du décès ou la présomption de la mort sur les biens de la
famille et la distribution aux bénéficiaires ;
paiements à l’Etat (par exemple : traitement préférentiel des
membres de et liens de la famille pour l'impôt sur les successions,
remboursement des dettes d'assistance sociale et l’ampleur des
8
droits de succession à payer par les différents membres de la
famille et l’effet de tels droits sur les biens de la famille).
11h15
Pause
11h45
Poursuite des discussions avec les panélistes
12h30
Déjeuner au Restaurant Bleu
14h30
Session finale
Président :
Margaret Killerby, Chef du Service du
Droit Privé
Maria Puelinckx-Coene, professeur de
droit, Université de Anvers, Belgique.
Suivi possible de la Conférence par le
Comité d’experts sur le droit de la famille
(CJ-FA)
Rapporteur Général :
16h30
Clôture de la Conférence
9
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ALLOCUTIONS D'OUVERTURE
11
12
DISCOURS D’OUVERTURE
Prononcé par
Guy DE VEL,
Directeur Général des Affaires Juridiques
Madame la Représentante de la Commission Européenne,
Monsieur le Président Honoraire de l’Union Internationale du Notariat Latin,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, Mesdames et Messieurs,
C’est pour moi un honneur d’ouvrir au nom du Conseil de l’Europe la sixième
Conférence européenne sur le droit de la famille.
Je voudrais saisir cette occasion pour remercier la Commission européenne et
l’Union du Notariat Latin (U.I.N.L) pour leur contribution à cette Conférence. Elle
sera, j’en suis certain, une occasion unique pour échanger nos expériences, confronter
nos pratiques et renforcer notre coopération sur un thème qui nous touche tous et qui
fait partie du fonctionnement d’un Etat fondé sur le respect de l’Etat de droit.
Depuis plus de cinquante ans, le Conseil de l'Europe s'est donné pour objectif
de faire vivre les valeurs de la démocratie pluraliste, de la primauté du droit et du
respect des droits de l'Homme. Ces valeurs sont le socle de la construction
européenne.
Ceci passe notamment par un travail continu avec nos 44 Etats membres, de
l’Islande au Caucase, de Reykjavik à Vladivostok, un espace qui compte plus de 800
millions de citoyens. Il s’agit tout d’abord de permettre que les réformes des
institutions et des législations de ces Etats soient conduites dans le respect des
standards européens, tels qu’énoncés notamment par la Convention européenne des
Droits de l’Homme et d’autres Conventions plus spécifiques.
***
L’expérience du Conseil de l’Europe dans le domaine du droit de la famille est
particulièrement importante et, pendant longtemps, il était la seule organisation
intergouvernementale européenne à traiter du droit de la famille.
De nombreux instruments internationaux dans ce domaine ont été élaborés à
Strasbourg. Dans la préparation de ceux-ci, notre Organisation a toujours eu pour
objectif la protection de la famille et surtout les intérêts supérieurs de l’enfant.
Nombreux sont, en effet, les instruments juridiques du Conseil de l’Europe qui
ont spécifiquement trait aux enfants.
En réalité, de nombreux travaux ont été focalisés sur les enfants. Non seulement
dans le domaine du droit de la famille, mais également dans celui du droit pénal où le
Comité des Ministres a adopté l’an passé une nouvelle recommandation sur la protection
13
des enfants contre l’exploitation sexuelle qui a constitué une contribution essentielle des
pays européens au Congrès Mondial de Yokohama sur cette question.
Notre Convention du 25 janvier 1996 sur l’exercice des droits des enfants
constitue quant à elle un complément indispensable à la Convention des Nations Unies
sur le droit des enfants puisqu’elle a trait aux questions procédurales. Nous savons tous
que les enfants sont au cœ ur même des politiques de nos Etats membres, surtout depuis
l’Assemblée spéciale des Nations Unies qui s’est tenue en mai dernier à New York.
C’est pourquoi le Conseil de l’Europe se doit d’intensifier ses travaux dans ce domaine.
D’autres instruments du Conseil de l’Europe concernent notamment la garde
des enfants, les enfants nés hors mariage ou l’adoption. D’autres encore portent sur
des matières différentes mais concernent également les enfants : je pense notamment à
la Convention européenne sur les Droits de l’Homme, à la Charte Sociale européenne,
à la Convention sur la bioéthique et à celle sur la nationalité.
Dans le domaine du droit de la famille, le dernier texte normatif en la matière est
la Convention sur les relations personnelles concernant les enfants qui a été adoptée
récemment par le Comité des Ministres et sera ouverte à la signature des Etats membres
sous peu, afin de permettre également à la Communauté Européenne de la signer. En
effet, la Commission, dont je salue la Représentante ici présente, Mme Baur, a proposé
au Conseil des Communautés que cette Convention soit signée également par la
Commission, puisque cet instrument contribuera à la réalisation des objectifs qui soustendent les dispositions communautaires actuelles et futures relatives à la reconnaissance
et à l’exécution des décisions de justice en matière de responsabilité parentale. Vous
constaterez, une fois de plus, l’excellente coopération et la convergence de vues entre
l’Union Européenne et le Conseil de l’Europe. J’espère cependant que les décisions
nécessaires pour la signature seront rapidement prises au sein de l’Union Européenne.
Avec cette Convention, la notion de « droit de visite » a été remplacée par celle
de « relations personnelles ».
Elle encouragera surtout le contact entre l’enfant et le parent n’ayant pas la
garde de celui-ci, à travers des dispositions appropriées qui permettront le retour de
l’enfant à la fin de la période de visite.
La protection juridique du droit patrimonial des différents membres de la
famille, tout particulièrement concernant les successions et les aspects patrimoniaux
des régimes matrimoniaux, est un sujet important et les thèmes qui vont être discutés
durant ces deux prochains jours porteront sur des questions qui nous concernent tous
en tant qu’individus, membres d’une famille.
Dans le domaine du droit de la famille et des successions, il existe un certain
nombre d’instruments juridiques du Conseil de l’Europe qui contiennent des
dispositions importantes : je pense notamment à la Convention européenne des Droits
de l’Homme, en particulier à ses articles 8 et 14 sur le droit au respect de la vie
familiale et l’interdiction de discrimination. Je pense aussi à l’article 1 du Protocole
additionnel à la Convention européenne des Droits de l’Homme sur la protection de la
propriété, et à l’article 10 de la Convention européenne en matière d’adoption des
enfants qui stipule dans son paragraphe 5 que : « En matière successorale, dans la
14
mesure où la législation donne à l'enfant légitime un droit dans la succession de son
père ou de sa mère, l'enfant adopté est traité à cet égard de la même manière que s'il
était l'enfant légitime de l'adoptant ».
De plus, nous avons la Convention relative à l’établissement d’un système
d’inscription des testaments et un grand nombre de résolutions et de recommandations
en la matière.
Néanmoins, il existe encore aujourd’hui des situations dans lesquelles des
discriminations dans le domaine des successions au sein d’une même famille existent
lors d’un décès, créant une situation familiale parfois difficilement supportable pour
les autres membres de la famille. Il peut s’agir de l’époux survivant, d’un partenaire
dans un couple non marié, d’un enfant adopté, né hors mariage, etc.
C’est un sujet d’autant plus important et intéressant à la lumière de l’article 9
de la Convention européenne sur le statut juridique des enfants nés hors mariage [STE
85] qui prévoit que : « les droits de l'enfant né hors mariage dans la succession de ses
père et mère et des membres de leurs familles sont les mêmes que s'il était né dans le
mariage ».
Déjà, lors de la première Conférence européenne sur le droit de la famille,
tenue à Vienne, en Autriche, en 1977, la question des droits patrimoniaux de l’époux a
été abordée. Dans les Conclusions de cette Conférence, il est important de noter que
les problèmes relatifs aux droits patrimoniaux de l’époux survivant sur les biens
destinés à l’usage commun, avaient déjà été soulevés, notamment afin de lui assurer la
jouissance du logement familial et du mobilier qui le garnit par les moyens juridiques
appropriés, tels que l’attribution préférentielle de ces biens.
Lors de la troisième Conférence sur le droit de la famille, tenue à Cadix, en
Espagne, en 1995, la question des régimes matrimoniaux avait été discutée. Lors de
cette Conférence, l’extrême diversité des textes relatifs aux régimes matrimoniaux
dans les Etats européens avait été soulevée, en soutenant que cette diversité était
source de nombreuses difficultés s’agissant des mariages, en particulier lorsqu’il
existe un élément international.
Avec l’élargissement futur de l’Union européenne, dont nous nous réjouissons
évidemment, les questions des successions deviendront cependant plus complexes car
les relations transfrontières entre individus deviendront de plus en plus fréquentes,
grâce à la possibilité de travailler et de vivre dans d’autre pays de l’Union européenne.
Vous êtes des experts en la matière et vous connaissez bien ces situations.
Nous vous invitons donc à partager vos expériences avec nous et à échanger vos
points de vue à l’occasion de cette Conférence.
De nombreux Etats ont déjà ou sont en train de réformer leurs lois dans le
domaine des successions et de la protection juridique de la famille. Nos sociétés ont
évolué et beaucoup de dispositions des droits internes ne suivaient plus ces évolutions.
Nous verrons, au cours de cette Conférence, les similitudes et les différences qui
existent entre les différents systèmes juridiques en ce qui concerne la protection
juridique de la famille dans le domaine des successions.
15
Je suis certain que les problèmes soulevés et les propositions d’action
formulées lors des discussions durant ces deux journées de Conférence permettront au
Conseil de l’Europe et à tous les Etats, institutions, organisations et individus
représentés ici de travailler ensemble à la recherche de meilleures solutions pour
l’avenir.
Je vous suggère d’essayer de dégager de telles solutions qui pourraient, le cas
échéant, faire ultérieurement l’objet d’un instrument juridique, par exemple une
recommandation du Comité des Ministres sur l’application des procédures
successorales et la protection des différents membres de la famille.
Je vous souhaite tout le succès possible dans vos travaux.
16
DISCOURS D’OUVERTURE
Prononcé par
Marie-Odile BAUR
Expert national détaché, Unité « Coopération judiciaire en matière civile »,
Direction Générale Justice et Affaires Intérieures, Commission Européenne
Je voudrais dire tout d’abord quelques mots au nom de Mario Paulo Tenreiro,
le chef de l’unité de Coopération judiciaire civile de la direction Justice et Affaires
Intérieures de la Commission.
Celui-ci aurait bien entendu souhaité être présent aujourd’hui, mais des
obligations impératives, dont il a été avisé tout récemment, ne le lui ont pas permis.
Il tient toutefois à présenter ses excuses à tous les participants et bien entendu
au Secrétariat du Conseil de l’Europe. Il sait bien que celui-ci ne verra pas dans cette
absence la marque d’un désintérêt pour ses travaux, car il s’est montré d’emblée très
favorable à une organisation conjointe de cette Conférence par le Conseil de l’Europe
et la Commission européenne.
D’une manière générale, il faut souligner l’excellente coopération qui existe
entre les deux organisations.
La meilleure preuve en est peut être la fréquence des contacts qui ont lieu à
tous les niveaux entre les deux organisations. Il ne se passe pas de semaine en effet
sans que l’un ou l’autre des membres, voire des plus hauts responsables, des deux
organisations ne se rencontrent ou ne participent à des travaux communs. La semaine
dernière encore un membre de la Commission participait à une groupe de travail du
Conseil de l’Europe. Et dans quelques jours doit avoir lieu à Bruxelles une importante
réunion sur l’accès à la justice organisée conjointement.
Et le Secrétariat le sait bien, la Commission européenne n’hésite pas, chaque
fois qu’elle en a l’occasion, à s’intéresser aux travaux menés au sein du Conseil de
l’Europe.
Ainsi, dans le livre vert sur les modes alternatifs de règlement des conflits, la
Commission a fait mention des travaux menés ici, précisément par le CJ-FA, en
matière de médiation.
De même, la Commission vient de demander au Conseil de l’Union
européenne d’autoriser la Communauté européenne à signer la convention sur les
relations personnelles des enfants adoptée par le Comité des ministres du Conseil de
l’Europe le 3 mai 2002.
Les différentes organisations regroupant, à un titre ou à un autre, des Etats
européens, sont parfois considérées, de l’extérieur, comme se trouvant dans une
situation de concurrence.
17
Cette vision de la situation est en réalité très superficielle. Tout d’abord, la
faculté de créer des règles de droit n’appartient évidemment en propre à aucune
organisation. Ensuite, il est de l’intérêt bien compris au contraire, aussi bien des
citoyens des Etats membres des différentes organisations, que de ces organisations
elles-mêmes, de coopérer et de coordonner leur action afin d’éviter de déployer
parallèlement des efforts importants dans des domaines identiques.
Et, contrairement à ce que l’on pourrait penser, cet objectif n’est pas irréaliste.
La Communauté travaille plutôt (dans le prolongement du premier instrument
adopté en son sein, la convention de Bruxelles de 1968, maintenant devenue le
Règlement connu sous le nom de « Bruxelles I ») sur les questions liées à libre
circulation des décisions au sein de l’espace judiciaire européen, c’est-à-dire sur les
règles de compétence des juridictions et de reconnaissance ainsi que d’exécution des
décisions.
Le Conseil de l’Europe se consacre plutôt pour sa part à l’élaboration de règles
de droit matériel.
Les deux orientations sont par conséquent complémentaires et doivent nous
amener tout naturellement à coordonner nos efforts afin de permettre l’émergence
d’un vaste espace juridique protecteur des libertés auxquelles nous sommes tous
attachés.
C’est donc, je le répète, une grande satisfaction pour la Commission d’être
associée aux travaux de cette Conférence, dont j’espère, bien entendu, qu’ils seront
profitables pour chacun d’entre nous mais aussi qu’ils marqueront une étape
importante dans la réflexion qui est actuellement conduite au sein de nos deux
organisations.
18
RAPPORTS
19
20
La protection juridique de la famille en matière de
succession – une approche comparative du point de vue
de la Commission européenne
rapport rédigé par
Marie-Odile BAUR
Expert national détaché, Unité « Coopération judiciaire en matière civile »,
Direction Générale Justice et Affaires Intérieures, Commission Européenne
Avant de passer la parole à ma collègue Claudia HAHN, qui évoquera plus
particulièrement le thème des successions, je voudrais expliquer la démarche de la
Commission européenne s’agissant des études qu’elle a commandées en matière aussi
bien de régimes matrimoniaux que de successions.
Si vous le permettez, je reviendrai quelques années, et quelques événements,
en arrière, pour évoquer le cheminement suivi.
Comme vous le savez, la Communauté économique européenne a été créée à
la fin des années cinquante et il est apparu très rapidement qu’il ne suffisait pas
d’élaborer des règles à caractère économique pour permettre la mise en œ uvre d’un
marché commun, mais que les échanges engendraient inévitablement des litiges et
qu’il convenait d’édicter des règles juridiques communes afin qu’ils puissent être
tranchés dans des conditions satisfaisantes pour les opérateurs économiques. C’est
dans ces conditions qu’a été élaborée tout d’abord la convention de Bruxelles de 1968
sur la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et
commerciale.
Le caractère purement économique des préoccupations de l’époque est une des
raisons pour lesquelles cette convention excluait notamment de son champ
d’application les régimes matrimoniaux et les successions. Il est clair également que
les questions relatives au droit de la famille paraissaient trop sensibles à l’époque pour
des règles communes aient pu être adoptées dans ce domaine.
Ce n’est donc qu’au cours des années 90, après une tentative malheureuse dans
le domaine des créances alimentaires, que des travaux ont à nouveau été entrepris
dans le domaine de la coopération judiciaire civile appliquée à la matière familiale. Il
s’est alors agi d’élaborer également un système permettant de désigner le tribunal
compétent puis de faire circuler les décisions au sein de l’espace européen quasiment
sans entrave, mais cette fois dans un domaine relativement étroit, celui du divorce et
de la question de la garde des enfants consécutive à la séparation des époux. C’est
ainsi qu’a vu le jour la convention relative à la compétence ainsi qu’à la
reconnaissance et à l’exécution des décisions en matière de divorce et de
responsabilité parentale sur les enfants du couple dans le cadre du divorce, qui avant
même d’être entrée en vigueur a été remplacée par un Règlement traitant du même
sujet, le Règlement dit « Bruxelles II », applicable depuis quelques mois.
21
Le Traité d’Amsterdam, entré en vigueur en 1998, a permis quant à lui une
avancée importante s’agissant de l’élaboration d’instruments de droit civil au sein de
la Communauté européenne, puisqu’il l’a fait passer du domaine de la coopération
entre Etats au domaine communautaire. La Commission a donc acquis, parallèlement
aux Etats membres, une compétence, et par conséquent la possibilité de prendre des
initiatives, dans ce domaine. Par ailleurs ce sont des instruments communautaires qui
sont désormais adoptés, règlements et directives essentiellement, et non conventions
comme par le passé.
L’article 65 du Traité prévoit par ailleurs que les mesures relevant de la
coopération judiciaire civile ayant une incidence transfrontière qui doivent être prises
visent notamment à faciliter la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière
civile et commerciale et à favoriser la compatibilité des règles applicables dans les
Etats membres en matière de conflits de lois et de compétence.
Par la suite, le Conseil
octobre 1999, a estimé que
décisions judiciaires et des
coopération en matière civile
destiné à le mettre en œ uvre.
européen qui s’est tenu à TAMPERE, en Finlande, en
le renforcement de la reconnaissance mutuelle des
jugements constituait l’élément primordial de la
et a appelé de ses vœ ux un programme de mesures
C’est ainsi qu’a été adopté à la fin de l’année 2000 un « Programme de
mesures sur la mise en œ uvre du principe de reconnaissance mutuelle des décisions en
matière civile et commerciale ». Ce programme prévoit notamment que des
instruments juridiques devront être élaborés dans le domaine de la compétence
internationale ainsi que de la reconnaissance et de l’exécution des jugements en
matière de dissolution des régimes matrimoniaux, de conséquence patrimoniales de la
séparation des couples non mariés et de successions.
Le programme prévoit à cet égard un processus en trois étapes :
-
-
l’élaboration d’instruments sur le modèle du Règlement Bruxelles II
puis la révision de ces instruments en vue d’y inclure des procédures
simplifiées telles que celles contenues au Règlement Bruxelles I ainsi
que des dispositions relatives à l’exécution par provision des décisions
et des mesures conservatoires
enfin la suppression de l’exequatur.
C’est en vue de la mise en œ uvre de ce programme, que la Commission a
commandé deux études, l’une dans le domaine des régimes matrimoniaux et des
questions patrimoniales liées à la séparation des couples non mariés et l’autre dans le
domaine des successions.
Il est clair que l’adoption de règles matérielles communes ne fait pas partie des
objectifs fixés à la coopération judiciaire civile entre les Etats membres de la
Communauté européenne par le Traité d’Amsterdam et que les travaux menés par la
Commission dans ce domaine doivent se concentrer sur les règles de conflits de
compétences et de conflits de lois.
22
Pour autant, il était évidemment important pour la Commission de prendre la
mesure des disparités existant entre les législations des Etats membres avant
d’élaborer des propositions d’instruments.
C’est pourquoi les études lancées par la Commission portent sur :
=
une analyse comparée des règles de droit international privé, y compris
celles prévues par des conventions internationales, en vigueur dans
les différents Etats membres de la communauté européenne (c’est-àdire les règles de conflits de juridictions, de reconnaissance et
d’exécution et les règles de conflits de lois) ;
mais aussi
=
l’état du droit interne dans les Etats membres (c’est à dire une
description des règles en vigueur dans les Etats membres ainsi qu’une
analyse comparative).
La présentation qui sera faite par ma collègue, et qui porte sur la matière des
successions, se fonde sur les premiers résultats d’une des études commandées par la
Commission. Il ne s’agira pas, je pense, d’une présentation exhaustive de la matière.
Les premiers éléments fournis par l’étude et ceux dont peut par ailleurs disposer la
Commission, qui je le répète se consacre à des travaux de droit international privé, ne
le permettant pas.
Il a toutefois paru intéressant de vous faire part, fût-ce assez succinctement,
des informations portées à la connaissance de la Commission.
En tout état de cause, les éminents juristes qui ont participé aux travaux menés
dans le cadre de cette étude et qui, pour certains d’entre eux, se trouvent dans la salle
seront à même de compléter les informations fournies.
Avant de passer la parole à ma collègue Claudia Hahn, qui évoquera plus
particulièrement le thème des successions, je voudrais expliquer la démarche de la
Commission européenne s’agissant des études qu’elle a commandées en matière aussi
bien de régimes matrimoniaux que de successions.
Si vous le permettez, je reviendrai quelques années, et quelques événements,
en arrière, pour évoquer le cheminement suivi.
Comme vous le savez, la Communauté économique européenne a été créée à
la fin des années cinquante et il est apparu très rapidement qu’il ne suffisait pas
d’élaborer des règles à caractère économique pour permettre la mise en œ uvre d’un
marché commun, mais que les échanges engendraient inévitablement des litiges et
qu’il convenait d’édicter des règles juridiques communes afin qu’ils puissent être
tranchés dans des conditions satisfaisantes pour les opérateurs économiques. C’est
dans ces conditions qu’a été élaborée tout d’abord la convention de Bruxelles de 1968
sur la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et
commerciale.
23
Le caractère purement économique des préoccupations de l’époque est une des
raisons pour lesquelles cette convention excluait notamment de son champ
d’application les régimes matrimoniaux et les successions. Il est clair également que
les questions relatives au droit de la famille paraissaient trop sensibles à l’époque pour
des règles communes aient pu être adoptées dans ce domaine.
Ce n’est donc qu’au cours des années 90, après une tentative malheureuse dans
le domaine des créances alimentaires, que des travaux ont à nouveau été entrepris
dans le domaine de la coopération judiciaire civile appliquée à la matière familiale. Il
s’est alors agi d’élaborer également un système permettant de désigner le tribunal
compétent puis de faire circuler les décisions au sein de l’espace européen quasiment
sans entrave, mais cette fois dans un domaine relativement étroit, celui du divorce et
de la question de la garde des enfants consécutive à la séparation des époux. C’est
ainsi qu’a vu le jour la convention relative à la compétence ainsi qu’à la
reconnaissance et à l’exécution des décisions en matière de divorce et de
responsabilité parentale sur les enfants du couple dans le cadre du divorce, qui avant
même d’être entrée en vigueur a été remplacée par un Règlement traitant du même
sujet, le Règlement dit « Bruxelles II », applicable depuis quelques mois.
Le Traité d’Amsterdam, entré en vigueur en 1998, a permis quant à lui une
avancée importante s’agissant de l’élaboration d’instruments de droit civil au sein de
la Communauté européenne, puisqu’il l’a fait passer du domaine de la coopération
entre Etats au domaine communautaire. La Commission a donc acquis, parallèlement
aux Etats membres, une compétence, et par conséquent la possibilité de prendre des
initiatives, dans ce domaine. Par ailleurs ce sont des instruments communautaires qui
sont désormais adoptés, règlements et directives essentiellement, et non conventions
comme par le passé.
L’article 65 du Traité prévoit par ailleurs que les mesures relevant de la
coopération judiciaire civile ayant une incidence transfrontière qui doivent être prises
visent notamment à faciliter la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière
civile et commerciale et à favoriser la compatibilité des règles applicables dans les
Etats membres en matière de conflits de lois et de compétence.
Par la suite, le Conseil européen qui s’est tenu à Tampere, en Finlande, en
octobre 1999, a estimé que le renforcement de la reconnaissance mutuelle des
décisions judiciaires et des jugements constituait l’élément primordial de la
coopération en matière civile et a appelé de ses vœ ux un programme de mesures
destiné à le mettre en œ uvre.
C’est ainsi qu’a été adopté à la fin de l’année 2000 un « Programme de
mesures sur la mise en œ uvre du principe de reconnaissance mutuelle des décisions en
matière civile et commerciale ». Ce programme prévoit notamment que des
instruments juridiques devront être élaborés dans le domaine de la compétence
internationale ainsi que de la reconnaissance et de l’exécution des jugements en
matière de dissolution des régimes matrimoniaux, de conséquence patrimoniales de la
séparation des couples non mariés et de successions.
Le programme prévoit à cet égard un processus en trois étapes :
24
-
-
l’élaboration d’instruments sur le modèle du Règlement Bruxelles II
puis la révision de ces instruments en vue d’y inclure des procédures
simplifiées telles que celles contenues au Règlement Bruxelles I ainsi
que des dispositions relatives à l’exécution par provision des décisions
et des mesures conservatoires
enfin la suppression de l’exequatur.
C’est en vue de la mise en œ uvre de ce programme, que la Commission a
commandé deux études, l’une dans le domaine des régimes matrimoniaux et des
questions patrimoniales liées à la séparation des couples non mariés et l’autre dans le
domaine des successions.
Il est clair que l’adoption de règles matérielles communes ne fait pas partie des
objectifs fixés à la coopération judiciaire civile entre les Etats membres de la
Communauté européenne par le Traité d’Amsterdam et que les travaux menés par la
Commission dans ce domaine doivent se concentrer sur les règles de conflits de
compétences et de conflits de lois.
Pour autant, il était évidemment important pour la Commission de prendre la
mesure des disparités existant entre les législations des Etats membres avant
d’élaborer des propositions d’instruments.
C’est pourquoi les études lancées par la Commission portent sur :
=
une analyse comparée des règles de droit international privé, y compris
celles prévues par des conventions internationales, en vigueur dans
les différents Etats membres de la communauté européenne (c’est-àdire les règles de conflits de juridictions, de reconnaissance et
d’exécution et les règles de conflits de lois) ;
mais aussi
=
l’état du droit interne dans les Etats membres (c’est à dire une
description des règles en vigueur dans les Etats membres ainsi qu’une
analyse comparative).
La présentation qui sera faite par ma collègue, et qui porte sur la matière des
successions, se fonde sur les premiers résultats d’une des études commandées par la
Commission. Il ne s’agira pas, je pense, d’une présentation exhaustive de la matière.
Les premiers éléments fournis par l’étude et ceux dont peut par ailleurs disposer la
Commission, qui je le répète se consacre à des travaux de droit international privé, ne
le permettant pas.
Il a toutefois paru intéressant de vous faire part, fût-ce assez succinctement,
des informations portées à la connaissance de la Commission.
En tout état de cause, les éminents juristes qui ont participé aux travaux menés
dans le cadre de cette étude et qui, pour certains d’entre eux, se trouvent dans la salle
seront à même de compléter les informations fournies.
25
26
La protection juridique de la famille en matière de
succession – une approche comparative du point de vue
de la Commission européenne
rapport rédigé par
Claudia HAHN
Administrateur, Unité "Coopération judiciaire en matière civile",
Direction générale justice et affaires intérieures, Commission européenne
PREMIERS APERÇUS DES RESULTATS DE L'ÉTUDE
DE DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ DES SUCCESSIONS ET TESTAMENTS COMMANDEE PAR
1
LA COMMISSION
En guise d'introduction, et avant de vous donner un bref aperçu des résultats de
l'"Etude de droit comparé sur les règles de conflit de juridictions et de conflit de lois
relatives aux testaments et successions dans les Etats membres de l'Union
européenne"2 que la Commission européenne vient de recevoir, je souhaite
mentionner un cas individuel qui nous a été soumis par un citoyen européen fortement
irrité par la divergence des règles de droit international privé dans les Etats membres
de l'Union européenne.
Un ressortissant néerlandais, propriétaire d'une maison de vacances dans le Sud
de la France, s'est plaint auprès des institutions communautaires au motif qu'il aurait
appris, à sa grande surprise, qu'en cas de mort de l'un des membres du couple, le
partenaire survivant ne deviendrait nu-propriétaire que d'une partie de la maison et
qu'il ne bénéficierait de l'autre partie qu'à titre de simple usufruitier. La visite chez un
notaire français aurait de surcroît révélé l'impossibilité de contourner cette règle par la
rédaction d'un testament soumis au droit néerlandais, au motif que les règles de droit
international privé français prévoient la compétence exclusive des tribunaux français
et de la loi française pour des immeubles sis France. Consterné par le fait qu'il ne
pouvait organiser sa succession à sa guise, ce citoyen s’est adressé au Parlement
européen pour l'interroger sur la date à laquelle l’Union européenne allait enfin
légiférer dans ce domaine pour faire cesser une situation qu'il qualifia d'inacceptable.
Ce n'est pas le lieu ici de s'interroger sur la question de savoir si le droit français
ne dispose pas d'autres mécanismes pour protéger de façon adéquate le conjoint
survivant. Force est de constater que plusieurs pétitions ou lettres adressées aux
institutions communautaires ces dernières années étaient motivées par
l'incompréhension des citoyens face à la grande diversité des régimes de successions
et les difficultés pratiques en résultant lorsqu'il s'agit d'organiser une succession
internationale.
1
2
Présentation donnée par Claudia Hahn, Administrateur à l'unité Coopération en matière civile
de la Direction générale Justice et Affaires intérieures de la Commission européenne. Les
opinions exprimées par l’auteur sont purement personnelles et n’engagent pas l’Institution à
laquelle il appartient.
Etude réalisée par le Deutsches Notarinstitut en coopération avec les Professeurs Heinrich
Dörner et Paul Lagarde en 2002 (le texte du rapport final de l'étude sera bientôt disponible sur
le site Internet de la Direction générale Justice et Affaires intérieures de la Commission
européenne : http://europa.eu.int/comm/justice_home/fsj/civil/fsj_civil_intro_en.htm).
27
Quelques éléments statistiques
Le cas néerlandais qui vient d'être évoqué n'est pas isolé. A défaut
d'informations chiffrées sur la fréquence des contentieux internationaux en matière de
successions, l'étude commandée par la Commission a procédé à une tentative
d'évaluation quantitative permettant d'apprécier l'ampleur potentielle du phénomène
des successions internationales dans l’Union européenne :
- en moyenne, 1,5 % des résidents d’un Etat membre sont des ressortissants
d’autres Etats membres; pour le Luxembourg, ce pourcentage s’élève même à 20 % ,
pour la Belgique à 5,5 %. Presque 2 millions de ressortissants d’autres Etats membres
vivent en Allemagne;
- environ 12 % des Irlandais, 8 % des Portugais et 4 % des Grecs vivent à
l’étranger dans un autre Etat membre;
- on estime à 800.000 à 1 million environ le nombre d'Allemands qui possèdent
des biens immobiliers à l’étranger (Espagne, Italie, France). Les Britanniques et
Néerlandais possèdent également des maisons dans les pays de l'Europe du Sud.
Malgré l'absence de chiffres précis, on sait le nombre de citoyens titulaires d'un
compte bancaire au Luxembourg est élevé.
Il y a là un grand nombre de successions internationales potentielles.
L'étude commandée par la Commission évoque les principaux difficultés
pratiques rencontrées du fait de la divergence du droit des Etats membres en ce qui
concerne le droit international privé des successions (II.), difficultés qui résultent bien
évidemment de la divergence du droit matériel des successions des Etats membres
(I.). Je conclurai par un bref aperçu des conclusions de l'étude quant aux mesures à
prendre au niveau communautaire (III).
I.
LA DIVERGENCE DU DROIT MATERIEL DES SUCCESSIONS DANS
L'UNION
Le droit matériel de la famille et des successions ne relevant pas des
compétences de l’Union européenne, je laisserai aux spécialistes le plaisir de débattre
de cette matière en détail cette après-midi. Toutefois, dans la mesure où les règles
modernes de conflit de lois constatent les particularismes nationaux et cherchent à
coordonner les différents systèmes juridiques, je me permets de mentionner
brièvement quelques différences majeures qui, d’après l'étude, se sont révélées
sources de difficultés pratiques pour les citoyens.
1. L’ordre de succession et la vocation successorale du conjoint survivant
Une comparaison abstraite de la dévolution successorale dans les différents pays
est difficile à réaliser en raison de la diversité des systèmes en Europe, par exemple en
ce qui concerne les droits du conjoint survivant. Dans le cadre de l'étude, il était
demandé aux praticiens des 15 Etats membres de résoudre des cas pratiques. Pour l’un
de ces cas, impliquant une épouse survivante et divers membres de la famille du
défunt, l’épouse recueillait l'intégralité de la succession en Angleterre et Irlande,
tandis qu’elle n’avait droit qu’à un quart en France. En effet, dans les pays de droit
romain, le conjoint survivant n’a qu’un rôle secondaire par rapport aux descendants,
tandis que dans les pays scandinaves il obtient de facto l’intégralité des biens, la
moitié suite à la dissolution du régime matrimonial, l’autre moitié en succession.
28
2. Le concubin et le partenaire homosexuel
Une participation à la succession du défunt d'une personne ayant vécu en
ménage avec celui-ci sans être mariée ni enregistrée comme partenaire n'est connue à
ce jour que du droit danois. Une autre série de pays prévoit des droits successoraux
pour le partenaire enregistré (Danemark, Suède, Finlande et Allemagne, des projets
législatifs seraient actuellement sous discussion en Espagne et Angleterre). Au
contraire, l’Autriche et l’Italie ne connaissent aucune disposition concernant les
nouvelles formes de partenariat et le PACS français ne prévoit pas de droits
successoraux.
3. Testaments conjoints et pactes successoraux
Dans les pays de droit romain, de telles pratiques sont en général interdites,
tandis que les pays nordiques ont une attitude plus libérale.
4. L’existence des parts réservataires
Une part réservataire existe notamment au bénéfice des membres de la famille
dans les systèmes de droit romain, mais ce concept est contraire au droit anglais
marqué par la liberté de tester et en application duquel seules les personnes que le
défunt avait à sa charge bénéficient d'une créance alimentaire à l’encontre des
héritiers.
5. Renonciation à la succession ou à la part réservataire
Les systèmes germaniques sont, en général, très ouverts vis-à-vis de la pratique
de la renonciation de manière anticipée, c'est-à-dire du vivant du testataire, à la
succession, et cette pratique y constitue un élément parmi d’autres de l’organisation
de la succession, tandis qu’elle est prohibées dans les systèmes de droit romain.
*
De toutes ces différences, et du fait bien évidemment que les règles de conflit de
lois conduisent à des solutions différentes d'un Etat membre à l'autre, résultent des
problèmes pratiques pour les citoyens.
II.
DIFFICULTES PRATIQUES RENCONTREES DANS LES SUCCESSIONS
INTERNATIONALES
1.
Difficultés lors de la rédaction du testament
Une personne consciente des différences existant entre les différents droits
matériels souhaite parfois y remédier en rédigeant un testament, mais comme elle
n'est pas autorisée par le droit international privé de la quasi-totalité des Etats
membres à choisir une seule loi qui régirait l'intégralité de sa succession, cette
solution reste difficile en pratique. Il ne reste donc que la solution de rédiger un
testament qui répond aux exigences de tous les Etats membres concernés. Or, plus un
testament contient des dispositions compliquées, moins il y a de sécurité juridique.
L’étude conclut donc à la nécessité d’avoir des règles de conflit harmonisées pour
éviter ces difficultés et plaide en faveur de l’idée que les personnes devraient, dans
certaines limites, pouvoir choisir la loi applicable à leur succession.
29
2.
Divergences quant aux résultats des procédures judiciaires
Etant donné que chaque Etat membre applique ses propres règles de conflit de
lois qui diffèrent fortement de celles des autres et que les règles de compétence
judiciaire ne sont pas non plus harmonisées, il existe un risque de forum shopping,
c'est-à-dire le risque qu’un héritier saisisse le tribunal qui rendra la décision la plus
favorable à ses propres intérêts. Il n’y a bien évidemment pas de statistiques
concernant cette pratique. Mais le simple fait qu’elle existe crée un facteur
d’incertitude lors de la rédaction du testament. Pire, il n'est pas exclu que les
tribunaux de deux ou plusieurs pays rendent des décisions contradictoires concernant
une même succession.
3.
Manque de prévisibilité quant à la loi applicable en cas de
rattachements successifs
Dans la plupart des Etats membres, les règles de conflit mènent à l’application
de la loi du dernier domicile du défunt. Or, aujourd’hui il y de plus en plus de
personnes qui profitent de la liberté de circulation dans l’Union européenne.
Lorsqu’une telle personne rédige un testament et change ensuite de domicile, elle ne
se rend souvent pas compte que ce changement implique éventuellement que son
testament n’a plus l’effet qu’elle avait souhaité, car une autre loi devient applicable.
Soit le notaire doit tenir compte lors de la rédaction du testament d'autres lois
éventuellement applicables, soit le testateur doit vérifier si son testament est toujours
valable après avoir déménagé dans un autre Etat.
4.
Systèmes scissionnistes
L’application de la loi du lieu de situation de l’immeuble, règle en vigueur dans
plusieurs Etats membres, facilite certes le transfert de propriété du bien immobilier,
mais rend difficile l’administration de la succession dans son ensemble ainsi que la
rédaction du testament.
5.
Reconnaissance des pactes successoraux et des testaments conjoints
Une des questions majeures est celle de savoir dans quelle mesure les pactes
successoraux et les testaments conjoints doivent être reconnus dans les pays qui ne
connaissent pas ces institutions dans leur droit interne. Il s’agit là de la question la
plus fréquemment posée au Deutsches Notarinstitut (Notariat allemand). La question
est d’autant plus délicate que ni les lois ni la jurisprudence de beaucoup d'ordres
juridiques européens ne donnent de réponse claire à cette question.
6.
Duplication inutile des procédures pour prouver le statut d’héritier
Il existe une difficulté pratique quant à la reconnaissance des documents
nationaux pour établir son statut d'héritier dans un autre Etat membre. Par exemple, il
arrive régulièrement que des banques luxembourgeoises s’interrogent sur la valeur
juridique d’un Erbschein allemand ou d’un acte de notoriété français. Trop souvent
les héritiers doivent en pratique introduire une nouvelle procédure relative au
certificat d'héritier alors qu'un tel certificat a déjà été délivré dans un autre Etat
membre, ce qui engendre des frais supplémentaires et ralentit la procédure.
7.
Exécution testamentaire
Dans certains Etats membres, la nomination d'un administrateur de la succession
est obligatoire (UK, Irlande), tandis qu'elle est simplement facultative dans la plupart
30
des Etats membres. Ceci ne va pas sans difficultés pratiques, par exemple lorsqu'un
personnal representative anglais souhaite qu’un immeuble sis en Allemagne soit
enregistré sous le nom du trust qui recueille la succession, tandis que le droit allemand
ne reconnaît pas la personnalité juridique de ce trust, ce qui aurait pour conséquence
l'impossibilité de mentionner le trust dans le livre foncier ("Grundbuch").
8.
Conflits entre le droit des successions et le droit des biens
Un tel conflit existe, par exemple, lorsque le droit du dernier domicile prévoit
que le conjoint survivant devient automatiquement usufruitier de tous les biens, tandis
que le droit du lieu de situation d’un immeuble prévoit qu’un tel usufruit ne peut être
consenti que par contrat.
9.
Recherche des testaments établis à l’étranger
La recherche de testaments rédigés à l'étranger représente également une entrave
à la liquidation des successions transfrontières, parce qu'avant de délivrer un certificat
d'héritier ou de liquider la succession il faut vérifier si le testateur a rédigé un
testament dans l'Etat de sa résidence habituelle antérieure. L’étude souligne que la
Convention de Bâle de 1972, élaborée dans le cadre du Conseil de l’Europe, a permis
de créer dans plusieurs Etats membres des registres centraux de dépôt et
d’immatriculation des testaments. Il semble préférable que tous les Etats membres
disposent à l'avenir de tels registres centraux.
10.
Connaissance de la loi étrangère applicable
Le droit des successions étant une matière très complexe, dans lequel
interviennent à la fois le droit fiscal, le droit des successions, les régimes
matrimoniaux et le droit des biens, il n’est pas aisé pour une personne de connaître le
régime applicable dans un autre pays. Une base de données régulièrement mise à jour
pourrait s'avérer d’une grande utilité pratique.
III.
CONCLUSIONS
DE L'ÉTUDE : HARMONISATION DES REGLES DE
COMPETENCE INTERNATIONALE, DES REGLES DE CONFLIT DE LOIS ET
CREATION D'UN CERTIFICAT D'HÉRITIER EUROPEEN
L'étude conclut que l'harmonisation du droit matériel des successions au niveau
européen ne se fera pas demain; à court terme, seule l'harmonisation des règles de
droit international privé permettrait en conséquence de surmonter les difficultés
mentionnées ci-dessus. Il ne s'agit pas ici d'entrer dans le détail des mesures
préconisées, mais seulement d'en indiquer les orientations principales.
3.1
Harmonisation des règles de compétence internationale
Les auteurs de l'étude recommandent l'extension du champ d'application du
Règlement dit "Bruxelles I" aux successions. Ils admettent en revanche que, dans une
matière aussi complexe, cela ne saurait se faire sans procéder en même temps à une
harmonisation des règles de conflit de lois. L'étude conclut que c'est le tribunal du lieu
de la dernière résidence habituelle du défunt qui devrait être compétent, tant pour les
biens meubles que pour les biens immeubles. Elle évoque cependant la possibilité
d'accorder une compétence aux tribunaux du lieu de situation d’un immeuble, non pas
pour statuer sur le statut successoral en tant que tel, mais pour les aspects de droit réel
qui y sont souvent liés. L'étude se prononce aussi en faveur de l'idée d'admettre la
compétence d'un tribunal choisi par les parties.
31
3.2
Harmonisation des règles de conflit de lois
L'étude plaide en faveur de la généralisation de la compétence de la loi du lieu
de la dernière résidence habituelle du défunt. Ceci impliquerait l’abandon du système
scissionniste, notamment dans les pays latins. Elle propose également l’introduction
de certains éléments de l'autonomie de la volonté, permettant aux testataires de choisir
- dans certaines limites - la loi applicable à leur succession.
3.3
Certificat européen uniforme d'héritier et certificat pour les tiers
administrateurs
Un certificat européen uniforme d'héritier ainsi qu'un certificat uniforme pour
les tiers administrateurs devraient être reconnus dans tous les Etats membres comme
preuve de la qualité d'héritier et du pouvoir de disposition. La délivrance serait de la
compétence du tribunal ou d'un notaire de l'Etat de la dernière résidence habituelle du
défunt. Ces certificats seraient présumés exacts et avoir force probante : La personne
nommée serait présumée héritière ou exécutrice testamentaire et avoir le pouvoir de
disposer de la succession. Le certificat devrait également servir de preuve pour les
inscriptions dans les registres et livres fonciers, notamment pour l'inscription de
l'héritier comme nouveau propriétaire (effet de légitimation). Celui qui, de bonne foi,
acquiert un bien de la personne désignée dans le certificat ou lui paie une dette serait
protégée.
*
Je conclus en regrettant de ne pas pouvoir entrer plus dans les détails des
résultats de cette étude très riche et dense en réflexions, mais qui porte pour l’essentiel
sur le droit international privé, thème qui ne figure pas en principe à l’ordre du jour de
la présente conférence.
L’étude montre aussi qu’il y a beaucoup à faire en ce domaine. Il me semble
qu'il s'agit d'une matière où les travaux de l’Union européenne et ceux du Conseil de
l’Europe pourront utilement se compléter pour faciliter la vie quotidienne des citoyens
européens.
32
L’effet des lois européennes concernant
les régimes matrimoniaux sur la protection juridique
de la famille en matière de succession
Schéma de rapport rédigé par
Gert STEENHOFF
Professeur suppléant, Molengraaf Institut de Droit Privé,
Université d’Utrecht (Pays-Bas)
1.
Bref aperçu des régimes matrimoniaux légaux en Europe occidentale
Séparation de biens:
Royaume-Uni (Angleterre et Pays de Galles, Ecosse) (complète)
Irlande (complète)
Autriche (limitée: certains biens sont de par la loi propriété commune)
Grèce (complète mais avec présomption relative que certains biens sont propriété
commune)
Communauté de biens: (limitée, biens prémaritaux exclus)
Belgique
France
Italie
Luxembourg
Portugal
Espagne
Suisse
Communauté de biens (complète ou «universelle», biens prémaritaux inclus)
Pays-Bas
Séparation pendant le mariage, communauté différée des biens au décès ou lors
du divorce
Danemark
Norvège
Suède
Séparation pendant le mariage, péréquation des acquêts lors du décès ou du
divorce
Allemagne
33
2.
Liberté de déroger au régime légal par contrat:
Dans la plupart des pays, cette liberté est absolue, dans certains elle est limitée
(limitation à des régimes «juridiques» spécifiques), dans d’autres pays il existe des
interdictions spécifiques (Portugal: les couples âgés de soixante ans ou plus peuvent
uniquement choisir le système juridique de la séparation; les couples mariés avec
enfants ne peuvent pas choisir la communauté de biens complète). En Angleterre et en
Irlande, les contrats de mariage sont soumis au pouvoir d’appréciation du juge lors du
divorce et du décès et peuvent être partiellement infirmés («partage équitable»,
ordonnances de rééquilibrage des biens). Un pouvoir d’appréciation judiciaire limité
existe également dans les pays scandinaves.
3.
Utilisation des contrats de mariage afin d’améliorer ou de sauvegarder la
position financière du conjoint survivant
3.1.
La communauté contractuelle (universelle ou limitée) des biens
Dans les pays de «séparation de biens», l’instauration d’une communauté de
biens contractuelle est un moyen sûr pour assurer au conjoint survivant une part de
50 % des biens de la communauté (universelle ou limitée) au décès de l’autre
conjoint.
3.2.
La communauté de biens contractuelle «différée»
Dans les pays de «communauté de biens», la loi elle-même prévoit déjà cette
possibilité. Toutefois, en cas de contrat de mariage où les conjoints sont convenus
d’une séparation de biens en raison de «risques commerciaux» et pour éviter de perdre
les biens de la communauté au profit de créanciers, un moyen de sauvegarder les
intérêts financiers du conjoint survivant consiste à concevoir contractuellement une
«communauté différée», c’est–à–dire de convenir qu’au décès de l’un des conjoints il
sera procédé à un calcul des gains et des pertes et les biens seront équitablement
partagés «comme s’il y avait eu une communauté de biens pendant le mariage». Cette
pratique, inspirée du système légal scandinave de la «communauté différée», est
pratique courante aux Pays-Bas. Elle a été récemment codifiée par le législateur.
3.3. Communauté universelle contractuelle des biens avec attribution (totale ou
partielle), en cas de décès, de la part du conjoint qui décède le premier au conjoint
survivant
Dans certains cas, les parties, pour diverses raisons, peuvent vouloir assurer au
conjoint survivant plus de la moitié de la succession, voire la totalité de la succession.
Si cela était permis, peu ou rien ne resterait pour les enfants du couple (au moins
jusqu’au décès du conjoint survivant). Toutefois, pour les enfants, soit nés d’un
précédent mariage de l’un des deux, soit adoptés, soit nés hors mariage, il ne resterait
absolument rien. Dans tous les pays européens à l’exception du Royaume-Uni et de
l’Irlande, les enfants ont une part réservataire statutaire dans la succession de leurs
parents. Est-il possible de frustrer ces héritiers réservataires en attribuant au conjoint
survivant - en tout ou en partie - la part des biens de la communauté du conjoint
décédé? Cette possibilité a une base légale en Belgique, en France et au Luxembourg.
Aux Pays-Bas, elle a été confirmée par les tribunaux mais, avec l’entrée en vigueur
34
des nouvelles dispositions successorales le 1er janvier 2003, elle est jugée constituer
un «legs occulte» (semi-legaat) qui ne peut aller à l’encontre de la part réservataire
des enfants.
En France, l’article 1524 du Code civil (clause d’attribution intégrale de la
communauté au conjoint survivant) a offert aux couples âgés un moyen de réparer
l’absence de droits successoraux statutaires du conjoint en général. Comme depuis le
3 décembre 2001, le conjoint survivant a le droit de choisir entre avoir l’usufruit de
toute la succession ou d’hériter d’un quart, la nécessité de recourir à cette possibilité a
diminué. La possibilité doit être approuvée par les tribunaux et peut être refusée si elle
est jugée contraire aux intérêts de la famille. Les enfants nés d’un mariage précédent
de l’un des conjoints ou nés hors mariage ont le droit de s’opposer à la possibilité.
En Belgique et au Luxembourg il existe une disposition analogue. Dans ces
deux pays, les conjoints survivants ont maintenant des droits successoraux statutaires
et la nécessité de recourir à cette possibilité est donc devenue moins évidente. En
Belgique, la possibilité ne peut porter atteinte à la part réservataire des enfants d’un
précédent mariage de l’un des conjoints (article 1465 CC). Cela vaut également pour
les enfants adoptés avant le mariage et, selon les spécialistes du droit, aux enfants nés
hors mariage.
Au Luxembourg, cette solution est de plus en plus appréciée auprès des
couples âgés. Contrairement à ce qui se passe en Belgique, elle permet d’éviter de
payer des impôts de succession et, par ailleurs, les enfants d’un précédent mariage de
l’un des conjoints ne peuvent s’y opposer et elle ne nécessite pas d’autorisation des
tribunaux.
35
36
Les avantages d’une coopération plus étroite en Europe
afin de promouvoir et d’améliorer la protection juridique de la
famille en matière de succession
Rapport rédigé par
Patrick YAIGRE
Notaire à Bordeaux (France)
Dans notre droit Romano-germanique et en particulier dans notre droit
français, le notaire est au centre du droit de la famille et des successions - droit codifié
- assure ainsi la sécurité juridique par acte authentique.
Je ne reviendrai pas comme j'en avais l'intention sur les différents droits
applicables dans nos pays européens.
Les différents intervenants de cette conférence traiteront des divers systèmes
matrimoniaux et de leurs conséquences sur les règlements successoraux, et en
particulier feront un comparatif des diverses quotités disponibles en matière
successorale.
Ces différences mettant à l'évidence l'intérêt d'une coopération plus étroite en
Europe dans le but d'améliorer la protection juridique de la famille en matière
successorale.
Dans la mesure où nous abolissons les frontières, où nous autorisons une libre
installation dans l'espace Européen des familles, il faut soit tendre à limiter les
disparités entre différents statuts juridiques, soit proposer des solutions pour régler les
conflits.
A ce sujet, le changement de législation française dans la rédaction duquel le
notariat fut associé et qui porte sur les droits du conjoint survivant et des enfants
adultérins modernisant ainsi diverses dispositions du droit successoral - loi du 3
Décembre 2001 - entrée en application le 1er juillet 2002, est un parfait exemple de
cette évolution qui va dans le sens d'une meilleure harmonisation de nos droits
nationaux.
Contrairement à la plupart des autres législations, le législateur français a mis
beaucoup de temps pour accorder au conjoint survivant des droits et l'admettre dans la
famille comme héritier.
Le vieux principe - les biens suivent le sang, a résisté plus d'un siècle et demi,
et résiste encore.
A ce jour et avec cette nouvelle loi, le conjoint bénéficie de 3 promotions
(promotions qui existent dans la plupart des législations qui nous entourent.)
- Une promotion dans les ordres successoraux
- Une promotion dans son cadre de vie
37
- La reconnaissance d'un minima,
Ce qui tend à un meilleur équilibre entre droit des héritiers réservataires
(descendants) et droit du conjoint.
A)
Dans les ordres successoraux
Le conjoint survivant intègre l'ordre n° 3.
Je vous rappelle que dans notre code civil : un défunt peut laisser :
- des descendants : 1er ordre
- à défaut, des ascendants : 2ème ordre
- à défaut, les autres jusqu'au 6ème degré
- à défaut, l'état.
Le nouveau texte permet au conjoint :
- en présence de descendants : soit de conserver l'usufruit, soit de conserver le
quart en pleine propriété. Précisons que s'il se trouve en concours avec des
enfants de lits différents, ses droits sont limités au quart.
- Si le défunt ne laisse que des père et mère : le conjoint reçoit la moitié en
pleine propriété s'il y a deux ascendants, ou les ¾ en présence d'un seul
ascendant, et élimine les frères et soeurs du défunt. (le principe "les biens
suivent le sang est limitée).
- S'il n'existe ni descendants, ni ascendants, le conjoint hérite de la totalité de
la succession.
3 nuances :
- avec l'introduction d'un droit de retour pour les biens de famille au profit des
frères et soeurs.
- Les ascendants autres père et mère bénéficient d'une créance alimentaire.
- Il peut en outre bénéficier de la conversion d'un usufruit en rente viagère.
(paragraphe à comparer avec l'ancienne législation).
B)
Sur le cadre de vie
Evolution très importante :
- Le conjoint survivant conserve pendant un an, gratuitement, son logement.
- Il peut demander l'attribution viagère d'un droit d'usage et d'habitation de ce
logement.
Ce droit n'est pas automatique, mais doit être réclamé.
C)
L'octroi d'un minimum successoral
La nouvelle loi permet au conjoint survivant de réclamer une pension
alimentaire et surtout, à défaut de descendants, il devient héritier réservataire du quart.
38
Cette réforme va dans le sens du renforcement des droits du conjoint ; une
famille étant traditionnellement représentée par parents et enfants, à laquelle on
rattache les grands-parents dépendants, mais sûrement pas les collatéraux.
II - Suppression des discriminations successorales
La pression des conventions européennes a permis de faire évoluer les esprits et donc
la législation française :
- 1ère évolution : La notion d'enfant adultérin est bannie de notre code. L'égalité entre
tous les enfants devient la règle, mais avec des conséquences que nous ne mesurons
pas encore.
Quid des donations-partages signées sous la législations ancienne ?
Les enfants "ex-adultérins" pourront-ils faire valoir leurs droits égalitaires ?
Quid de la rétroactivité des lois et des actes déjà signés ?
- 2ème évolution : La suppression des règles des comourants (anciens articles 720 et
suivants).
Désormais, lorsque deux personnes qui avaient vocation à succéder l'une à l'autre,
périssent dans un même évènement, et qu'il n'est pas possible de déterminer l'ordre
des décès, les successions sont réglées indépendamment, sans que le co-décédé y
participe.
- 3ème évolution : l'indignité successorale
Les principes ne sont pas bouleversés sauf aménagement (il est prévu que le complice
du meurtrier puisse être déclaré indigne. Il est tenu compte du témoignage mensonger,
le tout, sous l'autorité d'un juge). Mais, nouveauté : les enfants de l'indigne ne sont
plus exclus : ils peuvent venir par représentation.
Succession testamentaire
La notion de réserve en nature (conservée par la France). La notion d'ordre public. La
notion de quotité disponible.(paragraphe à développer).
Si la dévolution ab intestat est considérée en droit français comme le principe, la
dévolution testamentaire et contractuelle n'apporte qu'une dérogation.
La loi compétente sera, dans le cadre des règlements de succession internationaux :
- la loi de la situation de l'immeuble en matière immobilière
- la loi du dernier domicile du défunt en matière mobilière.
L'étude des testaments et des donations et pactes successoraux conduit à délimiter le
domaine de la loi successorale.
39
I - Le testament : conditions de forme
La convention de la Haye du 5 Octobre 1961 est entrée en vigueur en France le 19
Novembre 1967.
Le testament sera valable s'il répond à la forme ou du lieu où on dispose, de la
nationalité, ou du domicile...
Le but étant de valider au maximum la forme.
A) Les testaments conjonctifs
Le code civil français ne les reconnaît pas, mais la Cour de cassation française a
décidé que si le pays où ce testament a été rédigé le reconnaît, il sera accepté en
France.
B) Inscription des testaments
La convention de Bale de Mai 1972 qui préconisait un système d'inscription
internationale des testaments a été ratifiée par la France et l'organisme chargé de cette
inscription est le fichier d'AIX, tenu par le notariat.
C) Testament international.
La France a ratifié le 25 Avril 1974 la convention de Washington.
Testament écrit par le testateur ou un tiers dans la langue de son choix, deux témoins
confirmant la déclaration et signant avec le testateur et une personne habilitée qui, en
France, est le notaire.
Ce testament ne fait que se rajouter au testament fait en la forme olographe ou en la
forme authentique.
II - Les effets du testament (à développer oralement)
Le testament découvert à l'étranger devra être enregistré en France.
S'il est ouvert en France, il sera enregistré par un notaire.
La nomination d'un exécuteur testamentaire dépendra de la loi successorale. (Exemple
de limites au pouvoir de disposer).
- Le pouvoir de vendre un immeuble en France en présence d'héritiers réservataires ne
sera pas reconnu à ce denier.
- Trust testamentaire.
La succession peut être régie par un trust testamentaire qui donne pouvoir au trustee
pour vendre les biens successoraux. Si la succession est régie par la loi française, le
40
trust ne sera pas opposable aux héritiers réservataires qui pourront exiger l'intégralité
de la réserve.
La convention de La Haye du 1er Juillet 1985 relative à la loi applicable au trust et à sa
reconnaissance n'a pas été ratifiée (sauf erreur de ma part) par la France.
- Enfin, la succession testamentaire sera limitée par le principe d'ordre public de la
réserve.
Notion d'ordre public pour les biens soumis à la loi nationale.
Réserve des descendants déterminée par le nombre d'enfants.
Réserve réduite suivant que l'on se retrouve en présence du conjoint ou d'un tiers.
Enfin, à défaut de descendants, réserve de l'ascendant différente suivant qu'il se trouve
en présence d'un conjoint ou d'un tiers.
Comme nous venons de le dire, les difficultés apparaissent quand il s'agit de régler
une succession avec soit des biens hors du territoire national, soit avec des héritier de
nationalité différente.
La réserve en France et les conventions matrimoniales
Quand tous les enfants sont d'un même lit, si un avantage matrimonial (donation par
exemple) a été consenti dans une convention matrimoniale, cette convention échappe
aux règles successorales, aux droits de mutation, et par conséquent peut toucher la
réserve qui est d'ordre public.
Cet avantage matrimonial est fréquemment utilisé par des époux qui désirent que le
conjoint survivant conserve la totalité de l'actif en exonération de tous droits de
mutation.
Le PACS
Par la loi du 15 Novembre 1999, le code civil a introduit le régime du Pacte Civil de
Solidarité qui autorise deux personnes non liées par d'autres liens comme le mariage
ou la parenté, à se lier.
Au niveau successoral, le PACS est sans conséquence, sauf si les deux partenaires
confirment leurs intentions dans un testament.
Quid de la situation de titulaires d'un PACS qui de droit, bénéficient de droit
successoraux par leur loi nationale ? Cette question est ignorée par la législation
française.
A fortiori, pour des mariés homosexuels, situation non reconnue par notre code civil.
Mais il existe d'autres moyens d'assurer du conjoint survivant et au partenaire
enregistrés, des revenus.
41
Il convient alors de souscrire dans certaines conditions des contrats d'assurance vie
qui peuvent échapper tant aux droits de mutation qu'aux règles successorales
classiques.
J'ai vu que la France n'avait pas l'exclusivité de ces contrats qui peuvent répondre
ainsi à la frilosité du législateur devant par exemple le concubinage mais je sais que
nous traiterons de cette question dans un instant.
CONCLUSION
- Harmonisation
- Ou règlement du conflit des législations (en acceptant les particularismes de chacun)
Il me paraît difficile de trancher car il ne faut pas se faire de grandes illusions. Les lois
successorales du moins en France sont enracinées à notre culture.
Nous partons d'un système successoral où l'héritier principal est le descendant (les
biens suivent le sang) et où la notion de revenus minima pour le conjoint est ignorée.
Certains de nos partenaires européens partent d'un système successoral où l'héritier est
le conjoint.
La société change - la famille n'étant plus la tribu - elle se réduit à une cellule
composée des père, mère, enfants auquel on rattache les grands parents.
Les nouvelles dispositions que la France vient d'adopter démontrent cette évolution,
véritable révolution culturelle: le conjoint rentre dans le club des réservataires.
42
La protection juridique de la famille dans le domaine
des successions en droit anglais
Rapport rédigé par
Gillian COCKBURN3
Avocat, Cockburns, Panorama (Royaume-Uni)
Les remarques qui suivent concernent à la fois l'Angleterre et le pays de
Galles, puisque tous deux sont régis par le common law. Par contre, l’Ecosse est
soumise à des dispositions différentes car elle est dotée d'un système de droit civil et
possède déjà des règles définies en matière d'héritage.
Contrairement à de nombreuses juridictions européennes, l'une des
principales caractéristiques distinctives du droit anglais en matière de succession est
que, dans ce pays, règne une totale liberté en matière de dispositions testamentaires. Il
en résulte que chacun est libre de transmettre son patrimoine à toute personne qu'il a
choisie. Cette liberté est précieusement et soigneusement gardée. Si dans certains cas,
elle est restreinte ou mise à mal, elle reste toujours le point de départ dans l'examen
d'un différent ou (du point de vue du praticien) en politique générale.
Le droit anglais diffère également sur le plan du divorce. Alors que de
nombreuses juridictions européennes continentales considèrent le décès et le divorce
comme mettant fin de la même manière à la communauté matrimoniale l'Angleterre
leur applique des lois et des politiques totalement distinctes. Ceci est, une fois encore,
particulièrement bien mis en lumière par la liberté de conclure des accords en matière
de divorce. Si de nombreux pays de l'UE autorisent la conclusion préalable de contrats
de mariage à caractère obligatoire, tout comme nous autorisons les dispositions
testamentaires irrévocables, le droit anglais interdit toute tentative visant à déposséder
les tribunaux familiaux de leurs compétences et les accords préalables au mariage,
mais également ceux portant sur la séparation, ne sont considérés par ces tribunaux
que comme l'un des nombreux autres facteurs intervenant dans l'affaire. Ils sont
souvent systématiquement ignorés, même lorsqu'il s'agit d'accords préalables au
mariage qui présenteraient un caractère obligatoire si le divorce était examiné dans le
pays où ils ont été conclus.
Le cas le plus évident d’exclusion des dispositions testamentaires c’est
celui d’une personne qui choisit de ne pas opter pour de telles dispositions, c'est-à-dire
de ne pas rédiger de testament avant son décès. En Angleterre, il existe quelques
dispositions limitées de protection de la famille lors de la succession. Ces dispositions
figurent dans la loi de 1925 sur l'administration du patrimoine. Elles ne sont
applicables qu'en cas de décès intestat, c'est-à-dire lorsque la personne est décédée
sans laisser de testament valide. Elles énoncent l'ordre et la mesure dans lesquels
l'épouse et les autres parents proches, habituellement les enfants, peuvent prétendre à
une part du patrimoine du décédé. Les enfants ne doivent pas nécessairement être des
3
Gillian Cockburn remercie M. David Hodson du Family Law Consortium, Londres (www.tflc.co.uk)
pour son aide dans la préparation de certaines de ces notes.
43
enfants nés dans le mariage. Tous les enfants, qu'ils soient légitimes ou illégitimes,
peuvent prétendre à une part qui sera fonction de l’importance du patrimoine.
Le concubin ne peut pas bénéficier des dispositions prévues en cas
d'absence de testament, etc. quelqu'ait pu être la durée de la relation, car seuls les
époux sont visés par ces dispositions. En outre, si le patrimoine représente un montant
inférieur à 125 000 £ (approximativement 200.000 euros), ces dispositions ne
prévoient aucune part réservataire pour les enfants.
Quoi qu’il en soit, si la personne décédée a rédigé un testament valide, les
dispositions dudit testament viennent en priorité devant toute responsabilité que le
décédé pourrait par ailleurs avoir à l'égard de sa famille.
Cependant, la loi accorde à la famille une certaine protection contre le
risque d'être déshéritée:
1.
La loi sur la succession (dispositions relatives à la famille et aux
personnes à charge) de 1975 ("I(PFD)A")
1.1
Cette loi accorde à une certaine catégorie de requérants le droit de
prétendre à une part du patrimoine. Parmi les requérants possibles figurent l'époux ou
l'épouse, le partenaire hétérosexuel (pour les décès intervenus après le 1er janvier
1996), les enfants et quiconque se trouvait à charge de la personne décédée au
moment du décès de celle-ci.
1.2
La loi n'est applicable qu'au patrimoine des individus domiciliés au
Royaume-Uni à la date de leur décès. Il est peu probable que ces dispositions puissent
s'étendre aux biens que des ressortissants de la CEE posséderaient au Royaume-Uni.
1.3
L'importance de la part des biens revenant à l’époux ou l’épouse n’est pas
équivalente à celle de la part prévue pour les autres requérants. L'époux ou l'épouse
ont droit à une somme équivalent à ce qu'il serait raisonnable qu'un mari ou une
femme reçoive quelles que soient les circonstances. Les autres requérants ne peuvent
prétendre qu'à un «montant raisonnable destiné à assurer leur subsistance». La part
prévue pour les époux est donc plus généreuse.
1.4
Conformément à la loi en question, les tribunaux sont habilités à se
pencher sur les transactions effectuées au cours des six dernières années ayant précédé
le décès (article 10) et peuvent tenir compte de certains intérêts fiduciaires.
1.5
Les délais prévus pour le dépôt de réclamation sont stricts.
2.
Il est possible de contester un testament si:
2.1
le testataire est juridiquement incapable au moment de la rédaction du
testament. Les critères relatifs à la capacité sont énoncés dans l'affaire Banks c
Goodfellow (1870) LR 5 QB 549 à 565);
2.2
le testataire a été indûment poussé à rédiger un testament;
44
2.3
le testament n'a pas été signé ni rédigé en présence de témoins comme le
prévoit l'article 9 de la loi de 1837 sur les testaments.
3.
Octroi d'avantages fiscaux
3.1
Les transferts entre époux effectués à l'issue du décès de l'un d'entre eux
sont, au Royaume-Uni, exonérés de l'impôt sur les successions. Toutefois, si l'époux
donataire est domicilié à l'étranger, l'exonération est alors plafonnée à 55 000 £
sterling, soit environ 90.000 euros, indépendamment de la part habituellement
exonérée (article 18 de la loi de 1984 sur l'imposition des successions). Ainsi, en
général, l'époux ou l'épouse ne se trouvera pas contraint, à la suite du décès, de vendre
son héritage pour régler l'impôt sur les successions.
3.2
Si le patrimoine comporte une entreprise ou une exploitation agricole,
conformément à l'article 103 à 124 de la loi sur l'imposition des successions,
l'exonération en cas de décès peut être de 50% ou de 100%. Cette exonération vise à
éviter le démembrement de l'entreprise ou de l'exploitation familiale à l'issue du décès
de son propriétaire. Toutefois, cette exonération est également applicable aux héritiers
ne faisant pas partie de la famille, puisqu’elle dépend du type d'actif et non du lien
entre le décédé et son héritier.
4.
Autres restrictions
4.1
Les entreprises privées prévoient souvent dans leurs statuts des restrictions
à la transférabilité des parts en cas de décès. Ces restrictions ont pour objet d'éviter
que les actionnaires ne cèdent leur part dans l'entreprise familiale à des personnes
extérieures à la famille.
4.2
Pour préserver les actifs de la famille et éviter que ses membres ne les
dilapident ou les cèdent à des personnes extérieures, il est possible de recourir à des
trusts. De telles dispositions peuvent être prises du vivant ou au décès de la personne
concernée. Parmi les formules possibles figurent:
• trust à fins de sûreté;
• trust variable;
• trust à fins usufructuaires;
• trust à fins d’accumulation et de subsistance.
5.
Dispositions spéciales relatives aux enfants
5.1
Il est également possible de recourir au trust afin de protéger l'héritage
accordé à un enfant par testament. En vertu des lois sur l'absence de testament, les
enfants de moins de 18 ans sont automatiquement placés sous tutelle juridique.
5.2
Les administrateurs des biens sont soumis à des dispositions légales
énoncées dans des textes juridiques tels que:
• Loi de 1925 sur l'administration des biens
• Loi de 1925 sur les administrateurs de biens
• Loi de 1996 sur les sociétés fiduciaires foncières (Trusts of Land)
(désignation des administrateurs)
• Loi de 2000 sur les administrateurs de biens
45
Ces lois énoncent les devoirs et autres responsabilités des administrateurs
concernant la gestion du patrimoine au profit des bénéficiaires. Ces devoirs et
responsabilités sont destinés à protéger l’héritage des enfants et à permettre aux
administrateurs de fournir des fonds pour subvenir aux besoins de ceux-ci jusqu'à ce
qu'ils soient en âge de recevoir leur héritage.
5.3
Dans le cadre de son testament, le testataire peut confier la garde de ses
enfants à des tuteurs et prévoir que les administrateurs de biens remettent à ceux-ci
une allocation prélevée sur l'héritage à l’usage desdits enfants. Il peut s'agir de
personnes différentes des administrateurs de biens. Le mandat confié à ces personnes
cesse lorsque les enfants atteignent l'âge de 18 ans, même si ces derniers ne sont pas
encore alors en droit de recevoir leur héritage. Pour plus de détails, voir «Désignation
des personnes à qui est confiée la garde des enfants» par Gillian E. Cockburn et David
Hodson, pages 96 à 104 du Probate Practitioners Handbook (3e édition) (1999), Law
Society Publishing.
6.
Harmonisation?
Pour parvenir à une harmonisation des juridictions anglaise et galloise
avec les autres juridictions européennes qui sont effectivement dotées de règles
précises en matière de succession, il serait nécessaire de supprimer ou limiter la
liberté fondamentale de disposition testamentaire.
46
Les avantages d’une coopération plus étroite en Europe
afin de promouvoir et d’améliorer la protection juridique de la
famille en matière de succession
Rapport rédigé par
Dagmar COESTER-WALTJEN
Professeur, Institut für Internationales Recht,
München (Allemagne)
Introduction
Vous vous êtes dans doute demandés, en regardant le résumé de cette communication,
pourquoi je m’intéresse particulièrement au droit allemand, irlandais et chinois. Je
souhaitais d’une part comparer les lois issues de familles juridiques très différentes,
d’autre part souligner certaines similitudes entre le droit irlandais et allemand. Je ferai
néanmoins référence dans cette présentation à d’autres systèmes juridiques qui
prévoient des solutions similaires.
Abordons en premier lieu la protection de la famille dans les cas de succession ab
intestat.
I. Protection de la famille dans les cas de succession ab intestat
1. Participation de la famille
a) Principes généraux
Dans presque toutes les juridictions, les membres de la famille héritent du défunt.
Dans les cas de succession ab intestat, en règle générale, seuls les membres de la
famille et le conjoint (ou le partenaire déclaré) reçoivent une part. Dans certains
systèmes juridiques, notamment dans le système chinois, la belle-famille (famille du
conjoint), les beaux-parents (conjoint de l’un des parents) et les beaux-enfants
(enfants du conjoint) héritent dans certaines conditions. Il en va de même pour les
personnes à charge qui n’ont pas de lien de parenté avec la personne décédée. En droit
successoral irlandais et allemand, tout comme dans la plupart des systèmes européens,
cela ne serait pas le cas.
Il existe également une règle générale en vertu de laquelle la succession sera partagée
entre les descendants et le conjoint survivant (ou le partenaire). Les parents proches
écartent les parents éloignés.
b) Position du conjoint survivant
Le conjoint survivant fait partie des personnes qui sont parties prenantes à une
succession ab intestat. La tendance est à l’augmentation de la part qui revient au
conjoint, en raison du souhait éventuel du défunt, de la moindre importance des
ancêtres et de la baisse de la dépendance des jeunes générations (due à l’espérance de
vie et aux cercles de famille).
En droit allemand, le conjoint survivant reçoit en général la moitié du patrimoine
entrant dans la succession ab intestat (un quart étant l’héritage de base et un quart en
47
vertu du régime matrimonial statutaire). L’autre moitié revient aux descendants, s’il y
en a. En l’absence de descendants, le conjoint survivant devra partager la succession
avec les parents du défunt, lesquels en recevront un quart. La sagesse de cette règle est
sujette à caution et, s’il devait y avoir une réforme, la règle serait sans doute changée,
le conjoint survivant se voyant attribuer toute la succession en l’absence de
descendants.
En outre, le conjoint survivant prend les biens meubles en plus de sa part statutaire.
D’après la nouvelle loi allemande sur les partenaires homosexuels déclarés, le
partenaire homosexuel survivant sera traité comme un conjoint au décès de son
compagnon.
En droit irlandais, la position du conjoint survivant est encore plus solide. S’il y a des
descendants, le conjoint survivant reçoit les 2/3 de la succession nette, le reste étant
réparti entre les descendants. En l’absence de descendants, le conjoint survivant reçoit
toute la succession. Tous les autres parents sont écartés par le conjoint survivant.
Soulignons également que même si le conjoint survivant hérite avec les descendants,
il peut opposer au représentant successoral une demande concernant le foyer conjugal
et les biens meubles. Précisons que les prestations d’un contrat d’assurance-vie ainsi
que la propriété en indivision n’entrent pas dans les règles régissant l’héritage.
Aux termes du droit actuellement en vigueur en Chine, le conjoint, les enfants et les
parents sont héritiers de premier rang. Ils écartent tout les autres parents, mais les
belles-filles et beaux-fils seront considérés comme des héritiers de premier rang s’ils
ont contribué de manière importante à l’entretien de leurs beaux-parents. Par ailleurs,
une part appropriée de la succession peut revenir à une personne qui, dépendant du
soutien du défunt, ne peut pas travailler et n’a aucune source de revenu. Mais cette
personne n’a pas le statut juridique d’un successeur du défunt.
Nous trouvons des résultats comparables dans d’autres systèmes juridiques
européens : en droit suisse, par exemple, le conjoint survivant reçoit la moitié de la
succession, les trois-quarts avec les parents, le reste allant aux descendants ; en
Autriche, le conjoint survivant reçoit un tiers, les descendants deux tiers (mais ils
peuvent devoir partager la succession même avec les grands-parents du défunt) ; en
Italie, un tiers s’il n’y a qu’un descendant, la moitié s’il y a plusieurs descendants et
deux tiers avec les parents ; le droit grec prévoit un quart pour les descendants, la
moitié pour le conjoint survivant, et aux Pays-Bas, le conjoint survivant a la même
place que l’enfant. Il convient cependant de remarquer que dans tous ces systèmes
juridiques, le conjoint peut avoir des prétentions au titre de son régime matrimonial
puisque tous les systèmes mentionnés adhèrent à un régime de communauté de
créances et de dettes.
c) Position des enfants
La position des enfants s’est affaiblie puisque celle du conjoint survivant s’est
renforcée. En l’absence de conjoint survivant, les enfants héritent et tous les autres
parents sont écartés en droit irlandais et allemand. Et cela vaut pour la plupart des
autres systèmes européens. En droit chinois, ils peuvent devoir partager la succession
avec les parents du défunt (et éventuellement avec la belle-famille).
48
d) Lorsqu’il n’y a pas de proche parent
En droit allemand et irlandais, en l’absence de proche parent, l’État hérite de la
succession. Toutefois, en droit irlandais, l’État peut nommer une personne proche du
défunt et en faire son héritier.
2. Participation de l’État
Malgré le principe de la succession familiale, il y a toujours un étranger qui hérite
d’une partie du patrimoine du défunt. C’est L’État, aux moyens de l’impôt.
Le système allemand d’impôt sur les successions prévoit des taux progressifs en
fonction de la valeur du patrimoine et du degré de parenté. Il existe trois catégories de
degrés de parenté et plusieurs échelons pour la valeur. L’impôt sur les successions
peut atteindre 50 % de la valeur nette du patrimoine. Cependant, conjoints et enfants
peuvent bénéficier d’abattements considérables qui, dans beaucoup de familles de la
classe moyenne, peuvent se traduire par une exemption totale de l’impôt sur les
successions.
Le système de l’impôt sur les successions est plus compliqué en Irlande. En principe,
il est également progressif et prévoit différentes catégories de successeurs bénéficiant
de certains abattements. Le conjoint survivant ne paye aucun impôt sur les
successions. Et donc, dans bien des cas, aucun impôt ne doit être payé ou seule une
très petite somme. Il y a également un prélèvement supplémentaire (probate tax) en
Irlande.
3. Protection contre l’éparpillement du patrimoine
Les règles en vertu desquelles les successeurs héritent à égalité peuvent mener à
l’éparpillement du patrimoine. Dans le passé, certaines lois éliminaient (en partie) ces
problèmes quand il s’agissait de certains patrimoines (des fermes, par exemple). Mais
ces textes n’ont qu’une pertinence limitée et ne jouent pas un rôle aussi important
dans la nouvelle structure des richesses. Mais il ne faut pas oublier que le conjoint
survivant hérite du foyer familial avec les enfants, ou s’il existe une petite entreprise
familiale qui doit être partagée entre des personnes ayant des intérêts divers, des
problèmes peuvent survenir. En rédigeant un testament, le testateur règle ces
situations.
En droit irlandais, comme dans d’autres systèmes juridiques anglo-américains, la
création d’une indivision peut éviter ces problèmes.
4. Protection contre la responsabilité quant aux dettes du défunt
Tous les systèmes juridiques prévoient la possibilité de renoncer à une succession ab
intestat. Il s’agit là de lois importantes lorsque le passif est plus important que l’actif.
49
II. Protection de la famille dans les successions testamentaires
1. Liberté de tester
En droit allemand, irlandais et même chinois, il n’existe aucune partie réservée dont le
testateur ne puisse disposer. Il peut donc disposer de tout son patrimoine. En droit
allemand et irlandais, cela découle du principe d’autonomie.
En Chine, une partie de la succession doit être réservée à un successeur qui ne peut
pas travailler et ne dispose d’aucune source de revenu. Mais il n’y a de part fixe dans
aucun de ces systèmes juridiques (contrairement au droit français, par exemple). Ce
n’est pas le cas dans nombre de systèmes européens – hormis en droit anglais – qui, à
l’instar de l’exemple français, réservent une certaine partie de la succession aux
proches parents, restreignant ainsi la liberté de tester. Un testament qui dispose de
toute la succession contrairement à ces dispositions peut être ramené à un partage
libre. C’est le cas par exemple en France, en Belgique, en Espagne, en Turquie, en
République tchèque, au Danemark, en Norvège et même en Louisiane (États-Unis
d’Amérique).
En principe, la liberté de tester n’est limitée que par les pouvoirs publics. Les
dispositions immorales seront considérées comme nulles.
La modification d’un testament n’est pas possible en droit allemand. Si le testateur a
fait une erreur, ou s’il y a eu fraude ou contrainte, le testament peut être contesté. Il en
va de même en droit irlandais. Mais dans tous ces cas, le juge ne doit pas rédiger un
nouveau testament à la place du testateur. Si la contestation aboutit, en tout ou en
partie, les lois sur la succession ab intestat s’appliquent, en l’absence de toute
disposition testamentaire valable.
Il existe cependant des mesures correctives visant la protection de la famille.
2. Mesures correctives
Bien qu’il n’y ait, en droit allemand, aucune part dont le testateur ne puisse disposer,
les parents proches peuvent hériter d’une part obligatoire. Il ne s’agit pas d’une part
de la succession mais d’une compensation financière à la place de l’héritage. Cette
part obligatoire pourra être demandée pour le conjoint survivant, les descendants et les
parents s’ils ont été déshérités. Cette part obligatoire équivaut à la moitié de la part
attribuée en cas de succession ab intestat.
La question de savoir s’il est sage d’accorder cette part obligatoire aux enfants
lorsqu’il existe un conjoint survivant qui hérite de toute la succession fait l’objet
d’intenses débats à l’heure actuelle. Et la part obligatoire des parents fait également
l’objet de débats. En Allemagne, la même loi s’applique aux partenaires déclarés et
aux conjoints.
Le droit irlandais est à la fois différent et semblable : l’époux survivant a – de manière
très semblable à la part obligatoire prévue par le droit allemand – un droit légal s’il a
été totalement ou en partie déshérité. Si des enfants et un conjoint survivent au
testateur, le droit légal du conjoint porte sur 1/3 de la valeur nette de la succession. En
50
l’absence d’enfants, ce droit légal porte sur la moitié de la valeur nette de la
succession.
Les lois de l’Autriche, de la Pologne, de la Hongrie, de la Suède, de la Finlande et des
Pays-Bas prévoient elles aussi de telles prétentions financières, l’avantage étant que le
membre déshérité de la famille ne viendra pas s’imposer aux autres bénéficiaires qui,
aux fins de la répartition de la succession, forment une communauté. Le membre
déshérité reste en dehors de cette communauté et ne peut exiger le transfert de certains
biens, bien qu’en droit irlandais, le conjoint puisse, au titre de son droit légal,
réclamer le foyer conjugal et les biens meubles.
L’importance de cette part obligatoire (y compris, pour la présente étude, l’héritage
obligatoire) et le cercles des personnes qui y ont droit varient dans les autres systèmes
juridiques européens. La République tchèque et les Pays-Bas n’accordent pas ce droit
(l’héritage obligatoire) au conjoint survivant mais lui accordent une certaine
protection concernant le foyer conjugal. Souvent, la part de l’époux survivant atteint
la moitié de la part attribuée en cas de succession ab intestat (en Autriche, en Suisse,
au Danemark), mais elle peut être plus élevée (la moitié de la succession en Italie) ou
limitée à une certaine somme (en Suède et en Norvège). Les descendants peuvent être
protégés encore davantage, certains systèmes juridiques leur réservant 2/3 (Pays-Bas)
ou ¾ (Suisse) de la part attribuée en cas de succession ab intestat. Certains textes
protègent en particulier les enfants mineurs (en Pologne, en République tchèque),
d’autres réservent des parts plus importantes de la succession (Italie : ½ pour un
enfant, 2/3 pour plusieurs enfants) ; Espagne : 2/3 ; France : ½ pour un enfant, 2/3
pour deux enfants, ¾ pour trois enfants ou plus).
En matière de protection des descendants, le législateur irlandais a choisi une autre
approche, étroitement liée à l’approche anglaise, australienne et canadienne. L’enfant
déshérité ou celui qui a été négligé par le défunt peut faire une demande pour obtenir
une part de la succession, et le tribunal peut examiner cette demande du point de vue
d’un parent juste et prudent, en tenant compte de la position de chacun des enfants du
testateur et de toutes autres circonstances qui pourraient l’aider à prendre une décision
aussi équitable que possible, tant pour l’enfant qui est à l’origine de cette demande
que pour les autres enfants. Cela n’affecte en rien le droit légal du conjoint survivant.
En droit irlandais, cette possibilité n’est pas réservée aux enfants à charge, comme
c’est le cas dans certaines provinces canadiennes.
En droit chinois, seul existe à l’heure actuelle un règlement très général en vertu
duquel, dans un testament, une part réservataire revient à un successeur qui ne peut
travailler et n’a pas de source de revenus. Du fait de l’absence de grandes successions,
cette disposition a surtout une valeur pratique pour le foyer familial et les meubles.
La protection des membres de la famille par l’héritage obligatoire de parts
réservataires et par le droit de réclamer une part de l’héritage serait incomplète si l’on
ne tenait pas compte de deux aspects : tout d’abord de l’indignité des personnes
concernées, ensuite de la protection contre des dispositions prises par le défunt de son
vivant, lesquelles peuvent aller à l’encontre des règles de protection ou les affaiblir de
manière substantielle.
51
Pour ce qui est du premier point, il existe des règlements qui excluent les personnes
qui ont tué ou maltraité le défunt, ou qui ont été reconnues coupables d’infractions
graves contre d’autres membres de la famille (en Allemagne, en Irlande, en Autriche
et en Suisse) ; l’abandon de famille, et notamment le non-paiement de la pension
alimentaire peuvent également constituer une cause d’indignité (en Espagne, en
République tchèque, en Hongrie, en Pologne et en Suisse), ainsi qu’un style de vie
immoral (en Allemagne et en Grèce).
Concernant le deuxième point, les dispositions prises par le défunt de son vivant
peuvent être contestées (en France, en Espagne et en Italie) ou modifiées, ou la
personne qui bénéficie de ces dispositions peut être obligée de payer une certaine
somme au membre de la famille protégé. Le délai pour contester des dispositions est
variable : deux ans en Israël et en Autriche, trois ans en Irlande, cinq ans en Italie, aux
Pays-Bas et en Suisse, six ans en Angleterre, dix ans en Allemagne et en Grèce,
quinze ans en Hongrie et, tout du moins en principe, illimité en France.
Dans le détail, ces règlements varient, notamment en ce qui concerne l’intention du
défunt et l’application des règlements dans les successions ab intestat. Mais cela ferait
l’objet d’une autre intervention. Ce rapide survol devrait suffire pour le moment.
Je vous remercie de votre attention.
52
Rapport Général4
Suivi possible de la Conférence par le Comité d’experts sur le droit
de la famille
rédigé par
Maria PUELINCKX-COENE
Professeur de droit,
Université d’Anvers (Belgique)
I. Introduction
II. Protection par la succession
A. Les différents membres de la famille et leur vocation ab intestat
1. le conjoint survivant
a. l'éventuelle influence des régimes matrimoniaux
b. les droits ab intestat du conjoint survivant
c. la double protection du conjoint survivant
2. les descendants
a. l'impact des régimes matrimoniaux
b. la vocation ab intestat
4
Ce rapport s’est basé sur les rapports présentés, les contributions et interventions faites lors de la
conférence mais a en outre bénéficié de plusieurs études de droit comparé existant en la matière et en
particulier:
K. Boele-Woelki, Huwelijksvermogensrecht in rechtsvergelijkend perspectief, Molengraaf Instituut
voor Privaatrecht 1999; 408 p.; Fédération royale des notaires de Belgique (éd.), Examen critique de la
réserve successorale, Tome I, Droit comparé, 1997, 445 p. et Les relations contractuelles
internationales, Le rôle du notaire, 1995, 2ème partie Droit comparé, 401-613 ; C. Labrusse-Riou,
"Sécurité d'existence et solidarité familiale en droit privé: Etude comparative du droit des pays
européens continentaux", in M.T. Meulders-Klein et J. Eekelaar, Famille, état et sécurité économique
d'existence, Volume I: Famille,1988, 99-135; Y. - Leleu, La transmission de la succession en droit
comparé, 1996 et "Nécessité et moyens d'une harmonisation des règles de transmission successorale
en Europe", European Review of Private Law, 1998, 159-193; E. N. Frohn, Internationaal Juridisch
Instituut, Onderzoek buitenlandse wetgeving erfrecht, 1992; 100 p.;W. Pintens, "Die Europäisierung
des Erbrechts", ZeuP, 2001, 628-648; H. Schwab (éd.) Der Schutz der Familienwohnung in
europäischen Rechtsordnungen, 1995, 209 p. et Familienerbrecht und Testierfreiheit im europaïschen
Vergleich, 2001, 389 p.; U. Spellenberg, "Recent developments in Succession Law" in R. Blanpain
(éd.) Law in Motion, 1997, 711-749; A. Verbeke et autres: "European marital property law, Survey
1988-1994, European Review of Private Law, 1995, 445-481; A. Verbeke et Y.-H. Leleu,
"Harmonization of the law of succession in Europe", in A. Hartkamp et autres (éds.) Towards a
European Civil Code, 1998, 173-18.
Ont également été consultés:
International Encyclopedia of Laws (éd. gén. R. Blanpain), Vol. 3 Family and Succession Law (éd. W.
Pintens)
et en particulier les contributions de D. Schwad, P. Gottwald et E. Büttner (Allemagne); S. Storm et H.
Viggo Godsk Pedersen (Danemark); M. Savolainen (Finlande); G. Garcia Cantero et J. Rams Albesa
(Espagne); Miroslava Gec-Korošec et Vesna Rijavec (Slovénie); M. Kirilova Eriksson et J. Schiratzki
(Suède);
Jurisclasseur de droit comparé, Collections des juris-classeurs et en particulier les contributions de A.
Philip et H. Ekstrand (Danemark); M.P. Garcia-Rubio (Espagne) B. Lancin (Finlande); P. Drakidis
(Grèce); L. Lenti (Italie), V. Lange (Norvège); A. Ferreira (Portugal) et B. Linden (Suède)
53
3. les parents plus éloignés
4. les membres récents
a. le partenaire survivant d'un couple non marié
b. les enfants d'une famille recomposée non affiliés au défunt
B. La protection impérative de certains membres de la famille
C. La succession testamentaire
1. Comment déroger à la succession ab intestat
2. Les obstacles
a. les droits successoraux impératifs
b. la cause illicite
c. l'imposition fiscale
III. La protection contre la succession
A. La transmission de l'actif
B. La transmission du passif
IV. Conclusions
A. Une harmonisation dans le domaine des successions est-elle possible?
B. Quelques suggestions
1. le conjoint survivant
2. les descendants
a. les enfants nés hors mariage
b. les enfants nés d'une autre union
c. les enfants des familles recomposées
3. les couples non mariés
4. quelques suggestions d'ordre plus technique
54
I. INTRODUCTION
1. Quand on pose aujourd’hui la question de savoir comment la famille est protégée
dans le domaine de la succession, l'on ne réfère plus à la famille comme entité en soi
mais aux différents membres de la famille. Lors de la mort d'un membre de la famille,
tous les droits nationaux reconnaissent à d'autres membres le droit d'hériter de son
patrimoine. Mais une famille comprend beaucoup de membres, surtout quand on la
prend dans son sens le plus large, ce qui s'impose aujourd'hui dans la mesure où la
famille de fait bénéficie de plus en plus d'une certaine protection juridique.
D'autre part, les techniques juridiques par lesquelles les Etats européens s'efforcent
d'organiser la solidarité familiale au service de la sécurité économique de ses
membres, diffèrent largement d'un pays à l'autre.
Le thème de cette 6ème Conférence était donc plutôt vaste, il fallait le cerner.
2. Il est évident que la diversité des réglementations nationales apparaît de la manière
la plus flagrante lors de la liquidation d'une succession présentant un élément
international. Une harmonisation des règles de conflits de droits facilitera
certainement ces liquidations. Mais en fait, c'est surtout un rapprochement du droit
matériel successoral qui évitera que des solutions trop différentes soient données aux
mêmes problèmes. C'était la préoccupation de cette Conférence.
3. "Protection de la famille dans le domaine des successions" : il fallait donc se
concentrer sur les techniques du droit patrimonial de la famille. Il n’empêche qu'on ne
peut ignorer que ces techniques ne constituent plus aujourd’hui ni le seul moyen de
transmission des (grandes) fortunes, ni le seul support permettant d’assurer le
maintien de conditions de vie équivalentes. Je pense par exemple aux multiples
instruments d'assurances diversifiés à l'infini et aux pensions (de survie et autres) qui
dans nos Etats-providence garantissent souvent, plus que la fortune familiale, la
sécurité économique d'existence des proches.
Il va de soi que pour pouvoir assurer la sécurité matérielle de ses membres, le
patrimoine à transmettre doit avoir une certaine consistance. Le droit patrimonial de la
famille se borne à organiser le partage de ce patrimoine sans pouvoir en altérer le
volume, à la différence du droit fiscal et plus particulièrement des droits successoraux
qui peuvent considérablement réduire le bénéfice net que les membres de famille
reçoivent dans la succession.
Mais même si la famille n'est plus en règle générale pourvoyeuse de fortunes
importantes à cause de la dégénérescence des patrimoines et de la pression fiscale, je
crois pouvoir prétendre qu'elle demeure toujours, pour une partie considérable des
gens, un moyen de sécurité matérielle. Comme l'affirmait le professeur M.A.
Glendon: "Work, family and the state are the three pillars of economic security and
social standing of each individual in our societies..... What has changed in recent
years is the relative predominance of the elements in the mix, with market work and
claims of various sorts against the state gaining on, but not displacing the family."5
En règle générale la succession favorise la sécurité économique de la famille, mais
parfois elle la met en danger.
5
M.A. Glendon:"Changes in the relative importance of family support, market work and social welfare
in providing economic security" in M.T. Meulders-Klein et J. Eekelaar, Famille, état et sécurité
économique d'existence, Volume I: Famille,1988, (3-16), 5
55
II. PROTECTION PAR LA SUCCESSION
4. Selon un schéma traditionnel il faut distinguer entre: la protection par la succession
ab intestat, applicable en absence de testament, la protection par la succession
impérative c'est-à-dire des membres de la famille qui ne peuvent être déshérités et la
protection par la succession testamentaire, organisée par le défunt lui-même au
bénéfice du membre de la famille qu'il préfère ou qui en a le plus besoin.
Néanmoins on n'a pas cessé de répéter pendant la Conférence que deux remarques
préliminaires s'imposent:
- primo : dans les pays de l'Europe continentale qui connaissent des régimes
matrimoniaux structurés - c'est à dire une organisation structurée des rapports
patrimoniaux des époux au cours du mariage et à sa dissolution - la succession et la
protection des membres de la famille peuvent être tributaires des règles en matière de
régimes matrimoniaux.
- secundo : l'importance du droit fiscal ne saurait être niée quant à ses répercussions
sur les solidarités familiales. Signalons à cet égard qu'en Allemagne, le
Bundesverfassungsgerichtshof à décidé en 1995 qu'étant donné que le principe du
droit de succéder reconnu aux membres de la famille et le principe de la liberté de
tester du défunt sont des principes protégés par la Constitution allemande, ils ne
peuvent être mis en danger par une imposition fiscale trop lourde6.
A. LES DIFFERENTS MEMBRES DE LA FAMILLE ET LEUR VOCATION AB
INTESTAT
1. Le conjoint survivant
a. L'éventuelle influence des régimes matrimoniaux
5. Le membre de la famille que l'on considère aujourd'hui comme (le plus) digne de
protection est certainement le conjoint survivant. Sa protection a ceci de particulier
qu'elle peut être organisée - du moins dans les pays d'Europe continentale - à un
double niveau, dans la mesure où ces pays connaissent des régimes matrimoniaux
structurés, qui permettent de protéger le conjoint survivant avant même la liquidation
de la succession proprement dite. L'on peut même prétendre que dans ces pays, les
rapports du droit successoral et des régimes matrimoniaux révèlent la possibilité de
dégager des ersatz de lois successorales sous couvert des régimes matrimoniaux.
Les pays du Common Law ne connaissent pas ce genre de régimes matrimoniaux
structurés comme cela a été exemplairement exposé dans le rapport du professeur
Rieg, lors de la Conférence de Vienne en 1977.
Mais, comme l’a clairement et amplement montré le rapport du professeur Steenhoff,
ces régimes structurés diffèrent à leur tour d'un pays à l'autre, même si l'on se borne
aux seules règles régissant la composition des masses divisibles et leur répartition lors
du décès du premier des époux, facteurs dont dépend la composition de sa succession
et donc la protection de ses (autres) membres de famille.
6
BverfG. 22.6.95- 2 BvR 552/91; NJW 1995, 2624
56
6. Nombres de pays, surtout de tradition dite latine (Belgique, France, Espagne, Italie,
Luxembourg, Portugal), ont choisi comme régime légal, applicable de droit aux époux
qui n'ont pas conclu un contrat de mariage, un régime de communauté, créant un
patrimoine commun à côté des patrimoines personnels des époux et affecté aux
charges du ménage. Aujourd'hui il se limite en règle générale aux acquêts réalisés
pendant le mariage mais peut s'étendre aux biens (familiaux) reçus à titre gratuit ou
existant avant le mariage (Pays-Bas). Vu la solidarité existant entre époux, ce
patrimoine est en cas de dissolution par décès divisé en deux parts égales
indépendamment des contributions respectives. Il en résulte une (première) garantie
du maintien de conditions de vie équivalentes (surtout) pour le conjoint survivant qui
n'a pas d'activité professionnelle.
A condition que ces biens fassent partie du patrimoine commun, le conjoint survivant
a régulièrement le droit de se faire attribuer par préférence le logement familial et/ou
les meubles meublants, le consentement des deux époux étant souvent nécessaire pour
aliéner ces biens pendant le mariage. La protection des biens destinés à l'usage
commun des époux étant le sujet de la Conférence de Vienne de 1977, nous n'allons
que succinctement y faire allusion.
Mais cette première protection du conjoint survivant est exclue si le régime légal est
la séparation de biens (Autriche, Grèce 7), chaque époux restant alors propriétaire et
maître de ses biens comme s'il n'était pas marié. Les époux ne profitent pas de
l'accroissement du patrimoine de l'autre.
7. Pour éviter cette "froide exclusion", plusieurs pays ont trouvé une solution
intermédiaire par le biais de systèmes, dits de participation. Les pays scandinaves
combinent, comme régime légal, une séparation des biens pendant le mariage avec un
patrimoine commun (plus ou moins large) différé à la dissolution du mariage et dont
les biens sont divisés en nature et en principe par parts égales. D'autres préfèrent un
mécanisme de péréquation des bénéfices et plus values ouvrant droit à une créance de
participation, chaque époux recevant un droit en valeur du montant de la moitié des
acquêts réalisés par l'autre.
En Allemagne par exemple le conjoint survivant, marié sous le régime matrimonial
légal de la Zugewinngemeinschaft, reçoit forfaitairement un quart supplémentaire
dans la succession du premier mourant en guise de sa créance de participation. L'on
ne peut trouver meilleur exemple de la grande complémentarité entre ces deux
composants du droit patrimonial familial.
8. Dans certains pays, le régime légal est imposé a tout couple marié, c'est la règle
générale dans les pays de l'Europe de l'Est. Mais les législations qui acceptent que les
époux peuvent par contrat de mariage - dans une mesure plus ou moins grande déroger au régime légal, acceptent en même temps qu'ils puissent réduire ou
augmenter la sécurité économique du conjoint survivant après le décès du premier
d’entre eux.
Si, par exemple, les époux peuvent étendre le patrimoine commun jusqu'à une
communauté universelle et, en plus, l'attribuer en totalité au conjoint survivant, ou
reporter son partage jusqu'à la mort du conjoint survivant, ils réduisent, voire vident
complètement la succession du premier mourant et donc la protection des autres
7
avec quelques corrections, voir le rapport Steenhoff
57
membres de la famille. Mais s'il peuvent opter pour un régime de séparation pure et
simple alors, leur régime matrimonial n'entame en rien la masse successorale. Dans
les pays scandinaves, la "froide exclusion" résultant de ce choix peut être corrigée par
le juge et résulter en une participation mitigée et un partage plus équitable. Mais elle
reste un fait (surtout en cas de dissolution du mariage par divorce) dans certains pays
(comme la Belgique) ou le contrat de mariage est considéré comme étant la loi
immuable des parties.
D'autre part, certains pays (comme la Belgique, la France, la Suisse) connaissent des
corrections par disposition légale dans le cas contraire où le contrat de mariage risque
de vider la succession du premier mourant (reprise des apports et capitaux tombés
dans la communauté du chef du premier mourant, avantages matrimoniaux qualifiés
de libéralités dont on tiendra compte lors du partage de la succession...). Au Portugal,
la communauté universelle ne peut être adoptée si les futurs époux ont déjà des
enfants et, lorsque l’un des époux est âgé de plus de soixante ans, la séparation de
biens est le régime matrimonial obligatoire. En Italie, le partage de la communauté en
deux parts égales est une règle d'ordre public.
9. En droit anglais, où l'on ne connaît pas de régimes matrimoniaux structurés, ni de
contrats de mariage soumis à un statut particulier, la situation patrimoniale des époux
est comparable à celle d'époux mariés sous un régime de séparation de biens. Ce qui
n'empêche pas8 que le juge puisse, en cas de dissolution du mariage par divorce,
prendre des mesures financières appropriées et, si besoin en est, rétribuer la propriété
des biens (par exemple du logement familial).
b. Les droits ab intestat du conjoint survivant
10. En cas de décès du premier mourant des époux (l'éventuelle) liquidation - partage
du régime matrimonial est suivie de la liquidation-partage de sa succession.
Parler de la protection de la famille par le droit successoral ab intestat a l'air d'un
pléonasme. En effet la succession lignagère était traditionnellement considérée - voir
même critiquée - comme le moyen de conserver les biens dans la famille et donc
d'assurer la sécurité économique de ses membres.
Un grand nombre (d'autres) membres de la famille peuvent faire valoir des droits dans
la succession du défunt, mais pas tous ensemble, une priorité étant établie de droit. Il
en résulte une protection automatique mais en cascade, celle-ci n’étant en fait réelle
que pour ceux qui ont la vocation successorale la plus prioritaire.
11. Comme cela nous a été montré par le professeur Coester-Waltjen, les priorités
retenues ont été bouleversées partout en Europe lors des dernières décennies du siècle
dernier. Ainsi, le conjoint survivant n'étant pourtant pas un parent de sang, est devenu
dans tous les droits nationaux un héritier à part entière, dont les droits successoraux se
sont spectaculairement accrus au détriment des droits traditionnels du lignage étendu à
des parents éloignés, substituant ainsi une logique de l'affection à la logique du sang.
La solidarité économique et financière entre époux a, dans une large mesure, remplacé
le souci de transmettre les biens (de famille) à la génération suivante. Aujourd'hui, la
fonction traditionnelle verticale du droit successoral se combine avec - ou cède devant
- cette nouvelle fonction horizontale, et cela, nonobstant l'éventuelle protection du
conjoint survivant par les régimes matrimoniaux.
8
voir le rapport Cockburn
58
12. Mais comment combiner ou concilier les deux fonctions d'une façon équilibrée,
surtout dans l'hypothèse de patrimoines familiaux plutôt modestes? Ce fut un point de
discussion assidue dans plusieurs pays étant donné que les différents intérêts en jeu ne
sont pas toujours les mêmes. Les Pays-Bas ont mis près d'un demi-siècle pour y
trouver une réponse.
Les solutions retenues par les droits nationaux sont multiples et parfois complexes.
Mais disons qu'en règle générale, le conjoint survivant obtient (au moins) un droit (de
jouissance) sur le logement familial et les meubles meublants. Ce fut un des soucis
exprimés en 1981 par le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe dans sa
Recommandation concernant les droits des époux relatifs à l'occupation du logement
de la famille et à l'utilisation des objets de ménage.
13. Il y en a qui n'ont attribué au conjoint survivant qu'un droit en usufruit sur une
fraction voire même sur la totalité de la succession, compromis entre le maintien du
niveau de vie du conjoint survivant et la conservation des biens dans la famille
d'origine. C'est la solution retenue par plusieurs pays de tradition dite latine (la
Belgique, la France, l'Espagne mais également la Hongrie). Il s'agit en principe d'un
usufruit convertible pour pallier aux inconvénients économiques de multiples
patrimoines scindés (en totalité) en usufruit et en nue-propriété, mais les modalités de
conversion varient.
De plus en plus, les pays accordent au conjoint survivant une fraction plus ou moins
importante en pleine propriété (par exemple deux tiers en Irlande, la moitié en Suisse,
un tiers au Danemark, un quart en Grèce). Lui accorder une part d'enfant (comme
dans plusieurs pays de l'Europe de l'Est) est parfois stigmatisé comme une sanction de
la fertilité et souvent trop restreint pour pouvoir préserver le niveau de vie du conjoint
survivant, raison pour laquelle les Pays-Bas viennent de changer leur législation.
D’autres organisent une espèce de fideicommis de residuo (la Suède) dont le conjoint
survivant est le premier bénéficiaire et les parents les seconds bénéficiaires, ou lui
donne la totalité jusqu'a un certain plafond. Ainsi en Angleterre, comme l’a expliqué
Mme Cockburn dans son rapport, les successions modestes reviennent en totalité au
conjoint survivant puisqu'il a droit à tous les "personal chattels", à un legs légal d'un
montant de £125.000 en concours avec des descendants et de £ 200.000 en concours
avec des parents plus éloignés. A cela s’ajoute un "life interest" sur la moitié du reste.
Ce qui pourtant n'empêche pas nécessairement des difficultés pour l'attribution du
logement familial, étant donné le prix exorbitant des immeubles dans certaines parties
de l'Angleterre.
14. Parfois le conjoint élimine de la succession du premier mourant tout membre de
famille autre qu'un descendant. Mais nombre de législations font varier la quotité ou
la nature de ses droits selon le nombre ou l'ordre des héritiers avec lesquels il entre en
concours.
15. Les réformes les plus récentes ont tendance à promouvoir le conjoint survivant
comme l'héritier principal et prioritaire. Ainsi, le nouveau droit successoral des PaysBas, qui entre en vigueur le 1er janvier 2003 attribue au conjoint survivant la totalité
des biens successoraux, quelle qu'en soit l'ampleur, les enfants n'ayant qu'une créance
du montant d'une part d'enfant et (en règle générale) seulement exigible au décès du
conjoint survivant. La nouvelle loi française est moins généreuse mais laisse quand
59
même l'usufruit de toute la succession au conjoint survivant (ou un quart en pleine
propriété). C'est également le cas en Hongrie et en Belgique (depuis 1981).
c. La double protection du conjoint survivant
16. D'aucuns ont observé qu'adopter un régime de communauté comme régime légal
et accorder un droit successoral étendu, c'est donner des deux mains.
On a soutenu que cette possibilité d'organiser la protection du conjoint survivant à des
niveaux différents peut conduire dans un contexte international à des résultats
regrettables. Les facteurs de rattachement n'étant pas nécessairement les mêmes pour
les régimes matrimoniaux et pour le droit successoral, l'on risque d'aboutir tantôt à
une protection trop limitée, tantôt à une protection exagérée du conjoint survivant.
C'est un argument qui portait aussi longtemps que, dans les droits nationaux, le statut
successoral du conjoint survivant était fonction de sa protection au niveau des régimes
matrimoniaux. Le Code Napoléon, qui instaurait un régime de communauté comme
régime légal, reléguait le conjoint survivant au dernier rang des héritiers. Les droits
successoraux importants dont bénéficie le conjoint survivant anglais, déjà depuis
1938, compensent la séparation stricte des patrimoines des époux.
Ce lien tend à disparaître, le conjoint survivant jouissant de plus en plus d'un statut
successoral plutôt généreux, indépendamment du régime matrimonial légal retenu. Ce
rapprochement du droit matériel successoral garantit que, même dans un contexte
international, le conjoint survivant, fût-il séparé de biens, jouira quand même d'une
protection certaine.
17. Cette double protection est réservée aux conjoint non séparés de corps au moment
du décès. Le divorce n'empêche pas la division d'un éventuel patrimoine commun,
mais fait en principe perdre au survivant des ex-époux les avantages matrimoniaux
accordés par contrat de mariage comme par exemple l'attribution totale du patrimoine
commun.
L'ex-conjoint perd en règle générale toute vocation successorale ab intestat.
L'influence d'une simple séparation de fait diffère d'un pays à l'autre.
18. Les Pays-Bas sont, jusqu’à maintenant, les seuls à ouvrir le mariage aux couples
de même sexe, avec tous les avantages patrimoniaux que cela implique au niveau des
régimes matrimoniaux et de la succession. En Belgique, un projet de loi a été déposé
en ce sens. Une résolution du Parlement européen (du 8 février 1994) sur les droits
des homosexuels et des lesbiennes recommande aux Etats membres de mettre un
terme à l'interdiction faite aux couples homosexuels de se marier ou de bénéficier de
dispositions juridiques équivalentes leur garantissant les mêmes droits et avantages
que le mariage (ainsi que le droit d'être parents ou d'adopter ou d'élever des enfants).
2. Les descendants
a. L'impact des régimes matrimoniaux
19. La seule protection des membres de la famille autre que le conjoint survivant
résultera d'un régime (légal ou conventionnel) de séparation de biens pur et simple.
C'est d'ailleurs en Belgique, le choix préféré des couples qui se (re)marient à un âge
60
avancé et ayant des enfants d'un précédent mariage. Rappelons qu'au Portugal ce
régime est obligatoire quand l’un des époux a plus de soixante ans!
b. La vocation ab intestat
20. On a, à juste titre, souligné pendant la Conférence que la promotion récente du
conjoint survivant en matière successorale a comme conséquence inévitable la (forte)
réduction de la protection des autres membres de la famille à qui le droit successoral
ab intestat garantit de moins en moins une sécurité économique en présence d'un
conjoint survivant.
Entre les parents, priorité est depuis toujours accordée à la descendance (qui exclut les
autres ordres d'héritiers) mais qui doit maintenant supporter le concours du conjoint
survivant.
Dans plusieurs pays, les descendants doivent même patienter jusqu'a la mort du
conjoint survivant pour pouvoir jouir des biens successoraux ou en tirer quelque
bénéfice, le conjoint survivant étant propriétaire (Pays-Bas), usufruitier (Belgique,
France, Hongrie), premier bénéficiaire (Suède)... de toute la succession. Cela se
justifie par le fait que, le patrimoine de la famille moyenne étant plutôt modeste, seuls
de larges droits sont à même de garantir au conjoint survivant le niveau de vie auquel
il était habitué.
21. Mais il y plusieurs hypothèses de concours entre conjoint survivant et descendants
et les intérêts en jeu ne sont pas toujours les mêmes. Trouver une solution équilibrée
et équitable dans toutes ces hypothèses n'est pas évident et les différents droits
nationaux n'y sont pas tous parvenus.
Une vocation prioritaire du conjoint survivant se justifie plus lorsqu’il entre en
concours avec des enfants communs, puisqu'ils hériteront plus tard de leur second
parent. Cela va de soi quand la veuve a déjà un certain âge et que les enfants
communs sont à même de gagner leur vie. Une telle préférence reste raisonnable
même si le jeune conjoint survivant est en concours avec des enfants mineurs,
puisqu'il est de toutes les façons tenu de les entretenir et de pourvoir à leur éducation
et formation adéquates afin qu'ils puissent un jour assurer leur propre existence.
Plusieurs droits nationaux (Allemagne, Belgique, Espagne, Italie) ont d'ailleurs, lors
des réformes récentes, mieux garanti le droit des enfants à une éducation et formation
adéquates. Certains l'on fait au-delà de la majorité, conscients que dans une société où
le travail est pour beaucoup la source la plus importante des richesses, la sécurité
d'existence de la prochaine génération est mieux garantie ainsi que par un droit
héréditaire auquel ils n'auront (normalement) droit qu'à un âge avancé. Un vieux
proverbe ne dit-il pas que « mieux vaut donner la canne à pêche que le poisson »!
22. Le scénario est différent quand ces descendants sont seulement apparentés au
défunt et que, dès lors, ils n'hériteront pas du conjoint survivant, qui peut même être
de leur âge. Le fameux problème du vieux bouc et de la feuille verte. Une vocation
trop prioritaire du conjoint survivant risque d'aboutir non plus à un délai
supplémentaire dans la jouissance de leurs droits successoraux mais à une exclusion
définitive. L'équilibre est alors brisé surtout quand l'éducation et la formation des
enfants ne sont pas encore terminées, dans la mesure où ce conjoint survivant n'a
souvent plus une obligation d'entretien vis-à-vis des enfants de son partenaire après le
décès de celui-ci. C'est la raison pour laquelle certains pays (la Belgique, l'Allemagne)
61
obligent le conjoint survivant d'aider à financer l'éducation de ces enfants dans une
mesure plus ou moins large.
Organiser le concours entre le conjoint survivant et les enfants d'une autre union s'est
d'ailleurs avéré être un point très délicat, qui a considérablement retardé plusieurs des
récentes réformes et qui a conduit à d'autres mesures de protection de forme et
d’intensité très variées, les unes plus efficaces que les autres. Dans certains pays, cela
peut aller jusqu'à une diminution quantitative des droits successoraux du conjoint
survivant et des avantages matrimoniaux qui lui sont attribués par contrat de mariage.
23. Le grand évènement positif des dernières décennies en ce qui concerne les droits
successoraux des descendants est incontestablement l'abolition dans la plupart des
droits nationaux, de la distinction ancestrale entre descendance légitime et illégitime
même en droit successoral. Ce principe a été proclamé par l'article 9 de la Convention
européenne sur le statut juridique des enfants nés hors mariage. Mais il reste encore
quelques exceptions surtout quant au droit aux biens successoraux (Italie). Une
condition reste: l'affiliation avec le défunt doit être établie, ce qui pose plus de
problèmes pour la filiation paternelle que pour la filiation maternelle.
En règle générale, les enfants (pleinement) adoptés jouissent d'un même traitement
égal, comme prévu dans l'article 10 de la Convention européenne en matière
d'adoption.
24. Les enfants ont droit à des parts successorales égales. Mais il existe dans
différents pays des systèmes d'attribution préférentielle de biens successoraux au
bénéfice de l'enfant dont ils assurent le gagne pain. Celui-ci doit alors, selon des
modalités diverses, récompenser ses cohéritiers en argent.
3. Les parents plus éloignés
25. En l’absence de descendance les père et mère, les frères et sœ urs étaient
traditionnellement appelés à la succession en priorité sur les grands-parents et les
collatéraux plus éloignés. Aujourd'hui, leurs droits successoraux ont été fortement
réduits, parfois même abolis en concours avec un conjoint survivant.
Dans l'Ancien Régime la protection de la famille par la succession s'étendait jusqu'a
un degré illimité, ce qui est aujourd'hui encore le cas en Allemagne et en Ecosse. Mais
dans la majorité des pays, la vocation successorale s'arrête à des degrés (variés)
beaucoup plus proches et est, sous influence communiste, plus limitée dans certains
pays de l'Europe de l'Est où même les grands-parents n'ont plus de vocation
successorale.
Les parents plus éloignés n'ont pas seulement une vocation successorale moins
prioritaire. Même s'ils se trouvent en ordre utile, leur bénéfice net peut être
considérablement réduit à cause des taux d'imposition des droits successoraux
beaucoup plus élevés que ceux applicables aux descendants et au conjoint survivant.
4. Les membres récents
26. C'est le nom que je propose de donner aux membres de la famille de fait, avec
lesquels le decujus n'a pas de lien juridique. Ils ne sont pas, dans les différents droits
62
nationaux, accueillis avec le même enthousiasme. Je parle du partenaire d'un couple
non marié et des enfants d'une famille recomposée non affiliés au défunt.
a. Le partenaire survivant d'un couple non marié
27. Aujourd'hui - et c'est plutôt récent - une distinction s'impose. Le simple fait de
vivre ensemble pendant une certaine période de temps n'est pas, en règle générale, à
même de créer une vocation successorale ab intestat entre les partenaires du couple.
La Slovénie est l’un des seuls pays où le survivant d'un couple non marié obtient, sous
certaines conditions, les mêmes droits successoraux que le conjoint survivant. En loi
tchèque, toute personne qui a vécu avec le défunt pendant l'année précédant son décès
fait partie du deuxième ordre des héritiers. Le fait que même la Suède, pourtant un
pays d'avant garde dans ce domaine, ne reconnaisse pas au partenaire non marié un
droit successoral, semble avoir pour justification qu'une dissolution d'une telle relation
par décès est plutôt rare. Néanmoins, la Suède accepte qu'un patrimoine commun
entre couples non mariés se crée, limité au logement familial et les meubles
meublants.
28. Dans certains pays, des communautés de vie autres que le mariage bénéficient
depuis quelque temps d'une protection juridique plus ou moins large, à condition que
les partenaires déclarent devant une autorité officielle leur désir de créer une
communauté de vie. Parfois ce statut n'est prévu que pour les couples homosexuels
(les pays scandinaves, l'Allemagne) ; parfois il est tout aussi accessible pour les
couples hétérosexuels (la Belgique, les Pays-Bas, la France). Dans les pays
scandinaves et aux Pays-Bas, ces partenaires enregistrés bénéficient du même régime
patrimonial que les couples mariés, y compris la protection à double niveau du
conjoint survivant. Mais en France et en Belgique, ni vocation successorale ni régime
matrimonial structuré ne sont prévus.
Le droit allemand a choisi la solution intermédiaire suivante : les partenaires
enregistrés doivent déclarer s'ils veulent vivre sous le régime matrimonial structuré de
l'Ausgleichgemeinschaft, qui ressemble fort au régime légal de la
Zugewinngemeinschaft, ou sous un autre régime matrimonial
b. Les enfants d'une famille recomposée non affiliés au défunt
29. Les enfants de l'autre conjoint, qui ont été élevés par le défunt comme ses propres
enfants et qui font partie de la nouvelle famille dite recomposée ou mosaïque, n'ont
pour autant pas un lien juridique avec lui et dès lors, les différents droits nationaux
refusent de leur accorder une vocation successorale ab intestat dans sa succession.
Mais les frais de leur entretien et de leur éducation font parfois partie des charges du
ménage et sont dès lors des dettes du patrimoine commun dont le défunt est redevable.
Aujourd'hui, l'adoption est le seul moyen d'accorder à ces enfants une vocation
successorale ab intestat.
Rappelons quand même qu'ils bénéficient parfois d'une protection dans la succession
du conjoint/parent contre une vocation successorale trop importante du nouveau
partenaire, qui les a élevés, mais dont ils n'héritent pas.
63
B. LA PROTECTION IMPERATIVE DE CERTAINS MEMBRES DE LA
FAMILLE
30. Une simple vocation ab intestat ne garantit pas que l'on hérite effectivement du
défunt. C'est le privilège d'une catégorie beaucoup plus restreinte de membres de la
famille, consistant à ne pas pouvoir être déshérités. Pendant la Conférence, on a
longuement discuté des différentes façons dont les droits nationaux organisent cette
protection impérative.
31. La technique la plus connue est la réserve successorale. Elle est considérée par
Laurent comme faisant partie du droit commun de l'Europe, étant donné que toute
l'Europe continentale la connaît, fût-ce sous des dénominations différentes (legitieme
portie, Pflichtteil, reserve, legitima...) et qu'elle diverge sur bien des points. Elle a
comme caractéristique qu'une fraction bien précisée par disposition légale est garantie
aux titulaires, indépendamment du fait qu'elle soit nécessaire ou suffisante pour leur
sécurité d'existence. Dans certains pays de l'Europe de l'Est (la Pologne, la
République Tchèque), les enfants mineurs ou handicapés ont droit à une fraction plus
grande mais qui reste forfaitairement fixée. La solution norvégienne est originale en
ce sens que la réserve des descendants (seuls réservataires) est plafonnée à un certain
montant.
De cette protection il résulte que le decujus ne peut disposer à titre gratuit que d'une
quotité parfois très limitée de la succession. Le professeur Coester Waltjen en a cité
les différentes fractions.
32. Selon la tradition latine, le réservataire, tout en étant déshérité, reste un héritier
ayant droit à sa réserve en biens successoraux exempte de toute charge, tandis que
dans le système germanique le réservataire doit se contenter d'une créance envers la
masse successorale, avec les conséquences expliquées par le Professeur CoesterWaltjen. Un certain rapprochement vers le système germanique se dessine afin
d'éviter que la sécurité juridique ne soit pas trop troublée par l'annulation de donations
plusieurs années plus tard. Les Pays-Bas, par exemple, longtemps de tradition latine,
ont dans leur nouvelle loi carrément opté pour l'approche germanique.
33. Etre titulaire d'une réserve n'était traditionnellement que le privilège des
descendants et des ascendants. Ce privilège vient d'être étendu aux parents naturels
dans la majorité des droits nationaux. Mais certains ont dans le même temps abrogé
ou limité la réserve des ascendants. Le conjoint survivant a parfois - pas partout rejoint le cercle des héritiers réservataires. La jouissance du logement familial et des
meubles meublant lui est dans la plupart des cas garantie, fût-ce à sa demande
(France, Pays-Bas). Mais le conjoint survivant a surtout réduit ou différé la réserve
des descendants, ce qui a parfois été compensé, en cas de besoin, par l'octroi d'un droit
à l'entretien et à une éducation et formation adéquates, à financer dans une certaine
mesure par le conjoint survivant ; il peut également s’agir d’un droit à une somme
nécessaire à leur entretien et éducation à prendre prioritairement sur la masse
successorale.
34. La réserve héréditaire est inconnue en Angleterre, la liberté de tester y est le
principe, comme Mme Cockburn l’a bien souligné. Pourtant les membres de la famille
n'y sont pas pour autant dépourvus de toute protection. Mais il ne s'agit pas d'une
64
protection instaurée de façon abstraite par disposition légale. Ici le juge peut prendre
des "reasonable financial provisions" s'il juge que, dans le cas concret soumis à son
jugement et tenant compte des différents intérêts en jeu, les dispositions légales et/ou
les disposition prises par le défunt ne peuvent être considérées comme telles. Ces
"provisions" peuvent aboutir (du moins en ce qui concerne le conjoint survivant)
jusqu’à l'attribution de biens successoraux et bénéficier à un groupe beaucoup plus
large que celui des réservataires. Outre le conjoint survivant (qui ne doit pas être dans
le besoin) et les descendants, le partenaire cohabitant, l'ex-conjoint non remarié, le
"child of the family" (enfant élevé par le défunt mais avec qui il n'y pas de lien de
filiation) et toute personne qui, pour sa sécurité d'existence, dépendait du défunt avant
son décès, y figurent.
35. Cette seconde technique de protection ouverte à des membres de "famille" dans un
sens beaucoup plus large à condition qu'ils en aient besoin n'est pas inconnue sur le
continent. Certains pays surtout de tradition latine connaissent, à côté d'une réserve,
des créances alimentaires contre la succession. Mais c'est une protection beaucoup
plus restreinte, limitée au cas où les titulaires sont dans le besoin et donnant droit
uniquement à des allocations périodiques en argent. Il semble qu'en pratique on y a
rarement recours. Les titulaires sont des personnes avec qui le défunt avait des liens
certains mais à qui l'on ne veut pas (encore ou plus) donner des droits (impératifs)
dans la succession elle-même. Y figurent le conjoint survivant (non-réservataire), l'exconjoint, les ascendants (n'ayant plus de réserve), les grands-parents (n'ayant plus de
vocation successorale) les parents adoptifs... En Italie par exemple, les enfants dont la
filiation naturelle n'a pas été établie ont néanmoins droit à être entretenus et éduqués
et dès lors ont droit à une créance contre la succession de leur auteur possible leur
procurant une rente viagère égale au montant du revenu de la part héréditaire à
laquelle ils auraient eu droit si leur filiation avait été établie et qu'ils peuvent préférer
aux libéralités reçues.
A l'opposé du droit anglais les enfants que le défunt à élevés comme les siens, n'y
figurent pas.
C. LA SUCCESSION TESTAMENTAIRE
1. Comment déroger à la succession ab intestat
36. Si toute protection légale manque ou est insuffisante, il est possible d'organiser la
sécurité économique d'un membre de la famille que l'on trouve le plus digne ou qui en
a le plus besoin. Mais cette initiative du futur défunt peut être limitée par plusieurs
contraintes.
Les différents droits nationaux connaissent plusieurs instruments, pas toujours les
mêmes, qui permettent de déroger à la succession ab intestat: par exemple par
donation entre vifs, par création d'un trust, par conventions, par testament...
Le testament a la caractéristique de pouvoir remplacer la succession ab intestat dans
sa totalité ou en partie. Il est connu dans tous les droits nationaux, mais plusieurs
types sont courants en Europe: le testament olographe, écrit et signé de la main du
testateur, le "witnessed will" signé en présence de plusieurs témoins, le testament
public passé devant notaire, le testament mystique mis sous enveloppe et présenté à
une personne qualifiée en présence de témoins et signé par le testateur. Nous savons
que l'espoir d'unifier universellement les conditions de forme du testament par la
65
création d'un testament international instauré par le Traité de Washington du 26
octobre 1973 a été déçu. Le peu de pays qui ont ratifié cette convention se sont
généralement contentés de l'accepter à côté des autres formes nationales reconnues.
Ces différents types de testaments n'ont pas toujours les mêmes effets, par exemple en
ce qui concerne leur force exécutoire, et ne présentent pas toujours les mêmes
garanties d'être découverts à temps. Ce dernier problème est davantage à l'ordre du
jour quand le défunt a vécu dans plusieurs pays. Le Conseil de l'Europe à déjà essayé
de le résoudre par la Convention relative à l'établissement d'un système d'inscription
des testaments (1972). Mais trop peu de pays l'ont ratifiée.
37. Pour certains pays le testament est un acte essentiellement personnel, d'autres
reconnaissent la validité d'un testament conjonctif s'il est rédigé par des époux.
38. En droit anglais et dans les droits d'inspiration germanique, l'on peut, par contrat,
déroger (en tout ou partie) aux règles de la succession ab intestat. Mais les pays sous
influence du Code Napoléon condamnent de telles conventions comme contenant un
pacte sur succession future, figure juridique dont les contours ne sont pas toujours
aussi clairs et diffèrent d'un pays à l'autre. Ces pactes, considérés comme contraires à
l'ordre public et aux bonnes mœ urs sont frappés de nullité absolue. Mais les
exceptions légales se multiplient afin d'assurer la validité de clauses qui traduisent des
souhaits raisonnables du défunt et qui peuvent parfois assurer une plus grande
protection de certains membres de la famille. Néanmoins ces exceptions légales, étant
de stricte interprétation, conduisent à des distinctions qui frôlent l'arbitraire, comme
en témoigne un exemple pris du droit belge. L'article 918 du Code civil permet aux
autres enfants de renoncer à leur droit de demander la réduction d'une donation faite à
leur frère ou soeur sous (par exemple) réserve d'usufruit. Mais une telle renonciation à
une donation en pleine propriété sera nulle comme contenant un pacte sur succession
future, non couvert par l'exception légale prévue dans l'article 918 C.c.
2. Les obstacles
a. Les droits successoraux impératifs
39. La liberté de renverser les priorités légales rencontre de sérieuses difficultés
surtout sur le plan matériel. Je me réfère aux droits impératifs imposés par la réserve
successorale ou par décision judiciaire, ci-dessus mentionnés.
La protection des réservataires s'étend même aux donations faites pendant la vie du
défunt, elles doivent être réduites s'ils dépassent la quotité disponible.
Dans certains pays les réservataires ont droit à leur réserve, libre de toute charge,
impliquant qu'une création d'un trust ne peut leur être imposée.
40. Parfois la liberté de tester est plus grande, vis-à-vis de certaines personnes. C'était
le cas du conjoint survivant, du temps où son droit ab intestat était fort limité. Par
exemple, dans l'ancienne loi française, les droits du conjoint survivant limités
légalement à un quart d'usufruit pouvaient être étendus par libéralité à l'usufruit sur
toute la succession.
Les Pays-Bas ont, dans leur nouvelle loi, fait usage de cette technique au profit des
enfants d'une famille recomposée, non-affiliés au défunt. Ils n'ont pas de vocation
successorale légale mais le défunt peut, par disposition testamentaire, les inclure dans
un partage égal avec ses enfants, dont la réserve sera limitée si besoin en est. D'autre
66
part, les enfants ne peuvent s'opposer à des libéralités faites à un conjoint survivant,
partenaire (non enregistré) survivant de la vie de ceux-ci.
41. La marge de manœ uvre devient plus grande quand les réservataires peuvent
pendant la vie du donateur renoncer à leurs droits de rapport ou de réduction et dès
lors valider une meilleure protection organisée, par exemple, en faveur d'un enfant
handicapé, ou un enfant qui a soigné ses parents. Mais comme nous l’avons déjà
mentionné, plusieurs pays condamnent de telles renonciations du vivant du donateur
comme contenant un pacte sur succession future.
b. La cause illicite
42. Longtemps il était difficile voire même impossible d'organiser la sécurité
économique du partenaire d'un couple non marié, parce que toute libéralité entre
concubins était considérée comme inspirée par une cause illicite et donc nulle, celle
de rémunérer ou perpétuer une relation sexuelle hors mariage. Le Comité des
Ministres du Conseil de l'Europe avait, en 1988, recommandé aux Etats membres de
ne pas considérer les contrats réglant les rapports patrimoniaux entre couples non
mariés ou leurs dispositions testamentaires comme étant nuls par le seul fait de leur
cohabitation hors mariage.
Aujourd'hui l'attitude traditionnelle réprobatrice envers la cohabitation hors mariage a
fait place à une attitude du moins neutre voire même positive.
c. L'imposition fiscale
43. Une barrière considérable à l'organisation efficace de la sécurité d'existence des
récents membres de famille est l'imposition fiscale des avantages accordés par
testament. Si les taux de droits successoraux prévus pour les étrangers sont
applicables, le bénéfice net sera fortement réduit.
Dans certains pays, les récents membres, malgré le fait qu'ils n'ont pas de vocation
successorale légale, bénéficient, pour l'impôt sur les successions, du traitement
préférentiel du conjoint survivant et des descendants. C'est le cas dans la partie
flamande de la Belgique pour le survivant d'un couple non marié, habitant ensemble
depuis un an et pour les enfants d'une famille recomposée non affiliés au défunt (cfr.
également La Hongrie).
III. LA PROTECTION CONTRE LA SUCCESSION
44. Nous nous sommes jusqu’à maintenant bornés à faire passer en revue les
différents membres de la famille et les priorités et impératifs qui règnent entre et
envers eux. Le droit successoral constitue le domaine type faisant l'objet des récentes
réformes liées aux aspects socio-économiques de la société. Abordant ces problèmes,
l'on part de l'hypothèse qu'il y a un patrimoine à transmettre permettant d'assurer la
sécurité d'existence d'une ou plusieurs personnes.
Mais toutes les successions ne sont pas opulentes, il en est parfois des déficitaires.
Dans ce cas, il s'agit plutôt de protéger la famille contre les incidences négatives d'une
vocation successorale. Ce qui nous amène au problème de la transmission de la
succession, organisée de façon très différente selon les droits nationaux. C'est un sujet
beaucoup plus technique, oublié par les récentes réformes.
67
Dans le cadre de la protection de la famille dans le domaine des successions, c'est
principalement la transmission du passif qui nous intéresse. Celle-ci n'obéit pas aux
mêmes principes que celle de la transmission de l'actif, même s’il y a quand même
quelques interférences.
A. LA TRANSMISSION DE L'ACTIF
45. Une division originale des différentes réglementations nationales en matière de
transmission de la succession à été récemment élaborée par la doctrine.9 Elle distingue
trois modèles de transmission de l'actif.
46. Dans une grande partie des droits continentaux (Allemagne, Belgique, France,
Grèce, Pays-Bas, Suisse), la transmission de l'actif s'opère ipso jure, donc par l'effet
de la loi au jour du décès. Cette transmission immédiate évite toute rupture de
continuité dans l'appropriation du patrimoine du défunt, puisque les successibles
deviennent au moment même du décès du défunt (co)propriétaires des biens
successoraux et donc avant qu'ils n'aient accepté la succession. Dans les pays qui
connaissent la saisine héréditaire (comme la Belgique et la France), les héritiers
légaux peuvent dès ce moment prendre possession des biens successoraux, à la
différence des successeurs testamentaires pour qui une procédure de vérification du
testament s'intercale entre l'acquisition de la propriété et la mise en possession des
biens. En Allemagne, les héritiers et légataires doivent obtenir un certificat judiciaire
d'héritier (Erbschein) avant de pouvoir exercer effectivement leur droit de possession.
Dans quelques pays (l'Autriche, l'Italie et l'Espagne), les héritiers doivent d'abord
accepter la succession pour en acquérir la propriété, acceptation qui parfois doit être
homologuée par le juge (Autriche). Cette transmission directe mais différée (ou
transmission par aditio) peut entraîner une "jacence successorale", puisque dès le
décès les biens n'appartiennent plus au défunt tandis que les héritiers n'en deviennent
propriétaires qu'après leur acceptation (homologuée). Un tiers doit alors administrer
cette succession sans propriétaire.
47. La transmission en droit anglais (comme dans tous les systèmes angloaméricains) peut être qualifiée d'indirecte et différée puisque la succession est
d'abord transmise à un liquidateur (personal representative) qui est désigné par le juge
dans une procédure de probate. C'est lui qui devient propriétaire des biens
successoraux, qui les administre et qui paye les dettes successorales avant que le solde
ne soit transmis aux héritiers. Cette ingérence d'un tiers ne favorise pas toujours un
règlement rapide de la succession et n'est pas toujours appréciée par les héritiers
48. D'autre part, comme l'a indiqué Mme Hahn, les documents établis dans les
différents Etats afin de prouver le titre d'héritier se distinguent à plusieurs égards. En
Allemagne, Grèce et Autriche, les tribunaux doivent faire d'office des recherches
complètes pour établir l'identité des héritiers et leur quote-part respective. Ce certificat
(Erbschein) a force probatoire. Dans les pays de tradition latine, l'acte de notoriété est
souvent établi par le notaire sur simple déclaration de témoins et ne fournit qu'un
certain nombre d'informations sur l'identité des héritiers et les quote-parts respectives,
sans pour autant avoir de force probatoire auprès de l'administration.
9
Y.-H. Leleu, La transmission de la succession en droit comparé, cité
68
B. LA TRANSMISSION DU PASSIF
49. Une transmission indirecte et différée de l'actif entraîne pourtant une meilleure
protection des membres de la famille venant à la succession, dans la transmission du
passif. Etant donné que les héritiers ne reçoivent que le solde après liquidation, ils
n'encourent jamais une obligation personnelle au passif successoral. La transmission
du passif se fait alors intra vires.
50. D'autre part, suite à la transmission ipso iure les patrimoines du défunt et des
héritiers se mélangent, ce qui explique que dans plusieurs droits continentaux
l'obligation illimitée des héritiers aux dettes successorales - donc au delà de ce qu'ils
reçoivent en biens successoraux (transmission ultra vires) - est la règle en cas
d'acceptation pure et simple. Mais, par exemple en France et en Belgique, cette
acceptation peut être tacite et résulter d'un comportement de l'héritier. Donc aucune
déclaration formelle de la part de l'héritier acceptant est nécessaire. Le moyen pour
éviter cette obligation personnelle illimitée au passif est d'accepter la succession sous
bénéfice d'inventaire ce qui implique une certaine procédure et surtout une certaine
discipline au risque de la déchéance de ce bénéfice.
L'héritier peut également renoncer à la succession, ce qu'il fera en cas de succession
déficitaire ; dans ce cas, il est censé n'avoir jamais été héritier.
51. Le droit allemand prévoit une solution intermédiaire, par laquelle l'option
héréditaire peut se faire en deux volets. Une acceptation (tacite) au lendemain du
décès ne préjuge nullement de l'obligation au passif mais permet à l'héritier de se
soucier activement de la gestion de l'héritage Celui-ci peut alors dans un second
temps, et en connaissance de cause, assumer une obligation ultra vires ou limiter sa
responsabilité en ouvrant une procédure animus donandi hoc. En outre un héritier ne
perd le bénéfice de l'obligation limitée que dans des cas de fraude.
52. C'est surtout lors d'une liquidation d'une succession internationale que cette
diversité de réglementations nationales apparaît. Par exemple, les conséquences
sévères des acceptations tacites peuvent conduire à des mauvaises surprises, surtout
pour des ressortissants de pays qui ne la connaissent pas.
IV. CONCLUSIONS
A. UNE HARMONISATION DANS LE DOMAINE
DES SUCCESSIONS EST-ELLE POSSIBLE?
53. L'inventaire que nous venons de faire des convergences et des divergences est
forcément succint mais néanmoins impressionnant; il mérite d'être approfondi, surtout
dans le cadre plus vaste du Conseil de l'Europe. C'est seulement lorsque la gamme très
étendue des solutions adoptées aura été décrite que des suggestions plus fondées
pourront être formulées en vue d'une éventuelle harmonisation. Cela permettra aussi
de relever ce qui, nonobstant les grandes divergences, existe comme noyau commun
(common core).
54. Une harmonisation ou du moins un rapprochement des droits européens dans ce
domaine est-il possible ou appartient-il au domaine de l'utopie? L'on prétend souvent
69
que le droit familial est trop tributaire de la tradition, de la culture et des valeurs
acceptées dans les différents pays. Dès lors son unification au niveau européen, voire
même son harmonisation, seraient vouées à l'échec et l’on en concluerait qu’il en
serait de même pour le droit patrimonial de la famille10. En effet nous ne pouvons nier
que le nombre d'instruments internationaux ayant trait directement ou indirectement
au droit patrimonial de la famille est plutôt limité et qu'ils n'ont pas connu un grand
succès. Il n'existe dès lors que fort peu de règles internationales uniformes en la
matière.
55. Mais cette opinion mérite d'être reconsidérée et nuancée.
L'approche comparative succincte que nous venons de faire a quand même révélé des
tendances similaires quant aux finalités des règles et aux objectifs poursuivis. Elles
résultent principalement des récentes réformes qui ont eu lieu partout en Europe, fûtce à cadence et intensité différente, mais qui allaient partout dans la même direction.
Cela me paraît une première indication cruciale qu'une certaine harmonisation au
niveau européen soit possible.
Mais il y plus. Selon une tradition séculaire, le droit successoral, qualifié de
"lignagère", était partout en Europe conçu pour conserver les biens dans la famille et
donc écarter l'étranger qu'est le conjoint survivant - et de transmettre ces biens à la
nouvelle génération issue du mariage, au détriment des enfants illégitimes. Suite aux
récentes réformes, la logique de l'affection l'a emporté dans une large mesure sur la
logique du sang et la distinction ancestrale du légitime et de l'illégitime a été rompue.
Peut-on dès lors continuer à prétendre que l'on ne peut harmoniser le droit successoral
vu son rattachement à la tradition, maintenant que l'on vient de sacrifier dans la
majorité des pays ce qui a été considéré comme les bases essentielles du droit
successoral qu'il a servi pendant des siècles?
56. Admettons plutôt que le droit successoral, plus que n'importe quelle autre partie
du droit, est avant tout tributaire du contexte socio-économique et politique. Les
réformes récentes ont eu lieu parce que ce contexte a été profondément bouleversé
lors des dernières décennies. Les convergences signalées dans les réformes
successorales s'expliquent par les parallélismes dans l'évolution socio-économique
partout en Europe et par le changement similaire des mœ urs et des mentalités, fût-ce à
cadence et intensité différente. Mais la grande scission entre le Nord progressiste et le
Sud conservateur s'est considérablement atténuée.
Je cite comme points communs: le rétrécissement des liens familiaux souvent réduit à
la famille nucléaire, (et dès lors) l'importance attachée à la solidarité entre époux, le
refus de toute forme de discrimination, l'acceptation d'autres formes de communauté
de vie que le mariage, une longévité spectaculairement accrue, des patrimoines en
règle générale composés plutôt d'acquêts que de biens familiers...
57. Cette harmonisation était en partie spontanée, fut-elle stimulée par les contacts
internationaux intensifiés et par des études de droit comparé (parfois effectuées en
10
voir entre autres à ce sujet: M.V. Antokolskaia, W.A. de Hondt et G.J.W. Steenhoff, Een zoektocht
naar Europees familierecht, Kluwer Deventer, 1999; D. Martiny, "Europaïsches Familienrecht- Utopie
oder Notwendigkeit?" Rabelszeitschrift, 1995, 419-451 et "Is unification of family law feasible or even
desirable" in A. Hartkamp, Towards a european civil code, 1998 Ars Aequi libri, chapt. 10, ; W.
Pintens, "Die Europäisierung des Erbrechts", ZeuP, 2001, 628-648; A. Rieg, "L'harmonisation
européenne du droit de la famille: mythe ou réalité" in Mélanges en l'honneur d'Alfred E. von
Overbeck, Editions universitaires Fribourg Suisse, 1990, 473-499;
70
préparation d'une réforme législative), mais sans que l'on puisse prétendre qu'elle soit
le fruit d'une politique d'unification voulue et poursuivie par les différents législateurs.
C'est surtout la généralisation d'une amélioration du statut successoral du conjoint
survivant aux dépens des droits de la famille de sang qui s'est faite spontanément.
C'est moins le cas de l'harmonisation des droits des parents naturels qui a été réalisée
en partie par intervention, les premiers facteurs externes d'harmonisation du droit
successoral étant les traités internationaux protecteurs des droits de l'Homme et des
libertés fondamentales promulgués dans le cadre du Conseil de l'Europe. Sous
pression de la jurisprudence évolutive de la Cour européenne des Droits de l'Homme
(les arrêts Marckx, Inze et Mazurek), plusieurs pays (la Belgique, l'Autriche et la
France) ont été contraints à adapter leur législation afin d'éliminer la discrimination
existante envers les enfants nés hors mariage. D'autres en ont tiré spontanément les
conséquences (les Pays-Bas). Plusieurs Etats membres (l'Angleterre, l'Autriche) qui,
en ratifiant la Convention européenne sur le statut juridique des enfants nés hors
mariage (1975), avaient formulé une réserve vis-à-vis de l'article 9 garantissant à ces
enfants les mêmes droits dans la succession de leur père et mère et des membres de
leur famille, ont adapté leur législation et dès lors n’ont plus renouvelé la réserve
formulée à l'origine.
58. Quand je parle d'harmonisation, je veux dire convergence de finalités des règles,
sans que les moyens par lesquels leur objectif sera poursuivi soient nécessairement les
mêmes.
Il paraît en effet difficile d'uniformiser dans un bref délai les différentes techniques
juridiques du droit patrimonial de la famille que connaissent les droits nationaux
européens, d’autant qu'ils sont parfois intimement liés aux idées qu'ils ont en matière
de répartition des compétences entre législateur et juge. La conviction des pays du
common law que "the bench is paramount" n'est pas nécessairement partagée dans
tous les pays du continent européen, plus réticents à un gouvernement de juges. Le
respect pour la magistrature et la confiance dans sa compétence y jouent un rôle et dès
lors, est prise en compte la façon dont l'on préfère trancher la matière très délicate de
la protection (minimale) de la famille dans le domaine des successions et donc de la
répartition (impérative) du patrimoine de la famille, en d'autres mots de sa "richesse".
Une préférence pour des solutions prévisibles, prévues de façon abstraite par
disposition légale -solution au service de la sécurité juridique - s'oppose à une
préférence pour des solutions judiciaires donc discrétionnaires mais adaptées aux
circonstances concrètes, solution au service de l'équité.
Notons pourtant que tous les droits nationaux ont organisé un minimum (plus ou
moins considérable) de solidarité familiale dans le domaine de la succession, et qu'au
niveau des techniques utilisées, un signe d'un certain rapprochement pourrait être
trouvé dans les créances alimentaires que connaissent plusieurs pays continentaux à
côté d'une réserve héréditaire.
B. QUELQUES SUGGESTIONS
59. Quels semblent être les domaines dans lesquels une harmonisation européenne est
souhaitable, faisable et donc à promouvoir en matière de protection de la famille dans
le domaine des successions ?
71
Parcourons de nouveau notre liste des membres de la famille:
1. Le conjoint survivant
60. Nous avons constaté lors de cette Conférence que les droits nationaux sont
devenus en règle générale très généreux à son égard. N'empêche qu'il existe encore de
grandes divergences. Comparons par exemple les Pays-Bas et la Grèce. Aux PaysBas, le régime légal est (encore) la communauté universelle et le conjoint survivant y
hérite de tous les biens successoraux à charge d'une créance au profit des enfants,
mais seulement (en règle générale) exigible à son décès. En Grèce, le régime légal est
la séparation des biens (modérée) et le conjoint survivant hérite un quart en propriété
en concours avec des descendants!
Il semble donc qu'une plus grande harmonisation dans ce domaine reste souhaitable
afin de garantir au conjoint survivant - peut être déjà (si possible) au niveau des
régimes matrimoniaux, mais en tout cas au niveau du droit successoral - le maintien
de son niveau de vie et surtout (au moins) la jouissance du logement familial et des
meubles meublants.
61. D'autre part, grand nombre de droits nationaux accordent au conjoint survivant
une vocation successorale prioritaire à celle des parents plus éloignés. Une
harmonisation serait souhaitable dans le sens suivant: il prime de toutes les façons sur
les prétentions des collatéraux plus éloignés, mais la perte d'une vocation ab intestat
des parents doit être compensée par une créance alimentaire à charge de la succession
en cas de besoin.
2. Les descendants
a. Les enfants nés hors mariage
62. Nous avons à plusieurs reprises répété que la grande majorité des droits nationaux
ne fait plus de distinction en droit successoral entre enfants nés dans ou hors mariage.
Il y a néanmoins encore quelques réfractataires que l'on devrait pourtant encourager à
joindre cette majorité.
63. Les activités du Conseil de l'Europe dans le domaine familial ont surtout visé la
protection des enfants, comme l'a d'ailleurs bien souligné M. De Vel, Directeur
Général des Affaires Juridiques, lors de son discours d'ouverture11.
Je voudrais dès lors faire quelques suggestions qui s'inscrivent dans cette
préoccupation constante du Conseil
b. Les enfants nés d'une autre union
64. Surtout dans les pays où le conjoint survivant est devenu un héritier prioritaire,
une harmonisation semble souhaitable dans l'organisation de la protection des enfants
issus d'une autre union lorsqu'ils viennent en concours avec ce conjoint survivant. Elle
devrait viser à instaurer un bon équilibre entre les différents intérêts en cause surtout
quand il s'agit d'enfants mineurs ou handicapés, dont les droits successoraux sont
11
voir également M. Killerby, "The Council of Europe's contribution to family law (past, present and
future)", in N. Lowe et G. Douglas (éds.) Families across frontiers, The International Society of
Family Law, 1996, 14-25
72
differés ou limités, mais qui ne sont pas (encore) à même de pourvoir à leur propre
existence et qui (en règle générale) ne disposent pas de biens propres. Plus
particulièrement en ce qui concerne les enfants mineurs, des mesures doivent être
prises leur garantissant les moyens nécessaires au financement d'une éducation et
formation adéquates et cela au-delà de leur majorité (étant donné que les études
universitaires se poursuivent au-delà de la majorité), mais ce dans la mesure où leur
parent décédé devait y contribuer. Pour évaluer la contribution du conjoint survivant,
les éventuelles avantages matrimoniaux qui lui sont attribués par libéralités et contrat
de mariage devraient être pris en compte.
c. Les enfants des familles recomposées
65. D'autre part, il serait indiqué d'étudier ce que l'on pourrait appeler l'autre côté de la
médaille: les problèmes relatifs à la protection des enfants de familles recomposées
n'étant pas affiliés au défunt. Inutile de préciser que la famille recomposée ou
mosaïque est devenue un phénomène fréquent dans une société où le nombre de
divorces ne fait que croître et qui sont généralement suivis d'un remariage ou d'une
cohabitation.
Nous avons vu que, faute de lien juridique, aucun droit national n'accorde à ces
enfants une vocation successorale; il n'est d'ailleurs pas évident qu'elle soit toujours
souhaitée par le défunt. Leur accorder une vocation successorale ab intestat, qui
traduit en fait la volonté présumée du défunt, ne semble pas indiqué.
Néanmoins nous avons pu relever une tendance - fût-elle discrète - à leur accorder une
certaine protection dans le domaine des successions. S'agissant d'une situation de fait,
il faut essayer de promouvoir une solution équilibrée, permettant de respecter le plus
possible la volonté des personnes concernées tout en prévoyant une protection
minimale pour la partie la plus faible, si elle en a besoin.
Pour le premier aspect, la récente solution des Pays-Bas ouvre la bonne voie: honorer
la volonté exprimée par le défunt de vouloir continuer à traiter au delà de la mort cet
enfant comme le sien et dès lors diminuer l'obstacle qui pourrait entraver ce souhait:
la réserve de ses propres enfants.
D'autre part, en droit anglais ces enfants figurent parmi ceux qui peuvent demander au
juge une protection minimale en cas de besoin. Serait-il inconcevable de prévoir une
semblable protection leur assurant en cas de besoin une éducation adéquate également
dans les pays continentaux, dont plusieurs connaissent des créances alimentaires
contre la succession et/ou considèrent les frais de leur entretien et éducation du vivant
du défunt comme des dettes communes dont il est redevable? Les responsabilités
assumées pendant la vie seraient ainsi aussi dans cette situation prolongées après
décès.
66. Mais en outre, toutes ces mesures seraient peu efficaces si elles sont soumises à un
traitement fiscal défavorable. Une recommendation aux pays membres de traiter sur le
plan fiscal les avantages dont ces enfants bénéficent de la même façon que ceux
accordés aux propres enfants, est dès lors également de mise. Nous avons vu que
certains droits l'ont déja fait.
3. Les couples non mariés
67. Venons maintenant à l'autre catégorie des récents membres de la famille: le
partenaire d'une communauté de vie autre que le mariage.
73
Certains pays ont partiellement trouvé la solution au problème de sa protection dans le
domaine des successions, en ouvrant le mariage aux couples homosexuels ou en
créant un statut spécifique pour des personnes vivant ensemble par lequel ils
témoignent d'une manière officielle de leur désir de créer une communauté de vie.
Nous avons vu que le nombre de ces pays augmente à cadence accélérée. Mais il est
peut être encore trop tôt pour pouvoir parler d'un large consensus au niveau européen
sur la quetion de savoir si l'on doit ouvrir le mariage aux couples homosexuels et
même, si les couples non mariés ont droit à un statut juridique spécifique. Notons en
tout cas que la Cour des Droits de l'Homme n'a certainement pas joué sur ce plan le
rôle moteur qu'il a joué dans l'élimination de la discrimination des enfants nés hors
mariage. Mais il me semble qu'il s'agit là d'un problème qui déborde le sujet
d'aujourd'hui.
68. Nous nous sommes, pendant cette Conférence, plutôt demandés si un certain
rapprochement des droits nationaux serait souhaitable dans la protection successorale
de couples vivant (simplement) ensemble hors du mariage. Il est clair que les droits
nationaux sont encore très réticents à leur reconnaître une quelconque vocation ab
intetstat.
Mais constatons tout de même que ce comportement traditionnellement considéré
comme illégitime, s'est partout banalisé et qu'il est de plus en plus répandu. Je me
réfère dans ce contexte à la Recommandation du Comité des Ministres du Conseil de
l'Europe de 1988, déja citée. En témoigne d'ailleurs l'évolution des dénominations: on
parle désormais plus souvent en démographie de cohabitation que de concubinage,
d'enfants nés hors mariage que d'enfants illégitimes.
69. Nous avons déjà relevé l'harmonisation qui s'est faite quant à l'élimination de
(toute) discrimination dans les droits successoraux des enfants nés hors mariage.
L'octroi d'une même vocation successorale à ces enfants a comme conséquence - et
c'est un fait dont l'importance ne peut être sous-estimée pour la structure du droit
familial en général et du droit successoral en particulier - que le mariage a cessé d'être
le pivot incontournable de la transmission des biens à la génération suivante, ce qui
est la fonction traditionnelle et verticale du droit successoral. Cela a mis en marche
une évolution irréversible. Logiquement, un pas suivant sera que le mariage perd ce
rôle de pivot tout aussi bien dans la nouvelle fonction horizontale du droit successoral:
le maintien du niveau de vie du conjoint survivant et une certaine protection
successorale du survivant de toute communauté de vie s'imposeront. L'argument selon
lequel les enfants nés hors mariage sont plus dignes de protection, parce que leur
situation leur a été imposée, ne change rien au fait que le monopole du mariage a été
brisé comme seule communauté de vie, apte à créer des droits.
Il ne semble pas opportun de recommander aux Etats membres de prévoir une
vocation successorale ab intestat, entre couples non mariés, qui n'ont pas manifesté
d'une façon officielle leur désir de créer une communauté de vie. Cette situation de
fait ne permet pas de conclure qu'une protection automatique soit toujours voulue par
ces partenaires. Mais une harmonisation ou, tout au moins, un rapprochement est
souhaitable pour conduire au développement des législations nationales dans le sens
de l'évolution moderne du droit. Comme dans le cas des familles recomposées, nous
avons pu relever une tendance discrète dans le sens d'une certaine protection du
partenaire non marié dans le domaine des successions. Il me semble qu'il faut de
nouveau essayer de promouvoir un équilibre entre le respect de la volonté des
personnes concernées et une protection minimale garantie à la partie la plus faible, si
74
elle en a besoin. La récente loi des Pays-Bas ouvre une fois de plus la bonne voie en
précisant que les enfants ne peuvent invoquer leur réserve pour faire réduire des
libéralités faites (par exemple) en faveur (sous quelques conditions) du partenaire d'un
couple non marié, du vivant de celui-ci. D'autre part, le partenaire non marié figure
également parmi ceux qui peuvent en droit anglais demander au juge une protection
minimale en cas de besoin. Et il y a également des exemples (par exemple la partie
flamande de la Belgique) où, sous condition d'une cohabitation d'une certaine durée,
le partenaire non marié profite des mêmes taux préférentiels en matière de droits
successoraux que le conjoint survivant.
Il serait donc indiqué de promouvoir un rapprochement des droits nationaux dans le
même sens que celui que nous venons de proposer pour la protection des enfants de
familles recomposées.
70. Signalons d'autre part qu'il est apparu lors de la Conférence que peu de couples
non mariés sont conscients que, faute d'initiative de leur part, le survivant d'entre eux
n'aura aucun droit dans la succession du prémourant. Une campagne d'information
serait de mise.
4. Quelques suggestions d'ordre plus technique
71. Dans toutes les suggestions déjà formulées, il s'agit de questions de politique
législative.
Finissons avec deux propositions d'ordre technique et qui visent plutôt une unification
des droits nationaux dans ce domaine précis.
Nous avons constaté que la protection organisée d'un membre de famille est plus
difficile dans les pays qui connaissent la prohibition des pactes sur succession future.
C'est surtout lors des successions internationales que cette prohibition peut conduire à
de mauvaises surprises!
Il serait souhaitable d'inciter les pays qui la connaissent encore à la supprimer
72. En dernier lieu, nous avons vu les grandes différences en matière de protection des
membres de la famille contre la succession. C'est une source d'énormes difficultés
dans les successions internationales. Nous l'avons à peine abordée, il me semble
nonobstant qu'elle mérite une étude beaucoup plus approfondie.
Voici Mesdames, Messieurs du Comité d'Experts, les domaines, qu'après deux jours
de travaux intenses, nous avons identifiés comme susceptibles d'un examen plus
approfondi afin de promouvoir la protection juridique de la famille en matière des
successions.
75
76
CONTRIBUTIONS
77
78
“ Aspects relatifs au droit d’héritage de l’enfant et du conjoint
survivant en Roumanie”
Contribution écrite par
Serban DUMITRESCU-BOLINTIN
Union Nationale des Notaires publics
de Roumanie
Normes applicables : Le Code civil et la Loi no.319/1944 relative au droit
d’héritage du conjoint survivant.
Les exigences légales pour hériter sont: la personne doit avoir la capacité
successorale, elle doit être digne d’hériter, elle doit avoir la vocation successorale.
La capacité successorale signifie l’existence de la qualité du sujet de droit à la
date de l’ouverture de la succession. Selon le Code civil roumain, toute personne qui
existe au moment de l’ouverture de la succession a la capacité successorale; l’enfant
conçu est considéré comme être humain; l’enfant mort-né est considéré comme
n’existant pas.
Les héritiers réservataires:
Selon le Code civil, ont la qualité des héritiers réservataires les descendants du
défunt à n’importe quel degré, donc tous les héritiers de première classe des héritiers
légaux et les parents du défunt, donc tous les ascendants privilégiés, les héritiers de
deuxième classe des héritiers légaux. Les ascendants ordinaires et les parents
collatéraux du défunt, indifféremment de la classe dont ils font partie ou du degré de
la parenté, ne bénéficient pas de réserve successorale. Les collatéraux privilégiés (les
frères et les sœ urs du défunt et leurs descendants), quoiqu’ils fassent partie de la
même classe des héritiers légaux comme les parents, ne sont pas des héritiers
réservataires.
Par l’effet de la Loi no. 319/1944 pour le droit d’héritage du conjoint
survivant, le droit de réserve successorale a été prévu aussi au bénéfice du conjoint
survivant du défunt, soit qu’il vient à l’héritage en concours avec des autres héritiers
réservataires (descendants ou ascendants privilégiés), soit qu’il est le seul héritier
réservataire qui vient à l’héritage en concours avec les autres parents du défunt ou
avec des personnes étrangères, bénéficiaires de libéralités.
Conformément à l’article 669 du Code civil, par descendants on entend les
enfants du défunt et les héritiers en ligne droite, qu’importe le sexe et indifféremment
s’ils sont de mariages différents ou non. Les enfants du défunt et ses héritiers en
dehors du mariage font aussi partie de la première classe des héritiers légaux, avec la
seule condition que la filiation soit établie selon la loi. Sauf les enfants du mariage et
en dehors du mariage, les enfants adoptés font aussi partie de la première classe des
héritiers légaux.
Si à l’héritage sont appelés deux ou plusieurs descendants de premier degré
(les enfants du défunt), la quote-part d’héritage qui revient à chacun est établie
79
également, selon leur nombre. On procède de la même manière si les descendants de
degré sous-séquant (qui ne bénéficient pas de représentation) sont appelés à l’héritage
en nom propre.
Si, à coté de descendants (conformément à la Loi no.319/1994 pour le droit
d’héritage du conjoint survivant), le conjoint survivant du défunt est aussi appelé à
l’héritage, premièrement on établit la quote-part qui revient à celui-ci et le reste est
partagé entre les descendants, selon les règles existantes. Cela signifie que par l’effet
de la Loi no.319/1944, on diminue la quote-part de tous les héritiers de la classe des
descendants.
Les descendants peuvent venir à l’héritage, au nom propre ou par
représentation, qui selon l’article 644 du Code civil, est une fiction de la loi qui a
comme effet de poser le représentant au lieu, au degré et au droit du représenté. La
représentation est illimitée en ligne directe descendante (article 665 du Code civil). En
ligne collatérale, la représentation est admise en ce qui concerne les enfants et les
descendants des frères et des sœ urs du défunt, qui viennent à la succession en
concours avec les oncles et les tantes, si tous les frères ou les sœ urs du défunt sont
morts antérieurement (article 666 du Code civil). Ils sont des héritiers réservataires,
ainsi que les libéralités faites par le défunt (dons et legs), parmi lesquels on porte
atteinte à leur réserve, sont soumises à la réduction. D’ailleurs, ils sont les héritiers
sésinaires, qui ont la possibilité juridique d’acquérir la maîtrise de l’héritage sans
l’attestation préalable de la qualité d’héritier. Enfin, ils sont obligés de rapporter les
donations reçues de celui qui laisse l’héritage, si la donation n’a pas été faite avec
exemption du rapport. En tous les cas lorsque la représentation est admise, le partage
se fait par souche, si la même souche a produit plusieurs branches, la sous-division se
fait aussi par souche dans la même branche et les membres de la même branche se
partagent également entre eux.
Si le défunt n’a pas de descendants ou ceux qui existent ne peuvent pas (à
cause de l’indignité ou de déshéritement lorsqu’ils acquièrent seulement la réserve) ou
ils ne veulent pas venir à l’héritage ( en renonçant à son bénéfice), la loi appelle à
l’héritage les parents qui font partie de la deuxième classe, composée par les
ascendants privilégiés (les parents du défunt) et les collatéraux privilégiés (les frères
et les sœ urs du défunt et leurs descendants).
Pour avoir le droit à l’héritage, le conjoint survivant doit accomplir, sauf
conditions générales du droit à l’héritage légal, une condition spéciale (au lieu de la
parenté avec le défunt): il doit avoir la qualité de mari à la date de l’ouverture de
l’héritage. Si le conjoint survivant a eu cette qualité à la date de l’ouverture de
l’héritage, n’ont pas d’importance la durée du mariage, l’état matériel ou le sexe du
conjoint survivant, s’ils ont des enfants ou non ou s’ils vivaient ensemble à la date de
l’ouverture de la succession ou s’ils étaient séparés de fait. Le conjoint survivant entre
en concours avec les ascendants et les collatéraux jusqu’au quatrième degré (les
cousins de premier rang du défunt). En l’absence de parents du quatrième degré, le
conjoint survivant acquiert tout l’héritage. Comme, par exemple, le domicile séparé
des époux n’influence pas les rapports patrimoniaux entre eux, au cours de leur vie, il
ne peut pas non plus influencer le droit à l’héritage du conjoint survivant après la mort
de l’un d’entre eux. En échange, le concubinage ne confère la vocation successorale
légale au concubin survivant.
80
La loi no.319/1994 reconnaît au conjoint survivant les catégories de droits
suivantes: un droit d’héritage en concours avec toutes les classes d’héritiers légaux ou
en absence des parents qui appartiennent à ces quatre classes; un droit d’héritage
spécial sur les meubles et les objets appartenant au ménage, ainsi comme sur les dons
de mariage; un droit éphémère d’habitation sur le logement (une année).
L’ouverture de la procédure successorale constitue un moyen pratique de
constatation officielle d’obtention de la qualité d’héritier pour les personnes qui, à la
suite de l’ouverture de la succession, ont été investis avec le droit d’hériter du défunt.
Une fois avec l’ouverture de la procédure successorale pour la protection
légale des héritiers, à la demande des personnes intéressées le procureur ou le
secrétaire du conseil local, le notaire public procède à la conservation des biens restés
du défunt et à l’inventaire des biens successoraux, l’énumération, la description et
l’évaluation provisoire des biens trouvés dans la possession du défunt, à la date du
décès.
Sauf l’actif successoral, à l’inventaire, on doit faire les mentions relatives au
passif successoral, aux éventuelles dettes du défunt. Selon les dispositions du Code de
la famille les biens se présument, jusqu’à la preuve contraire, d’être communs.
Au sein de la procédure successorale notariale, et au sein de la procédure
successorale contentieuse, les héritiers légaux ne peuvent pas changer l’ordre
successoral légal, conformément a l’accord établi entre eux.
81
82
«La succession et l'augmentation du nombre de
couples non mariés»
Contribution écrite par
Anne BARLOW
Maître de conférence, Faculté de droit,
Université de Pays de Galles Aberystwyth (Royaume-Uni)
En Angleterre et au Pays de Galles, le mariage n’a pas d’effet direct sur
les biens du conjoint, car il n'existe aucune forme de régime communautaire en la
matière. Les conjoints sont propriétaires de leurs propres biens séparément pendant le
mariage (loi sur les biens de la femme mariée de 1982). Aucune distinction n'est donc
faite à cet égard entre un couple marié, un couple non marié ou deux personnes
totalement étrangères. De plus, au moment du décès, en vertu de la loi anglaise, un
testateur a en principe une entière liberté testamentaire et peut laisser l'ensemble de
son patrimoine à la personne qu'il désigne dans son testament. Toutefois, au moment
d’un divorce ou d’un décès, la loi reconnaît que le mariage est une relation
économique et familiale intime et que de ce la situation s’en trouve modifiée. Elle
permet la redistribution des biens du conjoint en reconnaissant que la contribution non
financière de l’un des conjoints au bien-être de la famille (par exemple éducation des
enfants, rôle dans le ménage) devrait être financièrement compensée par l'autre
conjoint et en précisant que les besoins des époux devraient avoir la priorité sur la
préservation du patrimoine ou la disparition testamentaire librement consentie (voir
l'article 25 de la loi de 1973 sur les effets du mariage et la loi de 1975 sur l'héritage
(dispositions en faveur de la famille et des personnes à charge). Le conjoint doit
toutefois s'adresser au tribunal qui a toute latitude pour décider de la somme qui doit
être allouée dans chaque cas. Par ailleurs lorsqu'un conjoint décède sans laisser de
testament, le conjoint survivant hérite automatiquement de la totalité ou de la moitié
au moins de biens (voir l'article 46 de la loi de 1925 sur l'administration du
patrimoine).
En conséquence même si dans le contexte du mariage il n'existe pas de
communauté des biens, la loi intervient pour reconnaître la relation familiale entre les
époux et revoir la position financière des parties en fonction de certains critères au
moment du décès (et du divorce).
Toutefois, en cas de concubinage, si plus aucune discrimination n'est
opérée entre les enfants de parents mariés et ceux de parents non mariés (lois de 1969
et de 1987 sur la réforme du droit de la famille), la législation ne protège guère les
intérêts du concubin qu'il soit du même sexe ou du sexe opposé.
Ainsi si un concubin décède sans laisser de testament, il n'est pas
automatiquement tenu pour acquis que son partenaire doit hériter de ses biens,
indépendamment de la durée de la cohabitation. Depuis 1996, le partenaire survivant
peut demander, en vertu de la loi de 1975 sur l'héritage (dispositions en faveur des
familles et des personnes à charge), une provision sur les biens de la personne décédée
mais contrairement au cas d'époux, la provision est limitée à une "obligation
d’entretien" et est beaucoup moins généreuse que celle accordée à un conjoint. Les
concubins peuvent naturellement tester en faveur de l'autre mais il ressort de
83
recherches récentes que très peu le font. De fait comme indiqué ci-dessous, malgré la
nette progression du concubinage et la baisse du nombre de mariages en GrandeBretagne, les recherches font ressortir à la fois une vaste méconnaissance de la
situation juridique des concubins et le fait que très peu de personnes prennent des
dispositions légales pour compenser l'absence de droits juridiques des concubins.
Il ressort de l'enquête sur les attitudes sociales britanniques effectuée en
2000 dans un souci de représentativité nationale12 que dans 59 % des cas les
personnes interrogées croyaient que les concubins de sexe opposé avaient les mêmes
droits juridiques que les couples mariés et 59 % des concubins pensaient à tort que tel
était le cas. Ce phénomène est connu sous le nom de «mythe l’union libre». De plus,
si 57 % des concubins étaient propriétaires de leur logement, seuls 44 % l’étaient
conjointement. Cela étant et du fait peut-être de ce mythe seuls 9 % des propriétaires
avaient signé un accord précisant leur part et seuls 14 % avaient fait un testament.
La loi relative à la succession du bail de l’habitation louée est aussi très
complexe en ce qui concerne les concubins. La question de savoir si un concubin peut
prétendre reprendre le bail à son nom dépend de façon arbitraire du type de contrat de
location et de la signature de ce dernier par les deux locataires ou l’un seulement. La
question se complique encore si le nom d'une tierce partie demeure dans le bail 13.
Etant donné qu’en Angleterre et au Pays de Galles, 25 % de l'ensemble
des enfants sont nés hors mariage, que 15 % de l’ensemble des couples vivent en
union libre et que ce pourcentage devrait doubler d'ici à 202114, toute réforme du droit
successoral et en particulier de la succession de l’habitation familiale doit tenir
compte des couples non mariés qui dans la plupart des cas jouent aujourd'hui le même
rôle que les couples mariés. De fait, lorsqu'il a été demandé dans le cadre de l'enquête
sur les attitudes sociales britanniques si la loi devait automatiquement autoriser la
succession familiale à un concubin de longue date au moment du décès, 93 % des
personnes interrogées ont répondu par l'affirmative 15.
L'une des façons de traiter les problèmes de succession de l’habitation
familiale dans le contexte anglais consiste à introduire une forme de copropriété
statutaire de cette habitation en cas de mariage ou d’union libre, qui pourrait être
étendue à d'autres formes de biens16. Cela présenterait également l'avantage d'une
"européanisation" de l'approche de la législation relative aux biens de famille et à la
succession familiale.
12
Barlow A, Duncan S, James G, et Park A, «Just a piece of paper? Marriage and Cohabitation» in
Park A, et al, British Social Attitudes: The 18th Report, (2001) Londres: Sage pages 29-57.
13
Voir Barlow A Cohabitants and the Law (2001) Londres: Butterworths chapitre 3 pour une étude
complète.
14
Shaw C and Haskey J «New Estimates and Projections of the population cohabiting in England and
Wales» Population trends 95, 1999, pages 1-17.
15
Op cit note 1.
16
C'est ce qu'a suggéré l'organisme chargé de réformer la loi dans le rapport sur les biens matrimoniaux
en Irlande du Nord, 2000, Office of Law Reform for Northern Ireland; voir également Barlow A et
Lind C «A Matter of Trust» [1999] (19) (4) Legal Studies 468, pages 470-472.
84
CONCLUSIONS
85
86
Conclusions
1.
Les participants à la 6ème Conférence européenne sur le droit de la famille
(Strasbourg, 14 et 15 octobre 2002) consacrée à « La protection juridique de la famille
dans le domaine de la succession » ont convenu que des efforts restaient à accomplir
dans ce domaine. Ils ont pris note des travaux entrepris par le Conseil de l’Europe
pour améliorer les normes nationales concernant les successions et régimes
matrimoniaux et de la Commission Européenne visant à réduire les difficultés
d’articulation des règles applicables dans ce domaine dans les différents Etats de
l’Union Européenne.
2.
Les participants ont estimé qu’il était particulièrement important pour les
époux et les couples non mariés d’être informés des différentes possibilités
d’organisation de leurs successions. Ces mesures peuvent inclure, par exemple :
a.
b.
c.
le choix d’un régime matrimonial ou le recours à des dispositions particulières
concernant leurs biens ;
la copropriété ou la colocation du logement familial ;
l’établissement de testaments afin d’éviter des successions ab intestat et la
limitation consécutive des droits du conjoint survivant, ou pour le partenaire la
perte ou la réduction de ses droits.
3.
Les participants ont convenu que la loi devrait accorder des droits suffisants au
conjoint survivant. Ces droits pourraient inclure :
a.
b.
l’octroi au conjoint survivant d’un droit automatique à une part de la
succession ou la possibilité de demander une telle part en cas de besoin ;
le droit, en cas de succession ab intestat, pour le conjoint survivant à une part
importante des biens.
Les participants ont reconnu que, parallèlement aux droits du conjoint
survivant, la situation des enfants devrait être prise en considération. Les participants
ont noté que la possibilité de prévoir des mesures permettant, dans certains cas, au
partenaire survivant, de bénéficier de droits suffisants, devrait être envisagée.
4.
Les participants ont convenu que, dans certains cas, une possibilité d’extension
au partenaire survivant des Principes 4 et 8 de la Recommandation N° R (81) 15
concernant les droits des époux relatifs à l’occupation du logement de la famille et à
l’utilisation des objets de ménage, en particulier lorsque ce partenaire se trouve dans
une situation de dépendance, devrait être examinée.
5.
Les participants ont convenu que des mesures devraient être examinées pour
assurer que le montant des impôts sur les successions ne prive pas la famille
survivante d’un niveau de vie raisonnable.
6.
Les participants ont reconnu qu’en matière de succession, l’enfant adopté et
l’enfant né hors mariage d’un parent décédé devraient, comme cela est déjà prévu par
la Convention européenne en matière d’adoption des enfants [STE 058] et la
Convention européenne sur le statut juridique des enfants nés hors mariage [STE
085], être traités de la même manière que s’ils étaient nés du mariage. Les participants
87
ont noté que d’autres enfants de la famille (par exemple l’enfant du conjoint) n’étaient
pas toujours traités de la même manière que les enfants des deux parents (par
exemple, absence de droit dans la succession du conjoint du parent de l’enfant ou
paiement d’impôts sur les successions plus élevées).
7.
Les participants conviennent qu’en matière de succession des procédures
rapides et simples devraient être offertes aussi bien en matière de successions
testamentaires qu’ab intestat.
8.
Les participants ont proposé :
a.
qu’il soit recouru plus largement à la possibilité d’enregistrement des
testaments ;
que les Etats soient encouragés à ratifier la Convention européenne relative à
l’établissement d’un système d’inscription des testaments [STE 077].
b.
9.
Les participants demandent au Conseil de l’Europe, en particulier au Comité
d’experts sur le droit de la famille (CJ-FA), d’examiner, à la lumière des rapports et
des discussions de la 6e Conférence européenne sur le droit de la famille, la manière
d’améliorer la protection juridique de la famille dans le domaine des successions, plus
particulièrement dans les cas de successions ab intestat ou lorsqu’il existe des
dispositions inadéquates.
88
LISTE DES PARTICIPANTS
89
90
List of participants / Liste de participants
Simona ALEXOVA, Adjoint au Représentant Permanent de la Bulgarie auprès du
Conseil de l’Europe, STRASBOURG
Søren Stig ANDERSEN, Head of Section, Ministry of Justice, KØBENHAVN K,
DENMARK
Catherine ANDRE, Conseiller adjoint, Service Public Fédéral Justice, Service Droit
de la Famille, BRUXELLES, BELGIQUE
Tuomo ANTILA, Senior Specialist, Ministry of Justice, Law Drafting Department,
FINLAND
Darius ARBACIAUSKAS, Représentant Permanent Adjoint de la Lituanie auprès du
Conseil de l’Europe, STRASBOURG
Gay BAILEY, Senior Policy Manager, Lord Chancellor’s Department, Family Policy
Division, LONDON, UNITED KINGDOM
Anne BARLOW, Senior Lecturer in Law, Law Department, University of Wales,
ABERYSTWYTH, UNITED KINGDOM
Olga BARRETO, Direcção dos serviços jurídicos da Direcção Geral dos Registos e
Notariado, Ministério da Justiça, LISBOA, PORTUGAL
Marie-Odile BAUR, Rapporteur, National expert on secondment, Unit of Judicial
Co-operation in Civil Matters, Directorate-General Justice and Home Affairs,
European Commission
Markus BUSCH, Staatsanwalt, Private International Law Division, Federal Ministry
of Justice, BERLIN, GERMANY
Gillian COCKBURN, Rapporteur, Cockburns Solicitors, Panorama, GUILDFORD,
UNITED KINGDOM
Dagmar COESTER-WALTJEN, Rapporteur, Professor, Institut für
Rechtsvergleichung, MUNICH, GERMANY
Jeannine DENNEWALD, Ministère de la Justice, Luxembourg
Nikola DJUKIC, First Secretary, Permanent Representation of Bosnia and
Herzegovina to the Council of Europe, STRASBOURG
Serban DUMITRESCU-BOLINTIN, Notary Public, National Union of Notaries
Public of Romania, BUCAREST, ROMANIA
Ana FERNANDEZ TRESGUERREZ, Ministry of Justice, MADRID, SPAIN
91
Helmut FESSLER, Notaire, Président honoraire de l’Union Internationale du
Notariat Latin, KREFELD, GERMANY
Nicole GALLUS, Avocate, Assistante Faculté de Droit, Université Libre de
Bruxelles, BRUXELLES, BELGIQUE
Odile GANGHOFER, Docteur en droit, Observateur du Saint-Siège,
STRASBOURG
Edmond GRESSER, Notaire associé, LA WANTZENAU, FRANCE
Géraldine GRILLON, Rédacteur juridique, Ministère de la Justice, Bureau du droit
civil général, PARIS, FRANCE
Claudia HAHN, Rapporteur, Unit of Judicial Co-operation in Civil Matters,
Directorate-General Justice and Home Affairs, European Commission, BRUSSELS,
BELGIUM
Miloš HATAPKA, Chair of Session, Director, Department of International Private
Law and Legal Contact with Abroad, Ministry of Justice, BRATISLAVA, SLOVAK
REPUBLIC
Bryndis HELGADÓTTIR, Legal Expert, Ministry of Justice, REYKJAVIK,
ICELAND
Christian HERTEL, Director, German Notary Institute (Deutsches Notarinstitut –
DnotI), WÜRZBURG, GERMANY
David HODSON, Solicitor and Mediator, The Family Law Consortium, LONDON,
UNITED KINGDOM
Petra HRIBAR, Advisor to the Minister, Ministry of Labour Family and Social
Affairs, LJUBLJANA, SLOVENIA
Grazina IMBRASIENE, Children’s Rights Ombudsman in Lithuania, VILNIUS,
LITHUANIA
Sjaak JANSEN, Chair of Session, Counsellor of Legislation, Ministry of Justice,
THE HAGUE, NETHERLANDS
Mila JELAVIC, Head of Department, Ministry of Labour and Social Welfare,
ZAGREB, CROATIA
Anne KAYSER, Adjoint au Représentant Permanent du Luxembourg auprès du
Conseil de l’Europe, STRASBOURG
Jurgita KAZLAUSKAITE, Assistant do Children’s Rights Ombudsman in
Lithuania, VILNIUS, LITHUANIA
Juraj KUBLA, Deputy to the Permanent Representative of the Slovak Republic to
the Council of Europe, STRASBOURG
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Paul LAGARDE, Secrétaire Général adjoint, Commission Internationale de l’Etat
Civil (CIEC), STRASBOURG
Magdalena LOKAYOVÁ, juriste au service international du Ministère de la Justice,
PRAGUE, CZECH REPUBLIC
Jiri MUCHA, Ambassador Extraordinary and Plenipotentiary,
Representative of the Czech Republic to the Council of Europe,
Permanent
Chantal NAST, Directrice administrative, Commission Internationale de l’Etat Civil
(CIEC), STRASBOURG
Mme Markéta NOVÁKOVÁ, directeur adjoint, Office for International Legal
Protection of Children, BRNO, CZECH REPUBLIC
Mr Patrik ÖRNSVED, Associate Judge of Appeal, Legal Adviser, Division for Family
Law and the Law of Contracts, Torts and Personal Property, Ministry of Justice,
STOCKHOLM, SUEDE
Michel PEETERMANS, Ambassadeur Extraordinaire et Plénipotentiaire, Représentant
Permanent de la Belgique auprès du Conseil de l’Europe, STRASBOURG
Maria PUELINCKX-COENE, General Rapporteur, Professor of law, Department
Rechten, University of Antwerp UIA, WILRIJK, BELGIUM
Wolfgang RIERING, Department international private law, German Notary Institute
(Deutsches Notarinstitut – DnotI), WÜRZBURG, GERMANY
Kristin RYAN, Senior Executive Officer, Justisdepartemente, OSLO, NORWAY
Lorna SAMUELS, Sole Practitioner, International Family Law Chambers,
LONDON, UNITED KINGDOM
Cynthia SCERRI DEBONO, Legal Officer, Attorney General’s Office, VALLETTA,
MALTA
Andrea SCHMUCKER, Chair of Session, Bundesnotarkammer, (Geschäftsführung),
KÖLN, GERMANY
Werner SCHÜTZ, Chair of Session, Deputy Director General, Ministry of Justice,
VIENNA, AUSTRIA
Jonathan SHARPE, Secrétaire Général adjoint, Commission Internationale de l’Etat
Civil (CIEC), STRASBOURG
Xeni SKORINI, Associate Professor, Law School, Athens University, Ministry of
Justice, ATHENS, GREECE
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Gert STEENHOFF, Rapporteur, Senior Lecturer, Molengraaf Institute for Private
Law, University of Utrecht, UTRECHT, NETHERLANDS
Marija STOJEVIC, Senior Legal Adviser, Ministry of Labour and Social Welfare,
Directorate of Social Welfare, ZAGREB, CROATIA
Mario TENREIRO, Rapporteur, Head of Unit of Judicial Co-operation in Civil
Matters, Directorate General Justice and Home Affairs, European Commission,
BRUSSELS, BELGIUM apologised/excusé
Gabriela THOMA-TWAROCH, Judge in the District Court Döbling in Vienna,
Ministry of Justice, VIENNA, AUSTRIA
Elizabeth WALSH, Editor, International Family Law, Jordans Publishers,
AMERSHAM, UNITED KINGDOM
Peter WINKLER v. MOHRENFELS, Professor of Law, University of Rostock,
Faculty of Law, ROSTOCK, GERMANY apologised/excuse
Patrick YAIGRE, Rapporteur, Notaire, BORDEAUX, France
Robert ZEGADLO, Judge, Secretary to the Commission of the Civil Law Codification,
Ministry of Justice, WARSAW, POLAND
SECRETARIAT/SECRETARIAT
Guy DE VEL, Director General of Legal Affairs / Directeur Général des Affaires
Juridiques
Margaret KILLERBY, Head of Private Law Deparment, Directorate General I Legal
Affairs/ Chef de Service du droit privé, Direction Générale I Affaires Juridiques
Tanja GERWIEN, Principal Administrative Assistant, Private Law Department,
Directorate General I, Legal Affairs/ Assistante administrative principale, Service du
droit privé, Direction Générale I Affaires Juridiques
Lucy ANCELIN, Documentation, Private Law Department, Directorate General I,
Legal Affairs / Documentation, Service du droit privé, Direction Générale I Affaires
Juridiques
Marie-Luce DAVIES, Secretary, Private Law Department, Directorate General I,
Legal Affairs / Secrétaire, Section du droit privé, Direction Générale I Affaires
Juridiques
INTERPRETES/INTERPRETERS
Mme Anne CHENAIS
Mme Christine TRAPP
Mr Christopher TYCZKA
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