L`Appel du Nord 1erOct

Transcription

L`Appel du Nord 1erOct
 OÙ EST LE NORD?
Ressentez le vent… cherchez le soleil… observez les étoiles…
Ou alors prenez une boussole, et lorsque vous saurez dans
quelle direction regarder, donnez une légère inclinaison de
la tête vers l’ouest (si vous êtes en Europe)
C’est là!
Oui, c’est bien là où au XIXème siècle les explorateurs
fanatiques et passionnés tels Parry, Franklin et Ross
partaient en navire de l’Angleterre direction le Groenland.
Arrivant proche de la Terre de Baffin, ils tentèrent sans répit
de découvrir et conquérir le Pôle Nord et le Passage du
Nord-Ouest et… au travers des années, après diverses
mésaventures, succès dithyrambiques et échecs cuisants,
de retrouver des camarades navals malchanceux.
La plupart du temps ces aventuriers de l’Arctique restaient
bloqués dans les glaces pour un, deux, trois, quatre hivers.
Neuf à onze mois de suite, le bateau emprisonné par des
murs glacés dans un désert blanc, gelé, hostile, tueur et
pourtant puissamment et irrésistiblement attirant.
Aujourd’hui, dans la région territoriale actuelle qu’est le
Canada, la province située le plus au nord s’appelle depuis
1999 le Nunavut.
Elle comprend toute la terre de Baffin, les îles Ellesmere,
une grande partie de l’archipel arctique et un morceau des
Territoires du Nord-Ouest canadien. Officiellement le
Nunavut “ré appartient?”, en partie (…) à ses habitants
natifs.
Sur la carte ci-dessus c’est la zone violette, à gauche du
Groenland, remplie d’archipels, de détroits et de péninsules.
North Pole
ARCTIC
OC´
ÉAN
Pôle nord
Nunavut consists of:
(a) all of Canada north of 60°N and
east of the boundary line shown
on this map, and which is not
within Quebec or Newfoundland and
Labrador; and
(b) the islands in Hudson Bay, James
Bay and Ungava Bay that are not
w i t h i n M a n i t o b a , O n t a r i o, o r
Quebec.
OCEAN
ARCTIQUE
CANADA
Ellesmere
Island
l
Alert
ˆ
Ile
d’Ellesmere
Nunavut comprend :
(a) la partie du Canada située au nord
du 60°N et à l’est de la limite
indiquée sur cette carte, à
l’exclusion des régions appartenant
au Québec ou à Terre-Neuve
-et-Labrador; et
(b) les îles de la baie d’Hudson, de la
baie James et de la baie d’Ungava,
à l’exclusion de celles qui
appartiennent au Manitoba,
l’Ontario ou au Québec.
N
Grise
Fiord
l
Baffin
Bay
KALAALLIT NUNAAT
(GRØNLAND)
(Denmark / Danemark)
Devon I
Baie de Baffin
Resolute l
Victoria Island
Ce
Arc
tic
rcl
Cir
e
Arc cle
tiq
ue
Kugluktuk
l
Arctic
Pond
Bay
Inlet
l
ll
Nanisivik
NUNAVUT
Cambridge
Bay
l
Gjoa
Haven
l
Taloyoak
l
Igloolik
l
l
Pelly
Bay
l
Umingmaktok
River
Back
NORTHWEST TERRITORIES
TERRITOIRES DU NORD-OUEST
Da
Clyde D
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s
ét
River
St
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l
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it
de
Da
Baffin
vi
s
Island
Qikiqtarjuaq l
Iqaluit
¢
Coral
Harbour
l
Rankin Inlet l l Chesterfield
Inlet
Whale Cove l
Territorial capital /
¢ Capitale territoriale
Arviat
l Pangnirtung
Repulse
Bay
l
Baker Lake
l
LEGEND / LÉGENDE
ˆ
Ile de Baffin
lHall
Beach
l Cape
l Kimmirut
Dorset
n
dso
Hudson Str
NF
ait Détr oit d’ Hu
L
T- D &
Net- LAB
LA
B
QUEBEC
l
Baie d’Ungava
International boundary /
Frontière internationale
Provincial boundary /
Limite provinciale
Hudson Bay
Baie d’Hudson
MANITOBA
Sanikiluaq
Dividing line /
Ligne de séparation
(Canada and/et Kalaallit Nunaat)
ONTARIO
Scale / Échelle
km
© 2006.
Ungava Bay
QUÉBEC
Other populated places /
l
Autres lieux habités
200
0
200
400
Her Majesty the Queen in Right of Canada, Natural Resources Canada.
Sa Majesté la Reine du chef du Canada, Ressources naturelles Canada.
600
km
l
James Bay
Baie James
www.atlas.gc.ca
En Inuktitut, langue des Inuit, les habitants natifs:
Nuna = terre
Vut = notre
Un homme est un Inuk
Des hommes sont des Inuit
Pas plus compliqué que cela.
Et dans ce vaste Nunavut, au-dessus du cercle polaire, au
nord-ouest de la terre de Baffin, se trouve la communauté
d’Iglulik. Cherchez-la sur la carte ci-dessus…
Iglu = maison
Lik : le lieu
69° 22′ 34″ Nord
81° 47′ 58″ Ouest
Ma première expérience arctique fut en novembre 2007
lorsque la Compagnie Artcirq créée par mon cher ami et
collègue circassien Guillaume Saladin m’invita à venir
donner des cours de cirque et yoga chez eux.
J’avais été complètement époustouflée par ce nouveau
monde et à l’époque je n’avais absolument pas réussi à
mettre en mots ce que j’avais découvert, appris, ressenti,
tout ce qui m’avait surprise, confrontée et émerveillée.
Quatre ans plus tard le choc est moins violent, mon
entendement est autre. Il y a du recul.
Aussi, entre 2007 et 2011 j’ai eu à plusieurs reprises
l’occasion de rencontrer à nouveau les membres d’Artcirq à
travers le monde.
Ce deuxième voyage nordique devenait la continuation
d’une relation humaine, circassienne et la poursuite de ma
fascination pour d’autres cultures, traditions et idiomes.
Cette fois-ci l’aventure dans l’Arctique avec certains
membres d’Artcirq et d’autres habitants d’Iglulik, est celle
de partir en expédition: à pied, sac à dos et tente, à
l’ancienne.
Pour reconnecter avec la Nature.
Se rappeler ce qu’on a oublié.
Partager des approches de la vie radicalement différentes,
dans l’action, la marche, la survie et le danger, tout cela
dans ces vastes espaces déroutants.
Poursuivre la tradition des grands parents, abruptement
interrompue par l’arrivée de sauveurs-bienfaiteurs du sud.
C’est-à-dire la colonisation canadienne du XXème siècle,
pour motifs de contrôles territoriaux et souveraineté face à
la Russie et aux USA, avec pour prétexte d’offrir un
merveilleux bien-être aux sauvages, grâce à de multiples
religions et éducations… et en passant s’approprier des
terres potentiellement avantageuses…
Passons.
J’arrive le 5 août.
3 avions.
Un arrêt à Kuujjuak (Nunavik, nord du Québec), puis une
nuit à Iqaluit (capitale du Nunavut, sud de la terre de
Baffin).
Le lendemain un petit arrêt à Hall Beach (ancienne base
américaine de la DEW line) et enfin Iglulik.
MOMENT MUSICAL
Avant de poursuivre cette lecture, c’est bien le moment
d’ouvrir le lien musical ci dessous:
http://www.youtube.com/watch?v=wQb2HiXsLi0
(Il est aussi en attaché dans le email).
Naneruaq est un groupe groenlandais – leur Inuktitut
ressemble beaucoup à celui d’Iglulik et cette chanson est
hyper populaire ces-jours ci dans la communauté, du coup
elle fait partie de ce voyage.
Vous entendrez qu’ils ont un son autre que le notre, qui
ressemble à un zozotement… ce son est typique de
l’Inuktitut du Groenland et de celui de la région d’Iglulik.
Bien que ces deux langues inuit aient ce son unique
commun, elles restent deux dialectes distincts.
Premiers jours dans le village, préparatifs et organisation:
Nous trouverons de l’eau potable dans les rivières et lacs,
nous pêcherons et chasserons et si cela n’est pas suffisant,
nous avons de la nourriture déshydratée, du thé, café et
biscuits secs appelés Pilot biscuits!
Nunaqpa 2011 check list!
What you need to find
R
What we find for you
Sleeping bag (light & warm)
Tent
Fork, knife, spoon
Tarp
Cup
Matress
Plate
Candle light + candle
Water bottle
Stove
Soap, tooth brush
Duck tape
Lighter
Dry bag
Blanket
Dry food and GoRP!
Towel
First aid kit
R
Sunglasses
Tea pot
Camera, battery
Pot
Baby stuff (if you need)
Kitchen tools
Walking boots
Cords, rope
*Clothes (for day and night)
Fishing rod, gun, bullets
Rain coat and pants
Solar pannel
Warm parka (boating and night) and
boots
Gloves, hat, scarf
Foil
Sewing kit
Socks : wool or synthetic
Food
**Running shoes
***Back pack
Toilet paper
Scrubbing sponge
Pen, paper
Garbage bags
Junk food!
Fuel
Flashlight
*What we suggest about clothing :
Night clothes : always dry in the dry bag with the sleeping bag and a
warm pair of socks.
Day clothes : synthetic fabrics and wool socks are the best because in
case of rain they dry faster. Have also a rain coat
**Shoes : During the day wearing walking boots with good support for
the ankles, and at night light and confortable shoes so your feet can
rest!
*** About the back pack :
The heaviest stuff should be as close as possible from your back, in the
middle of the bag
Everything should be inside the bag (nothing hanging on the sides)
90% of the weight should be support by your hip by the belt (not your
shoulders!)
Your bag should not be heavier than 1/3 of your own weight
GoRP = good old raisins and peanuts
C’est l’été.
Non. Il ne fait pas froid. J’ai même été en t-shirt. Il a fait de
5 à 20 degrés.
Non. Il n’y avait pas de neige. Elle fond en juin et
recommence à tomber fin septembre.
Oui. Il fait presque constamment jour. À mon arrivée le 5
août 2011, entre minuit et trois heures du matin il faisait
un peu plus obscur, comme un jour orageux, mais il ne
faisait pas nuit noire!
Oui. C’est extraordinairement magique. Combien de fois
pensais-je qu’il était 18h et surprise! Il était 1h du matin…
Les Inuit parlent peu.
Le secret est d’embrasser le silence.
Si tu arrives à être avec l’un d’eux sans paroles, simplement
en présence, sans tenter de remplir le vide en parlant ou
bougeant, soudain un autre espace-temps pourra prendre
sa place, et un autre type de conversation en découlera.
Les réponses aux questions pratiques sont souvent
évasives, les plus communes étant:
maybe / maybe not : peut-être / peut-être pas.
Comme le climat, cela dépend, on ne peut pas tout prévoir à
la lettre et à la minute, comme on fait chez nous “dans le
sud”*; si demain vent ou blizzard il y a nous n’irons pas
pêcher ou chasser, ça dépend. Tout dépend, toujours, rien
n’est certain. Ils n’ont pas tort…
*Pour eux nous venons tous « du sud »!
Le oui s’articule par un lever des sourcils, le non par une
petite grimace. Sans son.
De mes humbles expériences, quand tu es dans le Nord, si
tu souhaites véritablement pouvoir communiquer avec ses
habitants et si tu es sincèrement ouvert à l’Autre, la
première chose à faire, bien dure pour nous – en tout cas
pour moi jeune occidentale intrépide et impatiente – est de
lâcher prise (comme ils disent dans les livres de new-age,
bouddhisme et psychologie des magazines chez le dentiste).
Ne pas vouloir contrôler, ni maximiser son temps, avoir des
horaires ou des résultats.
À ma première fois, en novembre 2007 je l’ai rapidement
découvert et j’ai dû apprendre. Ce ne fut pas facile, ce fut
même une belle claque.
En plus à cette époque il faisait nuit et noir tout le temps,
23h/24h, extrêmement froid; confrontée j’avais été, à une
nature surpuissante et sans merci, à un autre rythme de
vie, à des codes sociaux surprenants pour nous, mais
surtout, confrontée à moi-même.
Nous appelons cette expédition Nunaqpa
Littéralement cela signifie marcher d’un lieu à un autre à
pied, en campant, chassant et pêchant puis revenir au lieu
de départ avec de la nourriture fraîche.
Ce voyage aurait dû, aurait pu s’appeler Ittikaq: marcher
d’un lieu à un autre en traversant des eaux (mer, détroit,
rivière, lac).
14 adultes, le chien Kayu pour gardien et 7 enfants, à pied
et portés. Vous n’en comptez que 5? Devinez où se cachent
les deux plus petits bébés…? (réponse plus bas dans le
récit!)
Uviasuqtunga
Je suis heureuse
Au retour de cette semaine hallucinante, pleine d’énergie et
d’acharnement je décide d’écrire un petit texte résumant
l’épopée. Terry, ami et collègue parmi les huit chasseurs me
la traduit à l’Inuitstyle et un dimanche matin à 8h je frappe
à la porte de la radio communautaire…
Dans chaque maison d’Iglulik, la radio est toujours allumée.
Ainsi c’était une manière pour nous de partager cette
semaine on the land (sur la terre – car Iglulik est une île)
avec les personnes âgées du village. Je m’étais entrainée la
veille avec la grand-mère d’une amie, Reena… je crois
qu’elle avait tout compris, en tout cas elle avait bien rigolé!
MOMENT RADIOPHONIQUE
Ouvrez le fichier Radio que je vous ai envoyé avec ce
document et c’est parti. L’entrevue dure 3 minutes.
Voici ce que j’ai dit avec un accent bizarre pour eux!
(Traduction littérale)
ATIRA JESSICA
Mon nom est Jessica
INNULAUQTUNGA BRAZILMIT SWITZERLANDMILLU
PIRUQ&TUNGA
Je suis née au Brésil et ai grandi en Suisse
AARCIRQ KUNNI PISUQATAULAUQTUNGA
Avec Artcirq je travaille/je marche
BICIKUKUT KUNGIAQTAUSUUNGUJUNGA
Je fais un spectacle avec une bicyclette (bicyclette spectacle
regarder je fais)
ITTIKARIALAURATA ISUQTUURMIT IQIMUT
Nous avons traversé d’une eau à l’autre de Isutuurmit à
Iqimut
La distance d’Iglulik à Isutuurmit est de 250 kms.
Sur le chemin aller nous avons pris 12 heures! Mais on ne
sentait pas la longueur, c’était si splendide. Grandiose.
Envoûtant.
Je demandai l’heure en m’attendant, comme réponse à
16heures… rebelotte… 23heures en fait…
Nous avions définitivement quitté le monde connu.
Rien n’est prévisible. Certaines glaces, après arrêt sur la
1ère petite île (voir carte) s’étaient déjà formées – ou
n’avaient pas vraiment fondu cette année (au grand
bonheur de morses et phoques annelés).
En effet, dans cette région du monde, la glace qui recouvre
les eaux peu profondes, tels lacs et péninsules, peut fondre
vers le mois de juin; il recommence à neiger en septembre et
les glaces se reforment en octobre-novembre.
Quand il y a glace sur les eaux:
On se déplace traîneau à chiens ou ski-doo (moto de neige)
et quand eau il y a: kayak ou bateau à moteur.
Du coup, lors de la fonte ou la restructuration de ces
immenses étendues de glace, l’île d’Iglulik se retrouve isolée
véritablement des autres terres.
Pour une autre carte cherchez sur: Google map Iglulik
Retour à l’aventure : un peu coincés dans ce mirage nous
l’avons été, à notre grand délice!! C’est tellement Autre, ce
paysage, ces couleurs, les sons.
De loin les glaces, à cause du reflet, semblent former un
gigantesque et interminable mur infranchissable.
Je me sentais si fragile. Vulnérable. Démunie. Seule je
serais morte de suite. L’eau est foudroyante de froid. Je ne
sais pas chasser. Je ne comprends pas comment la nature
fonctionne là-haut, je ne la connais pas.
Mais j’avais totale confiance en les personnes qui étaient là.
Les chasseurs inuit qui nous accompagnaient et
conduisaient les bateaux, ces hommes qui ont reçu de leurs
parents et familles la connaissance de ce monde nordique.
Nous étions en sécurité. Je n’avais pas peur. Aucune.
Nous étions si loin de tout.
Presque à l’extrémité du monde, si carrée notre terre avait
été.
Les paysages sont si magnifiques, je ne trouverai jamais
assez d’adjectifs pour décrire ces beautés honorablement.
C’est un sentiment qui n’a pas de mot.
C’est.
Outre ces splendeurs visuelles quasi métaphysiques, le plus
important pour moi fut et est le rapport humain :
La continuation d’une rencontre qui fut encore plus intense,
réelle, dans ce contexte.
Nous ne parlons pas la même langue, nous ne nous
ressemblons pas, tout nous sépare, et pourtant nous
sommes humains et vivons les mêmes émotions.
Ça semble cucul la praline mais c’est vrai et c’est important
de se le rappeler.
De ne jamais l’oublier.
Une chose est sure: nous étions tous sincèrement heureux
de partager ces lieux, ces souvenirs, cet héritage ensemble –
et chacun était intéressé par l’Autre: dans ses arts, idiome,
histoires. Eux comme moi, s’intéressent à ce que je fais d’où
je viens, comment je vis.
On échange.
C’est ça la vie.
NUNANGA PIUJUMARIALUQ AMMALU INUUSIRMUT
PIKUNAQ&UNNI
La terre là-bas est très agréable/belle et pour la vie très
joyeuse (comme le sentiment d’attraper une première
baleine)
INGIRATIDLUDA TAKULAUQTUGUT AIVIRNIT
NATTIRNIT UKJUQNIT AMMALU SIKUMARIALUNIT
Sur le chemin (mouvement) nous avons vu des morses,
phoques annelés, barbus et beaucoup de glace
NUNAMI TUKTU TUMMINGINNI KAAJUURNIQ
MITTIRNIQ AMMALU KANGURNIQ
Sur la terre il y avait des traces de caribous, des faucons,
des canards eider et des oies blanches.
PISUINAQ&UTA TAKANAQLAURALUAQ&UNI KISIANI
ALIANAI&UNI
Nous avons continué de marcher. C’était fatiguant mais
heureux nous étions.
Voilà où se cachent les bébés, de quelques jours à plusieurs
années… dans l’amauti
Veste chaude de femme à double poche, une dans le dos
pour le corps de l’enfant, plus un gros capuchon pour
protéger les têtes de la mère et de l’enfant du vent, du froid
et des engelures. En hiver les amautis sont doubles et
anciennement faits en peau de caribou ou de phoque… en
été ils sont actuellement aussi faits en coton.
Lorsque je pris cette photo je me sentais dans le film « Le
Seigneur des Anneaux »…
Mais en encore plus sensationnel!
Enivrant.
Émouvant.
IQALUGAQNIQ NIRIT&ALAUQPUGUT.
KANGURTUQ&UTALU
Petits poissons nous avons mangés.
Oies blanches nous avons eues (mangées)
Poisson: iqalu
Le plus commun est l’omble de l’arctique, un type de
saumon qui peut atteindre des tailles impressionnantes.
Je n’oublierai jamais, dans mes premiers jours à Iglulik,
mon initiation au sashimi à l’inuit. Partis pêcher avec une
famille, et hop! un poisson de pris, le père entaille le ventre
d’un coup propre et en une fois, d’une poignée de main vide
les tripes et tout l’intérieur, puis va le rincer dans l’eau.
Dans ma petite tête je me dis, bon et bien il va le ramener
pour le manger chez lui avec les siens.
Mais non, il le pose près de nous au bord de l’eau.
Alors je me dis - bon on va faire un feu et le préparer.
Mais il n’y a pas de bois par ici… ni de buisson... juste de la
roche à perte de vue…
Et à ce moment là, il le découpe et pour la joie de mon être
et de mes papilles nous l’avons mangé ensemble à cet
instant-même, cru, frais, froid de l’eau, chaud de son vivant
et chaque bouchée augmentait la circulation de mon sang et
de ma lymphe, je mangeais véritablement de la vitalité, de la
vie.
Ces poissons ci-dessus sont plus petits, d’eau douce,
appelés iqalugaq.
On trouve aussi des poissons ressemblant à des dinosaures,
les kanayuk : chaboisseau de l’arctique.
Les Inuit ne les aiment pas du tout et les rejettent dans
l’eau avec dégoût de peur d’attraper des verrues!
J’avoue qu’ils ne sont pas très sexy.
QIJURTARNIK IGLIQAQPAK&UTA
Qijurtak lits nous avons faits plusieurs fois
Le qijurtak = fougères, bruyères de l’arctique utilisées pour
faire des sous-lits, du feu et de la cuisine. Cela faisait partie
de notre rituel. À chaque camp chacun posait son sac et ou
son enfant et partait ramasser bruyères pour créer un
matelas ergonomique naturel! Le qiyurtaq nous a aussi
mitonné de délicieux repas de poisson, comme combustible
et comme épice.
Je n’ai pas de photos de cette plante.
Ci-dessous vous trouverez Riley, Wesley et Bryana (ou
Magpi). Elle a quatre ans et a marché tout le long, les deux
autres étaient cachés quelque part dans le dos d’une
maman.
PAUNGAQTAQ&UTALU
Bleuets nous avons ramassés en mangeant.
Partout! Petits et goûteux. Nous avons eu de la chance car
la migration des oies blanches commençait, et une semaine
plus tard c’était la razzia des myrtilles de l’arctique!
On y trouve aussi un type de baie encore plus petite, noire
et plus amère – que je n’avais jamais vue ni mangée
auparavant. La camarine.
Les Inuit – en tout cas de cette région – ne mangent
quasiment pas de fruits ou de légumes. Il n’y en a pas, la
seule saison propice à quelques plantes basses ou terreuses
serait entre juillet et septembre.
Outre ces baies, on retrouve certaines racines comestibles
et autres petites plantes sauvages. Mais rien ne peut
vraiment pousser profondément à cause du permafrost et ce
qui pousse vers le haut n’a pas de grandes chances avec la
présence quasi constante de neige, glace, vent. Pas d’arbres,
et les buissons les plus gros atteignent une hauteur
maximale de 10 centimètres!
KUNGULIQTUQPAK&UTALUULAUQTUQ
Rhubarbe sauvage nous avons ramassée et mangée.
Miam.
QILAMIULAUQUUJIGALUAQ&UNNI
Court ça a semblé
KISIANI AJJIUNGNIITUMIK ATULAUQPUGUT
Mais quelque chose de différent/unique nous avons
utilisé/vécu
AJJIGIINGITUNIK UQAUSIQAQ&UTA NUNAALU
KAJJAQNAMARIALUK&UNI
Différents (référant à plusieurs) notre langage - la terre
là-bas très beau paysage
Uqaa = langue (organe) / uqausuq = le langage, idiome
Les missionnaires chrétiens de tous types ont vraiment
frappé fort au XXème siècle – on dénombre quatre églises de
foi différentes dans le seul petit village d’Iglulik… Je peux
vous assurer que Jésus, bien que courageux et vaillant,
n’aurait jamais survécu au froid et dangers de ce monde-ci.
Le barbu n’a jamais existé là-haut (les Inuit ne sont pas très
poilus).
Le shamanisme a tout son sens, la relation intime avec la
nature et les animaux est indispensable et unique source de
survie spirituelle dans un lieu comme celui-ci (selon moi).
Mais aujourd’hui on l’a diabolisé. Merci aux religions.
QUJANNAMIK PIVIQAQTITAULAURATTA
Merci on nous a donné cette chance Piviq = la chance
Qujannamik prononcé: krouyane namik
Qanogli: qu’est ce qui se passe?/ça va?: prononcé kranougli
Et la réponse n’est jamais oui ou non, on répond par le
sentiment: je me sens heureux, fatigué, fâché.
Ou alors on répond:
Qanuingi – ça va bien: kranouinngi
INUKTITURIUQSARAMA
J’apprends l’inuktitut
Atii: c’est parti, on y va
Atataa: c’est chaud (pour la nourriture ou l’eau)
Taima: ça suffit, assez, basta (prononcé téma)
Ataata : papa
Anaana : maman
Maana : maintenant
Qaigi : viens - prononcé kraïgui
Aamai : je ne sais pas
Kaupattau : à demain
Ukausiqsairujuu : je n’ai plus de mots –
prononcé oukaousikrsaïrouyou
KUTAUJARALUAQ&UNGA
Je n’arrive pas encore à tout prononcer juste
Alianait !!: joie !! - aliyanaït
Qakuruttau: à une prochaine
L’équipe du Nunaqpa 2011
Daisy Irqqarqsaq & Jimmy Qamukaq & Riley & Sheldon
Solomon Uyarasuk
Guillaume Ittuksarjuat Saladin & Annie Desilets
Jacky Qrunnut & Blake & Jude
Nikita Ungalaq
Catherine Rannou
Jessica Arpin
Joey Ammaq & Jenny Attagutsiak & Bryana Magpi &Wesley
Karina Bleau & Félix Boisvert & Eliam
Damien Tulugarjuk
Les Chasseurs :
Terry Uyarak
Wayne & Tyson
Chris & Amy
Apayata
Simon
Voici encore quelques photos, vous pouvez les accompagner
de cette chanson de Sigur Ros, Samskeyti :
http://www.youtube.com/watch?v=K1cqn3UDmp4
Elle est aussi en attaché mp3
Kanguujat : coton arctique ou linaigrette :
Un peu de botanique que j’ai trouvé sur internet :
Le coton pousse dans les zones marécageuses et humides.
Il existe environ 100 espèces dans les Territoires du NordOuest. La tête de cette plante est une étrange fleur avec des
pétales constituée de mèches blanches et soyeuses qui se
dispersent au gré du vent.
C’est beau!
Le coton arctique peut former des touffes d’herbes afin
d’emmagasiner de l’humidité. Ces touffes sont plus
résistantes, notamment au feu.
Il était aussi traditionnellement utilisé par les inuit comme
mèches pour les qulliq (lampes à huile), pour bourrer les
matelas et servir comme amadou pour démarrer le feu.
On est dans la toundra: en Arctique de l’est, on ne compte
qu’une moyenne de 40 jours sans gel, ne permettant pas au
pergélisol de dégeler.
La flore de la toundra arctique (environ 200 espèces de
fleurs et un très grand nombre de lichen et de mousse) a su
s’adapter au climat et aux étés courts grâce aux longues
heures d’ensoleillement.
La plupart germent ainsi à partir des tiges et des racines
existantes. Le vent, la neige et la température excessivement
basse ont conditionné la flore à croître souvent en un tapis
bas et touffu ce qui lui permet de se protéger. L’air est
également plus chaud au ras du sol ce qui permet une
meilleure croissance. Certaines se servent aussi d’une
pigmentation foncée pour absorber la chaleur du soleil.
Les racines sont également plus courtes car seuls 5 à 50
centimètres du sol réussissent à dégeler.
La flore est aussi la base de la nourriture des herbivores qui
peuplent la toundra, comme le caribou ou le lièvre arctique.
Les Inuit consomment essentiellement les baies qui sont
nombreuses… et délicieuses!
Voici la qulliq : anciennement fait en pierre stéatite
sculptée, elle servait de lampe ou petit poêle.
Celle-ci est faite d’une vieille casserole!
La qulliq brûle du gras de phoque à titre de combustible
(blubber en anglais – mot rigolo). De nos jours ils utilisent
de la Crisco ou huile quelconque.
Pour les ancêtres des Inuit, la qulliq était la seule source de
lumière et de chaleur. Elle humidifiait les parois internes de
l’igloo qui regelaient et de ce fait rendait l’igloo plus épais
donc plus imperméable et chaleureux.
Elle servait aussi à :
Transformer la neige en eau potable
Préparer du thé (cadeau des baleiniers groenlandais du
XIXème siècle contre peaux et nourriture)
Bouillir de la viande
Cuire la bannique : palaugaaq (Mamqtuq ! = délicieux.) Si on
se croise je vous en cuisinerai!
Cette photo pourrait nous illustrer la la présence des Tuniit,
(les premiers habitants), des hommes puissants et
gigantesques qui peuplaient le nord avant les Inuit.
Selon la légende, les premiers habitants étaient des géants,
des êtres plus grands et forts que les Inuit, mais qui avaient
vite peur et s’enfuyaient.
Voici une autre chanson très écoutée par les jeunes
d’Iglulik, pour accompagner ces images différemment.
Autre style :
Uneqinak par le groupe Groenlandais Feat
http://www.youtube.com/watch?v=Aoj4bmi5VSI
Le gésier d’oie cru est fort goûteux.
Je me suis étonnée, je n’aurais jamais imaginé qu’un jour
on m’offrirait ce délice, mais un jour ce moment arriva et je
ne regrette pas.
A l’époque le régime inuit consistait de mammifères marins,
terrestres, poissons et oiseaux et leurs oeufs.
Crus, encore chauds, congelés, bouillis, faisandés.
Quelques baies et racines en été.
Pas de sel ni de sucre, pas d’épices.
Glace fondue pour eau.
Dans les années 50 le gouvernement a voulu éduquer les
enfants en les enlevant et les plaçant dans des écoles
religieuses du sud. Je me rappellerai toujours le chasseur
John, aujourd’hui une 60aine d’années, traumatisé à vie
parce qu’ils leur obligeaient (entre autres) à manger des
légumes. L’obligeant ainsi à renier ses modes de vie pour
adopter les manières des hommes blancs. Ils avaient leur « apport journalier conseillé » de vitamines et
minéraux! L’animal sauvage chassé ou pêché était sain et
vigoureux, et les inuit mangeaient chaque partie du corps,
intestins compris, donc algues ou herbes en digestion.
Les explorateurs anglais se sont longtemps entêtés à
manger de la viande salée ou en conserve, et tous finissaient
par mourir du scorbut : manque de vitamine C
Il aurait suffit de manger de la viande cru ou le fameux
blubber, le gras de phoque, antiscorbutiques arctiques!
Ci-dessous un harpon, la ficelle est en peau de phoque
barbu. Ça c’est de la récup!
Quelques liens :
www.isuma.tv
www.artcirq.org
www.globaia.org
En Brésilien il existe le mot saudade
qui signifie un mélange de nostalgie d’un lieu ou d’une
personne, teinté de blues et de spleen.
C’est ce que je ressens du Grand-Nord car là-bas existent
encore les sentiments d’immensité, de danger et de liberté,
difficilement reconnaissables “dans le sud”.

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