Homélie PL 2eme dimanche de Pâques

Transcription

Homélie PL 2eme dimanche de Pâques
Homélie pour le 11 avril 2010
Peut-être ai-je été marqué par les assauts
répétés de ces dernières semaines contre notre
Église ou la rencontre œcuménique du matin de
Pâques, mais je trouve aux textes de ce dimanche
comme une saveur ecclésiale nouvelle.
Quand on lit ce passage des Actes entendu en
première lecture, on voit bien l’embarras où
l’Église met les gens, même aujourd’hui :
"Personne d'autre n'osait se joindre à eux ;
cependant tout le peuple faisait leur éloge, et des
hommes et des femmes de plus en plus nombreux
adhéraient au Seigneur par la foi." Je pense à tous
ces jeunes – ou moins jeunes – qui sentent bien le
poids contraire d’une opinion uniformisée et qui
constatent tous les jours combien ce que vit
l’Église dans son immense majorité n’a rien à voir
concrètement avec ces préjugés.
On ne peut non plus rester insensible, dans
l’Apocalypse, au message de confiance transmis
par Jean aux 7 églises, c’est-à-dire à l’Église dans
toute sa diversité : "Sois sans crainte. Je suis le
Premier et le Dernier, je suis le Vivant : j'étais
mort, mais me voici vivant pour les siècles des
siècles, et je détiens les clés de la mort et du séjour
des morts."
C’est le Crucifié – Ressuscité qui est au cœur
de la survie de l’Église par delà les épreuves. C’est
le Crucifié – Ressuscité qui est au cœur de la vie
quotidienne de l’Église, celle qui se réunit chaque
dimanche en souvenir vivant de celui qui franchit
tous nos enfermements.
Car ce qui fait vivre l’Église, ce n’est pas
qu’elle s’enferme par "peur" des autres, c’est que
le Ressuscité soit plus grand que leur peur ; c’est
que le Ressuscité soit au milieu d’eux pour leur
offrir la paix. « La paix soit avec vous ! » ; c’est que
le Ressuscité fasse de chacun de ses disciples – de
chacun de nous – des envoyés dans la force de
l’Esprit Saint.
Le Christ ressuscité vient en fait nous délivrer
de deux obstacles intérieurs : la peur de la mort et
l’obsession de la mort.
La peur de la mort, nous la ressentons
fréquemment, et quand nous vieillissons, soit elle
augmente avec le sentiment qu’elle approche, soit
elle diminue, parce que, avec l’aide de Dieu, nous
l’apprivoisons peu à peu dans notre existence. Je
dis cela, mais voyez-vous, je n’en suis pas encore
au stade où je pourrais faire vraiment miens les
mots de François d’Assise "Loué sois-tu, mon
Seigneur, pour notre sœur la Mort corporelle à
qui nul homme vivant ne peut échapper." Mais
c’est ce à quoi j’aspire. Entrer dans cet
apprivoisement, cette fraternisation qui nous
permettrait de ne plus dresser de barrières devant
l’inconnu, de ne plus craindre que l’autre ne nous
déroute ou ne nous surprenne, qui nous
permettrait d’accueillir l’autre comme promesse
de vie. N’est ce pas ce que nous essayons de vivre
dans la communion ecclésiale ? N’est ce pas ce qui
est aussi source en nous d’une souffrance
nouvelle ?
C’est pourquoi Jésus ne nous délivre pas
seulement de la peur de la mort, mais aussi de
l’obsession de la mort dont Thomas est le symbole
qui parle si fort à notre temps. Plus haut dans
l’évangile de Jean, Thomas s’est montré comme
quelqu’un qui n’a pas peur de la mort. Il avait
déclaré quand Jésus avait annoncé qu’il allait voir
Lazare mort : "Allons-y nous aussi, pour mourir
avec lui !" (Jean.11, 16) Mais la mort de Jésus
obsède Thomas, car elle est comme une tache sur
l’image qu’il se fait du Messie. Ce sont les plaies,
les traces, les marques sur le corps du Christ
auxquelles il se réfère. Mais le Ressuscité a
retourné ces signes de mort en signes de victoire.
Dans le corps ecclésial, le doute de Thomas
pourrait apparaître comme une tache, une
marque de mort qui nous obsède. Nous voudrions
être parfaits, avancer à la suite du Christ sans
trace d’une hésitation, "sans l’ombre d’un doute"!
Nous ne nous supportons pas dans nos limites que
la mort ne cesse de nous rappeler. Et nous voilà
souvent comme Thomas membres d’une
communauté dont nous aurions voulu qu’elle soit
parfaite et qui n’est faite que de pécheurs
pardonnés et de sceptiques convaincus. Seuls
ceux qui n’ont pas réellement vécu dans la
communauté chrétienne l’ignorent, seuls ceux qui
n’ont jamais su reconnaître la part qu’ils ont prise
à l’imperfection de la communauté des disciples
du Christ continueront de l’ignorer.
L’Église est une communauté en marche qui
surmonte l’obsession de la mort. Avec Thomas,
nous sortons de l’incrédulité pour avancer dans la
foi. Le plus important, ce ne sont pas nos limites,
c’est l’Esprit qui souffle à travers nos limites et fait
apparaître l’amour toujours possible, amour qui
s’avère plus fort que la mort. C’est cela dont nous
devenons signe, en traversant la mort jour après
jour, eucharistie après eucharistie. Heureux ceux
qui verront dans ces signes la force du Christ
ressuscité qui est au milieu de nous.
P.L.