Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc 14,12-16

Transcription

Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc 14,12-16
Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc 14,12-16.22-26.
Le premier jour de la fête des pains sans levain, où l'on immolait l'agneau
pascal, les disciples de Jésus lui disent : « Où veux-tu que nous allions
faire les préparatifs pour ton repas pascal ? » Il envoie deux disciples : «
Allez à la ville ; vous y rencontrerez un homme portant une cruche d'eau.
Suivez-le. Et là où il entrera, dites au propriétaire : 'Le maître te fait dire :
Où est la salle où je pourrai manger la Pâque avec mes disciples ? 'Il vous
montrera, à l'étage, une grande pièce toute prête pour un repas. Faites-y
pour nous les préparatifs. » Les disciples partirent, allèrent en ville ; tout se
passa comme Jésus le leur avait dit ; et ils préparèrent la Pâque. Pendant
le repas, Jésus prit du pain, prononça la bénédiction, le rompit, et le leur
donna, en disant : « Prenez, ceci est mon corps. » Puis, prenant une
coupe et rendant grâce, il la leur donna, et ils en burent tous. Et il leur dit :
« Ceci est mon sang, le sang de l'Alliance, répandu pour la multitude.
Amen, je vous le dis : je ne boirai plus du fruit de la vigne, jusqu'à ce jour
où je boirai un vin nouveau dans le royaume de Dieu. » Après avoir chanté
les psaumes, ils partirent pour le mont des Oliviers
Le Saint Sacrement du Corps et du Sang du Christ (B) : 10 juin 2012
Titre : Du pain à partager :
Réf. Bibliques : Évangile : 14,12-16.22-26
Aujourd’hui, c’est la fête du Saint Sacrement du Corps et du Sang du
Christ, c’est la fête de l’Eucharistie, c’est la Fête-Dieu : fête de la présence
du Christ de Pâques dans l’Eucharistie qui comporte 2 tables : celle de la
Parole proclamée, interprétée et actualisée, et celle du partage du pain et
parfois du vin, pour signifier notre communion entre nous, avec le Christ
ressuscité…
Nous qui allons à la messe régulièrement, il faut nous demander : Qu’estce que l’Eucharistie? Est-ce un rite auquel on participe sans lien avec les
autres membres de la communauté?
Dans un commentaire de la Revue Signes d’aujourd’hui, le théologien
français Patrick Jacquemont écrit ceci : « La Cène est un repas et non pas
un reposoir. Les disciples sont allés préparer la table. Jésus, la veille de sa
mort, a mangé avec ses disciples. Il a rompu le pain. Il ne s’agit pas
seulement de multiplier les pains, mais il a voulu manifester une présence :
Prenez, ceci est mon corps (Mc 14,22). Jésus est présent et il promet de l’être
à chaque fois que sera rompu le pain. C’est ce qui s’est réalisé le soir de
Pâques autour de la table d’Emmaüs et c’est ce qui se réalise encore
aujourd’hui, d’eucharistie en eucharistie, de messe en messe ».
Si je comprends bien Patrick Jacquemont, l’Eucharistie est un repas qui
rassemble des gens différents, mais qui partagent une même foi, une même
espérance, une même amitié, une même famille et ce repas s’inscrit dans le
cadre d’une fête : c’est le repas pascal. Et, à l’intérieur de ce repas, il y a
un rite particulier qui exprime la présence du Christ ressuscité…
En préparant l’homélie de ce dimanche, j’ai fait 2 constat :
1. Dans nos messes, nous avons perdu le cadre primitif, soit le repas…
On peut comprendre cette réalité sur le plan historique, lorsqu’on a
dû adapter nos messes à de grandes assemblées qui voulaient
célébrer l’eucharistie de façon régulière et en grand nombre…C’est
tout à fait correct, en autant qu’on ne perde pas le sens du geste que
l’on pose…
Alors la question qui vient est la suivante : quel est le sens de
l’Eucharistie? L’Eucharistie nous renvoie à Pâques, c’est-à-dire
qu’elle nous renvoie à cet événement fondateur de la foi
chrétienne : la mort-résurrection de Jésus. Donc, célébrer
l’Eucharistie, c’est faire mémoire du Christ qui nous libère de la
souffrance et de la mort, en donnant lui-même sa vie pour nous…
Patrick Jacquemont continue : « Jésus est présent dans l’eucharistie
pour que nous vivions de sa vie qui éclate au matin de Pâques. Jésus
nous donne sa vie pour que nous la partagions à notre tour »…C’est
ce que veut dire le : Faites ceci en mémoire de moi. La main qui
reçoit le Corps du Christ est prête à donner du pain à celui qui a
faim. Les lèvres qui boivent à la coupe sont libres pour embrasser
le sidéen. Le Corps et le Sang du Christ sont le saint Sacrement du
repas qui donne à vivre en Ressuscité.
Ce n’est pas pour rien que saint Augustin, au 4è siècle, disait :
« Devenez ce que vous mangez; vous mangez le Corps du Christ,
devenez Corps du Christ ». Et si nous conservons le pain eucharistié,
c’est pour aller vers ceux et celles qui sont incapables de venir à la
messe, à cause de leur santé, afin qu’ils puissent eux-aussi, s’unir à
ceux qui y ont participé. C’est seulement pour cette raison que l’on
peut conserver du pain consacré. La Cène est un repas et non pas
un reposoir. Le pain est donc fait pour être partagé et mangé, et
non pas pour être exposé et adoré.
2. Dans nos eucharisties d’aujourd’hui, on a un peu perdu le sens de la
fête. Christ est ressuscité et il est vivant à travers nous, ses disciples.
Et pourtant, nos messes ressemblent plus à des enterrements qu’à
des fêtes. C’est évident qu’on se rappelle le passage que Jésus a dû
faire pour ressusciter, mais il est ressuscité. Pourquoi faisons-nous
semblant qu’il ne l’est pas? On a plus l’impression que nous sommes
le Vendredi Saint plutôt que le dimanche de Pâques…
Il est vrai qu’on arrive à la messe avec nos blessures, nos limites et
nos fragilités…Mais il est tout aussi vrai, qu’en partageant avec les
autres ce que nous sommes, nous pouvons espérer repartir soulagé,
guéri et libéré de tout ce qui nous empêche de vivre. Si Christ est
ressuscité, il nous ressuscite aussi…Voilà l’espérance chrétienne…
Par ailleurs, il y a un détail dans l’évangile qui est très important : Au
moment où Marc écrit son évangile, nous sommes en pleine persécution à
Rome…Les chrétiens sont sans doute découragés de la situation…Si Jésus
est ressuscité et qu’il est présent dans la communauté chrétienne, comment
se fait-il que ça va si mal? Pierre a été crucifié lui aussi et Paul a été
décapité…Peut-on continuer à espérer?
Et là Marc essaie de reprendre le fil des événements en répondant au
désarroi des chrétiens de sa communauté : « Où veux-tu que nous allions
faire les préparatifs de ton repas pascal? » (Mc 14,12). C’est une inquiétude,
un doute qui s’installe; les disciples sont troublés par ce qui se passe à
Jérusalem qui vient d’être détruite et à Rome où les chrétiens sont
persécutés.
À la question posée par Marc, le Christ de son évangile répond : « Allez à
la ville, vous y rencontrerez un homme portant une cruche d’eau. Suivez-le »
(Mc 14,13). Ce n’est sûrement pas courant qu’un homme porte une cruche
d’eau…À l’époque, c’étaient les femmes qui faisaient ça…Alors, pourquoi
un homme?
L’exégète français Jean Debruynne explique ce détail, en disant que le
chemin de la foi, sort de l’ordinaire…C’est un chemin nouveau, qui n’est
pas évident…Si on peut suivre cet homme portant une cruche d’eau, c’est
qu’il existe toujours un chemin possible pour vivre sa foi. Ce chemin n’est
pas habituel; il est nouveau. Il n’est pas tracé d’avance. C’est dans la
nouveauté qu’on peut le découvrir et le prendre. Donc, c’est toujours
possible de vivre sa foi, mais on doit la vivre autrement. Jean Debruynne
écrit : « C’est un chemin surprise, un chemin surprenant. Bien sûr Jésus
nous annonce ainsi le chemin de sa croix, mais du même coup il nous
annonce aussi le chemin de la foi. Ce n’est pas parce que nous sommes un
peu perdus que la foi n’existe pas. Elle n’est pas autre, elle est autrement ».
Ce que je retiens de ça aujourd’hui, c’est que nous sommes dans un tout
autre contexte historique que celui de Marc, mais, en même temps, il y a
quelque chose qui lui ressemble. Les croyants ont complètement déserté la
messe aujourd’hui; ils en sont devenus indifférents; ils ne se reconnaissent
pas dans nos assemblées liturgiques et le contenu de nos célébrations ne
leur disent absolument rien. Alors, si on veut leur donner le goût de
célébrer, peut-être nous faut-il proposer d’autres chemins et suivre
d’autres porteurs d’eau, que ceux auxquels on s’était habitué. Peut-être
que nos Eucharisties deviendraient plus signifiantes et plus interpellantes
pour les chrétiens d’aujourd’hui. Une chose est certaine : le pain que nous
rompons, que nous partageons et qui nous dit la présence du Ressuscité, ce
pain est fait pour être mangé et non pas exposé et adoré.
Raymond Gravel ptre
Diocèse de Joliette.