Mont-Tremblant est-elle une ville dangereuse?

Transcription

Mont-Tremblant est-elle une ville dangereuse?
Mont-Tremblant est-elle
une ville dangereuse?
L’utilisation de données policières à fins comparatives
Rémi Boivin
École de criminologie, Université de Montréal
Centre international de criminologie comparée
7 novembre 2013
Quel est l’endroit le plus dangereux au
Québec, en matière de criminalité?
Mont-Tremblant (mun.)
100 / 1000
Montréal (mun.)
51 / 1000
Île d’Orléans (SQ)
14 / 1000
Moyenne des services de police québécois (excl. autochtones)
40 infractions / 1000 habitants
Qu’est-ce qui cloche?
1- La source de données?
Infractions commises
(Questionnaires auto-révélés)
Infractions détectées
(Sondages de victimisation)
Infractions connues de la police
(Registres d’appels)
Infractions enregistrées
par la police
(Statistiques policières)
Les statistiques policières
Avantages
 Collecte systématique (et
obligatoire…)
 Accessibilité et gratuité
 Couverture d’une longue période
Inconvénients
 Le chiffre noir
 Le manque de détails
 Absence d’information sur les
pratiques d’enregistrement
 Validité des informations
 Données connues
Données disponibles pour un grand nombre de
services de police et un grand nombre d’années
2- La mesure?
Pourquoi utiliser un taux plutôt que le volume?
 La population a un effet évident sur le nombre de
crimes
Le nombre de crimes enregistrés à Montréal est plus élevé qu’à
Mont-Tremblant.
 Indice standardisé : nombre de crimes / population
 Population à risque de subir ou de commettre un crime
 Intérêt(s) méthodologique(s)
Postulats d’utilisation
 Le numérateur est un bon indicateur du niveau de criminalité
Les taux de signalement et d’enregistrement sont constants dans le temps et
l’espace (les statistiques sont comparables).
 Postulat méthodologique
Il existe une corrélation positive très élevée entre le nombre de crimes et la
population
 Postulat conceptuel
La population est un indicateur adéquat du nombre de personnes à risque de
commettre ou de subir un crime dans un endroit donné (opportunités)
Un des problèmes :
La population résidente n’est pas
nécessairement la population à risque
 Tous ne sont pas également susceptibles de commettre ou de subir
une infraction
 Les lieux ne sont pas tous pareils
 Le village (M. Night Shyamalan) : aucun contact extérieur
(population résidente = population réelle)
 La grande ville : tourisme, travailleurs, étudiants (population
résidente < population réelle)
 La ville-dortoir : où on réside parce qu’il fait bon vivre –et que c’est
plus abordable… (population résidente > population réelle)
 Les autres… (population résidente ≠ population réelle)
 Variations selon le type de crime : violence conjugale vs cambriolages
En bref :
Le défi est de comparer la dangerosité
d’endroits très différents
 Les données policières : imparfaites mais utiles
 Les comparaisons : inexactes mais inévitables
 Le taux de criminalité : incomplet mais connu
 La dangerosité est-elle seulement une affaire de fréquence?
Qu’est-ce qui est dangereux?
Qu’est-ce qui est dangereux?
1
0,9
0,8
0,7
(1 ,
0,51)
Gravité
0,6
0,5
0,4
0,3
0,2
0,1
0
0
0,2
0,4
0,6
Fréquence
0,8
1
Volume et/ou gravité
Ville A
Ville B
 Population : 100 000

Population : 100 000
 1000 infractions criminelles
enregistrées par la police

1000 infractions criminelles
enregistrées par la police
 Taux de criminalité = 10 / 1000

Taux de criminalité = 10 / 1000
 900 petits vols + 100 fraudes (1000
non-violents)

100 meurtres + 900 tentatives
Laquelle est plus dangereuse?
Évaluer la gravité des infractions
(donner une valeur à la gravité)
 Sondage de gravité
 Échelle ordinale
 Bon accord inter-juges…
 Échelle subjective
 Comparaison par rapport à une valeur de base (un meurtre est 102 fois plus grave
qu’un petit vol…)
 Mesure de la gravité proposée par Statistique Canada basée sur les
condamnations judiciaires :
 Taux d’incarcération (% des peines = incarcération)
 Durée moyenne de l’emprisonnement
La pondération proposée par
Statistique Canada
 Corrélation négative entre le poids et le nombre d’infractions (rho = -0,389
pour Québec 2012)
 Valeurs ordinales :
 Minimum = 1 (Tenue d’une maison de paris) ; possession de cannabis = 7
 Maximum = 7042 (Meurtre)
 Crimes contre la propriété (les plus fréquents)
 Vols simples de moins de 5000$ = 37
 Introduction par effraction = 187
 Crimes violents (les plus fréquents / connus)
 Voies de fait (niv. 1) = 23
 Niv. 2 = 77
 Niv. 3 = 405
 Tentative de meurtre = 1411
L’indice de gravité de Statistique
Canada
 Calcul du taux pondéré
 Standardisation 1 : division par la valeur de référence (Canada, 2006)
 Standardisation 2
Pourquoi pas un taux pondéré?

Taux pondéré =
𝑥 𝑝
𝑦
où x(p) est la somme pondérée des infractions et y est la population

Influencé par la gravité, mais aussi (surtout?) par le volume

Très forte corrélation avec le taux « traditionnel »

Que signifie un taux pondéré élevé?


Gravité élevé

Grand volume

Les deux…
Proposition : faire une mesure de gravité seulement
Exemple :
Homicide vs vol (2010)
Gravité : 190X
Fréquence : 968X
Une mesure de la gravité moyenne
des crimes enregistrés par la police
La mesure proposée
 Mesure de gravité moyenne =
𝑥 𝑝
𝑥
où x(p) est la somme pondérée des infractions et x est le nombre d’infractions
enregistrées
 Avantages :
 Poids plus grand aux infractions rares mais graves (et poids moins grand aux infractions
à haut volume)
 Le volume influence le numérateur et le dénominateur
 Faiblement corrélé au taux (!?!)
Et alors?
Évolution du taux de criminalité (par 100 000 habitants) et de la
mesure de gravité moyenne des infractions enregistrées, Canada,
1983-2010
10000
120
9000
100
8000
7000
80
6000
5000
60
Taux de criminalité
Gravité relative
4000
40
3000
2000
20
1000
2010
2009
2008
2007
2006
2005
2004
2003
2002
2001
2000
1999
1998
1997
1996
1995
1994
1993
1992
1991
1990
1989
1988
1987
1986
1985
1984
0
1983
0
Classement 2011-2012
1
2
3
4
5
Taux de
criminalité
Mesure de
gravité
Mont-Tremblant
(municipal)
Caniapiscau
(Sûreté du Québec)
Matagami
(Sûreté du Québec)
Vallée-de-la-Gatineau
(Sûreté du Québec)
La Tuque
(Sûreté du Québec)
Matawinie
(Sûreté du Québec)
Granit
(Sûreté du Québec)
Pays-d'en-Haut
(Sûreté du Québec)
Rivière-du-Nord
(Sûreté du Québec)
Fjord-du-Saguenay
(Sûreté du Québec)
Jacques-Cartier
(Sûreté du Québec)
Etchemins
(Sûreté du Québec)
L'Islet
(Sûreté du Québec)
Îles-de-la-Madeleine
(Sûreté du Québec)
Île-d'Orléans
(Sûreté du Québec)
Lebel-sur-Quévillon
(Sûreté du Québec)
Minganie
(Sûreté du Québec)
Charlevoix-Est
(Sûreté du Québec)
Memphrémagog
(Sûreté du Québec)
Magog
(municipal)
…
113
114
115
116
117
Mont-Tremblant vs Montréal
Mont-Tremblant
Montréal
Taux de criminalité
1er
19e
Gravité moyenne
106e
9e
-105 rangs
+ 10 rangs
La corrélation entre le taux de criminalité et la gravité moyenne est
négative mais non significative (pour 2011-2012)!
Création d’une mesure de
dangerosité
Qu’est-ce qui est dangereux?
1
0,9
0,8
0,7
Gravité
0,6
0,5
0,4
0,3
0,2
0,1
0
0
0,2
0,4
0,6
Fréquence
0,8
1
Quels endroits sont dangereux?
1
0,9
0,8
0,7
Gravité
0,6
0,5
0,4
0,3
0,2
0,1
0
0
0,2
0,4Fréquence0,6
0,8
1
Étape 1 : calculer la fréquence et la
gravité des infractions
 Fréquence : à défaut de mieux, le taux de criminalité (n infractions /
population)
 Gravité : mesure proposée
Étape 2 : normaliser les mesures
 Les deux mesures ne sont pas sur la même échelle (40 / 1000 vs 75)
 Théoriquement, le minimum est 0 pour les deux mesures
 Donc, on normalise en faisant X / X max, ce qui donne une mesure entre 0
et 1
Valeur
originale
Valeur
normalisée
0
0
1
0,25
2
0,50
3
0,75
4
1
Étape 3 : faire le diagramme de
dispersion
1
0,9
0,8
0,7
Gravité
0,6
(1 , 0,51)
0,5
0,4
0,3
0,2
0,1
0
0
0,2
0,4
0,6
Fréquence
0,8
1
Étape 4 : calculer la distance de
l’origine (c)
1
0,9
C = √(x2 + y2)
0,8
0,7
(1 , 0,51)
0,6
0,5
0,4
c
0,3
0,2
0,1
0
0
0,2
0,4
0,6
0,8
1
Qu’est-ce qui est le plus dangereux?
1
0,9
0,8
0,7
Gravité
0,6
c1
0,5
c1 = c2
0,4
0,3
0,2
c2
0,1
0
0
0,2
0,4
0,6
Fréquence
0,8
1
Étape 5 : pondérer en fonction de
l’écart par rapport à l’ordonnée
1
0,9
A = arcsin (y / c)
0,8
pond = A
0,7
c’ = c * pond
0,6
(1 , 0,51)
y
0,5
0,4
c
0,3
0,2
0,1
A
0
0
0,2
0,4
0,6
0,8
1
Classement 2011-2012
1
2
3
4
5
Taux de
criminalité
Mesure de
gravité
C pondéré
Mont-Tremblant
(municipal)
Caniapiscau
(Sûreté du Québec)
Matagami
(Sûreté du Québec)
Vallée-de-la-Gatineau
(Sûreté du Québec)
La Tuque
(Sûreté du Québec)
Matawinie
(Sûreté du Québec)
Granit
(Sûreté du Québec)
Pays-d'en-Haut
(Sûreté du Québec)
Rivière-du-Nord
(Sûreté du Québec)
Fjord-du-Saguenay
(Sûreté du Québec)
Granit
(Sûreté du Québec)
Vallée-du-Richelieu
(Sûreté du Québec)
Robert-Cliche
(Sûreté du Québec)
Rivière-du-Nord
(Sûreté du Québec)
Mékinac
(Sûreté du Québec)
Jacques-Cartier
(Sûreté du Québec)
Etchemins
(Sûreté du Québec)
L'Islet
(Sûreté du Québec)
Îles-de-la-Madeleine
(Sûreté du Québec)
Île-d'Orléans
(Sûreté du Québec)
Lebel-sur-Quévillon
(Sûreté du Québec)
Minganie
(Sûreté du Québec)
Charlevoix-Est
(Sûreté du Québec)
Memphrémagog
(Sûreté du Québec)
Magog
(municipal)
Memphrémagog
(Sûreté du Québec)
Mont-Tremblant
(municipal)
Caniapiscau
(Sûreté du Québec)
Minganie
(Sûreté du Québec)
Magog
(municipal)
19e
9e
13e
…
113
114
115
116
117
Montréal
Conclusion
 Les classements et les comparaisons sont inévitables… et intéressants!
 Le taux (et le taux pondéré, et l’indice de gravité) est principalement une
mesure de fréquence du crime
 Impact des comparaisons sur le sentiment de sécurité
 Pourquoi la gravité?
 Une dimension probablement importante de la notion de « danger »
 Infractions plus graves = cas + difficiles
 Et alors?
 La combinaison de deux mesures permet de minimiser l’impact des pratiques
policières différentielles
 La combinaison change considérablement le classement…
 C’est compliqué… Est-ce un problème?
Commentaires? Questions?
Insultes?
Merci!
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