Cancer, anémie et place de l`érythropoïétine

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Cancer, anémie et place de l`érythropoïétine
ARTICLE ORIGINAL
ORIGINAL ARTICLE
J Pharm Clin 2005 ; 24 (1) : 11-6
Cancer, anémie et place de l’érythropoïétine
Cancer, anaemia and place of erythropoietin
M. MILANO*
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Centre hospitalier universitaire de Nice, Hôpital de Tende, Tende
<[email protected]>
Résumé. L’anémie, fréquente chez les patients cancéreux, a une incidence aussi bien sur la qualité de vie que sur
l’évolution de la maladie. Dans la maladie cancéreuse, l’anémie peut être à la fois due à une production et à une
utilisation anormales de l’érythropoïétine (EPO), glycoprotéine qui stimule la formation des hématies à partir des
cellules souches de la moelle osseuse. Si le traitement de l’anémie passe tout d’abord par le traitement de la maladie
causale, la synthèse de l’EPO recombinante humaine a considérablement amélioré la prise en charge des patients
anémiques, augmentant les taux d’hémoglobine et réduisant les besoins transfusionnels. La qualité de vie des patients
cancéreux est également améliorée et plusieurs études mettent en évidence une action bénéfique de l’EPO sur
l’évolution des cancers avec une amélioration de l’efficacité thérapeutique et une augmentation de la survie.
Cependant, l’existence d’études contradictoires souligne la nécessité de mettre en œuvre des essais comparatifs
supplémentaires afin de vérifier l’absence d’effet favorisant de l’EPO sur la progression de certaines tumeurs.
Mots clés : cancer, anémie, érythropoïétine
Abstract. Anaemia is frequent in cancer patients. It may have an incidence both on the quality of life and the evolution
of the disease. In cancer, anaemia may result from either an abnormal production and an abnormal use of
erythropoietin (EPO), or both, EPO being a glycoprotein which stimulates erythrocytes formation by bone marrow
progenitory cells. The treatment of anaemia first consists in curing the causal disease. However, recombinant EPO has
considerably improved treatment of anaemic patients, by increasing haemoglobin serum levels and reducing the need
for blood transfusions. The quality of life of cancer patients is thus improved and several studies highlight the beneficial
role of EPO on clinical outcomes. In fact, EPO improves the efficacy of anticancer treatments, leading to an increased
survival rate. On the other hand, some contradictory studies underline the need of driving additional comparative
clinical trials in order to assess the lack of effect of EPO on tumour progression.
Key words: cancer, anaemia, erythropoietin
L’
anémie est une complication fréquente chez les
malades atteints de cancer, résultant soit de la
maladie et de son évolution, soit des traitements
spécifiques, notamment la chimiothérapie et la radiothérapie. Il s’agit d’une déficience en hématies ou en hémoglobine, entraînant une réduction de la capacité de transport
de l’oxygène dans le sang [1]. De nombreuses études ont
montré que l’on peut établir le diagnostic d’anémie lorsque le taux d’hémoglobine est inférieur à 12 g/dL [2-4].
Celle-ci est classée par l’Organisation mondiale de la
santé et le National cancer institute comme légère (10 à
11,9 g/dL), modérée (8-10 g/dL), sévère (6,5-7,9 g/dL)
et menaçant le pronostic vital si le taux d’hémoglobine est
inférieur à 6,5 g/dL. L’anémie liée au cancer est de type
hypoprolifératif, avec un taux bas de réticulocytes. Elle
peut être, selon les cas, normochrome ou hypochrome,
normocytaire, microcytaire ou macrocytaire. Dans la ma-
* Correspondance et tirés à part : M. Milano
J Pharm Clin, vol. 24, n° 1, mars 2005
jorité des cas, s’y associe une mauvaise utilisation du fer
avec une diminution du fer sérique et de la saturation de la
transferrine et ce malgré un taux normal de ferritine [5].
Fréquence de l'anémie
chez les patients cancéreux
De nombreuses études rétrospectives ont rapporté la
grande fréquence de l’anémie au cours des cancers
[6-10]. Celle-ci est très dépendante du type de tumeur et
du traitement : la chimiothérapie, notamment les protocoles comprenant des sels de platine, est ainsi particulièrement anémiante. Une étude prospective a été conduite en
2001 en Europe (ECAS ou European cancer anemia
survey) [11] pendant 6 mois, sur plus de 15 000 patients
atteints de tumeurs solides ou d’hémopathies malignes.
Cette étude a concerné 750 centres dans 24 pays et plus
de 1 000 médecins y ont participé. À l’inclusion, 39 %
des malades avaient un taux d’hémoglobine inférieur à
12 g/dL, les patients recevant une chimiothérapie étaient
11
M. Milano
les plus affectés. Un tiers des patients sans traitement ou en
rémission étaient anémiques, la prévalence moyenne de
l’anémie au cours de l’étude était de 67 %. L’incidence de
l’anémie chez les patients ayant un taux d’hémoglobine
inférieur à 12 g/dL au début de l’étude et recevant une
chimiothérapie était de 63 %. Il faut souligner qu’une
majorité des patients anémiques n’avaient pas reçu de
traitement spécifique pour cette anémie.
Conséquences de l'anémie
sur la qualité de vie
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L’anémie affecte pratiquement tous les organes et de
nombreuses fonctions de l’organisme. C’est un des éléments majeurs qui altèrent la qualité de vie des patients
cancéreux. Au plan clinique, la diminution du taux d’hémoglobine se traduit par une augmentation de la fatigue,
une faiblesse et un malaise général avec une diminution
de la capacité à assumer les activités quotidiennes. Cela
génère un état d’anxiété, de démotivation et d’irritabilité
[12]. Prés de 80 % des patients anémiés se plaignent plus
de la fatigue que de la douleur [13].
Conséquences de l'anémie
sur l'évolution du cancer
Certains auteurs ont suggéré que la normalisation de
l’hémoglobinémie améliorait la qualité de vie et la survie,
particulièrement dans le cas d’une maladie cancéreuse
disséminée [14, 15]. Plusieurs études indiquent que la
survie des malades anémiques est diminuée dans de
nombreux types de cancers (poumon, col, tête et cou,
prostate, myélome, lymphomes...) et que le risque de
décès chez le malade anémique augmente de 19 à 75 %
selon la localisation [15]. Cependant, il n’est pas possible
de déterminer si l’anémie est la cause directe de la
diminution de la survie ou si cette dernière est la conséquence d’autres facteurs adverses. D’autres études indiquent que l’anémie peut être un facteur pronostique indépendant de la réponse aux traitements [16].
L’hypoxie tumorale est l’une des conséquences importantes de l’anémie. Elle explique en partie la moins bonne
réponse à la radiothérapie et à la chimiothérapie de
plusieurs types de cancers par la diminution de la sensibilité des cellules cancéreuses à la chimiothérapie et à la
radiothérapie [17-26]. Par ailleurs, l’hypoxie peut induire
la néoangiogenèse et ainsi favoriser la progression tumorale [23].
Physiopathologie de l'anémie
chez les patients cancéreux
De nombreux facteurs peuvent contribuer à la mise en
place de l’anémie, en particulier l’infiltration de la moelle
osseuse par des cellules tumorales [5, 27, 28]. Une des
principales causes est la production et l’utilisation anormale de l’érythropoïétine (EPO). L’EPO est une hormone
glycoprotéinique de 30 400 daltons qui stimule la production des érythrocytes et maintient leur viabilité [5, 28].
Elle est produite chez l’adulte par les cellules interstitielles
12
péritubulaires rénales et par les hépatocytes chez le
fœtus.
Le taux plasmatique normal d’EPO varie de 4 à 26
mU/mL. La production d’EPO augmente en réponse à
l’hypoxie tissulaire, à la perte de globules rouges, à la
diminution de la pression d’oxygène, ainsi qu’à tout autre
stimulus diminuant la quantité d’oxygène délivrée aux
tissus. Il y a ainsi une relation inverse entre le taux d’EPO
plasmatique et le taux d’hémoglobine. L’augmentation du
taux plasmatique d’EPO entraîne un accroissement de la
quantité de globules rouges qui induit une baisse de la
production d’EPO. L’EPO interagit avec les progéniteurs
érythroïdes de la moelle osseuse par l’intermédiaire de
récepteurs de surface spécifiques, stimulant la prolifération et la différenciation des cellules tout en maintenant la
viabilité cellulaire [29, 30].
Dans l’anémie liée au cancer, une diminution de la
production d’EPO associée à une diminution du nombre
de progéniteurs érythroïdes est observée. Une séquestration du fer, une diminution de la synthèse protéique et de
la survie des hématies sont également rapportées. En
outre, la libération tumorale de cytokines inflammatoires,
TNF, interféron gamma et interleukine I, réduit la production d’EPO et supprime la réponse des progéniteurs à
l’hormone [28]. Enfin, certains agents chimiothérapiques
tels que le cisplatine, toxique pour les tubules rénaux où
l’EPO est produite, peuvent diminuer la production d’EPO
et la prolifération des progéniteurs érythroïdes [27],
ceux-ci étant également affectés par la radiothérapie.
Traitement de l'anémie
Le traitement des patients anémiques passe en premier
lieu par le traitement spécifique de la maladie causale.
Sur un plan symptomatique, le traitement de l’anémie était
réalisé avant les années 1980 par les transfusions sanguines, administrées de façon empirique pour des taux
d’hémoglobine inférieurs à 10 g/dL. Cependant, la survenue du virus du sida a modifié ces pratiques et les
transfusions ont été réservées à des taux d’hémoglobine
inférieurs à 8 g/dL [31]. Si la transfusion sanguine reste
encore le traitement de choix pour des diminutions importantes et rapides de l’hémoglobinémie, on connaît néanmoins les risques associés à ce traitement, notamment la
transmission d’agents infectieux, les réactions alloimmunes aux protéines plasmatiques, aux hématies, aux
lymphocytes différents et aux antigènes cellulaires [32,
33].
L'érythropoïétine recombinante
La synthèse et la mise sur le marché de l’érythropoïétine
recombinante humaine (rHuEPO, EPO) a nettement amélioré la prise en charge des anémies dans l’insuffisance
rénale chronique et les pathologies tumorales [34, 35].
Deux formes d’EPO, a et b, sont utilisées en clinique. Elles
sont administrées classiquement par voie sous-cutanée à
la dose de 150 à 300 U/kg trois fois par semaine. Des
études récentes ont également démontré qu’une administration sous-cutanée de 30 à 40 000 unités une fois par
semaine est d’action équivalente [36]. Aucune différence
pharmacologique n’a été mise en évidence entre les deux
formes a et b [37]. Une troisième forme plus récemment
J Pharm Clin, vol. 24, n° 1, mars 2005
Érythropoïétine, cancer et anémie
synthétisée, la darbepoetin a, plus riche en hydrates de
carbone que les érythropoïétines recombinantes a et b, a
une demi-vie plasmatique plus longue et peut être ainsi
administrée une fois par semaine à la dose de 2,25
lg/kg [38]. Nous utiliserons le terme générique « EPO »
dans la suite de l’exposé pour désigner les traitements à
base d’agents stimulant l’érythropoïèse, que ce soit l’utilisation d’EPO a ou b au sens strict ou celle de la darbepoetin a qui est en fait une EPO modifiée.
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Action de l'érythropoïétine
L’érythropoïétine agit principalement sur l’anémie [34,
35], mais il est important de souligner que l’EPO possède
également d’autres propriétés, en particulier des effets
protecteurs sur le tissu cardiaque et le système nerveux
central [39].
De nombreux essais cliniques ont utilisé l’EPO dans le
traitement de l’anémie liée au cancer ou en prévention et
en correction de l’anémie induite par une chimiothérapie
ou une radiothérapie [33, 40]. L’EPO augmente le taux
d’hémoglobine et réduit le besoin de transfusions chez 50
à 60 % des patients cancéreux anémiques [41-43]. Cette
action est également notable chez les patients dont l’anémie est liée à une chimiothérapie à base de sels de platine
[44].
Le rôle positif de la supplémentation en fer lors d’un
traitement par EPO vient d’être mis en évidence lors des
corrections d’anémies provoquées par une chimiothérapie [45]. Il s’agissait d’un essai contrôlé testant également
l’impact du fer par voie intraveineuse par rapport à son
administration orale. Le gain en hémoglobine était supérieur pour les patients supplémentés en fer par voie
intraveineuse. L’absorption orale du fer est incomplète et
variable mais l’administration intraveineuse de fer ajoute
une contrainte supplémentaire. Avant tout, une stricte
définition biologique du patient pouvant justifier d’une
supplémentation intraveineuse en fer lors des traitements
érythropoïétiques reste à définir.
Plusieurs types de questionnaires de qualité de vie basés
sur le niveau d’énergie, la fatigue et l’activité quotidienne
ont été utilisés pour analyser l’impact de l’EPO sur la
qualité de vie [42]. De nombreuses études ont montré que
l’EPO entraîne une nette amélioration de la qualité de vie,
en particulier pour des anémies consécutives à une chimiothérapie ou à une radiothérapie [46, 47]. La qualité
de vie s’améliore de façon linéaire avec l’augmentation
du taux d’hémoglobine, plus particulièrement entre 8 et
12 g/dL et chez les patients dont l’hémoglobine s’élève
de plus de 2 g/dL [46, 48, 49]. En revanche, il n’a pas
été noté d’amélioration de la qualité de vie chez les
patients qui ont obtenu une réponse objective au traitement sans augmentation du taux de l’hémoglobine.
Anticorps anti-érythropoïétine
et aplasie de la lignée érythrocytaire
Pendant les 10 premières années d’utilisation de l’EPO
recombinante, seulement trois cas d’aplasie pure de la
lignée érythrocytaire (PRCA : pure red cell aplasia) ont été
signalés [50]. Cependant, depuis 1998, le nombre de
cas d’aplasie due à des anticorps neutralisants antiJ Pharm Clin, vol. 24, n° 1, mars 2005
érythropoïétine a notablement augmenté et en décembre
2002, on notait 142 cas dans le monde, uniquement chez
les insuffisants rénaux recevant le produit par la
voie sous-cutanée et en grande majorité pour l’érythropoïétine a (Eprex®). Il faut cependant signaler que c’est
l’Eprex® qui avait été essentiellement utilisé avant la mise
sur le marché de l’érythropoïétine b (Néorecormon®),
laquelle a également été responsable de quelques cas
d’érythroblastopénie. Aucun cas n’a été noté chez les
patients traités par voie intraveineuse ou chez les patients
cancéreux. Cette augmentation des cas d’aplasie a coïncidé avec le retrait, exigé par la législation européenne,
de la sérum albumine humaine de la composition de
l’érythropoïétine a (Eprex®). La nouvelle formulation obtenue serait moins stable et permettrait la formation de
microaggrégats d’érythropoïétine augmentant la probabilité de formation d’anticorps. Dans 70 % des cas, une
thérapeutique immunosuppressive élimine les anticorps
[50].
Action de l’érythropoïétine
sur l'évolution des cancers
Les données expérimentales disponibles ne permettent
pas de conclure nettement en faveur ou non d’un effet
stimulant de l’EPO sur la croissance tumorale. Ainsi une
étude japonaise suggère qu’un peptide de synthèse apparenté à l’EPO favoriserait la croissance et l’angiogenèse
tumorale [51]. Cependant Mittelman a montré que
l’EPO a administrée sur un modèle murin de myélome
induit une régression significative chez 30 à 60 % des
animaux avec une survie augmentée [52]. Glaser a établi
qu’un taux bas d’hémoglobine avant traitement est un
facteur de mauvais pronostic et qu’un traitement par
EPO a supprime cet effet [53]. Littlewood [4] a rapporté
chez 375 patients recevant une chimiothérapie sans platine qu’un traitement par EPO a amenait non seulement
une amélioration du taux d’hémoglobine et de la qualité
de vie mais également de la survie à 12 mois (60 % pour
le bras EPO a versus 49 % pour le bras témoin). D’autres
études ont également indiqué que l’EPO augmentait le
contrôle local, la survie sans récidive et la survie globale
[54, 55].
Cependant, deux travaux récents évoquent la possibilité
d’un effet délétère de l’EPO : Leyland-Jones [56] a rapporté dans un essai randomisé chez 939 patientes atteintes d’un cancer du sein métastatique que la maladie
progressait plus vite dans le groupe EPO a et que la survie
à 12 mois était meilleure dans le groupe témoin sans EPO
(76 versus 70 %, p = 0,0117). Cependant, les facteurs
de risques n’étaient pas également répartis dans cette
étude : dans le bras EPO l’âge était plus avancé, le statut
de performance plus bas et les lésions plus étendues.
Une autre étude de Henke [57] portant sur 351 patients
atteints de cancers des voies aérodigestives supérieures et
traités après chirurgie par radiothérapie indique que les
malades recevant de l’EPO b ont une survie sans progression et une survie globale significativement inférieures à
celle des malades sous placebo. En fait, cette étude paraît
critiquable : l’effet est délétère uniquement pour les cancers de l’hypopharynx (20 % de la population), il y a plus
de fumeurs dans le bras EPO, le taux de métastases et
la mortalité par cancer sont identiques dans les deux
bras.
13
M. Milano
On retrouve des récepteurs à l’EPO (R-EPO) non seulement
sur certaines cellules normales de l’organisme mais également sur certaines cellules cancéreuses et l’EPO pourrait
théoriquement promouvoir la progression de cellules tumorales qui expriment ce récepteur [58]. Des essais comparatifs supplémentaires semblent nécessaires pour faire le
point sur cet aspect important au vu des nombreuses
indications de l’EPO.
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L’American society of clinical oncology (ASCO), l’American society of hematology (ASH) [59] et les StandardsOptions-Recommendations (SOR) de la Fédération française des centres de lutte contre le cancer [60] ont
proposé la conduite à tenir en cas d’anémie chez les
patients cancéreux. Elle peut être résumée ainsi :
– pour un taux d’hémoglobine situé entre 8 et 10 g/dL et
en cas de nécessité d’une correction rapide (moins de
3 semaines), il faut commencer par une compensation par
transfusion. Si un traitement carcinologique est en cours
ou programmé, un traitement par EPO doit être instauré ;
– si le taux d’hémoglobine est compris entre 8 et 10 g/dL
et qu’aucun traitement carcinologique n’est en cours ou
envisagé, un traitement par EPO est possible (hors AMM)
dans les tumeurs hématologiques du fait de l’altération
directe par la maladie du capital d’hématopoïèse ;
– pour un taux d’hémoglobine compris entre 10 et
12 g/dL, il est possible de recourir d’emblée à l’érythropoïétine recombinante ou d’attendre une chute de ce taux
en dessous de 10 g/dL ;
– il n’y a pas d’indication d’un traitement par érythropoïétine si le taux d’hémoglobine est supérieur à 12 g/dL.
L’impact économique du traitement par EPO doit être pris
en considération. Un essai contrôlé récent dans les myélodysplasies a comporté deux bras : EPO plus G-CSF comparé aux transfusions sanguines [61]. L’utilisation d’un
questionnaire de qualité de vie sur ce groupe de patients
relativement limité (2 x 30) ne mettait pas en évidence de
différence au plan de l’amélioration de la qualité de vie
entre les deux bras et les coûts directs étaient triplés dans
le bras avec facteurs de croissance. Il est clair que les
conséquences néfastes des transfusions ne se manifestent
pas dans le suivi immédiat du traitement mais elles génèrent des coûts de prise en charge ultérieure des effets
délétères des apports sanguins répétés (surcharge en fer).
Il doit être également mentionné que le traitement par EPO
s’accompagne d’une surveillance biologique de l’évolution du taux d’hémoglobine qui a également un coût.
Conclusion
La survenue d’anémie est fréquente au cours des cancers
et altère la qualité de vie des malades. Par ailleurs, la
présence d’une anémie peut favoriser la progression
tumorale. L’administration d’EPO corrige le taux d’hémoglobine et réduit le besoin transfusionnel chez une majorité de patients cancéreux anémiques. La qualité de vie
des patients est améliorée par l’EPO proportionnellement
au gain d’hémoglobine. Des essais comparatifs restent
nécessaires pour s’assurer de l’absence d’effets favorisants du traitement par EPO sur la progression de certains
cancers. ■
14
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