Citoyenneté et civilité aujourd`hui
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Citoyenneté et civilité aujourd`hui
Citoyenneté et civilité aujourd'hui Introduction I- La citoyenneté et la civilité , comme cultures dont l'intériorisation ne va pas de soi . A- La culture citoyenne, une réalité multidimensionnelle. B- Incivilités versus civilité ? II-La citoyenneté, un principe démocratique intégrateur plus que jamais nécessaire dans les sociétés modernes et notamment à l'Ecole. A-La citoyenneté, un principe régulateur et intégrateur plus que jamais nécessaire. B-La civilité et la citoyenneté doivent être apprises et pratiquées à l'Ecole. Conclusion Introduction: Le thème de la citoyenneté est souvent associé aujourd'hui à "l'éducation à la citoyenneté" ou à "l'éducation civique" à l'école, présentées par les pouvoirs publics et les médias comme remèdes à la montée des incivilités et de la violence dans les quartiers ou dans les établissements scolaires. Celles-ci sont en effet source d'un sentiment croissant d'insécurité et de "désintégration sociale" et constituent une question vive dans la société aujourd’hui. D'où la tentation de relier directement les deux, citoyenneté et incivilités (versus civilité), et de se limiter à ce seul aspect "chaud", mais très partiel, celui d'une "crise de la civilité ou de la citoyenneté", ainsi rapidement confondues, et victimes de l’affaiblissement général des capacités régulatrices des instances de socialisation. D'où leur renforcement proposé à et par l'école. En effet, les résurgences inquiètes de "la question de la citoyenneté" ou de la "civilité" (souvent abusivement amalgamées) semblent indiquer que ces dernières ne vont plus de soi, et qu'une des raisons en serait la crise de la culture civique traditionnelle (surtout celle relative à la communauté de l'Etat-nation), elle-même moins bien inculquée et transmise par les instances de socialisation. Qu'en est-il réellement ? La réponse n'est pas simple parce que le diagnostic dépend en partie de ce que l'on met exactement sous le terme de citoyenneté, concept riche mais complexe, qu'on confond trop souvent aujourd'hui avec celui de civilité, confusion qui peut être source de déconvenues. Sans vouloir analyser les manifestations et les causes d'une "crise de la citoyenneté" par ailleurs polymorphe, il s'agira ici plus simplement de rappeler tout d'abord les définitions des deux réalités, et notamment les diverses dimensions de la culture citoyenne (I). On analysera ensuite combien ce principe régulateur apparaît plus que jamais nécessaire dans le monde moderne, y compris pour redynamiser l'Ecole dans sa fonction fondamentale de socialisation des jeunes élèves, dans leur vie scolaire immédiate et dans leur devenir de futurs citoyens à plus long terme (II) . I- La citoyenneté et la civilité, comme cultures dont l'intériorisation ne va pas de soi. Il s'agit d'abord de lever certains amalgames. Alors que les incivilités relèvent de troubles de la société civile, la citoyenneté appartient, elle, au champ politique et juridique.D'autre part, même si à un moment donné, la citoyenneté constitue un statut juridique bien défini, elle ne cesse de subir nombre de transformations historiques dans ses diverses dimensions et acquiert par là un fondement culturel au sens sociologique du terme, au même titre que la civilité. A- La culture citoyenne, une réalité multidimensionnelle. Les auteurs s'accordent à analyser la citoyenneté selon trois dimensions : c'est d'abord un idéal, c'est à dire des valeurs mobilisatrices; c'est ensuite un ensemble articulé de normes politico-juridiques, c'est à dire de droits et de devoirs qui se légitiment les uns les autres et sont garantis par le pouvoir politique, sachant que celui-ci s'exerce encore pour l'essentiel dans le cadre de l'Etat-nation; c'est enfin un certain nombre de pratiques effectives des citoyens pour participer activement à l'animation de la vie collective dans la Cité. Valeurs, normes et conduites sociales effectives : voilà bien les éléments d'une culture au sens sociologique du terme, qui n'a rien de "naturel", qui est au contraire variable selon les lieux et les époques, et apparaît donc comme un "construit" historique qui devra en conséquence être acquis et transmis pour survivre et se développer. Ainsi, la citoyenneté est-elle un idéal universel qui serait par là inné dans tout homme ? Certes non, si on rappelle que la démocratie avec laquelle elle est en étroite relation n'est généralisée ni dans l'espace aujourd'hui (moins de la moitié des Etats du monde actuel), ni dans le temps. En effet, elle a connu des éclipses parfois très longues (plus de mille ans entre son "invention" par la Grèce antique et sa redécouverte à partir de la Renaissance en Europe ) ou particulièrement dramatiques (le "retour à la barbarie" par les fascismes et totalitarismes de l'entre-deux guerre au XXème siècle).Cet idéal a aussi connu de profondes transformations : la démocratie des Cités grecques antiques était directe , mais comportait une minorité de citoyens; quant aux nouvelles démocraties nées au XVIIIème siècle (aux Etats-Unis d'Amérique en 1776 ou en France en 1789), elles sont représentatives, organisées dans le cadre d'Etats-nations, mais elles connaitront un élargissement continuel des droits civils, politiques et sociaux des citoyens (garanties judiciaires aux personnes, établissement progressif du suffrage universel, mise en place d'un Etat -Providence). Mais au-delà de ces avatars historiques, on peut dégager quelques grands principes communs, qu'on peut qualifier de valeurs citoyennes. Les valeurs citoyennes. Il s'agit d'abord d'une éthique de l'intérêt général (désigné aussi comme souci d'un bien commun ou comme recherche d'un optimum social) par l'organisation d'un espace public commun aux concitoyens (la Res-publica, la chose publique) qui peut se concevoir à différents niveaux : local, national, mondial.... Cet espace public est créé par le rassemblement libre des hommes (et femmes) auquel ils participent dans une égalité de droits. Cette conception du corps politique comme association d'hommes libres n'a rien de "naturel" et les conceptions contractualistes du lien politique sont modernes ("le Contrat social" de J.J. Rousseau date de 1762) et se sont imposées souvent contre de fortes résistances : les révolutions politiques modernes, comme celle de 1789 par exemple, sont souvent accompagnées de guerres civiles. Encore aujourd'hui, cette construction volontaire d'un "ordre organisé" de la société et d'un bien commun est récusé par la pensée économique ultralibérale, "hayeckienne", qui lui oppose un "ordre naturel, intentionnel", celui de "la main invisible" du marché. Ensuite, cet espace public citoyen a une dimension spécifique : il est égalitaire. Et c'est cette égalité de droits et de dignité (article 1 des Déclarations de 1789 ou de 1948) qui soude cette communauté de concitoyens: le symbole moderne en est le suffrage universel, avec son principe "un homme = une voix" , qui est en rupture avec les autres types de liens sociaux, généralement inégalitaires (en économie marchande, c'est le principe "un franc=une voix", comme le dit J.P. Fitoussi; de même, pour le lien communautaire, les groupes sociaux dont les individus sont membres ne sont en général pas égaux en dignité, notamment pour les "minorités", souvent socialement disqualifiées). Un ensemble de normes concrètes, concernant les droits et les devoirs. Cet ensemble de valeurs citoyennes (Egalité, Liberté et aussi Responsabilité, qui apparaît comme la contrepartie nécessaire de la liberté) va alors s'incarner dans un ensemble de normes concrètes qui concernent les droits et les devoirs des citoyens, articulés les uns aux autres pour former un statut juridico-politique garanti pour l'essentiel dans le cadre d'un Etatnation. A ce titre, il est lui-aussi variable selon les époques et les pays. Il faut rappeler ici la célèbre classification de T.H. Marshall (1950) qui distingue les droits civils (comme la liberté de conscience et de pensée, le droit à un procès équitable, le droit de propriété...), les droits politiques (droits de participer à l'élection des dirigeants politiques sur la base d'un suffrage universel et égal, droit d'être candidat à l'éligibilité aux fonctions politiques, droit de concourir pour les emplois publics) et enfin les droits socio-économiques (droit de se syndiquer, droit au travail, à la santé, à l'éducation.) : il faudra en effet attendre en général le XXème siècle pour voir les Etats occidentaux mettre en oeuvre ces derniers dans le cadre de l'Etat-Providence (ou mieux nommé, l'Etat social). Ceci a permis en particulier d'intégrer les couches populaires, ces "classes laborieuses" qui, "campant aux portes de la Cité", étaient alors perçues comme "classes dangereuses". Mais on sait aussi que le maintien et l'extension de ces droits sociaux restent fragiles, sans cesse contestés par les courants libéraux, au sens économique du terme. En résumé, on voit comment la citoyenneté apparaît comme un principe d'inclusion qui intègre dans la même unité politique, la nation démocratique, l'ensemble des citoyens, malgré et au-delà de leurs différences de race, de religion, de profession, d'âge ou de région, réunis dans une même "communauté de citoyens" (D.Schnapper) à horizon universel (on parle aussi en ce sens d'homme "abstrait", sans identité autre que celle d'homme dans sa condition humaine universelle). Cette appartenance et cette participation citoyennes sont alors source d'identité collective, sous la forme d'un sentiment national de solidarité capable de transcender les intérêts particuliers et les identités spécifiques : par là, il permet de réguler les inégalités et conflits internes à un espace socio-politique de large dimension comme la nation (ce qui peut aller jusqu'au sacrifice suprême -"mourir pour la Patrie"- en cas de menace extérieure, comme l'ont montré les "Patriotes" de 1792 à Valmy, les "Poilus" de 1914-1918 ou les Résistants français en 1940-44 ). Un ensemble de "pratiques citoyennes". En troisième lieu, la citoyenneté recouvre aussi un ensemble de "pratiques citoyennes", notamment de participation à la vie publique de la Cité, que ce soit localement, nationalement ou même dans l'espace mondial. Cette participation peut prendre des formes "conventionnelles", comme la participation aux élections ordonnancées par les gouvernements, ou "non conventionnelles", dans le cadre d'actions collectives autonomes ( protestations publiques par voie de pétition ou manifestations ) ou d'adhésion à des associations à vocation locale (associations de quartiers), sociale (type "Secours populaire" ou "Restos du Coeur"), socio-professionnelle (confédérations de syndicats de salariés) ou internationale (Greenpeace, Amnesty International,..). Ces pratiques actives de participation à la vie collective, à l'initiative des citoyens, sont aussi parfois appelées "citoyenneté par le bas" ( elle est particulièrement développée dans les pays anglo-saxons comme le notait déjà Tocqueville dans La démocratie en Amérique ) par différence avec une "citoyenneté par le haut", plus "passive" car instituée par les dirigeants, comme l'illustre l'exemple du chancelier Bismark organisant les assurances sociales pour les travailleurs du Reich allemand à la fin du XIXème siècle. De façon générale, on désigne par civisme l'ensemble des attitudes marquées par l'attachement et l'engagement des individus aux principes de la citoyenneté, notamment dans leur versant "devoirs et responsabilités" envers la vie collective (on parle aussi d'esprit civique). B- Incivilités versus civilité ? Une nouvelle thématique est souvent évoquée, plus ou moins légitimement, à ce propos : la montée des incivilités auxquelles les médias et les pouvoirs publics veulent opposer le remède de la prévention, à côté de celui de la répression, fondée notamment sur un renforcement du rôle de l'Ecole à travers "l'éducation à la citoyenneté". Face à cette nouvelle "croisade" contre les "sauvageons", il faut d'abord réaffirmer qu'il y a des amalgames sources de désillusions possibles. En effet, si le phénomène de la délinquance est bien cerné par tous, cependant les "incivilités", comme on dit aujourd'hui, semblent l'être moins : le mot incivilités (du latin incivilitas) est certes intégré au vocabulaire français depuis le XVIIème siècle. Cependant, il n'est devenu une notion criminologique et sociologique précise que depuis peu, produite d'abord par la recherche nord-américaine puis importée/adaptée en Europe: selon S. Roché, il s'agit du non respect des règles de la vie commune dans les lieux publics, avec des actes comme les gestes obscènes, les insultes, les menaces et les dégradations qui sont le lot quotidien des grandes villes et qui sont source, avec la délinquance, de la montée d'un sentiment d'insécurité. Ce sont des "désordres civils" qui troublent l'ordre en public et sont la négation de la civilité: celle-ci est alors définie comme attachement des individus à un ensemble de codes et de normes du "vivre ensemble au quotidien" dans l'espace public, qui permettent en conséquence des rapports de cohabitation pacifique et confiante. On peut noter que si cela commence déjà certainement par le respect d'un code minimal de politesse dans les interactions publiques par lequel on reconnait l'existence des autres et de leurs droits légitimes (comme par exemple le droit à ne pas être bousculé ou enfumé dans les transports en commun), cependant, les incivilités vont plus loin que la simple impolitesse : elle concernent surtout les "petites violences" aux biens ou aux personnes qui, bien que juridiquement sanctionnables, ne peuvent faire l'objet d'un recours effectif aux autorités officielles ( police et justice), sauf à mettre un gendarme derrière chaque personne. Selon Eric Debarbieux, ce concept est un concept de la criminologie américaine qui veut attirer l'attention sur l'importance que revêtent dans la construction de la délinquance les petites atteintes à la sécurité, les micro-victimisations qui en s'additionnant peuvent entrainer un quartier entier ou un établissement scolaire dans des dérives plus clairement violentes. Le terme est donc un terme technique, ce n'est pas un concept éthique. La notion d'incivilités permet la mise en place de stratégies préventives plus efficaces que la seule répression et permet aussi de mieux saisir la construction du sentiment d'insécurité, en écoutant mieux les victimes. Face à ces agressions incontrôlées et imprévisibles contre les biens et les personnes, les individus, notamment les plus faibles physiquement ou socialement, se sentent alors démunis, dépossédés de toute maîtrise personnelle sur leur environnement social et abandonnés des pouvoirs publics ("Mais que fait donc la police?"). Les causes de cette montée des incivilités sont d'abord le développement de la tolérance vis à vis des déviances mineures : elle est en relation notamment avec une plus grande mobilité géographique qui, en diminuant les relations d'interconnaissance, affaiblit la pression sociale tant chez ceux qui l'exercent que chez ceux qui la subissent. Elle s'explique ensuite par un relâchement de l'autorité parentale, relativisée chez les enfants par d'autres modèles normatifs proposés par les médias notamment, et délaissée par les parents eux-mêmes qui répugnent à des relations autoritaires dans le foyer qu'on souhaite d'abord hédoniste. Il faut alléguer aussi la désorganisation sociale de certains quartiers due au déclin des encadrements associatif, syndical et politique traditionnels en milieu populaire, anomie sociale amplifiée par un fait qui touche particulièrement les familles d'origine immigrée : l'autorité parentale peut y être fortement décrédibilisée face aux modèles culturels des classes moyennes véhiculés par les médias ou l'école et intériorisés par les enfants. Tout ceci laisse place alors à " la galère" de certains jeunes (F.Dubet), et à des comportements violents : violence "utilitaire" (vols et rackets, c'est le "conformisme déviant" de Merton) ou violence expressive (exprimer et expulser sa "rage"). On voit ici que les incivilités des jeunes sont aussi un effet en retour d'une certaine "violence institutionnelle" qu'ils subissent et à laquelle ils réagissent par cette forme de révolte sociale. En effet, les institutions (Etat, Ecole, Entreprises,... ) ne parviennent pas à organiser une intégration sociale satisfaisante pour ces populations marginalisées qui voient donc leurs droits fondamentaux mal respectés : droit au travail mis à mal par le chômage "structurel" des parents immigrés qui, souvent peu qualifiés, sont les premiers frappés par les difficultés d'adaptation aux changements technologiques sur le marché du travail; égalité des chances remise en cause de fait par les ségrégations scolaires "structurelles" des enfants d'origine populaire qui peuvent peu compter sur le capital culturel de leurs familles pour tirer équitablement leur épingle du jeu dans la compétition scolaire qui acquiert un rôle accru dans le classement social des individus : cette compétition/sélection est paradoxalement le corolaire de la massification de l'école par laquelle tout le monde passe dorénavant, au nom de la démocratie et de la méritocratie, et elle devient source "structurelle" de frustration sociale pour ceux qui y échouent , en décalage avec les espoirs suscités. Enfin, comme dernière cause "sociétale" à la montée des incivilités, on peut noter l’affaiblissement du contrôle des institutions, policières et judiciaires, qui, débordées par d'autres priorités, délaissent ces petites infractions. Or, on sait qu'une norme sociale ou juridique longtemps non réprimée finit par perdre sa valeur contraignante et donc normative... On voit que dans tous les cas, ces incivilités ne ressortissent pas (ou pas seulement) de comportements déviants individuels de "sauvageons" mettant en péril "la civilisation" et qu'un ordre moral plus répressif devrait redresser (on parlait naguère de "maison de redressement" ou "de correction"), mais elles trouvent leurs source dans le fonctionnement même de notre société et de nos institutions sociales, qui produisent de la ségrégation et de l'exclusion sociales et, en retour, des formes de révolte sociale chez les jeunes marginalisés. Le sentiment d'insécurité ainsi engendré provoque à son tour dans la population deux réactions possibles, toutes deux anti-citoyennes : soit une poussée de violence (c'est l'option "Voice" dans le répertoire d'action selon A.O. Hirschman.), anti-jeune, xénophobe ou raciste pouvant aller jusqu'à des pratiques "d'auto-défense" dangereuses et illégales, soit un repli peureux sur soi, un retrait de la vie collective ("Exit") jugée trop désorganisée et dangereuse, freinant toute participation citoyenne, électorale, associative ou syndicale. Ainsi, a contrario, la civilité apparaît sous cet angle comme une condition nécessaire de la citoyenneté. Réciproquement, le sens de la responsabilité civique des citoyens apparait comme un des meilleurs remèdes possibles aux problèmes des incivilités : comme le rappelle Eric Debarbieux au vu de l'analyse des multiples expériences européennes ou américaine mises en place pour lutter contre les incivilités à l'école : " Le pragmatisme a plutôt comme conséquence l'élaboration de programmes locaux bien ciblés, qui tentent de mobiliser les habitants et l'ensemble de la communauté éducative....Lutter contre les incivilités, c'est considérer d'abord que l'implication de tous, des équipes et des habitants, est légitime et nécessaire".Ce que résume la formule de Sophie Body-Gendrot "Ensemble, cela fait la différence". En résumé, on voit que si citoyenneté et civilité ont des points communs (la vie dans l'espace public opposée à la vie en privé), elles ne se confondent pas : la première a une dimension politique, civique (elle concerne l'organisation et le fonctionnement des pouvoirs officiels et des contre-pouvoirs dans la "Cité", communale ou nationale), l'autre n'a qu'une dimension civile, interpersonnelle concernant la vie quotidienne des quartiers (les cités d'habitation) ou de l'école. Pourtant, elles sont en partie reliées : les incivilités sont source d'un sentiment d'insécurité dans l'espace public, peu propice à des engagements civiques dans la vie collective; réciproquement, l'engagement civique des habitants, parents, enseignants, dans des actions collectives fortes apparait comme un des meilleurs remèdes possibles aux problèmes des incivilités. Dans tous les cas, toutes deux paraissent plus que jamais indispensables aux sociétés démocratiques et doivent, en conséquence, être mises au coeur des préoccupations de certaines instances de socialisation dans leur mission de régulation sociale, et on pense en premier à l'école. II-La citoyenneté, un principe démocratique intégrateur plus que jamais nécessaire dans les sociétés modernes et notamment à l'Ecole. En effet, comme le rappelle la sociologue Dominique Schnapper, les sociétés modernes, démocratiques et productivistes, comportent deux principes d'intégration : la légitimité démocratique du pouvoir politique et la centralité de l'activité économique. L'ordre politique est justifié par les valeurs et les pratiques de la citoyenneté, notamment de l'égalité des droits. L'ordre économique est organisé, quant à lui, autour de la participation directe ou indirecte des individus à la production marchande des richesses même si leur contribution est très inégalement productive et inégalement rémunérée. La société moderne est ainsi fondée largement sur la dignité de l'individu-citoyen et sur l'efficacité du producteur, qui renvoie en économie capitaliste aussi bien au travailleur qu'au détenteur de capitaux, ce dernier détenant même le pouvoir ultime de décision. Ces deux liens (citoyen et marchand), en tension, se combinent aux liens traditionnels communautaires (fondés sur l'intensité et l'immédiateté des interactions personnelles, comme dans la famille, le voisinage, les communautés religieuses, les associations affinitaires, etc...) pour tisser ensemble le réseau complexe d'interrelations entre individus qui constitue les "sociétés modernes" (au sens sociologique du terme). Dès lors, le lien citoyen apparaît comme un principe régulateur et intégrateur plus que jamais nécessaire dans le monde moderne mis à l'épreuve du développement du lien marchand et des mutations du lien communautaire (A). On comprend alors qu'il doit être mis au coeur des préoccupations de certaines instances de socialisation dans leur mission de régulation sociale (B). A-La citoyenneté, un principe régulateur et intégrateur plus que jamais nécessaire. En effet, le lien citoyen est une force de régulation sociale pour contrebalancer les tendances différentialistes et inégalitaires qui marquent les deux autres types de liens sociaux qui ont des effets centrifuges parallèlement à leur force intégratrice (centripète): c'est évident pour les liens marchands dont l'intensité est proportionnelle à la capacité de création de valeur monétaire des producteurs et au pouvoir d'achat des consommateurs -"Dis-moi combien tu gagnes, je te dirai qui tu es!"-. Mais c'est aussi vrai en partie pour les liens communautaires : les communautés ethnoculturelles incluent certes leurs membres à l'intérieur, mais en même les séparent des autres et les pratiques catégorielles ou ethnicistes rendent plus difficile le rassemblement de tous autour d'un bien commun. On a déjà vu comment la citoyenneté apparait comme un principe d'inclusion des nations démocratiques qui intègrent alors, dans la même unité politique, l'ensemble des individus, en dépit et au-delà de leurs différences d'ethnie, de religion, de profession, d'âge ou de région, réunis dans une même "communauté de citoyens", libres et égaux, à horizon universaliste. Cela crée une "communauté imaginée" de semblables, c'est une "utopie créatrice" (D.Schnapper) capable alors de transcender les intérêts particuliers et les identités spécifiques qui se développent avec la "division du travail social" (E.Durkheim) dans les sociétés complexes, dont la "solidarité organique" demeure problématique. Plus précisément, comme l'a bien montré Serge Berstein dans son histoire des "démocraties libérales", c'est cette appartenance citoyenne qui pousse les uns (les plus démunis ) à demander à bénéficier de meilleurs droits effectifs et incite les pouvoirs politiques (à légitimité démocratique ) à les prendre en considération et à en faire accepter les efforts nécessaires aux autres (les mieux lotis) pour les mettre en oeuvre. Par exemple, c'est au nom de la solidarité nationale qu'en 1988 a été votée la loi instituant le revenu minimum d'insertion (RMI) pour les plus défavorisés dont le financement était politiquement assuré par l'ISF (l'impôt de solidarité sur la fortune) demandé aux plus favorisés. On voit ainsi comment la citoyenneté démocratique permet de réguler les inégalités et conflits internes générés inévitablement par l'ordre économique, d'autant plus qu'on est dans un régime de libéralisme économique régulé d'abord par les forces du marché. Pour Serge Berstein, c'est cette synthèse réalisée entre l'ordre libéral (primat des libertés individuelles, politiques et économiques ) et l'ordre démocratique (l'égalité citoyenne et le suffrage universel) au XXème siècle avec le développement d'un Etat-Providence à côté des marchés ( ce que les Allemands ont appelé l'"Economie sociale de marché") qui fait la force des "démocraties libérales" occidentales et leur ont permis de traverser jusqu'ici les épreuves des grandes crises ou de la seconde guerre mondiale (Pierre Rosanvallon rappelle d'ailleurs comment, en 1945, c'est la forte solidarité vécue par l'épreuve de la guerre qui a permis l'accord sur l'organisation de la Sécurité Sociale en France) . Pourtant, le défi est aujourd'hui à nouveau à relever avec le creusement des inégalités qui accompagne la mondialisation de l'économie et les politiques néo-libérales, avec les forces centrifuges que cela engendre : R. Reich parle dans son livre, "l'économie mondialisée", du désir de "sécession sociale des riches" aux Etats-Unis alors que la pauvreté dissuade les "laissés pour compte" de vouloir participer activement et loyalement à la société (replis ethnicistes et délinquance dans les ghettos). Mais le défi n'est pas seulement socio-économique, il est aussi socio-culturel, à travers le développement irrépressible des différences d'identités culturelles. La mondialisation des médias, de l'économie et des flux migratoires ne peuvent que favoriser, directement ou par réaction, l'affirmation d'identités diverses, transnationales (par exemple, les rappeurs des banlieues françaises s'identifient largement à leur "grands frères" des ghettos américains) ou de repli sur de petites "tribus" émotionnelles (M.Mafessoli). Dès lors se posera avec de plus en plus d'acuité la question qui fait le titre du livre d' A. Touraine "Pourrons-nous vivre ensemble ? ". La solution est donnée par le sous-titre : "égaux et différents".C'est en effet ici une nouvelle dimension du combat démocratique qui se joue: la démocratie culturelle, permettant à chacun d'être reconnu dans sa différence d'identité, cette revendication du droit à la différence devant naturellement se doubler de sa contrepartie, qui est de reconnaître celle de l'autre, dans une réciprocité égalitaire. Enfin, d'autres défis, d'ordre environnemental, paraissent devoir exiger des réponses en termes de citoyenneté, mais dans un cadre renouvelé à dimension mondiale, par-delà les Etatsnations. En effet, les problèmes globaux d'environnement ( comme les rejets de CO2 et le réchauffement de la planète) se moquent des frontières nationales et mettent en cause ce que l'on considère aujourd'hui comme le "patrimoine commun de l'humanité" ainsi que ne cessent de le proclamer un certain nombre de "citoyens du monde" (comme Greenpeace) et comme le reconnaissent les économistes qui commencent à raisonner en termes de Développement Durable. Cela nécessite et légitime un certain nombre de réglementations publiques internationales protectrices ainsi que des transferts financiers Nord-Sud pour aider les pays pauvres à la préservation de ces ressources naturelles communes. De même, ce nouvel espace d'action citoyenne, international, touche aussi les Droits de l'Homme revendiqués comme devant être réellement universels par des organisations non gouvernementales (ONG) qui s'affirment "citoyennes du monde" (comme Amnesty International ou Médecins du Monde). A ce titre, elles ont milité et contribué à la création d'un nouveau "droit d'ingérence" pour raison humanitaire sous contrôle de la communauté internationale (ONU), ainsi qu'à l'émergence d'une justice pénale internationale (Tribunal Pénal International habilité à juger les crimes contre l'humanité ou de génocide quand les justice nationales s'avèrent défaillantes). On mesure ainsi combien la citoyenneté reste une question vive du monde actuel, un principe régulateur à réaffirmer mais aussi à enrichir et à adapter aux nouveaux contextes. Il est donc tout aussi nécessaire d'en développer l'apprentissage chez les individus si on veut qu'il oriente leurs conduites futures, ce qui est précisément le rôle des instances de socialisation. B-La civilité et la citoyenneté doivent être apprises et pratiquées à l'Ecole. Mais pour former ces individus "égaux et différents" (A. Touraine) capables de vivre ensemble dans des "sociétés en réseaux" (Manuel Castells) multiculturelles, il ne faudra pas beaucoup compter sur les familles, les médias ou les Eglises. Il faut donc se reporter largement sur l'Ecole afin qu'elle mette en oeuvre cette éducation à la civilité et à la citoyenneté: elle devra en conséquence s'adapter elle aussi, y compris en important pour son propre fonctionnement le "modèle politique de la citoyenneté", adapté à son contexte. Mais il faut reprendre la chaîne socialisatrice à son début. Pour ce qui est des familles, des médias ou des Eglises, leur influence sera de moins en moins capable de diffuser, comme institutions, une culture commune capable de générer chez des individus une identité collective qui facilite leur coexistence publique quotidienne (civilité) comme leur adhésion et leur participation à un intérêt général (citoyenneté). C'est vrai pour la famille d'abord. F. de Singly a montré comment elle s'est désinstitutionalisée et est devenue une "famille relationnelle" dont le modèle éducatif dominant (celui des classes moyennes qui se diffuse alentour) est avant tout celui d'une personnalisation des enfants, d'autant plus aisée et singulière qu'ils sont peu nombreux. Il est demandé à l'enfant d'abord d'être lui-même, de réaliser ses potentialités, ceci sur le mode incitatif doux d'affection réciproque, dans le cadre d'un bonheur familial partagé. On est aux antipodes d'une inculcation uniforme traditionnelle. Or, cela contribuera à forger des personnes autonomes et singulières, voulant et pouvant être acteurs de leur vie, mais fort différenciées dans leurs projets et leurs références: si cela peut préparer les personnes à être plus respectueuses de l'autonomie de chacun, cette hétérogénéité risque aussi d'être peu propice au partage pacifique et coopératif d'un espace commun ou d'un intérêt général commun. Ceci peut donc favoriser encore la tendance au repli individualiste sur ses intérêts propres déjà repérée par Tocqueville comme premier danger des sociétés démocratiques. Certes, on pourrait objecter que le mouvement associatif vient contrecarrer ce repli sur soi, surtout si on note son extension continuelle au point qu'aujourd'hui, près d'un adulte sur deux déclare participer à au moins une association. Pourtant, si on différencie selon les divers types d'activités, on voit que les adhérents actuels se tournent plus volontiers vers des associations privilégiant un certain épanouissement individuel (sport, vie scolaire de ses enfants,...) tandis que les activités de défense d'intérêts collectifs régressent. Et cela touche beaucoup plus encore les mouvements d'éducation populaire qui tendaient à diffuser une culture civique (scoutisme confessionnel ou laïque, MJC, etc...). Ce mouvement de fractionnement individualiste est renforcé d'une certaine façon par les médias. Certes, ils concourent à mieux informer leurs publics et à les désenclaver de leurs milieux spécifiques, leur apprenant la diversité du monde social et la relativité de jugement. Mais cette profusion de modèles culturels a son envers : les individus peuvent "zapper" de l'un à l'autre, ce qui ne facilite pas la stabilisation d'identités durables, générant du même coup des comportements labiles, peu prévisibles pour les autres, au risque de multiplier les heurts entre individus comme le font les atomes aux trajectoires aléatoires d'un mouvement brownien. C'est l'anomie au sens d’E.Durkheim. Enfin, pour l'influence des Eglises dont les dogmes et les rites religieux ont longtemps été un ciment essentiel des sociétés dans l'histoire, il faut rappeler d'une part la déprise forte des grandes religions traditionnelles en Occident (sécularisation), et d'autre part savoir que la "recomposition" (F. Champion) des mouvements religieux se fait en compatibilité avec les sociétés modernes, sur le mode de l'individualisation des croyances, dans un mouvement général de "religion à la carte" et de religiosité diffuse où fleurissent des groupes émotionnels parfois aussi fusionnels qu' éphémères. C'est donc là aussi une recomposition sur le mode de la mosaïque religieuse. Alors, que faire pour créer ce vivre ensemble dans les "sociétés d'individus" (selon l'expression de N. Elias) sinon se retourner vers l'Ecole ? En effet, l'école républicaine traditionnelle a déjà apporté sa réponse de longue date : la laïcité, séparant bien l'espace public, commun et "neutre", de l'espace privé, dans lequel sont renvoyées et cantonnées toutes les identités particulières. On peut dire que ce modèle qui s'est imposé de haute lutte au XIXème siècle contre son modèle concurrent des écoles confessionnelles catholiques, a porté ses fruits en contribuant largement au fonctionnement du "creuset français" (G. Noiriel) où sont venues se fondre progressivement les différentes vagues d'immigration depuis le siècle dernier. D'où l'insistance de certains enseignants ou hommes politique à perpétuer ou même retrouver ce modèle républicain. Pourtant, est-ce encore possible et souhaitable ? Pour A. Barrère et D. Martucelli, ce modèle d'école a déjà subi des altérations sensibles, qui expliquent en partie ses difficultés actuelles cristallisées autour des incivilités et de la crise d'autorité des enseignants. Il s'agit alors d'apprendre d'abord à vivre ensemble (éducation à la civilité) à un public de plus en plus diversifié et de moins en moins dominé par la logique de l'institution. En effet, les élèves ont progressivement importé leur culture juvénile dans l'enceinte des établissements et, pour "les nouveaux lycéens" en particulier, ne sont plus en symbiose naturelle ("loyalty") avec la culture scolaire proposée par l'institution, à travers les professeurs et la direction. Dès lors, celle-ci leur apparaît souvent comme en partie étrangère à leur habitus de classe et d'âge et inculquée sur le mode de la coercition. D'où une certaine inappétence aux savoirs proposés ("exit") ou des formes violentes de rejet ou de contestation ("voice"): celles-ci peuvent d'autant plus s'exprimer et perturber la vie de l'institution que celle-ci n'a plus les moyens légaux ou moraux (étant données les moeurs démocratiques "douces") de les réprimer fermement, par des sanctions disciplinaires exemplaires (exclusion). Certes, en guise de solution, on peut proposer aux élèves, comme cela se fait actuellement au collège et au lycée, un moyen relativement classique : développer des cours d'éducation à leur civilité présente et à leur citoyenneté future, en les articulant par un raisonnement progressif: l'apprentissage de la civilité dans la petite cité introduisant à celui de la citoyenneté dans la grande; et cela si possible par des méthodes pédagogiques innovantes et actives, basées notamment sur des débats collectifs argumentés autour de dossiers personnellement constitués. Mais chez certains, une idée beaucoup plus radicale germe : finir la "révolution" du modèle traditionnel de relation hiérarchique entre maîtres et élèves, déjà bien entamée, pour l'amener vers le modèle plus contractuel de la société politique démocratique afin d' obtenir des membres de la communauté scolaire une obéissance consentie et responsable aux règles collectives. Bref, de résoudre les problèmes immédiats de civilité qui perturbent le quartier ou l'école elle-même en transformant le collège ou le lycée en "petite Cité politique citoyenne", ce qui aurait aussi l'avantage de mieux préparer, par leurs pratiques présentes, les futurs citoyens de la grande Cité. C'est pourtant une gageure de vouloir faire vivre l'école, lieu fondamentalement asymétrique (entre les enseignants qui savent et les enseignés qui apprennent, entre la maturité des adultes et l'incomplétude de la jeunesse) comme une communauté de citoyens libres et égaux ! Cela n'est donc possible que moyennant une adaptation au contexte scolaire spécifique, mais une chose demeure : l'égalité en dignité de tous, par delà les différences de fonction -professeurs ou élèves- et d'identités personnelles. Telle est la nouvelle problématique de la citoyenneté à l'école. Reste à en définir les modalités pratiques autour de la constitution d'un bien commun qui profite réellement à tous et que chacun se sentira alors porté à défendre. Ce qui n'est pas simple à un moment où l'école démocratisée de masse est devenue le lieu central du classement social futur des individus, ce qui développe les stratégies d'intérêt personnel des acteurs, parents et élèves ! Au terme de cette analyse, quelles conclusions tirer ? Elles sont au nombre de trois. Premièrement, la question sociale vive de l'heure, les incivilités et la délinquance avec le sentiment d'insécurité qu'elles engendrent, est souvent reliée dans l'opinion publique avec ce qui serait une "crise civique", à laquelle on propose souvent comme remède un renforcement de l'éducation civique à l'Ecole, faisant implicitement l'hypothèse que la source de tous ces maux serait l'affaiblissement des instances de socialisation. Mais on a répondu d'abord qu'il ne fallait pas confondre les deux notions de civilité et de citoyenneté, même si elles entretiennent des liens, la première étant une condition nécessaire de la seconde; ensuite, qu'il fallait aussi examiner attentivement cette "crise de la citoyenneté" qui apparait bien ambigüe, et qu'il faut donc nuancer : Certains, au vu de l'abstentionnisme ou de l'extrémisme, ainsi que des "incivilités", diagnostiquent une crise du civisme marquée par un manque d'attachement des citoyens à leurs devoirs civiques et aux valeurs démocratiques, alors qu'il faut plutôt y voir une crise de la représentation, une défiance contingente des citoyens dans le personnel politique qui les conduit à adapter en conséquence leurs comportements. Soit ils déserteront le champ public en se repliant sur leurs intérêts particuliers (c'est l'option "exit"). Soit ils contesteront le système (c'est l'option "Voice") à travers la montée des votes protestataires gros de réflexes extrémistes (voix Front National par exemple), ou par des flambées de violence symbolique chez certains jeunes des "quartiers d'exil" qui ont "la rage". D'ailleurs, pour les associations à vocation citoyenne (ATD Quart monde, Ligue des droits de l'homme, Agir contre le chômage, etc...), cette crise de la citoyenneté est bien plutôt celle d'une carence des autorités politiques dans leur capacité à reconnaître et à garantir aux citoyens tous leurs droits, ce qui altère leur sentiment d'intégration dans la société. Ainsi, cette dénonciation réaffirme paradoxalement le fort attachement de ces militants associatifs à la citoyenneté, qu'on retrouve aussi chez les jeunes générations puisque les collégiens et les lycéens montrent un vif intérêt pour les thèmes d'étude des droits de l'homme et du citoyen... Bref, la citoyenneté comme revendication de l'égalité de droits se porte bien! Et cela fort heureusement, car notre deuxième conclusion a été qu'elle demeure un principe de régulation sociétale plus que jamais nécessaire dans nos sociétés contemporaines de plus en plus marchandes (génératrices d'inégalités centrifuges), multiculturelles et différentialistes (source de fragmentation sociale). D'où la troisième conclusion : il est crucial de favoriser l'apprentissage de la citoyenneté, dans ses droits constitutifs bien sûr, mais aussi dans les devoirs civiques qui en sont la contrepartie, et l'Ecole apparait comme un lieu privilégié pour cette mission, même si elle doit pour cela accepter d'adapter en partie son modèle traditionnel d'organisation, d'ailleurs lui aussi en butte aux incivilités. Ne serait-ce pas en se transformant elle-même en "petite cité démocratique", mutatis mutandis, qu'elle pourrait répondre du même coup à ces deux exigences, civilité et citoyenneté ? Certes, les contradictions ne manquent pas et cela reste donc un défi. Pourtant, cette recherche de nouvelles règles du jeu social mieux adaptées n'est-elle pas inévitable dans nos sociétés en changement rapide, menacées par l'anomie sociale générée par une "crise de transition" où le vieux tarde à mourir et le neuf tarde à naître selon la définition de Gramsci ?