Los Mexicanos - Le combat de Patricia Perez2
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Los Mexicanos - Le combat de Patricia Perez2
neté à toutes les personnes. Des intellectuels s’interrogent sur la stricte vision juridique de la citoyenneté et ils demandent que le concept d’une citoyenneté d’engagement, axée sur la participation civique soit 9 pris en compte . Il pourrait s’agir d’une citoyenneté qui permette à tous les individus sur le territoire de participer et de s’engager politiquement. Une citoyenneté associée au territoire lieu de « résidence », qui prend en compte la mobilité et la possibilité pour les personnes de choisir leur lieu d’appartenance politique que ce soit le lieu où elles travaillent ou le lieu où elles sont nées. Permettre à tous d’accéder à une participation politique au sein de la communauté. Il faut réfléchir davantage à une approche inclusive de la citoyenneté, une citoyenneté qui considère des éléments comme le pluralisme et la mobilité, lesquels forment des clés essentielles dans un monde de plus en plus mondialisé. Il faudra sans doute repenser la citoyenneté d’une façon plus philosophique.◄ Unies sur la protection des travailleurs migrants et des membres 8 de leur famille. De ce fait, des concepts comme la solidarité et la dignité, qui pourraient être le fondement d’une citoyenneté mondiale, se retrouvent relégués à la sphère supranationale, bien que ceux-ci soient inhérents à l’humanité. Avec la conséquence de laisser le respect des droits fondamentaux des migrants au bon vouloir des États. Il faut poursuivre le développement de l’idée d’une citoyenneté mondiale qui permettrait de pallier les conséquences à l’échelle planétaire d’un monde qui n’est déterminé que par les seuls intérêts économiques et financiers. Nous ne pouvons éluder le fait que comme collectivité nous sommes politiquement responsables de l’ensemble de tous les membres de cette collectivité, y compris les migrants temporaires. Nous sommes loin de l’idéal d’appartenance politique et sociale qui assurerait une pleine citoyen- 1 L’auteur est jésuite de la Province du Canada anglais. Il fait un stage au secteur Vivre ensemble du Centre justice et foi. 2 Hannah Arendt, Condition de l’homme moderne, Calmann-Levy, 1961. 3 Yves Boisvert et al. Vivre la citoyenneté, Liber, 2000. 4 Catherine Withol de Wenden, Colloque du CERIUM « Les citoyennetés à l’ère de la mondialisation » avril, 2008 5 Hannah Arendt, Les orgines du totalitarisme, tome 2, Fayard, 1982. 6 Hannah Arendt, « La désobéissance civile », dans Du mensonge à la violence, essais de politique contemporaine, Pocket, 1994 (1972). 7 Les sans État dans la philosophie de Hannah Arendt, Payot, 2000, p. 281. 8 Pour en savoir plus sur le refus du Canada, lire le rapport rédigé par Victor Piché, Eugénie Pelletier et Dina Epale disponible sur le site de l’Unesco : unesdoc. unesco.org/images/0014/001473/147310F. pdf 9 Catherine Withol de Wenden, op. cit. Recension de documentaire1 Los Mexicanos - Le combat de Patricia Perez2 Mauricio Palacio Le Canada a des ententes avec des pays du tiers-monde tels que le Mexique, le Guatemala et la Jamaïque pour combler son besoin de travailleurs agricoles. Cette maind’œuvre bon marché est payée bien en-deçà du salaire consenti à un Canadien œuvrant dans le même domaine. Le réalisateur du film Los Mexicanos – Le Combat de Patricia Pérez, Charles Latour, nous VIvRe ensemBLe • VOLUME 13, plonge dans la lutte menée par cette femme en faveur des droits de ces travailleurs migrants saisonniers, principalement au Québec mais aussi ailleurs au Canada. Emportée par un cancer en septembre dernier, cette réfugiée politique d’origine mexicaine se consacra à cette cause jusqu’à son dernier souffle. Latour dévoile tous les efforts qu’elle a consentis pour N° 53 (PRINTEMPS/ÉTÉ 2008) que ces travailleurs prennent connaissance de leurs droits et entreprennent de se syndiquer en vue de parer aux multiples injustices qu’ils subissent. Son travail a conduit à la fondation du Centro de apoyo a los trabajadores migratorios agricolas (Centre de soutien aux travailleurs agricoles), lequel est subventionné par les Travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du com9 merce (TUAC). Aujourd’hui, on trouve de tels centres partout au Canada. Le film montre les conditions d’isolement (physique et linguistique), de précarité et d’insalubrité dans lesquelles vivent souvent ces travailleurs : des plafonds et planchers endommagés par les infiltrations d’eau et l’humidité, des produits chimiques agricoles entreposés dans le logement, etc. Au fil des entretiens, on est témoin de la façon dont les patrons usent de leur pouvoir pour les renvoyer chez eux, sans justification et sous le regard complaisant du gouvernement canadien. On y apprend que beaucoup n’ont pas de véritable choix. Ils font ce travail à défaut d’avoir la possibilité de soutenir leurs familles dans leur pays. Leurs témoignages sont touchants, notamment lorsqu’ils parlent de leurs proches restés au Mexique, une situation les privant de la possibilité de vivre une vie de famille normale. On peut sentir l’angoisse d’un travailleur saisonnier suivi par la caméra lors de son renvoi chez lui. De retour dans son pays, il ne sait pas comment il va faire pour soutenir sa famille. Le niveau de vulnérabilité de ces hommes est très élevé. Ils viennent de pays où leurs droits sont souvent moins respectés qu’ici et sont à la merci des employeurs comme s’ils n’avaient aucun droit, comme si aucun État n’existait. Ce documentaire n’est pas seulement un film décrivant le travail d’une personne pour les droits des autres. Il se veut aussi une dénonciation d’un système capitaliste qui fragilise les populations par-delà les frontières et profite ensuite de leur vulnérabilité. Les travailleurs du Mexique et de l’Amérique centrale, qui demeurent pourtant chez nous une bonne partie de l’année et qui contribuent à la construction du Québec et du Canada, sont privés de toute forme de citoyenneté. On ne leur donne pas le droit de circuler alors qu’on permet à ceux qui viennent de pays du premier monde (Australie, France, Nouvelle-Zélande, etc.) de se déplacer. Cela dénote une injustice flagrante. Ce modèle se développe en pérennisant la marginalisation des individus et leur séparation d’avec leur famille. Il s’agit d’une nouvelle forme d’esclavage qui fortifie la logique d’accumulation du profit en prétextant que cela est nécessaire pour disposer « de produits agricoles à un prix toujours compétitif », comme l’affirme dans le documentaire un représentant de la Fondation des entreprises en recrutement de main-d’œuvre étrangère (FERME). Patricia Pérez a utilisé différents moyens pour s’approcher de ces travailleurs coupés du reste de la population, sensibiliser l’opinion publique québécoise et faire avancer leur cause. À travers sa participation à une émission de radio locale, on voit comment elle et son équipe sont devenues une source de consolation et de secours pour ceux qui sont sans voix. C’est là l’un des rares moyens de diffuser l’information et les propos des travailleurs eux-mêmes, en espagnol. Ce film, à son tour, amplifie leur voix commune ainsi que l’héritage de Patricia Pérez qui, espérons-le, perdurera par le biais de la consolidation de l’organisme qu’elle a fondé et l’inspiration que procure son engagement pour la justice, l’égalité et la dignité. Gracias Patricia!◄ 1 Cette recension est déjà parue dans la revue Relations, mars 2008, no. 723, p.39. 2 Scénario et réalisation : Charles Latour, production : Charles Latour/Macumba International, Canada, 2007, 43 min. Pour en savoir plus… Les travailleurs saisonniers agricoles, AECQ, avril 2008 Dès le début du printemps, quelque 4 500 hommes et femmes venus du Mexique et du Guatemala viennent travailler jusqu’en septembre sur 350 fermes situées dans plusieurs régions du Québec. Au printemps 2008, le Comité des affaires sociales de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec a produit un document qui se veut une réflexion sur l’apport indispensable de ces travailleurs et travailleuses dans la société québécoise. Cette publication décrit leurs conditions de vie et de travail durant leur séjour, alors qu’éloignés de leur famille, ils vivent parfois dans l’isolement et la solitude. Plusieurs pistes d’action sont proposées pour soutenir les travailleurs saisonniers, tant au plan social que pastoral. 10 VIvRe ensemBLe • VOLUME 15, N° 53 (PRINTEMPS/ÉTÉ 2008)