III. Traitements

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III. Traitements
III. Traitements
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1. Différentes hépatites/
différents traitements
Se faire soigner
1.1 Traitements des hépatites virales
D’après les expériences pratiques et la littérature scientifique, le traitement des hépatites virales a les mêmes chances de succès chez les patients toxicodépendants que chez
les autres patients. Ce genre de traitement devrait toutefois être réalisé par des médecins ou des établissements médicalisés maîtrisant à la fois le domaine des dépendances
et celui des hépatites virales (équipes interdisciplinaires). Le travail de réseau entre les
différents spécialistes concernés est fondamental.
Le traitement médicamenteux d’une hépatite virale n’est envisageable que chez les
patients présentant une stabilité physique, psychique et sociale suffisante pour garantir une adhérence optimale. Le risque de réexposition au VHC ou à des substances nocives pour le foie (surtout l’alcool) est accru chez les patients instables. Le sevrage et la
période qui le suit sont en général considérés comme phases instables durant lesquelles
l’indication au traitement d’une hépatite chronique doit être soigneusement soupesée. En revanche, le traitement d’une hépatite chronique en cours de traitement substitutif stabilisé, en ambulatoire ou lors d’un séjour résidentiel ou carcéral est envisageable dans bon nombre de cas.
Chez l’adulte, le risque de chronicité de l’hépatite C est de 80 % environ. De plus, chez les
personnes toxicodépendantes, la prévalence de l’hépatite C est élevée (entre 60-80%).
De ce fait, parmi l’ensemble des hépatites, le traitement de l’hépatite C chronique tient
une place prédominante chez les toxicomanes. Il a un certain nombre de contre-indications et d’effets secondaires. Abstraction faite des facteurs individuels, les chances de
succès en cas de traitement correctement mené se situent entre 50% et 90%, en fonction du génotype du virus de l’hépatite C (➞ chapitre III.1.5). Le génotype détermine
également la durée du traitement médicamenteux : de 24 ou de 48 semaines chez les
patients VIH négatifs.
En cas d’hépatite B, le risque de faire une atteinte chronique est beaucoup plus faible, de
l’ordre de 10 % environ chez l’adulte. Les chances de succès d’un traitement sont également plus faibles. Le traitement ayant des contre-indications et des effets secondaires,
l’indication doit être discutée avec des spécialistes.
Comme le virus de l’hépatite D n’apparaît qu’en concomitance avec le virus de l’hépatite B, ces deux types viraux font l’objet des mêmes directives de traitement.
Les hépatites A et E guérissent toujours et n’évoluent jamais vers une forme chronique.
Aucun traitement médicamenteux n’est donc requis.
1.2 Hépatite A et E
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Il n’y a pas de forme chronique. Pendant la phase aiguë, aucun traitement antiviral
n’est requis. Un traitement pour les symptômes qui peuvent accompagner l’hépatite
(nausées, etc.) peut être nécessaire. Il doit toutefois être prescrit après examen médical. Pendant cette phase, si le patient constate qu’il saigne plus facilement, par exemple
en se brossant les dents, il convient de l’adresser à son médecin traitant pour contrôler
les facteurs de coagulation. Ces derniers étant en partie synthétisés par le foie, ils peu-
vent manquer si l’hépatite est importante. Il n’y a pas de restrictions sur le plan alimentaire. La personne devrait toutefois éviter les repas lourds et gras et ne manger que ce
qui lui fait envie.
Après la phase aiguë, qui peut induire une fatigue transitoire importante, une période
de convalescence est indiquée. Ensuite, la vie peut reprendre comme avant. Il n’y a pas
de restriction alimentaire, l’exercice physique peut reprendre normalement.
En cas d’hépatite A à évolution grave (hépatite fulminante), une transplantation peut
être nécessaire.
1.3 Hépatite B (et D) aiguë
Chez la plupart des adultes atteints d’une hépatite B aiguë, la maladie guérit sans complications. Ils ne nécessitent donc aucun traitement médicamenteux. Dans le cas (rare)
d’une hépatite B aiguë à évolution grave (hépatite fulminante) avec une atteinte importante de la fonction hépatique, le patient doit être hospitalisé. Une transplantation
est parfois nécessaire.
1.4 Hépatite B (et D) chronique
Comme le virus de l’hépatite D n’apparaît qu’en concomitance avec le virus de l’hépatite B, ces deux types viraux font l’objet des mêmes directives de traitement.
La décision de traitement de l’hépatite virale B chronique repose sur :
L’activité du virus
L’importance de l’atteinte hépatique
L’âge du patient
Le taux probable de réponse au traitement
Les éventuels effets secondaires
Ce sont surtout les patients avec des valeurs hépatiques perturbées (plus de deux fois la
norme supérieure) et une atteinte hépatique en cours de progression ou avancée (fibrose, cirrhose) qui bénéficient du traitement.
Il existe deux types d’atteintes chroniques :
Multiplication (réplication) virale importante, caractérisée par la présence de certains
marqueurs (Ag HBs et Ag HBe positifs). Les dégâts à long terme et les risques de
transmission sont plus importants.
Multiplication virale plus faible (Ag HBs positif, Ag HBe négatif, Ac anti-HBe positifs).
En ce qui concerne les contre-indications et en cas de traitement de patients souffrant
d’une dépendance, les principes à suivre sont les mêmes que pour le traitement d’une
hépatite C chronique (voir plus bas). Le traitement est en général : antiviral (analogue
nucléosidique ou nucléotidique) ou injections d’Interféron pégylé. L’adhérence au traitement est très importante en raison du risque relativement élevé de développer des
résistances aux antiviraux, requérant alors l’adjonction de médicaments supplémentaires de cette classe. Le traitement dure entre 6 mois minimum et plusieurs années.
L’élimination virale avec la formation d’anticorps anti-HBs (séroconversion HBs) n’a été
obtenue qu’avec l’interféron.
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Le traitement permet de limiter la réplication virale, de réduire les perturbations hépatiques mesurées au niveau sanguin et de passer de la forme de réplication importante à
celle de réplication faible, mais rarement (<10%) de guérir l’hépatite B chronique. L’indication est posée par les spécialistes (hépatologue ou infectiologue).
Transplantation
hépatique
En cas de cirrhose avancée, la transplantation hépatique permet également d’obtenir
de bons résultats, mais une prophylaxie médicamenteuse associant un antiviral et une
immunisation passive régulière avec des anticorps de l’hépatite B sera nécessaire à vie
pour empêcher une nouvelle apparition de la maladie (récidive).
Mode de vie
Il est recommandé d’adopter une alimentation équilibrée et de réduire autant que possible la consommation d’alcool. En ce qui concerne l’activité physique, il n’y a pratiquement pas de restrictions, tant du point de vue professionnel que sportif. A l’inverse, rien
n’indique qu’une activité physique améliore de manière décisive l’évolution de la maladie.
1.5 Hépatite C
Hépatite C aiguë
L’hépatite C aiguë est en général découverte fortuitement, car elle se présente le plus
souvent de manière asymptomatique.
Une hépatite C aiguë symptomatique guérit spontanément dans environ 50% des cas,
c’est-à-dire que la virémie (ARN du VHC) n’est plus détectable après 6 mois. Ce taux de
guérison spontanée est inférieur en cas d’hépatite C aiguë asymptomatique (env. 30%).
L’hépatite C aiguë répond très bien à un traitement d’interféron alpha. Il faut attendre
3 mois avant de l’envisager. Son indication est posée par un centre spécialisé.
Hépatite C chronique
Les décès causés par les maladies du foie sont en augmentation chez les usagers de
drogues. L’hépatite C jouant un rôle important en ce sens, il est absolument nécessaire
de faire des investigations et de considérer le traitement chez chaque usager infecté.
L’objectif essentiel du traitement consiste à éliminer les virus de l’hépatite C afin d’empêcher la destruction progressive du foie et d’améliorer la qualité de vie.
Quatre génotypes prédominent en Europe de l’Ouest (génotypes 1–4). Outre la charge
virale, les sous-groupes de virus influencent les résultats de traitement, le choix du traitement et les examens de suivi. Au vu des données actuelles, les taux de guérison s’élèvent à 70–90% pour les génotypes 2 et 3 et 50% pour le génotype 1. Pour quelques génotype 4, un peu plus de 50%.
1.6 Adhérence des consommateurs de drogues
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Une adhérence satisfaisante est un élément primordial pour le traitement de l’hépatite
(et du VIH). Par adhérence, on entend l’aptitude, et du médecin et du patient, à s’engager pour des objectifs thérapeutiques définis en commun. Dans le cas de l’hépatite C, il
s’agit des rendez-vous de contrôle réguliers durant et après le traitement, des injections hebdomadaires et de la prise des médicaments prescrits. L’adhérence des usagers
de drogues peut être diminuée en cas de co-morbidités psychiques ou sous l’influence
de psychotropes. La possibilité de réunir en un seul lieu le suivi psychosocial et l’ensemble des soins, y compris somatiques, améliore l’adhérence, et pas seulement pour le
traitement de l’hépatite C. Plus le nombre d’institutions ou de cabinets dans lesquels le
patient doit se rendre est élevé, plus le risque de rendez-vous manqués ou d’interruptions de traitement est important. Un encadrement rapproché et intensif peut également avoir un effet favorable sur l’adhérence.
Le contexte de la substitution aux opioïdes est idéal pour mener le traitement de l’hépatite C. En cas de dépendance à l’héroïne, le traitement de l’hépatite C doit être le plus
souvent possible couplé à la substitution ou au traitement à l’héroïne. La remise des
médicaments pour l’hépatite se fait au moment des passages journaliers pour la prise
de la substitution. Il est ainsi aisé de revoir un patient qui aurait manqué un ­rendez-vous
de suivi pour l’hépatite C. Il peut être nécessaire d’augmenter temporairement la dose
de méthadone ou d’héroïne en cours de traitement contre l’hépatite C.
Une co-infection au VHB ou au VIH n’exclut pas un traitement, même chez les patients
sous traitement de substitution aux opioïdes. Le traitement des patients co-infectés
est plus compliqué et dure plus longtemps. Il relève de la compétence d’un centre ou
d’un cabinet spécialisé.
Traitements médicamenteux
et effets secondaires
1.7 Hépatite B (et D) chronique
L’indication pour le traitement d’une hépatite B chronique ne devrait être posée que
par des centres spécialisés, car de nombreux facteurs entrent en ligne de compte. Le
but du traitement antiviral est de supprimer de manière durable le virus de l’hépatite B
et de normaliser les valeurs hépatiques. Ces dernières jouent un rôle important dans le
choix du traitement. Une biopsie hépatique n’est pas absolument nécessaire.
Les médicaments suivants sont disponibles : lamivudine (Zeffix), telbivudine (Sebivo),
entecavir (Baraclude), tous des analogues nucléosidiques ; adefovir (Hepsera), un analogue nucléotidique et interféron pégylé (Pegasys, Pegintron).
Il existe des distinctions importantes en fonction de la forme évolutive de l’hépatite :
Hépatite B chronique
antigène HBe positif
La présence de l’Ag HBe (HBe positif) témoigne d’une réplication virale importante.
Le choix préférentiel est déterminé par l’hépatologue ou l’infectiologue en fonction des
transaminases. Il existe trois cas de figure :
Transaminases plus de 5 fois supérieures à la norme supérieure, absence de contreindication (➞ chapitre III.1.4) et prévision d’une bonne adhérence : l’interféron pégylé
durant plus de six mois est alors le premier choix. L’alternative est adefovir ou entecavir.
Transaminases entre 2 à 5 fois supérieures à la norme supérieure : le traitement de
lamivudine est indiqué. Il se prolonge jusqu’à six mois au-delà de la séroconversion de
l’antigène HBe ou jusqu’à l’apparition de résistances. Adefovir, entecavir et l’interféron pégylé sont des alternatives.
En cas de transaminases inférieures au double de la norme supérieure, aucun traitement n’est en général débuté.
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Hépatite B chronique
antigène HBe négatif
Chez les patients avec des transaminases supérieures au double de la norme supérieure, la lamivudine est préférée. Elle se prolonge jusqu’à 12 mois au-delà de la dis­
parition de l’ADN HBV ou jusqu’à l’apparition de résistances. Adefovir, entecavir ou
l’interféron pégylé sont des alternatives.
Les patients avec des transaminases plus basses ne sont en général pas traités.
Antigène HBs inactif
Chez ces patients, la charge virale est très faible, voire négative. Les transaminases
sont dans les limites de la norme et l’atteinte hépatique à la biopsie est minimale. Le
pronostic est généralement bon et le traitement n’est pas indiqué.
Traitement
Une adhérence élevée est fondamentale pour la réussite du traitement, en particulier
pour empêcher l’apparition de résistances précoces.
Interféron pégylé
L’interféron est une protéine physiologique naturelle qui active les défenses de l’organisme et empêche ainsi la multiplication des virus. La réponse immunitaire du corps est
donc renforcée. L’interféron pégylé est un interféron dont la molécule d’origine a été
couplée à une chaîne latérale de polyéthylène glycol, ce qui ralentit sa vitesse de diffusion et d’élimination dans l’organisme, de sorte qu’une seule injection par semaine
suffit. L’interféron pégylé présente un taux de succès plus important et a moins d’effets secondaires que l’interféron classique.
La guérison (éradication virale) de l’hépatite B chronique est rare (< 5%). Elle s’observe
par la séroconversion Ag HBs/anti-HBs. Il est toutefois indispensable que le traitement
soit instauré avant l’apparition d’une cirrhose.
Lamivudine/adéfovir/telbivudin/entecavir/tenofovir
Ces anti-viraux sont des substances chimiques de structure très semblable à celle des
séquences du matériel génétique viral. Dès lors, le virus confond ces substances avec ses
séquences génétiques d’origine, mais à la différence de celles-ci, il ne peut plus se multiplier après avoir intégré un analogue nucléosidique ou nucléotidique. Ces médicaments sont très efficaces, bien tolérés et peuvent être administrés sous forme de comprimés, contrairement à l’interféron. Mais, du fait de la longueur des traitements, ils
ont tendance à perdre de leur efficacité au fil des ans, suite au développement plus ou
moins rapide d’une résistance. Cette dernière dépend du médicament lui-même et de
facteurs individuels. Les risques de résistance et les avantages doivent être soupesés
avec soin. En cas de résistance, les thérapies combinées sont nécessaires. L’introduction de traitements combinés (une approche analogue à celle du VIH) dès le début du
traitement est actuellement discutée.
Effets secondaires
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La lamivudine est en règle générale bien tolérée. L’entacavir demande une surveillance
des fonctions rénales. L’adéfovir peut causer des symptômes digestifs (nausées, diarrhées). Pour les effets secondaires de l’interféron, voir chapitres suivants décrivant le
traitement pour l’hépatite C chronique.
Contrôles durant le
traitement
Durant le traitement pour l’hépatite B, des analyses de laboratoire régulières sont nécessaires. Un contrôle trimestriel des transaminases est recommandé lors d’un traitement analogue nucléosidique/nucléotidique. De même, pour un contrôle de la virémie
semestriel.
Durant le traitement par l’interféron pégylé des contrôles supplémentaires de la formule sanguine et des valeurs hépatiques doivent être régulièrement effectués. Il est
recommandé durant le premier mois, de les faire toutes les deux semaines. Et ensuite,
toutes les quatre semaines. De plus, des contrôles de la tyroïde doivent être effectués
tous les 3 mois.
1.8 Hépatite C chronique
Indication au traitement
L’indication au traitement est en constante évolution et discussion par les spécialistes.
A ce jour, la décision de traiter l’hépatite C se fonde sur les critères suivants :
1) Présence du virus de l’hépatite C dans le sang (virémie positive)
et atteinte hépatique avec fibrose portale et septale (score Métavir=F2), indépendamment du degré d’inflammation associée
ou virémie VHC positive avec génotype 2 et 3 et transaminases perturbées
ou si le patient souhaite être traité
et/ou que l’indication repose sur des manifestations extra-hépatiques (on peut
dans ce cas également renoncer à la biopsie).
2) Absence de contre-indication au traitement, c’est-à-dire :
dépression ou psychose décompensée
affections cardio-pulmonaires ou neurologiques avancées
maladie auto-immune
maladie préexistante maligne (sauf sous rémission prolongée)
anémie grave (<10g/dl)
indices d’une maladie hépatique avancée/décompensée
consommation non contrôlée d’alcool ou de drogues par voie intraveineuse)
Il faut également renoncer à tout traitement s’il y a un désir d’enfant dans un
proche avenir, car la Ribavirine présente un risque de malformation fœtale (cf. Effets indésirables). Certaines des contre-indications citées sont relatives (anémie,
abus ou dépendance à l’alcool, diabète, consommation de drogues en injection),
car elles peuvent être traitées ou stabilisées avant d’envisager le traitement de
l’hépatite C chronique (Informations en cas de consommation par voie intraveineuse ou nasale).
3) Demande et consentement éclairé du patient. Le patient a été informé en détail sur
les chances de succès du traitement, sur les effets secondaires potentiels et les risques de progression de la maladie en cas d’arrêt du traitement et maintient sa demande de traitement.
4) Adhérence du patient (pour suivre le traitement et les rendez-vous de contrôles réguliers) et modalités de remise du traitement (voir suivi thérapeutique et adhérence
des usagers de substances). La prise régulière de la médication pendant toute la durée du traitement (6 à 12 mois chez les patients VIH négatifs) est indispensable pour
sa réussite. L’expérience montre qu’il peut être difficile de prendre régulièrement
une médication pendant une période aussi longue. La réussite du traitement dé61
pend dans une large mesure des relations de confiance qui s’instaurent entre le patient et le médecin, en particulier lorsqu’il s’agit de traverser des phases plus délicates (envie d’arrêter à cause de la fatigue induite par le traitement par exemple).
Il est recommandé, si possible, de combiner le traitement contre l’hépatite C avec le
traitement de substitution. Souvent, il est judicieux d’augmenter temporairement les
doses de méthadone ou d’héroïne. Il est contre-indiqué d’effectuer ce type de traitement durant une cure de désintoxication ou moins de 6 mois après, à cause des risques
élevés de rechute.
Personnes en milieu fermé : résidentiels et prisons. Le traitement de l’hépatite C est
possible dans ces contextes. L’adhérence est même facilitée dans un tel environnement. En revanche, des précautions particulières sont absolument nécessaires pour
éviter une rupture du traitement lors de la sortie.
Traitement
Le traitement actuel de l’hépatite C chronique repose sur l’association d’interféron pégylé et de Ribavirine.
L’interféron pégylé est injecté en sous-cutané une fois par semaine, soit par un professionnel, soit par le patient formé à ce geste.
Les comprimés de Ribavirine doivent être avalés deux fois par jour à 12h d’intervalle,
avec les repas.
Il existe deux types d’interféron pégylé sur le marché (interféron pégylé alpha2a et interféron pégylé alpha2b). Il n’existe actuellement aucune étude comparative directe
pour ces deux options et le choix s’opère selon des critères individuels, le mode d’administration (le type de seringue n’est pas le même pour les deux médicaments) et les
coûts.
Posologie
Interféron pégylé alpha2a
Génotypes 1 et 4 (durée de traitement de 48 semaines) :
180µg interféron pégylé alpha2a sc
Ribavirine 5 ou 6 x 200mg (selon poids corporel, < ou > 75kg)
Génotypes 2 et 3 (durée de traitement de 24 semaines) :
180µg interféron pégylé alpha2a sc
Ribavirine 4 ou 5 x 200mg (selon poids corporel < ou > 75 kg)
Ribavirine 5 x 200mg > 75kg
Interféron pégylé alpha2b
La dose est adaptée au poids corporel :
Interféron 1,5µg/kg une fois par semaine, durant 48 semaines.
Ribavirine :
< 65kg : 800mg/jour (2 cp matin et soir)
65-85kg : 1000mg/jour (2 cp le matin, 3 cp le soir)
> 85kg : 1200mg/jour (3 cp matin et soir)
Génotypes 1 et 4, durée de 48 semaines.
Génotypes 2 et 3, durée de 24 semaines.
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Durée du traitement
Le génotype et la charge virale déterminent la durée du traitement : de 24 à 48 semaines chez les personnes VIH négatives.
La charge virale (virémie, ARN du VHC) est mesurée au début du traitement, après un
mois, trois mois et à la fin du traitement (voir aussi Suivi thérapeutique). Trois cas de
figure sont possibles : traitement achevé, traitement à interrompre en l’absence de
résultats, traitement à poursuivre.
Génotypes 1 et 4 : 48 semaines en général. Si la charge virale n’est pas négative à 3
mois ou n’a pas baissé d’au moins 2 log (d’au moins 100 fois), le traitement est interrompu, car les chances de réussite sont trop faibles par rapport aux risques (effets
secondaires).
Génotypes 2 et 3 : 24 semaines en cas de faible virémie. En cas de virémie élevée et de
non réponse virale à la 24ème semaine, le traitement dure 48 semaines.
Le dosage de la virémie à un et trois mois n’est pas indispensable, mais il sert à soutenir
la motivation des patients qui en ont souvent besoin en raison des effets secondaires
du traitement. Une virémie négative déjà après un mois de traitement est en effet un
très bon indicateur de la chance de réussite pour autant que le patient prenne bien sa
médication pendant toute la durée du traitement.
Suivi thérapeutique
pendant le traitement
Les prises de sang sont hebdomadaires pendant les 8 premières semaines, puis définies
selon l’évolution, mais au minimum une fois par mois :
Fonctions hépatiques (ALAT, bilirubine, etc.), toutes les deux semaines durant le premier mois et ensuite mensuellement.
La fonction thyroïdienne (dosage de la TSH) tous les 3 mois.
Dosage de la virémie (ARN du VHC) après un mois et trois mois (voir Durée du traitement) et pour les génotypes 1 et 4, un contrôle supplémentaire après 6 mois de traitement.
Si à la 4ème semaine, le taux de virémie n’est plus significatif, alors un raccourcissement de la thérapie peut être discuté.
Si à la 12ème semaine, le taux de virémie n’a pas diminué de plus de 2 log, le traitement peut être interrompu, car les chances de guérison sont très minces.
A la 24ème semaine, pour les génotypes 1 et 4, poursuivre le traitement uniquement
si le ARN VHC n’est plus décelable.
Suivi après le traitement
En cas de traitement mené à terme avec succès :
Doser la virémie (ARN VHC) et les fonctions hépatiques (ALAT) 6 mois après l’arrêt du
traitement.
Contrôle de l’hémogramme et des éventuelles autres anomalies sanguines (TSH) 3 et
6 mois après l’arrêt du traitement ou jusqu’à normalisation.
Chances de succès
Le traitement est considéré comme réussi et le patient déclaré guéri de son hépatite C
chronique, si la virémie (ARN VHC) reste négative 6 mois après l’arrêt du traitement. En
général, les transaminases (ALAT, ASAT) sont aussi dans les limites de la norme à ce
moment. Dans la mesure où elles peuvent être modifiées par d’autres facteurs, ce n’est
pas un critère d’échec du traitement si elles sont anormales lors de ce contrôle.
Les chances de succès se situent entre 50-90% selon le génotype, les génotypes 2 et 3 se
caractérisant par une meilleure réponse au traitement.
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Le taux de rechute après un traitement réussi (réponse soutenue à 6 mois après la fin
du traitement) est de 1 à 2% dans les 2 années suivant la fin du traitement (récidive tardive). En cas d’échec thérapeutique, un traitement ultérieur ne semble pas présenter
d’inconvénients et le patient garde toutes ses chances de guérison.
Traitements courts
En cas de virémie négative après seulement quatre semaines de traitement, ce dernier
peut être raccourci dans certains cas à 16 semaines pour les génotypes 2 et 3 et à 24
semaines pour le génotype 1. Des conditions suivantes sont nécessaires :
virémie faible (< 600’000 IU/ml) avant le début du traitement
absence de cirrhose
baisse de la Ribavirine en cours de traitement
bonne adhérence
Il est recommandé de poursuivre un traitement se déroulant sans problèmes pour toute la durée prévue, les résultats étant les meilleurs dans ces conditions. Le traitement
court est envisageable lorsque les conditions nommées ci-dessus sont réunies et que
des effets secondaires importants apparaissent.
Effets indésirables
Sur le plan somatique
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La nature et la gravité des effets secondaires varient selon les individus. Les principaux
effets secondaires se manifestent au début du traitement, c’est-à-dire dans les quatre
à six premières semaines, puis peuvent régresser progressivement.
Syndrome pseudo-grippal : apparaît dans les heures, voire les jours (en cas d’interféron pégylé) qui suivent l’injection. Symptômes : fièvre, maux de tête, fatigue, douleurs musculaires et articulaires. Ces symptômes peuvent être traités par la prise d’un
anti-douleur (paracétamol, 500mg 2–4 cp/j).
Fatigue : très fréquente. Elle peut diminuer en cours de traitement, mais ne disparaît
qu’après l’arrêt du traitement.
Nausées : souvent présentes en début de traitement (Ribavirine). En cas de persistance, un traitement symptomatique peut être prescrit.
Inappétence et perte de poids.
Baisse de la libido.
Chute ou raréfaction des cheveux.
Atteintes cutanées : sécheresse de la peau, parfois compliquée d’un eczéma avec démangeaisons. Elle peut être évitée si les patients prennent la peine dès le début du
traitement de se mettre tous les jours de la crème ou de la lotion nourrissante. Il faut
insister pour cela dès le début du traitement en particulier chez les hommes qui n’ont
en général pas l’habitude de ce genre de soins. Ces effets indésirables régressent lorsque la médication est interrompue.
Le traitement peut réactiver un psoriasis.
Hyperthyroïdie ou hypothyroïdie (rare). Il faut en général introduire un traitement qui
est bien supporté et ne contre-indique pas la poursuite du traitement de l’hépatite C.
Souvent, ce traitement peut être arrêté quelques mois après l’arrêt de la thérapie
pour l’hépatite C. Dans la mesure où le traitement peut entraîner des désagréments
pouvant affecter sa qualité de vie, il est indispensable que le patient en soit préalablement informé par son médecin traitant afin qu’il fasse un choix éclairé et qu’il puisse
discuter en cours de traitement de tout problème qui pourrait survenir.
Maladies dites auto-immunes (rares).
La Ribavirine peut provoquer des malformations fœtales et modifier le sperme. Pendant le traitement et au cours des six mois qui suivent, les hommes et les femmes doivent absolument éviter de concevoir un enfant. Une double contraception fiable et prise
adéquatement est donc indispensable pendant toute la durée du traitement et au
cours des six mois suivant son arrêt.
Sur le plan sanguin
Le traitement de l’hépatite C a des effets secondaires au niveau sanguin, d’où la nécessité des prises de sang régulières.
Effets lié à l’Interféron
Leucopénie : baisse du nombre des globules blancs (impliquées dans la réponse immunitaire contre les infections).
Thrombocytopénie : baisse des thrombocytes et des plaquettes (impliquées dans l’arrêt
des hémorragies). Ces baisses sont doses dépendantes et peuvent donc être corrigées
en diminuant la dose d’Interféron selon leur degré.
Effet lié à la Ribavirine
Baisse du taux d’hémoglobine, voire d’anémie en dessous d’une certaine limite. L’anémie peut occasionner une fatigue et de la peine à respirer notamment lors des efforts.
Cet effet dépend de la dose prescrite. Selon son importance, la dose de Ribavirine doit
être diminuée.
Cependant, la baisse des doses d’interféron et/ou de Ribavirine peut diminuer l’efficacité du traitement. Dans certains cas, le médecin peut décider de prescrire un traitement qui stimule la production de globules blancs et/ou de globules rouges (EPO ou
érythropoïétine). Leur prescription doit être justifiée auprès du médecin conseil de l’assurance maladie pour être pris en charge.
Sur le plan psychique
Aussi bien durant l’infection par l’hépatite C que durant son traitement, il existe le risque de développer une maladie psychique.
Différentes études montrent une prévalence élevée de troubles dépressifs (environ 2228% des personnes contaminées) et d’angoisses (chez 10-25%) lorsque la maladie n’est
pas traitée. On observe souvent des comportements à risque plus élevés chez les personnes présentant les troubles de la personnalité précédemment cités.
Les différents troubles psychiatriques peuvent influencer sensiblement le développement et le traitement de l’hépatite C. Il est également important de prendre en compte la co-morbidité psychiatrique des patients.
La prise de l’interféron peut avoir des effets secondaires neuropsychiatriques. Ils peuvent induire une réduction des doses et même un arrêt du traitement.
Effets secondaires
psychiques de
l’interféron
Changements d’humeur, instabilité émotionnelle et irritabilité : relativement fréquents.
Etats dépressifs : plus rares. Ils surviennent surtout en cas de prédispositions pour
cette atteinte. Dans ce cas, un traitement concomitant avec un antidépresseur
s’avère souvent très bénéfique.
Troubles du sommeil.
Etats anxieux.
Etats maniaques.
Troubles cognitifs (mémoire, concentration).
Etats confusionnels (rare).
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La survenue de ces effets secondaires explique en partie les difficultés rencontrées pour
débuter ou mener à terme un traitement chez les personnes toxicodépendantes. Cependant, connaissant cela, il est possible de soutenir activement un patient et d’améliorer son adhérence.
Les patients souffrant de troubles psychiatriques instables devraient être traités par
une équipe pluridisciplinaire ayant des compétences en addictologie, infectiologie et
hépatologie.
Le traitement de l’hépatite C est un processus de longue durée qui se prolonge pendant
plusieurs mois après le traitement antiviral. Le patient devra donc être vu par son médecin au moins une fois par mois.
Avant de commencer le traitement et en cours de traitement, il s’agit :
D’informer le patient et son entourage de ces risques, y compris les états de confusion, et répondre aux questions des intéressés.
En cas de symptômes dépressifs, de réagir rapidement en introduisant un traitement
adéquat, en expliquant que cette prescription est due aux effets secondaires de l’interféron et qu’elle ne sera plus nécessaire à la fin du traitement.
De proposer un traitement antidépresseur à titre préventif lorsque le patient a déjà
fait des dépressions, avec ou sans tendances suicidaires.
Chez les patients avec une instabilité psychiatrique, le traitement doit être confié à
des spécialistes ou à des centres compétents.
1.9 Informations en cas de consommation
Il existe un risque de réinfection par le virus VHC en cas de consommation de drogues
par voie intraveineuse ou nasale. Il faut donc en avertir les patients et leur expliquer
comment éviter la réinfection (➞ chapitre II. Prévention).
Si la personne qui souhaite traiter son hépatite C chronique est en phase de consommation active, il est souhaitable de la stabiliser au préalable avec un traitement de
substitution. Il est également important de rappeler régulièrement les consignes d’hygiène, car des consommations ponctuelles sont toujours possibles même chez des patients bien stabilisés. Ce sont eux d’ailleurs qui courent le plus de risques, car ils se retrouvent parfois face à une proposition de consommation tout à fait imprévue et n’ont
de ce fait pas de matériel stérile sur eux.
Dans le contexte d’une fin de traitement de substitution, en raison du risque de rechute
de la consommation, l’indication au traitement de l’hépatite C doit être bien réfléchie.
Alcool et traitement
contre l’hépatite C
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Aussi souvent que possible, il ne doit pas être consommé d’alcool durant le traitement
contre l’hépatite C. L’alcool n’a pas d’influence négative directe sur l’efficacité du traitement. Cependant, la consommation peut péjorer l’adhérence du patient et compromettre la poursuite du traitement. Pour les personnes ne pouvant s’empêcher de boire
de l’alcool durant le traitement, il faut être attentif à l’adhérence et prendre éventuellement des mesures pour l’améliorer.
1.10 Limitations et réticences quant au traitement de l’hépatite C
Affirmation
« Quand on est dépendant ou qu’on fréquente la scène, on ne peut pas suivre de traitement », ou bien : « On peut seulement suivre un traitement si on est intégré dans un
programme méthadone (ou qu’on bénéficie d’un traitement avec prescription d’héroïne) ».
Réponse
La consommation régulière de drogues ou la fréquentation de la « scène » n’est pas en
soi une contre-indication au traitement d’une hépatite chronique. Par contre, bien
souvent dans cette situation, il existe une certaine désorganisation existentielle qui
empêche le patient, même très motivé à être régulier dans son traitement. Le critère
décisif est la volonté et la capacité de la personne de suivre un traitement qui exige
beaucoup de discipline. Avant de commencer le traitement, il convient de discuter
concrètement de son organisation avec le patient, et de lui demander par exemple ce
qu’il prévoit de faire lorsqu’il est en manque, sans argent et qu’il a un rendez-vous chez
son médecin pour les injections, pour un contrôle sanguin. Il faut surtout lui proposer
de suivre momentanément un traitement de substitution. Les chances de réussite varient de cas en cas et doivent faire l’objet d’une évaluation commune entre le patient,
le médecin et éventuellement d’autres personnes de référence, compte tenu des antécédents.
Affirmation
« Les effets secondaires sont si pénibles qu’il vaut mieux ne pas suivre de traitement ».
Réponse
Les effets secondaires varient beaucoup d’un individu à l’autre et ne sont guère prévisibles. Par exemple, il n’est pas rare que le traitement n’induise aucun effet secondaire
chez des patients d’apparence très « fragile ». Inversement, des patients d’apparence
très « robuste » peuvent subir des effets secondaires graves nécessitant l’interruption
du traitement. La grande majorité des patients se situe toutefois entre ces deux extrêmes : il y a certes des effets secondaires, mais ceux-ci ne sont pas trop graves et peuvent
au demeurant être atténués par voie médicamenteuse. Les effets secondaires disparaissent progressivement à l’arrêt du traitement, tandis que les symptômes d’une hépatite chronique reviennent souvent pendant de nombreuses années.
Affirmation
« Le traitement rend dépressif ».
Réponse
Rares sont les patients qui développent une symptomatologie de dépression grave en
cours de traitement. L’expérience montre que les patients présentent fréquemment
des états d’humeur variable, ce qui est souvent assimilé à tort à un état « dépressif
grave ». En réalité, la dépression grave au sens psychiatrique du terme est rare.
Lorsqu’elle intervient, un traitement anti-dépresseur permet en général de pallier efficacement ce type de pathologie.
Affirmation
« Le traitement réussit rarement ».
Réponse
Selon le génotype et la médication prescrite, le taux de réussite atteint 50 à 90%. On
peut donc affirmer de bonne foi que le traitement est efficace pour de nombreux
­patients.
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Affirmation
« Le traitement n’est payé par personne ».
Réponse
Les consultations médicales et la plupart des médicaments décrits ci-dessus sont couverts par l’assurance-maladie. Le traitement de l’hépatite C figure au catalogue des
prestations de l’assurance-maladie de base. D’éventuels nouveaux médicaments qui ne
sont pas (encore) officiellement autorisés sont en général remis uniquement dans le
cadre d’essais cliniques ou de programmes « early access » et ne doivent donc pas être
payés par le patient.