Discographie de FAUST Il est difficile de rendre compte de toutes
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Discographie de FAUST Il est difficile de rendre compte de toutes
Discographie de FAUST Il est difficile de rendre compte de toutes les sélections et intégrales parues depuis l’invention du phonographe, même si elles furent relativement rares jusqu’aux années 1950. A partir de 1970, la notion « d’intégrale » se diversifie en fonction de la réintégration de certaines scènes, ou airs, traditionnellement coupés à la scène, de l’insertion du ballet au sein de l’acte de Walpurgis ou de son rejet en annexe. Plus délicat est la main mise des grandes firmes discographiques sur les distributions. Elles imposent, certes, de grands noms mais ces artistes sont trop souvent étrangers à l’esprit de l’œuvre ou s’expriment dans un improbable volapuk. Aussi, au risque de paraître pédant, on prendra le risque d’affirmer qu’aucune des intégrales actuellement disponibles n’est totalement satisfaisante. Si le quintette -ténor, soprano, baryton, basse, mezzo-, est celui du Trouvère ou de l’Aïda de Verdi, et compte non tenu des difficultés vocales respectives de chacun des rôles, il sera toujours plus facile de trouver des interprètes rompus à la prosodie et à la vocalité italiennes qu’à la prononciation et au style français. C’est le résultat regrettable d’un recul du répertoire français, non seulement sur les scènes étrangères mais surtout sur les scènes nationales. Il va de pair avec le déclin de l’école du chant français depuis quelques décennies. Cela peut expliquer, du moins partiellement, que Faust en fasse les frais. Le problème est moins grave pour les chefs d’orchestre, quelle que soit leur nationalité : ils dirigent, généralement, la musique symphonique française, ils en connaissent l’esprit qui se retrouve dans l’écriture de Gounod. Sélections Elles ont la vertu d’avoir gardé le témoignage, en studio, de chanteurs qui ont fait les beau soirs de l’Opéra Garnier ou des scènes internationales. On trouve chez Nimbus la réunion d’extraits, enregistrés entre 1906 et 1911, par Enrico Caruso, Geraldine Farrar, Antonio Scotti, non francophones mais confondants de pertinence stylistique, de beauté vocale et d’engagement, accompagnés par l’une des plus grandes basses françaises, Marcel Journet qui devait participer 20 ans plus tard, quelques mois avant de disparaître, mais alors moins convainquant, au premier enregistrement intégral électrique de l’œuvre. Sa leçon de chant devrait servir à tout apprenti Méphisto encore de nos jours. De façon peu compréhensible, il ne nous reste, chez EMI, que des extraits enregistrés entre 1929 et 1931, par Georges Thill dont la voix et le style étaient ceux-là mêmes exigés pour Faust : legato, projection, timbres sont parfaits. Il est un des rares interprètes à conclure sa cavatine sur un Ut émis en voix mixte d’un rayonnement absolu. L’année 1962 voit sortir trois sélections : chez Vega, les jeunes Alain Vanzo et Robert Massard, que l’on retrouve en live par ailleurs et, pour le second, dans une intégrale prestigieuse chez Decca. Style, articulation, beauté vocale sont au rendez-vous. Chez Orphée, Gustave Botiaux, à qui le studio n’a jamais réussi, accompagne l’excellente Marguerite d’Andrea Guiot, si injustement absente des studios par ailleurs, le Valentin de René Bianco et le Méphisto de Xavier Depraz. Philips présente le célèbre, et controversé, Tony Poncet, la plus jeune Marguerite d’alors, au Palais Garnier, l’Algéroise Irène Jaumillot et le Constantinois René Bianco, ici dans Méphisto. Beaucoup d’amateurs d’opéra les ont aimés, la critique jamais. À partir de l’avènement du CD, les extraits d’opéra se font rares. Une curiosité cependant : une version abrégée de l’intégrale de Michel Plasson, pour restituer les aigus traditionnels, impitoyablement interdits aux solistes dans l’intégrale, parue en même temps chez EMI. Cela concerne notamment le trio final. 1 Intégrales en langues étrangères Preuve du rayonnement international de l’œuvre à la fin du XIXe siècle, en 1908, le premier enregistrement intégral de Faust paraît en langue allemande, avec la prestigieuse Emmy Destinn, alors âgée de 30 ans, créatrice récente de Salomé et de La Fanciulla del West, aux côtés de Caruso. Une Marguerite imposante par les moyens vocaux déployés, loin de la frêle jeune fille attendue. Carl Jörn lui tient tête avec éclat (Discophilia). En 1920, la première intégrale en italien, avec les forces de la Sala, dirigées par Carlo Sabajno, reste anecdotique (His Master Voice). A la tête d’une distribution anglaise, neuf ans plus tard, Thomas Beecham dirige son premier Faust avec, dans le rôle titre, Heddle Nash, mozartien distingué. En allemand, le grand ténor danois, Helge Rosvaenge, enregistre plusieurs fois le rôle de Faust : en 1937, sous la direction de Joseph Keilberth, puis celle de Heinrich Steiner en 1938, à la radio berlinoise, dans un son étonnant pour l’époque. Dans ces mêmes années, il chantait le ténor italien du Rosenkavalier, Tamino de La Flûte enchantée, mais aussi le Florestan de Fidelio, au Festival de Salzburg et Parsifal au Festival Bayreuth ! C’est dire l’extrême souplesse d'une voix éclatante et généreuse. Difficile d’apprécier le style du célèbre chanteur avec, pour la seconde version, une direction erratique et la présence d’un Méphisto, Michael Bohnen, dont la prestation ahurissante d’histrionisme et son indifférence aux indications de la partition, rendent inaudibles la plupart des scènes. Il existe d’autres témoignages de Rosvaenge, dont une en 1942. Il n’est pas sûr que les publics, autres que germaniques, les trouvent indispensables. Deux enregistrements, en russe, datant de 1947 (Mez-Kniga) et 1948 (Lys) ont, tous deux sous la direction de Vassily Niebolssine, le même couple vedette, la soprano Yelizavieta Choumskaya et le ténor Ivan Kozlovsky dont on peut ne pas aimer la voix un peu nasillarde, mais au style racé et à la quinte aiguë impeccable ; Alexander Pirogov, puis Mark Reizen, sont marquants dans Méphisto, le second particulièrement. Les Britanniques n’ayant pas renoncé à publier des opéras dans leur langue nationale, on trouve une intégrale en anglais, chez Chandos, relativement récente, qui offre une belle homogénéité tant chez les solistes qu’à l’orchestre. Intégrales en français Les Français relèvent le défi allemand de la première intégrale, en 1911-1912, avec une intégrale en 56 faces de 78 tours. Malgré les problèmes techniques de l’époque, on y trouve la scène de la chambre, sans la romance de Siébel, et l’intégralité du ballet ! Signalons l’élégance stylistique de Léon Beyle, alors grand interprète de Werther et de Des Grieux. Il possède l’exacte tessiture du rôle de Faust. La voix de Jeanne Campredon passe moins bien la précarité de la restitution sonore. Saluons en elle, la créatrice, en France, du rôle de la Maréchale du Chevalier à la rose, et la grande pédagogue qu’elle fut, unanimement respectée par ses élèves : au Conservatoire d’Oran, elle guida les premiers pas du tout jeune Juan Oncina. La première intégrale « électrique », reprise chez Andante, remonte à 1930. Elle est dirigée par le dernier élève de Gounod, Henri Busser, nourri à la tradition française avec totale maîtrise du style. C'est la seule intégrale de César Vezzani dont on peut ne pas aimer les contre-uts à l’arrachée, mais il est difficile de nier la beauté du timbre et la diction impeccable. Il offre un mélange étonnant entre élégance française et force vériste. Le grand Marcel Journet, à 62 ans, tient le rôle de Méphisto qu’il a chanté sur toutes les grandes scènes de l’Ancien et du Nouveau Monde. Vraie basse chantante, il a marqué ce rôle qu’il disputait à Pol Plançon et Chaliapine. La difficulté de ce rôle est d’en faire ressortir l’ironie subtile qui se mêle à l’affirmation de sa puissance, l’humilité feinte au sarcasme assassin, la servilité aux éclats orgueilleux. La voix de Journet savait se faire tour à tour enjôleuse et terrifiante. Sans chauvinisme aucun, les Français, comme Pernet, ont excellé dans l’art de rendre toutes les 2 subtilités de ce rôle, talonnés par certains Italiens, enregistrés sur scène au Metropolitan Opera dont la première captation en direct, avec Ezio Pinza, remonte à 1940. On le retrouve en 1940, 1943, 1944 ; Cesare Siepi lui succède en 1950, 1951, 1955, 1959. Certaines de ces versions sont reprises dans la collection Naxos. Dans les mêmes lieux, en 1944, Thomas Beecham dirige le Faust de Raoul Jobin qui rappelle quels excellents Roméo et Werther il fut. Cette même scène voit passer dans le rôle éponyme, Giuseppe Di Stefano, en 1949, et Jussi Björling, en 1950 et 1959 : le premier, avec une générosité toute latine ; le second, avec un style impeccable, un timbre exceptionnel, qui fait croire à la tendresse déchirée, mais sincère, du héros pour Marguerite. On regrette qu’il n’ait jamais participé à une intégrale en studio. En 1948, Beecham, dans un Londres qui sort difficilement de la guerre, l’une des dernières intégrales avec une distribution entièrement français (RCA, Naxos) : le vétéran Gérard Noré, la Marguerite préférée des Français, Géori Boué, éblouissante à la scène, mais au style maniéré au disque, son époux d’alors, Roger Bourdin, hors propos dans Valentin, et le Méphisto prometteur de Roger Rico. Cela vaut surtout par le souffle que sait insuffler le chef à son équipe. De tous les témoignages laissés par Victoria de Los Angeles -notamment, en live, dirigée par Pierre Monteux-, c’est sa prestation officielle en 1953, sous la direction d’un André Cluytens inspiré, avec l’Opéra de Paris, Nicolaï Gedda, Boris Christoff, qui reste son témoignage le plus touchant : elle traduit sa naïveté sans mièvrerie et son évolution avec une grande vérité psychologique. Gedda n’a pas encore l’envergure vocale du rôle s’il en a l’intelligence. Reste la prestation de Christoff : le grand Boris ou l’impression Philippe II, qu’il a incarnés, n’ont rien à voir avec Méphisto, créé par une basse chantante au Théâtre-Lyrique et un baryton, Faure, à l’Opéra de Paris. Non seulement, il reste étranger au style de Gounod, mais son français reste incompréhensible, son interprétation tourne au grotesque. De plus, il lance, hélas, la mode des basses slaves dans ce rôle. Leurs voix plus « grandes », plus sombres ne peuvent pas toujours traduire la subtilité du personnage. Certains interprètes n’ont pas toujours le sens de la mesure qui leur permettrait d’éviter les outrances. Cluytens retrouvera, en 1958, pour la stéréo, la même équipe, sans amélioration notable. 1963 voit la parution, à la Guilde du disque, une version avec Léopold Simoneau et son épouse Pierrette Alarie. Le talent de mozartien du premier, celui de soprano lyrique de la seconde ne sont pas en cause, mais ils sont sur distribués. La véritable première intégrale paraît en 1966, chez Decca, avec la restitution intégrale de la scène de la chambre et de quelques fragments retrouvés, sous la direction de Richard Bonynge qui inverse l’ordre des scènes entre l’église et le retour des soldats. La distribution est éblouissante : Franco Corelli, Joan Sutherland. Les voix sont d’or, le style de pacotille, la diction bradée. Seul le Valentin de Robert Massard sait ce qu’il chante et le fait magnifiquement. Dans l’entre-deux, Nicolaï Ghiaurov avec une belle voix n’a pas vraiment le style de Méphisto. Seule la direction intelligente du chef emporte l’adhésion. La version d’Alain Lombard, avec l’Opéra du Rhin, Giacomo Aragall et Monserrat Caballé, chez Erato, fut très bien accueillie en 1976. La direction, qui se veut solennelle et impressionnante, respire un ennui qui gagne tous les interprètes. Le Méphisto de Paul Plishka est à fuir, le Valentin d’Huttenlocher est inexistant. Seule la Dame Marthe de Jocelyne Taillon retient l’attention, c’est peu. En 1979, le grand chef français, Georges Prêtre, dirige deux monstres sacrés, Plácido Domingo, Mirella Freni et de nouveau un Nicolaï Ghiaurov sans surprise, chez EMI. Si le premier chante un français d’une qualité qu’il n’a pas toujours eu dans cette langue, ce n’est pas toujours le cas de la seconde. Leur prestation vocale est de haut niveau. C’est Freni qui, à l’instar de ce qu’on peut constater dans d’autres prestations prises sur le vif, montre le mieux la transformation de la timide jeune fille en femme passionnée. Cela tient, il est vrai, à une interprétation italianisante de la partition mais qui reste acceptable. Un Thomas Allen, 3 intéressant en Valentin complète une équipe bien menée par le chef. C’est la première version qui relègue le ballet en annexe -mais Faust chante sa chanson bachique. En 1986, la version Colin Davis, chez Philips, est une bonne surprise pour la finesse de la lecture de la partition. Francisco Araiza ne tient pas jusqu’au bout les promesses que le premier acte laissait espérer. Kiri Te Kanawa ne convainc guère et Evgeny Nesterenko n’a rien compris à son personnage. Andreas Schmidt est oubliable en Valentin. EMI publie, en 1990, le témoignage de Michel Plasson, grand spécialiste du répertoire français du XIXe siècle, avec le Capitole de Toulouse. Richard Leech, Cheryl Studer, Thomas Hampson sont tous remarquables par leur style et leur français impeccable. Mais aucune émotion ne passe. Reste le Méphisto de José Van Dam. Baryton-basse, ce qui correspond aux intentions du compositeur, au style et à la diction impeccables, il crée un personnage énigmatique, très intellectualisé qui frustre un peu l’auditeur à qui manque l’image du grand comédien qu’il est. La version de Carlo Rizzi, parue chez Teldec, en 1993, n’a pas d’autre intérêt que sa valeur documentaire : ni Jerry Hadley, Cecilia Gasdia, Alexandru Agache, n’ont pas la dimension vocale de leurs personnages. Le Méphisto de Samuel Ramey impressionne par la somptuosité de la voix mais il reste extérieur du livret et de la partition. En revanche, à ce jour c’est le seul essai de reconstitution de la partition originale par la reprise du travail fait par Oeser pour retrouver toutes les scènes et fragments supprimés, avec toujours le rejet du ballet en annexe. Il serait injuste d’oublier, en live, Alfredo Kraus, Renata Scotto que l’on retrouve en vidéo. À voir La musique elle-même oscille entre la tessiture du fort ténor, comme lorsque Faust s’apprête à avaler le poison. De même si l’air des bijoux convient à une première chanteuse à roulade, catégorie dans laquelle entrait Mme Miolan-Carvalho, la scène de l’église exige une voix plus dramatique. De même, Méphistophélès fut longtemps distribué à des basses chantantes d’opéra-comique qui conviennent très bien à la Ronde du veau d’or, mais son entrée « Me voici » convient mieux à une grande basse d’opéra. Il est rare qu’un opéra s’inspirant d’une œuvre subversive et originale de la littérature romantique soit devenu un tel succès populaire. son prétendant brûlant d’un amour et vertueux, non payé de retour, quasiment une création nouvelle, afin d’introduire davantage d’action. Arrigo Boito, avec son Mefistofele (1864), déplace le centre d’intérêt de la légende sur le personnage diabolique. Lili Boulanger obtient le prix de Rome, en 1913, avec sa cantate Faust et Hélène qui s’intéresse, comme l’indique son titre, à la seconde partie du Faust de Goethe. Le Doktor Faustus de Ferrucio Busoni, contemporain de Mahler, enfant prodige et pianiste exceptionnel, se signale par son souffle lyrique authentique. Il offre la particularité de confier le rôle de Méphisto à un ténor et celui de Faust à une basse. Le compositeur travailla inlassablement à son opéra, sur le thème de la quête de l’artiste, de 1916 jusqu’à sa mort en 1924, le laissant inachevé. 4