Le Monde 8 Décembre 2016 - Cursus Master en Ingénierie
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Le Monde 8 Décembre 2016 - Cursus Master en Ingénierie
L’orientation nouvelle génération «LeMonde»créeO21pouraider les1625ansàfairedeschoix adaptésàlasociétédedemain AU PROGRAMME D ’ O21 Huit conférences interactives animées pendant deux jours par des journalistes du Monde, irriguées par les témoignages vidéo de 35 personnalités (start-upeurs, chefs d’entreprise, universitaires…) et avec pour intervenants les acteurs de l’écosystème enseignement supérieur-innovation régionale. OÙ? A Lille les 6 et 7 janvier 2017, dans le grand auditorium du Nouveau Siècle. A Cenon (Gironde) les 10 et 11 février, au Rocher de Palmer. A Villeurbanne les 15 et 16 février, au Théâtre national populaire. A Paris les 4 et 5 mars, à la Cité des sciences et de l’industrie. JOUR 1 Inventer sa «voie royale» ........ . p.2 9h30: A qui me fier? Mes notes, mes potes, mes rêves? 11h30: Entre «fun» et «safe», faut-il absolument choisir? Intelligence artificielle: alliée ou adversaire ? ................... p.3 ILLUSTRATION : PABLO BISOGLIO O 21. O pour orientation, 21 pour ce siècle, qui remet en cause les ha bitudes forgées depuis la naissance des uni versités et l’invention de l’imprimerie, au nom desquelles l’accumulation de savoirs garantit une place de choix dans le monde du travail. Les mutations liées au numéri que ont changé la donne et, chaque jour, des métiers existants sont trans formés et de nouvelles fonctions s’in ventent. Plus que jamais, il est essen tiel de comprendre le monde de demain pour faire les bons choix aujourd’hui. C’est pour aider à cette compréhension que Le Monde a créé O21/s’orienter au XXIe siècle, thé matique que vous retrouvez au quoti dien sur le site Le Monde.fr dans une rubrique spéciale (Le Monde.fr/O21), toutes les semaines dans la page Cam pus du quotidien, et aujourd’hui dans ce supplément. Il fait la part belle aux témoignages: ceux des jeunes, que nous avons inter rogés sur les questions d’orientation les plus incandescentes (passion ou raison, «safe» ou «fun», argent ou sens, etc.), mais aussi ceux d’une trentaine de per sonnalités de 19 ans à 85 ans qui ont accepté de traduire en conseils d’orien tation pour les 1625 ans leur vision du Cahier du « Monde » No 22364 daté Jeudi 8 décembre 2016 Ne peut être vendu séparément futur, parmi lesquelles Boris Cyrulnik (psychiatre), Henri Atlan (biologiste), Cédric Villani (mathématicien), Pascal Picq (paléoanthropologue), Joël de Ros nay (futurologue), Xavier Niel (patron de Free et créateur de l’Ecole 42, action naire à titre individuel du Monde), Sébastien Bazin (PDG d’Accor), Frédéric Mazzella (fondateur de Blablacar)… Vous les retrouverez, en vidéo, sur les plateaux des quatre événements O21 exceptionnels que nous organisons de janvier à mars 2017 à Lille, Cenon (dans l’agglomération bordelaise), Villeur banne et Paris. Nous avons, en effet, souhaité per mettre une rencontre entre les acteurs de ce monde en mutation et les lycéens et étudiants. Pendant deux jours, ces derniers pourront ainsi interagir avec des personnalités issues de l’enseignement supérieur, du monde de l’entreprise, du monde associatif ou de startup. Deux jours pendant lesquels découvrir aussi comment la jeune génération peut s’inscrire dans les nouveaux défis du XXIe siècle. Des rencontres, en marge des tables rondes, seront également proposées aux jeunes avec tous les intervenants. Nous espérons vous y rencontrer. p laure belot et emmanuel davidenkoff 14 heures: Trouver ma place dans un monde de robots. 16 heures: Big data, code, Internet des objets… Les clés du nouvel eldorado JOUR 2 Cultiver sa différence..................... p.6 9h30: La créativité, ça s’apprend? 11h30: Comment éviter l’autocensure? Inventer un monde meilleur… utopique?............................................ p.7 14 heures: Certains métiers ont-ils plus de sens? 16 heures: Finalement, où se forme-t-on le mieux pour demain? Et aussi des ateliers participatifs et interactifs: conseils en orientation, raisonnement créatif, rencontres, ateliers de coding, etc. Inscription gratuite sur LeMonde.fr/O21 2 | s’orienter au xxie siècle 0123 JEUDI 8 DÉCEMBRE 2016 Entre «fun» et «safe», faut-il choisir? Pourconcilierpassionetsécuritédel’emploi,lycéensetétudiantssaventqu’ilsdevrontfairepreuvedesouplesse Q uand on a la quasicertitude de s’écraser, autant profiter du pay sage. » Raison pour laquelle Léo, 25 ans, prend son temps. Bac ES en poche, il s’était, dans un pre mier temps, lancé dans des étu des d’administration économi que et sociale (AES). Un choix « sans passion ni dégoût » mais sécurisant, « pour faire plaisir » à ses parents. Après s’être aperçu qu’il ne « pourrait pas aller loin » sans plus de motivation, il a choisi de prendre le virage du « fun » en postulant dans une école de cinéma où il est aujourd’hui un étudiant heureux : « J’ai conscience que réalisateur n’est pas un métier, tout juste une passion qu’on a parfois la chance d’exercer si un producteur parie sur vous. » Fautil privilégier la stabilité financière et le marché du travail ou bien ses aspirations et son envie de liberté? Comme Léo, les dizaines de jeunes lecteurs qui ont répondu à l’appel à témoignages que nous avons lancé sur Le Monde.fr font état de ce tiraillement entre fun et safe, entre une orientation vers un métier sûr, balisé, et celle vers une vie profes sionnelle en apparence passionnante mais plus incertaine. Ils font aussi parfois état de ce déclic − une rencontre, un voyage, un burn out… – qui les a fait passer de l’un à l’autre. Mais, en première intention, les détermi nants du choix se veulent rationnels: on cher che la sécurité de l’emploi, on identifie les sec teurs porteurs… La lancinante persistance d’un taux de chômage des jeunes élevé, sur fond de crise économique, ne laisse pas indif férents les étudiants et leur famille: un son dage Harris Interactive de mars 2016 montrait même que seulement 16% des 1825 ans esti ment qu’il est facile de trouver un emploi. Ont ils encore le droit, dans cette situation, de prendre des risques dans leur orientation et leur métier, d’écouter leurs envies? Poussée par des parents « trop soucieux de [son] avenir », Armelle, 30 ans, raconte ainsi avoir cherché « l’emploi safe », sans doute «trop safe», en enchaînant une école d’ingé nieurs puis un master en école de commerce – martingale parfaite du jeune diplômé. Aujourd’hui dans la direction financière d’une grande entreprise française, elle gagne bien sa vie et ne pourra « jamais être virée, à moins d’insulter son patron ». Mais elle craint une « carrière longue et peu stimulante ». Un peu comme Mathieu, 25 ans, auditeur financier à Lyon, qui a choisi de « jouer le jeu de l’entre prise» traditionnelle plutôt que de «défier l’or dre établi et de risquer la précarité». Il n’attend «rien» de cette entreprise, si ce n’est qu’elle lui «offre un niveau de vie au moins égal à celui de [ses] parents ». Et espère que le fun de sa vie personnelle compensera. Burnout « L’aspect “sûr” ou non des métiers est plus prégnant qu’avant dans les questions que nous posent les jeunes », confirme Clémence Nommé, psychologue au Centre d’orienta tion et d’examens psychologiques (Corep) de Paris. « Ils sont à la fois inquiets des débouchés et ont l’impression qu’ils vont rater leur vie s’ils ne prennent pas la bonne voie, expliquetelle. Mais ils sont en même temps assez conscients qu’ils vont devoir faire preuve de souplesse dans leur vie professionnelle, changer de métier, s’adapter. » « Soyez qui vous êtes ! Faites ce qui vous plaît ! », conseille, dans ce contexte mouvant, Pierre, 31 ans. Diplômé de l’Ecole des mines de Douai, il lui aura fallu six ans dans le monde de l’industrie et un burnout pour prendre du recul, tout plaquer et, finalement, ouvrir son cabinet de naturothérapie. « Mes revenus ont été divisés par 5 environ, mais mon sourire multiplié par 500 au moins », expliquetil. « Travailler dans une entreprise est le meilleur moyen de tuer sa créativité », estime égale ment Tiphaine, graphiste de 26 ans qui a choisi de devenir autoentrepreneuse après deux ans au sein d’une entreprise. « Certains mois sont meilleurs que d’autres et je travaille rarement moins de onze heures par jour, mais je suis bien plus épanouie dans mon boulot », analysetelle. De fait, estime Nicolas Galita, spécialiste en recrutement et auteur du blog Dessinetoi un emploi, « la possibilité de se réaliser pleine ment dans un métier est inférieure dans le modèle salarié ». Un boulevard pour l’entre preneuriat, même s’il « ne faut pas négliger les petites entreprises qui permettent de faire plein de choses ». Aujourd’hui, si 44 % des diplômés des grandes écoles veulent travailler dans un grand groupe, ils sont 35 % à vouloir créer leur entreprise et autant à vouloir travailler dans une petite structure. « Grande boîte, petite boîte, entrepreneuriat, etc. : le plus important est de ne pas se laisser aspirer par le modèle des autres, de prendre le temps de se poser et de s’interroger sur ce qu’on veut vraiment », conseille Nicolas Galita. Quant à ceux qui ont encore besoin d’un peu de temps pour découvrir leur fun, ce qui leur donnera envie de se dépasser et de prendre des risques, Nicolas Galita conseille de « choisir la voie qui ferme le moins de portes ». En multipliant les expériences et les rencontres pour se connaître. Et en sortir rapidement. p séverin graveleau Deux conférences d’O21 seront consacrées à ces thèmes: «A qui me fier? Mes notes, mes potes, mes rêves?» et «Entre “fun” et “safe”, fautil absolument choisir?». Retrouvez le programme sur Le Monde.fr/O21. «Fairelebilandeses compétencesdevie» SelonlepsychiatreXavierPommereau,il fautdédramatiserlechoixd’orientation E ntre connaissance de soi, évolution du milieu pro fessionnel et projections des parents, le directeur du Pôle aquitain de l’adolescent à Bordeaux et psychiatre Xavier Pommereau explique pourquoi l’orientation est un sujet com plexe et anxiogène. « Qu’est ce que tu veux faire comme métier ? » Pourquoi cette question estelle si angoissante ? Parce qu’on demande aux jeu nes de faire un choix d’orienta tion précis alors qu’ils voient bien que la trajectoire des gens qui sont épanouis dans leur métier n’est pas rectiligne. Ils ont, en général, pris une voie, changé, puis suivi des chemins de traverse, etc. Il est donc pri mordial de dédramatiser ce choix d’orientation, car ce n’est pas à ce momentlà que les cho ses se décident. Il ne faut pas se fixer un cap intangible, mais une direction susceptible d’évoluer. En se disant que les contraintes et les opportunités, le marché du travail, la pression des parents, ses envies ou ses voyages sont susceptibles de la modifier. La voie royale, si elle existe, n’est jamais écrite à l’avance. Comment faiton pour se connaître ? Il faut voyager, multiplier les rencontres, les prises de risque… Puis, lorsque l’heure du choix approche, essayer de faire son bilan de compétences avec les autres. On ne parle pas ici des compétences scolaires, mais des compétences de vie : ce qu’on sait faire, qui on est. Cet exercice ne doit pas se faire avec les parents, qui ne sont pas objectifs et ne mesurent pas toujours combien ils rejouent ce qu’ils auraient aimé faire à travers les projections sur leur enfant. On peut s’isoler avec d’autres personnes bienveillantes de son entourage (un oncle, un ami, etc.) et leur demander : « D’après toi, je suis bon en quoi ? » Il faut noter noir sur blanc là où on est bon, selon eux. Et, en face, là où on l’est moins. On décide ensuite, après y avoir réfléchi cal mement, un choix d’orientation qui prend en compte ces diffé rents éléments. Entre « fun » et « safe », entre un métier en phase avec ses désirs ou son envie de liberté et un autre qu’on imagine plus stable, fautil choisir ? Il n’est ni possible ni souhaita ble de choisir entre l’un et l’autre. Ce qui rend la vie intéressante, ce sont justement la souplesse et l’adaptation. Quel métier est encore safe aujourd’hui ? Nous sommes dans une époque de bouleversement du monde du travail sur fond, entre autres, de révolution numérique, de chan gement des modes de vie, de remise en cause de la production industrielle massive. Dans les années qui viennent, des dizai nes de nouveaux métiers vont apparaître. Ils accorderont sans aucun doute une place plus importante à la créativité. Cela ouvre des perspectives incroya bles pour ceux qui doivent s’orienter aujourd’hui. p propos recueillis par sé. g. s’orienter au xxie siècle | 3 0123 JEUDI 8 DÉCEMBRE 2016 Une place dans un monde de robots Intelligenceartificielleetbigdatabouleversenttouslesdomainesd’activité,horsduchamptechnologique L’ idée paraît simple : donner à cha que patient atteint d’un cancer un traitement personnalisé et éviter ainsi les cures inutiles ou entraînant trop d’effets secondai res. Le processus de recherche sur lequel s’appuie cette idée est, en revanche, beaucoup plus complexe. Il fait appel à l’intelligence artificielle (IA) et à des algorithmes capables de corréler les caracté ristiques de chaque malade à l’efficacité des traitements à partir d’une base de données de 140 000 patients. En plus d’être oncologue et chercheur, Jean Emmanuel Bibault, 33 ans, se définit comme un « autodidacte », tombé dans l’informati que tout petit. « Je créais des pages Web pour m’amuser quand j’étais au collège. Quelques années plus tard, pendant mes études de méde cine, pour rendre service à l’association des internes, j’ai conçu une première appli. Puis j’en ai développé une autre pour détecter les signes de cancer du poumon, que j’ai revendue à une entreprise israélienne. » Une rapidité d’action qui tranche avec le tempo de la recherche médicale, qui propose de nombreux appels d’offres pour l’utilisation de nouvelles molé cules mais « où il est difficile d’obtenir des financements pour la recherche en intelligence artificielle », explique le chercheur du Centre de recherche des Cordeliers, à Paris. Sans compter, ajoutetil, les « craintes et fantas mes » que suscite l’IA chez les médecins. Comme JeanEmmanuel Bibault, des dizai nes de personnes ont répondu à l’appel à té moignages «Vous révolutionnez votre métier avec des algorithmes» lancé par Le Monde.fr. Témoins ou acteurs d’un phénomène qui s’amplifie, ils ont raconté leur histoire singu lière au moment de l’arrivée massive des algo rithmes, de l’IA et du big data dans tous les secteurs professionnels : finance, logement, transport, médecine, agriculture… Au cœur de cette révolution technologique, ceux qui créent se considèrent souvent comme des «autodidactes». Alexandre Girard, 31 ans, a commencé par créer des sites Web à l’adoles cence pour les commerçants de son quartier parisien, récoltant un peu d’argent de poche au passage. Des années et une école d’ingénieurs plus tard, il est employé par une société de ser vices en ingénierie informatique et travaille dans le secteur de la grande distribution. Mais son credo demeure le commerce de proximité. «J’ai fait plusieurs tentatives. D’abord j’ai créé un site qui permettait aux étudiants de revendre leur matériel. En médecine, par exemple, les bis touris neufs coûtent 700 euros. Mais Leboncoin est arrivé. Puis j’ai imaginé répertorier des bons plans et réductions. Mais Groupon est arrivé.» Il a donc inventé Stopcarotte.com, un site qui compare les prix des produits dans son quar tier, du café en terrasse au lissage brésilien en passant par les croissants à la boulangerie. «J’ai recréé un référentiel permettant aux consom mateurs de comparer les prix des produits de proximité qui n’ont pas de codebarres.» Ce bouillonnement technologique est aussi directement connecté à l’intime. Thibault Duchemin, 24 ans, ingénieur des Ponts et Chaussées, étudiant à l’université de Californie à Berkeley, raconte avoir découvert l’IA un peu par hasard. «Je suis né seul entendant dans une famille sourde, j’ai développé une IA qui permet aux malentendants de comprendre ce qui se dit dans une conversation en temps réel.» Questions millénaires Parfois, il s’agit aussi de répondre à des questions millénaires : « Pourquoi les récoltes de cette année ont été faibles ? Quelles variétés semer l’an prochain ? » Sylvain Delerce, 31 ans, agronome et chercheur à Cali (Colombie) au Centre international de l’agriculture tropi cale, utilise des algorithmes pour répondre à ces questions. « Nous analysons les données de centaines de milliers de champs et nous pou vons identifier les principaux facteurs limi tants du rendement ou de la qualité. Pour cela, nous utilisons des algorithmes de machine learning – l’apprentissage des machines. » Mais dans ce monde en rupture perma nente, les compétences sont vite menacées Comment les salariés vivent ils les mutations des métiers dues au numérique ? Il y a une grande confusion parce que, tous les dixhuit mois, les entreprises opèrent des chan gements managériaux et les sa lariés ne savent pas s’ils sont im putables aux nouvelles techno logies ou à un effet de mode de management. On internalise, on externalise, on affecte par pro duit, par zone géographique, puis on fait du transversal à nou veau. Très souvent, le numéri que sert de justification pour ac compagner ces changements. Le capitalisme financier numéri que bouleverse tous les secteurs sans exception et raccourcit les temps de réaction. Comment s’y retrouver si l’on ne redonne pas de place à l’écoute, au débat, à l’intelligence collective et si l’on prétend qu’il existe comme une fatalité numérique ? Quel doit être le rôle de l’éducation dans le monde que vous décrivez ? Il faut remettre au centre l’idée du « faire » dans l’apprentissage, une notion qui est terriblement déclassée dans la société fran çaise. L’irruption du numérique doit y participer et transformer la pédagogie. La philosophie du learning by doing [« apprendre par l’expérience »] doit, par exem ple, être plus répandue. Avec les imprimantes 3D, on visualise mieux ; pourquoi ne pas s’en ser vir en cours ? Il faut aussi ap prendre la logique algorithmi que, car c’est une démarche qui Deux conférences d’O21 seront consacrées à ces questions : « Trouver ma place dans un monde de robots » et « Big data, code, Internet des objets… les clés du nouvel eldorado ? ». Retrouvez le programme sur Le Monde.fr/O21. CHINA | IVORY COAST ADMISSION POST-PRÉPAS en 1re année ADMISSION POST BAC +3 en 2e année DominiqueBoullier,sociologue,analyse l’impactdelanumérisationdesmétiers L marine miller N A N T E S | PA R I S « Ilfauttransformer lapédagogie» e bouleversement induit par le «capitalisme finan cier numérique» implique, pour Dominique Boullier, de s’adapter à l’incertitude. d’obsolescence. « Je suis développeuse infor matique et je n’arrive plus à suivre les muta tions trop rapides de mon métier. J’ai essayé l’autoformation mais j’ai toujours un train de retard », regrette, amère, Audrey, 35 ans, qui se déclare au chômage et se présente sous un pseudonyme. Car l’omniprésence des techno logies ne signifie pas qu’on maîtrise le raison nement algorithmique. « Tout le monde n’est pas à égalité dans ce mondelà. L’origine sociale contribue nettement à la fracture numérique », ajoute Raja Chatila, roboticien spécialiste de l’IA. Avant d’apprendre à pro grammer, « il faut pouvoir être en mesure de raisonner et avoir une solide culture en philo sophie, en maths et en littérature », prévientil. Avant d’inventer le monde demain, mieux vaut une robuste culture du monde d’hier. p ressemble à celle des maths et de la philosophie. En apprenant à décomposer une tâche, on rend l’esprit des jeunes modulaire. En fin, je crois qu’il est indispensa ble de développer l’intelligence de l’exploration pour apprendre à survivre à la vitesse du change ment et à l’incertitude. Cela veut dire éduquer les jeunes à s’orien ter dans un monde d’incertitu des. Il y a des pédagogues qui tra vaillent à inventer ces métho deslà, qui ne sont pas celles de la répétition, de la mémorisation ou de la correction. La pensée logique et l’agilité en mathématiques sontelles des atouts indispensables ? On ne rendrait pas service aux jeunes en leur disant qu’ils peu vent se passer des mathémati ques. Même dans la grande in dustrie du contenu, dans les jeux vidéo ou dans la littérature, il est souvent question de combiner la culture narrative avec l’esprit des mathématiques. Je ne prône pas le retour de «l’honnête homme», ce savant de la Renaissance à la culture générale étendue, néan moins je pense qu’il faut élargir les horizons des disciplines, car aucun problème ne dépend d’une seule discipline. Cela signi fie aussi qu’il faut garder des spé cialités et des points forts, parmi lesquels le « faire ». En France, nous avons une très forte culture de l’abstraction, ce qui est une qualité. Néanmoins, les informa ticiens doivent aussi avoir une culture générale et historique et s’intéresser à l’histoire de leur propre science, car des problè mes éthiques surgissent tou jours des nouvelles technologies, et il faut pouvoir les questionner et les analyser. p propos recueillis par m. mi. OUVERTURE ET DOUBLE-COMPETENCE 250 UNIVERSITÉS PARTENAIRES ACCOMPAGNEMENT CARRIÈRE INDIVIDUALISÉ 3 PÔLES DE SPÉCIALISATION : FINANCE - MARKETING -MANAGEMENT RÉSEAU ÉCOLE DE PLUS DE 22 000 DIPLÔMÉS INNOVATIVE LEADERS FOR A RESPONSIBLE WORLD w w w. a u d e n c i a . c o m 4 | s’orienter au xxie siècle 0123 JEUDI 8 DÉCEMBRE 2016 «Cultiver son pouvoir de rêve» Nepasseprécipiter, voyager,rêver…C’estceque préconiselepsychiatre BorisCyrulnik,pourquila libertédelajeunesse devientsourced’angoisse carelleobligeàfairepreuve d’unegrandecréativité P our le psychiatre Boris Cyrulnik, auteur notamment d’Un merveilleux malheur (1999) et d’Ivres Paradis, bonheurs héroïques (2016), tous deux parus chez Odile Jacob, on ne s’oriente pas au XXIe siècle comme il y a vingt ans. Nombre de jeunes se sentent sous pression pour trouver leur voie. Comment les aider ? Le problème est que l’on fait sprinter nos jeu nes, et ces jeunes, en sprintant, se cassent sou vent la figure. Après le bac, ils s’orientent trop vite, alors qu’ils ne sont pas encore motivés. Ils s’inscrivent dans n’importe quelle fac, et la moi tié d’entre eux vont échouer. Ils vont alors être humiliés, malheureux, à l’âge où l’on apprend neurologiquement et psychologiquement à tra vailler. Le risque est, alors, qu’ils se désenga gent, surtout les garçons, qui décrochent plus que les filles. Or, ce qui peut aider un jeune à prendre sa voie, c’est son pouvoir de rêve. Il faut ensuite se réveiller, bien sûr. Le rêve mène au réveil. Mais si un jeune arrive à rêver et à se mettre au tra vail, il pourra prendre une direction de vie. Que préconisezvous ? L’espérance de vie a follement augmenté. Une petite fille qui arrive au monde aujourd’hui a de forte chance d’être centenaire. Alors si, après son bac, elle perd un an ou deux, qu’estce que ça peut faire? Ces deux annéeslà, justement, cer tains pays, en Europe du Nord par exemple, ont décidé d’en faire une période sabbatique. Ils ont institué un rite de passage moderne. Les jeunes partent à l’étranger, ils ne sont pas abandonnés mais autonomes. Quand ils reviennent, ils ont appris une langue, ont eu des expériences et ont réfléchi à leur choix de vie. Ils s’inscrivent alors dans des cursus et apprennent un métier. Il y a très peu d’échecs, alors qu’il y en a énormément pour ceux qui se précipitent vers les universités. Boris Cyrulnik, à Strasbourg le 18 septembre. VINCENT MULLER/OPALE/LEEMAGE Cette approche existait d’ailleurs en France pour les garçons : au XIXe siècle, ceuxci partaient faire le tour de la France, les plus petits en groupe de deux ou trois, avec un bâton et un baluchon à l’épaule, pour aller chercher des stages. Seuls 44 % des diplômés de grandes écoles veulent travailler dans une grande entreprise. Pourquoi ce rejet ? A l’époque où le travail apportait la certitude, on acceptait l’ennui, la contrainte, on acceptait même la soumission à une hiérarchie. Il fallait avoir un travail, quel que soit le travail. Toutes les sociétés se sont construites dans la violence: violence des frontières, des guerres… Dans un contexte chaotique, l’entreprise a pu être le lieu de la sécurité et du sens, c’était la direction de vie que l’on prenait. Un lieu où l’on était étayé UNIVERSITÉ DE TECHNOLOGIE DE COMPIÈGNE UTC JPO 2017 serez ce que vous choisirez d'être Vous 7 janvier 11 mars www.utc.fr génie biologique I génie informatique I ingénierie mécanique génie des procédés I génie des systèmes urbains Ingénieur UTC un parcours sur mesure en lien avec l’évolution de mon projet professionnel choix des UV tutorat pluridisciplinarité entrée à tous les niveaux apprentissage Humanités et technologies (bac S, ES ou L) interactions.utc.fr • webtv.utc.fr • www.utc.fr donnons un sens à l’innovation par les autres, par les lois, ce qui était une vérita ble évolution par rapport au système protec teur de l’aristocratie ou des mines, par exemple. Quand une rue est dangereuse, une personne va se sentir bien chez elle, mais quand la rue est une fête, cette même personne va s’y ennuyer. Le même raisonnement s’applique à l’entreprise. Quand la société est dangereuse, je suis bien dans l’entreprise. Quand j’ai milité pour faire que la société soit moins dangereuse, j’ai envie de tenter mon aventure personnelle ailleurs. Aujourd’hui, alors que la personnalité des jeu nes s’épanouit – pour les garçons et encore plus pour les filles avec cette révolution culturelle féminine stupéfiante en deux générations –, l’entreprise devient une contrainte. Ces jeunes n’acceptent plus la soumission, la répression qu’impose la vie dans ces organisations. Certains jeunes hésitent entre un chemin balisé et un autre, plus « fun » mais plus risqué. Fautil forcément choisir ? Je pense qu’on n’a pas le choix entre le plaisir de vivre et l’austérité d’apprendre, les deux sont associés. Un jeune qui se précipite dans le plaisir va payer ensuite le prix de cette satisfac tion immédiate. Il faut être capable de moments d’austérité, de moments où l’on retarde le plaisir de façon à pouvoir acquérir des connaissances pas toujours très amusantes. L’équilibre à trouver est comme le flux et le reflux: c’est l’alternance entre les deux qui donne le plaisir et la solidité de vivre. Quant à la notion de prise de risque, elle varie avec l’âge: si elle constitue un danger aussi bien pour les enfants, avant l’adolescence, que plus tard, quand on arrive à un âge avancé, entre ces deux moments de la vie, c’est l’absence de prise de risque qui est un danger. Car comment, autrement, donner un sens à son existence? Pas simple pour les jeunes de faire des choix si, comme on l’annonce, 65 % des métiers de demain n’existent pas encore… C’est vrai, on ne sait pas ce qui nous attend. Dans ma génération, nous n’avions pas beau coup de choix. Les conditions matérielles étaient très difficiles, mais les conditions psy chologiques étaient, elles, beaucoup plus sim ples. Moi, je savais que, si je travaillais, je devien drais un homme libre. Donc, si j’étudiais, si j’apprenais, j’aurais la totale sécurité. On ne peut plus dire ça aujourd’hui. Quand j’étais gamin, le message était clair : « Fais comme papa. » Maintenant, excepté les enfants d’enseignants, les jeunes n’exercent plus le même métier que leur père. Ils n’ont plus cette étoile du berger qui était pour nous à la fois une orientation et une contrainte. Soit elle nous convenait, et c’était magnifique. Soit elle nous déplaisait et, dans ce caslà, on pouvait toujours se dire que c’était «la faute de papa». Désormais, les jeunes ont toutes les libertés. C’est angoissant, car ils deviennent coauteurs de leur destin. Cela les oblige à faire preuve de créativité. Il y a là une véritable révolution culturelle ! Et vous, comment avezvous eu le déclic pour devenir psychiatre ? J’ai été très tôt atteint d’une délicieuse mala die: la rage de comprendre. Cela s’explique par mon histoire et mon appartenance à la généra tion d’avantguerre. Je suis né en 1937. Ma famille a disparu à Auschwitz. J’ai moimême été arrêté quand j’avais 6 ans et demi, et j’ai réussi à m’évader. Cela m’a amené très jeune à me demander comment il était possible que toute une partie de la population veuille en assassiner une autre. Cela me paraissait fou, incompréhensible. Je ne pouvais me sentir bien que si je cherchais à comprendre. Il n’y a donc pas eu un déclic, mais mille pres sions, mille déclics qui m’ont gouverné depuis mon enfance. Le désir de comprendre, de ren contrer, m’a orienté vers la médecine et la psy chologie. J’ai été gouverné un petit peu comme quand on est jeté dans un torrent. On met la main, on baisse la tête, on coule, on ressort. « Si la prise de risque est un danger tant pour les enfants qu’à un âge avancé, entre ces deux moments de la vie, c’est l’absence de prise de risque qui est un danger » Pourquoi accepter de témoigner, dans le cadre d’O21, pour aider les jeunes à trouver leur voie ? L’évolution se fait toujours par catastrophe, qu’il s’agisse de la société ou de la biologie: les catastrophes obligent à réorganiser le vivant pour reprendre un autre type d’évolution. C’est la définition de la résilience. Après la guerre de 1940, il a fallu tout recommencer, tout recons truire. Aujourd’hui, notre société connaît à nou veau une période de chaos, même s’il ne s’agit pas d’une guerre classique. J’ai débuté ma vie en subissant un langage totalitaire, et jamais je n’aurais pu penser que j’arriverais au dernier chapitre de mon exis tence en en voyant réapparaître un autre. Nous n’avons pas le choix: nous devons inventer une nouvelle société, une nouvelle manière de vivre ensemble. Et ce sont les jeunes qui vont inven ter, avec nous, cette nouvelle société. Ce sont eux qui vont entrer dans l’arène en commen çant une carrière professionnelle. p propos recueillis par laure belot s’orienter au xxie siècle | 5 0123 JEUDI 8 DÉCEMBRE 2016 Ces conseils qui les ont marqués «Je crois que le meilleur conseil qu’on m’ait donné, c’est “il faut essayer, vasy”. Parfois il faut faire des choix: estce qu’on se lance dans une formation ou dans quelque chose qui est assez indécis, original, qui sort de l’ordinaire? Alors, je pense en ces mots: si ça se présente de manière intéressante, il faut y aller.» Cédric Villani, 43ans, mathématicien «Quand j’étais petite, mon père me disait: “Ce n’est pas un sprint, c’est un parcours d’endurance.” Une carrière se construit dans la durée, de nombreu ses possibilités émergent au fur et à mesure, c’est enthousiasmant.» Laure Courty, 38ans, Jestocke.com «“Pourquoi tu ne tenterais pas?”, c’est sûrement cette question qui a eu le plus d’impact sur ma vie. Que ce soit tenter des concours, tenter d’aller aux Etats Unis ou postuler chez PayPal alors que je n’avais pas les qualifications pour le poste… Le conseil à en tirer [est]: “Quel est le pire qui puisse arriver?” Tu verras, le pire, ce n’est pas grandchose. Quel est le pire qui puisse arriver si tu postules à cette offre? Si on te dit non, estce que ta vie s’arrêtera? Non.» Paul Duan, 24ans, Bayes Impact «“Si tu n’abandonnes pas, tu ne peux pas échouer.” Je ne sais plus qui m’a dit cela, mais j’y crois profondément.» Marita Cheng, 27ans, 2Mar Robotics (Australie) «Un de mes professeurs de Stanford m’a dit: “Posezvous cette question: si vous aviez un travail que vous ne sou haiteriez jamais quitter, lequel seraitce?” Pour moi, c’est une activité porteuse de tellement de sens qu’on voudrait ne jamais prendre sa retraite.» Ben Rattray, 36ans, Change.org (EtatsUnis) «Je ne citerai pas un bon conseil mais un mauvais: ma mère m’a toujours dit qu’on ne pouvait pas tout faire. C’est complètement faux! On peut absolument tout faire si l’on en a envie.» Thomas Samuel, 35ans, Sunna Design «Mon père m’a transmis l’idée qu’il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises déci sions: il y a simplement des décisions qui sont prises, et qui sont prises à temps. C’estàdire qu’attendre avant de prendre une décision est en soi une décision.» Marie Ekeland, 41ans, Daphni «Ma grandmère m’a toujours recom mandé d’accompagner les plus faibles. C’est quelque chose que je garde en tête: il est essentiel de se demander ce que l’on peut apporter aux autres.» François Taddei, 49ans, directeur du centre de recherches inter disciplinaires de parisdescartes «S’ouvrir au monde mais aussi s’ouvrir à l’autre par le dialogue et l’écoute. Bouger, parler des langues différentes, lire. Lire tout.» Joël de Rosnay, 79ans, prospectiviste «Le conseil qu’on m’a donné est de ne pas lâcher mes rêves. Les premières intuitions sont les bonnes: si quelque chose vous paraît vraiment évident à 16ans, ce n’est pas pour rien. Cependant, la vie est longue. Pas la peine de se mettre la pression.» Pandora Samios, 30ans, Smarty Crew «Mes parents ne m’ont jamais donné de conseil d’orientation: ils m’ont laissé complètement libre de mes choix. Je crois qu’ils m’ont fait confiance et ont pensé que j’avais la maturité nécessaire pour faire ce dont j’avais envie et avancer dans la vie. Je ne les en remercierai jamais assez.» Xavier Niel, 49ans, Free «Ne jamais cesser d’apprendre, ne jamais penser que l’on a fini son développe ment. On apprend des autres, des livres, des magazines, des amis, d’Internet. La connaissance est une quête infinie.» Ory Okolloh, 39ans, Omidyar Network (Kenya) «Le meilleur conseil que j’ai reçu d’un professeur était de me demander: “Pourquoi estce que je fais ceci? Pour quoi aije écrit cette ligne sur un papier? Pourquoi aije dit ce que je viens juste de dire?” Toujours se demander pour quoi, pourquoi, pourquoi.» Aimée van Wynsberghe, 35ans, Responsible Robotics (PaysBas) «Quand j’ai choisi de quitter une profes sion informatique bien payée pour me lancer à Emmaüs, j’avais un peu une appréhension: “Que vatil se passer si, dans cinq ans, je ne suis pas heureux ou si financièrement c’est difficile?” Mon père m’a dit: “Ce qui compte, plus que ton parcours, c’est ta capacité à rebondir. Tant que tu auras cette capacité, fais les choix que tu veux et tu t’en sortiras.”» CharlesEdouard Vincent, 45ans, Lulu dans ma rue «Le meilleur conseil est d’avoir confiance. Sans confiance, il est très difficile d’avancer et de dépasser ses propres limites. Ce conseil, je l’ai reçu, mais pas verbalement: Denise, qui a beaucoup compté dans mon enfance, en particulier lorsque j’étais en orphe linat, m’a par son accompagnement montré que l’on pouvait être issu d’un tel milieu et pourtant aller audelà de ce qui représentait sa voie toute tracée.» Bertin Nahum, 47ans, Medtech (Zimmer) propos recueillis par l. be. em-lyon.com * Faire naître des idées et des talents - Conception : DIKOMO -10/2016 Grenoble Ecole de Management - GEM - EESC à but non lucratif - SA au capital de 15 737 000 € - RCS de Grenoble 817 389 141 INSPIRING IDEAS AND TALENT * ET SI LA SALLE DE CLASSE N’ÉTAIT PLUS UNE SALLE ? «Un ami m’a fait une remarque qui me sert tous les jours: “Tu es la personne qui aura le plus d’impact sur ta vie, donc tu as intérêt à t’en occuper.”» Frédéric Mazzella, 40ans, Blablacar rejoignez emlyon business school dès le baccalauréat BACHELOR, MASTER, MASTÈRES SPÉCIALISÉS ®, MBA GRENOBLE-EM.COM Se poser les bonnes questions, apprendre à résoudre des problèmes qui n’existent pas encore et croire en ses rêves : c’est l’expérience unique que vous propose Grenoble Ecole de Management. LYON . SHANGHAI . SAINT-ETIENNE . CASABLANCA . PARIS Une expérience humaine, entrepreneuriale et digitale, pour inspirer un monde où business et société ne font qu’un. emlyon business school - décembre 2016 - photo: Jasper James - design: ekno GRENOBLE PARIS LONDRES MOSCOU PÉKIN SINGAPOUR CASABLANCA 6 | s’orienter au xxie siècle 0123 JEUDI 8 DÉCEMBRE 2016 Des tuteurs contre l’autocensure Enpartenariataveclescollègesetlycées,des dispositifssuscitentdesrencontresaidantlesélèvesàbriserleplafonddeverre M es parents m’appellent “l’alien”», souffle Alice. Petite fée des tech nologies de l’information, diplô mée de plusieurs masters, la jeune femme a officié au cœur des métropoles les plus dynami ques de France et d’Amérique du Nord dans des secteurs variés – l’industrie, le conseil, l’enseignement… Mais quand elle re joint le bourg familial du sudest de la France, son aura s’éteint sous le regard paternel. «Pour lui, ma carrière n’est pas compatible avec le fait d’être une femme. Ma place devrait être celle de ma mère: à la maison.» JeanMichel, lui, se pré sente comme «fils de rien ou de si peu». Destiné par l’éducation nationale à un CAP travaux fo restiers et bûcheronnage, il décroche, de dé tours en chemins de traverse, une maîtrise de philosophie et un diplôme de troisième cycle en ressources humaines. Aujourd’hui, il est en seignant. Comme eux, ils sont des dizaines à avoir té moigné sur Le Monde.fr de la bataille menée pour faire taire les voix qui leur répétaient que l’enseignement supérieur ne leur était pas destiné. Ce combat est aussi celui des Cordées de la réussite. Depuis 2008, 80000 jeunes ont bénéficié de ce dispositif d’égalité des chances et fait mentir le signe indien d’une prétendue prédisposition sociale et psychologique qui leur interdirait les parcours d’excellence. Quels sont les freins qui, parfois, dissuadent un jeune, à l’aube de sa vie adulte, d’envisager une grande école ou une université réputée? «Les principales explications de la sélectivité sociale de ces concours restent l’autosélection sociale», avance Vincent Tiberj, docteur en sciences politiques, chercheur au Centre d’étu des européennes de Sciences Po. Les origines sociales, géographiques, le sexe ou une situa tion de handicap sont autant de facteurs d’ex plication. Qui souvent s’additionnent: selon un rapport de la Cour des comptes de 2010 sur «l’objectif de la réussite de tous les élèves», la France est l’un des pays de l’Organisation de coopération et de développement économi ques (OCDE) où les destins scolaires et univer sitaires sont le plus fortement corrélés aux ori gines sociales et au statut culturel des familles. «En France, le système scolaire triche avec les enfants en leur laissant croire qu’il suffit d’être un bon élève pour s’élever, analyse Chantal Dardelet, responsable du pôle égalité des chances de l’Es sec, initiatrice il y a plus de dix ans du pro gramme «Une grande école, pourquoi pas moi?». C’est inexact. Il est également nécessaire d’avoir acquis des compétences sociales, un ba ILLUSTRATION : PABLO BISOGLIO « Le système scolaire triche avec les enfants en leur laissant croire qu’il suffit d’être un bon élève pour s’élever » Une nouvelle voie pour le métier d’ingénieur FORMER DES INGÉNIEURS SPÉCIALISTES INNOVANTS PLUS D’INFOS SUR 25 UNIVERSITÉS EN RÉSEAU reseau-figure.fr Où trouver ma formation ? AIX-MARSEILLE • ANGERS • AVIGNON • BESANÇON • BORDEAUX • BREST • CERGY-PONTOISE • CHAMBÉRY • LA ROCHELLE • LE MANS • LILLE • LYON1 • LORIENT / VANNES • MONTPELLIER • METZ / NANCY • ORLÉANS • PARIS UPMC • PARIS ASSAS • PAU • POITIERS • REIMS • RENNES • STRASBOURG • TOULOUSE3 • VALENCIENNES chantal dardelet responsable du pôle égalité des chances de l’Essec Qu’est-ce qu’un Cursus Master en Ingénierie ? C’est un cursus exigeant, cohérent sur 5 ans, basé sur des diplômes de Licence et de Master renforcés. L’objectif est de former des diplômés possédant une capacité à concevoir et innover pour exercer des fonctions d’ingénieur spécialiste au sein de projets complexes, dans des environnements professionnels interculturels et évolutifs. Le Cursus Master en Ingénierie c’est : - une spécialité qui représente 50 % de la formation sur les 5 ans - 20% de la formation consacré à l’ouverture sociétale, économique et culturelle (anglais, communication, culture générale, connaissance des entreprises ...) - l’implication des laboratoires de recherche - un minimum de 3 stages obligatoires (entreprise et laboratoire de recherche) - 25 % de la formation sous forme de mise en situation (projet, stage) - une mobilité internationale obligatoire gage culturel, des codes, de maîtriser le “savoir être” en société; il faut aussi avoir de la curiosité, être audacieux.» Autant de talents qui ne s’ac quièrent pas sur les bancs de l’école, mais auprès de ses référents, de sa famille. Les élèves issus de milieux populaires, de l’immigration ou de familles rurales peu diplô mées peuvent ainsi être freinés par leur envi ronnement. «Sans le vouloir, certaines familles rament à contrecourant des ambitions de leurs enfants», regrette Mme Dardelet. Elles ne trans mettent pas les codes sociaux qu’elles ne soup çonnent pas et elles ignorent souvent les «diffé rents types d’enseignements supérieurs, com ment on y rentre, comment on se finance». Hors du circuit par lequel leurs aînés ne sont jamais passés, «ces jeunes se disent: “Une grande école, ce n’est pas pour nous.” Une bonne raison pour ne pas se bouger…», soulignetelle. Benjamin Blavier est le délégué général de Passeport avenir, une association qui travaille sur l’accompagnement des élèves de milieux défavorisés dans l’enseignement supérieur. Pour lui, «cette reproduction sociale est iden tifiée et vieille comme Pierre Bourdieu», qui dénonçait dès 1970 les ravages de la reproduc tion sociale par l’école, dans La Reproduction, ouvrage cosigné avec JeanClaude Passeron. Mais les statistiques ne sont pas une fatalité. A condition d’un déclic, généralement une rencontre. Dans l’histoire de ces jeunes qui brisent leur plafond de verre, «il y a toujours une rencontre décisive», souligne M. Blavier. Karim, lycéen marseillais d’origine maghré bine, s’apprêtait à s’engager en IUT. Le jour de son inscription sur le système APB, un rendez vous médical le contraint à se rendre chez son médecin de famille. Celuici boucle alors l’ins cription de son propre fils sur le système infor matique d’orientation. Plutôt que d’expédier son jeune patient, le médecin prend le temps de lui expliquer tout l’intérêt d’une classe pré paratoire. Le lycéen découvre qu’il a le niveau. Cette consultation est un pied de nez au destin. Le jeune homme étudie aujourd’hui dans une grande école de commerce des BouchesduRhône. Ces rencontres, l’Institut Télémaque les provoque dès la classe de 5e. Les professeurs de 100 collèges sont invités à repérer les meilleurs élèves boursiers et leur permettent d’établir un contact avec des tuteurs bénévoles, cadres supérieurs et cadres dirigeants. «Nous conduisons à se rencontrer des gens qui n’auraient jamais dû se croiser», expose Ericka Cogne, directrice générale de l’institut. Sopharana, «boat people», a débarqué en France dans les bras de ses parents. Adolescent, il se voit devenir un soutien de famille. Il lui faut gagner de l’argent pour contribuer au quotidien et il vise «un emploi à la sortie du bac». Mais des professeurs l’encouragent à poursuivre en ma thématiques, lui expliquent les arcanes de l’en seignement supérieur français que ses parents ignorent: classes préparatoires, écoles d’ingé nieurs, thèse… Ses enseignants lui glissent dans les mains le fil d’Ariane qui le conduira jusqu’au doctorat. Sa carrière est sur les rails. Depuis dix ans, 5000 jeunes ont été accompa gnés par 1500 mentors de Passeport avenir et exfiltrés des statistiques de l’échec. Les établis sements partenaires des Cordées de la réussite ont accompagné en moyenne 10000 jeunes par an sur huit ans. Pour encourager cet enseigne ment parallèle du «savoir être», les associations vont pouvoir compter sur leurs anciens. Après dix ans d’existence, ses premiers «alumni» (élè ves du réseau repérés dans les collèges) vont in tégrer le marché du travail et «70% veulent deve nir tuteurs à leur tour», se félicite Ericka Cogne. Une ébauche de cercle vertueux. p éric nunes La conférence « Comment éviter l’autocensure ? » est consacrée à cette question lors des événements O21. Retrouvez le programme sur Le Monde.fr/O21. «Certainsplafondsdeverresecumulent» SelonPierreMathiot,déléguéministériel,ilfautstabiliserlespolitiquesd’éducation P ierre Mathiot est délégué ministériel aux parcours d’excellence et professeur des universités à Scien ces Po Lille. Alors directeur de cet établissement, il avait créé le pro gramme PEI, une préparation aux concours des Instituts d’études politiques destinée aux élèves de condition modeste. Sa mission actuelle a pour objectif le renfor cement de l’accompagnement des jeunes les plus fragiles vers l’enseignement supérieur. Le système éducatif français fonctionne comme « une machine à sélectionner ». Quelles en sont les victimes ? L’histoire de notre système édu catif est imprégnée par l’élitisme et, en miroir, par des formes mar quées de dévalorisation des par cours de formation qui ne le seraient pas. Toutes les études montrent que les victimes en sont d’abord et avant tout ceux qui ne maîtrisent pas les codes de l’institution scolaire. Ils sont rapidement mis dans des « ca ses» et assignés en quelque sorte à suivre des parcours considérés comme secondaires. Il s’agit donc d’abord et surtout des enfants de familles pauvres, issues ou non de l’immigration. Cela fait trentecinq ans que les zones d’éducation priori taire (ZEP) ont été créées et que les politiques d’ouverture d’accès à l’enseignement supérieur se succèdent. Cela n’a pas suffi… Les études montrent que les politiques d’éducation prioritaire ont permis globalement de sta biliser les situations d’inégalité, pas de les réduire. Si on doit cher cher des explications à cela, on peut évoquer le manque de stabi lité dans la durée de ces politi ques, un ciblage sans doute insuf fisant au profit des territoires les plus relégués jusque récemment, mais aussi les «efforts» conduits par les familles dites aisées pour maintenir l’écart avec les autres enfants: cours privés, coaching… Comment briser les plafonds de verre que constituent les origines sociales, géogra phiques, communautaires ou le genre ? Ces enjeux sont majeurs pour la société française de demain car ils renvoient à diverses formes de plafonds de verre, certains, d’ailleurs, se cumulant. Les solu tions sont complexes et, à l’évi dence, variées. Elles passent, me sembletil, par la stabilité dans la durée des politiques publiques, de leurs objectifs, de leurs finan cements et par la mise en réseau des acteurs qui se mobilisent sur le terrain au sein de l’éducation nationale et dans son environne ment. Il faut vraiment franchir un cap quantitatif et accompa gner beaucoup plus de jeunes qu’on ne le fait aujourd’hui. p propos recueillis par é. n. s’orienter au xxie siècle | 7 0123 JEUDI 8 DÉCEMBRE 2016 En quête d’un métier fort de sens Lebesoindesesentirutileàlasociétéetenaccordavecsoimêmedevientprépondérantdansleschoixd’orientation O n est une génération assez mobile et adaptable. Comme rien n’est cer tain, autant essayer de faire ce qui nous plaît », explique Aurélie Rose, exresponsable commer ciale dans les télécommunica tions désormais chargée de col lecter des fonds dans une organisation carita tive. Le goût des jeunes pour l’entrepreneuriat social ou l’économie sociale et solidaire est attesté par de nombreuses études. Trouver du sens dans son métier est une motivation importante, ce que reflète le succès de l’appel à témoignages lancé par Le Monde.fr sur ce thème. Elle est souvent associée à une mission directement au service des autres. Mais pas exclusivement. Quand elle est entrée chez les pompiers volontaires à 19 ans, Sandra Rossi, étudiante en arts plastiques à AixenProvence, est « tombée amoureuse, comme d’un garçon qu’on rencontre au coin de la rue. Aujourd’hui, je ne pourrais pas faire un autre métier». Elle a réussi le concours et exerce à Marignane. «Ce qui me touche le plus, c’est la misère sociale: nous intervenons beaucoup moins sur des ges tes de secours que sur des appels de gens qui ne savent plus où se tourner.» Elle aime aussi le côté «galvanisant» du départ en urgence pour aller combattre les feux. Une sensation d’être utile qui ne laisse aucune place à la peur. Orthophoniste à Paris, Raphaëlle Strauss a aussi eu un coup de cœur. Passionnée de litté rature, elle travaillait dans l’édition après un master professionnel. Mais elle avait «besoin d’œuvrer pour quelque chose ». Le film de Julian Schnabel Le Scaphandre et le Papillon, en montrant «combien la vie d’un homme bas cule parce que le cerveau, à la suite d’un acci dent vasculaire, n’est plus fonctionnel», a tout changé. Quatre ans plus tard, elle est diplômée d’orthophonie. « La vraie satisfaction, c’est qu’il y a des gens dont ça change la vie : on le voit dans le regard des parents, on le voit avec des adultes qui, touchés par une aphasie, retrouvent petit à petit la parole… C’est une grande émotion, et le côté humain est pour moi audessus de tout.» «Ce que je fais aujourd’hui dans l’écoute, en étant présent, en mettant en œuvre des théra pies cognitives et comportementales, c’est clai rement la meilleure façon de donner aux autres», abonde Bastien Battistini, infirmier dans une clinique psychiatrique de la région de Metz. Guitariste depuis le plus jeune âge, cet ultrasensible a d’abord étudié les arts du spectacle et l’histoire de l’art. Mais l’art, son exutoire, ne lui a plus suffi. La proximité avec son frère, infirmier libéral, lui a mis la puce à l’oreille. Il est devenu infirmier. Mais il dit : «Ce que je fais, ce n’est pas une vocation, c’est juste normal de le faire. Et c’est autant pure ment égoïste que purement altruiste: quand je pense aux autres, je ne pense pas à moi!» Utilité concrète Car c’est moins le métier que la façon de l’exercer qui donne du sens. Julie Lecardonnel, assistante d’éducation, est ainsi devenue tapissière décoratrice dans une démarche éco citoyenne: elle fait «du neuf avec du vieux». Ses « bonnes notes », pourtant, l’avaient me née vers la fac. « Mais je me suis vite rendu compte que j’étais très manuelle et je ressentais cruellement un besoin de création.» C’est au CFA de JouélèsTours qu’elle a trouvé son métier et obtenu son brevet technique des métiers (BTM) de tapisserie, en alternance dans un atelier de tissu à Orléans. «Il y a des métiers dont il est très évident qu’ils ont du sens, comme médecin ou infirmier. Le mien est très décrié. Les gens râlent toujours », témoigne aussi François Beillard, syndic à Pau. « Mais, quand on a la chance d’avoir la confiance qui s’instaure entre les clients et nous, notre rela tion dépasse le cadre de la gestion d’un appar tement, ils nous demandent des conseils dans bien d’autres domaines. Et faire un ravalement, ça embellit la ville», ajoute ce titulaire de deux masters de droit. Une utilité concrète que met également en avant Hélène Frogneux, urbanisteprogram miste: «Certes, on ne sauve pas de pingouins, mais on contribue à faire des projets soutena bles et utiles.» Cette passionnée de géographie, diplômée de l’Ecole d’urbanisme de Paris à l’université ParisEst MarnelaVallée, travaille dans un bureau d’études sur des projets d’équipements et d’aménagements urbains. «Il faut dialoguer avec tous les futurs utilisa teurs des bureaux, des écoles ou des supermar chés, prévoir l’ergonomie des lieux ou analyser la dimension des projets pour que l’argent public soit bien utilisé…», expliquetelle. «Moi, quand je vais au travail, j’ai l’obligation absolue d’amener chacun de mes avions à desti nation avec 100% de sécurité», conclut Thomas Le Parlier, aiguilleur du ciel au CRNA de Reims, qui contrôle l’espace aérien du quart nordest de la France. Ce métier, il y avait pensé, parmi d’autres, car il y avait un contrôleur aérien dans son entourage familial. «Nous avons une grosse responsabilité, à laquelle nous sommes formés. Il y a de l’adrénaline qu’il faut savoir doser et gérer», expliquetil. Il y voit plutôt un avan tage: une fois le travail terminé, le stress s’arrête jusqu’au prochain service. Le meilleur indice d’un métier qui a du sens? On s’y sent à l’aise. p adrien de tricornot Deux conférences traiteront de la question du sens et de celle de la formation lors des événements O21 : « Certains métiers ontils plus de sens ? » et « Finalement, où se forme ton le mieux pour demain ? ». Retrouvez le programme sur Le Monde.fr/O21. «Nepascéderaux effetsdemode» PourJeanPhilippeTeboul,d’Orientation durable,le«sens»n’estpassuffisant J eanPhilippe Teboul est directeur associé du cabinet de recrutement Orientation durable, spécialisé dans «les métiers de l’économie sociale et so lidaire, et de l’intérêt général». Parmi ses clients figurent de gran des ONG ou entreprises solidaires, comme Oxfam, Aides, Emmaüs ou Le Relais, des cabinets de conseil en développement dura ble ou en responsabilité sociale et environnementale (RSE), des sociétés développant l’investisse ment socialement responsable, le commerce équitable ou encore le secteur du logement social. Quel est le profil des candidats que vous recrutez ? Parmi les plus jeunes, il existe une infinité de cas particuliers, mais on distingue deux grandes familles. D’une part ceux qui ont suivi des études spécifiques: des mastères spécialisés ou des options RSE au sein de leurs cur sus d’école d’ingénieurs ou de commerce. D’autre part ceux, un peu moins jeunes, vers la tren taine, qui ont déjà réussi une pre mière expérience professionnelle et cherchent un nouveau moteur. Ce sont, en général, des gens brillants, qui avaient à se prouver quelque chose et qui, maintenant, peuvent passer à une autre étape. En revanche, nous écartons les candidats pour qui le «sens» est un critère suffisant en luimême, destiné à résoudre toutes leurs interrogations et toutes leurs aspirations. Le sens n’est pas un métier : si vous n’aimez pas l’audit, vous n’aimerez pas l’audit environnemental. Avoir des va leurs n’est pas un élément distinc tif entre les candidats. Alors qu’ils passent les deux tiers de leurs let tres de motivation à en parler! Comment faire son choix entre les différents débouchés ? Il faut se poser des questions du type: «Eston plutôt réformiste ou systémique?» Si on veut chan ger le monde, on ne sera pas heu reux aux Restos du cœur, car ce n’est pas leur mission. On peut aussi améliorer la vie des ouvriers des usines asiatiques en étant un acheteur responsable. Mais, comme on ne voit pas le résultat, on peut continuer à être malheu reux au quotidien si on ne sup porte pas la pression des négocia tions avec la grande distribution… Et il ne faut pas céder aux effets de mode. Les très grandes ONG ont cinq à dix fois plus de deman des, pour les mêmes postes, que des structures moins connues. Beaucoup de candidats veulent être consultants en RSE, alors que le nombre d’offres proposées par les cabinets spécialisés reste limité. Au contraire, on en man que pour des postes très intéres sants qui ont un impact social réel : chez les employeurs du logement social ou dans le sec teur des relations sociales dans l’entreprise, par exemple. Elargir sa perspective peut décupler les possibilités de succès. p propos recueillis par a. de t. {L’innovation} c’est à Epitech et nulle part ailleurs BORDEAUX - LILLE - LYON - MARSEILLE MONTPELLIER - NANCY - NANTES - NICE - PARIS RENNES - STRASBOURG - TOULOUSE www.epitech.eu www.facebook.com/epitech Titre d’ Expert (e) en Technologies de l’Information, code NSF 326n, Certification Professionnelle de niveau I (Fr) et de niveau 7 (Eu) enregistrée au RNCP par arrêté du 12 août 2013 publié au J.O. le 27/08/2013. Établissement d’enseignement supérieur privé. Association à but non lucratif (loi 1901). École reconnue par l’État. Titre homologué par l’État niveau 1 (CNCP). 8 | s’orienter au xxie siècle 0123 JEUDI 8 DÉCEMBRE 2016 Cinq pistes pour trouver sa voie «LeMonde»ainterrogé35acteursinnovantsduXXIe sièclepourguiderlesjeunesdansleurschoix DÉCOUVRIR SA PASSION «Que votre passion relève du domaine spor tif, artistique, culturel ou économique, peu importe, estime Pierre Dubuc, cofondateur d’OpenClassrooms. On sait que l’on va être bon là où l’on prend du plaisir. Voilà ce qui est important: il faut être extrêmement motivé par quelque chose pour devenir excellent dans sa spécialité. L’expertise et la passion sont liées.» Oui, mais que faire si l’on n’a pas de passion? «Trouvezla! lance JeanFrançois Ouellet, pro fesseur à HEC Montréal. Tout le monde a une passion, il s’agit simplement de la découvrir, en voyageant, en allant à la rencontre des autres pour comprendre ce qui véritablement nous fait vibrer. » « Il faut le faire, répète l’ensei gnant, parce que sans passion, il est bien dif ficile de passer pardessus les embûches et d’al ler jusqu’au bout des choses.» OSER CHEMINER SANS SE LIMITER L’important est de réussir à ne pas se brider. « Ne pensez pas aux normes de la société, ne vous fixez pas de limite », insiste Ismaël Le Mouël, président de HelloAsso. « Lorsque j’étais en classe préparatoire, racontetil, je visais une école d’ingénieurs. Mon professeur de mathématiques m’avait alors dit: “Non, non, ne vise pas cellelà, pense plutôt à celle tout en haut et tu verras bien après.” De fait, cette technique a assez bien fonctionné ! » « Il faut faire sauter tous les blocages », poursuit Amélie Edoin, directrice du Labo des histoires IledeFranceOuest. Et de marteler: «Les gran des écoles ne sont pas réservées à une élite. Elles sont réservées aux gens qui ont les moyens de réussir intellectuellement et qui se surpassent pour réussir.» Pour Thomas Schenck, cofondateur de Connect’O, le défi est d’être « à la fois ambi tieux et humble: il faut être lucide sur ce que l’on est, sur ses qualités comme sur ses défauts. Si vous savez vous remettre en question, alors l’ambition vous permettra d’aller très loin». NE PAS S’ARRÊTER EN CAS D’ÉCHEC « Oui, certains vont se tromper. Oui, leur parcours ne sera pas linéaire, et alors ? lance Sébastien Bazin, PDG d’AccorHotels. Oui, on a le droit de connaître enfin son parcours à 27 ans, car ça n’est pas parce qu’on a 22 ans qu’on doit être en mesure d’appréhender le monde de demain. Il y a des gens qui entrent dans le monde du travail à 32 ans et ils sont aussi bons, ça leur a pris cinq ans de plus, ça n’a aucune espèce d’importance. » Ludwine Probst, développeuse et cofondatrice de Ladies of Code Paris, renchérit: «Ce n’est pas parce que l’on décide à un moment de suivre une voie que l’on ne pourra pas bifurquer. Quand j’avais 16 ans, je me disais qu’il fallait tout réussir tout de suite. En fait, quand on veut aller d’un point A à un point B, on n’est pas obligé d’aller tout droit, on peut tout à fait passer par D, C, F… Il existe des passerelles : je rencontre de nombreuses personnes qui changent de métier à 30 ou 35 ans et qui apprennent encore.» MULTIPLIER LES EXPÉRIENCES «Pour apprendre à se connaître, le conseil numéro un que je donnerais est de se lancer dans des projets. Le simple fait de réaliser quelque chose vous apprend à mieux vous comprendre. Cela vous transforme également», estime le ma thématicien Cédric Villani. Pour Marie Ekeland, cofondatrice du fonds d’investissement Daphni, ces expérimentations permettent de «sortir de sa zone de confort et de son environne ment habituel». Il est important d’«aller à la rencontre de différents mondes, poser des ques tions et ne pas avoir peur de dire “je ne sais pas, expliquezmoi”. Et ce, jusqu’à ce que l’on ait com pris», notetelle. «Regarder à droite et à gauche, faire des sta ges dans des entreprises variées pour vraiment savoir ce qui vous plaît et ce qui ne vous plaît pas. Ce travail personnel est indispensable », estime Sylvain Kalache, cofondateur de la Holberton School aux EtatsUnis. C’est finale ment ce côté «touche à tout, curieux, qui sort des sentiers battus que les startup valorisent déjà et qui va devenir la norme dans les années à venir», ajoute Philippe Wagner, cofondateur de Captain Contrat. L’avocate Lise Damelet encourage également cette curiosité. «Butiner sur des fleurs auxquelles on n’avait pas néces sairement pensé» permet de développer une pensée plus large, transversale, estimetelle, une pensée qui permettra d’être plus adapté au monde de demain. CULTIVER SA CURIOSITÉ Il faut tout lire, affirme le prospectiviste et conseiller de la Cité des sciences Joël de Rosnay: «Des livres philosophiques de grands penseurs, pour acquérir les fondamentaux, à la presse internationale, pour se familiariser avec la géopolitique. C’est grâce à cette culture que l’on acquiert des racines nous permettant de construire une vision systémique globale.» Marita Cheng, fondatrice de 2Mar Robotics, abonde dans ce sens. «Soyez curieux du monde. Apprenez autant que vous pouvez, à l’école et en dehors.» Une ouverture d’esprit que défend aussi le paléoanthropologue Pascal Picq: «Pour être créatif, il faut regarder ce qu’il se passe ailleurs, lire, se documenter, échanger avec les autres. On peut trouver des idées géniales en allant voir un match de foot, pourquoi pas.» Le meilleur conseil est de «ne jamais cesser d’apprendre, ne jamais penser que l’on a fini son développement et qu’on ne peut rien faire ou apprendre de nouveau», conclut, au Kenya, Ory Okolloh, investisseuse au sein de la fondation Omidyar Network. «Je lis toujours beaucoup, j’essaie des choses différentes. Cela me main tient connectée et m’ouvre à de nouvelles oppor tunités. On n’arrête jamais d’apprendre, et pas seulement de l’école : on apprend aussi des autres, des livres, des magazines, des amis, d’In ternet. La connaissance est une quête infinie.» p laure belot Tout au long d’O21 seront diffusées des vidéos de 35 personnalités: Henri Atlan, Sébastien Bazin, Marita Cheng, Laure Courty, Boris Cyrulnik, Lise Damelet, Pierre Dillenbourg, Paul Duan, Pierre Dubuc, Louison Dumont, Amélie Edoin, Marie Ekeland, John Hennessy, Tatiana Jama, Sylvain Kalache, Sénamé Koffi Agbodjinou, Ismaël Le Mouël, Frédéric Mazzella, Bertin Nahum, Xavier Niel, Ory Okolloh, JeanFrançois Ouellet, Pascal Picq, Ludwine Probst, Ben Rattray, Joël de Rosnay, Pandora Samios, Thomas Samuel, Thomas Schenck, Valentin Stalf, François Taddei, Cédric Villani, CharlesEdouard Vincent, Philippe Wagner et Aimee van Wynsbergh. PARIS | SINGAPOUR | RABAT | MAURICE © Photos : iStock - J.M. SICOT - Conix RDBM Architects - 706851116. P our trouver sa voie, il faut être à l’écoute de soimême », conseille depuis le Togo Sénamé Koffi Agbodjinou, architecte et anthro pologue, conscient néanmoins que l’introspection n’est pas facile quand on a entre 16 et 20 ans. «Ce n’est pas évident d’entendre sa petite voix, confirme Bertin Nahum, fondateur de Med tech (Zimmer), mais la vie est trop courte pour s’engager dans un chemin qui ne nous corres pond pas.» Pour Aimee van Wynsberghe, pré sidente de la fondation Responsible Robotics aux PaysBas, l’idéal est même d’«aimer ce que l’on fait, au point de ne plus avoir l’impression de travailler». Et d’être ainsi capable de s’inves tir totalement dans son projet. Pionniers pour l’avenir Dans un monde toujours plus ouvert et technologique, l’ESSEC Business School forme des professionnels libres, agiles et audacieux, grâce au mariage de l’exigence académique, de l’implication dans la vie économique et de l’engagement dans la société. L’esprit pionnier vous inspire, rejoignez l’ESSEC Business School ! Venez nous rencontrer aux conférences et ateliers 0123 Siège social : 80, boulevard Auguste-Blanqui, 75707 PARIS CEDEX 13 Tél. : +33 (0)1-57-28-20-00 - Fax. : +33 (0)1-57-28-21-21 - Télex : 206 806 F Edité par la Société éditrice du « Monde » SA Président du directoire, directeur de la publication : Louis Dreyfus Directeur du « Monde » : Jérôme Fenoglio La reproduction de tout article est interdite sans l’accord de l’administration. Commission paritaire des journaux et publications n° 0717 C 81975. ISSN : 0395-2037 Pré-presse Le Monde Impression L’Imprimerie 79, rue de Roissy, 93290 Tremblay-en-France - Printed in France O21, S’orienter au x x ie siècle à Lille, Bordeaux (Cenon), Villeurbanne et Paris www.essec.edu