Impact de la construction européenne sur l`action

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Impact de la construction européenne sur l`action
CHAP 3 – L’ORDRE POLITIQUE EUROPEEN
3.1 – L’IMPACT DE LA CONSTRUCTION EUROPEENNE SUR L’ACTION PUBLIQUE
A – Quel équilibre des pouvoirs au sein des institutions européennes ?
a) – Quel était le projet européen ?
1. L’Union européenne est l’association économique et politique de 27 Etats appartenant au continent européen.
Sa construction a deux objectifs :
 Etablir les fondements d’une union sans cesse plus étroite entre les peuples européens, de sauvegarder la paix
et de rechercher l’union politique ;
 Assurer par une action publique commune, c’est-à-dire une réponse apportée par une autorité publique à des
besoins relevant de l’intérêt général, le progrès économique et social, la création d’un marché intérieur
européen et le renforcement de la cohésion sociale
2. Au début des années 1950, les gouvernements européens, à l'initiative de Robert Schuman et Jean Monnet,
décident de collaborer dans un certain nombre de domaines. A l'époque, deux conceptions s'opposent sur la
nature de cette collaboration :
 La coopération : les Etats nationaux sont disposés à coopérer avec leurs partenaires à condition toutefois de
conserver leur souveraineté nationale (c’est la position de la France du Général de Gaulle en juillet 65 et le
compromis de Luxembourg sur le vote à l'unanimité en janvier 1966).
 L'intégration : la conception classique de l'inviolabilité et de l'indivisibilité de la souveraineté des Etats fait place
à l'idée d'une souveraineté commune et de supranationalité. Ce processus doit aboutir à la création d'un Etat
fédéral européen (les « Etats-Unis d’Europe ») dans lequel les individus remettent leur destinée entre les mains
d'autorités communautaires, mais qui préserve les particularités des nations constituant cet Etat.
3. Le compromis a porté sur l'idée que cette intégration dans un Etat fédéral européen devait être progressive et
commencer par l’économie. Les Etats ont donc décidé d'instaurer une communauté économique entre les
nations européennes (Traité de Rome du 25 mars 1957, création de la CEE à six pays : Allemagne, Benelux,
France) qui doit fonder les premières assises d'une Union européenne plus large et plus profonde entre les
peuples (Traité de Maastricht du 7 février 1992).
4. La construction européenne repose donc à la fois sur la création d’un marché unique, qui autorise la libre
circulation des marchandises, du travail et des capitaux, et sur la mise en place d’institutions communes
(Commission européenne, Monnaie unique...) préparant les « États-Unis d’Europe » pour les fédéralistes ou
des « coopérations renforcées » pour les partisans d’une « Europe confédérale » ou d’une « Europe des
Nations ».
Intégration européenne
Economique : par le
marché
Marché unique
Politique : par les
institutions
Monnaie unique
Institutions
supranationales
5. La construction politique européenne a produit une architecture institutionnelle unique et originale. En effet,
l’ordre politique de l’union européenne est complexe. Il repose sur des instances propres,
intergouvernementales (Conseil européen, Conseil de l’Union…) et communautaires (Commission européenne,
parlement européen…) instituées par les Traités européens dont le fonctionnement diffère de celui des
instances nationales. Pour des raisons démocratiques et d’efficacité, ce système politique doit combiner
différents niveaux de dialogue entre les différents niveaux de pouvoir (institutions européennes, institutions
nationales, régionales et locales). Depuis 1957, l’intégration européenne rapproche les législations et les
pratiques politiques des différents états. Elle a fait naître un système politique nouveau qui pourrait bien se
transformer en Etat fédéral.
b) – Comment s’organise le pouvoir entre les institutions européennes ?
1. L'Union Européenne constitue une expérience politique originale et inédite à l'échelle mondiale. Définie
officiellement comme un « expérience économique et politique unique » entre 27 pays du continent européen, il
s'agit d'un « objet politique non identifié » selon Jacques Delors. En effet, elle est plus qu'une simple
organisation internationale mais elle ne constitue pas pour autant un Etat fédéral comme les Etats-Unis dans
lequel les Etats fédérés disposent d'une large autonomie et d'une organisation étatique complète, mais
reconnaissent dans le gouvernement fédéral une autorité supérieure et commune à tous les membres, et ne
disposent d'aucun pouvoir en matière de politique étrangère. Dans l’Union européenne les Etats Membres
désirent conserver une part importante de leur souveraineté, même si ils en ont délégué une partie à l'UE.
2. Le système institutionnel communautaire n’est pas basé sur le principe de la séparation des pouvoirs. C’est un
ensemble institutionnel qui doit préserver trois types d’intérêts différents. Il doit en effet concilier à la fois les
intérêts nationaux des Etats, ceux de l’Union européenne et l’intérêt des peuples. C’est pourquoi on parle de
triangle institutionnel. Le Traité de Maastricht (entré en vigueur le 1er novembre 1993) établissait trois
institutions : la Commission européenne, le Parlement européen et le Conseil de l’Union (également appelé
Conseil des ministres). Avec le Traité de Lisbonne de 2007 sont venus s’additionner à ce système : le Conseil
européen, la Cour de justice, la Banque centrale et la Cour des comptes.
 Le Conseil européen, officialisé au moment de l’Acte Unique en 1986, et le Conseil des ministres représentent
le pôle intergouvernemental du triangle institutionnel, pôle dominant dans le fonctionnement actuel de ce
dernier. Ils constituent l'organe décisionnel de l'Union.
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Le Conseil européen est constitué des Chefs d’Etat, des Chefs de gouvernement des Etats de l'Union
et du Président de la Commission. Depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne (2009), il a un
Président permanent (il s’agit actuellement de l’ancien Premier ministre belge Herman Van Rompuy). Il
se prononce le plus souvent par consensus (la PESC) même si la majorité qualifiée peut être mobilisée
dans de nombreux cas (Election du Président de la Commission, la culture, les transports, la libre
circulation des travailleurs…). La majorité qualifiée est atteinte si elle regroupe au moins 55 % des
États membres représentant au moins 65 % de la population de l’Union européenne. Un tel système
attribue donc une voix à chaque État membre tout en tenant compte de leur poids démographique. Le
traité de Lisbonne prévoit également une minorité de blocage composée d'au moins quatre États
membres représentant plus de 35 % de la population de l’Union. Ce nouveau système de vote à la
majorité qualifiée sera applicable à partir du 1er novembre 2014 (mais avec une possibilité d’utilisation
du système de vote défini par le traité de Nice au cas par cas jusqu’au 31 mars 2017).
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Le Conseil de l’Union est constitué des ministres concernés par une question. La présidence de ces
conseils est assurée par un des Etats chargé de la présidence tournante, par roulement tous les 6
mois. Il constitue le principal centre de coordination et de décision de l’UE. Les fonctions de ce conseil
sont législatives et exécutives. Il statue progressivement à la majorité qualifiée (55% des membres du
Conseil, comprenant nécessairement quinze d’entre eux, et représentant au moins 65% de la
population de l’Union).
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Ces deux conseils ont plusieurs missions :
o
o
o
Prendre les décisions à partir des propositions émises par la Commission (pouvoir bicéphale) ;
Elaborer et fixer le budget de l'UE ;
Imprimer de nouvelles imulsion et fixer de nouveaux objectifs à l'UE (art.15 TUE).
 La Commission européenne constitue l'organe exécutif communautaire et supranational de l'Union. Le
Président de la Commission est désormais élu par le Parlement européen sur proposition du Conseil européen.
Les commissaires (actuellement au nombre de 27 puis 18 en 2014) sont auditionnés par le Parlement européen
qui approuve ensuite par un vote, la liste des commissaires proposée par le Président de la Commission et le
Conseil européen. Ces commissaires, installés à Bruxelles, sont indépendants des Etats et agissent dans
l'intérêt général de l'union. Ils ne sont soumis qu'au contrôle du Parlement qui peut les démissionner
collectivement. Elle dispose d'une administration (2 000 en 1958, 18 000 de nos jours) pour remplir plusieurs
missions :
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Proposer au conseil de l'UE toute mesure utile (directives, règlements) au développement de l'union ;
Mettre en œuvre les politiques communautaires décidées par le conseil ou par les traités. Elle prépare
et exécute le budget et gère les programmes ;
Assurer le respect des règles communautaires grâce à des enquêtes, des amendes ou la traduction
d'un contrevenant devant la cour de justice européenne. Elle est la gardienne des traités.
 Le Parlement européen est un organe législatif, de concertation et de contrôle de l'UE. Cette institution
représente ainsi les intérêts des peuples, des citoyens des Etats réunis dans l’Union. Depuis 1979, il est
composé de députés européens élus au suffrage universel direct pour 5 ans (754 députés européens, qui
représentent 507 millions d’électeurs provenant de 27 États). Il dispose d'une légitimité démocratique directe (à
la différence du pôle intergouvernemental dont la légitimité démocratique est indirecte : les chefs d'Etats ont
d'abord été élus dans le cadre de leurs mandats nationaux). Les députés sont regroupés, à Strasbourg, par
affinités politiques et non par pays. Ils disposent d'un secrétariat et de fonctionnaires. Ses prérogatives n’ont
cessé d’être renforcées :
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Il a un pouvoir de codécision : le Parlement peut amender certaines décisions importantes concernant
le développement de l'UE ;
Depuis le traité de Lisbonne, il a un « droit d’initiative indirect » en demandant à la Commission, à la
suite d’un vote majoritaire, de faire des propositions sur un sujet précis ;
Il a un pouvoir de contrôle sur la Commission (questions écrites, orales, débats, enquêtes…) ;
Il a un pouvoir d’investiture : il approuve la nomination des commissaires et peut censurer la
Commission. Il peut rejeter le budget proposé à la majorité absolue et il contrôle la bonne exécution du
budget adopté.
 La Cour européenne de justice est l'organe judiciaire de l'Union. Elle est composée de juges (27 actuellement)
assistés d'avocats généraux (8), installés à Luxembourg et nommés pour 6 ans en accord avec les Etats
membres. Leur indépendance est garantie. Ils ont pour mission :
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Annuler les actes européens incompatibles avec les traités ;
Se prononcer, à la demande d'un tribunal national, sur l'interprétation du droit communautaire ;
Traiter les recours introduits par des particuliers ou des entreprises contre les décisions prises par les
institutions communautaires.
 La Banque centrale européenne : la BCE est fondée en 1998 pour introduire et gérer l’euro, exécuter les
opérations de change et assurer le fonctionnement sans heurt des systèmes de paiement. La BCE est
également chargée de définir et de mettre en œuvre la politique monétaire de la zone euro. Elle est
indépendante des Etats. L'une des tâches principales de la BCE est de maintenir la stabilité des prix dans la
zone euro, afin de sauvegarder le pouvoir d'achat de l'euro.
 Il existe d'autres institutions communautaires : le Comité économique et social (consultatif), la Cour des
comptes (contrôle de l'exécution du budget), la Banque européenne d'investissement (pour le financement des
objectifs prioritaires) et le Comité des régions de l'UE (gardien de la subsidiarité).
3. Ce système (triangle institutionnel) tend donc vers un système d’autocontrôle institutionnel. Ainsi, la procédure
de codécision (consacrée par le Traité de Lisbonne et aujourd’hui nommée « procédure législative ordinaire »)
est aujourd’hui encouragée pour favoriser la coopération entre l’intergouvernemental et le communautaire. Les
intérêts défendus par ces différentes institutions peuvent être potentiellement conflictuels. En effet, il y a
souvent opposition entre la logique supranationale de la Commission et dans une moindre mesure du
Parlement (défense de l'intérêt général de l'UE, tendance à la communautarisation) et la logique
intergouvernementale (défense des intérêts propres des Etats Membres, craintes de perte de souveraineté et
d'abandons de prérogatives nationales, ententes ou désaccords bilatéraux comme par exemple dans le cas de
l'axe Franco-Allemand).
B – Comment se construit l’action publique européenne ?
a) – Le partage de compétence et le principe de subsidiarité
1. La coexistence entre institutions européennes et Etats membres nécessite d’avoir une répartition des tâches
entre chaque niveau institutionnel. Depuis le traité de Lisbonne, ce partage des compétences se décline en
trois domaines :
 Les compétences exclusives de l’Union, qui ont fait l’objet d’un transfert total des États membres à l’Union. Les
Etats ont dû abandonner ou transférer une partie de leur souveraineté à l’Union dans un certain nombre de
domaines (politique protectionniste, politique monétaire pour la zone euro…). Les Etats ont dû également se
conformer aux normes européennes décrétées par l’Union (normes sur les produits, pacte de stabilité,
reconnaissance des diplôme…). Les décisions de l’Union s’imposent aux Etats.
 Les compétences partagées entre les États membres et la communauté. Les Etats ont dû coordonner un
certain nombre de leurs politiques pour favoriser l’harmonisation de l’Union (politique sociale, cohésion
économique, sociale et territoriale, agriculture et pêche, environnement, protection du consommateur...).
 Les compétences exclusives des États membres – où encore « retenues » – qui relèvent de la souveraineté
des États membres sans ingérence possible de l’Union européenne même si l’Union peut leur apporter leur
appui (l’ordre public, la santé, la protection sociale, droit du travail…).
Compétences exclusives de l’Union
Compétences
abandonnées par
les Etats
- Obstacles
protectionnistes
- Aides publiques
Compétences
transférées par
les Etats
- Politique agricole
- Politique de la
pêche
- Politique
monétaire
- Accords
commerciaux
Compétences
encadrées par
l’Union
- Libre circulation
des personnes
- Réglementation
des produits
- Pacte de stabilité
- Politique de la
concurrence
Compétences
concurrentes ou
partagées
(coordonnées
entre les Etats)
Compétences
exclusives des
Etats
(réservées aux
Etats)
- Politique de
recherche
- Aménagement du
territoire
- Cohésion sociale
- L’environnement
- Politique
économique
(Eurogroupe)
- Politique sociale
- Sécurité intérieure
- Protection civile
- Droit du travail
- Fiscalité
- Justice
- Affaires
étrangères
- Culture
- Education
- Santé
2. Le transfert des compétences a été progressif. Il a d'abord concerné le domaine politique pour s'étendre,
ensuite, au social et au politique. On peut noter quatre grandes étapes :
 Le Traite de Rome de 1957, crée un Marché commun qui prévoit l'abolition des droits de douane à l'intérieur de
la CEE et un tarif douanier commun à l'extérieur. La Communauté a donc compétence pour négocier des traités
commerciaux et pour fixer des mesures douanières. A cela s'ajoute des politiques communautaires : la CECA,
l'Euratom et la PAC (politique agricole commune).
 L'acte Unique européen du 12 mars 1985, prévoit un Grand marché unique pour 1992, ce qui suppose la libre
circulation des biens, des personnes et des capitaux. La Commission va donc hériter d'un pouvoir
réglementaire pour harmoniser les règlements, les législations, une partie de la fiscalité et les diplômes et
contrôler la concurrence intérieure. A cela s'ajoute la mise en place de politiques en faveur de l'éducation, de la
recherche et du transport : Eureka, Esprit,...
 Le Traité de Maastricht de 1992, crée une monnaie unique (UEM), l'Euro, pour 1999, gérée de façon
indépendante par une Banque centrale européenne, ce qui suppose une coordination accrue des politiques
économiques et sociales. De plus, une politique étrangère et de sécurité commune (PESC) est mise en place
(Europol, accords de Schengen...).
 Le Traité constitutionnel signé en 2007(ou Traité de Lisbonne) devait modifier l’organisation et les compétences
des principales institutions de l’Union mais il a fallu deux votes de la population Irlandaise pour qu'il soit adopté
et mis en œuvre le 1er janvier 2010. Ce traité prévoit notamment, l’élection d’un président du Conseil européen
(pour deux ans et demi renouvelable une fois) confié à Herman Von Rompuy, la conduite de la politique
étrangère et de sécurité par un Haut Représentant (Mme Ashton), l’accroissement des pouvoirs du Parlement
européen (mais aussi la réaffirmation du principe de subsidiarité) et l’application contraignante d’une Charte des
Droits fondamentaux. Il a donc plusieurs objectifs :
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Une Europe plus démocratique : en donnant plus de pouvoir au Parlement élu et une plus grande initiative aux
citoyens (droit d’initiative populaire) ;
Une Europe plus efficace : en mettant fin à la règle de l’unanimité qui bloque les décisions dans un certain
nombre de domaines au profit d’une « double majorité » (55% des Etats + 65% de la population) ;
Une Europe plus sociale : la charte des droits fondamentaux est insérée dans le traité et est obligatoire pour
tous les Etats membres ;
Une Europe plus forte sur la scène internationale avec une entité juridique et un représentant pour les affaires
étrangères.
3. L’union européenne, dans ses domaines de compétences, peut édicter des actes juridiques, qui viennent alors
encadrer les actions publiques des Etats membres :
 Le règlement est un acte juridique européen. De portée générale, il est obligatoire dans toutes ses dispositions :
les États membres sont tenus de les appliquer telles qu’elles sont définies par le règlement. Par exemple, le
règlement « Reach » adopté par le Parlement européen et le Conseil en 2006 modernise la législation
européenne en matière de substances chimiques, et met en place un système intégré unique d'enregistrement,
d'évaluation et d'autorisation des substances chimiques dans l'Union européenne.
 La directive quant à elle est un acte juridique européen pris par le Conseil et le Parlement qui lie les États
destinataires de la directive quant à l’objectif à atteindre, mais leur laisse le choix des moyens et de la forme
pour atteindre cet objectif dans les délais fixés par elle. Les États membres doivent donc transposer la directive
dans leur droit national. Il s’agit de rédiger ou de modifier des textes du droit national afin de permettre la
réalisation de l’objectif fixé par la directive et d’abroger les textes qui pourraient être en contradiction avec cet
objectif. La non-transposition d’une directive peut faire l’objet d’une procédure de manquement devant la Cour
de justice de l’Union européenne (comme cela a été le cas avec la directive sur le contrôle de la dissémination
d’OGM pour la France).
 Enfin, les recommandations et avis n'ont pas force obligatoire.
4. Dans le domaine des compétences partagées, le principe de subsidiarité consiste à réserver uniquement à
l’échelon supérieur (l’Union européenne), ce que l’échelon inférieur (les États membres, que ce soit au niveau
central, régional ou local) ne pourrait effectuer que de manière moins efficace. De manière logique, ce principe
ne concerne pas les domaines relevant de la compétence exclusive de l’Union, ni ceux qui demeurent de la
seule compétence des États. C'est donc, pour l'action publique, la recherche du niveau le plus pertinent et le
plus proche des citoyens. Il conduit à ne pas faire à un échelon plus élevé ce qui peut être fait avec la même
efficacité à un échelon plus bas. Le niveau supérieur n'intervient que si le problème excède les capacités du
niveau inférieur (principe de suppléance). À cet égard, on peut noter que le Traité de Lisbonne (entré en
vigueur le 1er décembre 2009) reconnaît aux parlements nationaux la compétence pour veiller au respect du
principe de subsidiarité.
Art 5 – « La Communauté n’intervient que si et dans la mesure où les objectifs de l’action envisagée ne peuvent
pas être réalisés de manière suffisante par les Etats membres et peuvent donc, en raison des dimensions ou de
l’effet de l’action envisagée, être mieux réalisés au niveau communautaire »
5. Avec la construction européenne, les Etats membres ont donc transféré une partie de leurs compétences
nationales à l’Union, ce qui a des effets concrets sur la conduite de l’action publique, entendue comme
l’ensemble des mesures engagées par les pouvoirs publics pour répondre à un problème social.
b) – Une gouvernance multi-niveaux.
1. L'Union européenne ne constitue pas un Etat au sens classique du terme. Elle ne dispose donc pas d'un
gouvernement en tant que tel. Pourtant, des lois sont élaborées (directives, règlements, recommandations) et
sont exécutées dans de nombreux domaines
2. Dès lors, pour rendre compte du processus de fabrication de l'action publique à l'échelle européenne, les
politistes (et la Commission européenne elle-même) utilisent le terme de « gouvernance ». Il n'existe pas de
définition stabilisée de cette notion polysémique. On peut la définir de la façon suivante : mode de
gouvernement organisé sur la base d’une coopération, d’un partenariat ou d’un contrat, entre une pluralité
d’acteurs aussi bien publics que privés.
3. Loin d'être un système politique centralisé et pyramidal, l'Union Européenne oblige une pluralité d'acteurs
(publics et privés), intervenant à différents niveaux (européen, national, régional, local) et dans différents
secteurs d'activités à collaborer entre eux pour fabriquer les politiques publiques. On peut qualifier le mode de
construction de l'action publique propre à l'Union Européenne de gouvernance multi-niveaux qui correspond à
une processus de prise de décision qui consiste à organiser des partenariats entre les différents niveaux de
responsabilité des pouvoirs politiques (locaux, régionaux, nationaux, européens) pour mettre en œuvre des
politiques européennes. Celle-ci induit la responsabilité partagée des différents niveaux de pouvoirs concernés
dans la formulation des politiques et de la législation communautaires par l’intermédiaire de différents
mécanismes (consultation, analyses d'impact territorial, …), comme c’est le cas en ce qui concerne la politique
commune de la pêche. La mise en œuvre de la gouvernance à multiniveaux repose sur le respect du principe
de subsidiarité, qui évite que les décisions soient concentrées en un seul niveau de pouvoir et qui garantit que
les politiques soient conçues et appliquées au niveau le plus approprié.
Gouvernance européenne
multi-niveaux
Codécision
Niveau européen
supranational
Niveau
intergouvernemental
Budget européen
Niveau communautaire
Règlement européen
Directive européenne
Niveau national
Application ou transposition
dans la législation nationale
Budget national
Cofinancement
Niveau régional et local
c) – Quels sont les effets de l’européanisation de l’action publique ?
1. L'Européanisation de l'action publique correspond à l’influence de l’intégration européenne sur les politiques et
les acteurs nationaux. Elle s'effectue par différents vecteurs :
 La constitution d'un agenda politique européen : alors qu'auparavant la formulation des problèmes dignes d'une
action publique était essentiellement nationale, elle est de plus en plus transférée au niveau européen. C'est
particulièrement clair pour la politique environnementale (imposée à l'agenda politique français par l'UE) et par
la politique agricole (les réformes de la PAC rythment l'agriculture : lutte contre les excédents, prise en compte
des conséquences environnementales...).
 La primauté du droit européen : le droit européen encadre l'action des pouvoirs publics au niveau national. Le
droit européen (les traités mais aussi les règlements, directives, et décisions) l’emporte sur toute disposition
contraire du droit national : c’est le principe de primauté. C'est le cas dans les trois politiques publiques
étudiées, qui sont fortement encadrées par le dispositif législatif et réglementaire européen. Ainsi, la France a
été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme pour l’insalubrité de ses prisons. On considère
que 37% de la législation nationale procèdent des règlements et directives européens.
 La socialisation européenne des acteurs : apprentissage de normes, de valeurs, de référentiels européens qui
structurent les représentations des acteurs de l'action publique et sont mis en œuvre dans la construction des
politiques publiques nationales. C'est le cas dans tous les domaines de politiques publiques concernés. En ce
qui concerne la politique de l'immigration, les échanges entre policiers, gendarmes et fonctionnaires des
différents pays ont contribué à la constitution d'un référentiel commun.
2. Le degré d’européanisation des politiques nationales n'est pas seulement déterminé par les traités européens
et le partage des compétences. Le cas de la politique de l'immigration (compétence exclusive des Etats
Membres en témoigne). Le degré d’européanisation connu par un secteur des politiques publiques dépend
plutôt de la manière dont les acteurs de l’action publique nationaux s’engagent dans et « utilisent » l’intégration
européenne.