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Le moral est à son plus bas pour la jeune femme, qui a grand besoin
d’évasion. Sur un coup de tête, elle propose à son conjoint Philippe
de l’accompagner pour une escapade dans le Sud, mais il préfère
passer ses vacances à la maison avec leurs deux filles. Se sentant
incomprise par celui qu’elle considère comme l’homme de sa vie,
Érika convainc alors ses sœurs Esther et Sybelle de partir avec elle.
Sous le chaud soleil de la Riviera Maya, les surprises, les moments
cocasses et insolites ainsi que les possibilités d’aventures se
succéderont. Étourdie par les vapeurs de margarita et les corps
d’hommes virils et bronzés, Érika s’efforcera de demeurer lucide et
de garder à l’esprit ce qu’elle désire réellement.
Si au moins Philippe pouvait être là, il la séduirait encore et encore
tout en la faisant vibrer par ses élans de tendresse. Auprès de celui
qu’elle aime, Érika aspire à devenir une femme entière, une femme
capable de vivre intensément sa vie et ses passions, telle l’héroïne
d’un grand roman d’amour…
Sandra Lane a complété des études en littérature
française et en gestion, pour ensuite travailler
en enseignement avant de se tourner vers les
ressources humaines. Après son roman Partir pour
oublier… un salaud, elle livre ici le dernier volet
d’une trilogie pour âmes romantiques seulement.
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Roman
Tome 3
Roman d’amour
Érika Fleury vit à temps plein son rôle de mère depuis quelques
années. Engagée dans cette course folle qu’est le quotidien, elle a
appris à ses dépens que la maternité exige bien des sacrifices, et
envie les femmes qui réussissent à se consacrer à leur carrière.
Un vieux rêve refait surface à l’occasion, lui rappelant qu’elle a déjà
eu des aspirations bien à elle…
SANDRA LANE
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SANDRA LANE
Tome 3
POUR LE
MEILLEUR…
Roman d’amour
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Catalogage avant publication de Bibliothèque et
Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Lane, Sandra, 1968Roman d’amour
Sommaire : t. 3. Pour le meilleur…
ISBN 978-2-89585-581-1 (vol. 3)
I. Lane, Sandra, 1968- . Pour le meilleur… II. Titre.
PS8623.A522R65 2013 C843’.6 C2013-940882-7
PS9623.A522R65 2013
© 2014 Les Éditeurs réunis (LÉR).
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Imprimé au Québec (Canada)
Dépôt légal : 2014
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Bibliothèque nationale du Canada
Bibliothèque nationale de France
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Roman d’amour
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Tome 3
UN Pour
PEU DEle
ROMANCE,
SVP !
meilleur…
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À Claudio,
Pour le meilleur…
‘Cause with your hand in my hand and a pocket full of soul
I can tell you there’s no place we couldn’t go
Mirrors, Justin Timberlake
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Dès que j’ai mis les pieds dans ce lieu branché de la rue SaintDenis, j’ai su que je n’étais pas à ma place. Mes narines ont été
assaillies par une multitude d’odeurs à la fois fruitées et chimiques.
J’en ai été étourdie. Il faut dire que je n’avais pas vu l’intérieur d’un
salon de coiffure depuis plus de cinq ans. Je n’arrivais même plus
à me rappeler à quand remontait la dernière fois où j’avais osé me
faire faire une vraie coupe, bien stylée. J’arborais depuis toujours
mes cheveux châtains qui descendaient dans mon dos en longues
mèches plates.
J’étais plutôt de nature conservatrice et cette paire de ciseaux qui
s’approchait dangereusement de ma tête faisait naître en moi une
inquiétude qui frôlait l’insoutenable. Je ne voulais pas voir ça. J’ai
fermé les yeux un instant tout en tentant de respirer profondément.
Ma sœur Sybelle m’avait assurée que je n’avais rien à craindre et
que Sebastian était le meilleur coiffeur en ville. Ma mère, Esther
et même Sabrina ne juraient plus que par lui. Il avait, paraît-il, un
don pour faire des têtes extraordinaires et, évidemment, hors de
prix. Pour ma part, je restais persuadée que si je payais trois cents
dollars pour un nouveau look, j’avais mon mot à dire. J’ai soulevé
une paupière, légèrement, mais juste assez pour très bien imaginer
la suite des choses. Si je ne réagissais pas illico, j’allais me retrouver
avec une coupe de cheveux hyper tendance qu’il me serait impossible de refaire moi-même à la maison.
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Alors que Sebastian tenait une de mes mèches sans éclat entre
ses doigts habiles et qu’il manœuvrait les ciseaux avec l’aisance que
lui donnait une bonne vingtaine d’années d’expérience, j’ai poussé
le cri qui était coincé dans ma gorge depuis ce qui me semblait une
éternité.
—— NON ! ai-je lancé en crispant tous les muscles de mon visage.
Sebastian a sursauté en reculant d’un pas. Il était si surpris qu’il
en a échappé sa paire de ciseaux qui s’est échouée sur le sol dans
un cliquetis de fin métal. Dans le miroir, j’ai croisé le regard de
Sybelle qui arrondissait les yeux d’horreur tout en portant la main
sur sa bouche.
—— Je suis désolée, Sébas, mais je ne peux pas. Je n’aurais
jamais dû venir ici. Tout ce que je veux, c’est faire disparaître
mes cheveux gris et éliminer mes pointes fourchues. Ma coiffeuse
de quartier peut très bien s’en charger, puis elle le fera au quart
du prix. Je…
Sebastian ne m’a pas laissé terminer. Tout en poussant de petits
cris aigus, il a porté une main à son cœur et s’est mis à suffoquer.
C’est qu’il était très théâtral, ce Sebastian, je dirais même caricatural. Sybelle a réagi rapidement. Elle l’a attrapé par le bras et
l’a conduit jusqu’à un des sièges fashion, mais si inconfortables,
où il m’avait fait poireauter durant trois quarts d’heure avant de
daigner s’occuper de moi. Quatre de ses assistantes sont accourues
vers lui, une d’entre elles avec un verre d’eau, une autre avec un
éventail, la troisième s’est mise à lui masser les épaules pendant
que la quatrième lui tapotait une main. On se serait cru en plein
cirque ambulant.
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Lorsque Sybelle est revenue vers moi, elle était, de toute
évidence, très en colère. Elle avait les poings sur les hanches et je
voyais presque de la fumée s’échapper de ses oreilles.
—— Érika Fleury ! Mais qu’est-ce que tu as fait ? m’a-t-elle craché
à la figure en gardant les dents serrées. Tu ne peux pas agir de la
sorte avec Sebastian. Ne t’ai-je pas répété cent fois qu’il ne faut
surtout pas l’appeler Seb, Sébas ou Sébastien ? Il se prénomme
SE-BAS-TIAN. Tu as manqué lui faire faire une crise cardiaque.
—— Oh ! Quand même, tu vois bien qu’il joue la comédie, ton
coiffeur à mille piastres. Tu as beau être girly à tes heures, Sybelle,
tu es avant tout une fille sensée et terre à terre. Je ne peux pas
croire que tu embarques dans son jeu ridicule.
—— Parce qu’il est le meilleur, Érika, le meilleur ! J’ai essayé des
dizaines de coiffeurs et aucun ne lui arrive à la cheville. Tu sais
que j’ai dû venir ici deux fois par mois durant près d’un an avant
qu’il ne daigne toucher à ma tête. Même s’il est booké jusqu’au
Nouvel An, il a accepté de te prendre par amitié pour moi. Puis
voilà comment tu nous remercies.
—— Il allait me couper une mèche à deux centimètres de la racine.
Je tiens à garder mes cheveux longs. Les coupes courtes, ce n’est
pas pour moi, je suis incapable de me coiffer. Et même si je voulais
essayer, quand pourrais-je la faire, cette foutue mise en plis quotidienne ? Le soir pendant que les filles sont dans le bain ? Je n’aurais
qu’à les surveiller d’un seul œil après avoir branché tout mon
assortiment de sèche-cheveux et de fers à friser. Une fois que l’eau
du bain serait refroidie, j’aurais peut-être réussi à faire la moitié
de ma tête avant d’aller me coucher dessus et d’être obligée de me
lever à quatre heures le lendemain matin pour recommencer.
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—— Tu exagères encore. Sebastian possède un don. Il a ressenti
quelque chose en toi que tu n’arrives pas à saisir toi-même. Il sait
ce qui t’ira le mieux.
—— Je t’en prie ! Tu deviens ridicule. Je me fous de son stupide
don auquel je ne crois pas. Il n’y a que moi qui sais ce qui me
convient. J’ai besoin de quelque chose de simple. Je suis une
mère de famille, je n’ai pas deux heures par jour à consacrer à
ma tête.
Je commençais à en avoir réellement marre de cette comédie à
deux sous. Mieux valait que je parte. Pendant que Sebastian continuait de nous servir toute une panoplie de cris qui passaient du très
aigu à l’excessivement aigu, je tentais de m’extirper tant bien que
mal de la chaise de coiffure design dans laquelle je m’étais insérée
de justesse. Elle semblait avoir été conçue pour une gamine de
treize ans. Lorsqu’une femme prenait rendez-vous ici, elle devait
mentionner son tour de hanches. Je comprends pourquoi Sybelle
ne m’avait pas amenée voir Sebastian avant. Avec les douze kilos
de plus que j’affichais jusqu’à l’année dernière, je n’aurais jamais
réussi à m’asseoir dans ce siège.
—— Ne bouge pas d’ici, m’a ordonné ma jeune sœur avec fermeté.
Je vais tenter de lui parler. Nous serons vraiment chanceuses s’il ne
nous fout pas à la porte.
Étant aussi à l’aise sur ses talons hauts que l’est un marathonien
dans une paire d’espadrilles aérodynamiques, Sybelle s’est dirigée
vers la petite troupe que formaient son coiffeur et ses assistantes.
Les autres clientes sur place et le reste du personnel ne semblaient
pas trop se préoccuper de la situation. Le premier moment de
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surprise passé, ils étaient tous retournés à leurs tâches. Je suppose
que Sebastian devait offrir régulièrement ce genre de spectacle.
Sans aucune gêne, ma sœur a écarté les jeunes assistantes qui se
pressaient autour de l’homme d’une quarantaine d’années. Avec
délicatesse, elle a posé sa main sur son bras. Il a détourné la tête en
faisant une moue d’enfant boudeur, mais cela était bien peu pour
intimider une femme telle que Sybelle. Elle s’est approchée de lui
et lui a offert son plus magnifique sourire. Personne ne pouvait
résister à ce sourire.
Ma sœur s’est mise à lui raconter quelque chose que je ne
pouvais pas entendre d’où je me tenais. Mais petit à petit, j’ai vu
le visage du coiffeur s’éclairer. Au bout de deux ou trois minutes,
ils rigolaient comme de vieux copains qui s’apprêtaient à faire un
mauvais coup. Sebastian s’est relevé de sa chaise en balayant des
mains l’espace autour de lui. En moins de deux, ses assistantes
se sont écartées pour lui permettre d’avancer jusqu’à moi. Il me
regardait avec tant de sérieux et d’intensité que j’ai bien failli me
sentir mal. J’en tremblais presque dans mon jeans un peu trop
grand acheté l’an dernier. Puis, avec mon chandail rayé noir et
gris de chez Reitmans, je détonnais complètement dans le décor.
J’aurais peut-être dû suivre le conseil de Sybelle et enfiler les
vêtements à la mode que nous avions dénichés un peu plus tôt
dans la journée. Mais je trouvais ridicule de m’habiller chic pour
aller me faire coiffer.
—— Sebastian adore les défis, m’a lancé le bouffon en pantalon
serré tout en me jetant un coup d’œil féroce. Et toi, la grande sœur
de Sybelle, tu es un défi de taille.
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Je n’avais même pas eu le temps de réagir que déjà ses assistantes, chaussées de hauts talons et arborant des vêtements dernier
cri, me repoussaient dans mon siège rigide – mais si en vogue – et
me remaillotaient dans ma cape imperméable.
—— Euh…
—— Érika, m’a dit Sybelle à l’oreille tout en pressant mon épaule,
tu te laisses faire sans rouspéter.
Pour toute réponse, j’ai envoyé un regard indigné à ma jeune
sœur et j’ai entrepris de m’extirper de nouveau de cette satanée
chaise qui n’offrait aucun confort. Évidemment, pendant que
tous me fixaient effrontément, il a bien fallu que je m’empêtre
dans mes propres pieds, pourtant chaussés de simples espadrilles
bien plates. J’ai perdu l’équilibre sans pouvoir m’accrocher à quoi
que ce soit : j’avais les bras coincés dans la foutue cape qui me
serrait au cou et me rappelait étrangement les camisoles de force
qu’on peut voir dans les films mettant en scène des psychopathes.
J’ai fait deux ou trois tours sur moi-même en essayant désespérément de rester debout. Je me suis débattue tant bien que mal et,
miraculeusement, j’ai réussi à dégager un bras qui est sorti trop
violemment de sous la cape. Sans le vouloir, j’ai giflé l’une des
assistantes de Sebastian qui s’est mise à sautiller sur place sous
l’effet de la douleur. De mon côté, dans l’ultime espoir de rester
sur mes deux pieds, j’ai saisi la première chose qui se présentait
devant moi. Mais un fer à friser bien chaud n’est pas du tout
agréable au toucher. Je l’ai lâché aussi vite que je l’avais pris. Il a
fait un vol plané jusqu’à la table voisine où il a heurté un grand
miroir. Tout le monde retenait son souffle alors que le verre se
fendait lentement au début, puis de plus en plus rapidement pour
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ensuite s’éparpiller en minuscules fragments parmi les produits
coiffants qui s’alignaient esthétiquement juste en dessous.
J’entendais Sybelle se confondre en excuses pendant que je
m’accrochais au dossier de l’affreuse chaise et que je retrouvais
enfin l’équilibre.
—— Sebastian, ne t’en fais pas, nous paierons pour les dommages.
—— Sybelle Fleury ! ai-je crié avec rage. C’est toi qui as voulu
m’amener ici, alors tu paieras toi-même. Et, ai-je enchaîné en
me tournant vers Sebastian, je ne suis pas que la grande sœur
de Sybelle, j’ai aussi un prénom, c’est Érika, et je préfère que les
gens l’utilisent lorsqu’ils s’adressent à moi. Puis j’ai compris que
ton nom est SE-BAS-TIAN, tu peux donc utiliser le « je » quand
tu parles de toi. Moi, j’emploie la troisième personne seulement
quand je m’adresse à ma fille de DEUX ANS.
Sybelle me regardait maintenant avec une expression vraiment
horrifiée. Un lourd silence s’est abattu sur le salon de coiffure.
Après quelques secondes, Sebastian a éclaté d’un rire sincère et
l’atmosphère s’est allégée d’un seul coup. Il a demandé à deux
de ses assistantes de nettoyer les dégâts en informant Sybelle qu’il
possédait une bonne assurance pour ce genre d’accidents. Lorsqu’il
s’est tourné vers moi, il ne ressemblait plus du tout à un clown de
service qui offre des prestations ridicules pour attirer une clientèle
en manque d’excitation.
—— Alors, Érika, je te les coupe, ces pointes fourchues ? m’a-t-il
simplement demandé d’une voix qui n’avait plus rien d’hystérique
ou de théâtral.
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Il m’a fait un sourire en coin dans le miroir et j’ai compris que le
spectacle était terminé. On passait enfin aux choses sérieuses. J’ai
acquiescé en éclatant de rire à mon tour.
Il s’en est tenu aux pointes et à un dégradé léger sur le devant.
Puis nous avons choisi ensemble ma nouvelle couleur. Je ne voulais
pas trop de changement, j’aurais préféré garder une teinte plus
proche de mon châtain actuel, peut-être un peu plus brillante, mais
pas trop contrastante. Mais Sebastian avait insisté et j’ai choisi de
lui faire confiance. Selon lui, j’étais une rousse naturelle. Sybelle
avait acquiescé et je m’étais laissé convaincre.
J’avais l’impression d’être restée une éternité avec cette préparation sur la tête. Lorsque enfin une des assistantes de Sebastian m’a
lavé les cheveux, je ne voulais plus voir à quoi je ressemblais.
Assise sur la chaise étroite, je gardais obstinément les yeux fermés
pendant que Sebastian me plaçait les cheveux. Je sentais la brosse
s’enrouler sur les mèches et le vent de l’appareil qui chauffait mon
cuir chevelu.
—— Érika ! Franchement ! m’a sermonnée Sybelle. Tu n’as jamais
eu une aussi jolie tête. Cette couleur te va à ravir, ton visage est
tout illuminé. Il faut que tu voies. Allez, regarde.
Je ne percevais que des intonations sincères dans la voix de ma
jeune sœur. J’ai donc soulevé les paupières. J’ai eu le souffle coupé.
Sans plus hésiter, j’ai ouvert grand les deux yeux et j’ai souri à
mon reflet. J’avais presque envie de pleurer, je n’arrivais plus à me
souvenir de la dernière fois où j’avais réussi à me trouver belle.
Avoir su plus tôt que tout ce dont j’avais besoin, c’était d’une coupe
et d’une teinture à trois cents dollars, j’aurais accepté bien avant
aujourd’hui de rencontrer Sebastian. Maintenant, je comprenais
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pourquoi aucune femme dans la famille ne pouvait plus se passer
de lui. En améliorant notre tête, c’est comme s’il nous couronnait
d’une auréole permanente. Sebastian avait véritablement un don.
Dorénavant, je ne jurerais plus que par lui, il pourrait me faire
toutes ses comédies ridicules chaque fois que je viendrais, je ne
voulais qu’aucun autre coiffeur ne touche à une seule mèche de
mes cheveux.
Dans le miroir en face de moi, j’ai croisé le regard de l’homme
qui venait de changer mon image. Je lui ai murmuré « merci »
d’une voix tremblotante et dans son clin d’œil complice j’ai su qu’il
avait saisi toute la gratitude que j’avais mise dans ce simple mot.
—— Qu’est-ce que je t’avais dit ! m’a lancé ma sœur avec satisfaction. Maintenant, Angela va te maquiller, elle fait des miracles.
Ensuite, tu enfiles tes nouveaux vêtements. Et, dès que tu mettras
le pied chez toi, Philippe sera renversé. Ainsi, je pourrai garder vos
filles pour la soirée et même pour la nuit. Philippe et toi pourrez
les reprendre demain en venant bruncher à la maison avec le reste
de la famille.
—— Mais qu’as-tu comploté dans mon dos ?
—— Ce n’est pas toi qui te plains de n’avoir jamais de temps seule
avec ton chum ?
—— Oui, mais tu connais Philippe, il ne voudra jamais se séparer
de ses filles jusqu’à demain.
—— Ah ! tu te trompes. Avec ton nouveau look flamboyant et la
nuit exceptionnelle que tu lui feras passer, je te garantis qu’il ne
pourra rien te refuser. Je suis certaine qu’il accepterait même une
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proposition de voyage en amoureux. En moins de deux, tu auras
convaincu Philippe de me laisser vos filles pour une semaine.
Sybelle avait dans le regard une dose d’espièglerie qui ne lui était
pas coutumière et qui semblait cacher bien plus que ce qu’elle
venait de me dire. Elle complotait quelque chose de sérieux ! Mais
quoi ?
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Bien que les rideaux soient encore fermés, la lumière du jour
perçait aux extrémités de la toile et éclairait faiblement la chambre
à coucher. Le lit était chaud et confortable, je n’avais aucune envie
d’en sortir. Je me suis étirée longuement et j’ai souri au souvenir
des événements de la veille. Dès que j’avais mis les pieds dans la
maison, j’avais aperçu le regard admiratif que Philippe avait posé
sur moi. Mes allures de rousse flamboyante l’avaient conquis au
premier coup d’œil. Je n’avais même pas eu à essayer de le convaincre, il avait laissé Sybelle emmener les filles chez elle.
Les petites étaient si excitées à l’idée de manger la délicieuse pizza
maison d’oncle Dave et de dormir chez tante Sissi que Philippe
avait été incapable de briser leur joie. Il avait tout de même trouvé
le moyen d’ennuyer ma sœur en lui répétant vingt fois les mêmes
recommandations. Mais ensuite il s’était bien repris. Pour une des
rares fois depuis que nous étions parents, j’avais été la priorité de
mon chum durant toute la soirée et une partie de la nuit. Par contre,
Sybelle s’était trompée sur un point : malgré mon nouveau look
incendiaire, Philippe n’avait pas envie de me suivre jusqu’au bout
de monde, il n’avait même pas le goût de passer une seule petite
semaine sous le chaud soleil du Mexique en ma compagnie. En
fait, il m’avait plutôt proposé de partir avec des amies, et m’avait
affirmé qu’il pouvait très bien prendre une semaine de vacances
pour rester à la maison et s’occuper des filles sans moi. Depuis
qu’il était père, Philippe ne savait plus comment s’amuser. Tout ce
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qui comptait pour lui, c’était le bien-être de ses enfants. Même si
je me sentais toujours aimée et désirée, j’avais parfois l’impression
que mes rêves et mes besoins, s’ils ne s’alignaient pas avec ceux de
la famille, n’étaient pour lui que des extravagances de fille capricieuse. Philippe comprenait que j’ai envie de m’évader de temps
en temps. J’étais une mère à la maison, il était donc normal que
je cherche à changer d’air à l’occasion. Toutefois, il ne saisissait
pas pourquoi je souhaitais tant partir en vacances juste avec lui.
S’aimer en vitesse une fois les enfants endormis, entre la vaisselle à
terminer et la dernière brassée de lavage à plier, suffisait à assouvir
ses désirs. Mais j’étais une femme et par définition j’avais besoin de
romance de temps en temps. Rien de bien compliqué, un bouquet
de fleurs ou le dépaysement d’une belle chambre d’hôtel. Je ne
voulais pas faire de lui un homme rose. Tout ce que j’aurais aimé,
c’est qu’il joue le jeu de la romance deux ou trois fois par an pour
combler mon désir. Moi, j’acceptais bien de faire l’amour en vitesse
le reste de l’année.
J’ai soupiré d’impuissance tout en étouffant un bâillement.
J’étais très bien avec Philippe. Je ne voulais pas le changer, je
l’aimais et l’acceptais tel qu’il était. Je souhaitais seulement qu’il
embrasse aussi ma nature fleur bleue et qu’il m’accompagne dans
une escapade romantique à l’occasion pour que, tout le long de
l’année, le quotidien soit moins lourd à porter.
Je me suis soulevée sur un coude. Un instant, j’ai observé
Philippe qui dormait profondément à mes côtés. Quand je le
voyais ainsi, endormi et serein, le visage presque innocent, le
souvenir de notre première rencontre remontait immanquablement à mes pensées.
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