Le nouveau régime de la « protection judiciaire - Larcier

Transcription

Le nouveau régime de la « protection judiciaire - Larcier
DOCTRINE
Le nouveau régime de la « protection
judiciaire » des incapables majeurs :
présentation générale
Jean-Louis Renchon
Professeur à l’UCL et à l’Université Saint-Louis – Bruxelles
Président du Centre de droit de la personne, de la famille et de son patrimoine
Avocat au Barreau de Bruxelles
Introduction
1. Le Centre de droit de la personne, de la famille et de son patrimoine
et le master complémentaire en notariat de l’UCL ont organisé le 29 avril
2014 une journée d’étude dont l’objectif était de permettre aux praticiens
de disposer d’une première vue d’ensemble de la loi du 17 mars 2013 réformant les régimes d’incapacité et instaurant le nouveau statut de protection
conforme à la dignité humaine, telle que corrigée in extremis, avant la fin
de la dernière législature, par quelques dispositions des lois du 25 avril 2014
portant des dispositions diverses en matière de Justice (titre 12, chapitre 27)
et du 12 mai 2014 portant modification et coordination de diverses lois en
matière de Justice (II) (chapitre 4).
Le texte qui a été rédigé pour ce colloque par Messieurs Etienne Beguin
et Jean Fonteyn sur la protection extrajudiciaire des incapables majeurs et
qui intéresse particulièrement le notariat vient d’être publié dans la Revue
du notariat belge (1).
Le texte rédigé par le professeur Pierre Van den Eynde à propos de
l’inventaire, la vente et les libéralités a été publié dans les Actes de la journée
d’études organisée par le Conseil francophone de la Fédération royale du
notariat belge (2).
Le texte relatif aux questions de droit international privé du professeur Jean-Louis Van Boxstael sera publié dans la Revue de programmation
patrimoniale (3).
(1)
Rev. not. b., 2014, p. 463.
La protection des personnes vulnérables à la lumière de la loi du 17 mars 2013,
Bruxelles, Bruylant, 2014, p. 165.
(3)
R.P.P., 2014, p. 167.
(2)
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« PROTECTION JUDICIAIRE » DES INCAPABLES MAJEURS
Nous avons décidé de publier dans cette Revue les trois textes qui présentent la protection judiciaire, d’une part, et les questions de droit transitoire, d’autre part.
2. De manière délibérée, mon texte ne constitue pas une étude approfondie mais une première présentation générale du nouveau régime de la
protection judiciaire.
Les dispositions légales sont en effet particulièrement nombreuses et
touffues, et il pouvait dès lors y avoir quelque intérêt, sans entrer dans leur
examen systématique, à tenter d’en dégager une synthèse.
La formation universitaire continue, c’est aussi, parfois, comme en
première année de baccalauréat, partir des fondements, comprendre les
orientations essentielles et apprendre à apprendre…
Le lecteur me pardonnera s’il ne trouvera pas dès lors dans cette étude
la réponse à toutes les questions qui vont immanquablement se poser.
3. Le législateur s’est astreint, lors de l’écriture des nouvelles dispositions légales, à respecter un principe qu’il s’est désormais fixé dans la plupart des réformes législatives des matières contenues dans le Livre premier
du Code civil : il n’a maintenu dans le Code civil que les dispositions de
fond, et il a transféré dans le Code judiciaire les règles de procédure.
On respectera dès lors aussi cette distinction dans le découpage de
mon exposé.
La lecture des nouvelles dispositions légales n’en est pas pour autant
simplifiée, car de nombreuses dispositions du Code civil renvoient aux dispositions du Code judiciaire, et il est souvent difficile de les appréhender
correctement sans les coupler les unes aux autres.
Section 1. — Les dispositions de fond
4. Le législateur distingue clairement, dans la loi, même si la classification dans le Code civil manque de logique, les dispositions relatives à
l’incapacité (4) de la personne qui fait l’objet d’une protection judiciaire et les
dispositions relatives à l’administration (5).
Cette distinction est fondamentale : il convient d’abord de déterminer
l’étendue exacte de l’incapacité d’une personne protégée (§ 2), et, ensuite, la
manière dont il y sera suppléé par un administrateur (§ 3).
(4)
Voy. la sous-section 2 intitulée « De l’incapacité » dans la section 3 intitulée « De la
protection judiciaire » dans le chapitre II du Titre XI du Livre premier du Code civil.
(5)
Voy. le chapitre II/1 du Titre XI du Livre premier du Code civil.
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On mettra cependant préalablement en lumière les grandes caractéristiques du nouveau régime de protection judiciaire organisé par le législateur
belge (§ 1).
Enfin, il y aura lieu de faire apparaître le mécanisme des sanctions
prévu par le législateur (§ 4), tant lorsqu’une personne protégée aurait
méconnu son incapacité que lorsque l’administrateur n’aurait pas respecté
les règles applicables à son administration.
§ 1. — Notions générales
A. Un régime unique de protection judiciaire
5. Le régime de la protection judiciaire des personnes protégées se
substitue aux quatre régimes actuels d’incapacité des majeurs :
– les deux régimes institués par le Code Napoléon : l’interdiction judiciaire et le conseil judiciaire ;
– la minorité prolongée instituée par la loi du 29 juin 1973 ;
– l’administration provisoire instituée par la loi du 18 juillet 1991.
Il n’existera donc plus, à l’avenir, sous réserve des dispositions transitoires régissant les régimes actuels, qu’un seul régime de protection judiciaire des incapables majeurs.
Ce régime unique relèvera exclusivement de la compétence du juge de
paix (6).
6. Toutefois, le législateur a maintenu dans le Code civil des dispositions spécifiques pour deux situations spécifiques qui présentent un lien
avec un des régimes actuels d’incapacité des majeurs :
– la situation, comparable à celle de la minorité prolongée, d’un enfant
dont la personne et les biens resteront administrés à partir de sa majorité par ses deux parents ou par un seul de ses parents, expressément
prise en compte par le législateur à l’article 488/1, alinéa 2, du Code
civil et aux articles 500 à 500/4 relatifs à « l’administration exercée par
les parents » ;
– l’« état de prodigalité » visé à l’article 488/2 du Code civil auquel s’appliquent les dispositions particulières contenues dans les articles 492/2,
alinéa 3 et 498, alinéa 2 du Code civil et 1238, § 1er, alinéa 2 et 1241,
alinéa 1er, du Code judiciaire.
(6)
Le principe en est exprimé à l’article 594, 16° nouveau du Code judiciaire. Pour la
compétence territoriale, voy. l’article 628, 3° nouveau, du Code judiciaire.
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B. Un régime relatif à la personne et/ou aux biens
7. Le nouveau régime permet désormais de protéger judiciairement
une personne tant pour la gestion de ses intérêts non patrimoniaux, c’està-dire l’accomplissement d’actes relatifs à sa personne, que pour la gestion
de ses intérêts patrimoniaux, c’est-à-dire l’accomplissement d’actes relatifs
à ses biens.
Le législateur organise donc désormais des mesures de protection de la
personne, d’une part, et de protection des biens, d’autre part.
8. Ces deux types de mesures de protection doivent cependant être
clairement dissociées, car elles ne sont aucunement liées l’une à l’autre.
L’appréciation et la détermination de la capacité ou de l’éventuelle
incapacité de la personne protégée par rapport à sa personne, d’une part, et
à ses biens, d’autre part, devront en effet être opérées de manière distincte.
L’article 492/1, § 3, du Code civil prévoit au demeurant que, lorsque
le juge de paix ordonne à la fois une mesure de protection judiciaire de la
personne et une mesure de protection judiciaire des biens, il doit déterminer
dans deux parties distinctes de son ordonnance les actes en rapport avec la
personne et les actes en rapport avec les biens que la personne protégée sera
incapable d’accomplir.
9. Une exception est apportée à cette dualité des mesures de protection à l’égard des personnes qui se trouvent en « état de prodigalité » : seule
une mesure de protection des biens peut être ordonnée (art. 488/2 C. civ.).
C. Les principes généraux régissant la protection judiciaire
1. Le principe de nécessité et de subsidiarité
10. Aux termes des articles 488/1, alinéa 1er et 492, alinéa 1er, du Code
civil, une personne ne peut faire l’objet d’une mesure de protection judiciaire, et dès lors, être déclarée incapable que :
– d’une part si et seulement si le juge de paix en constate la « nécessité »,
et, notamment, l’« insuffisance de la protection légale (7) ou extrajudiciaire (8) existante » ;
– d’autre part à propos des seuls actes qui « nécessitent » qu’elle soit
protégée.
(7)
On songe notamment à la protection qui peut être assurée à un des époux par son
conjoint dans le contexte des dispositions légales applicables aux régimes matrimoniaux.
(8)
Il est donc clair que la protection judiciaire est subsidiaire par rapport à la protection
extrajudiciaire organisée aux articles 489 à 490/2 du Code civil.
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2. Le principe de la capacité
11. Aux termes de l’article 492/1, § 1er, alinéa 2 et § 2, alinéa 2, du Code
civil, la personne protégée ne se trouvera incapable d’accomplir de manière
autonome que les seuls actes à propos desquels elle aura expressément été
déclarée incapable dans l’ordonnance prononcée par le juge de paix.
Elle restera donc parfaitement capable d’accomplir tous les actes généralement quelconques de l’existence humaine, sauf ceux à propos desquels
elle aura été déclarée incapable.
12. Il y a là un renversement intégral du principe actuellement exprimé
dans l’article 488bis – F § 3, du Code civil à propos du régime de l’administration provisoire des biens : « en l’absence d’indication dans l’ordonnance
visée à l’article 488bis – C, l’administrateur provisoire représente la personne
protégée dans tous les actes juridiques et toutes les procédures, tant en demandant qu’en défendant ».
L’incapacité de la personne qui fait l’objet d’une protection judiciaire
est donc a priori une incapacité spéciale.
Il adviendra ainsi qu’une personne protégée restera entièrement
capable pour tout ce qui concerne sa personne et ne deviendra incapable
que pour les seuls actes relatifs à ses biens expressément mentionnés dans
l’ordonnance du juge de paix.
13. Le législateur a toutefois prévu, à propos de l’administration des
biens, une importante exception à ce principe dont il sera question ci-après
(n° 16).
3. Le principe de l’assistance
14. Aux termes de l’article 492/2 du Code civil, lorsqu’une personne
protégée est expressément déclarée incapable d’accomplir tel ou tel acte,
elle est, en principe, soumise de plein droit à un régime d’assistance : elle
continuera donc à accomplir lesdits actes elle-même, mais elle ne pourra
plus le faire que moyennant l’assistance de son administrateur (9).
L’administrateur ne pourra donc pas, de sa propre initiative, accomplir les actes juridiques que la personne a été déclarée incapable d’accomplir, si la personne protégée le refuse.
15. La personne protégée ne sera dès lors soumise au régime de la
représentation qu’à propos des actes pour lesquels le juge de paix aura
expressément décidé que la personne protégée serait représentée par son
(9)
Voy., à propos des modalités de cette assistance, infra, no 33.
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administrateur, et l’article 492/2, alinéa 1er, du Code civil ne permet au
juge de paix de prendre pareille décision que dans le respect du principe de
nécessité et de subsidiarité, c’est-à-dire « si l’assistance dans l’accomplissement de cet acte ne suffit pas ».
Dans la logique de ce système, une personne pourrait dès lors être
soumise à un régime d’assistance pour certains actes ou catégories d’actes et
à un régime de représentation pour d’autres actes ou catégories d’actes par
application de ce principe de nécessité et de subsidiarité.
16. Le législateur a cependant prévu deux exceptions à ce troisième
principe :
– la première exception concerne les personnes qui se trouvent dans un
état de prodigalité : elles seront nécessairement soumises à un régime
d’assistance (art. 492/2, al. 3 et 498, al. 2, C. civ.) ;
– la seconde exception concerne la gestion des biens des personnes qui se
trouveront dans un des états de santé – dont la liste devra être établie
par le Roi – « réputés altérer gravement et de façon persistante la faculté
de la personne à protéger d’assumer dûment la gestion de ses intérêts
patrimoniaux, même en recourant à l’assistance » : elles seront soumises
de plein droit à un régime de représentation, sauf la possibilité du juge
de paix de « procéder à une appréciation sur mesure » (art. 492/5 C. civ.).
Il en résulte que, lorsque ces « états de santé » auront pu être déterminés dans un arrêté royal et que le certificat médical joint à la requête
introductive de la procédure fera expressément état de l’existence d’un tel
« état de santé » (infra, no 69), le juge de paix ne devra pas se prononcer
expressément, pour ce qui concerne les biens de la personne protégée, sur
le régime de l’administration qui lui sera applicable : la personne sera en
effet « représentée lors de l’accomplissement de tous les actes juridiques et les
actes de procédures concernant ses biens », sauf si le juge de paix avait estimé
devoir en décider autrement.
Assez curieusement, le législateur n’a pas expressément prévu que ces
personnes seront de plein droit incapables d’accomplir l’ensemble de ces
actes relatifs à leurs biens.
Comme toutefois l’article 492/5, alinéa 2, du Code civil précise que,
dans pareille situation, l’article 492/1, § 2, alinéas 3 et 4 n’est pas d’application, il en résulte que le juge de paix ne devra pas expressément se prononcer
sur la capacité de ces personnes protégées d’accomplir ou non un ensemble
d’actes relatifs à ses biens (infra, no 23), et on peut logiquement en induire (10)
(10)
Le législateur aurait pu s’exprimer de manière plus claire. Mais l’article 492/5, alinéa 2, du Code civil le laisse manifestement entendre, car c’est « en l’absence d’indications
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que le juge de paix pourra la déclarer incapable d’accomplir l’ensemble des
actes juridiques et des actes de procédure concernant ses biens, sans devoir
les énumérer expressément.
§ 2. — Le régime de l’incapacité de la personne protégée
A. La capacité par rapport à sa personne
17. Conformément au principe de la capacité, la personne reste, en
principe, capable d’accomplir tous les actes relatifs à sa personne, à son
statut personnel et aux droits et obligations relatifs à sa personne, sauf pour
les actes qui auraient été explicitement indiqués dans l’ordonnance du juge
de paix.
18. Mais, en tout cas, le juge de paix devra, à propos de 19 actes (ou
catégories d’actes) mentionnés à l’article 492/1, § 1er, du Code civil, expressément décider, dans une partie distincte de son ordonnance relative à la
personne, si la personne restera capable de les accomplir ou si elle en sera,
au contraire, incapable.
On peut supposer que les juges de paix disposeront à l’avenir d’un
modèle d’ordonnance qui reprendra chacun de ces 19 actes et qu’ils veilleront, au regard de chacun de ces actes, à cocher la case appropriée :
« capable » ou « incapable ».
On rappellera cependant qu’il n’y aura pas là un quelconque exercice
de routine, puisque le principe de nécessité implique qu’à propos de chaque
acte ou catégorie d’actes le juge de paix devra décider s’il est « nécessaire »
de déclarer la personne incapable, et que, si l’état physique ou mental de
certaines personnes était tel qu’il conviendrait d’ordonner des mesures de
protection par rapport à leurs biens, il n’en résulterait pas pour autant
qu’elles devraient être déclarées incapables par rapport à leur personne. En
cette hypothèse, le juge de paix devra cocher la case « capable » au regard
de chacun des 19 actes relatifs à l’accomplissement de leurs droits et obligations personnels. Cette solution est quelque peu étrange.
19. Dans la liste élaborée par le législateur, on épinglera
particulièrement :
– le choix de la résidence ;
– l’exercice des droits du patient ;
dans l’ordonnance » du juge de paix que l’administrateur représentera la personne dans tous
les actes relatifs à ses biens.
Le principe selon lequel la capacité est la règle et l’incapacité l’exception est donc à cet
égard renversé.
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–
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l’introduction d’une procédure en divorce ou la déclaration de cessation d’une cohabitation légale.
Le choix de la résidence et l’exercice des droits du patient sont en
effet des actes qu’il est plus que vraisemblable que toute personne en difficulté de santé devra un jour accomplir. Il y aura donc lieu pour le juge de
paix de décider s’il est nécessaire ou non de priver à cet égard la personne
protégée de sa pleine autonomie, étant entendu que, si elle en est déclarée
incapable, l’administrateur de sa personne pourra alors pourvoir à cette
incapacité.
Par contre, l’introduction d’une procédure en divorce ou une déclaration de cessation de la cohabitation légale sont des actes à propos desquels
l’administrateur ne pourra jamais intervenir (infra, no 31), et en déclarer la
personne protégée incapable aurait pour conséquence qu’elle ne pourrait
plus jamais mettre fin à son mariage ou à une cohabitation légale, avec les
conséquences, notamment successorales, qui pourraient en résulter, sauf si,
comme on le verra (infra, no 21), elle se trouvait ultérieurement en mesure
d’en demander elle-même l’autorisation au juge de paix.
20. On relèvera, par ailleurs, qu’il résulte des termes de l’article 493,
§ 1er, alinéa 2, du Code civil relatif à la sanction applicable à un acte relatif
à la personne accompli par une personne protégée déclarée incapable de
l’accomplir (infra, no 58), que le juge de paix peut aussi l’autoriser à accomplir certains actes relatifs à la personne « sous conditions ».
On pourrait concevoir, par exemple, qu’elle reste capable d’introduire
une procédure en divorce, mais sous la condition d’y être représentée par un
avocat, éventuellement spécialiste de la matière, qu’elle aurait expressément
mandaté à cette fin.
21. Parmi les actes relatifs à sa personne qu’une personne protégée
pourrait être déclarée incapable de les accomplir, il en est quelques-uns à
propos desquels elle conservera encore la possibilité de s’adresser elle-même
au juge de paix, au cours du régime de la protection judiciaire, aux fins
d’être éventuellement autorisée à les accomplir.
Pareille possibilité, qui concerne des actes importants de la vie personnelle, a été insérée dans les dispositions particulières du Code civil qui
les régissent : la conclusion d’un mariage (art. 145 C. civ.), l’introduction
d’une demande en annulation du mariage (art. 186 C. civ.), l’introduction
d’une procédure en divorce (art. 231 C. civ.), la reconnaissance d’un enfant
(art. 328 C. civ.), la déclaration de cohabitation légale ou de cessation de la
cohabitation légale (art. 1475, § 2, al. 4 et 1476, § 2, al. 7 à 9, C. civ.).
Il appartiendra alors au juge de paix d’apprécier « la capacité de la
personne protégée d’exprimer sa volonté ».
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Le législateur n’a fait que reprendre là, mais en s’exprimant en des
termes qui sont peu adéquats (11), une solution qui existe déjà, dans le régime
actuel de l’administration provisoire, à propos de la possibilité de consentir
une donation ou de rédiger un testament (art. 488bis – H § 2).
B. La capacité par rapport à ses biens
22. Conformément au principe de la capacité, la personne protégée
reste, en principe, capable d’accomplir tous les actes relatifs à ses biens et
à ses droits et obligations patrimoniaux, sauf pour les actes qui auront été
explicitement indiqués dans l’ordonnance du juge de paix.
23. Mais, en tout cas, comme pour les 19 actes (ou catégories d’actes)
relatifs à la personne, le juge de paix devra, à propos de 18 actes (ou catégories d’actes) mentionnés à l’article 492/1, § 2, alinéa 3, du Code civil,
expressément décider, dans la partie distincte de son ordonnance relative
aux biens de la personne protégée, si la personne restera capable de les
accomplir ou si elle en sera, au contraire, incapable.
Cette liste comprend la plupart des actes patrimoniaux et, notamment,
l’aliénation des biens (immeubles et meubles), l’acceptation d’une succession et la renonciation à une succession, l’introduction d’une action en justice et la défense à une action en justice, l’acquisition d’un bien immeuble,
la disposition par donation entre vifs, la rédaction ou la révocation d’un
testament…
On relèvera, par ailleurs, que, lorsqu’il s’agit des donations et testaments (comme d’un contrat de mariage ou de cohabitation légale), il résulte
expressément des termes de l’article 493, § 2, alinéa 3, du Code civil relatif
à la sanction applicable aux actes accomplis par une personne protégée
incapable qu’ils pourraient avoir été autorisés par le juge de paix « sous
conditions ».
24. Dans cette liste d’actes patrimoniaux à propos desquels le juge de
paix devra expressément se prononcer, on épinglera, particulièrement, les
« actes de gestion journalière » (art. 492/1, § 2, al. 3, 16°, C. civ.), alors, par
contre, que le juge de paix ne devra pas expressément décider si la personne
protégée restera ou non capable d’acquérir des biens meubles.
La catégorie des « actes de gestion journalière » est tout autant imprécise qu’étendue, et, même si le texte légal prévoit que « le cas échéant, le juge
de paix précise dans son ordonnance quels sont les actes de gestion journa-
(11)
Il est maladroit d’utiliser le terme de « capacité » pour qualifier la validité du
consentement d’une personne ayant été déclarée « incapable ». L’article 488bis – H § 2 ancien
du Code civil faisait état de « l’aptitude de la volonté de la personne protégée ».
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lière » à propos desquels la personne protégée restera capable ou deviendra
incapable de les accomplir, il paraît préférable que le juge de paix veille de
toute manière à s’exprimer de la manière la plus précise possible.
On peut lire à ce propos dans le rapport de la Commission de la Justice
de la Chambre (12) l’indication suivante :
« Sous cet angle, le juge peut, par exemple, fixer un cadre budgétaire
dans les limites duquel la personne protégée peut agir librement. Cela va plus
loin que l’argent de poche (art. 499/2, al. 2, C. civ.). Il s’agit de définir la
capacité d’exercice de la personne protégée dans les limites d’un cadre protecteur. Il peut, de toute évidence, y avoir des interférences. C’est ainsi qu’il
ne sera pas nécessaire de fixer un montant d’argent de poche si la personne
protégée peut agir dans les limites d’un cadre budgétaire déterminé ».
Quelle qu’imprécise que soit aussi pareille formulation, l’idée du
législateur paraît avoir été que le juge de paix pourra indiquer dans son
ordonnance jusqu’à concurrence de quel budget mensuel la personne protégée pourra continuer à effectuer elle-même ses achats et ses dépenses, en
prélevant elle-même les sommes nécessaires, à concurrence de ce budget,
dans les revenus mensuels dont elle dispose.
On comprend bien sûr cette idée, mais elle n’est pas simple à mettre
en œuvre, sauf dans les situations où le juge de paix considérera que la
personne protégée restera capable d’utiliser les revenus qu’elle perçoit
mensuellement, par exemple sur son compte à vue, pour payer ellemême ses dépenses quotidiennes, c’est-à-dire ce qui est immédiatement
dépensé.
Il est, par contre, des hypothèses d’actes de gestion quotidienne qui
ne correspondent pas à l’utilisation d’un budget mensuel. On songe notamment à des engagements, tel un abonnement à un service de télévision ou
à un journal qui ne sont pas immédiatement payés, mais qui entraîneront
ultérieurement des paiements réguliers.
Une solution pourrait être – mais elle compliquera considérablement
la tâche des juges de paix – d’indiquer de manière précise et limitative dans
l’ordonnance les actes de gestion journalière pour lesquels la personne restera capable, et de la déclarer incapable pour tous les autres actes de gestion
journalière.
25. Il convient assurément de rappeler que, par dérogation à la règle
de principe qui vient d’être explicitée, le juge de paix ne sera pas astreint
à se prononcer à propos des 18 catégories d’actes visées à l’article 492/1,
§ 2, du Code civil, ni, dès lors, à énumérer les actes que la personne pro(12)
Doc. parl., Ch., session 2011-2012, no 53-1009/010, p. 43.
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tégée serait incapable d’accomplir lorsque le certificat médical qui lui aura
été remis mentionnera expressément que la personne protégée se trouve
dans un des « états de santé » dont la liste sera établie par arrêté royal
(supra, no 16).
Dans ces situations particulières, le juge de paix pourra se limiter à
déclarer la personne protégée incapable d’accomplir tout acte relatif à ses
biens, sauf les exceptions que le juge de paix aurait indiquées, et la personne
protégée se trouvera de plein droit, sauf autre décision du juge de paix,
soumise à propos de ces actes à un régime de représentation.
26. Comme pour certains actes personnels, le législateur a expressément prévu, à propos de plusieurs actes relatifs aux biens que la personne
protégée aurait été déclarée incapable d’accomplir, qu’elle conservera la
possibilité de s’adresser elle-même au juge de paix aux fins d’être autorisée
à les accomplir.
Pareille possibilité a été insérée dans les dispositions du Code civil
qui régissent ces actes juridiques spécifiques : l’article 905 pour la donation
entre vifs et le testament, l’article 1397/1 pour la conclusion d’un contrat
de mariage ou la modification du régime matrimonial, et l’article 1478,
alinéa 5 pour la conclusion ou la modification d’une convention de cohabitation légale.
Ces différentes dispositions légales ne sont pas formulées dans des
termes semblables.
Alors que le projet de contrat de mariage ou de convention de cohabitation légale établi par un notaire devra nécessairement être soumis au
juge de paix, selon les articles 1397/1 et 1478, alinéa 5, l’article 905 ne
contraint par contre pas la personne protégée à soumettre son projet de
testament ou de donation, tout en précisant que le testament devra, en principe, être authentique, sauf le recours éventuel à un testament en la forme
internationale.
27. En ce qui concerne les donations et le testament, le texte de l’article 905 du Code civil prévoit, comme pour les actes personnels soumis au
même régime (supra, no 21), que le juge de paix jugera de « la capacité de la
personne protégée d’exprimer sa volonté ».
Pareille disposition pose assurément une difficulté, car elle doit être
rendue compatible avec l’exigence que l’auteur d’une libéralité doit disposer, conformément à l’article 901 du Code civil, de ses facultés intellectuelles
et volitives, sans qu’elles ne soient aucunement altérées.
Or, si le juge de paix avait considéré, dans son ordonnance initiale,
qu’il était « nécessaire » de décider que la personne protégée serait désormais
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incapable de consentir une donation ou de rédiger un testament, c’était a
priori parce qu’elle ne disposait plus de toutes ses facultés intellectuelles et
volitives pour consentir une libéralité.
Autoriser après coup la personne protégée à consentir une libéralité,
ce serait a priori se déjuger (13), sauf s’il apparaissait que la libéralité envisagée, en raison de son contenu et de sa justification spécifiques, procédait de
facultés intellectuelles et volitives qui ne seraient aucunement altérées. Mais
il serait alors indispensable que le juge de paix puisse connaître la teneur
exacte de la libéralité que la personne protégée entendrait consentir, quand
bien même le législateur a manifestement souhaité ne pas en faire une obligation. On rappellera à cet égard que, conformément à l’article 493, § 2, alinéa 3, du Code civil, une donation ou un testament peuvent être autorisés
par le juge de paix « sous conditions ».
§ 3. — Le régime de l’administration de la personne et des
biens de la personne protégée
28. On n’envisagera, dans le cadre de cette présentation d’ensemble,
que ce que le législateur a appelé le « fonctionnement de l’administration »,
aux articles 497 et suivants nouveaux du Code civil.
L’« organisation de l’administration » – qui concerne essentiellement
la désignation du ou des administrateurs et qui est régie par les articles 496
à 496/2 nouveaux du Code civil – est analysée par Madame d’Otreppe de
Bouvette dans son exposé relatif aux figures de l’administration (infra,
pp. 273 et suivantes).
Le législateur a clairement distingué, pour le « fonctionnement de
l’administration », le régime de l’assistance (B), d’une part, et le régime de la
représentation et de la gestion (C), d’autre part.
Au préalable, des « dispositions générales » sont formulées aux
articles 497 à 497/8 du Code civil et sont applicables à ces deux régimes,
dont certaines concernent le statut de l’administrateur.
On ne retiendra ici que les deux dispositions générales qui sont relatives à la mission et aux pouvoirs de l’administrateur (A).
On envisagera, par ailleurs, de manière distincte, les rapports qui
devront être rédigés par l’administrateur tant lors d’une mission d’assistance que de représentation (D).
(13)
Le législateur paraît avoir envisagé la situation d’une personne dont la maladie
serait évolutive et qui aurait des intervalles de lucidité. L’exigence d’un consentement « renforcé » peut-elle s’accommoder d’une telle situation ?
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253
DOCTRINE
A. Les dispositions générales
1. La définition de la mission de l’administrateur
29. Le nouvel article 497, alinéa 2, du Code civil édicte expressément
que : « L’administration vise à défendre les intérêts de la personne protégée.
Elle accroît, dans la mesure du possible, l’autonomie de la personne protégée ».
Ce texte ne constitue pas une simple pétition de principe. Il traduit, en
termes juridiques, les valeurs qui ont inspiré la réforme.
La manière dont un certain nombre d’administrations provisoires ont
jusqu’à récemment été menées, sans véritable concertation avec l’administré, le plus souvent parce qu’il est plus aisé pour l’administrateur, dans son
propre intérêt, de gérer seul l’ensemble du patrimoine de l’administré et de
prendre lui-même de manière autonome les décisions relatives à l’affectation des revenus de l’administré, posait incontestablement problème.
En formulant l’injonction à l’administrateur de « défendre les intérêts de la personne protégée » et, surtout, d’« accroître son autonomie », le
législateur a dès lors entendu qu’à l’avenir la mission de l’administrateur
ne se limite pas à une fonction de gestion financière et patrimoniale mais
devienne, au contraire, une fonction de service, humaine et relationnelle,
destinée à permettre aux personnes malades ou âgées de conserver le plus
longtemps une part d’autonomie au regard de leurs biens, de leurs revenus,
et, surtout, de l’organisation de leurs conditions d’existence.
Il restera à vérifier si les administrateurs se trouveront en mesure d’entendre et d’exécuter ce message, même s’ils y sont désormais juridiquement
tenus.
2. Les actes qui ne sont pas susceptibles d’une intervention
de l’administrateur
30. La décision par laquelle le juge de paix déclare la personne protégée incapable d’accomplir telle ou telle catégorie d’actes, relatifs à sa personne et/ou à ses biens, n’implique pas nécessairement que l’administrateur
recueille le pouvoir de suppléer à cette incapacité.
L’article 497/2 du Code civil contient en effet l’énumération d’un
ensemble d’actes à l’accomplissement desquels l’administrateur ne peut
pas concourir, ni sous le régime de l’assistance, ni sous le régime de la
représentation, lorsque la personne protégée a été déclarée incapable de les
accomplir.
31. Ce sont, pour l’essentiel, des actes relatifs à la personne : ils sont en
effet jugés à ce point personnels qu’on ne pourrait admettre qu’une autre
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254
LA
« PROTECTION JUDICIAIRE » DES INCAPABLES MAJEURS
personne se substitue à la personne protégée pour apprécier leur pertinence
ou leur opportunité.
Le législateur a ainsi inclus dans cette liste des actes tels que le consentement à un mariage, l’intentement d’une action en divorce, le consentement à son adoption, le consentement à une stérilisation, la déclaration
de changement de sexe, la demande d’euthanasie, la demande de pratiquer
une interruption de grossesse, le don de gamètes, d’embryons ou de sang,
l’exercice des droits politiques…
On relèvera immédiatement que la liste des actes relatifs à la personne
mentionnée à l’article 497/2 du Code civil ne correspond pas nécessairement
à la liste des actes à propos desquels le juge de paix doit nécessairement
décider s’ils pourront ou non être accomplis par la personne protégée.
Il n’est dès lors pas exclu que certains de ces actes relatifs à la personne à propos desquels l’administrateur ne peut pas intervenir soient des
actes pour lesquels la personne sera restée capable, puisqu’elle conserve sa
capacité pour tout acte dont il n’aura pas été dit expressément qu’elle en
était incapable (par exemple le consentement à une stérilisation, la déclaration de changement de sexe, la demande d’euthanasie, la demande d’IVG,
l’exercice des droits politiques,…).
32. Seuls deux actes relatifs aux biens sont, en principe, interdits à
l’administrateur :
– la donation entre vifs, mais à l’exception des cadeaux d’usage proportionnels au patrimoine de la personne protégée ;
– l’établissement ou la révocation des dispositions testamentaires.
On relèvera cependant que, dans la sous-section relative à la mission
de représentation de l’administrateur (14), le législateur a inséré une disposition qui prévoit une hypothèse spécifique où l’administrateur pourrait être
autorisé par le juge de paix à disposer par donation entre vifs au nom de la
personne protégée (art. 499/7, § 4, C. civ.).
Cette disposition apporte dès lors une dérogation à l’article 497/2,
24° (15).
(14)
Cette dérogation n’a par conséquent pas été prévue lorsque la personne protégée
se trouvera soumise à un régime d’assistance. C’est regrettable, même si le législateur a sans
doute pensé que, lorsque la personne protégée se trouverait soumise à un régime d’assistance,
elle serait en mesure de solliciter elle-même l’autorisation de pouvoir conclure une donation
entre vifs.
(15)
Une disposition réparatrice de la loi du 25 avril 2014 a d’ailleurs inséré dans l’article 497/2, 24°, du Code civil une référence expresse à l’article 499/7, § 4.
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DOCTRINE
255
Elle permet à l’administrateur, après qu’il en aura été expressément
autorisé par le juge de paix, de conclure lui-même un contrat de donation
au nom de la personne protégée, mais pour autant qu’il se conforme à une
déclaration de volonté antérieure, formulée de manière écrite ou verbale,
par la personne protégée lorsqu’elle était encore en état d’exprimer cette
volonté. La donation devra par ailleurs se trouver en rapport avec le patrimoine de la personne protégée et ne pourra pas « menacer d’indigence ni
celle-ci ni ses créanciers d’aliments ».
La situation prise en considération par le législateur n’est aucunement
exceptionnelle. Les parents expriment régulièrement leur intention d’effectuer, de leur vivant, des donations au profit de leurs enfants, d’autant que le
législateur régional a souhaité, comme on le sait, les favoriser, à tout le moins
les donations mobilières, en leur conférant un élément d’attractivité fiscale
qui se révèle en même temps être une source de rentrées fiscales. Lorsqu’un
accident de santé ou, simplement, le grand âge ne leur permettent plus de
réaliser eux-mêmes ces donations ni, surtout, après en avoir été déclarés
incapables, de solliciter eux-mêmes l’autorisation de pouvoir les réaliser, le
législateur a aujourd’hui permis qu’elles puissent être réalisées en leur nom
par l’administrateur de leurs biens.
B. Le régime de l’assistance
33. Même si les articles 498 et suivants du Code civil organisant le
régime de l’assistance paraissent présupposer que le juge de paix aurait
expressément ordonné une mesure d’assistance de la personne protégée et
en aurait déterminé les modalités, il convient de rappeler qu’il s’agit du
régime applicable par défaut, lorsque le juge de paix n’aura pas expressément ordonné la représentation de la personne protégée pour les actes
qu’elle aura été déclarée incapable d’accomplir.
Il reste que l’article 498/1 du Code civil invite le juge de paix à spécifier
lui-même les modalités de l’assistance lorsqu’il ordonne que la personne
protégée sera assistée. Le législateur envisage expressément à cet égard
l’hypothèse où le juge de paix ordonnerait le régime de l’assistance pour un
acte déterminé ou pour un acte poursuivant un objectif déterminé.
On peut cependant supposer qu’il sera difficile pour le juge de paix de
prévoir à l’avance de telles dispositions aussi particulières, mais, comme le
juge de paix pourra toujours être ressaisi pour modifier le contenu de son
ordonnance initiale (art. 492/4 C. civ.), une telle décision pourrait effectivement intervenir ultérieurement dans le contexte d’une opération précise.
34. La situation la plus fréquente sera donc celle où le juge de paix
n’aura pas spécifié les modalités de l’assistance.
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256
LA
« PROTECTION JUDICIAIRE » DES INCAPABLES MAJEURS
En l’absence de telles indications, cette assistance s’exercera alors
selon les modalités suivantes :
– en principe, l’administrateur exprimera son consentement par écrit préalablement à l’accomplissement de l’acte par la personne protégée ;
– toutefois, lorsque l’acte à accomplir est un acte qui, sous le régime de
la représentation, implique nécessairement une autorisation spéciale du
juge de paix (infra, no 41), l’administrateur co-signera cet acte (ou du
moins l’écrit qui sera dressé) avec la personne protégée.
Le législateur a par ailleurs formulé de manière différente le pouvoir
conféré à l’administrateur de refuser son consentement à l’acte :
– s’il s’agit d’un acte relatif à la personne, l’administrateur ne pourra refuser de consentir que « si l’acte envisagé porte manifestement préjudice
aux intérêts de la personne protégée » (art. 498/2, al. 1er, C. civ.) ;
– s’il s’agit d’un acte relatif aux biens, l’administrateur pourra refuser son
consentement « si l’acte envisagé porte préjudice aux intérêts de la personne protégée » (art. 498/2, al. 2, C. civ.).
C. Le régime de la représentation et de la gestion
35. Le législateur s’est logiquement beaucoup plus étendu sur la mission de représentation et de gestion (16) qui serait conférée à un administrateur, puisque, dans cette hypothèse, il se substitue à la personne protégée
pour conclure les actes qu’elle a été déclarée incapable d’accomplir, sans
que celle-ci n’intervienne plus lors de l’accomplissement de l’acte.
On distinguera, pour la clarté de l’exposé, les dispositions générales,
d’une part, et les dispositions qui circonscrivent de manière précise les pouvoirs de l’administrateur.
1. Les règles générales
36. Aux termes de l’article 499/1 du Code civil, l’administrateur,
lorsqu’il représente la personne protégée lors de l’accomplissement d’un
acte juridique ou d’un acte de procédure ou lorsqu’il gère les biens de la
personne protégée, est tenu de :
– respecter les principes pour lesquels la personne protégée avait opté
dans une éventuelle déclaration anticipée (17) ;
(16)
On trouvera à l’article 494, f et g, du Code civil la signification que le législateur a
conférée aux notions respectives de représentation et de gestion.
(17)
Voy., à propos de la déclaration anticipée, l’exposé de Madame d’Otreppe de
Bouvette, infra, pp. 273 et s.
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DOCTRINE
–
–
257
associer la personne protégée, dans toute la mesure du possible et compte
tenu de sa capacité de compréhension, à l’exercice de sa mission ;
informer la personne protégée des actes qu’il accomplit, sauf si, dans
des circonstances particulières, le juge de paix l’en a dispensé ou l’en
dispense (18).
L’obligation faite à l’administrateur d’« accroître » autant que possible
« l’autonomie de la personne » justifie qu’il lui soit ainsi, autant que possible, imposé tout à la fois de respecter les volontés antérieurement exprimées par la personne protégée, de se concerter avec la personne protégée
avant l’accomplissement d’un acte de représentation ou de gestion et de l’en
informer après l’accomplissement de cet acte.
Par ailleurs, l’article 499/3 du Code civil reprend les termes de la disposition de l’actuel article 488bis – F § 6, du Code civil, en imposant à
l’administrateur de séparer « entièrement et nettement » les fonds et les biens
de la personne protégée de son patrimoine personnel et d’inscrire les avoirs
bancaires de la personne protégée à son nom propre.
2. Les pouvoirs de l’administrateur
a) Les revenus
–
–
37. Aux termes de l’article 499/2 du Code civil, l’administrateur :
emploie les revenus de la personne protégée aux fins de subvenir à ses
charges et de « veiller à son bien-être » ;
met à la disposition de la personne protégée les sommes qui lui sont
personnellement nécessaires.
C’est un pouvoir que l’administrateur exerce de manière autonome,
mais en tenant compte des obligations qui lui sont imposées, tant par
l’article 497, alinéa 2 (supra, no 29) que par l’article 499/1 (supra, no 36) du
Code civil.
b) Les placements
38. Aux termes de l’article 499/4 du Code civil, le juge de paix sera
désormais tenu de fixer dans la partie de son ordonnance qui a ordonné
une mesure de protection judiciaire des biens de la personne protégée « le
montant des sommes d’argent placées sur un compte de la personne protégée
qui peut, au cours de la période qu’il détermine, être retiré ou transféré par
l’administrateur sans autorisation préalable ».
(18)
Seule la pratique nous permettra de savoir si les juges de paix estimeront pouvoir
accorder une telle éventuelle dispense dans leur ordonnance initiale, ou s’ils ne prendront
pareille décision qu’en fonction des circonstances lors du fonctionnement de l’administration.
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258
LA
« PROTECTION JUDICIAIRE » DES INCAPABLES MAJEURS
On peut assurément comprendre que ce soit le juge de paix qui
détienne le pouvoir et la responsabilité de fixer d’autorité le montant
des sommes d’argent placées – c’est-à-dire autres que les revenus de la
personne protégée – dont l’administrateur pourra librement disposer, à
intervalles réguliers (chaque mois, chaque trimestre, chaque année,…),
afin de subvenir aux charges de la personne protégée et de « veiller à son
bien-être ».
On comprend par contre moins comment le juge de paix sera en
mesure de déterminer ce montant dès son ordonnance initiale.
39. Aux termes de l’article 499/5 du Code civil, le juge de paix peut
décider de confier à une institution financière, plutôt qu’à l’administrateur,
une mission de gestion des fonds, titres et valeurs mobilières de la personne
protégée et déterminer les conditions de cette gestion.
Pareille disposition a été reprise du régime de la tutelle des mineurs
(art. 407, § 3, C. civ.).
c) Les souvenirs et objets à caractère personnel
40. Aux termes de l’article 499/9 du Code civil, qui ne fait que reproduire une disposition du régime actuel de l’administration provisoire
(art. 488bis – F § 4, al. 4, C. civ.), les souvenirs et autres objets à caractère
personnel ne pourront pas, sauf nécessité absolue, être aliénés par l’administrateur, et devront être gardés par ses soins à la disposition de la personne protégée.
d) Les actes impliquant une autorisation spéciale du juge de paix
41. Comme dans le régime actuel de l’administration provisoire, le
législateur a expressément prévu que l’administrateur serait expressément
tenu de solliciter une autorisation spéciale du juge de paix avant de pouvoir
accomplir un certain nombre d’actes au nom et pour le compte de la personne protégée.
Le législateur a regroupé ces actes dans une double liste établie à
l’article 499/7, § 1er et § 2, du Code civil qui comprend trois actes relatifs à la
personne et quatorze actes relatifs aux biens de la personne protégée.
Cette double liste représente donc, dans le régime de la protection judiciaire, une troisième liste d’actes ou de catégories d’actes qui ne correspond
pas nécessairement ni à la liste des actes à propos desquels le juge de paix
doit expressément décider si la personne protégée sera ou non capable de les
accomplir (supra, nos 18 et 23), ni, bien évidemment, à la liste des actes à propos
desquels l’administrateur ne peut, en principe, jamais intervenir (supra, no 30).
42. Comme la liste des actes relatifs aux biens que l’administrateur ne
pourra accomplir sans l’autorisation préalable du juge de paix n’est pas très
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DOCTRINE
259
différente de celle reprise dans l’actuel article 488bis – F § 3, du Code civil,
on attirera particulièrement l’attention sur la liste des trois actes relatifs à la
personne, en veillant à rappeler, pour autant que de besoin, que l’autorisation préalable du juge de paix ne sera requise que lorsque la personne protégée aura été expressément soumise – ce qui constitue a priori l’exception – à
un régime de représentation pour ce qui concerne sa personne.
L’article 499/7, § 1er, prescrit donc, dans cette hypothèse, que l’administrateur ne peut ni changer la résidence de la personne protégée, ni exercer
les droits de la personne protégée qui lui sont conférés par la loi relative aux
droits du patient, ni représenter la personne protégée dans une demande en
justice relative à sa personne, sans avoir obtenu préalablement l’autorisation du juge de paix.
En ce qui concerne l’exercice des droits du patient, il convient cependant de tenir compte de ce que, conformément à l’article 14 modifié de
la loi du 22 août 2002, l’administrateur ne peut lui-même représenter une
personne placée sous le régime de la protection judiciaire que lorsque celleci n’avait pas antérieurement veillé à désigner, par un mandat écrit, la personne destinée à se substituer à elle pour le jour où elle ne serait plus en
mesure d’exprimer elle-même sa volonté. C’est en effet ce mandataire qui
exerce alors au nom de la personne protégée ses droits du patient, sans qu’il
ne doive, pour ce qui le concerne, solliciter aucune autorisation préalable
quelconque.
Par ailleurs, l’article 499/7, § 1er, alinéa 3, prévoit une importante dérogation à la nécessité pour l’administrateur de solliciter l’autorisation spéciale du juge de paix lorsqu’il y a « urgence » à exercer les droits du patient.
On ne voit en effet pas comment l’administrateur pourrait attendre que
pareille autorisation lui ait été conférée par le juge de paix dans le respect
de la procédure prévue (infra, no 79), lorsqu’il serait indispensable qu’il
exprime son consentement à des soins ou traitements urgents requis par
l’état de santé de la personne protégée. Mais il lui appartiendra en ce cas
d’informer aussitôt le juge de paix (19) de la manière dont il aura exercé les
droits du patient de la personne protégée.
43. À la double liste des actes énumérés dans l’article 499/7 du Code
civil qui requièrent l’autorisation spéciale du juge de paix, il convient encore
d’ajouter :
– la disposition de l’article 499/7, § 4 relative à une éventuelle donation
des biens de la personne protégée, lorsque les conditions spécifiques
prévues par cette disposition légale sont remplies (supra, no 32) ;
(19)
Il lui appartiendra aussi d’informer, selon les cas, la personne de confiance et/ou
l’administrateur des biens.
Revue trimestrielle de droit familial — 2/2014
260
–
LA
« PROTECTION JUDICIAIRE » DES INCAPABLES MAJEURS
la disposition de l’article 499/9,
article 488bis – F § 4, relative à la
logement de la personne protégée
garnissent, lorsqu’il serait devenu
disposition.
alinéa 2, reproduite de l’actuel
disposition des droits afférents au
et aux meubles meublants qui le
impossible de les maintenir à sa
D. Les rapports écrits
44. Le législateur a inséré les règles relatives aux rapports qui devront
être établis par l’administrateur dans chacune des sous-sections relatives
respectivement au régime de l’assistance et au régime de la représentation
et de la gestion.
Il n’a en effet pas raisonné de la même manière selon que l’administrateur n’exerce qu’une mission d’assistance ou qu’il exerce au contraire une
mission de représentation et de gestion.
Ainsi, lorsque l’administrateur n’exerce qu’une mission d’assistance,
il n’a pas à établir un rapport lors de son entrée en fonction. C’est logique,
puisqu’il n’a pas à agir immédiatement.
Par contre, il y a matière, dans chacun des deux types de mission, à
établir des rapports périodiques et, en fin de mission, un rapport final.
Il existe dès lors des similitudes à propos des rapports qui doivent être
rédigés dans le cadre d’une mission d’assistance ou d’une mission de représentation et de gestion, et ces similitudes me paraissent justifier de regrouper l’ensemble des règles relatives à ces rapports, tout en faisant apparaître
les différences selon chacun des deux types de régimes.
1. Le rapport initial
45. Seul l’administrateur appelé à représenter et à « gérer » la personne et/ou les biens de la personne protégée est tenu d’établir un rapport
d’entrée en fonction, au plus tard un mois après avoir accepté sa désignation (art. 499/6 C. civ.).
S’il exerce une mission d’assistance relative à la personne et une mission de représentation en ce qui concerne les biens de la personne protégée,
il ne devra dès lors établir un rapport initial qu’à propos des biens.
46. Lorsque l’administrateur exerce une mission de représentation
concernant la personne, le rapport initial a pour seul objet de décrire le
« cadre de vie » de la personne protégée (art. 499/6, al. 1er, C. civ.).
Lorsqu’il exerce une mission de représentation concernant les biens, le
rapport devra décrire « la situation patrimoniale et les sources de revenus de
la personne protégée » (art. 499/6, al. 2, C. civ.). Le législateur a repris à cet
égard les termes de l’actuel article 488bis – C § 2, du Code civil.
Revue trimestrielle de droit familial — 2/2014
261
DOCTRINE
Le législateur a au surplus expressément prévu que le Roi établirait un
modèle de ce rapport initial.
2. Les rapports périodiques
a) Le rythme et le contenu des rapports
47. Le législateur a opéré une distinction, tant pour une mission
d’assistance (art. 498/3, § 1er et § 2, C. civ.) que pour une mission de représentation (art. 499/14 C. civ.), entre les rapports relatifs à la personne,
d’une part, et aux biens, d’autre part. Il a aussi prévu que le Roi établira un
modèle de rapport.
48. Pour ce qui concerne la personne, c’est le juge de paix qui aura
déterminé, dans son ordonnance, le délai ou les circonstances dans lesquels
l’administrateur devra faire rapport et les modalités de l’établissement de
ce rapport.
À défaut toutefois d’indications, il y aura lieu à établissement d’un
rapport annuel.
Les éléments qui devront minimalement être explicités dans les rapports successifs relatifs à la personne ne sont pas identiques selon que
l’administrateur exerce une mission d’assistance ou de représentation.
Dans la première hypothèse, il s’agira essentiellement d’établir le
relevé des actes pour lesquels l’administrateur aura assisté la personne protégée (art. 498/3, § 1er, C. civ.).
Dans la seconde hypothèse, le rapport devra être davantage explicite
(art. 499/14, § 1er, C. civ.), car il devra, notamment, décrire « le cadre de
vie de la personne protégée », « les mesures prises par l’administrateur pour
améliorer le bien-être de la personne protégée » et « la manière dont l’administrateur a associé la personne protégée … à l’accomplissement de sa mission et
a tenu compte de son opinion ».
49. Pour ce qui concerne les biens, il y aura nécessairement lieu à établissement d’un rapport annuel, sauf l’hypothèse envisagée ci-après d’une
administration exercée par les père et/ou mère de leur enfant.
Les éléments de ce rapport seront également différents selon que l’administrateur exerce une mission d’assistance ou de représentation.
Dans la première hypothèse, il s’agira aussi essentiellement d’établir
le relevé des actes pour lesquels l’administrateur aura assisté la personne
protégée (art. 498/3, § 2, C. civ.)
Dans la seconde hypothèse, le rapport devra, notamment, comprendre, outre « la manière dont l’administrateur a associé la personne protégée … à l’exercice de sa mission » et « les conditions de vie matérielles de la
personne protégée », « les comptes, contenant au moins un résumé de l’état du
Revue trimestrielle de droit familial — 2/2014
262
LA
« PROTECTION JUDICIAIRE » DES INCAPABLES MAJEURS
patrimoine géré au début et à la fin » de la période, auxquels l’administrateur joindra « une photocopie du dernier extrait du ou des comptes bancaires
destinée à étayer les soldes mentionnés dans le rapport » et, le cas échéant,
« une attestation de l’organisme financier relative aux capitaux placés »
(art. 499/14, § 2, C. civ.).
Le texte légal prévoit au surplus que, sauf si le juge de paix a dispensé
l’administrateur de cette obligation, « l’administrateur tient une comptabilité simplifiée portant au minimum sur les mouvements des disponibilités en
espèces et en comptes ».
Étrangement, il n’est cependant pas expressément précisé dans la disposition législative que cette comptabilité simplifiée devra être annexée au
rapport – ce qui serait logique, d’autant qu’une autre disposition légale permet au juge de paix de désigner un « expert technique » chargé d’examiner
les comptes (infra, no 51).
b) Le contrôle des rapports
50. Le juge de paix devra expressément marquer son approbation ou
refuser de marquer son approbation sur ces rapports, « au bas » du rapport
(art. 498/3, § 3 et 499/14, § 1er, al. 4, Code civil) ou, dans le régime de la
représentation, « dans un procès-verbal » pour le rapport relatif aux biens
(art. 499/14, § 2, al. 5, C. civ.).
Approbation ne signifie pas décharge, car le juge de paix ne peut pas
avoir détecté toutes les éventuelles fautes de gestion de l’administrateur. Ce
sera dès lors plutôt une forme de « satisfecit » accordé à l’administrateur qui
aura apparemment rempli les devoirs de sa mission.
Mais, en approuvant le rapport, le juge de paix peut formuler ses
remarques ou observations éventuelles dont l’administrateur devra tenir
compte à l’avenir.
Au surplus, à propos du rapport relatif aux biens établi dans le cadre
d’une mission de représentation, le juge de paix peut, avant d’approuver le
rapport, désigner un « expert technique » chargé d’examiner les comptes et
de lui donner un avis, s’il existe « des indices sérieux de manquements dans
les comptes » ou « une certaine complexité dans les comptes » (art. 499/14, § 2,
al. 6, C. civ.).
51. Le législateur a toutefois aussi prévu, pour les administrateurs qui
exercent une mission de représentation, une possibilité de se faire accorder
par le juge de paix la « décharge » de leur mandat à propos des comptes qu’ils
auront établis, mais à la condition qu’un administrateur ad hoc désigné par
le juge de paix ait préalablement, aux frais de l’administrateur, « contrôlé »
lesdits comptes (art. 499/15 C. civ.).
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263
DOCTRINE
L’objectif est d’éviter que les administrateurs aux biens qui exercent
leur fonction pendant une longue période doivent attendre jusqu’à la fin de
leur mission pour obtenir cette décharge. Il reste que pareille décharge ne
sera sans doute pas aisée à obtenir.
c) Une dérogation : l’administration exercée par les père et mère
52. Lorsque l’administration est exercée par les père et mère (ou par
un des père et mère) qui représentent leur enfant majeur, ceux-ci ne seront
pas astreints, en principe, à rédiger des rapports annuels.
L’article 500/2 du Code civil prévoit en effet que le juge de paix, après
avoir reçu le rapport initial, « fixe le moment auquel ou les circonstances dans
lesquelles les parents font rapport ».
La raison d’être de cette disposition a été de ne pas subitement
astreindre les père et mère à des formalités excessives, alors qu’ils ne doivent
remettre aucun rapport, ni dans le régime de l’administration légale, ni dans
le régime actuel de la minorité prolongée.
3. Le rapport final
53. L’article 498/4 (relatif à une mission d’assistance) et les
articles 499/17 et 499/19 (relatifs à une mission de représentation) déterminent les modalités de l’établissement du rapport définitif qui devra être
transmis dans le mois de la cessation de la mission de l’administrateur.
54. Après une mission d’assistance, le contenu du rapport, tant
à propos de la personne que des biens, n’est pas défini autrement dans
l’article 498/4 que par référence aux dispositions applicables aux rapports
périodiques.
Après la réception du rapport, le juge de paix dressera un procès-verbal constatant son approbation ou sa non-approbation.
55. Après une mission de représentation et de gestion, les dispositions
applicables ne sont malheureusement pas exprimées de manière limpide.
L’article 499/17, § 1er (pour ce qui concerne la personne) et § 2 (pour
ce qui concerne les biens) prévoit que le juge de paix prononcera une ordonnance par laquelle il charge l’administrateur de déposer au greffe et de communiquer à la personne protégée et à sa personne de confiance le rapport
relatif à la personne et/ou le rapport relatif aux biens et les convoquera à
comparaître en chambre du conseil.
Le contenu de ces rapports est aussi défini par référence aux dispositions applicables aux rapports périodiques, sauf que le rapport final relatif
aux biens devra au surplus contenir une liste des biens mobiliers en possession de l’administrateur aux biens « qui doivent être remis à l’ayant droit ».
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LA
« PROTECTION JUDICIAIRE » DES INCAPABLES MAJEURS
Lors de la comparution en chambre du conseil, il sera établi un procèsverbal constatant ou non que le rapport relatif à la personne a été approuvé
(art. 499/17, § 1er, al. 4, C. civ.) et, à propos des biens, un procès-verbal
« constatant ou non la reddition de compte, son approbation et la décharge
donnée à l’administrateur » pour tous les comptes qui n’auraient pas déjà fait
l’objet d’une éventuelle décharge intermédiaire (art. 499/17, § 2, al. 5, C. civ.).
Mais si ces dispositions, qui ont été rédigées afin que la personne protégée puisse approuver elle-même les rapports relatifs à la personne et aux
biens, concernent aussi l’hypothèse de la cessation de l’administration en
raison du décès de la personne protégée – ce qui est évidemment incohérent – l’article 499/19 du Code civil règle parallèlement l’hypothèse particulière du décès de la personne protégée, afin d’y prévoir au surplus qu’« en
l’absence d’héritiers qui se seraient signalés auprès de l’administrateur », le
juge de paix peut l’autoriser à « poursuivre sa mission jusqu’à deux mois
au maximum après ce décès », afin de pouvoir effectuer un certain nombre
de paiements qui sont mentionnés dans la disposition légale. C’est cette
même disposition qui précise que, par dérogation à l’article 499/17, § 2 (qui
concerne le rapport relatif aux biens), l’administrateur déposera, au cours
de cette période de deux mois, « son rapport et compte définitifs au greffe où
les héritiers de la personne protégée et le notaire chargé de la déclaration et du
partage de la succession peuvent en prendre connaissance ».
Même si les textes sont manifestement mal rédigés et qu’ils risquent de
prêter à des interprétations divergentes, on peut déduire de ces différentes
dispositions que lorsque la mission de l’administrateur prendra fin par le
décès de la personne protégée, le juge de paix ne prononcera pas d’ordonnance, sauf éventuellement celle relative à la prolongation de la mission
de l’administrateur, et il ne convoquera personne en chambre du conseil.
L’administrateur devra lui-même prendre l’initiative de déposer au greffe son
ou ses rapports relatifs à la personne et aux biens de la personne protégée où
les héritiers en prendront « connaissance » (et devraient en recevoir copie).
Lorsque le rapport relatif aux biens n’a pas été approuvé par la personne protégée ou, dans l’hypothèse de son décès, n’a pas pu être approuvé
par la personne protégée, les articles 499/17 et 19 précisent expressément
que l’administrateur pourra être tenu de rendre des comptes selon la procédure spécifique organisée par les articles 1358 et suivants du Code judiciaire.
§ 4. — Les sanctions
56. Le législateur a veillé à préciser les sanctions qui seront applicables aux actes irrégulièrement accomplis, en distinguant clairement les
actes accomplis par la personne protégée et les actes accomplis par son
administrateur.
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DOCTRINE
A. Les sanctions de l’incapacité de la personne protégée
57. Lorsque le juge de paix déclare une personne incapable d’accomplir tel ou tel acte, il la prive, sans doute, de son autonomie, mais il lui
garantit une protection particulière à l’égard des tiers indélicats, puisque
l’acte qu’elle serait amenée à accomplir, malgré son incapacité, ne sera pas,
en principe, valable.
Le législateur a toutefois établi, aux articles 493 à 493/3 du Code civil,
différents types de sanctions, en s’inspirant du régime de l’incapacité des
mineurs, mais en distinguant les actes relatifs à la personne et les actes relatifs aux biens.
Au surplus, le législateur s’est préoccupé des actes qui auraient été
accomplis par la personne protégée avant que la mesure de protection ait
sorti ses effets, c’est-à-dire alors que la personne était encore capable.
1. L’incapacité par rapport à la personne
58. La sanction est, en principe, la nullité de droit (art. 493, § 1er, al. 1er,
C. civ.).
Toutefois, s’il s’agit d’actes qui avaient été autorisés « sous conditions »
et qui auraient été accomplis par la personne protégée sans avoir respecté
ces conditions, la nullité « peut être invoquée ». Elle est alors, semble-t-il,
facultative.
2. L’incapacité par rapport aux biens
59. Le législateur a établi, à l’article 493, § 2, une hiérarchie de
sanctions.
60. S’il s’agit d’actes que l’administrateur lui-même n’aurait pas pu
accomplir sans l’autorisation préalable du juge de paix (supra, no 41) ou
s’il s’agit d’une donation, d’un testament, d’un contrat de mariage ou d’un
contrat de cohabitation légale, ces actes, accomplis par la personne protégée qui en aurait été déclarée incapable, seront nuls de droit.
De même, une donation, un testament ou un contrat de mariage ou
de cohabitation légale, que l’incapable aurait été autorisé à accomplir sous
conditions, sans que ces conditions n’aient été respectées, seront aussi nuls
de droit.
61. Les autres actes ne seront que rescindables (même si le législateur
utilise le terme de nullité) du chef de lésion, ou, éventuellement, réductibles
pour excès.
Ces sanctions, empruntées au régime de la minorité (minorité ordinaire et émancipation), sont cependant, davantage que dans le régime
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LA
« PROTECTION JUDICIAIRE » DES INCAPABLES MAJEURS
d’incapacité des mineurs, laissées à l’appréciation du juge qui pourra en
effet tenir compte, aussi, des droits des tiers de bonne foi.
3. Le régime de l’action en nullité
62. Les dispositions applicables à l’action en nullité, qui sera introduite tantôt par la personne protégée, si elle en est restée capable ou si elle
en est redevenue capable, tantôt par son administrateur, ont été insérées
par le législateur aux articles 493, § 3 et 493/1 du Code civil.
On en retiendra particulièrement que le délai de prescription de l’action
en nullité a été fixé à cinq ans, étant entendu que le point de départ de ce délai
a été fixé par le législateur en distinguant selon que l’action sera introduite
par la personne protégée elle-même ou, après le décès de la personne protégée, par ses héritiers (20).
4. Les actes accomplis avant la mesure de protection
63. L’article 493/2 du Code civil permet, lorsqu’une mesure de protection a été ordonnée, de solliciter rétroactivement la nullité des actes accomplis avant que la mesure de protection ait sorti ses effets, si la cause de la
mesure de protection existait notoirement à l’époque où ces actes avaient
été accomplis.
Le législateur n’a par contre rien spécifié à propos du régime juridique
tant de cette nullité que de l’action en nullité.
B. La sanction des actes accomplis par l’administrateur
64. Il convient de distinguer deux catégories d’actes.
65. Lorsque l’administrateur, chargé d’une mission de représentation,
aurait accompli un acte qui requérait l’autorisation spéciale du juge de paix
sans avoir obtenu cette autorisation, l’acte sera nul de droit (art. 499/13,
al. 1er, C. civ.).
Si l’administrateur n’avait pas respecté les conditions qui auraient été
imposées par le juge de paix, la nullité « peut être invoquée » (art. 493/13,
al. 2, C. civ.).
Le législateur renvoie, pour le régime de l’action en nullité, à l’article 493/1 du Code civil.
66. Tous les autres actes accomplis par l’administrateur sont susceptibles d’engager sa responsabilité en raison d’une faute de gestion.
(20)
La disposition légale manque de clarté et omet de préciser à partir de quel moment
le délai de cinq ans court à l’égard de l’administrateur.
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DOCTRINE
Le principe de cette responsabilité est clairement exprimé dans les
articles 499/20 et 21 du Code civil, eux-mêmes complétés par une disposition particulière relative à la conservation par l’administrateur des pièces
afférentes à son administration (art. 499/22 C. civ.).
Section 2. — Les dispositions de procédure
67. Le législateur a désormais inséré dans le Code judiciaire, aux nouveaux articles 1238 à 1253/1, les dispositions procédurales relatives à la mise
en œuvre et au fonctionnement d’un régime de protection judiciaire d’une
personne protégée.
Le législateur a au surplus veillé à identifier les règles de procédure
applicables selon les types de demandes qui peuvent être soumises au juge
de paix, encore que les textes ne sont malheureusement pas suffisamment
clairs et précis.
On doit a priori distinguer :
– la demande initiale de protection judiciaire soumise aux articles 1240
à 1245 du Code judiciaire ;
– les demandes soumises à l’article 1241 du Code judiciaire, c’est-à-dire à
l’exigence de la production d’un certificat médical circonstancié ;
– les demandes soumises à l’article 1246 du Code judiciaire ;
– les demandes soumises à l’article 1250 du Code judiciaire ;
– les demandes soumises à l’article 1252 du Code judiciaire.
Par ailleurs le législateur a prévu qu’il serait tenu pour chaque personne protégée un « dossier administratif » comprenant les actes et documents relatifs à la mesure de protection.
§ 1. — La demande initiale de protection judiciaire
A. La requête
68. Les articles 1238 et 1240 du Code judiciaire déterminent les règles
applicables à l’introduction de la demande initiale. Une mesure de protection judiciaire peut être sollicitée par la personne à protéger, par tout
intéressé, c’est-à-dire par toute personne qui se préoccupe des intérêts de
la personne à protéger, ou par le procureur du Roi, sauf les restrictions
prévues par le texte lorsque la demande se fonde sur l’état de prodigalité.
La demande est introduite par une requête unilatérale, conformément aux
articles 1026 à 1034 du Code judiciaire devant le juge de paix où, en principe, « réside » la personne à protéger (art. 628, 2°, C. jud.).
L’article 1240 du Code judiciaire précise au surplus l’ensemble des
mentions spécifiques qui se trouveront indiquées dans la requête et qui
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LA
« PROTECTION JUDICIAIRE » DES INCAPABLES MAJEURS
ont pour objectif de porter à la connaissance du juge de paix le maximum
d’informations relatives à la situation de la personne à protéger, afin que le
juge de paix puisse prendre, conformément aux principes de nécessité et de
subsidiarité, les décisions les plus appropriées et « personnalisées ».
C’est ainsi que la requête doit, en principe, mentionner « les conditions
de vie familiales, morales et matérielles dont la connaissance pourrait être
utile au juge de paix », et qu’elle peut « comporter des suggestions concernant le choix de l’administrateur à désigner, ainsi que concernant la nature et
l’étendue de ses pouvoirs ».
Si ces mentions sont incomplètes, la demande n’est pas irrecevable. Le
juge de paix invitera le requérant à la compléter dans les huit jours.
Le législateur a, de toute manière, expressément prévu que le Roi établira un modèle de requête.
B. Le certificat médical circonstancié
1. Le principe
69. Le principe selon lequel un certificat médical circonstancié ne
datant pas de plus de 15 jours doit être joint à la requête, sous peine d’irrecevabilité de la demande, est maintenu et même a priori renforcé par la loi
du 17 mars 2013.
De manière à ce que le juge de paix dispose en effet d’éléments précis
relatifs à l’état de santé de la personne à protéger et puisse adapter le mieux
possible à cet état de santé les décisions concrètes qu’il est désormais tenu
de prendre dans son ordonnance, conformément au principe de nécessité
et de subsidiarité, l’article 1241 du Code judiciaire prévoit que le certificat
médical devra contenir minimalement, selon un formulaire type qui sera
aussi établi par le Roi, six mentions précises.
Outre la description de l’état de santé de la personne à protéger, de
l’incidence de cet état de santé sur la « gestion de ses intérêts » et sur la
possibilité de prendre connaissance d’un compte rendu de gestion, et des
soins qu’implique son état de santé, une disposition réparatrice de la loi du
25 avril 2014 a ajouté une sixième mention : le médecin devra préciser si la
personne à protéger se trouverait dans un des états de santé dont la liste
sera établie par le Roi et qui impliquerait qu’elle serait soumise, en principe,
à un régime de représentation pour ce qui concerne ses biens (supra, no 16).
70. Une autre disposition réparatrice de la loi du 25 avril 2014 a, par
contre, supprimé l’exigence qui avait été initialement prévue que le médecin
aurait nécessairement été tenu d’examiner la personne à protéger avant de
rédiger son certificat médical circonstancié.
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DOCTRINE
L’article 1241, alinéa 2, du Code judiciaire précise expressément que
le certificat médical pourra être établi « sur la base des données médicales
actualisées telles que le dossier du patient visé à l’article 9 de la loi du 22 août
1992 relative aux droits du patient, ou un examen récent de la personne ».
2. Les exceptions
71. Dans le même temps, le législateur a expressément prévu trois
exceptions à la nécessité d’adjoindre à la requête un certificat médical
circonstancié.
La première exception concerne la situation particulière de l’« état de
prodigalité ».
Les deux autres exceptions sont générales :
– la situation d’urgence, étant entendu que le juge de paix doit vérifier si
le motif d’urgence est « avéré » ;
– l’impossibilité absolue de joindre à la requête un certificat médical, étant
entendu que les raisons doivent alors en être explicitées dans la requête
et que le juge de paix doit estimer, « par une ordonnance expressément
motivée », que pareille impossibilité absolue est avérée.
Dans ces deux dernières situations, le juge de paix devra désigner un
expert médical chargé d’« émettre un avis » à propos des différents éléments
qui auraient dû être mentionnés dans le certificat médical.
C. La désignation d’un avocat pour la personne protégée
72. L’article 1242 du Code judiciaire prévoit, de manière quelque peu
étonnante, que le greffier « peut » demander au bâtonnier de l’Ordre des
avocats de commettre un avocat d’office « à la demande de la personne à
protéger, de toute intéressé ou du Procureur du Roi ».
On ne comprend pas bien quel est le pouvoir d’appréciation du greffier, d’autant que l’article 1243, § 1er, alinéa 3 précise que le pli judiciaire
adressé à la personne à protéger mentionne les nom et adresse de l’avocat
commis d’office.
D. La convocation, l’audience et les éléments d’informations
complémentaires recueillis par le juge de paix
73. Les articles 1243 et 1244 du Code judiciaire, inspirés des dispositions actuellement applicables dans le régime de l’administration provisoire,
organisent, d’une part, les convocations pour l’audience, en distinguant les
convocations par pli judiciaire des personnes qui deviendront parties à la
cause (sauf si elles s’y opposent) et les convocations par simple pli des per-
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LA
« PROTECTION JUDICIAIRE » DES INCAPABLES MAJEURS
sonnes qui pourront devenir parties à la cause, et, d’autre part, les mesures
d’instruction auxquelles le juge de paix procède ou peut procéder.
E. L’ordonnance et la désignation de l’administrateur
74. L’article 1245 du Code judiciaire organise, lorsqu’une mesure
de protection judiciaire est ordonnée, les modalités de la notification de
l’ordonnance, en premier lieu à l’administrateur et, ensuite, s’il accepte sa
mission, aux parties.
F. La publicité de la mesure de protection
75. C’est aux articles 1249 à 1249/2 du Code judiciaire que le législateur a organisé la publicité de la mesure de protection : d’une part au
Moniteur belge (art. 1249), et d’autre part, dans le registre de la population
(art. 1249/1).
L’article 1249/2 prévoit que le Roi peut prescrire d’autres mesures de
publicité.
§ 2. — Les demandes soumises à l’article 1241
du Code judiciaire prescrivant la production
d’un certificat médical circonstancié
76. La loi du 17 mars 2013 prévoyait que toute demande en modification du contenu de l’ordonnance initiale ou en cessation de la mesure de
protection impliquerait qu’y soit adjoint un certificat médical circonstancié
tel que décrit à l’article 1241 du Code judiciaire.
Il en était ainsi aussi pour l’évaluation de la mesure de protection qui
doit obligatoirement être effectuée au plus tard deux ans après le prononcé
de l’ordonnance initiale (art. 492/4, al. 2, C. civ.).
Une disposition réparatrice de la loi du 25 avril 2014 a supprimé cette
exigence, sauf s’il s’agit d’une demande de cessation de la mesure de protection (voy. le texte de l’article 492/4, al. 1er, C. civ.).
Les auteurs de l’amendement à l’origine de cette modification législative se sont à cet égard expliqués de la manière suivante :
« Alors que cette condition est considérée comme évidente pour la levée
de la mesure de protection judiciaire, elle est considérée comme trop lourde
dans le cadre d’une modification. Elle empêche que l’administration soit adaptée de façon souple et simple à la situation et elle complique l’évaluation. C’est
pourquoi il est précisé que c’est dans le seul cas d’une demande de la levée de
la protection judiciaire qu’il faut joindre à la requête un certificat médical
circonstancié » (21).
(21)
Doc. parl., Ch., session 2013-2014, no 53-3149/004, p. 55.
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DOCTRINE
77. On précisera par ailleurs que l’article 1241 du Code judiciaire est
aussi applicable dans la situation décrite à l’article 490/1, § 1er, du Code
civil, qui concerne l’exécution du mandat de protection extrajudiciaire.
78. Enfin, les articles 145/1, 186, 231, 328, § 1er, 905, 1397/1, 1476,
§ 2, alinéa 8 et 1478, alinéa 6, du Code civil, qui sont relatifs à une autorisation sollicitée par la personne protégée de pouvoir accomplir elle-même
un acte qu’elle avait été déclarée incapable d’accomplir (supra, nos 21 et 26),
renvoient tant à l’article 1241 qu’à l’article 1246 du Code judiciaire. Un certificat médical circonstancié, comprenant les mêmes mentions que lorsqu’il
est joint à la requête initiale, devra dès lors aussi être sollicité.
§ 3. — Les demandes soumises à l’article 1246
du Code judiciaire
79. L’article 1246 du Code judiciaire organise les règles de procédure
applicables à un ensemble de demandes qui y sont expressément mentionnées. Ce sont, notamment, les demandes relatives à l’autorisation sollicitée
par la personne protégée aux fins de pouvoir accomplir un acte juridique
qu’elle a été expressément, dans l’ordonnance initiale, déclarée incapable
d’accomplir, comme, par exemple, l’autorisation de contracter mariage,
d’introduire une procédure en divorce ou de rédiger un testament.
Dans ces hypothèses, l’article 1241 est aussi, comme on vient de l’indiquer, d’application.
L’article 1246 est par ailleurs aussi rendu applicable, dans plusieurs
dispositions du Code civil, à d’autres demandes ou à d’autres situations
susceptibles d’intervenir à propos de la personne à protéger ou protégée.
Ainsi en est-il lorsqu’il est demandé de statuer sur l’exécution du mandat de protection extrajudiciaire (art. 490/1, § 2, C. civ.) ou de mettre fin à
ce mandat (art. 490/2, § 2, C. civ.).
Ainsi en est-il aussi lorsqu’il est demandé de modifier le contenu de la
mesure de protection judiciaire (art. 492/4, al. 1er, C. civ.) ou lorsque le juge
de paix est tenu de procéder à l’évaluation de la mesure de protection au
plus tard deux ans après le prononcé de son ordonnance initiale.
80. Lorsque l’article 1246 du Code judiciaire est d’application, les
personnes intéressées (mandant et mandataire ou personne protégée, administrateur et personne de confiance) sont convoquées à une audience pour
être entendues par le juge de paix.
Le juge de paix veillera par ailleurs à recueillir toutes informations
utiles, et il peut, notamment, « désigner un médecin expert ».
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LA
« PROTECTION JUDICIAIRE » DES INCAPABLES MAJEURS
§ 4. — Les demandes soumises à l’article 1250
du Code judiciaire
81. L’article 1250 du Code judiciaire organise les règles de procédure applicables aux demandes qui y sont mentionnées et, notamment, les
demandes par lesquelles l’administrateur sollicite du juge de paix l’autorisation spéciale d’accomplir tel ou tel acte relatif à la personne ou aux biens
de la personne protégée.
Par dérogation à l’article 1246 du Code judiciaire, le juge de paix ne
doit pas alors nécessairement convoquer la personne protégée, l’administrateur et la personne de confiance, mais il est à tout le moins tenu de
demander leur avis.
§ 5. — Les demandes soumises à l’article 1252
du Code judiciaire
82. L’article 1252 du Code judiciaire est applicable aux situations
dans lesquelles un conflit d’intérêts ou un des litiges expressément visés
dans les dispositions du Code civil qui y sont mentionnées surgit pendant
la mesure de protection.
C’est la raison pour laquelle une tentative de conciliation est, dans ce
type de situations, expressément prévue.
§ 6. — Le dossier administratif
83. L’article 1253 du Code judiciaire prescrit qu’un dossier administratif devra être tenu au greffe de la justice de paix pour chaque personne
protégée et qu’il comprendra la plupart des actes et documents relatifs à la
mesure de protection.
84. L’article 1253/1 organise l’accès à ce dossier administratif, en
distinguant :
– les personnes qui ont un droit d’accès, incluant le droit à se faire délivrer
une copie, tant pendant la durée de la mesure de protection (la personne
protégée, sa personne de confiance, son administrateur et le procureur
du Roi) qu’après le décès de la personne protégée (les héritiers et le
notaire chargé de la liquidation et du partage de la succession) ;
– la possibilité pour « tout autre intéressé » de demander au juge de paix
par une requête motivée de consulter le dossier.
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