etude de la prevalence de l`anemie pendant la grossesse chez les

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etude de la prevalence de l`anemie pendant la grossesse chez les
Réseau Périnat Guyane, mars 2013, rédacteur Anne Louison sf coordinatrice référente ouest.
ETUDE DE LA PREVALENCE DE L’ANEMIE PENDANT LA
GROSSESSE CHEZ LES FEMMES AYANT ACCOUCHE AU
CENTRE HOSPITALIER DE SAINT LAURENT DU MARONI
ENTRE LE 1 E R AVRIL ET LE 31 JUILLET 2012
INTRODUCTION
L’anémie pendant la grossesse est un facteur de risques maternels et fœtaux bien repéré
par les professionnels de l’ouest guyanais pour son importance, en ordre de grandeur et en
gravité, dans la population des femmes enceintes accouchant à Saint Laurent du Maroni.
Cependant, les professionnels ne disposaient d’aucune étude spécifique sur le sujet pour étayer
leur expertise clinique quotidienne.
Dans la dynamique donnée par l’étude du réseau Périnat Guyane sur les usages et
représentations autour du pemba, le service de la maternité du centre hospitalier de l’Ouest
guyanais a effectué un recueil de données exhaustif rétrospectif à partir des dossiers de toutes
les femmes ayant accouché à Saint Laurent du Maroni entre le 1er avril et le 31 juillet 2012.
CONTEXTE
Depuis quelques années, dans l’ouest guyanais, la surveillance médicale de la grossesse
des femmes enceintes a mis en évidence un véritable problème lié à l’anémie. L’anémie consiste
en une baisse du taux d’hémoglobine dans le sang. L’anémie pendant la grossesse est définie par
le Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français (CNGOF) comme un taux
d’hémoglobine inférieur à 11g/dl aux premier et troisième trimestres et inférieur à 10.5g/dl au
deuxième trimestre. 1
L’OMS définit l’anémie légère de la grossesse par une hémoglobine entre 10 et 10.9 g/dl,
l’anémie modérée entre 9.9 et 7g/dl et l’anémie sévère en dessous de 7g/dl.2
En 2009, à partir des données du Registre d’issues de grossesses de la maternité de Saint
Laurent, on constatait que plus de 10% des femmes ayant accouché à Saint Laurent avaient
présenté un taux d’hémoglobine ≤8g/100ml3 au cours de leur grossesse, mais l’exhaustivité du
recueil n’avait pas été formellement vérifiée.
Cependant, à partir de ces données, la prévalence seuil définie par l’Organisation
Mondiale de la Santé (OMS) pour considérer le problème comme un problème de santé publique
était déjà largement atteinte (plus de 5% des femmes enceintes avec une anémie inférieure à
11g/100ml)4, ce qui justifiait un recueil de données plus poussé.
1 Collège national des gynécologues et obstétriciens français. Paris, 5 décembre 1997. Supplémentation au cours de la grossesse,
recommandations pour la pratique clinique. En ligne.
2 OMS. Concentrations en hémoglobine permettant de diagnostiquer l’anémie et d’en évaluer la sévérité. Système d’informations
nutritionnelles sur les vitamines et les minéraux. Genève, Organisation mondiale de la Santé, 2011 (WHO/NMH/NHD/MNM/11.1)
(http://www.who.int/vmnis/indicators/haemoglobin_fr.pdf, consulté [04/02/2013]).
3 Valérie Folie, cadre sage femme faisant fonction fonction de cadre supérieur. Janvier 2010. Rapport d’activité du service de
Gynécologie du CHOG, 2009.
4 Organisation Mondial de la Santé (OMS). 2001. Iron Deficiency Anaemia Assessment, Prevention, and Control A guide for
programm managers. En ligne.
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L’anémie des femmes enceintes accouchant à Saint Laurent constitue un véritable
problème de santé publique se traduisant en problèmes de santé pour les mères et leurs
nouveaux nés.
Plus spécifiquement, l'anémie par carence en fer pendant la grossesse augmente les
risques périnatals pour les mères et les nouveau-nés, et augmente la morbi-mortalité infantile
globale.
En effet, outre ses effets généraux sur la santé, l’anémie par carence martiale, même
minime, du début de grossesse est un facteur d’accouchement prématuré, ainsi qu’un facteur de
retard de croissance intra utérin chez l’enfant à naitre, et elle est donc en lien avec la morbi
mortalité néonatale5678 . En outre, la carence martiale maternelle même isolée a pour
conséquence un retard d’acquisitions psychomotrices chez l’enfant.9
L’anémie sévère par carence martiale de la femme enceinte augmente les risques
maternels lors d’hémorragies du post partum et d’infections puerpérales, et donc est aussi en
lien avec une augmentation du risque de morti morbidité maternelle. 10
De plus la prise en charge des anémies sévères, quelque que soit leur étiologie, utilise des
moyens humains, techniques et financiers limités. La part du coût des anémies « évitables » ne
peut donc pas être négligée. ,.
METHODES
Une fiche de recueil de données a été élaborée par le cadre supérieur du service.
La fiche comportait : une étiquette de la patiente, son numéro d’accouchement, la date de
l’accouchement, et les items suivants:
-consommation de pemba (oui/non), cette géophagie d’argile étant identifiée comme empêchant
l’absorption du fer,
-anémie modérée à sévère avec une hémoglobine inférieure à 10g/dl pendant la grossesse
(oui/non),
-autre(s) pathologie(s) liée(s) à l’anémie (pas d’items proposés),
-taux d’hémoglobine constaté le plus bas pendant la grossesse (à partir des résultats de
numération formule sanguine),
-traitement par transfusion (oui/non) et par fer injectable (oui/non) pendant la grossesse.
La fiche était remplie dans un premier temps par la sage femme effectuant la consultation du
neuvième mois, à partir du dossier médical et du carnet de suivi de grossesse de la patiente ; la
fiche était conservée ensuite dans le dossier médical de la patiente.
Après l’accouchement, la fiche était récupérée et si besoin corrigée à partir du dossier lors du
passage au secrétariat pour le courrier de sortie. Les vérifications et corrections ont été
effectuées par le cadre supérieur de la maternité et/ou par les secrétaires médicales de la
maternité. Les informations contenues dans les fiches ont été intégrées dans un tableur Excel
5El
Guindi W, Pronost J, Carles G, Largeaud M, El Gareh N, Montoya Y, Arbeille P. [Severe maternal anaemia and pregnancy outcome].
J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) 2004 Oct;33(6 Pt 1):506-509.
6
Allen LH. Pregnancy and iron defiency : unresolved issues. Nutr. Rev. 1997 avr;55(4):91-101.
Steer P, Alam MA, Wadsworth J, Welch A. Relation between maternal haemoglobin concentration and birth weight in different
ethnic groups. BMJ. 1995 févr 25;310(6978):489-91.
7
Collège national des Gynécologues-Obstétriciens Français (CNGOF). Supplémentation en cours de grossesse. RPC 1997, mise à jour
2007.
8
Organisation Mondial de la Santé (OMS). Iron Deficiency Anaemia Assessment, Prevention, and Control A guide for programm
managers. 2001. En ligne. http://www.who.int/nutrition/publications/en/ida_assessment_prevention_control.pdf. Consulté le
20.03.2013.
9
10
Harvey T. Conséquences de la carence martiales au cours de la grossesse. Réalités en Gyn Obs 2011 Nov ;158 :1-7.
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par le cadre supérieur de la maternité et la référente ouest du réseau Périnat Guyane, à
l’exception de l’identité des patientes.
Les données ont ensuite été exploitées par la référente Périnat Guyane avec le logiciel SPHYNX.
Une analyse descriptive et des croisements de données ont été effectués.
RESULTATS DANS L’ECHANTILLON TOTAL
ECHANTILLON
Il y a eu 751 femmes qui ont accouché d’avril à juillet 2012 à la maternité de Saint Laurent, et
610 fiches ont pu être exploitées soit un taux de réponses exploitables de 81%.
Il y a donc eu 141 fiches non faites ou non conformes (19%), sachant qu’une fiche a été
considérée non conforme dès qu’un des renseignements étaient absents (par exemple pas de
résultat d’hémoglobine). Ces fiches non faites ou non conformes peuvent être en lien avec
l’absence d’information (si la patiente n’a pas présenté ses résultats d’analyses de suivi de
grossesse) ou par les absences des personnes gérant la correction des fiches, des dossiers ayant
peut être été archivés avant que la fiche n’ai été récupérée et corrigée.
ANALYSE DESCRIPTIVE
Dans notre échantillon de 610 femmes, plus de la moitié des femmes étaient anémiées selon la
définition du CNGOF car 337 femmes, soient 55.24% des femmes, ont présenté un taux
d’hémoglobine sanguin pendant la grossesse inférieur à 10.5g/dl.
La moyenne du taux d’hémoglobine constaté le plus bas pendant la grossesse de l’échantillon
total est de 10.16g/dl, avec un écart type de 1.48g/dl.
Une anémie modérée à sévère était constatée chez 39.8% des femmes : près d’un tiers
(32%) des femmes de l’échantillon avait une hémoglobine la plus basse pendant la grossesse
comprise en 8 et 10g/dl ; plus de 7% des femmes ont présenté un taux d’hémoglobine inférieur à
8g/dl pendant leur grossesse et 1.1% inférieure à 6.
Tableau 1Répartition des taux d’hémoglobine les plus bas constatés pendant la grossesse d’une femme
en fonction de différentes classes.
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dans notre échantillon comme dans la population générale.
Figure 1:Répartition du nombre d’observation dans l’échantillon total en fonction du taux d’hémoglobine
le
plus
bas
constaté
pendant
la
grossesse(en
g/100ml)
25
20
15
10
5
5
5,7
6,3
6,9
7,4
7,8
8,2
8,6
9
9,4
9,8
10,2
10,6
11
11,4
11,8
12,2
12,6
13
14,3
0
Dans les dossiers des 610 femmes incluses, on retrouve une consommation de pemba
déclarée par 25.7% des femmes, la consommation de pemba étant systématiquement
recherchée à l’interrogatoire (mais certaines femmes cachent cette consommation).
Parmi les 610 femmes, on a recherché (recherche non systématique sauf électrophorèse de
l’hémoglobine) et trouvé une ou plusieurs pathologies pouvant être facteurs d’anémie, autre
que la consommation de pemba, chez 31 femmes.
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En résumé, les pathologies facteurs d’anémie retrouvées pour l’échantillon total sont :
Pathologies
Nombres
d’observations
relevées
Pourcentage des observations
dans l’échantillon total
23
7
16
3.77%
1.15%
2.62%
Picas
pemba
charbon
glace (pagophagie)
Grossesse
gémellaire
(exhaustivité ?)
160
157
1
2
2
26.23%
25.73%
0.16%
0.32%
0.32%
Plombémie élevée
1
0.16%
2
0.32%
1
1
0.16%
0.16%
(NB une femme peut présenter
plusieurs pathologies)
Déficits vitaminiques
(recherche non systématique,
nombre de dosages non connus)
déficit en folates (vit B9)
déficit en vitamine B12
(taux non précisé)
Drépanocytoses
(anémies
évitables)
constantes
Drépanocytose SS
Drépanocytose SC
et
non
Il est à noter que certaines de ces informations n’ont pu être recueillies que pendant les
consultations, or leurs recherches n’étaient peut être pas systématiques car pas forcément
intégrée dans la pratique courante (surtout pour plombémie, picas autre que pemba, déficit
vitaminiques).
Ce tableau ne présente donc pas la prévalence de ces pathologies mais le constat
de ces pathologies effectué par les professionnels.
Il est aussi important de rappeler que les anémies en lien avec les drépanocytoses majeures ne
sont pas évitables, elles seront donc exclues des analyses comparatives.
Cependant, notre échantillon total ne présentaient que deux femmes drépanocytaires, une
femme ayant une hémoglobine SS (ayant eu un taux d’hémoglobine le plus bas pendant la
grossesse égal à 6g/100ml) et une ayant une hémoglobine SC (9.10g/100ml). Aucune des deux
ne consommaient du pemba. Aucune des deux n’a reçu une transfusion pendant sa grossesse
avant le péripartum.
Sur les moyens mis en œuvre pour traiter les anémies sévères à modérées, on constate dans
notre échantillon hors drépanocytoses que :
-12 femmes (1.97%) ont été transfusées pendant la grossesse
- 49 femmes (8.06%) ont reçu du fer injectable en intraveineux.
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ANALYSE COMPARATIVE (HORS FEMMES DREPANOCYTAIRES)
L’étude comparative exclue les femmes drépanocytaires, l’effectif d’étude est donc ici de 608
femmes.
CORRELATIONS ANEMIE ET FACTEURS PATHOLOGIQUES.
L’anémie modérée à sévère est deux fois plus constatée chez les femme avouant une
consommation de pemba que chez les autres : le risque relatif d’anémie est de 2.00 en cas
d’exposition avouée au pemba.
Cependant, un peu moins d’un tiers des femmes n’avouant pas de consommation de
pemba ont aussi une anémie modérée à sévère, avec un taux d’hémoglobine inférieure à
10g/100ml.
Pemba oui
Hémoglobine
égale
ou
10g/100ml
Pemba non
TOTAL
la plus basse 60
312
supérieure
à (38.2%
des
femmes (69.18% des femmes 372
consommant du pemba)
consommant du pemba)
Hémoglobine la plus
inférieure à 10g/100ml
basse
TOTAL
139
97
(30.82% des femmes ne
(61.8%
des
femmes
236
consommant pas du
consommant du pemba)
pemba)
157
451
608
La dépendance est très significative. chi2 = 47,01, ddl = 1, 1-p = >99,99%.
L’anémie modérée à sévère est 1.7 fois plus constatée chez les femmes ayant une
pathologie facteur d’anémie diagnostiquée (autre que la consommation de pemba (drépano
exclues)) que chez les autres, cependant il faut préciser que le recueil n’était peut être pas
exhaustif pour toutes les pathologies facteurs de risque, le nombre de prélèvement effectués
n’étant pas connu.
Femmes présentant
pathologie facteur
d’anémie.
une Pas de pathologie
constatée.
TOTAL
Hémoglobine la plus basse 21
351 (63.47% des femmes
égale
ou
supérieure
à (38.18% des femmes avec
372
sans patho.)
10g/100ml
patho)
34
Hémoglobine la plus basse
202 (36.53% des femmes
(61.82% des femmes avec
238
inférieure à 10g/100ml
sans patho.)
patho.)
TOTAL
La
dépendance
55
est
très
553
significative.
chi2
=
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13,47,
608
ddl
=
1,
1-p
=
99,98%.
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CARACTERISTIQUES DES FEMMES AYANT REÇU
DU FER INJECTABLE PAR VOIE INTRAVEINEUSE PENDANT LEURS GROSSESSES.
Plus de la moitié des 49 femmes ayant reçu du fer injectable déclarait consommer du pemba
pendant leur grossesse.
Nb. cit. Fréq.
Pemba non
19
38,8%
Pemba oui
30
61,2%
TOTAL OBS.
49
100%
Moins d’une femme sur cinq ayant reçu du fer injectable avaient une pathologie retrouvée
facteur d’anémie autre que la consommation de pemba.
Pas de pathologie
constatée (autre que le pemba).
Nb. cit.
Fréq.
40
81,6%
Femmes présentant une pathologie facteur
9
d’anémie.
18,4%
TOTAL OBS.
100%
49
Les femmes ayant reçu du fer injectable avaient entre 5 et 8.9 g/100ml d’hémoglobine.
Leur taux moyen d’hémoglobine était de 7.55g/100ml avec un écart type de
0.96g/100ml.
Parmi ces 49 femmes, 6 ont également bénéficié d’une transfusion de culot(s)
globulaire(s) pendant leur grossesse.
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CARACTERISTIQUES DES FEMMES AYANT REÇU
UNE OU DES TRANSFUSIONS DE CULOT GLOBULAIRE PENDANT LEURS GROSSESSES.
Les indications de transfusion pendant la grossesse sont variables en fonction :
- de la présence ou non d’une drépanocytose
- de la gravité de l’anémie et de ses retentissements,
- du terme de la grossesse (imminence de l’accouchement ou non),
- de l’accord de la patiente.
Les transfusions du post partum pouvant être en lien avec une hémorragie péripartum ne sont
pas du tout représentées ici.
Les deux tiers des 12 femmes ayant reçu une transfusion de culot globulaire pendant leur
grossesse déclaraient consommer du pemba pendant leur grossesse.
Nb. cit.
Fréq.
Pemba non
4
33.3%
Pemba oui
8
66.7%
TOTAL OBS.
12
100%
Seule une femme transfusée présentait une pathologie autre que la consommation de pemba :
elle présentait une carence en vitamine B12 sans association avec la consommation de pemba
(Hb=5.7g/100ml).
Nb. cit.
Fréq.
Pas de pathologie
constatée.
11
91.7%
Femmes présentant une pathologie facteur
d’anémie.
1
8.3%
TOTAL OBS.
12
100%
Les femmes ayant reçu une transfusion avaient entre 5.5 et 8.7 g/100ml d’hémoglobine.
Leur taux moyen d’hémoglobine était de 6.88g/100ml avec un écart type de 1.13g/100ml.
Il est à noter qu’une femme présentant une hémoglobine à 5g/100ml pendant la grossesse a
refusé la transfusion et n’a donc bénéficié que d’injections de fer injectable.
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DISCUSSION
Dès 2009, deux études de l’équipe de la maternité de Saint Laurent du Maroni ont permis
de souligner l’état martial et vitaminique B des femmes enceintes accouchant à Saint Laurent du
Maroni : tout d’abord une étude de cohorte « Plasma and urinary aluminum concentrations in
severely anemic geophagous pregnant women in the Bas Maroni region of French Guiana: a
case-control study » coordonnée par le Dr Véronique Lambert11 puis un travail de thèse
« Complications obstétricales et néonatales de l’anémie sévère chez les patientes géophages »
par le Dr Pouget12.
Ces études ont permis de recueillir des éléments de comparaison pour les données recueillies à
la maternité en 2012.
Dans le cadre de l’étude de cohorte sur l’aluminium, des bilans ont été effectués à 98 femmes
géophages anémiées et 75 femmes non géophages non anémiées. Les résultats de ces bilans sont
résumés dans le tableau ci-dessous.
Cas
Hémoglobine (g/dL)
Géophages anémiées
témoins
6.7 ± 0.99
11.2 ± 0.88
6.6 ± 4.8
17.6 ± 23
172.7 ± 73.1
186.6 ± 85.5
698.11 ± 360.3
689.1 ± 566.5
Ferritinémie (μg/L)
(norme labo:20)
Vitamine B12 (pmol/L)
(norme labo: 153)
Folates érythrocytaire (nmol/L)
(norme labo : 572)
On constate ainsi que les géophages anémiées présentaient un épuisement de leurs réserves en
fer et que les cas témoins présentaient des réserves diminuées. Par contre s’agissant des dosages
en vitamines B9 et B12, les taux moyens étaient similaires dans les deux groupes.
Pour le travail de thèse, deux groupes d’études ont été constitués et ont eu un bilan
biologique : un groupe de 109 femmes consommant du pemba sévèrement anémiées et un
groupe de 64 patientes témoins non géophages non anémiées.
Ainsi dans le groupe de femmes géophages anémiées on constatait que :
- 93.58% présentaient une carence martiale (ferritinémie inférieure à la norme du
laboratoire et/ou augmentation des récepteurs solubles à la transferrine)
- 40.37% présentés une carence en vitamine B12 et 27.52% une carence en vitamine B9
11
LAMBERT et al. Am. J. Trop. Med. Hyg., 83(5), 2010, pp. 1100–1105
Complications obstétricales et néonatales de l’anémie sévère chez les patientes géophages [Ressource électronique] / Karine
Pouget ; sous la direction de Gabriel Carles. En ligne : http://archive.bu.univ-nantes.fr/pollux/show.action?id=7f89ff75-a501-41e2b963-442e0b111d64 Consulté le 9 janvier 2013.
12
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- 2.75% présentés une intoxication au plomb (supérieure à 0.50 µmol/L)
- aucune ne présentaient une anémie inflammatoire, une hémolyse, une parasitose digestive, une
insuffisance rénale, un déficit en G6PD ou un déficit en pyruvate kinase.
Il est aussi très intéressant de souligner que les bilans réalisés systématiquement aux patientes
témoins ont permis de mettre en avant que 64.06% des patientes non anémiées non
géophages présentaient une carence martiale, 31.25% une carence en vitamine B12 et
40.62% en vitamine B9.
A la lumière de ces résultats, on constate que l’anémie ferriprive est mise en jeu dans la
très grande majorité des cas d’anémie chez les géophages, mais que la carence martiale est aussi
très prégnante chez les femmes non anémiées ne consommant pas de pemba, de même que les
carences en vitamines B12 et B9.
On peut donc regretter que les modalités de recueil de données en 2012 n’aient pas permis de
recueillir des informations sur l’objectivation de la carence martiale des femmes pendant leur
suivi de grossesse.
On peut aussi s’étonner du taux très faible de diagnostic retrouvé de carences en vitamines B9
et/ou B12 (3.77%) alors qu’elles semblent assez présentes, probablement par absence de
recherche.
Ainsi ces données issues d’un recueil systématique auprès de groupes ciblés mettent en
exergue le constat objectivé en 2012 d’une anémie très prévalente chez les femmes enceintes
accouchant à Saint Laurent du Maroni, avec des niveaux d’atteinte modérés à sévères, en lien
probablement dans la majorité des cas avec une carence martiale, et aussi probablement
souvent en lien avec des carences en vitamines B.
Cette forte prévalence des carences martiales et vitaminiques interpelle sur les causes de ces
carences ; une étude, notamment alimentaire, serait probablement judicieuse.
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CONCLUSION
En résumé, plus de la moitié des femmes ayant accouché à Saint Laurent du Maroni
d’avril à juillet 2012 présentaient une anémie car 55.24% d’entre elles avaient une
hémoglobine inférieure à 10.5g/100ml.
Le taux d’hémoglobine moyen dans l’échantillon total était de 10.16 +/-1.48 g/100ml.
Le risque d’anémie modérée à sévère (hémoglobine inférieure à 10g/100ml) était deux fois
plus élevé chez les femmes consommant du pemba et 1.7 fois plus élevé chez les femmes
chez qui un autre facteur d’anémie avait été diagnostiqué (hors drépanocytose).
La consommation de pemba a été déclarée par 25.73% des femmes à l’interrogatoire et ces
femmes présentaient un risque double de présenter une anémie pendant leur grossesse.
Moins de 1% des femmes (0.32%) étaient drépanocytaires (1 cas SS et 1cas SC).
Une carence vitaminique de type B9 ou B12 n’a été diagnostiquée que chez près de 4% des
femmes de l’échantillon (le nombre de prélèvements effectués n’est pas connu), alors que l’on a
constaté en 2009 chez les femmes enceintes de Saint Laurent des carences en vitamines B chez
plus d’un quart des femmes.
Si l’on reprend les bornes données par l’OMS, on constate que 426 des femmes parmi les
610 étudiées soient 69.83% des femmes enceintes présentaient une hémoglobine
strictement inférieure à 11g/100ml pendant leur grossesse ce qui correspond à la définition
internationale (Organisation Mondiale de la Santé, OMS) de l’anémie même légère pendant la
grossesse. D’après l’OMS13 cette prévalence de l’anémie dans la population des femmes
enceintes de l’Ouest supérieure à 40% lui donne une importance sévère pour la santé
publique.
Lorsque l’on compare (avec prudence !) ces chiffres aux données internationales fournies par
l’OMS14, cela place la population accouchant à Saint Laurent du Maroni à un niveau d’atteinte
supérieure à celui de la population nationale globale des femmes enceintes du Guyana (52%
IC95% :43.6–60.3), du Surinam (32.4% IC95% : 10.9–65.1) ou du Brésil (29.1% IC95% : 9.8–
60.8). Ces chiffres locaux présentent des différences très importantes avec les chiffres nationaux
fournis par l’OMS: seuls 11.5% des femmes enceintes françaises (IC95% : 2.5-39.6%)
présenteraient une anémie inférieure à 11g/100ml.
Ce constat justifie une coordination dynamique de la prévention, du dépistage et de la
prise en charge de toutes les anémies des femmes enceintes d’une façon générale.
Il justifie aussi de porter une attention particulière sur la recherche de la carence martiale (qui
pourrait être systématique en début de grossesse) et la recherche des carences en vitamines B9
et B12 chez les femmes enceintes. Ce constat souligne aussi l’importance de lutter d’une façon
ciblée et adaptée contre la consommation de pemba.
Cette dynamique devra favoriser l’implication de tous les acteurs de la prise en charge des
femmes enceintes, spécialistes de la périnatalité ou non, travaillant en libéral, en PMI, à l’hôpital
ou dans d’autres contextes notamment communautaire, chacun devant bien garder à l’esprit
qu’un facteur aussi « basique » qu’une anémie légère a des conséquences directes sur la santé
des mères et des nouveaux nés.
13
World Health Organization 2008. Worldwide prevalence of anaemia 1993–2005 WHO Global Database on Anaemia. En ligne
14 World Health Organization 2008. Worldwide prevalence of anaemia 1993–2005 WHO Global Database on Anaemia. En ligne.
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