Comment sortir l`actif immobilier d`une société

Transcription

Comment sortir l`actif immobilier d`une société
Comment sortir l’actif immobilier
d’une société commerciale
à moindre coût ?
Certaines sociétés commerciales soumises à l’impôt sur les sociétés possèdent un actif
immobilier à leur bilan. Il s’agit le plus souvent d’un actif affecté à la propre exploitation de
l’entreprise (usine, ateliers, bureaux…) encore que l’on trouve parfois des immobiliers de
rapport.
L’acquisition réalisée directement par l’entreprise a pu être imposée par l’établissement
prêteur ou être dictée par une optique d’amortissement du bien. L’entrée d’un actif immobilier
au bilan peut également résulter du dénouement d’un crédit-bail.
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Or, la présence d’un tel bien présente plusieurs contraintes :
elle alourdit le prix ou la valeur de la société dans le cadre d’une vente, d’une
succession ou d’une donation ;
elle ne permet pas au chef d’entreprise de percevoir directement le produit de la vente
du bien immobilier ;
elle ne lui permet pas davantage de percevoir des compléments de revenus sous forme
de loyer.
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Envisager la vente du bien au chef d’entreprise est une opération financièrement et
fiscalement onéreuse. Il faut tout d’abord trouver le financement car il est hors de question, au
visa des articles L 223-21, L 225-43 et L 227-12 du code de commerce, que le chef
d’entreprise se fasse consentir un prêt par sa société. Si le financement est trouvé, encore fautil que les loyers facturés à la société commerciale puissent rembourser le prêt, sans que ces
loyers soient considérés comme excessifs. Ces conditions étant remplies, le chef d’entreprise
devra supporter une taxation à l’impôt sur le revenu à concurrence du capital emprunté, alors
même que les loyers seront affectés au remboursement du prêt. Sur le plan fiscal, la société
devra acquitter l’impôt sur la plus-value, au taux de 33,33 %, le plus souvent à partir d’un prix
de revient correspondant à une valeur nette comptable symbolique. Quant à l’acquéreur, il
supportera les droits d’enregistrement au taux de 5,09 %.
Toutes ces contraintes expliquent que la sortie d’un actif immobilier demeure un lancinant
casse tête pour le chef d’entreprise et ses conseils.
Deux techniques peuvent pourtant être envisagées, suivant que la sortie de l’actif immobilier
est envisagée sur une durée assez longue ou non.
I – Apport de la nue propriété de l’actif immobilier à une SCI suivi de la distribution des
parts de la SCI :
La société commerciale propriétaire de l’actif immobilier en apporte la nue propriété à une
SCI existante ou à constituer. Selon l’article 669.II du CGI : "L’usufruit constitué pour une
durée fixe est estimé à 23 % de la valeur de la propriété entière pour chaque période de
10 ans de la durée de l’usufruit, sans fraction et sans égard à l’âge de l’usufruitier".
Ainsi, pour un bien dont la pleine propriété est évaluée à 1 M€, la valeur de l’apport de la
société commerciale est de 460.000 € si l’apporteur conserve l’usufruit pour une durée de
douze années. Toutefois, ce barème ne s’applique obligatoirement qu’aux mutations à titre
gratuit (successions ou donations), non aux mutations à titre onéreux (ventes ou apports).
Dans le cadre d’un apport en société, il est possible d’utiliser un barème économique qui se
réfère à la privation de jouissance du nu propriétaire sur la durée stipulée de l’usufruit et en
partant d’une rentabilité qui peut être déterminée selon la valeur locative.
Par exemple, la valeur économique de la nue propriété d’un bien estimé à 1 M€, dont la valeur
locative est de 12 % et dont la nue propriété est apportée à une SCI par une société
commerciale qui s’en réserve l’usufruit pour une durée de 15 ans, peut être déterminée selon
la formule suivante :
1
(1 + 0,12) 15
=
0,163121
Soit, une valeur de nue propriété de : 1.000.000 € x 0,163121 = 163.121 €
Valeur arrondie à 163.000 €.
Nous percevons d’emblée l’avantage d’une telle valorisation. Alors que dans une vente,
l’imposition de la plus-value est estimée à 330.000 €, elle est ici réduite à 54.328 €.
La société commerciale apporteuse va posséder à son actif des parts de SCI possédant la nue
propriété de l’immeuble pour 163.000 €, ainsi que l’usufruit du même immeuble valorisé pour
837.000 €. La société commerciale peut alors amortir son usufruit sur la durée stipulée de
15 années, dans notre exemple. En effet, selon la jurisprudence fiscale, l’usufruitier est
autorisé à amortir un droit incorporel dont les effets bénéfiques sur l’exploitation (en
l’occurrence le droit d’occuper le bien sans payer de loyer) ont une durée déterminée (en ce
sens : TA Poitiers – 21 novembre 1996 – n° 95-1701 – RJF 1/97 – n° 7).
Il est à noter que sur le plan des droits d’enregistrement, l’apport immobilier réalisé par la
société commerciale au profit de la SCI ne donne lieu qu’à la perception d’un droit fixe de
500 €.
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La seconde phase de l’opération consiste à distribuer un dividende dans la société
commerciale, au moyen de la remise des parts de SCI aux actionnaires. Selon la Cour de
cassation, le paiement d’un dividende par remise de titres en portefeuille ne constitue pas une
cession rendant exigible le droit de vente (Cass. Com – 6 juin 1990 – n° 809 P). Il est
cependant nécessaire que cette distribution intervienne assez rapidement après l’apport en SCI
car la nue propriété se valorise avec le temps et si le montant de la distribution, qui doit
correspondre à la valeur vénale du bien distribué, est supérieur à la valeur comptable de celuici, il en résultera un produit taxable. Intervenant au profit de personnes physiques, cette
distribution donne lieu, pour ces derniers, à un abattement de 40 % au titre de l’impôt sur le
revenu. En raisonnant sur une tranche marginale de 40 % et compte tenu des prélèvements
sociaux de 11 %, l’imposition du chef d’entreprise, sur la distribution de parts d’une SCI
d’une valeur de 163.000 € sera la suivante :
impôt sur le revenu : 163.000 € x 60 % x 40 % =
prélèvements sociaux : 163.000 € x 11 % =
TOTAL : ………………...………………………
39.120 €
17.930 €
57.050 €
A terme, l’usufruit disparaît de la société commerciale pour reformer la pleine propriété de
l’immeuble dans la SCI, sans coût fiscal (article 1133 du CGI). Le chef d’entreprise pourra
alors faire vendre l’immeuble par la SCI, en bénéficiant de l’abattement annuel de 10 % sur la
plus-value à compter de l’entrée de la nue propriété immobilière dans la SCI. Au terme de
quinze années, cela peut conduire à une exonération totale de plus-value.
En résumé, alors que la vente de l’immeuble social au chef d’entreprise induit une charge
fiscale sociétaire et personnelle de 38 %, outre le problème du financement, l’interposition
d’une SCI à laquelle est apportée la nue propriété et dont les parts sont ensuite distribuées,
n’entraîne qu’une charge fiscale correspondant à 11 % de la valeur du bien.
Il se peut cependant que le chef d’entreprise soit saisi d’une opportunité de vente, soit de
l’immeuble, soit de l’entreprise elle-même, dans un délai inférieur à cinq ans, et n’ait pas le
temps d’attendre le dénouement d’un montage trop long.
Il convient dans ce cas d’étudier la solution suivante :
II – Scission de l’actif immobilier et de l’actif d’exploitation :
Cette technique de dissociation n’est concevable que si la société commerciale possède au
moins deux branches complètes et autonomes d’activité, sachant qu’un immeuble n’est pas
considéré comme une branche complète d’activité. Il peut par exemple s’agir de deux points
de vente ou d’une activité de commercialisation et d’une activité de production. Il est à noter
également que l’apport portant sur plus de 50 % des titres d’une filiale est considéré comme
une branche autonome d’activité.
L’opération de scission se définit comme celle par laquelle le patrimoine d’une société
"scindée" est partagé en plusieurs fractions simultanément transmises à plusieurs sociétés
existantes ou nouvelles.
Le schéma de départ est donc le suivant :
SOCIETE COMMERCIALE
Activité A
Activité B
Immeuble
Et le schéma d’arrivée est :
SOCIETE A
SOCIETE B
Activité A + immeuble
Activité B
L’idée est bien entendu de loger l’immeuble dans celle des sociétés dont l’activité est la moins
importante et qui pourra disparaître à terme car l’administration n’exige pas que les activités
scindées aient un poids économique identique. Pour qu’une scission de société bénéficie d’un
régime fiscal de faveur n’entraînant aucune taxation des plus-values, les titres doivent être
conservés par les associés de la société bénéficiaire des apports pendant au moins trois ans.
Ce n’est donc qu’après cette période que la société immobilière pourra être vendue à un tiers.
Il faut cependant être conscient que la société immobilière restera soumise à l’impôt sur les
sociétés, ce qui peut compliquer la revente à un tiers qui ne pourra pas amortir
l’investissement. De même, si le bien possédé par cette société est destiné à être loué, la
fiscalité de l’impôt sur les sociétés est légèrement plus pénalisante que celle des revenus
fonciers, ainsi que le démontre l’exemple suivant :
Hypothèse d’un loyer annuel qu’un chef d’entreprise fiscalisé à 40 % souhaite appréhender
(les prélèvements sociaux de 11 % sont à ajouter) :
•
fiscalité des revenus fonciers :
100.000 € x 51 % = 51.000 €
•
fiscalité des dividendes :
impôt sur les sociétés : 100.000 € x 33,33 % = 33.300 €
impôt sur le revenu applicable aux dividendes (net disponible) :
-
66.700 € x 60 % (après abattement) x 40 % = 16.008 €
66.700 € x 11 % (prélèvements sociaux) =
7.337 €
Cependant, comme nous le voyons, le net disponible dans la fiscalité des revenus fonciers
(49.000 €) n’est guère beaucoup plus important que dans la fiscalité des dividendes
(43.355 €).
Issu de la fusion des professions d'avocat et de conseil juridique, Bayet & Associés, cabinet créé en 1991, a
conservé sa spécificité et reste orienté vers le droit des affaires, la fiscalité et le droit social. Sa clientèle est
essentiellement composée de PME-PMI, exerçant pour la plupart leur activité dans le secteur tertiaire.
La particularité du cabinet est que chacun des associés est spécialisé dans un domaine du droit et que le client
est à même de trouver au sein du cabinet, toutes les compétences dont un chef d'entreprise peut avoir besoin.
Restant cependant un cabinet à taille humaine, le client est assuré de la disponibilité et de la réactivité de son
avocat.