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dossier
Les défis de la fonction publique
La
rénovation de la politique
de l’encadrement dirigeant de l’État : un premier bilan
L’
Par Isabelle Roux-Trescases
Fernand Braudel 1987
Déléguée pour la rénovation de
l’encadrement dirigeant de l’État
La gestion de l’encadrement
dirigeant de l’État et la
modernisation de l’action
publique sont intimement
liées. La place essentielle
des cadres dirigeants de
l’État, nommés pour la
plupart en conseil des
ministres, sur des emplois à
la décision du gouvernement,
et le rôle déterminant qu’ils
jouent dans le pilotage
et la mise en œuvre des
politiques publiques,
conduisent à porter une
attention toute particulière
à leur parcours, et à leur
préparation à l’exercice des
fonctions stratégiques.
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efficacité de l’action publique et la
réussite du processus de modernisation
engagé par le gouvernement reposent en
effet largement sur les cadres dirigeants
de l’État, à qui il revient d’assurer la
conception, la conduite de projets à dimen­
sion transversale, l’accompagnement des
transformations, l’intégration des pro­
blématiques de gestion des ressources,
humaines et financières. Dès lors, une
gestion active du vivier des hauts potentiels
et des cadres dirigeants de l’État revêt une
réelle importance pour la mobilisation des
compétences et des talents nécessaires
au succès.
L’État s’est engagé à l’exemplarité dans
la gestion de ses plus hauts cadres. Une
société qui évolue vite se traduit par des
attentes sans cesse renouvelées de la part
de ses membres, et appelle, également,
l’adaptation des managers et des agents
publics. Les enjeux ne manquent pas, et nos
cadres supérieurs, nos cadres dirigeants,
sont appelés à relever et à accompagner
tous ces défis. Placés au cœur de l’action
publique, ils sont les moteurs de son
adaptation. L’État doit pouvoir s’appuyer
sur les meilleurs talents pour piloter ces
projets et ces évolutions de grande ampleur.
La détection des potentiels,
et la mise en place d’un vivier
interministériel de futurs
cadres dirigeants, coordonnée
par le secrétariat général du
gouvernement : un dispositif
récent, clef de voûte du dispositif Les actions, engagées récemment,
visent à professionnaliser, décloisonner
et féminiser la gestion de l’encadrement
dirigeant de l’État. Afin d’en assurer le
pilo­tage et l’animation, une administration
de mission, très légère, sous la direction
depuis décembre 2012 d’une déléguée
interministérielle pour la rénovation de l’en­
cadrement dirigeant de l’État, est rattachée
au Secrétaire général du gou­vernement : la
mission cadres dirigeants.
Garantir un plus large accès aux postes à la
décision du gouvernement, développer et
diversifier les carrières, préparer, former les
hauts potentiels aux fonctions de direction,
et accompagner les cadres dirigeants dans
l’exercice de leurs responsabilités, sont les
missions qui lui sont confiées, dans le cadre,
à vocation interministérielle, du secrétariat
général du gouvernement.
La responsabilité première de la mission
cadres dirigeants est de préparer les
nominations sur les emplois de cadres
dirigeants en conseil des ministres. La
nomination des directeurs d’administration
centrale, des ambassadeurs, des préfets et
autres cadres dirigeants, à la décision du
gouvernement, n’exonère pas pour autant
les autorités de proposition et de nomina­tion
d’une réflexion préalable sur l’adaptation,
au profil de poste, des compétences, du
parcours et du profil des candidats pres­
sentis ; d’où la nécessité de constituer un
vivier interministériel. En complément de la
gestion statutaire des corps issus de l’Ena
et des corps techniques, notamment, il
s’agit bien de professionnaliser la gestion
des cadres dirigeants de l’État.
Plusieurs fonctions découlent de cet objectif,
que la mission cadres dirigeants assure en
lien étroit avec les ministères : fonctions
d’harmonisation et de coordination des
pratiques pour la détection des potentiels ;
fonctions de vigilance quant à l’objectivité
des critères de sélection et au respect de la
parité et de la diversité des profils ; fonctions
de conseil et de soutien par la mise à
dossier
disposition des autorités de nomination d’un
vivier de candidats susceptibles d’accéder
aux emplois de cadres dirigeants ; fonctions
de pilotage des processus interministé­
riels per­mettant l’accompagnement des
carrières, fonctions d’évaluation de la mise
en œuvre de ces dispositifs en proposant
des axes d’amélioration concertés avec les
ministères.
De nouvelles méthodes pour
veiller à la détection des talents
Plusieurs avancées significatives ont été
effectuées dans le domaine de la gestion
de l’encadrement dirigeant, en lien avec la
direction générale de l’administration de la
fonction publique (DGAFP) et les ministères.
Le dialogue interministériel peut désormais
s’appuyer sur plusieurs référentiels de travail
partagés qui permettent des convergences
d’approche, d’outils, de pratiques, et des
regards croisés :
– les revues annuelles des carrières consti­
tuent le point d’appui de l’identification
des cadres à potentiel au sein de chaque
administration, de constitution, et de suivi
du vivier interministériel ;
– u n vivier des cadres dirigeants est,
depuis deux ans, mis à la disposition
des autorités de nomination, regroupant
près de 1000 profils de cadres dirigeants
en poste et en potentiel ;
– le « profil commun des compétences
managériales », grille d’évaluation des
compétences requises des cadres diri­
geants, liées à l’action, à la relation, à
l’intelligence des situations, constitue
la référence pour l’inscription dans
le vivier, l’évaluation et le développe­
ment des cadres dirigeants : c’est en
effet en objectivant les compétences
(savoir, savoir-faire, savoir-être) que nous
pouvons positionner des profils sur des
trajectoires de hauts potentiels et des
postes stratégiques ;
– un accompagnement spécifique est mis
en œuvre pour les futurs cadres dirigeants
inscrits dans le vivier, avec la possibilité
de disposer d’un cycle de développe­
ment individuel et collectif, un bilan
mana­gérial personnalisé et un module
de développement de la performance
managériale : le cycle interministériel de
management de l’État (Cime), qui en est
à sa deuxième promotion et dont la mise
en œuvre est confiée à l’Ena ;
– un processus d’évaluation de la per­
formance et de modulation indemnitaire
permet, au regard des résultats obtenus
dans l’emploi, d’articuler l’évaluation
annuelle de chaque cadre dirigeant et
son indemnité de performance.
Ces orientations sont discutées, validées
par le comité des secrétaires généraux qui
se réunit sous la présidence du secrétaire
général du gouvernement, et déclinées
par le réseau des délégués ministériels
aux cadres dirigeants des ministères, sur
lesquels repose largement la démarche.
L’attention particulière à la
détection des talents féminins
pour faciliter un meilleur
équilibre des nominations
aux emplois supérieurs et
d’encadrement dirigeant de
l’État
Transformer les administrations publiques,
c’est aussi veiller à leur donner un visage
plus équilibré, plus paritaire. L’État se veut
exemplaire en la matière. Le gouvernement
s’est engagé à atteindre, dès 2017, un
objectif d’au moins 40 % de cadres féminins
dans le flux des nominations aux emplois
d’encadrement supérieur et dirigeant de
l’État, en anticipant l’objectif fixé par le
législateur pour 2018.
La rénovation de la politique de gestion de
l’encadrement dirigeant est aussi un levier
de progrès pour la parité : la mixité dans
l’accès aux fonctions de responsabilité
prend appui sur les actions engagées à ce
titre : anticiper les nominations, identifier
les potentiels et les meilleurs talents, et
consti­tuer un vivier diversifié et décloisonné.
Pour progresser encore, un nouveau
dispositif a été mis en œuvre depuis
le mois de mai 2013 : pour chaque
nomination en conseil des ministres sur
des emplois à la décision du gouverne­
ment, la proposition systématique de trois
profils, dont un candidat de chaque sexe
et au moins un candidat figurant dans le
vivier interministériel.
La promotion des femmes aux emplois de
cadres dirigeants prend également appui
sur trois types d’actions :
– un suivi statistique, qui fait l’objet d’une
veille auprès des ministères, et d’un
compte rendu régulier en conseil des
ministres ;
– un dispositif d’écoute et d’échanges ;
– une incitation des différents acteurs
concernés à intégrer, le plus en amont
possible, un meilleur équilibre, en
portant une attention à la féminisation
des viviers ; un colloque de sensibilisation
sur les parcours au féminin – « Comment
surmonter le plafond de verre dans la
fonction publique ? » – a été organisé dans
ce cadre le 15 octobre dernier, en
coopération avec l’Ena.
Les progrès sont réels : la féminisation
concerne 31 % des nominations de cadres
dirigeants et supérieurs de l’État depuis
le 1er janvier 2013, en nette progression
par rapport au taux de 24 % constaté
pour l’année 2012. Pour les seules primonominations (premières nominations dans
l’emploi), le taux de féminisation est de
33 %, en progrès par rapport à l’année
2012 (27 %).
Il reste à concevoir de nouvelles méthodes,
de nouveaux outils, pour développer
encore le repérage des talents et des
hauts potentiels féminins, et mieux les
accompagner.
Les programmes
d’accompagnement pour
accroître les compétences
de cadres dirigeants et assurer
leur développement
L’offre de formations destinée aux cadres
dirigeants de l’État et aux membres du vivier
est adaptée aux enjeux de modernisation
de l’action publique et au développement
d’une culture managériale fondée sur les
valeurs de service public, l’efficacité de
l’action, l’évaluation, l’accompagnement
du changement, le dialogue.
Nous essayons aussi de développer une
approche par parcours et par compé­tences,
en complémentarité d’actions d’accom­
pagnement individuel et collectif. La mise en
œuvre d’un programme de développement
spécifique accompagne de manière
ciblée et personnalisée l’ensemble des
dirigeants suivis, notamment les femmes :
accompagnement managérial à la prise
de poste, coaching individuel, mentorat,
accompagnement d’équipe de direction,
bilan stratégique de carrière, cohortes de
dirigeants…
La mission cadres dirigeants veille, en lien
avec le SGMAP et l’Ena en particulier, à ce
que l’offre de formation soit adaptée aux
attentes des ministères, aux besoins des
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Les défis de la fonction publique
cadres ou futurs cadres dirigeants euxmêmes. Elle pilote et évalue à cette fin le
programme interministériel de formation et
de développement des cadres dirigeants de
l’État et des membres du vivier en for­mulant
les propositions d’évolution, notamment
pour mieux coordonner ou mutualiser les
actions, ouvrir les formations en tant que
de besoin à d’autres cibles, adapter les
modules proposés aux enjeux de l’action
publique.
De nouveaux défis
et des objectifs concrets
pour 2013-2014
Il faut saluer la dynamique collective qui
s’est engagée autour de la gestion des
cadres dirigeants. Tous les ministères, le
Conseil d’État, la Cour des comptes, les
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inspections interministérielles, sont parties
prenantes à la réflexion, aux propositions
et aux actions développées dans le cadre
des orientations fixées par le gouvernement
en faveur d’une professionnalisation de la
gestion et d’une plus grande diversité et
mixité sur les emplois de cadres dirigeants.
Bien sûr, le dispositif est de construction
récente et nécessite la mobilisation durable,
de tous, pour que l’évolution en cours porte
pleinement ses fruits.
Pour résumer en quelques mots les fac­
teurs – clés de succès et les priorités de
demain, nous devons : mieux anticiper
– notamment les mouvements, les
nominations à venir –, améliorer – la prise
en compte du vivier dans le processus de
nomination –, équilibrer – la proportion
de femmes nommées à des fonctions de
cadre dirigeant –, poursuivre – la diffusion
d’une culture partagée du management
public – l’appropriation du profil
commun de compétences mana­gériales
et son articulation avec les dispositifs
d’évaluation –, adapter – l’offre de formation
du vivier (Cime) et d’accom­pagnement
des cadres dirigeants –, développer –
la cohérence des parcours des cadres
supérieurs et dirigeants.
Autant de défis à relever…
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