La non-discrimination: un droit fondamental
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La non-discrimination: un droit fondamental
La non-discrimination : un droit fondamental Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 Strasbourg, 11 octobre 2005 Editions du Conseil de l’Europe 2006 Edition anglaise: Non-discrimination: a human right – Seminar to mark the entry into force of Protocol No. 12 ISBN 10 - 92-871-5926-2 ISBN 13 - 978-92-871-5926-7 Editions du Conseil de l’Europe F-67075 Strasbourg Cedex ISBN 10 - 92-871-5925-4 ISBN 13 - 978-92-871-5925-0 © Conseil de l’Europe, 2006 Imprimé dans les ateliers du Conseil de l’Europe Table des matières Préface 5 Session d’ouverture 9 Exemples de l’application de l’article 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques La protection contre la discrimination en vertu de l’article 14 de la Convention européenne des Droits de l’Homme Le Protocole n° 12 et sa genèse 12 26 38 Thème 1 : La portée du Protocole n° 12 51 Le Protocole n° 12 et la Convention des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale Combattre le terrorisme en combattant la discrimination : le Protocole n° 12 constitue-t-il une aide ? Le Protocole n° 12 et la Charte sociale Les relations entre la législation de l’Union européenne et le Protocole n° 12 Résumé des discussions – Thème 1 Thème 2 : Comment concrètement préparer la ratification ? Position de l’Assemblée parlementaire Ratification du Protocole n° 12 par la République de Croatie : motifs, procédure et mise en œuvre Position du Gouvernement du Royaume-Uni Résumé des discussions – Thème 2 Conclusions du Président 51 55 67 72 79 83 83 88 98 103 109 Annexe I : Protocole n° 12 à la Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales Rapport explicatif 125 129 Annexe II : Etat des signatures et des ratifications 143 Annexe III : Avis de la Cour européenne des Droits de l’Homme sur le projet de Protocole n° 12 Avis de l’Assemblée parlementaire sur le projet de Protocole n° 12 146 149 Annexe IV : Liste des participants 152 Annexe V : Programme 170 La non-discrimination : un droit fondamental Préface La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme commence par les mots « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. » La notion d'égalité en droits et son corollaire, la non-discrimination, sont au cœur même de la protection des droits de l'homme. Il aura néanmoins fallu près de cinquante ans pour que soit introduit dans la Convention européenne des Droits de l’Homme une disposition autonome et de portée générale prohibant la discrimination. Loin d'être révolutionnaire, le protocole n° 12 ne fait donc que combler une lacune de la garantie collective établie par la Convention. Au sein du Conseil de l’Europe, nous sommes convaincus que la discrimination constitue une atteinte à la dignité humaine. Elle agit comme un poison détruisant les liens sociaux. Dans nos sociétés, les victimes de la discrimination appartiennent très souvent aux groupes les plus vulnérables : les demandeurs d'asile, les immigrants, les membres des minorités nationales et ethniques, les personnes âgées ou les personnes handicapées. L’égalité et la non-discrimination sont indivisibles. Alors que chaque forme de discrimination présente des caractéristiques propres et exige une attention spécifique, le combat contre l’ensemble des manifestations de la discrimination doit s’enraciner dans un seul et même principe fondamental. S’appliquant à tous les domaines régit par la loi et à tous les secteurs de l’activité publique, le Protocole n° 12 est de portée générale. L’interdiction générale de la discrimination autorise les juridictions nationales et la Cour de Strasbourg à adapter l’application du principe de non-discrimination à des contextes particuliers. Le Protocole n° 12 complète ainsi de manière utile l’application de la législation nationale. Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 5 La non-discrimination : un droit fondamental Le séminaire, marquant l'entrée en vigueur du Protocole n° 12 le 1er avril 2005, a réuni des représentants des gouvernements des Etats membres du Conseil de l’Europe, ainsi que des Etats observateurs, des juges à la Cour européenne des Droits de l’Homme, des membres de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI), du Comité européen des Droits sociaux, du Comité consultatif de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, de l’Assemblée Parlementaire, des experts universitaires et des représentants de la société civile, y compris d’ONG luttant contre la discrimination et d’institutions nationales et internationales de défense des droits de l’homme. Ce séminaire aura permis aux participants d’adopter une attitude sereine à l’égard de l'interprétation et de l’application du protocole. Les discussions se sont concentrées sur le champ d’application du protocole, en particulier sur la notion de discrimination, de discrimination indirecte, des mesures positives, des effets horizontaux et des liens du protocole avec la législation de l’Union européenne. Ce fut également l’occasion idéale de procéder à un échange de vue relatif aux expériences nationales, les pays ayant déjà ratifié le protocole comme ceux qui hésitent encore à le faire ayant pu s’exprimer. La présente publication comprend les textes des différentes interventions, un résumé des discussions, ainsi que les conclusions du président du séminaire. Je suis convaincu que ces discussions franches et ouvertes ont contribué à une meilleure compréhension du protocole. Elles ont permis d’écarter certains des mythes concernant son champ d’application et ses effets, ouvrant ainsi la voie à des ratifications supplémentaires. Le principe selon lequel la protection des droits de l’homme commence au niveau national s’applique pleinement au protocole. En effet, les Etats qui ne l’auraient pas encore fait devraient édicter une législation anti-discrimination efficace en s’inspirant des recommandations pertinentes de l’ECRI. 6 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental Il est certes impossible de prédire avec exactitude comment le protocole sera appliqué aux cas individuels. Mais cette remarque ne vaut-elle pas, en fait, pour l’ensemble des droits garantis par la Convention ? Cette impossibilité ne doit servir de prétexte à une attitude attentiste. En ratifiant le Protocole, les Etats membres font preuve d’un engagement politique fort en faveur de la prohibition de la discrimination. Dans un futur proche, aucun des Etats membres ne devrait plus être en mesure de prétendre qu’un cas de discrimination attribuée aux autorités publiques « ne tombe pas sous l’emprise » de la protection de la Convention. Strasbourg, décembre 2005. Pierre-Henri IMBERT Directeur Général des Droits de l’Homme Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 7 La non-discrimination : un droit fondamental Session d’ouverture Allocution de bienvenue par Mme Maud de Boer-Buquicchio Secrétaire Générale adjointe du Conseil de l’Europe La discrimination est rarement le fruit du hasard. Elle est alimentée par l’intolérance qui persiste malheureusement dans toutes nos sociétés et qui est souvent acceptée, encouragée, voire même engendrée par des mesures des pouvoirs publics. Nous vivons à une époque où les préjugés sont souvent acceptés comme une fatalité. Envisagés comme tels, les préjugés peuvent influer sur les politiques relatives aux défis majeurs de notre société actuelle, tels que la lutte contre le terrorisme ou la gestion des migrations. Les propos racistes, antisémites et xénophobes s’infiltrent insidieusement dans le discours politique, et l’on s’abrite bien trop souvent derrière l’opinion publique pour proposer des mesures, des décisions et des politiques contraires à nos principes et à nos valeurs, et qui sont néfastes ou inefficaces, c’est-à-dire tout bonnement mauvaises. Dès lors, il va sans dire que l’entrée en vigueur le 1er avril de cette année du Protocole n° 12 à la Convention européenne des Droits de l’Homme tombe à point nommé. Le Protocole n° 12 instaure une interdiction générale de la discrimination dans la jouissance de tout droit prévu par la loi. Il comble une lacune anachronique de la Convention européenne des Droits de l’Homme. Avec le Protocole n° 12, la non-discrimination devient un droit à part entière et non plus un droit accessoire. Ce point a des conséquences importantes et profondes, la protection juridique étant étendue à plusieurs droits économiques et sociaux qui n’étaient pas pleinement Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 9 La non-discrimination : un droit fondamental couverts jusqu’ici. Je suis persuadée que la portée de ce Protocole sera encore affinée par la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’Homme. Mesdames et Messieurs, la lutte contre la discrimination est également un thème transversal de nombreuses activités du Conseil de l’Europe, notamment dans les domaines du handicap, de l’égalité des sexes, des minorités, de l’accès aux droits sociaux et bien d’autres. La protection juridique contre la discrimination garantie par le Protocole n° 12 est complétée par les activités de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI), qui joue un rôle essentiel dans la lutte contre le racisme et l’intolérance en Europe grâce à ses lignes directrices pour les législations nationales. Les mesures juridiques ne peuvent à elles seules éliminer le racisme de nos sociétés. Des manifestations telles que la Campagne européenne de la jeunesse sur la diversité et la participation contribuent à sensibiliser aux problèmes et à trouver des manières de les traiter. Six mois après l’entrée en vigueur du Protocole n° 12, ce séminaire va tenter de trouver des manières permettant d’assurer son application concrète et d'encourager de nouvelles signatures et ratifications. J’aimerais conclure par un appel à tous les Etats membres qui ne l’ont pas encore fait à signer et à ratifier ce Protocole pour combler une lacune de la Convention européenne des Droits de l’Homme qui a permis à certaines discriminations des pouvoirs publics de se perpétuer sans que les victimes n’aient de recours judiciaire efficace. Certes, le Protocole n° 12 ne manquera pas d’ajouter à la charge de travail d'une Cour qui est déjà surchargée. Il faut 10 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental relever ce défi par une réforme de la Cour, sur la base des propositions que formuleront les Sages qui viennent d’être mandatés à cet effet, mais certainement pas par une réduction des droits ou de l’étendue de la protection. Les Etats parties à la Convention et à ses protocoles doivent assurer une mise en oeuvre correcte des dispositions correspondantes au plan national. L’application systématique et complète de la Convention par les tribunaux nationaux contribuera certainement à alléger la charge de travail de la Cour de Strasbourg. Je sais que certains gouvernements considèrent que la portée de ce Protocole n'est pas assez précise, et qu’ils ont exprimé leur intention d’attendre que la Cour clarifie son interprétation du Protocole avant de le signer et de le ratifier. Je lance un appel à ces gouvernements pour qu’ils reconsidèrent leur position. L’on ne devrait pas hésiter sur des points de détail à l’heure de lutter contre la discrimination dans nos sociétés. D’ailleurs, si les mêmes critères avaient été appliqués il y a un demi siècle, la Convention européenne des droits de l’homme n’aurait jamais vu le jour. Je vous invite à méditer sur ces pensées et vous souhaite un très bon séminaire. Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 11 La non-discrimination : un droit fondamental Exemples de l’application de l’article 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques Professeur Martin Scheinin Université de Åbo Akademi (Finlande), Membre du Comité pour les droits de l’homme (1997-2004) Introduction Dans la discussion sur les effets possibles de l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 à la Convention européenne des Droits de l’Homme (CEDH), il n’a pas été accordé suffisamment d’attention au fait que tous les Etats membres du Conseil de l’Europe sont déjà parties à une disposition de fond sur les droits de l’homme très similaire, l’article 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), qui consacre le droit autonome à l’égalité et à la non-discrimination, ni au fait que presque tous les Etats membres ont également accepté le droit de recours individuel en relation avec cette disposition1. 1. Le Royaume-Uni, notamment, n’est pas partie au (premier) Protocole facultatif se rapportant au PIDCP, qui autorise les communications individuelles au Comité des droits de l’homme. Pour sa part, l’Allemagne a accepté l’article 26 du PIDCP sans émettre de réserves mais, en ratifiant le Protocole facultatif, a cherché à restreindre la portée des communications par une réserve en vertu de laquelle elle admet la compétence du Comité des droits de l’homme uniquement pour les communications fondées sur l’article 26 qui ont trait à la jouissance de droits garantis par d’autres dispositions du Pacte. Voir Collection des traités des Nations Unies. Jusqu’à présent, le Comité des droits de l’homme n’a pas adopté de position claire quant aux conséquences juridiques de cette réserve. Voir Riedl-Riedenstein et al. c. Allemagne, Communication n° 1188/2003, décision d’irrecevabilité du 2 novembre 2004. 12 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental Cette brève étude examine la pratique du Comité des droits de l’homme en ce qui concerne la mise en œuvre de l’article 26 du PIDCP, afin de montrer quelles questions pourraient se poser et quelles approches pourraient être adoptées dans l’application du Protocole n° 12 par la Cour européenne des Droits de l’Homme. La discussion qui suit met l’accent sur deux aspects de la pratique du Comité des droits de l’homme : d’abord, le caractère dynamique d’une disposition autonome sur l’égalité et la nondiscrimination ; ensuite, les solutions adoptées par le Comité pour néanmoins rejeter les communications non fondées alléguant une inégalité de traitement. Le caractère dynamique de l’article 26 du PIDCP L’article 26 du PIDCP dispose : « Toutes les personnes sont égales devant la loi et ont droit sans discrimination à une égale protection de la loi. A cet égard, la loi doit interdire toute discrimination et garantir à toutes les personnes une protection égale et efficace contre toute discrimination, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique et de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation. » La disposition est ambitieuse à plusieurs titres : en premier lieu, elle interdit « toute » discrimination et, comme le confirme la référence à « toute autre situation » à la fin de la deuxième phrase, la liste des motifs de discrimination expressément interdits n’est pas exhaustive. Dans sa jurisprudence, le Comité des droits de l’homme considère que les discriminations fondées par exemple sur l’orientation sexuelle,2 la nationalité3 ou l’âge4 relèvent du champ d’application de l’article 26. En second lieu, 2. Young c. Australie (Communication n° 941/2000), Constatations du 6 août 2003. 3. Gueye et al. c. France, Communication n° 196/1985, Constatations du 3 avril 1989. Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 13 La non-discrimination : un droit fondamental non seulement cette disposition interdit les discriminations imputables à l’Etat lui-même ou à toute autre autorité publique, mais elle exige également une protection active contre « toute discrimination », y compris lorsque celle-ci est le fait de personnes privées. En troisième lieu, l’interdiction de « toute discrimination » implique que, contrairement à ce que prévoit l’article 14 de la CEDH, l’article 26 du PIDCP ne se contente pas d’interdire les discriminations dans l’exercice des droits par ailleurs protégés par le traité mais va jusqu’à interdire les discriminations dans tous les domaines de la vie, y compris en matière économique et sociale. Enfin, l’article 26 ne se limite pas à interdire les discriminations mais consacre aussi un droit positif à l’égalité : le droit à l’égalité devant la loi et à l’égale protection de la loi. Aux fins de la présente étude, c’est peut-être le troisième aspect mentionné ci-dessus qui appelle la plus grande attention. En 1987, le Comité des droits de l’homme a confirmé que cette disposition devait être interprétée conformément au sens ordinaire de son libellé : l’article 26 du PIDCP interdit les discriminations même lorsqu’elles se produisent en dehors de la sphère des droits civils et politiques protégés par les autres dispositions du Pacte. Que l’on se souvienne des affaires Zwaan – de Vries5, Broeks6 et Danning c. Pays-Bas7, qui concernaient toutes des allocations en matière de sécurité sociale. Dans les deux premières affaires, le Comité a constaté une violation de l’article 26 car les femmes mariées, contrairement aux femmes non mariées ou aux hommes, qu’ils soient mariés ou non, ne jouissaient pas d’un droit individuel autonome à percevoir des allocations chômage mais devaient prouver qu’elles étaient « soutien de famille ». Dans la troisième affaire (Danning), où la discrimination alléguée se rapportait à une différenciation faite entre les couples mariés et les couples non mariés en termes de prestations de sécurité sociale, le Comité a conclu que l’article 26 était applicable mais que la distinction en cause se justifiait par 4. Love et al. c. Australie, Communication n° 983/2001, Constatations du 25 mars 2003. 14 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental des motifs objectifs et raisonnables8. L’interprétation de l’article 26 comme reconnaissant un droit autonome à la nondiscrimination a été affirmée de manière générale par le Comité en 1989 dans son Observation générale n° 18 sur la nondiscrimination : « De l’avis du Comité, l’article 26 ne reprend pas simplement la garantie déjà énoncée à l’article 2, mais prévoit par lui-même un droit autonome. Il interdit toute discrimination en droit ou en fait dans tout domaine réglementé et protégé par les pouvoirs publics. L’article 26 est par conséquent lié aux obligations qui sont imposées aux Etats parties en ce qui concerne leur législation 5. Communication n° 182/1984, Constatations du Comité des droits de l’homme du 9 avril 1987. Voir, en particulier, les paragraphes 12.1 à 12.4 : « 12.1 L’Etat partie affirme que les dispositions de l’article 26 et celles de l’article 2 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels se chevauchent en grande partie. Le Comité est d’avis que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques continuerait de s’appliquer même si un sujet particulier était mentionné ou couvert par d’autres instruments internationaux, par exemple la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes ou, comme en l’espèce, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Nonobstant le fait que les deux pactes ont été rédigés parallèlement, il convient que le Comité continue d’appliquer pleinement les termes du Pacte international relatif aux droits civils et politiques… » ; « 12.2 Le Comité a également examiné l’argument de l’Etat partie selon lequel l’article 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ne peut être invoqué s’agissant d’un droit spécifiquement consacré par l'article 9 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (la sécurité sociale, y compris les assurances sociales) » ; « 12.3 Aux fins de déterminer la portée de l’article 26, le Comité a tenu compte du « sens ordinaire » de chaque terme de l’article dans son contexte et à la lumière de son objet et de son but (article 31 de la Convention de Vienne sur le droit des traités). Le Comité commence par noter que l’article 26 ne reprend pas simplement les garanties déjà énoncées à l’article 2. Cet article découle du principe de l’égale protection de la loi sans distinction contenu à l’article 7 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, qui interdit toute discrimination en droit ou en fait dans les domaines réglementés et protégés par les pouvoirs publics. L’article 26 est par conséquent lié aux obligations qui sont imposées aux Etats en ce qui concerne leur législation et l’application de celle-ci. » ; « 12.4 Bien que l’article 26 exige que la loi interdise toute discrimination, il ne contient pas en lui-même d'obligation quant aux questions que la loi peut régir. Ainsi, il n’impose pas, par exemple, aux Etats d’adopter des lois portant sur la sécurité sociale. Cependant, lorsqu'une telle loi est adoptée par un Etat dans l’exercice de son pouvoir souverain, cette loi doit être conforme à l’article 26 du Pacte. » Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 15 La non-discrimination : un droit fondamental et l’application de celle-ci. Ainsi, lorsqu’un Etat partie adopte un texte législatif, il doit, conformément à l’article 26, faire en sorte que son contenu ne soit pas discriminatoire. En d’autres termes, l’application du principe de non-discrimination énoncé à l’article 26 n’est pas limitée aux droits stipulés dans le Pacte.9 » L’absence de définition ou même de qualification du terme « discrimination » affaiblit l’article 26 du PIDCP. Dans sa jurisprudence, le Comité des droits de l’homme a toujours rappelé que toutes les distinctions ne constituaient pas des discriminations au sens de cet article et que les différenciations objectives et raisonnables étaient permises10. Dans son Observation générale n° 18, le Comité a réaffirmé cette position et a même déduit de l’article 26 du PIDCP une définition de la discrimination largement influencée par les définitions qu’en donnent la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes : 6. Communication n° 172/1984, Constatations du 9 avril 1987. 7. Communication n° 180/1984, Constatations du 9 avril 1987. 8. Idem, paragraphe 14 : « Par conséquent, il appartient au Comité de déterminer si la distinction opérée par le droit néerlandais à l’époque considérée, telle qu’elle a été appliquée à M. Danning, constituait une discrimination au sens de l’article 26. A la lumière des explications fournies par l’Etat partie au sujet des différences faites par le droit néerlandais entre les couples mariés et les couples non mariés (paragraphe 8.4 cidessus), le Comité a la conviction que la distinction contestée par M. Danning est fondée sur des critères objectifs et raisonnables. Le Comité fait observer, à cet égard, que la décision d’acquérir un statut juridique par le mariage, qui selon la législation néerlandaise entraîne certains avantages et certains devoirs et responsabilités, appartient aux seuls concubins. En choisissant de ne pas contracter mariage, M. Danning et sa concubine n’ont pas, au regard de la loi, assumé l’intégralité des devoirs et responsabilités incombant aux personnes mariées. En conséquence, M. Danning ne reçoit pas tous les avantages prévus par la loi néerlandaise en faveur des personnes mariées. Le Comité conclut que la différenciation contestée par M. Danning ne constitue pas une discrimination au sens de l’article 26 du Pacte. » 9. Comité des droits de l’homme, Observation générale n° 18, paragraphe 12. 10. Voir, par exemple, Zwaan – de Vries c. Pays-Bas (note 5, supra), paragraphe 13 : « Le droit à l’égalité devant la loi et à une égale protection de la loi sans aucune discrimination n’implique pas que toutes les différences de traitement soient discriminatoires. Une différenciation fondée sur des critères raisonnables et objectifs ne constitue pas une discrimination interdite au sens de l’article 26. » 16 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental « … le Comité considère que le terme « discrimination », tel qu’il est utilisé dans le Pacte, doit être compris comme s’entendant de toute distinction, exclusion, restriction ou préférence fondée notamment sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, les opinions politiques ou autres, l’origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou toute autre situation, et ayant pour effet ou pour but de compromettre ou de détruire la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice par tous, dans des conditions d’égalité, de l’ensemble des droits de l’homme et des libertés fondamentales.11 » La mention « ayant pour effet ou pour but » contenue dans la définition précitée peut être comprise comme signifiant que les discriminations directes (« but ») aussi bien qu’indirectes (« effet »), sont interdites par l’article 26 du PIDCP12. Cependant, ces dernières années, le Comité des droits de l’homme s’est orienté, dans son analyse, vers une conception plus rigoureuse de la discrimination indirecte, caractérisée non seulement par des effets discriminatoires, mais par des effets discriminatoires survenant en l’absence de toute intention discriminatoire. Dans sa jurisprudence récente, le Comité a attaché la notion de discrimination indirecte aux effets discriminatoires qui résultent d’une règle ou d’une mesure apparemment neutre. Dans l’affaire Althammer c. Autriche13 (n° 2), le Comité a tenu le raisonnement suivant : « 10.2 Les auteurs affirment être victimes d’une discrimination parce que la suppression de l’allocation de foyer les touche plus fortement, en tant que retraités, qu’elle ne touche les employés en activité. Le Comité rappelle qu’une violation de l’article 26 11. Comité des droits de l’homme, Observation générale n° 18, paragraphe 7 ; à comparer avec l’article 1-1 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et avec l’article 1er de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. 12. Voir Simunek et al. c. République tchèque, Communication n° 516/1992, Constatations du 19 juillet 1995, paragraphe 11.7. 13. Communication n° 998/2001, Constatations du 8 août 2003. Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 17 La non-discrimination : un droit fondamental peut également résulter de l’effet discriminatoire d’une règle ou d’une mesure apparemment neutre ou dénuée de toute intention discriminatoire. Toutefois, on ne peut dire qu’une telle discrimination indirecte est fondée sur les motifs énumérés à l’article 26 du Pacte que si les effets préjudiciables d’une règle ou d’une décision affectent exclusivement ou de manière disproportionnée des personnes particulières en raison de leur race, couleur, sexe, langue, religion, opinion politique ou toute autre opinion, origine nationale ou sociale, fortune, naissance ou toute autre situation. En outre, des règles ou décisions ayant une telle incidence ne constituent pas une discrimination si elles sont fondées sur des motifs objectifs et raisonnables. En l’occurrence, la suppression de l’allocation mensuelle de foyer conjuguée à l’augmentation de la prestation pour enfant est préjudiciable, non seulement aux retraités, mais aussi aux salariés en activité n’ayant pas (encore ou plus) d’enfants dans la tranche d’âge pertinente, et les auteurs n’ont pas démontré que l’incidence de ces mesures pour eux avait un caractère disproportionné. À supposer même, à titre d’hypothèse, qu’une telle incidence puisse être démontrée, le Comité considère que la mesure, comme l’ont souligné les juridictions autrichiennes (paragraphe 2.3 ci-dessus), était fondée sur des motifs objectifs et raisonnables. » De la même manière, dans l’affaire Derksen et Bakker c. PaysBas14, le Comité, constatant cette fois une violation de l’article 26, a fait référence à la notion de discrimination indirecte : « Le Comité rappelle que l’article 26 interdit la discrimination tant directe qu’indirecte, cette dernière notion caractérisant une règle ou une mesure qui semble a priori neutre ou dénuée de toute intention discriminatoire mais qui peut néanmoins entraîner une discrimination du fait de son effet négatif, exclusif ou disproportionné, sur une certaine catégorie de personnes. Toutefois, une distinction ne peut constituer une discrimination interdite au sens de l’article 26 du Pacte que si elle n’est pas 14. Communication n° 976/2001, Constatations du 1er avril 2004. 18 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental fondée sur des critères objectifs et raisonnables. […] Le Comité considère que la distinction entre enfants nés, d’une part, soit dans le mariage soit hors mariage après le 1er juillet 1996 et, d’autre part, hors mariage avant le 1er juillet 1996 n’est pas fondée sur des motifs raisonnables. […] ». La première phrase de l’article 26, qui a trait au droit à l’égalité, a donné lieu à une jurisprudence dans des domaines où il n’est pas possible de prouver qu’une personne a subi un traitement discriminatoire par rapport à une autre, mais où une violation de cet article est établie même en l’absence de point de comparaison. L’affaire Pezoldova c. République tchèque15, qui concernait les nombreux obstacles mis par l’administration à l’examen de la demande de restitution de ses biens qu’avait déposée l’auteur de la réclamation, montre qu’un comportement arbitraire de l’administration peut suffire à constituer une violation de l’article 26, en l’espèce qualifiée par le Comité de « discrimination ». Dans l’affaire Kavanagh c. Irlande, plus récente, le Comité s’est montré encore plus clair en concluant que la décision administrative non motivée de traduire l’auteur de la communication devant un tribunal pénal spécial convoqué dans les affaires de terrorisme ou de crime organisé, constituait une violation du « droit de l’auteur, consacré par l’article 26, à l’égalité devant la loi et à l’égale protection de la loi »16. Il est étonnant de constater que la jurisprudence du Comité est peu développée en ce qui concerne l’obligation, contenue de manière latente dans l’article 26, de prendre des mesures concrètes pour promouvoir une égalité de fait dans la société. Bien que le PIDCP contienne une clause spécifiquement consacrée aux droits des minorités dans son article 27, aucune affaire n’a permis de répondre clairement à la question de savoir dans quelle mesure une obligation de prévoir des mesures spéciales en faveur des membres des minorités ou d’autres personnes se trou15. Communication n° 757/1997, Constatations du 25 octobre 2002. 16. Communication n° 819/1998, Constatations du 4 avril 2001. Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 19 La non-discrimination : un droit fondamental vant dans une position vulnérable pouvait être déduite de l’article 2617. Cependant, dans son Observation générale n° 18 relative à la non-discrimination, le Comité n’est pas loin de l’affirmer lorsqu’il estime que l’adoption de mesures concrètes n’est pas simplement permise par l’article 26 mais peut en fait être exigée des Etats pour que ledit article soit respecté : « Le Comité fait également observer que l’application du principe d’égalité exige parfois de la part des Etats parties l’adoption de mesures en faveur de groupes désavantagés, visant à atténuer ou à supprimer les conditions qui font naître ou contribuent à perpétuer la discrimination interdite par le Pacte. Par exemple, dans les Etats où la situation générale de certains groupes de population empêche ou compromet leur jouissance des droits de l’homme, l’Etat doit prendre des mesures spéciales pour corriger cette situation. Ces mesures peuvent consister à accorder temporairement un traitement préférentiel dans des domaines spécifiques aux groupes en question par rapport au reste de la population. Cependant, tant que ces mesures sont nécessaires pour remédier à une discrimination de fait, il s’agit d’une différenciation légitime au regard du Pacte.18 » Limites de l’article 26 du PIDCP Voilà presque trente ans que le Protocole facultatif se rapportant au PIDCP est entré en vigueur. Pourtant, le nombre de communications déposées sur son fondement demeure assez 17. Dans l’affaire Jacobs c. Belgique, Communication n° 943/2000, Constatations du 7 juillet 2004, le Comité a affirmé que les mesures spéciales visant à promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes étaient permises en vertu de l’article 26 et d’autres dispositions du Pacte. Cependant, le Comité n’a pas apporté de réponse à la question de savoir si et dans quelle mesure ces mesures pouvaient être exigées. 18. Comité des droits de l’homme, Observation générale n° 18, paragraphe 10. Voir également l’Observation générale n° 23 (droits des minorités), paragraphe 6.2, et l’Observation générale n° 28 (égalité des droits entre hommes et femmes), paragraphes 3 et 29. 20 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental faible – une centaine par an19. Cela est dû au fait que l’essentiel des lettres faisant état de violations des droits de l’homme que reçoit l’ONU ne sont pas enregistrées comme des communications individuelles en vertu du PIDCP ou d’un autre traité de protection des droits de l’homme. Comme on le voit couramment dans le domaine des droits de l’homme, le succès d’un recours à propos de tel ou tel pays peut donner lieu à une vague d’affaires similaires ou connexes provenant de ce pays, voire d’autres pays20. Malgré cela, et malgré l’approche dynamique adoptée par le Comité des droits de l’homme dans l’application de l’article 26, cette disposition est loin de susciter un déferlement de recours. Par exemple, il y a eu peu de réactions aux manquements de l’Etat dans la protection des citoyens contre des discriminations imputables à des personnes privées, alors que les articles 26 et 2 combinés pourraient fort bien servir de fondement juridique à de telles communications. Cette question a été débattue dans l’affaire Jazairi c. Canada, où le Comité des droits de l’homme a fini par déclarer la communication irrecevable, sans pour autant fermer la porte à des recours ultérieurs où l’article 26 serait invoqué dans le cadre d’un manquement de l’Etat à offrir une protection contre des discriminations imputables à des personnes privées21. Dans l’affaire Jazairi, le Comité a déclaré la communication irrecevable faute d’avoir été suffisamment étayée. Cette condition de recevabilité, qui découle de l’article 2 du Protocole facultatif, se rapporte à l’obligation, pour l’auteur de la communication, de déposer son recours en fournissant des renseignements et en 19. Voir Rapport annuel 2004 du Comité des droits de l’homme (Partie I, paragraphe 88) (document des Nations Unies A/59/40). 20. Les affaires Zwaan – de Vries et Broeks c. Pays-Bas (notes 5 et 6, supra) sont un exemple de l’augmentation du nombre des communications présentées après le succès d’un précédent. 21. Communication n° 958/2000, décision d’irrecevabilité du 26 octobre 2004. Techniquement, l’affaire Jazairi ne portait pas sur une allégation de discrimination imputable à une personne privée mais à une université. Les questions en cause sont néanmoins les mêmes. Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 21 La non-discrimination : un droit fondamental s’appuyant sur des moyens suffisants, en fait comme en droit, de manière à présenter un commencement de preuve de violation du PIDCP. D’autres motifs peuvent servir à déclarer irrecevables les communications présentées sur le fondement de l’article 26, par exemple le fait de ne pas avoir épuisé les voies de recours internes (article 5-2-b du Protocole facultatif), ou le fait de considérer la communication, en vertu de l’article 3 du Protocole facultatif, soit comme un abus du droit de présenter des communications, soit comme étant incompatible avec les dispositions du Pacte. Ce dernier motif permet de rejeter les griefs qui, aux termes du Pacte ou en vertu de la jurisprudence antérieure du Comité, n’entrent pas dans le champ d’application du PIDCP. Une autre solution possible pour rejeter des demandes non fondées consiste à les déclarer recevables mais à conclure ensuite, par exemple après avoir examiné au fond si un motif objectif et raisonnable justifiait la distinction prétendument discriminatoire, que le recours ne démontre pas l’existence d’une violation de l’article 26. Cette dernière approche est celle qu’a utilisée le Comité dans l’affaire Pohl et al. c. Autriche22, où les auteurs de la communication ont fait valoir que différentes contributions financières exigées d’eux pour le financement d’un système d’assainissement dans des zones rurales et urbaines de Salzbourg constituaient une violation de l’article 26. Le Comité des droits de l’homme a déclaré le recours recevable mais a conclu que les différences en cause étaient justifiées par des motifs raisonnables et objectifs et qu’il n’y avait pas eu violation de l’article 26. L’affaire Althammer et al. c. Autriche23 (n° 1) a été déclarée irrecevable faute d’avoir été suffisamment étayée, conformément à l’article 2 du Protocole facultatif. L’affaire portait sur le calcul des pensions de retraite, et en particulier sur la façon dont l’inflation 22. Communication n° 1160/2003, décision d’irrecevabilité du 9 juillet 2004. 23. Communication n° 803/1998, décision d’irrecevabilité du 21 mars 2002. 22 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental était prise en compte pour en ajuster le montant. Selon le Comité des droits de l’homme, les auteurs n’avaient pas expliqué en quoi les règles en vigueur étaient discriminatoires ou relevaient du champ d’application de l’article 26. Par la suite, l’affaire Dichtl et al. c. Autriche24 a elle aussi été déclarée irrecevable en application de l’article 2 du Protocole facultatif, le Comité renvoyant à sa décision antérieure rendue dans la première affaire Althammer, puisque la question qui se posait était identique. Dans l’affaire Irschik c. Autriche25, le Comité a également déclaré la communication irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif car l’auteur n’avait pas montré en quoi la pension alimentaire versée à ses enfants allait être affectée par le calcul de l’impôt auquel il était assujetti. Certaines communications ont été déclarées irrecevables au regard de l’article 3 du Protocole facultatif : c’est le cas par exemple de deux communications alléguant des discriminations en matière de succession à des titres nobiliaires héréditaires en Espagne. Les auteurs, Isabel Hoyos Martínez de Irujo26 et Mercedes Carrión Barcaíztegui27, prétendaient qu’était constitutif d’une violation de l’article 26 le fait qu’une femme ne pouvait obtenir tel ou tel titre nobiliaire héréditaire, même si elle était l’aînée de la famille. Le Comité des droits de l’homme a fait observer que le droit espagnol reconnaissait l’existence de ces titres, mais aussi que ceux-ci n’avaient pas d’effet réel en termes de droits et d’obligations juridiques pour la personne qui en était titulaire. Le Comité a déclaré les deux communications irrecevables en application de l’article 3 du Protocole facultatif, affirmant que l’article 26 du PIDCP ne saurait être invoqué à l’appui d’une revendication concernant un titre héréditaire qui est exclusif, indivisible et donc incompatible avec les valeurs intrinsèques de l’article 26. 24. Communication n° 999/2001, décision d’irrecevabilité du 7 juillet 2004. 25. Communication n° 990/2001, décision d’irrecevabilité du 19 mars 2004. 26. Communication n° 1008/2001, décision d’irrecevabilité du 30 mars 2004. 27. Communication n° 1019/2001, décision d’irrecevabilité du 30 mars 2004. Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 23 La non-discrimination : un droit fondamental Conclusion Toutes les parties à la CEDH sont également parties au PIDCP, et presque toutes ont accepté sans hésitation le droit de recours individuel à l’égard de la clause autonome sur l’égalité et la nondiscrimination de l’article 26 du Pacte. Bien que le Comité des droits de l’homme ait été saisi de temps à autre de communications contre des pays européens sur le fondement de l’article 26,28 on ne peut pas parler d’un très grand nombre de cas, même par rapport au modeste total des affaires contre des pays européens. Au bout du compte, le Comité des droits de l’homme a retenu une approche dynamique mais équilibrée de l’article 26, évitant l’écueil qui aurait consisté à voir dans tout grief subjectivement identifié par telle ou telle personne une violation de cette disposition. L’article 26 a été appliqué dans le cadre du PIDCP pris dans son ensemble, conformément à la nature de cet article, voué à la protection des droits de l’homme. Le Protocole n° 12 n’impose pas de nouvelles obligations substantielles de protection des droits de l’homme aux Etats parties à la CEDH. Ces pays devraient adopter sans hésiter le Protocole n° 12, conformément à leur pratique antérieure en matière de ratification. La question d’éventuels changements dans les rapports de force entre le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire au niveau national, ou entre l’Etat-nation et la Cour européenne des Droits de l’Homme est, de notre point de vue, artificielle. En adoptant 28. A titre d’exemple, on peut citer l’affaire Kristjánsson c. Islande, Communication n° 951/2000, que le Comité des droits de l’homme a déclarée irrecevable le 16 juillet 2003 en application de l’article 1er du Protocole facultatif, étant donné que l’auteur de la communication n’était pas une « victime ». La décision a laissé ouverte la possibilité que le Comité examine ultérieurement la question au fond – le caractère prétendument discriminatoire du système islandais des quotas de pêche – si une autre communication venait à être présentée par quelqu’un qui en démontre les effets négatifs pour lui. 24 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental des traités de protection des droits de l’homme, notamment l’article 26 du PIDCP, les pays européens ont accepté, par l’intermédiaire de leurs parlements démocratiquement élus, une obligation juridique de mettre en œuvre les principes d’égalité de traitement et de non-discrimination dans toutes les sphères de la vie. Dans de nombreux pays, ces principes ont, par des procédures démocratiques reconnues, été élevés au niveau de la constitution nationale. Dans la mesure où cette décision reste inappliquée dans le domaine de la législation ordinaire ou de la pratique administrative, il n’y a rien d’antidémocratique à ce que les juridictions nationales ou les instances internationales de protection des droits de l’homme rectifient la situation. Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 25 La non-discrimination : un droit fondamental La protection contre la discrimination en vertu de l’article 14 de la Convention européenne des Droits de l’Homme Mme Margarita Tsatsa-Nikolovska Juge à la Cour européenne des Droits de l’Homme Mesdames et Messieurs, Je suis très reconnaissante de l’occasion qui m’est offerte de prendre la parole devant vous à l’occasion de l’entrée en vigueur du Protocole n° 12. C’est pour moi un privilège que de vous présenter brièvement la jurisprudence de la Cour relative à l’article 14 de la Convention européenne des Droits de l’Homme et son interprétation au fil du temps, bien qu’il ne puisse être question d’en aborder tous les aspects en si peu de temps. Le Protocole n° 12 entre en vigueur cette année et il importera d’observer de près la façon dont la Cour examinera les allégations de discrimination aux termes des nouvelles dispositions. Cela d’autant plus que la Cour n’a encore prononcé aucun arrêt en application de l’article 1 du Protocole, dont le champ d’application s’étend au-delà des limites définies par l’article 14 de la Convention. Remarques liminaires La protection contre la discrimination et la promotion de l’égalité font partie des questions prioritaires en matière de droits de l’homme. L’interdiction de la discrimination se retrouve dans tout l’éventail des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, notamment dans la Convention européenne des Droits de l’Homme, qui repose sur les principes inscrits dans la Déclaration universelle des Droits de l’Homme des Nations Unies. 26 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental La Convention européenne des Droits de l’Homme énonce l’interdiction de la discrimination en termes généraux. L’article 14 dispose : « La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. » L’emploi de termes tels que « notamment » et « toute autre situation » laisse entendre que la liste des catégories et des motifs de discrimination n’est pas exhaustive. L’article 14 a donc un champ d’application étendu. C’est pourquoi, selon l’interprétation de la Cour, « toute autre situation » inclut, entre autres, l’orientation sexuelle, l’état civil, la filiation, le statut de syndicat, le statut militaire, l’objection de conscience, le statut professionnel, l’emprisonnement, le handicap, l’âge, le lieu d’habitation, la région de résidence, la séropositivité, la fortune ou la propriété immobilière, la religion, la nationalité, l’origine nationale ou ethnique et la langue. Contrairement à l’article 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, instrument onusien équivalant à la Convention européenne, qui définit un droit autonome à l’égalité, le champ d’application de l’interdiction édictée par l’article 14 est limité aux droits précisés dans la Convention et ses protocoles. Le libellé même de la disposition le souligne, puisqu’il dispose que l’interdiction de la discrimination est assurée en ce qui concerne la jouissance des droits et libertés « reconnus dans la présente Convention ». En conséquence, ainsi que je le rappellerai plus loin, l’article 14 ne peut être invoqué qu’en liaison avec l’un quelconque des autres droits garantis par la Convention. Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 27 La non-discrimination : un droit fondamental Champ d’application de l’article 14 de la Convention européenne des Droits de l’Homme Il convient de tenir compte du fait que l’article 14 s’inspire de l’interdiction générale de tout acte arbitraire, élément moteur de la Convention (en effet, de tels actes s’opposent aux principes du droit). De plus, l’application équitable de la loi faisant partie intégrante des principes du droit, elle constitue la pierre angulaire de la démocratie, seul modèle politique compatible avec la Convention. En ce qui concerne le champ d’application de l’article 14 de la Convention, son examen à la lumière du droit de la Convention soulève deux questions pertinentes sur la relation entre le principe de non-discrimination et les droits et libertés protégés par d’autres clauses normatives de la Section 1 de la Convention. Il s’agit de savoir d’une part si l’article 14 possède un sens en luimême, indépendamment des droits et libertés reconnus dans la Convention, et d’autre part si, en relation avec ces droits et libertés, il garantit une protection autonome ou seulement subsidiaire. La Cour a répondu à ces questions dans son arrêt relatif à l’affaire Linguistique belge, où elle relève entre autres que « si cette garantie n’a pas, il est vrai, d’existence indépendante en ce sens qu’elle vise uniquement, aux termes de l’article 14, les « droits et libertés reconnus dans la Convention », une mesure conforme en elle-même aux exigences de l’article consacrant le droit ou la liberté en question peut cependant enfreindre cet article, combiné avec l’article 14, pour le motif qu’elle revêt un caractère discriminatoire. » En ce qui concerne la seconde question, la jurisprudence antérieure semble indiquer que le caractère dépendant de l’article 14 fait que cette disposition ne peut être invoquée que s’il y a apparence de violation de l’un des droits et libertés cités. Par exemple, dans l’arrêt Isop c. Autriche (requête n°808/60), l’article 14 n’a pas été appliqué, puisqu’il n’y a pas eu atteinte au droit à un procès équitable aux termes de l’article 6. La Convention étant 28 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental considérée comme un instrument vivant, ce type d’interprétation a été amené à évoluer. La jurisprudence montre donc que la Cour a continué d’examiner les allégations en vertu de l’article 14, au cas où elles se rapporteraient aux clauses normatives de la Convention « lorsque l’objet entre dans le champ d’application de l’article en question » ou « dans celui de cet autre article ». Dans l’arrêt X c. Allemagne (1976)29, relatif à des allégations de discrimination à l’encontre d’homosexuels, la Commission a invoqué l’article 14 en faisant valoir « qu’il suffit que l’objet entre dans le champ d’application de l’article en question ». L’article 14, de nature substantielle, occupe la dernière position dans la hiérarchie des clauses normatives consacrées par la Section I de la Convention. Comme la jurisprudence de la Cour le confirme, cet article n’a pas d’existence indépendante puisqu’il vaut uniquement pour « la jouissance des droits et libertés » garantis par la Convention. Dans la mesure où il complète les autres clauses normatives de la Convention et des Protocoles, l'article 14 a un statut de clause subsidiaire ou, pour citer M. Wildhaber, Président de la Cour européenne des Droits de l’Homme, on peut le considérer comme une clause « parasite »30. Il serait cependant faux d’affirmer que ses effets sont strictement de nature passive, étant donné le rôle autonome important qu’il joue en tant que complément des autres clauses normatives de la Convention. L’article 14 protège les individus et les groupes se trouvant dans des situations analogues, de toute discrimination portant atteinte aux droits et libertés reconnus dans la Convention. Il n’est donc pas surprenant que l’article 14 soit souvent invoqué par les requérants et que de très nombreuses allégations soient examinées à sa lumière. 29. 19 Yearbook 276. 30. « La protection contre la discrimination en vertu de la Convention européenne des Droits de l’Homme – Une garantie de second rang ? » (Protection against Discrimination under the European Convention on Human Rights – A Second-Class Guarantee ?) par M. Luzius Wildhaber, Président de la Cour européenne des Droits de l’Homme, Riga Graduate School of Law, mars 2001. Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 29 La non-discrimination : un droit fondamental D’après la jurisprudence de la Cour, l’application de l’article 14 ne présuppose pas l’atteinte à un droit ou à une liberté de la Convention : il peut y avoir violation de la clause de non-discrimination même si, considérée indépendamment de cette clause, il n’y a pas violation de la clause avec laquelle elle est combinée. Pour que la discrimination soit examinée en application de l’article 14 de la Convention européenne des Droits de l’Homme, et donc justifiable par la Cour, il est toutefois impératif qu’elle « tombe sous l’empire » de l’une au moins des clauses de la Convention. La Cour a fréquemment formulé la restriction que « certes, l’article 14 peut entrer en jeu même sans un manquement aux exigences de la Convention et que, dans cette mesure, il possède une portée autonome, mais qu’il ne saurait trouver à s’appliquer si les faits du litige ne tombent pas sous l’empire de l’une au moins desdites clauses ». Cette formulation se retrouve régulièrement dans la jurisprudence de la Cour, par exemple dans les arrêts Abdulaziz, Cabales et Balkandali c. Royaume-Uni31, Inze c. Austriche32, Karlheinz Schmidt c. Allemagne33, Van Raalte c. Pays-Bas34, Petrovic c. Austriche35, Haas c. Pays-Bas36. En conséquence, l’article 14 n’entre pas en jeu si la discrimination ne porte pas atteinte aux droits et libertés protégés par la Convention (tels que la protection du droit de percevoir des prestations sociales, considéré comme une partie du droit de propriété, ainsi que l’illustrent les arrêts Gaygusuz c. Autriche37et Koua Poirrez c. France38), ou si elle ne relève pas d’une clause de la Convention. Par exemple, dans l’arrêt Thlimmenos c. Grèce39, l’article 14 a été invoqué avec succès en combinaison avec l’article 9 ; le requérant, témoin de Jehovah, n’avait pu obtenir un poste d’expertcomptable à la suite d’une condamnation en matière pénale pour 31. 32. 33. 34. 35. 36. 37. 38. 39. 30 Arrêt du 28 mai 1985. Arrêt du 28 octobre 1987. Arrêt du 18 juillet 1994. Arrêt du 21 février 1997. Arrêt du 27 mars 1998. N°36983/97, § 41, CEDH 2004. Arrêt du 16 septembre 1996. N° 40892/98, CEDH 2003-X. N° 34369/97, CEDH 2000-IV. Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental avoir refusé de porter l’uniforme en raison de ses convictions religieuses. Cependant, l’article 14 est autonome dans le sens où il peut s’appliquer même en l’absence de tout manquement aux exigences de la Convention. Tout se passe comme s’il faisait partie intégrale de chacune des clauses relatives à la protection de droits et de libertés. Le caractère limité du champ d’application de l’article 14 est compensé, entre autres, par l’interprétation large des clauses normatives (voir la manière dont la Cour interprète les notions de vie privée et de vie de famille de l’article 8 de la Convention), étendant l’exigence de non-discrimination à de nombreuses situations qu’une interprétation littérale, donc restrictive, de la Convention n’aurait jamais incluses. La jurisprudence révèle que la clause de non-discrimination peut être invoquée dans des contextes tels que ceux de l’allocation de prestations (que ce soit dans le cadre de régimes de prestations contributives ou de régimes de prestations non contributives, dans le domaine de la sécurité sociale ou dans celui de l’assistance sociale) ou, entre autres, d’allocations aux personnes handicapées. Par exemple, dans l’arrêt Petrovic c. Autriche, l’article 14 a été jugé applicable, combiné avec l’article 8, dans le cadre d’une affaire relative au versement d’une allocation de congé parental. Principes appliqués en vertu de l’article 14 de la Convention européenne des Droits de l’Homme Il convient de faire remarquer qu’une différence de traitement n’est pas en soi discriminatoire aux termes de l’article 14. Toutes les différences de traitement n’entrent pas dans le champ de l’interdiction énoncée par l’article 14. Le critère employé par la Cour pour établir une discrimination au sens de l’article 14 se vérifie en deux étapes. Les individus ou les groupes peuvent alléguer une discrimination au titre de cet article dans les situations suivantes : il convient d’établir que la situation de la victime présumée peut se comparer avec d’autres situations où les protagonistes ont bénéficié d’un meilleur traitement. Dans l’affaire Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 31 La non-discrimination : un droit fondamental Van der Mussele c. Belgique40, un avocat stagiaire estime qu’il n’a pas bénéficié d’un traitement équitable par rapport aux stagiaires d’autres professions car, contrairement à eux, il a dû représenter un prévenu sans toucher aucune rémunération. La Cour rejette les allégations de discrimination du requérant au motif que les professions cités en exemple sont fondamentalement différentes. De même, dans l’affaire Lindsay c. Royaume-Uni (1986) la Cour estime que la situation d’un couple marié n’est pas analogue à celle d’un couple non marié. Ceci signifie que l’allégation de manquement à l’article 14 pourrait à première vue être justifiable dans le cas où des individus, dans une situation analogue, seraient traités différemment en raison de leur « situation ». Comme le relève la Cour dans l’affaire Kjeldsen, Busk Madsen et Pedersen c. Danemark41, l’article 14 interdit un traitement discriminatoire ayant pour base ou pour motif une caractéristique personnelle (« situation ») par laquelle des personnes ou groupes de personnes se distinguent les uns des autres. La deuxième étape de l’exercice consiste à déterminer si la différence de traitement se justifie pour des raisons « objectives et raisonnables ». La Cour recherche donc « les critères qui permettent de déterminer si une distinction de traitement donnée contrevient ou non à l'article 14 » ; elle retient que « l’égalité de traitement est violée si la distinction manque de justification objective et raisonnable » et que « l’existence d’une pareille justification doit s’apprécier par rapport au but et aux effets de la mesure considérée, eu égard aux principes qui prévalent généralement dans les sociétés démocratiques ». La Cour établit « qu’une distinction de traitement dans l’exercice d’un droit consacré par la Convention ne doit pas seulement poursuivre un but légitime : l’article 14 est également violé lorsqu’il est clairement établi qu’il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé ». Ainsi que la Cour l’indique dans l’arrêt Syndicat national de la police belge c. Belgique42, il convient d’établir si « le préjudice subi est 40. Arrêt du 23 novembre 1983. 41. Arrêt du 7 décembre 1976. 32 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental excessif en regard du but légitime visé ». Il incombe à la Cour d’examiner si la différence de traitement possède ce type de caractéristique discriminatoire. Il est donc possible de conclure que l’exigence d’un motif raisonnable comme justification d’une différence de traitement aux termes de l’article 14 est très proche du critère de « besoin social impérieux » énoncé aux articles 8 à 11 de la Convention. À la lumière de ce qui précède, la Cour a souligné les éléments qu’il convient de prendre en compte lors de l’examen de la conformité au principe de non-discrimination d’un traitement ou d’une situation. Il y a atteinte au principe de non-discrimination en cas de différence de traitement dans des situations analogues, même en l’absence de justifications objectives ou raisonnables ou de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé. En d’autres termes, l’article 14 peut être invoqué s’il est possible de répondre par l’affirmative aux questions suivantes : la discrimination présumée « tombe-t-elle sous l’empire » de l’une au moins des clauses de la Convention ? La distinction de traitement est-elle avérée ? Concerne-t-elle des individus ou des groupes dans des situations analogues ? La détermination du manquement au principe de non-discrimination dépend de la réponse à la question suivante : existe-t-il une justification raisonnable à la distinction de traitement, autrement dit poursuit-elle un but légitime et existe-il un rapport de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé ? J’ai déjà cité quelques-unes des affaires historiques liées à l’article 14 de la Convention, mais permettez-moi d’évoquer encore quelques affaires pertinentes pour l’objet de cette réunion. L’affaire Linguistique belge est l’une des premières dans lesquelles les organes de la Convention ont été amenés à envisager l’application de l’article 14 de la Convention. Dans cette affaire, la Cour écarte l’idée que l’article 14 ne possède pas de valeur pratique, mais considère au contraire qu’il fait partie inté42. Arrêt du 27 octobre 1975. Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 33 La non-discrimination : un droit fondamental grante de chacune des clauses définissant les droits et les libertés. Non seulement la Cour établit les principes à appliquer en vertu de l’article 14, mais elle relève que les Etats jouissent d’une certaine marge d’appréciation pour déterminer si et dans quelle mesure des différences entre des situations à d’autres égards analogues justifient des distinctions de traitement juridique. La Cour établit la notion de « discrimination positive », où la compensation d’une situation d’inégalité est acceptée comme justification légitime d’une différence de traitement. Elle énonce que « les autorités nationales compétentes se trouvent souvent en face de situations ou de problèmes dont la diversité appelle des solutions juridiques différentes ; certaines inégalités de droit ne tendent d'ailleurs qu’à corriger des inégalités de fait ». Dans l’arrêt Marckx c. Belgique43, la Cour constate que lorsqu’une violation d'une clause normative de la Convention est invoquée devant elle à la fois de manière distincte et conjointement avec l’article 14, elle n’a en général pas besoin d'examiner aussi l’affaire sous l'angle de l’article 14. Plus précisément, la jurisprudence indique que bien que l’article 14 ne soit pas indépendant, il possède néanmoins un certain degré de signification autonome en cela qu’il ne présuppose pas nécessairement un manquement aux autres clauses de la Convention. Comme le relève la Cour dans l’arrêt Rasmussen c. Danemark44, pour que l’article 14 soit invoqué il n’est pas nécessaire qu’une violation d’une autre clause normative de la Convention soit reconnue, ni même qu’il y ait allégation de violation, c’est-à-dire qu’il n’est pas nécessaire de se fonder sur la clause normative de façon autonome ou conjointement avec l’article 14. Cependant, dans l’arrêt De Meester c. Belgique, la Cour indique clairement qu’une distinction de traitement dans un domaine non couvert par la Convention ne peut pas constituer une violation de l’article 14. Elle rejette l’allégation de discrimination du requérant, discrimination qui, selon lui, portait atteinte 43. Arrêt du 13 juin 1979. 44. Arrêt du 28 novembre 1984. 34 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental à sa liberté de postuler à un emploi dans la magistrature, au motif que cette liberté n’est pas protégée par la Convention. La Cour a donc estimé que l’article 14 n’était pas applicable en l’espèce. Chassagnou et autres c. France45est une affaire intéressante de la nouvelle Cour, en cela qu’elle réaffirme que la législation nationale peut violer directement la Convention. La Cour a estimé que la Loi Verdeille de 1964 portait atteinte aux articles 11 de la Convention et 1 du Protocole n° 1 en combinaison avec l’article 14, car selon cette loi, seuls les propriétaires terriens dont le bien avait une superficie dépassant le seuil de franchise, pouvaient s’opposer à l’inclusion de leur propriété dans les terrains de chasse municipaux et échapper ainsi à l’obligation d’adhérer à la société de chasse. Thlimmenos c. Grèce, précédemment citée, constitue une autre affaire importante de la Cour, où celle-ci relève que les garanties de l’article 14 concernent non seulement l’égalité formelle (traitement égal de situations identiques), mais aussi l’égalité réelle (distinction de traitement pour des situations différentes). La Cour « conclut à la violation du droit garanti par l’article 14 de ne pas subir de discrimination dans la jouissance des droits reconnus par la Convention lorsque les Etats font subir sans justification objective et raisonnable un traitement différent à des personnes se trouvant dans des situations analogues ». Je citerai encore une affaire récente Nachova et autres c. Bulgarie46, relative au meurtre d’un appelé rom par la police militaire. Alors que la Chambre a établi l’existence, à titre accessoire, d’un préjudice racial dans l’emploi d’une force excessive et de négligences dans l’enquête, la Grande Chambre n’a pas considéré que le racisme avait joué un rôle dans la mort de la victime. Toutefois, l’incapacité des autorités nationales à mener une enquête efficace bien que disposant d’informations plausibles sur le caractère haineux des violences infligées, a conduit la Grande 45. [GC], n°25088/94, 28331/95 et 28443/95, CEDH 1999-III. 46. [GC], n°43577/98 43579/98, CEDH-2004. Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 35 La non-discrimination : un droit fondamental Chambre à conclure à la violation de l’article 14 pris conjointement avec l’obligation procédurale de l’article 2 de la Convention. Dans l’arrêt Moldovan et autres c. Roumanie47, la Cour, bien qu’incompétente ratione temporis pour examiner les faits (l’incendie du domicile des requérants et le meurtre des membres de leur famille), relève que cette agression a été commise contre les requérants en raison de leur origine rom. Cependant, elle conclut à la violation de l’article 14 combiné aux articles 6 et 8 de la Convention, estimant que l’appartenance ethnique des requérants a joué un rôle décisif dans la longueur et les résultats de la procédure nationale relative à cette affaire. La Cour prend également note des remarques discriminatoires répétées de la part des autorités tout au long de la procédure, et de leur refus absolu d’octroyer un dédommagement non pécuniaire aux requérants pour la destruction de leur maison. Je tiens d’ailleurs à faire état du nombre croissant d’affaires relevant de l’article 14 où des allégations de violences motivées par la haine jouent un rôle important. Conclusion Un peu moins de cinq ans se sont écoulés depuis que le Protocole n° 12 à la Convention a été ouvert à la signature. L’article 1 de ce Protocole interdit les discriminations portant atteinte à la « jouissance de l’un quelconque des droits reconnus par la loi » de même que les discriminations exercées par « toute autorité publique », qu’elles constituent ou non un manquement à un autre droit de la Convention. En cela, l’article 1 élargit les garanties de protection inscrites dans l’article 14 de la Convention européenne des Droits de l’Homme. Lorsque la discrimination est fondée sur d’autres motifs que l’exercice de droits protégés par la Convention, la Cour pourrait invoquer le 47. N° 41138/98 et 64320/01, 12 juillet 2005. 36 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental Protocole n° 12 afin d’étendre sa compétence aux situations qui ne sont actuellement pas couvertes par l’article 14. Mon intention n’était pas ne commenter le Protocole ni de préjuger en aucune façon de la manière dont la Cour pourrait l’appliquer et l’interpréter. Toutefois, comme le Protocole n’a pas été signé et ratifié par tous les Etats contractants, il semble que la Cour soit amenée pour quelque temps à l’invoquer en combinaison avec l’article 14, selon la position des Etats concernés vis-à-vis du Protocole. Pour conclure, je citerai M. le Juge Wildhaber, Président de la Cour européenne des Droits de l’Homme : « Depuis l’entrée en vigueur de la Convention, la clause de non-discrimination a le plus souvent constitué une garantie de second rang. Les développements récents constituent la promesse d’un nouvel élan en matière de protection contre la discrimination aux termes de la Convention. Ils pourraient de même amener la Cour à explorer la complexité du thème de l’égalité dans nos sociétés modernes. »48 Il me semble que nous sommes en droit d’espérer d’autres développements et innovations car la protection contre la discrimination en vertu du Protocole n° 12 de la Convention est de nature générale et ouvre de ce fait davantage de perspectives. 48. « Protection against Discrimination under the European Convention on Human Rights – A Second-Class Guarantee? », M. Luzius Wildhaber, Président de la Cour européenne des Droits de l’Homme, Riga Graduate School of Law, mars 2001. Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 37 La non-discrimination : un droit fondamental Le Protocole n° 12 et sa genèse M. Michael Head Président de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) Je suis très heureux de participer avec vous au Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 à la Convention européenne des Droits de l’Homme (CEDH). Depuis l’adoption du Protocole n° 12 le 4 novembre 2000, dans chaque rapport de monitoring pays-par-pays qu’elle publie, l’ECRI recommande systématiquement aux autorités nationales concernées de signer et/ou de ratifier le Protocole n° 12. Lorsque l’ECRI adopte un rapport sur un Etat qui a déjà ratifié le Protocole n° 12, elle ne manque pas de saluer un tel évènement. L’ECRI dont le but est de lutter contre le racisme et donc également contre la discrimination raciale, considère le Protocole n° 12 comme un instrument juridique primordial. Comme je l’expliquerai plus tard, l’ECRI a milité dès le début en faveur de l’adoption du Protocole, n’ayant de cesse de faire pression sur les Etats membres du Conseil de l’Europe pour les convaincre que la lutte contre la discrimination raciale passait nécessairement par le renforcement de l’article 14 de la Convention européenne. Je suis chargé d’évoquer la genèse du Protocole n° 12 et, si vous me le permettez, je voudrais le faire sans passer par une description purement chronologique qui risquerait d’être ennuyeuse. Je préfère examiner avec vous quels ont été d’une part les freins et, d’autre part, les moteurs qui expliquent le processus d’adoption de cet instrument. 38 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental Les freins Il faut partir d’un constat initial concernant la Convention européenne et son article 14 : La Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948, qui est une Résolution de l’Assemblée générale de l’ONU, prévoit dans son article 7 que – je cite – « Tous sont égaux devant la loi et ont droit sans distinction à une égale protection de la loi. Tous ont droit à une protection égale contre toute discrimination qui violerait la présente Déclaration et contre toute provocation à une telle discrimination. » Les rédacteurs de la Convention européenne se sont ouvertement inspirés de la Déclaration universelle pour rédiger la Convention, adoptée deux ans après. Or, l’article 14 de la Convention européenne est, on le sait, bien différent de l’article 7 de la Déclaration universelle. Il ne consacre qu’un principe de non-discrimination dans la jouissance des droits et libertés reconnus dans la Convention. Autrement dit, alors que l’article 7 de la Déclaration universelle consacre un principe général d’égalité devant la loi, l’article 14 de la Convention européenne se limite à interdire la discrimination pour les droits que la Convention reconnaît. On sait aussi que l’article 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques reprend le principe général d’égalité devant la loi et va donc en cela plus loin que la CEDH dans la protection des droits de l’homme. Comment expliquer alors que l’article 14 soit en retrait par rapport aux textes onusiens ? Et comment expliquer que ce n’est que 50 ans plus tard que ce retard sera comblé par l’adoption du Protocole n° 12 ? Pour le comprendre, il faut étudier les nombreux freins qui ont empêché le principe d’égalité d’être reconnu de façon générale dans la Convention européenne. Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 39 La non-discrimination : un droit fondamental La lecture des travaux préparatoires à la Convention européenne des Droits de l’Homme ne permet pas de répondre à la question de savoir pourquoi, dès le départ, l’article 14 ne reproduit pas le contenu de l’article 7 de la Déclaration universelle. On peut supposer qu’il y a derrière ce phénomène un frein idéologique concernant la notion d’égalité : En 1950, au moment d’adopter la Convention européenne, le développement du principe d’égalité était à ses débuts, tout comme le droit international des droits de l’homme. A cette époque encore, beaucoup pensaient que le principe d’égalité revenait à défendre une pure identité de traitement. Vu comme cela, l’égalité consisterait en une uniformisation des statuts juridiques des individus, idée utopique qui serait tout à fait irréalisable d’un point de vue juridique. Par conséquent, si la jeunesse du principe international d’égalité ne l’a pas empêché de figurer en bonne place dans la Déclaration universelle, elle a quand même empêché son inscription dans la Convention européenne, un traité contenant un catalogue des droits et prévoyant un mécanisme de contrôle collectif. En l’absence d’explication claire dans les travaux préparatoires de la Convention européenne, on doit chercher des explications ailleurs. Notamment dans l’étude des refus successifs qui ont été opposés par les experts gouvernementaux aux nombreuses propositions émanant de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe de renforcer par la suite, à travers l’adoption d’un Protocole, la disposition d’interdiction de la discrimination dans la Convention européenne. Il faut savoir en effet qu’entre l’adoption de la Convention et celle du Protocole n° 12, l’Assemblée parlementaire a formulé pas moins de six Recommandations dans lesquelles elle demande au Comité des Ministres de procéder à l’élargissement du champ 40 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental d’application de l’interdiction de la discrimination au moyen de l’adoption d’un Protocole à la Convention européenne49. Un des arguments qui revient souvent pour justifier le maintien de l’article 14 de la Convention en l’état est que l’adoption d’une disposition générale d’interdiction de la discrimination aurait pour conséquence une jurisprudence incertaine de la part de la Cour européenne. Par exemple, en réponse à la Recommandation 234 adoptée en 1960 par l’Assemblée parlementaire demandant d’insérer dans la CEDH une disposition très générale selon laquelle « Toutes les personnes sont égales devant la loi », le Comité des experts des droits de l’homme soulignait les risques d’interprétations juridiques très différentes d’une disposition aussi large. La peur d’une extension de l’interdiction de discriminer à des domaines relevant de la sphère privée a aussi été longtemps un frein à l’adoption d’un protocole additionnel. Lorsque l’Assemblée parlementaire propose en 1970 une extension de l’interdiction de la discrimination limitée à l’application de la loi dans des domaines tels que les élections, les emplois, les logements sociaux et la fonction publique, on lui répond que ce « n’est pas, pour le moment du moins, opportun». Ceci notamment parce que la modification de l’article 14 pourrait englober des relations sociales ou privées qui ne relèvent pas du droit. Aussi, parce que cela conduirait à l’ouverture d’un champ virtuellement infini, d’obligations positives et au développement d’un effet horizontal (c’est-à-dire entre particuliers) de l’égalité. Lorsque le Comité des Ministres a lui-même commencé sérieusement à envisager l’extension des droits reconnus dans la Convention, notamment le 14 mai 1981, dans sa « Déclaration 49. Voir Jeroen Schokkenbroek, « A New European Standard Against Discrimination: Negotiating Protocol N° 12 to the European Convention on Human Rights », in Jan Niessen, Isabelle Chopin, The Development of Legal Instruments to Combat Racism in a Diverse Europe, Koninklije Brill NV, The Netherlands, 2004, p. 61-79. Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 41 La non-discrimination : un droit fondamental sur l’intolérance – une menace pour la démocratie », le Comité directeur pour les droits de l’homme (CDDH), examinant la possibilité d’adopter une disposition générale d’interdiction de la discrimination, adopte dans un premier temps une approche fataliste en indiquant que les chances d’aboutir sont minces. Par conséquent, il convenait plutôt, selon lui, d’adopter une approche sectorielle. Pour terminer sur les freins, alors que l’idée qu’il fallait interdire la discrimination dans tous les domaines faisait son chemin dans les années 90, apparaissait un nouveau frein à l’adoption d’un protocole permettant d’obtenir un tel résultat. En effet, la Cour européenne, victime de son succès et suite à l’élargissement du Conseil de l’Europe, était de plus en plus sollicitée. Cela a conduit à l’engorgement qu’elle connaît encore actuellement en dépit de l’adoption du Protocole n° 11 réformant son mode de fonctionnement. C’était un argument supplémentaire, s’il en fallait un, pour refuser d’étendre le principe de non-discrimination et donc de charger encore plus la Cour de travail. Les moteurs Toutefois, et il faut s’en réjouir, dans les années 1990, une nouvelle acception du principe d’égalité qui s’est développée depuis les années 1960, mais aussi d’autres arguments en faveur du Protocole n° 12, vont l’emporter sur tous les freins que je viens de mentionner. L’un des principaux moteurs favorisant l’adoption du Protocole n° 12 est la jurisprudence de la Cour en matière d’interdiction de la discrimination. Cette jurisprudence a joué un rôle à deux titres : elle a été à la fois rassurante et décevante. Rassurante, parce que l’interprétation que la Cour a faite de la notion de discrimination est tout à fait raisonnable et réaliste. Au fil des années, sa jurisprudence a démontré qu’elle ne considère pas l’égalité comme une identité de traitement absolue mais qu’il 42 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental y a discrimination lorsqu’une différence de traitement manque de justification objective et raisonnable. C’est-à-dire lorsque qu’elle ne poursuit pas un but légitime ou lorsque fait défaut un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé. Décevante, parce que les affaires où la Cour européenne condamne un Etat pour discrimination en vertu de l’article 14 sont très rares, notamment en ce qui concerne la discrimination sexuelle et la discrimination raciale. Une des raisons de ce phénomène, même si ce n’est pas la seule, tient au caractère non indépendant de l’article 14. L’interdiction de la discrimination telle que prévue par la Convention ne s’applique pas aux droits sociaux et économiques, par exemple. Au passage, je souligne que les arrêts récents Nachova contre la Bulgarie et Moldovan et autres contre la Roumanie sont les premiers où la Cour condamne ouvertement des Etats membres pour discrimination raciale contraire à l’article 14 de la Convention50. Il est évidemment impossible de croire que, depuis les années 50, il n’y a pas eu d’autre cas de violation du principe de non-discrimination raciale en Europe. Au vu de la jurisprudence de la Cour, le constat s’imposait donc : l’article 14 à lui seul n’est pas un outil efficace et suffisant pour lutter contrer la discrimination au niveau européen. Un autre moteur qui a conduit à l’adoption du Protocole n° 12 est l’insistance avec laquelle certains organes ont appelé à l’extension du champ d’application de l’article 14 de la CEDH. J’ai déjà mentionné les nombreuses Recommandations en ce sens adoptées par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe mais il faut aussi évoquer ici le rôle important qui a été joué par, d’un côté, le Comité directeur pour l’égalité entre les femmes et les hommes (CDEG) et, de l’autre côté, l’ECRI. A peu près au même moment, ces deux institutions ont fait une propo50. Cour européenne des Droits de l’Homme, 6 juillet 2005, Nachova et autres contre la Bulgarie ; Cour européenne des Droits de l’Homme, 12 juillet 2005, Moldovan et autres contre la Roumanie n° 2. Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 43 La non-discrimination : un droit fondamental sition de protocole additionnel à la Convention européenne visant à renforcer l’article 14. Approche de l’ECRI Concernant l’ECRI, on peut dire que la genèse du Protocole n° 12 est liée à la création même de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance. Il y a eu dans les années 90 une prise de conscience de la nécessité de redoubler d’efforts pour lutter contre le racisme, la xénophobie, l’antisémitisme et l’intolérance, comme le montrent la Déclaration et le Plan d’action adoptés le 9 octobre 1993 à Vienne par le premier Sommet des Chefs d’Etats et de gouvernement des Etats membres du Conseil de l’Europe. Ces derniers ont alors décidé de mettre en place l’ECRI qui a été chargée notamment d’étudier les instruments juridiques internationaux existant en matière de lutte contre le racisme en vue de leur renforcement si nécessaire. Après une étude approfondie des instruments existant dans le cadre du Conseil de l’Europe, le choix de l’ECRI s’est judicieusement porté sur l’adoption d’un protocole additionnel contenant une disposition générale d’interdiction de la discrimination raciale dans la Convention européenne des droits de l’homme, l’instrument de protection des droits de l’homme jugé le plus efficace. Dans son « Rapport circonstancié sur le renforcement de la disposition de non-discrimination de la Convention européenne » datant de 1995, l’ECRI soulignait que la Cour européenne n’avait pas encore condamné un Etat pour violation de l’article 14 en raison d’une discrimination raciale et que la jurisprudence des organes de la Convention en la matière était de toute façon peu abondante. L’ECRI n’a pas manqué de souligner que la Convention européenne était en retrait par rapport à d’autres instruments internationaux en matière d’interdiction de la discrimina- 44 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental tion. Elle a donc choisi de proposer une formulation dont on pourrait s’inspirer pour rédiger un protocole additionnel. Selon cette proposition, toute personne devait être protégée contre la discrimination fondée sur la race, la couleur, la langue, la religion ou l’origine nationale ou ethnique. L’ECRI justifiait son approche limitée à la discrimination raciale par un souci d’efficacité. Une telle disposition était urgente en matière de lutte contre le racisme, dont la résurgence était constatée par tous en Europe. On peut donc qualifier l’approche de l’ECRI de pragmatique. Approche du Comité directeur pour l’égalité entre les femmes et les hommes (CDEG) Pendant longtemps, le CDEG a examiné la possibilité d’insérer une disposition dans la Convention européenne afin de créer un droit à l’égalité entre les femmes et les hommes, notamment en vue de pallier la faiblesse et le manque d’indépendance de l’article 14 de la Convention. Selon le Comité directeur, une autre faiblesse de la Convention était de ne pas reconnaître le caractère particulier de la discrimination fondée sur le sexe, celui-ci étant une caractéristique d’une autre nature, d’un ordre qui pourrait être qualifié de « structurel ». La différence entre les sexes serait une caractéristique permanente de l’humanité et le respect de la personne humaine exigerait que soit reconnue la dualité sexuelle des sujets de droit. Dans sa « Proposition circonstanciée sur un droit fondamental de la femme et de l’homme à l’égalité pour inclusion dans un protocole à la Convention européenne des droits de l’homme », le Comité directeur plaide en faveur d’un protocole additionnel portant exclusivement sur l’égalité entre les femmes et les hommes. Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 45 La non-discrimination : un droit fondamental Il faut noter que l’approche restrictive du Comité directeur, que l’on pourrait qualifier d’idéologique par opposition à l’approche pragmatique de l’ECRI, a été reprise par l’Assemblée parlementaire (APCE) dans son avis sur le projet du Protocole n° 12. Cette dernière demandera en effet au Comité des Ministres de prévoir une disposition à part selon laquelle « les hommes et les femmes sont égaux devant la loi », à côté de la disposition plus générale contenant une liste non exhaustive de motifs de discrimination, y compris le sexe. Comme vous le savez, cette proposition n’a pas été retenue. L’approche du CDDH sur la base des propositions de l’ECRI et du CDEG Sur la base des deux rapports circonstanciés, le CDDH s’est penché sur l’opportunité et la faisabilité d’une extension de l’article 14 de la Convention. Entre l’approche de l’ECRI – restrictive pour avoir une chance de réussir – et celle du Comité directeur – restrictive parce que l’égalité entre les sexes serait structurellement différente de toutes les autres égalités –, le CDDH a tranché de la meilleure manière qui soit. Au nom du principe d’universalité des droits de l’homme, désormais bien ancré en droit international, le CDDH a refusé tout protocole séparé portant uniquement sur l’un ou l’autre type de discrimination, opérant par là même un volte-face par rapport à la position qu’il défendait dans les années 80. Apparemment, l’ère d’une approche sectorielle ou spécifique selon le motif de discrimination était révolue. Toutefois, les craintes qui ont longtemps empêché l’approche universelle d’aboutir n’ont pas été complètement balayées : ainsi, au cours des débats, certains experts du CDDH ont évoqué les dangers d’interprétations trop imprévisibles, les effets horizontaux considérables qu’un tel protocole aurait, le danger de voir la Cour européenne engorgée par de trop nombreuses requêtes, etc. Cependant, toutes ces craintes n’ont pas suffit à 46 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental empêcher l’adoption du Protocole n° 12, même si certaines d’entre elles sont largement reflétées dans le Protocole lui-même ou, au moins, dans son rapport explicatif. Le rapport remis en 1997 par le CDDH au Comité des Ministres plaide donc en faveur d’un Protocole additionnel à la CEDH, prévoyant une interdiction générale de la discrimination fondée sur une liste non exhaustive de motifs. Le Comité des Ministres, sur la base de ce rapport, a chargé en 1998 le CDDH de rédiger un projet de Protocole et de rapport explicatif permettant de déterminer la nature et le champ précis des engagements des Etats parties. Ce qui a été fait en 1999. Ce rapport a été soumis pour avis à l’Assemblée parlementaire. Celle-ci, comme je l’ai déjà dit, a exprimé sa position en faveur d’une disposition générale mais a demandé d’ajouter une disposition particulière pour l’égalité entre les femmes et les hommes. La Cour européenne a, quant à elle, indiqué qu’elle était en faveur d’un tel protocole. Elle a souligné que le surcroît de travail qu’il entraînerait nécessairement devra être pris en compte dans la programmation, à long et moyen termes, des ressources pour la Cour. Enfin, le 26 juin 2000, le Comité des Ministres adopte le Protocole n° 12 et son rapport explicatif tels que nous les connaissons aujourd’hui, reprenant le projet de Protocole soumis par le CDDH. Le résultat obtenu Avant de conclure, je voudrais commenter le résultat obtenu, maintenant que nous connaissons mieux la genèse du Protocole n° 12. A mon avis, il s’agit d’un Protocole ambitieux et timide à la fois. Ambitieux, parce qu’il prévoit une interdiction universelle de la discrimination, c’est-à-dire en faveur de tous les êtres humains, y compris cette catégorie souvent mise à part que sont les non- Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 47 La non-discrimination : un droit fondamental ressortissants, dans tous les domaines et pas seulement celui des droits civils et politiques. Il faut se réjouir de ce résultat car, comme nous l’avons vu, ce n’était pas gagné d’avance. Timide, d’une part parce que le terme « égalité » n’est employé que dans le préambule du Protocole. La différence avec l’article 7 de la Déclaration universelle et l’article 26 du Pacte persiste dans ce domaine. Elle n’est peut-être que symbolique, mais il ne faut pas négliger l’importance des symboles dans le domaine des droits de l’homme. La timidité du résultat se reflète surtout dans le rapport explicatif, qui insiste sur l’idée que le Protocole n’oblige pas les Etats parties à « éviter tout cas de discrimination dans les relations entre particuliers ou (à) y remédier ». Aux yeux de l’ECRI, même les discriminations du fait de particuliers doivent faire l’objet d’une réponse appropriée des autorités étatiques. Celles-ci n’arriveront certainement pas à empêcher toute discrimination, mais elles doivent au moins avoir l’obligation d’accorder à la victime une possibilité d’intenter un recours pour obtenir réparation. Ces critiques ne sont rien face à l’apport essentiel du Protocole n° 12 à la lutte contre la discrimination, au travers de la jurisprudence de la Cour européenne mais aussi des tribunaux nationaux. Pour que cette lutte se fasse dans toute l’Europe, il reste encore à encourager la ratification du Protocole n° 12 par tous les Etats membres du Conseil de l’Europe. Malheureusement, c’est à ce niveau que les freins mentionnés précédemment réapparaissent. Bien sûr, 11 Etats ont ratifié ce texte et il est entré en vigueur le 1er avril 2005. En tout, 35 Etats l’ont déjà signé. Pourtant, 24 de ceux-ci doivent encore le ratifier. Et surtout, 11 Etats n’ont même pas jugé bon de signer ce texte. La plupart d’entre eux ont même indiqué à l’ECRI qu’ils n’étaient pas prêts à tout faire pour arriver à ratifier ce texte. Par conséquent, même si un pas immense a été franchi le 1er avril 2005, il reste encore beaucoup de chemin à faire. 48 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental Aujourd’hui, nous attendons avec impatience les premières affaires concernant le Protocole n° 12 qui seront portées devant la Cour européenne. Compte tenu de la règle de l’épuisement des voies de recours interne avant toute saisine de la Cour, cela devrait encore prendre un certain temps. En attendant, notre tâche n’est pas terminée, il faut sans relâche continuer à lever les freins qui empêchent non plus l’adoption du Protocole n° 12 mais sa signature et sa ratification par un certain nombre d’Etats. Espérons que ce séminaire saura convaincre qu’il n’est plus temps pour les Etats d’avoir peur d’être injustement condamnés pour avoir discriminé mais plutôt de tout faire, y compris ratifier le Protocole n° 12, pour mieux lutter contre les discriminations et notamment la discrimination raciale, ce fléau qui persiste dans toute l’Europe. Merci de votre attention. Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 49 La non-discrimination : un droit fondamental Thème 1 : La portée du Protocole n° 12 Le Protocole n° 12 et la Convention des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale M. Morten Kjaerum Directeur de l’Institut danois des droits de l’homme Membre du Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination raciale Le protocole n° 12 renforcera la lutte contre la discrimination en Europe car la Convention européenne des Droits de l’Homme (CEDH) reste, de l’avis des juristes comme du grand public, la plus importante convention régionale/internationale sur les droits de l’homme. Bien que les Conventions des Nations Unies aient un champ d’application plus large, l’applicabilité directe du Protocole n° 12 par les tribunaux nationaux dans la plupart des Etats membres ainsi que la compétence de la Cour européenne des Droits de l’Homme renforceront les moyens juridiques de lutter contre la discrimination. La normalisation du système européen grâce au Protocole n° 12 facilitera la tâche non seulement des tribunaux mais aussi des institutions nationales des droits de l’homme, des médiateurs actifs dans ce domaine et d’autres organes parajudiciaires qui, dans un nombre toujours accru de pays, deviennent les acteurs clés de la lutte contre la discrimination. Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 51 La non-discrimination : un droit fondamental Toutefois, le Protocole n° 12 est toujours flou sur deux questions capitales pour la lutte quotidienne contre la discrimination, à savoir l’effet horizontal du protocole, et les mesures positives. Sur ces deux questions, les Conventions des Nations Unies offrent de meilleures possibilités. La Convention des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (ICERD) met fermement l’accent sur le fond de l’égalité et non pas simplement sur sa forme. Selon l’article 2, paragraphe 2, les Etats parties ont l’obligation de prendre « des mesures spéciales et concrètes pour assurer […] le développement ou la protection de certains groupes raciaux ou d’individus appartenant à ces groupes en vue de leur garantir, dans des conditions d’égalité, le plein exercice des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Cette question a été soulevée avec un Etat partie et, dans ses observations finales, le comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) a affirmé : « s'agissant de l'action palliative, le comité note avec préoccupation la position de l’Etat partie selon laquelle les dispositions de la Convention permettent aux Etats parties, mais ne leur imposent pas, d’adopter des mesures palliatives tendant à assurer le développement adéquat et la protection de certains groupes raciaux, ethniques ou nationaux. Le comité souligne que l’adoption par les Etats parties de mesures spéciales quand les circonstances le justifient, par exemple la persistance de disparités, constitue une obligation en vertu du paragraphe 2 de l’article 2 de la convention. »51 Des mesures spéciales pourraient être jugées discriminatoires contre les groupes ou individus qui ne bénéficient pas d’un traitement de faveur. Afin d’éviter de telles situations, l’article 1, paragraphe 4, prévoit qu’un tel traitement de faveur n’est pas considéré comme une mesure de discrimination raciale à condition qu’une telle mesure n’ait pas pour effet le maintien de droits 51. CERD A/56/18, paragraphes 380 à 407 (2001). 52 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental distincts pour des groupes raciaux différents et qu’elle ne soit pas maintenue en vigueur une fois atteints les objectifs auxquels elle répondait. Lorsque l’on traite les questions relatives à toute forme de discrimination et à la discrimination raciale en particulier, une question importante est la relation entre les individus ou groupes de personnes, c’est-à-dire l’effet horizontal. La question est de savoir si, outre l’obligation de s’abstenir de toute pratique discriminatoire, le gouvernement a également l'obligation positive d’intervenir entre des parties privées afin de protéger l’individu de toute discrimination exercée par des agents non étatiques. L’article 2, paragraphe 1 (d) de l’ICERD fait explicitement obligation à l’Etat partie d’interdire par tous les moyens appropriés, y compris des mesures législatives, la discrimination raciale pratiquée par des personnes, des groupes ou des organisations et d’y mettre fin. Un certain nombre de communications adressées au CERD font état de manquements présumés de l’Etat partie à son obligation d’enquêter sur les cas de discrimination entre parties privées. Dans un cas où une personne s’est vu refuser un prêt bancaire, le CERD a estimé qu’il convenait « en se fondant sur le paragraphe (d) de l’article 2 de la convention, d’enquêter dûment sur les véritables raisons qui sous-tendent la politique en matière de prêt suivie par la banque à l’égard des résidents étrangers, pour vérifier si des critères pouvant donner lieu à une discrimination raciale, au sens de l’article 1er de la convention, sont appliqués.[…] Dans ces conditions, le comité estime que l’auteur a été privé d'une voie de recours effective, au sens de l’article 6 de la convention, compte tenu du paragraphe (d) de l’article 2. »52 Certains Etats parties sont réticents à intervenir dans la sphère privée et ne tiennent donc pas compte de cette partie importante 52. CERD/C/54/D/10/1997. Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 53 La non-discrimination : un droit fondamental de l’ICERD. Lors de l’examen de la situation dans l’un des pays, la question a été soulevée et le CERD a noté « avec préoccupation la position de l’Etat partie à l’égard de l’obligation qui est la sienne, aux termes des alinéas (c) et (d) du paragraphe 1 de l’article 2, de faire cesser la discrimination raciale pratiquée par des personnes, des groupes ou des organisations – position selon laquelle l’interdiction et la répression de comportements relevant de la sphère purement privée n’entrent pas dans le champ de la réglementation gouvernementale, même là où la liberté de la personne s’exerce de manière discriminatoire. » Le comité a recommandé à l’Etat partie « de réviser sa législation afin d’ériger en infraction pénale une aussi grande partie que possible des comportements relevant de la sphère privée présentant un caractère discriminatoire motivés par des considérations de race ou d’ethnie ».53 En conclusion, les tribunaux et les organes parajudiciaires disposent avec le Protocole n° 12 d’un instrument utile ; toutefois, il ne peut se substituer entièrement aux Conventions des Nations Unies qui ont un champ d’application plus large en rapport avec des questions de la plus haute importance dans les pays européens. 53. CERD A/56/18 paragraphe 392 (2001). 54 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental Combattre le terrorisme en combattant la discrimination : le Protocole n° 12 constitue-t-il une aide ? M. James A. Goldston Directeur exécutif, Open Society Justice Initiative On a demandé à ce panel d’aborder la question de la « portée du Protocole n° 12 ». C’est ce que j’aimerais faire en concentrant ces brefs commentaires sur un ensemble de problèmes qui, je pense, concernent le protocole : l’application d’une législation antidiscriminatoire européenne à la lutte antiterroriste. Aujourd’hui, un défi important que doit relever l’Europe est de garantir que la lutte contre la violence terroriste soit menée d’une manière intelligente, efficace et non discriminatoire. Ces dernières années, quelques gouvernements, et ce pour des raisons compréhensibles, ont été particulièrement actifs dans l’adoption et la mise en œuvre de mesures antiterroristes. Parallèlement, les organes officiels de l’Europe ont substantiellement élargi le cadre juridique et normatif interdisant la discrimination raciale et ethnique. En 2000, l’Union européenne a adopté la directive relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique, qui interdit la discrimination directe aussi bien qu’indirecte pour des raisons d’origine raciale ou ethnique. La même année, le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe a ajouté le Protocole n° 12 à la Convention européenne des Droits de l’Homme. En outre, la Cour européenne des Droits de l’Homme a commencé – pour faire face à la multitude de procès intentés par les victimes et les groupes d’intérêt public – à dégager une jurisprudence interprétant l’interdiction de la discrimination fondée sur la race, l’origine ethnique et l’origine natio- Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 55 La non-discrimination : un droit fondamental nale et mentionnée à l’article 14. L’arrêt Nachova de la Grande Chambre, rendu plut tôt cette année, est à cet égard très révélateur. A ce jour et en dépit de ces développements positifs, on ne s’est pas suffisamment préoccupé, au-delà des grandes déclarations ou des bonnes intentions, de faire coïncider la lutte antiterroriste avec l’effort déployé pour combattre la discrimination raciale et ethnique. C’est la raison pour laquelle il faut approfondir la réflexion sur la relation bilatérale de ces deux phénomènes. En ce sens, le Protocole n° 12 s’inscrit parfaitement dans cette discussion. Actuellement, on constate dans le monde que certains gouvernements ont adopté, depuis le 11 septembre, une attitude tendant à surveiller particulièrement certaines fractions de la population ou à accorder moins de protection à des personnes étrangères ou originaires de pays arabes ou musulmans bien définis. Dans certains cas, on a estimé que des groupes entiers – par exemple ceux désignés par le terme de « combattants ennemis hors la loi » – ne bénéficiaient pas de protection juridique. Sur le plan historique, les sociétés confrontées à des menaces ont souvent manifesté plus de volonté à sacrifier la liberté d’une minorité au profit de la sécurité de la majorité. Le passé de mon propre pays est profondément marqué par l’internement forcé pendant la seconde guerre mondiale de dizaine de milliers d’Américains d’origine japonaise fondé uniquement sur leur ascendance ou sur leur origine nationale. Je voudrais être clair. Le terrorisme constitue une menace réelle et sérieuse pour les droits de l’homme et la sécurité des personnes. En ce sens, il mérite une réponse énergique de la part des gouvernements. Toutefois il serait contre-productif d’établir des normes et de sélectionner quelles sont celles qui sont applicables et quelles sont celles qui ne le sont pas, ou encore de faire de nombreuses exceptions pour des groupes entiers. 56 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental Heureusement le Conseil de l’Europe a une approche différente. En effet, les lignes directrices sur les droits de l’homme et la lutte antiterroriste énoncent clairement « que toutes les mesures prises par les États pour lutter contre le terrorisme54 doivent … [exclure] tout arbitraire ainsi que tout traitement discriminatoire ou raciste » (Lignes directrices II). De même, le texte du Protocole n° 12 tout en rejetant une approche sélective et peu méthodique affirme que « TOUTES LES PERSONNES sont égales devant la loi et ont droit à une égale protection de la loi » (Préambule). Cependant comment appliquer ces principes dans la pratique, c’est-à-dire dans les situations de la vie quotidienne ? Laissez-moi brièvement proposer quelques méthodes grâce auxquelles le Protocole n° 12 faciliterait l’application de normes antidiscriminatoires relatives à la lutte antiterroriste. Ce faisant, je vais aborder plusieurs « sous- thèmes » prévus par ce panel y compris la portée du Protocole n° 12, sa relation avec l’article 14 de la Convention et avec le droit de l’Union européenne ainsi que la question de l’effet horizontal. Il existe une multitude d’activités gouvernementales impliquées dans la lutte antiterroriste qui seraient particulièrement concernées par la « portée de la protection additionnelle mentionnée à l’article 1 du Protocole n° 12 » (rapport explicatif, paragraphe 22). Vu le temps disponible, nous ne pourrons aborder que les deux thèmes suivants : l’utilisation du profil ethnique par la police lors de la pratique des interpellations, fouilles à corps, opérations de surveillance et activités similaires ainsi que la sélection de personnes appartenant à une race, ethnie, religion, origine nationale ou nationalité particulières pour les soumettre à un traitement spécifique en matière de politique d’immigration et/ou de déchéance de nationalité. 54. Adoptées le 11 juillet 2002. Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 57 La non-discrimination : un droit fondamental 1. Profil ethnique Ces dernières années, plusieurs gouvernements européens ont eu recours, en appliquant la loi, à des politiques de profil racial ou ethnique considérées comme aptes à lutter contre la violence terroriste. Concernant le profil racial ou ethnique, je me réfère à l’utilisation blessante des stéréotypes raciaux ou ethniques sur lesquels reposent les décisions du personnel chargé d’enquêter et d’appliquer la loi pour apprécier qui a été ou pourrait être impliqué dans une activité criminelle. Le profil ethnique n’est pas inconnu. En effet, l’ECRI et d’autres organisations ont souvent constaté sa présence dans de nombreux États membres du Conseil de l’Europe. Ces dernières années, de nombreux gouvernements ont concentré leurs activités policières et leurs méthodes d’investigation sur des personnes qui avaient l’air d’être d’origine musulmane ou arabe. Malheureusement, on n’a jamais pu vraiment élucider si le lien avec cette identité musulmane ou arabe se basait sur une information concernant un incident spécifique en un endroit particulier ou sur une large présomption selon laquelle, en règle générale, les musulmans ou les arabes ont plus de chances d’être des terroristes. En effet, certains gouvernements se sont montrés très ouverts à l’utilisation du profil ethnique. Au début de l’année 2005, un ancien ministre d’un État membre de l’Union européenne a déclaré expressément que la communauté musulmane allait inévitablement faire les frais, et ce d’une manière disproportionnée, de la législation antiterroriste, dans la mesure où c’est de là que vient la menace terroriste. D’autres gouvernements auraient chargé les services de police de réunir des données relatives à des jeunes gens d’origine islamique auprès des universités, des services de l’état civil, des assurances maladie ainsi que d’autres institutions. En 2002 la réunion de travail de l’UE sur le terrorisme dressa pour les Etats membres une liste de recommandations relative à 58 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental l’utilisation du « profil terroriste » en se servant pour ce faire d’un ensemble de variables comprenant la nationalité, l’âge, l’éducation, le lieu de naissance, des caractéristiques psychosociologiques, la situation de famille, et ce afin d’identifier les terroristes avant qu’ils ne passent à l’action. Ces développements soulèvent de véritables questions. Le Réseau d’experts indépendants de l’UE en matière de droits fondamentaux se montre très préoccupé par le développement du profil terroriste par la police ou les services d’immigration, ce qui, et c’est un avertissement, « présente un risque important de discrimination »55. Selon le Réseau, « l’élaboration de tels profils à des fins opérationnelles ne saurait être admise qu’en présence d’une démonstration claire, statistiquement significative, de liens entre de telles caractéristiques et le risque de terrorisme. Cette démonstration n’est pas apportée à l’heure actuelle56 ». Les méthodes du profil racial impliquent clairement des normes anti-discriminatoires. Ainsi, la Recommandation n° 8 de politique générale de l’ECRI sur la législation nationale pour lutter contre le racisme tout en combattant le terrorisme, adoptée par l’ECRI le 17 mars 2004, recommande particulièrement aux gouvernements « d’accorder à cet égard une attention particulière aux moyens de garantir de façon non-discriminatoire la liberté … de mouvement et de faire en sorte qu’aucune discrimination ne résulte de la législation et des réglementations – ou de leur application – régissant (entre autres) les contrôles auxquels procèdent les forces de l’ordre sur le territoire des États et le personnel de contrôle aux frontières ». Actuellement il n’est pas avéré que de telles pratiques contreviennent au droit positif de l’Union européenne ou à la Convention européenne. En ce sens, le Protocole n° 12 en créant une 55. Réseau d’experts indépendants de l’UE en matière de droits fondamentaux « Rapport sur la Situation des Droits Fondamentaux dans l’Union européenne et ses États membres en 2002 » (mars 2003), paragraphe 4. 56. Idem Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 59 La non-discrimination : un droit fondamental norme non-discriminatoire indépendante semble combler une lacune. Apparemment, la recommandation antidiscriminatoire principale de l’UE relative aux questions de discrimination raciale et ethnique – la directive relative à la mise en oeuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique de l’année 2000 – ne vise pas ces questions. Certains observateurs sont allés très loin et ont suggéré qu’on pouvait concevoir que le maintien de l’ordre relève également des marchandises et des services disponibles au public et pour lesquels la directive prévoit un accès égal (Art. 3 (1) (h)). Mais cette interprétation semble entrer en conflit avec le champ d’application des pouvoirs limités de la Communauté européenne. L’idée selon laquelle l’article 14 de la Convention européenne, lu avec l’un des autres articles, empêcherait la police d’appliquer la méthode du profil racial et ethnique bénéficie d’un soutien majeur. Quand l’activité en question consiste dans des interpellations et des fouilles à corps, tout dépend du sens donné par l’article 5 (1) aux mots « arrestation » et « détention ». Certains prétendent que, lorsqu’un policier fait savoir à une personne, et ce par le biais d’une contrainte physique, de paroles ou d’un comportement, qu’elle n’est pas libre de s’en aller, il s’agit alors d’une arrestation au sens de l’article 557. D’autre part il existe une jurisprudence des organes de Strasbourg énonçant que c’est « l’intention de la police » qui devrait déterminer si une personne est en état d’arrestation – auquel cas, la question n’est pas vraiment claire58. L’utilisation du profil ethnique à d’autres fins, déjà contestable en soi, serait encore plus difficile à justifier au titre de la Convention, et pourrait tomber sous le coup de l’interdiction de la discrimination prévue à l’article 14. Ainsi, lorsque la police 57. Harris, O’Boyle, Warbrick, Law of the European Convention on Human Rights (1995), p. 100 58. X c. RFA, No. 8819/79, 24 DR 158 (1981) 60 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental surveille des personnes dans des lieux publics, et ce d’une manière qui ne respecte pas clairement l’intimité de la vie privée mentionnée à l’article 8, et que cette surveillance se concentre uniquement sur des personnes d’une ethnie, d’une origine nationale ou d’une apparence raciale particulières, il n’est pas sûr qu’un tel comportement soit interdit par la Convention sous sa forme actuelle. Le Protocole n° 12 englobe plus nettement cette activité soit parce que les interpellations, les fouilles à corps et la surveillance policière correspondent aux termes du paragraphe 22 du rapport explicatif à « l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la police », soit parce qu’elles constituent « d’autres actes ou omissions de la part des autorités publiques ». 2. Immigration et citoyenneté La méthode du profil ethnique est un domaine où le Protocole n° 12 peut apporter la clarté dont le cadre législatif a besoin. La discrimination relative à l’immigration et à la citoyenneté relève d’un autre domaine. Ces dernières années, de nombreux gouvernements ont durci leur politiques d’immigration et de citoyenneté, et ce dans le but d’empêcher des personnes soupçonnées d’être des terroristes d’entrer sur leur territoire ou/et de les éloigner. Sans aucun doute, il est très utile de rechercher ce qui peut être fait légalement pour maintenir à l’extérieur des frontières nationales des personnes connues pour être impliquées dans la violence terroriste. Néanmoins, cet effort semble se traduire par la sélection de groupes de personnes déterminés en fonction de l’origine ethnique, de la race, de l’origine nationale ou de la nationalité. De nombreux pays ont proposé et adopté des mesures diverses pour (i) limiter l’immigration et /ou les droits de séjour, accélérer l’expulsion (ii) et/ou déchoir de leur nationalité des personnes suspectées d’être impliquées dans le soutien d’activités terroristes. Dans la pratique, de telles mesures visaient souvent Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 61 La non-discrimination : un droit fondamental des personnes à peau foncée, originaires de certains pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient. Au niveau normatif, la Recommandation n° 8 de politique générale d’ECRI préconise que les gouvernements fassent en sorte qu’aucune discrimination ne résulte de la législation et des réglementations – ou de leur application – régissant notamment les domaines suivants : • « expulsion, extradition, reconduite à la frontière et principe de non-refoulement • délivrance de visas • permis de séjour et de travail et regroupement familial • acquisition et retrait de la nationalité » Cependant les directives sont de nouveau moins nombreuses au niveau du droit positif. La directive relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique de l’Union européenne n’est vraisemblablement pas d’un grand secours dans la mesure où « elle ne vise pas les différences de traitement fondées sur la nationalité et s’entend sans préjudice des dispositions et conditions relatives à l’admission et au séjour des ressortissants de pays tiers et des personnes apatrides sur le territoire des Etats membres et de tout traitement lié au statut juridique … » (article 3, alinéa 2). Il faut donc également se poser la question si la Convention européenne des Droits de l’Homme dans sa version actuelle pourrait éventuellement être d’un grand secours pour répondre à ces questions. Ce qui est certain, c’est que la Cour européenne a déjà clarifié que l’article 14 interdit la discrimination pour des motifs de nationalité ou pour des motifs fondés sur la race et l’origine nationale ou ethnique (Gayguszuz). Les motifs énumérés dans le texte de l’article 14 ainsi que dans le Protocole n° 12 ne sont pas 62 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental exhaustifs59. En outre, le retrait arbitraire de la nationalité pourrait donner lieu, dans certaines circonstances, à une demande de réparation mentionnée à l’article 3 et peut-être dans d’autres dispositions. Cela étant, la Convention, jusqu’ici, ne donne à aucune personne le droit d’obtenir la nationalité d’un pays particulier. Cette position reflète la tendance générale du droit international. De même, alors que la reconduite à la frontière et/ou l’expulsion de ressortissants étrangers peut soulever une multitude de problèmes au titre des différents articles de la Convention, cette dernière n’accorde pas aux ressortissants étrangers le droit d’asile ou le droit d’entrée sur le territoire. Ainsi, il sera actuellement difficile d’accepter une plainte concernant une discrimination raciale ou ethnique et relative aux droits d’entrée des ressortissants étrangers sur le territoire60. En ce qui concerne la méthode policière du profil ethnique, là aussi, le Protocole n° 12 ferait disparaître certaines ambiguïtés de la protection juridique existante en instaurant une garantie indépendante de non-discrimination. Au minimum, le protocole contraindrait les gouvernements à justifier d’une manière plus rigoureuse et substantielle des politiques qui, en matière d’accès 59. Voir le rapport explicatif, paragraphe 20 (« la liste des motifs de discrimination figurant à l’article 1 est identique à celle de l’article 14 de la Convention » ; « inutile d'un point de vue juridique » d’ajouter des motifs spécifiques puisque la « liste des motifs de discrimination n’est pas exhaustive … ( La) Cour européenne des droits de l'Homme a déjà appliqué l’article 14 à l’égard de motifs de discrimination qui ne sont pas mentionnés dans cette disposition »). 60. Dans l’arrêt Asiatiques de l’Afrique orientale c. RU (1973), 3 EHRR 76, la Commission européenne a déclaré que le fait de sélectionner un groupe de citoyens britanniques en fonction de motifs raciaux et de leur refuser les droits d’entrée constituait un traitement dégradant. Justement dans ce cas de figure, comme le RU n’avait pas et n’a toujours pas ratifié le Protocole n° 4 garantissant le droit des citoyens à entrer dans leur propre pays, la Commission ne pouvait se baser sur l’article 14, mais devait fonder son raisonnement sur les articles 3 et 8. Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 63 La non-discrimination : un droit fondamental à la citoyenneté ou de politique d’immigration, sélectionnent des nationalités particulières ou des groupes ethniques pour les soumettre à un traitement spécifique discriminatoire. Indépendamment de l’état actuel du droit positif de la nationalité, de l’immigration et du droit au séjour des ressortissants étrangers inscrit dans la Convention européenne, le Protocole n° 12 interdirait plus clairement des pratiques de discrimination raciale et ethnique dans l’exercice de ces droits et donnerait ainsi aux gouvernements tout comme aux victimes potentielles d’abus des informations plus précises sur ce qui est autorisé61. 3. Effet horizontal Une autre question concernant le lien entre les normes antidiscriminatoires et la lutte antiterroriste est celle de l’effet horizontal. Par manque de temps, je n’entrerai pas ici dans les détails, mais je voudrais juste mentionner que dans certains pays, et ce depuis 2001, des personnes perçues comme musulmanes ou arabes ont souffert d’un contrecoup de discrimination, et dans certains cas, ont été victimes de la part de particuliers de violences physiques ou visant la propriété. Ainsi, lorsque des personnes perçues comme musulmanes ou arabes se voient refuser des offres d’emploi ou l’accès aux bars, restaurants ou autres établissements commerciaux, ou encore subissent des discriminations qui ne sont pas couvertes pas les dispositions de fond de la Convention, il serait alors pertinent d’étendre la portée du protocole aux particuliers. 61. Bien de ce que je dis ne doit être interprété comme laissant entendre que le droit international actuel n’a pas encore interdit ces pratiques discriminatoires. Je crois qu’il l’a fait. Prenons à ce titre un premier exemple : en décembre dernier, la Chambre des Lords du Royaume-Uni, se basant sur la législation nationale et sur les principes du droit international coutumier, statua que les fonctionnaires britanniques du service de l’immigration de l’aéroport de Prague avaient commis une discrimination raciale illicite en traitant moins bien les Roms cherchant à partir au RU que les personnes n’appartenant pas à ce groupe mais se trouvant dans la même situation. Regina c. fonctionnaire du service de l’immigration à l’aéroport de Prague (2004) UKHL 55 (décembre 9, 2004) 64 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental Le rapport explicatif du Protocole n° 12 suggère que « néanmoins, la portée de toute obligation positive découlant de l’article 1 sera probablement limitée au cas de lacune manifeste dans la protection offerte par le droit national contre la discrimination »62. Le nombre de pays dépourvu de législations adéquates pour traiter la discrimination privée tend à diminuer, et ce grâce en partie à l’obligation de transposer la directive européenne relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique dans les Etats membres de l’UE. Cependant, il y a encore des points qui méritent d’être examinés. Un en particulier devrait l’être : dans quelle mesure des actions gouvernementales pratiquant ouvertement le profil ethnique sur des personnes perçues comme musulmanes ou arabes délivrent-elles un message, même si cela n’est pas intentionnel, aux acteurs privés – employeurs, compagnies aériennes et autres – signifiant que l’identité musulmane et arabe constitue un facteur central justifiant le soupçon de terrorisme ? Etant donné que les méthodes de lutte antiterroriste utilisées par les gouvernements encouragent la discrimination privée, peut-on alors en déduire que l’effet horizontal du Protocole n° 12 serait élargi ? Naturellement, il existe de nombreux domaines où la lutte antiterroriste touche les minorités raciales et ethniques, et beaucoup sont couverts par la Convention européenne des Droits de l’Homme dans sa version actuelle. Ces domaines comprennent les points suivants : la protection du droit au respect de la vie privée et familiale mentionnée à l’article 8, les limites fixées par la liberté d’expression en cas de discours soutenant la violence terroriste mentionnées à l’article 10 ainsi que le droit à un procès équitable et les libertés des personnes accusées mentionnées, entre autres dispositions, aux articles 3, 5 et 6. Cependant le Protocole n° 12 procure à l’Europe, dans sa lutte contre le terrorisme, un instrument potentiellement fort qui 62. Rapport explicatif, paragraphes, 26, 27 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 65 La non-discrimination : un droit fondamental lui permet d’intensifier la protection contre la discrimination. Et pour cette seule raison, il mérite un soutien plus large de la part des gouvernements. 66 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental Le Protocole n° 12 et la Charte sociale M. Jean-Michel Bélorgèy Président du Comité européen des Droits sociaux Les dispositions du Protocole n° 12 ont une résonance familière pour les membres du Comité européen des Droits sociaux. Ce Comité qui est l’organe de régulation de la Charte sociale du Conseil de l’Europe, complément dans le domaine des droits sociaux de la Convention de sauvegarde dans le domaine des droits civils et politiques, procède d’une part à la lecture de rapports, d’autre part, depuis quelques années, à l’examen de réclamations collectives présentées contre les Etats qui en ont accepté le principe. Le CEDS s’est de longue date mesuré à la question des discriminations qui est traitée par l’article E de la Charte révisée. Il s’y est de fait attaché, bien avant l’entrée en vigueur de la Charte révisée, sur le fondement des dispositions du préambule de la Charte sociale originelle, pour traiter du problème du droit du travail applicable aux femmes, du problème des prestations sociales servies aux étrangers ou aux travailleurs ayant une faible durée de travail. C'est à la lumière de cette expérience que je voudrais faire deux types de remarques. Premier type de remarques : la différence essentielle entre le Protocole n° 12 et la Charte, comme entre le Protocole n° 12 et la Convention européenne des droits de l’homme est évidemment que la prohibition de la discrimination qui figure dans la Charte concerne les droits dont elle traite, les droits sociaux au sens large, alors que la prohibition énoncée par le Protocole vaut pour tout droit et, ça ne fait pas tout de suite aussi facilement image, pour les comportements de l’autorité publique. Ce qui, dans cette transversalité, est un élément extrêmement positif, et d’ailleurs le rapport explicatif du Protocole le fait valoir, c’est qu’on peut saisir une partie au moins des abstentions fautives des Etats autant que certaines de leurs initiatives contrevenant au Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 67 La non-discrimination : un droit fondamental principe de non-discrimination. Ce qui est moins positif c’est que les Etats peuvent s’estimer dispensés de prendre certaines initiatives législatives ou réglementaires, et que – Michael Head l’a fortement fait ressortir tout à l’heure – les comportements discriminatoires se manifestant dans les relations entre personnes privées peuvent ne pas être regardés comme relevant de la responsabilité des Etats. C’est une toute autre doctrine que, dans le cadre de la Charte qu’il a pour mission d’appliquer, le Comité européen des Droits sociaux a fait prévaloir. Non seulement, et un peu comme Morten Kjaerum le faisait valoir pour les instruments des Nations Unies, la Charte fait obligation aux Etats de prendre un certain nombre d’initiatives normatives en vue de prévenir certaines discriminations ou de les interdire, mais, lorsque les comportements discriminatoires sont attestés par des acteurs sociaux dans le champ de compétence d’un Etat, il est courant que le Comité européen des Droits sociaux soit amené à relever que l’Etat s’est engagé, et que seraient-ce les partenaires sociaux qui contreviennent à l’obligation de non-discrimination, serait-ce une autorité locale, serait-ce une entreprise, même sans participation publique, l’Etat est comptable de ces discriminations. C’est ce que le Comité européen des Droits sociaux a notamment relevé hier, alors qu’il siégeait, pour accepter la réclamation collective d'une Fondation grecque contre les manquements de l’Etat grec à un certain nombre d’obligations. L’idée est qu’il incombe aux Etats non seulement de ne pas discriminer, mais de ne pas tolérer de discriminations, et par conséquent, de prendre des initiatives concrètes en vue de prévenir ou de réprimer les discriminations. C’est ce qui me semble-t-il, contribuera, par delà le Protocole n° 12 – et Morten Kjaerum l’a fait valoir fortement – à garder tout leur intérêt aux instruments internationaux, de champ mondial ou de champ européen, qui prévoient non pas des bons usages, non pas un droit d’une certaine manière essentiel, comme le Protocole n° 12 mais aussi un droit incarné avec à la fois du droit et de la chair, car les bons usages ne sont pas suffisants, le droit essentiel a ses vertus, mais l’idéal est un droit avec de la chair. 68 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental Ma deuxième catégorie de remarques consistera à faire ressortir que l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 va, compte tenu de ses ambitions d’exhaustivité, mais aussi de sa rédaction elliptique, qui fait renvoi à l’acquis jurisprudentiel dont il a été question ce matin, faire rebondir trois questions, dont la portée a déjà été évoquée dans le cours de la discussion, mais que je voudrais à nouveau caractériser. Première question : non-discrimination ne signifie pas traitement identique en toutes circonstances de toutes les catégories de sujets de droit. Il peut y avoir justification objective d’un traitement différent : toute la question est cependant de savoir où l’on fait passer la limite entre ce qui est traitements différents admettant une justification objective et traitements ne l’admettant pas ; et ceci est singulièrement compliqué sur des terrains où les Etats sont sensibles, voire crispés : la nationalité, la régularité du séjour des étrangers présents sur le territoire, le séjour ou pas des enfants en matière de prestations familiales. Il faut saluer à cet égard les décisions qui ont été relatées par Martin Scheinin s’agissant du Comité des droits de l’homme des Nations Unies, l’histoire des pensions des anciens militaires de l’armée française d’origine sénégalaise que la France ne voulait pas payer au même niveau que les pensions françaises ; et s’agissant de la Cour européenne des droits de l’homme par Mme Tsatsa-Nikolovska, qui nous a rappelé les affaires françaises, autrichiennes et turques en matière de prestations sociales. Mais il y a toutes sortes de problèmes liés aux services des prestations sociales aux étrangers qui vont certainement resurgir à travers le Protocole n° 12. Il ne faudrait pas que les juges qui en seront saisis développent une posture si innovante que les Etats, même raisonnables, se sentiraient pris à partie. Il ne faudrait pas non plus que le Protocole fasse naître chez certaines catégories d'usagers, de justiciables, des espoirs qu’on ne pourra satisfaire. Deuxième question : la non-discrimination n’appelle pas toujours un traitement identique ; il y a des gens dans des situations différentes qu’il faut traiter différemment, en général plus Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 69 La non-discrimination : un droit fondamental favorablement – mais pas toujours forcément – en tout cas par des procédés impliquant un détour de stratégie, un effort singulier pour pourvoir à la prise en compte de caractéristiques singulières. C’est le sens le plus profond de l’arrêt Thlimmenos contre Grèce de la CEDH qui a déjà été évoqué. Le Comité que je préside a lui-même fait application d’un raisonnement de ce type dans une décision concernant des personnes handicapées autistes – Autisme-Europe contre France. Il a fait application du même raisonnement dans l’affaire Rom Center contre Grèce concernant les tsiganes en Grèce. Il faut savoir jusqu’où on peut aller dans ce domaine, non seulement à l’intérieur d’enceintes spécialisées comme le CEDS, mais dans le cadre de l’application du Protocole n° 12, et s’il est possible, notamment, d’aller assez loin pour traiter de problèmes dont je sais qu’ils inquiètent beaucoup cette maison, comme l’islamophobie. Est-ce que, dans le domaine du droit du travail, on pourra, par le canal du Protocole n° 12, mieux qu’on ne l’a fait jusqu’à présent, résoudre le problème des libertés religieuses des ressortissants de religions minoritaires, allogènes à l’Europe, problème sur lequel plus d’une juridiction nationale a pris position de façon spécialement inadéquate du point de vue des équilibres politiques et humains ? Dernière – et j’en ai fini, Monsieur le Président – question qui risque de rebondir. La non-discrimination doit, dans plusieurs cas, être conciliée avec la protection. C’est ce qui rend la question de la non-discrimination en matière de santé, en matière de handicap, en matière de personnes âgées plus compliquée que la question de la non-discrimination dans d’autres secteurs. C’est ce que l’on doit toujours aussi avoir tête – et on ne l’a pas toujours malheureusement en tête – concernant les femmes enceintes ou allaitantes. Comment assurer cette conciliation ? Quelle ligne de partage, là encore, pourra-t-on dégager dans le cadre de la juridiction à compétence transversale, je ne parle pas des enceintes spécialisées. 70 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental C’est, à mon avis, la mesure, mais aussi l’adéquation des solutions dégagées pour traiter de ces différentes questions qui fera le succès d’un Protocole qui, tout en résolvant un certain nombre de questions, en soulève beaucoup, et dont la fécondité gagnerait à être recherchée dans le dialogue avec les enceintes spécialisées, soit des Nations Unies, soit du Conseil de l’Europe. Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 71 La non-discrimination : un droit fondamental Les relations entre la législation de l’Union européenne et le Protocole n° 12 M. Mark Bell Centre pour le droit et l’intégration européens, Université de Leicester 1. Introduction Au cours des cinq années qui ont suivi la signature du Protocole n° 12, la législation de l’Union européenne en matière de lutte contre la discrimination a connu une évolution rapide dont le moment décisif remonte à 1999. C’est en effet cette année-là que le Traité d’Amsterdam est entré en vigueur, venant ainsi ajouter une nouvelle disposition au Traité CE, à savoir l’article 13. Comme nombre d’entre vous le savent déjà, cette disposition permet à l’Union d’adopter des mesures en vue de combattre toute discrimination fondée sur le sexe, la race ou l’origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle. Bien que l’article 13 soit pour l’essentiel une disposition habilitante, l’UE n’a pas tardé à exploiter les possibilités qu’il offrait. Fait plus remarquable, en 2000, elle a adopté deux directives sur la discrimination : • L’une relative à l’égalité de traitement sans distinction de race aux termes de laquelle les Etats doivent interdire toute discrimination fondée sur la race ou l’origine ethnique dans un large éventail d’activités sociales tels que l’emploi, l’éducation, les soins de santé, le logement63 • et l’autre relative à l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail qui prévoit l’obligation pour les 63. Directive 2000/43/CE mettant en oeuvre le principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique [2000] JO L180/22. 72 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental Etats d’interdire toute discrimination fondée sur la religion et les convictions, un handicap, l’âge et l’orientation sexuelle dans l’emploi et la formation professionnelle64. En outre, en 2004, l’Union a recouru à l’article 13 pour étendre l’interdiction existante à la discrimination fondée sur le sexe sur le marché du travail. La nouvelle directive fait obligation aux Etats d’interdire toute discrimination entre les hommes et les femmes en matière d’accès aux biens et services65. Avec une telle activité au sein de l’Union européenne, on peut légitimement se demander si le Protocole n° 12 est pertinent, voire nécessaire aux Etats de l’Union. C’est pourquoi je souhaiterais, dans ce bref exposé, mettre en lumière un certain nombre de différences fondamentales entre la législation de l’Union en matière de lutte contre la discrimination et le Protocole n° 12. Ces différences sont l’illustration du caractère complémentaire de ces sphères du droit. 2. Motifs de discriminations A première vue, l’observateur non averti pourrait conclure que la législation de l’UE est plus centrée sur les problèmes saillants et contemporains en matière d'égalité. Les dispositions de la directive sur l’égalité de traitement en matière d'emploi concernant le handicap, l’âge et l’orientation sexuelle étaient novatrices ; si la plupart des Etats membres possédaient déjà une législation nationale pour combattre la discrimination fondée sur le sexe, la race et la religion, pour les autres motifs l’expérience était bien moindre. En dépit du débat animé sur le fait de savoir si ces motifs devraient être ou non expressément inclus dans le Protocole n° 12, il avait été finalement décidé de retenir la liste 64. Directive 2000/78/CE établissant un cadre général en vue d’une égalité de traitement en matière d’emploi et de travail [2000] JO L303/16. 65. Directive 2004/113/CE mettant en oeuvre le principe de l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l’accès à des biens et services et la fourniture de biens et services, [2004] JO L373/37. Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 73 La non-discrimination : un droit fondamental non exhaustive des motifs de discrimination figurant déjà à l’article 14 de la Convention européenne des Droits de l’Homme. A l’époque, l’inexistence apparente de motifs tels que l’orientation sexuelle et le handicap avait préoccupé quelques ONG. Depuis, ces préoccupations ont, dans une certaine mesure, été apaisées par l’évolution de la jurisprudence de la Cour des Droits de l’Homme. Ainsi, par exemple, une série de décisions a systématiquement confirmé que l’article 14 englobait l'orientation sexuelle. Qui plus est, il s’agit là d'un motif à propos duquel la Cour exige des « raisons particulièrement sérieuses » pour justifier une différence de traitement66. La conception plus globale de la discrimination que l’on trouve dans le Protocole n° 12, présente certains avantages par rapport à l’approche de l’UE. J’en donnerai deux exemples. Premièrement, une liste non exhaustive des motifs constitue un instrument souple permettant de traiter des formes de discriminations se chevauchant. A l’opposé, la législation de l’UE pour combattre la discrimination répartit cette dernière en catégories qui ne correspondent pas toujours à la réalité sociale. Ainsi, par exemple, les recoupements entre discriminations fondées sur la race, l’origine ethnique et la religion sont devenus de plus en plus évidents depuis 2000, tout particulièrement pour ce qui est des communautés musulmanes issues de l’immigration. La distinction que la législation de l’Union fait entre l'origine ethnique et la religion continue à poser problème. Deuxièmement, l’éventail des motifs de discriminations figurant au Protocole n° 12 permet une adaptation à l’évolution sociale. Lorsque l’Union a adopté la directive relative à l’égalité de traitement sans distinction de race, la discrimination fondée sur la race et l’origine ethnique était largement perçue en Europe comme un problème touchant les communautés immigrées. 66. Paragraphe 45, L. et V. c. Autriche, Requêtes 39392/98 et 39829/98, 9 janvier 2003. 74 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental L’élargissement de l’Union en 2004 a mis en lumière d’autres défis sociaux : • la situation des minorités nationales historiques (par exemple, les Hongrois en Roumanie) ; • l’exclusion socio-économique des communautés roms ; • la situation des communautés russes au sein des Etats baltes. Le Protocole n° 12 englobe ce type de motifs de discrimination sous le vocable « origine nationale ou sociale » et « appartenance à une minorité nationale ». Il s’agit de domaines où la législation de l’Union sur la lutte contre la discrimination reste ambiguë et ne reflète plus totalement le contexte social dans lequel elle sera appliquée. 3. Champ d’application concret Eu égard aux origines de l’UE, qui sont celles d’une organisation économique, la législation de l’Union en matière d’égalité entre les sexes a d’abord mis l’accent sur la lutte contre la discrimination dans l’emploi. Dans ce contexte, la directive relative à l’égalité de traitement sans distinction de race a marqué une évolution significative qui va bien au-delà des problèmes du marché du travail. Toutefois, la mise en œuvre des dispositions de cette directive dans les domaines autres que l’emploi s’est avérée difficile. Dans au moins sept Etats, la transposition de cet aspect de la directive en question dans la législation nationale n’a pas encore été effectuée totalement (République tchèque, Estonie, Allemagne, Lettonie, Luxembourg, Malte et Pologne). Encore une fois, le Protocole n° 12 peut, comparé à la législation de l’Union, apporter une valeur ajoutée. En interdisant la discrimination dans l’ensemble de la sphère publique, ce protocole évite les éventuels problèmes concernant les frontières exactes de la législation sur la lutte contre la discrimination. Ainsi, par exemple, si la directive relative à l'égalité de traitement sans Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 75 La non-discrimination : un droit fondamental distinction de race englobe la fourniture de biens et services, il reste des zones grises pour lesquelles on ne sait précisément si elle est applicable. Les décisions municipales concernant l’octroi d’autorisation d’aménagement relèvent-elles de la notion de fourniture de « services » ? La portée générale du Protocole n° 12 constitue une réponse plus efficace au risque d’omission ou de zone d’ombre quant au champ d’application de la législation. L’un des atouts de la législation de l’UE en matière de discrimination tient à ce qu’elle privilégie la lutte dans les interactions sociales quotidiennes. Les normes les plus développées concernent le marché du travail, mais la législation s’étend progressivement aux inégalités dans le domaine de la prestation de biens sociaux clés tels que les services financiers ou l’accès aux espaces publiques (exemple : bars et restaurants). Si la législation de l’Union tend à insister sur la discrimination de la part des acteurs tant publics que privés sur les marchés (comme le marché du travail ou celui des services), le Protocole n° 12 se caractérise par une orientation différente, mais complémentaire, elle met l’accent sur l’Etat. C’est une façon de reconnaître que, dans certaines sphères, l’Etat reste l’acteur dominant et l’agent principal en matière de garantie d’égalité. Fait des plus remarquables, la législation de l’Union ne porte pas sur la répression, domaine pourtant central en matière d’égalité. La récente décision de la Cour des Droits de l’Homme dans l'affaire Nachova c. Bulgarie67 met en lumière la nécessité de lutter contre la discrimination au niveau de la répression, mais également le caractère sensible d’une discrimination éventuelle durant les processus de poursuite et d’enquête. Combiner les directives de l’UE et le Protocole n° 12 offre une réponse plus complète à la discrimination, que celle-ci intervienne dans les domaines public ou privé. 67. Nachova c. Bulgarie, Requêtes 43577/98 et 43579/98, 2 juillet 2005. 76 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental 4. Définition de la discrimination Le dernier exemple que je souhaite aborder ici est celui de la définition de la discrimination. Le Protocole n° 12 n’en comporte pas ; par contre, le rapport explicatif fait référence aux principes établis par la Cour européenne des Droits de l’Homme en application de l’article 14. Une différence de traitement ne saurait être illégale si elle poursuit un but légitime et s’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but poursuivi68. A l’opposé, les directives de l’Union donnent une définition plus détaillée et rigoureuse de la discrimination. Une distinction précise est faite entre la discrimination directe qui normalement ne saurait être justifiée, et la discrimination indirecte pour laquelle une justification objective reste possible. En outre, les directives de l’Union comportent une interdiction explicite du harcèlement et de la victimisation des plaignants. Les différences d’approches de la définition de la discrimination sont le reflet du caractère distinct de ces domaines du droit. Comme nous l’avons vu, le Protocole n° 12 fournit une protection contre la discrimination dans l’ensemble de la sphère publique et pour un éventail illimité de motifs. En conséquence, il était nécessaire de laisser aux Etats suffisamment de marge de manœuvre pour pouvoir justifier les différences de traitement qui seraient nécessaires et appropriées. En se concentrant sur un éventail limité de motifs dans des domaines spécifiques, la législation de l’Union a imposé plus de restrictions à la liberté d’appréciation au niveau national. Toutefois, même dans le droit de l’Union, il existe des domaines où le législateur a jugé qu’il lui fallait prévoir une plus grande souplesse ; ainsi, la discrimination directe peut faire l’objet de justifications objectives fondées sur l’âge, dans le cas de l’emploi, et sur le sexe en matière de prestations de services financiers comme, par exemple, les assurances. 68. Paragraphe 18, rapport explicatif du Protocole n° 12. Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 77 La non-discrimination : un droit fondamental La définition plus rigide de la discrimination que donne la législation de l’UE constitue un point de référence utile pour une future interprétation de la notion de discrimination aux termes du Protocole n° 12. Un bon exemple de renforcement réciproque de normes juridiques nous est fournit dans l’affaire Nachova c. Bulgarie où des questions concernant la charge de la preuve se sont posées, du fait du soupçon de motivation raciste alléguée à propos de l’homicide illégitime perpétré par la police militaire. Si la Grande chambre de la Cour n’a finalement pas renversé la charge de la preuve concernant les faits spécifiques à l’affaire Nachova, elle a cependant fait référence aux dispositions dans ce domaine figurant dans les directives relatives à l’égalité de traitement sans distinction de race et en matière d’emploi et admis que ce principe pourrait être appliqué dans des affaires futures en vertu de l’article 14 de la Convention européenne des Droits de l’Homme69. Conclusions Les Etats de l’UE ne sauraient se limiter dans leur réponse juridique à la discrimination à la seule mise en œuvre des directives de l’Union. Celles-ci n’englobent pas tous les motifs de discrimination, ni tous les domaines de la vie dans lesquels persiste l’inégalité. Le Protocole n° 12 complète les directives de l’UE en instaurant le principe général de non-discrimination ; il s’agit d’un fondement juridique essentiel pour restaurer l’égalité, que ce soit en droit, ou dans les interventions des pouvoirs publics. Réciproquement, l’expérience et la mise en œuvre de la législation de l’Union permettent de tirer des leçons et de dégager des normes dont la Cour européenne des Droits de l’Homme pourrait s’inspirer pour perfectionner ultérieurement le Protocole n° 12. 69. Paragraphe 157. 78 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental Résumé des discussions – Thème 1 1 – Le protocole comble-t-il d’éventuelles lacunes laissées par la Convention européenne des Droits de l’Homme ? Le juge M. Bossuyt, juge à la Cour d’arbitrage de Belgique, note qu’en opérant une extension du champ matériel de l’article 14 de la Convention, le Protocole n° 12 procède aussi à une extension du champ de compétence de la Cour. Dr M. Bell est d’avis que le véritable enjeu de cette extension de compétence est la définition même de la notion de discrimination : la Cour va devoir préciser cette notion, et ce afin de l’adapter aux exigences d’une protection générale contre la discrimination. 2 – La jurisprudence relative à l’article 14 permet-elle de préciser la portée du Protocole n° 12 ? Ainsi que l’a rappelé l’un des membres du panel dans ses remarques introductives, il est fort probable que la Cour limitera l’extension du champ d’application du protocole en considérant, comme elle le fait déjà pour l’article 14, qu’une grande majorité des différences de traitement qui lui sont soumises sont justifiées et ne constituent pas des discriminations. Dr M. Bell note que lorsque l’obligation de remédier à une discrimination entraîne des incidences budgétaires pour un Etat défendeur (par exemple dans le contexte de l’accès aux services publics), la Cour accorde, en principe, une marge d’appréciation plus généreuse à ce dernier. Prof R. Wintemute est d’avis que la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés européennes concernant la discrimination pourrait constituer l’une des sources d’inspiration de la Cour. Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 79 La non-discrimination : un droit fondamental 3 – La complémentarité entre le Protocole n° 12 et la législation de l’Union européenne Prof R. Wintemute attire l’attention sur le fait qu’à l’instar de dispositions constitutionnelles, la Convention européenne a pour vocation de définir de grands principes : ces principes sont de nature générale et ont donc essentiellement pour vocation de s’appliquer aux relations entre les personnes et les autorités publiques. En revanche, la législation européenne est par nature à un niveau infra-constitutionnel et ne régit que les domaines ressortissant de la compétence de l’UE : elle a principalement vocation à s’appliquer au secteur privé. Elle se doit d’être plus détaillée, en ce qu’elle vise généralement un secteur très spécifique. Ainsi, le protocole et la législation de l’UE en matière de discrimination apparaissent complémentaires. 4 – Le caractère non exhaustif de la liste des motifs de discrimination n’affecte pas le caractère général de la prohibition de la discrimination énoncée par le Protocole n° 12 Un certain nombre de participants est d’avis qu’une liste exhaustive aurait, certes, eu un impact symbolique plus important, mais que l’absence d’un motif de discrimination dans la liste dressée par l’article 1er du protocole n’emporte aucune conséquence juridique en termes de protection. Ainsi, la Cour européenne des Droits de l’Homme n’a pas hésité à procéder à une interprétation extensive dans sa jurisprudence des motifs de discrimination. De la même façon, le Comité des droits de l’homme des Nations Unies a relevé des violations fondées sur des motifs non explicités à l’article 26 du Pacte sur les Droits Civils et Politiques. Certains intervenants ont souhaité évoquer les éventuelles conséquences institutionnelles de l’élargissement du champ de la protection contre la discrimination. Selon le juge M. Bossuyt, les potentialités du protocole ne seront pas découvertes et exploitées 80 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental immédiatement par les juristes et les requérants. Il insiste, de même que d’autres membres du panel, sur la nécessité de prendre en compte les incidences de l’entrée en vigueur du protocole sur la charge de travail de la Cour, notamment dans le cadre des réflexions menées sur la réforme des procédures de la Cour. M. J.-M. Belorgey attire l’attention sur le fait que l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 risque aussi de modifier l’équilibre existant entre la Cour et d’autres institutions périphériques, comme par exemple le Comité européen des Droits Sociaux, et qu’il devra être veillé à éviter toute contradiction entre les conclusions de ces différentes instances. Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 81 La non-discrimination : un droit fondamental Thème 2 : Comment concrètement préparer la ratification ? Position de l’Assemblée parlementaire Mr Boriss Cilevičs Commission des questions juridiques et des droits de l’homme, Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe La création du système européen de protection des droits de l’homme a donné lieu à une situation assez paradoxale : le principe de non-discrimination est certes reconnu comme l’un des fondements de la conception moderne des droits de l’homme, mais la disposition correspondante de la Convention européenne des Droits de l’Homme (CEDH), à savoir l’article 14, n’a qu’une portée relativement limitée, d’où le caractère également limité de la jurisprudence de la Cour en la matière. L’Assemblée parlementaire n’a eu de cesse de plaider en faveur d’une extension de la CEDH, en vue d’y inclure une clause générale anti-discriminatoire. La recommandation 1116 (1989), notamment, maintient que : « L’Assemblée recommande au Comité des Ministres : … de charger le Comité directeur pour les droits de l’homme d’accorder la priorité au renforcement de la clause de non-discrimination de l’article 14 de la Convention européenne des Droits de l’Homme… en élaborant une clause générale d’égalité de traitement devant la loi ». Dès lors, l’Assemblée ne peut que se féliciter de l’entrée en vigueur du 12e Protocole. Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 83 La non-discrimination : un droit fondamental Toutefois, un certain nombre de problèmes se pose ou risque de se poser. 1. Ratification par tous les Etats membres Jusqu’à présent, le Protocole n° 12 a été ratifié essentiellement par les Etats membres qui ont récemment rejoint le Conseil de l’Europe. Pour certains d’entre eux, cette ratification avait valeur d’engagement formel auprès du Conseil de l’Europe dans le cadre des procédures de suivi relatives au respect des obligations et des engagements des Etats membres. Dans le même temps, la plupart des Etats fondateurs, autrement dit les « vieilles démocraties », n’ont pas ratifié, ni parfois même signé, le protocole en question (cela concerne par exemple le Danemark, la France, l’Espagne, la Suède, la Suisse, le Royaume-Uni, mais aussi la Bulgarie, la Pologne, la Lituanie, etc.). Pour quelle raison tant d’Etats tardent-ils à ratifier ce protocole ? Pour l’instant, beaucoup hésitent à prendre de nouveaux engagements, même formels, dans le domaine des droits de l’homme, préférant observer ce que font les autres : « nous ratifierons lorsque les autres l’auront fait ». Certains Etats, dont la législation et les pratiques anti-discriminatoires sont bien établies (le Royaume-Uni étant probablement le plus avancé d’entre eux), ont pour habitude d’opposer à l’idée d’une ratification rapide les deux arguments suivants : premièrement, il existe déjà un système tout à fait efficace de lutte contre la discrimination qui, à bien des égards, va même au-delà des exigences du Protocole ; deuxièmement, ledit protocole présente certains défauts, et la façon dont la Cour l’appliquera n’est pas clairement définie. Si ces arguments sont globalement justes, je ne vois néanmoins toujours pas comment ils pourraient justifier de ne pas ratifier le Protocole. 84 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental Comment l’Assemblée et le Conseil de l’Europe peuvent-ils convaincre les Etats « récalcitrants » ? Les mesures suivantes peuvent être envisagées : • la Commission des questions juridiques et des droits de l’homme de l’Assemblée parlementaire pourrait rédiger un rapport spécial sur les obstacles à la ratification et les mesures qui permettraient de les surmonter ; • la Commission de suivi de l’Assemblée pourrait prêter une attention particulière à cette question dans son approche thématique par pays ; • le Secrétaire Général pourrait prendre position en faveur d’une ratification du Protocole n° 12 dans les meilleurs délais ; • le Comité des Ministres pourrait envisager d’organiser un tour de table sur la question. Cependant, pour que ces mesures soient vraiment suivies d’effet, il est nécessaire qu’un nombre suffisamment important d’Etats membres aie le courage de prendre leurs responsabilités en faisant du Protocole n° 12 un instrument vivant. 2. Interprétation du Protocole : égalité contre non-discrimination Dans son rapport de janvier 2000, M. Jurgens, rapporteur de l’Assemblée, a mis l’accent sur le fait que le préambule « …ne correspond pas au contenu du Protocole, qui… ne consacre pas l’égalité mais étend à d’autres droits le principe de non-discrimination déjà contenu dans la Convention depuis son origine en 1950. D’ailleurs, les auteurs du texte ont tout de même eu conscience de cette différence entre égalité et non-discrimination puisque, dans le paragraphe suivant, ils ont ajouté ce qui suit : « Réaffirmant que le principe de non-discrimination n'empêche pas les Etats parties de prendre des mesures afin de promouvoir une égalité pleine et effective, à la condition qu'elles répondent à une justification objective et raisonnable. » Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 85 La non-discrimination : un droit fondamental Par conséquent, la jurisprudence future de la Cour sera de la plus haute importance à deux égards : 2.1. L’évaluation de la proportionalité, tout d’abord : dans un nombre croissant d’affaires récentes, la Cour a conclu que les autorités judiciaires nationales étaient mieux à même d’évaluer le caractère proportionnel des différences de traitement introduites, et n’a donc pas souhaité réexaminer les décisions prises par les pays concernés. Si elle s’accentue, cette tendance nuira à la mise en oeuvre effective du Protocole n° 12. 2.2. L’interprétation de la non-discrimination, ensuite, non seulement au sens d’un traitement égal dans des situations analogues, mais aussi comme un traitement différencié lorsque cela est nécessaire pour garantir une égalité pleine et effective, comme énoncé dans l’arrêt Thlimmenos du 6 avril 2000 (requête n° 34369/97) : « La Cour a conclu jusqu’à présent à la violation du droit garanti par l’article 14 de ne pas subir de discrimination dans la jouissance des droits reconnus par la Convention lorsque les Etats font subir sans justification objective et raisonnable un traitement différent à des personnes se trouvant dans des situations analogues. Toutefois, elle estime que ce n’est pas la seule facette de l’interdiction de toute discrimination énoncée par l’article 14. Le droit de jouir des droits garantis par la Convention sans être soumis à discrimination est également transgressé lorsque, sans justification objective et raisonnable, les Etats n’appliquent pas un traitement différent à des personnes dont les situations sont sensiblement différentes ». Reste à savoir si la Cour interprètera le Protocole dans le même sens. 3. Poursuivre et mener à bien la réforme de la Cour L’entrée en vigueur du Protocole n° 12 risque encore d’accroître substantiellement le nombre de requêtes ; la Cour doit donc être prête à parer à une telle éventualité. 86 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental 4. Synergie avec les directives de l’Union européenne en matière de lutte contre la discrimination (2000/43 et 2000/78) Les obligations découlant de cette dernière, qui s’appliquent aussi aux acteurs privés, interdisent expressément la discrimination indirecte et envisagent le principe fondamental du renversement de la charge de la preuve. Les deux instruments comportant des mécanismes différents, le même dilemme se pose que lors de l’examen de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne : il faut éviter à tout prix que coexistent en Europe deux ensembles différents de normes en matière de droits de l’homme. A cette fin, une coopération étroite et une interprétation uniforme des dispositions anti-discriminatoires sont essentielles. Les Etats membres du Conseil de l’Europe qui n’appartiennent pas à l’Union européenne devraient néanmoins appliquer le Protocole n° 12 en tenant compte des grands principes des directives, et notamment celui du renversement de la charge de la preuve. Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 87 La non-discrimination : un droit fondamental Ratification du Protocole n° 12 par la République de Croatie : motifs, procédure et mise en œuvre Mme Dubravka Šimonović Chef de la Division des droits de l’homme, Ministère des affaires étrangères et de l’intégration européenne (Croatie) La République de Croatie a ratifié le Protocole n° 12 à la Convention européenne des droits de l’Homme le 3 février 2003. Elle est le troisième Etat Partie à avoir exprimé son consentement à être liée par ce texte. Ce protocole contre la discrimination définit un droit distinct de ne pas être l’objet d’une discrimination dans la jouissance des droits prévus par la loi. Il garantit en outre la protection de ce droit par la Cour européenne des droits de l’homme. Cette nouvelle interdiction générale de la discrimination permet la protection effective au niveau européen des droits proclamés en 1948 dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. En 1950, l’adoption de la Convention européenne des droits de l’Homme constituait « la première mesure propre à assurer la garantie collective de certains des droits énoncés dans la Déclaration universelle », comme le rappelle le préambule. Cinquante ans plus tard, les Etats membres du Conseil de l’Europe ont décidé de prendre une nouvelle mesure importante pour garantir l’égalité dans la jouissance sans discrimination de tout droit prévu par la loi. Le préambule du Protocole n° 12 énonce que « toutes les personnes sont égales devant la loi et ont droit à une égale protection de la loi ». 88 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental La liste des motifs de discrimination interdits par l’article 1 du Protocole n° 12 est la même que celle énoncée dans l’article 14 de la Convention : « le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ». Comme l’indique le rapport explicatif de ce protocole, cette formulation non exhaustive est assez souple pour permettre d’y inclure des motifs qui ne sont pas mentionnés explicitement dans cette disposition. La Cour européenne des droits de l’homme a déjà interprété cette disposition dans ce sens (orientation sexuelle, dans l’affaire Salguiero da Silva Mouta c. Portugal). De nouveaux motifs de discrimination peuvent être reconnus au niveau européen et ajoutés à la liste, tel que la discrimination fondée sur le patrimoine génétique, interdite par l’article 13 de la Convention européenne sur les droits de l’homme et la biomédecine. Processus national de ratification La République de Croatie a signé le Protocole n° 12 de la CEDH le 6 mars 2002 et, en moins d’une année, le parlement croate a mené à terme la procédure de ratification. Le Parlement croate a adopté la loi de ratification du Protocole n° 12 le 7 novembre 2002. L’instrument de ratification a été déposé près le Secrétaire général du Conseil de l’Europe le 3 février 2003. Le Protocole est entré en vigueur le 1er avril 2005, soit le premier jour du mois suivant l’expiration d’une période de trois mois après la date à laquelle dix Etats membres du Conseil de l’Europe ont exprimé leur consentement à être liés par le Protocole. La Croatie ayant ratifié le Protocole n° 12 avant cette date, il est aussi entré en vigueur dans ce pays le 1er avril 2005. Désormais, le Protocole n° 12 fait partie intégrante de l’ordre juridique croate et sa mise en œuvre va permettre de tester la législation croate de lutte contre la discrimination et ses mécanismes de protection. Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 89 La non-discrimination : un droit fondamental Pour l’heure, la Croatie n’a d’autre expérience concernant le Protocole n° 12 que la préparation de sa signature et sa ratification. Dans ce processus, nous pouvons distinguer trois étapes : (I) Position de la République de Croatie pendant l’élaboration du Protocole n° 12, (II) Préparation de la signature du Protocole n° 12, (III) Préparation de la ratification du Protocole n° 12. Position de la République de Croatie pendant l’élaboration du Protocole n° 12 Il est à noter que, dès le début du processus, la République de Croatie a soutenu l’idée d’un protocole général contre la discrimination au sein du Comité directeur des droits de l’homme (CDDH). Ce soutien, qui a constitué la première étape du processus national d’acception du protocole, reflète l’intérêt affiché par la République de Croatie pour l’évolution de la Convention européenne des droits de l’homme. Cet engagement se fonde aussi sur la Constitution croate qui fait de l’égalité dans la jouissance des droits et libertés l’un des plus grands principes de l’ordre constitutionnel croate (Article 3), garantit une protection générale contre toute discrimination dans la jouissance des droits et libertés et affirme le principe de l’égalité devant la loi. Dans son article 14, elle dispose que « chacun, en République de Croatie, jouit de tous les droits et libertés, sans distinction liée à la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance, la formation, le statut social ou toute autre situation. Tous sont égaux devant la loi ». L’article 14 de la Constitution ne comportant pas de référence spécifique à la discrimination fondée sur l’appartenance à une minorité nationale, la loi constitutionnelle sur les minorités nationales, adoptée en 2002, qui revêt une valeur constitutionnelle, vient compléter et renforcer cet article. Elle dispose, à l’article 44, que « toute discrimination fondée sur l’appartenance à une minorité nationale est interdite. Les personnes appartenant aux 90 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental minorités nationales bénéficient du principe d’égalité devant la loi et d’une protection égale de la loi ». En outre, la Croatie est partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et à son premier Protocole facultatif ; elle est partie au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et elle soutient l’adoption de son protocole facultatif ; elle est partie à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et à son Protocole. Elle a donc approuvé les instruments internationaux de protection contre la discrimination dans la jouissance des droits civils, politiques, économiques, sociaux, culturels, y compris les procédures de plaintes prévues par ces instruments. Préparation de la signature et ratification du Protocole n° 12 Après l’adoption du Protocole et l’ouverture de sa signature à Rome, le 4 novembre 2000, la première étape entreprise au plan national a consisté à mettre en place la procédure relative à sa signature. Le ministère des Affaires étrangères a assumé cette tâche, conformément à la loi croate sur la conclusion et l’exécution des traités. Le processus préparatoire de cette signature s’apparente au processus de ratification en ce qu’il impose de rappeler les fondements constitutionnels et les raisons qui ont conduit à une telle décision, à cette différence près que le gouvernement décide de la signature tandis que le Parlement croate ratifie les traités. Après sa ratification, un traité international est soit directement applicable au niveau national, soit incorporé dans le système juridique national. C’est pourquoi la loi sur la conclusion et l’exécution des traités impose l’obligation de vérifier sa compatibilité avec la législation nationale et d’évaluer son incidence financière. Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 91 La non-discrimination : un droit fondamental Le processus intergouvernemental qui a présidé à l’élaboration du Protocole ayant permis de réaliser ces évaluations et de conclure à la compatibilité de la législation nationale avec le Protocole n° 12, le gouvernement croate a adopté une décision portant signature du Protocole n° 12 le 7 décembre 2000, demandant au ministre des Affaires étrangères de signer le Protocole. Cette décision a ensuite été modifiée et c’est au Représentant permanent de la République de Croatie auprès du Conseil de l’Europe qu’a été confiée la tâche de le signer (Décision du 13 décembre 2001). La République de Croatie a signé le Protocole n° 12 à Strasbourg le 6 mars 2002. Préparation de la ratification du Protocole n° 12 Le processus formel de ratification du Protocole n° 12 a été mis en place par le ministère des Affaires étrangères, qui a présenté au gouvernement croate une proposition de ratification du Protocole n° 12 le 10 septembre 2002. Après avoir formulé l’avis requis sur le fondement constitutionnel et les raisons pertinentes de ce texte et avoir évalué sa compatibilité avec la législation nationale, le gouvernement a soumis au Parlement une proposition de loi de ratification du Protocole n° 12 le 19 septembre 2002. Le parlement croate a adopté la loi de ratification du Protocole n° 12 le 7 novembre 2002. Conformément à la Constitution croate, la loi de ratification du Protocole n° 12 a été promulguée par le Président de la République de Croatie le 11 novembre 2002 et publiée au Journal officiel – accords internationaux n° 12/2002 – le 7 novembre 2002. L’instrument de ratification a été déposé près le Conseil de l’Europe le 3 février 2003. Enfin, le Protocole est entré en vigueur le 1er avril 2005, après que dix Etats membres du Conseil de l’Europe eurent exprimé leur consentement à y être liés. Depuis ce jour, il est en vigueur en République de Croatie. 92 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental Il est important de rappeler que dans son deuxième rapport sur la Croatie, en juillet 2001, la Commission européenne contre le racisme (ECRI) avait recommandé à la Croatie de ratifier le Protocole n° 12 à la CEDH et que, dans son troisième rapport, publié en décembre 2004, l’ECRI a pris note de cette ratification et souligné qu’elle marquait un progrès. Mise en œuvre du Protocole n° 12 au niveau national Conformément à l’article 140 de la Constitution croate : « les accords internationaux ratifiés et publiés officiellement, qui sont en vigueur, sont partie intégrante de l’ordre juridique interne de la République de Croatie et se situent au dessus de la loi sur le plan juridique ». Cela signifie que le Protocole n° 12, à l’instar de tous les autres instruments internationaux auxquels la République de Croatie est partie, est directement applicable devant les juridictions nationales. On peut se demander si tous les droits de l’homme contenus dans les traités internationaux ratifiés par la Croatie sont aussi considérés comme les droits prévus par la loi et comme étant protégés par l’application du Protocole n° 12 devant les juridictions nationales. Sur ce point, le projet de loi sur les tribunaux, qui est actuellement devant le Parlement croate, apporte une réponse claire. Son article 5 dispose explicitement que : « les tribunaux rendent la justice conformément à la Constitution, à la loi et aux traités internationaux qui sont partie de l’ordre juridique national de la République de Croatie ». Le Protocole n° 12 fera partie intégrante de la législation croate de lutte contre la discrimination, qui a encore été renforcée par la promulgation de nouvelles lois telles que la loi sur l’égalité des sexes de 2003 et la loi sur les unions homosexuelles de 2003, et de certains amendements apportés au Code du travail en 2003 et au Code pénal en 2004. Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 93 La non-discrimination : un droit fondamental D’importants amendements ont été apportés à l’article 174 du Code pénal sur la discrimination raciale et autres discriminations. Ces amendements ont élargi la liste des motifs de discrimination liés à la race, la couleur, l’origine nationale ou ethnique, pour y ajouter, entre autres, la discrimination fondée sur la religion et la langue. Un troisième paragraphe a été inséré à l’article 174 afin d’interdire « la propagation de la haine fondée sur la race, la religion, le sexe, l’appartenance nationale ou ethnique, ou la haine fondée sur la couleur, l’orientation sexuelle et autres caractéristiques ». Cette disposition incrimine aussi le fait de « faire des déclarations publiques ou de diffuser des idées sur la supériorité ou la subordination d’une race, d’une communauté ethnique ou religieuse, d’un genre, d’une nation ou de toute autre caractéristique, dans le but de propager la haine sur le fondement de la race, de la religion, du sexe, de l’appartenance ethnique ou nationale ou la haine fondée sur la couleur, l’orientation sexuelle et toute autre caractéristique ». La peine encourue pour la propagation d’une telle haine ou pour des déclarations publiques ou la diffusion de telles idées est de trois mois à trois ans d’emprisonnement. Les amendements apportés en 2003 au Code du travail interdisent la discrimination directe et indirecte dans le domaine de l’emploi, protègent contre le harcèlement sexuel et garantissent pour les hommes et les femmes un salaire égal pour un travail égal. La charge de la preuve revient à la partie défenderesse lorsque la discrimination est établie. La loi sur l’égalité entre les sexes de 2003 interdit la discrimination directe et indirecte dans tous les domaines et met en place le nouveau Médiateur pour l’égalité des sexes. Aux côtés du Médiateur général qui promeut l’égalité de traitement entre tous sans discrimination (y compris la discrimination fondée sur l’origine raciale ou ethnique) et du Médiateur des enfants, le Médiateur pour l’égalité des sexes apporte des services consultatifs et administratifs dans des affaires de discrimination. Actuellement, la mise en place d'un nouveau Médiateur pour la protec- 94 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental tion des personnes handicapées est en cours, ainsi que la définition d’une stratégie nationale globale de lutte contre la discrimination. Il est à noter que les directives européennes pertinentes dans ce domaines, telles que la Directive sur la discrimination fondée sur le sexe, la Directive sur l’égalité en matière d’emploi et la Directive sur l’égalité raciale ont constitué pour la Croatie une incitation supplémentaire à élaborer une législation de lutte contre la discrimination et ont d’ores et déjà influencé les changements législatifs mentionnés plus haut. Dans le système juridique croate, diverses voies de recours internes sont ouvertes pour garantir une protection contre la discrimination, allant du dépôt de plainte devant une juridiction civile à une plainte constitutionnelle devant la Cour constitutionnelle. Il existe aussi d'autes voies de recours internationales, telles que les communications devant le Comité des droits de l’homme des Nations Unies et devant le Comité CEDAW des Nations Unies, qui sont des recours non juridictionnels, ainsi que la possibilité de saisir la Cour européenne des droits de l’homme d'une requête individuelle, qui constitue une voie de recours juridictionnel. La mise en œuvre du Protocole n° 12 au niveau national s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre de la Convention européenne des droits de l’homme. Les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme dans des affaires contre la Croatie ont toujours eu une influence importance dans l’évolution de la législation croate. La majeure partie des requêtes individuelles contre la Croatie devant la Cour européenne porte sur la lenteur excessive des procédures, ce qui est important aussi s’agissant de l’application du Protocole n° 12. Après l’arrêt rendu par la Cour dans l’affaire Horvat c. Croatie, dans laquelle la Cour a constaté qu’il n’existait pas de véritable Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 95 La non-discrimination : un droit fondamental voie de recours permettant à une personne de se plaindre de la durée excessive d’une procédure, la loi constitutionnelle sur la Cour constitutionnelle a été modifiée en 2002, de manière à donner compétence aux tribunaux constitutionnels pour connaître des plaintes relatives à la durée excessive d’une procédure. La Cour européenne a estimé que cette procédure constituait une voie de recours interne effective, conforme à la Convention européenne des droits de l’homme. Après cette modification, 925 plaintes constitutionnelles pour délai excessif ont été déposées en 2004 ; actuellement, près de mille plaintes sont pendantes devant la Cour constitutionnelle, qui a bien d’autres domaines de compétences parmi lesquelles, au premier chef, le contrôle de la loi. Pour résoudre ce problème, un projet de loi sur l’organisation judiciaire, actuellement devant le parlement, prévoit la mise en place de voies de recours à chaque niveau de juridiction, afin d’accélérer les procédures pendantes et de permettre au plaignant de demander réparation pour les procédures qui ont duré trop longtemps. S’agissant de l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, la réforme de la loi sur la procédure civile en 2003 (loi sur les amendements à la loi sur la procédure civile, Journal officiel n° 117/03) permet de rouvrir la procédure si la Cour européenne des droits de l’homme considère qu’un droit garanti par la Convention a été violé au cours de la procédure engagée au niveau national. Selon la nouvelle procédure, les tribunaux ont l’obligation de respecter l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme établissant la violation d’un droit ou d’une liberté fondamentale. L’avenir dira comment le Protocole n° 12 et les éventuels arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme qui seront rendus sur le fondement du Protocole pourront engendrer de nouvelles modifications de la législation croate. Permettez-moi de conclure par ces quelques remarques. 96 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental De nombreuses formes de discrimination entravent la jouissance des droits de l’homme universellement reconnus dans tous les Etats membres du Conseil de l’Europe. Aujourd’hui, seuls quelques Etats membres ont approuvé le Protocole n° 12 à la CEDH, confirmant ainsi leur engagement d’accorder à toutes les personnes relevant de leur juridiction la jouissance, sans discrimination, de tous les droits prévus par la loi. Cette approbation est une étape importante, mais la principale difficulté résidera dans l’application du Protocole n° 12. Considérant la réforme en cours du système de contrôle de la Convention, envisagée par le Protocole n° 14, et le principe de subsidiarité selon lequel les droits énoncés dans la Convention et ses protocoles doivent d’abord être protégés au niveau national, la Croatie se trouve face à la nécessité de renforcer son système juridique interne et de proposer des moyens de formation suffisants au Protocole n° 12, de manière à garantir une protection effective et rapide contre la discrimination dans la jouissance de tous les droits prévus par la loi. Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 97 La non-discrimination : un droit fondamental Position du Gouvernement du Royaume-Uni M. John Kissane Chef de la Division du droit international des droits de l’homme, Service des affaires constitutionnelles, Royaume-Uni S’agissant du Protocole n° 12, le Gouvernement du Royaume-Uni maintient la même position depuis 1999, date du début des discussions préliminaires à l’élaboration dudit Protocole au sein du Comité directeur pour les droits de l’homme à Strasbourg. Cela signifie : Que le Gouvernement apprécie toute disposition antidiscriminatoire concrète et globalement compatible avec le droit du Royaume-Uni, Qu’il est favorable à l'introduction d’un Protocole indépendant à la CEDH interdisant la discrimination, Qu’il espère toutefois que toutes les dispositions auxquelles il souscrit apporteront une solution utile qui aboutira au résultat escompté, et qu’elles feront une réelle différence dans la lutte contre la discrimination, A maintes reprises, au Parlement et dans ses échanges avec plusieurs parties concernées, le Gouvernement a exposé ce qu’il considère comme étant les problèmes majeurs posés par le Protocole n° 12. Ce sont les suivants : 98 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental Le texte du Protocole (plus que le préambule) ne précise pas quel traitement différent, ayant une justification objective et raisonnable, est autorisé (par exemple la discrimination positive est autorisée au titre de la « Race Relations Act » de 1976 – loi relative aux relations raciales). Il est vrai que le préambule fait exception de la discrimination positive, mais il s’agit là de la seule forme de distinction objective et raisonnablement justifiée, et en tout état de cause le préambule n’a pas la même valeur que le corps du texte lui-même. Bien que la jurisprudence logique de la Cour européenne des droits de l’homme stipule que les distinctions objectives et raisonnablement justifiées ne constituent pas une discrimination, le Gouvernement estime que cela aurait dû être codifié dans le texte, car la Cour n'est pas liée par la jurisprudence antérieure. On ne sait pas bien si les termes « tout droit prévu par la loi » (article 1) incluent le droit international et le droit interne. Dans l’état actuel des choses, on pourrait considérer que la formulation inclut : Les droits reconnus par les instruments internationaux (par exemple les droits civils et politiques reconnus par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui ne figurent pas dans la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH)). Les droits reconnus par les Protocoles à la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) que le Royaume-Uni n’a pas ratifiés. Les droits économiques, sociaux et culturels, de nature assez ambitieuse, reconnus par le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, qui ne figurent pas dans le droit du Royaume-Uni. Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 99 La non-discrimination : un droit fondamental On a pu entendre que le fait de ne pas signer le Protocole n° 12 amoindrit la crédibilité de l’engagement du Gouvernement contre la discrimination et de ses efforts en vue de promouvoir l’égalité de traitement dans toute la société. Le Royaume-Uni estime néanmoins que son rapport relatif à la lutte contre la discrimination est bon. Le Royaume-Uni dispose d’une législation efficace contre la discrimination fondée sur la race, le sexe et le handicap, et en Irlande du Nord, sur la religion. En décembre 2003, le Gouvernement a mis en place une nouvelle législation interdisant la discrimination motivée par la religion, les croyances et l’orientation sexuelle sur le lieu de travail ou de formation. Il entend également proscrire la discrimination fondée sur l’âge sur le lieu de travail et de formation en 2006. Nous sommes également convaincus que, si la loi antidiscrimination est un élément majeur de la lutte contre l’inégalité, il convient d’étudier les causes de cette inégalité. En GrandeBretagne nous réalisons une « Equality review », étude importante sur l’égalité, qui s’intéresse aux fondements de l’inégalité dans notre société. Le champ d’application de la législation antidiscrimination du Royaume-Uni ne se limite pas aux dispositions de l’article 14 de la CEDH. Il va beaucoup plus loin. Le Royaume-Uni soutient activement l’adoption de dispositions antidiscriminatoires au sein de l’UE en vertu de l’article 13 du Traité d'Amsterdam. Celui-ci condamne la discrimination fondée sur le sexe, l’origine raciale ou ethnique, la religion ou les croyances, le handicap, l’âge et l’orientation sexuelle. Les directives publiées au titre de cet article, et la législation qui les met en œuvre couvrent les secteurs public et privé, et dès lors les relations entre les individus et les entreprises, et non pas uniquement entre les individus et l’Etat. 100 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental Là encore, la « Race Relations Act » de 1976 (telle qu’amendée par la « Race Relations (Amendment) Act 2000 ») n’est pas une simple condamnation de la discrimination : elle impose l’obligation positive aux autorités publiques de promouvoir l’égalité raciale et l’équité dans les relations communautaires, allant une nouvelle fois au-delà de la CEDH – et de la directive européenne relative à l’égalité de traitement sans distinction de race. En janvier 2005, le Gouvernement a lancé une stratégie visant à accroître l’égalité entre les races et la cohésion sociale. La stratégie s’attache à identifier et à répondre aux besoins des différentes communautés dans les secteurs clés de la vie : l’éducation, la santé, l'emploi, le logement et la sécurité – afin d’assurer que la majeure partie de l’aide va bien aux plus défavorisés. Le Royaume-Uni a confirmé son engagement d’éradiquer la discrimination fondée sur l’âge dans le travail en soutenant la directive européenne relative à l’emploi, et en s’engageant à mettre en place une législation sur l’âge couvrant l’emploi et la formation professionnelle. Il est prévu que la législation soit mise en place le 1er octobre 2006. L’orientation officielle du « Learning and Skills Council » (conseil de l'apprentissage et des qualifications) relative à l'égalité des chances prévoit de corriger la sousreprésentation et le sous-développement des personnes âgées. Le « National Service Framework for Older People », cadre national des services aux personnes âgées, définit des normes nationales de soins aux personnes âgées pour assurer que l’âgisme ne soit pas toléré dans les services de santé. S’agissant des handicaps, la « Disability Discrimination Act » (loi sur la discrimination envers les handicapés) de 1995 proscrit toute discrimination à l’égard des personnes handicapées, réclamant l’accessibilité des services à cette catégorie de personnes. Le 1er octobre 2004, des obligations supplémentaires d’accès ont pris effet, demandant aux prestataires de services de prendre tous les dispositions qui conviennent pour supprimer ou modifier les obstacles physiques à l'accès des personnes handicapées. La Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 101 La non-discrimination : un droit fondamental « Disability Discrimination Act » de 2005 porte modification à la « Disability Discrimination Act » de 1995 et impose notamment une nouvelle obligation positive aux organismes publics, à savoir promouvoir l’égalité des chances en faveur des personnes handicapées. Cette obligation prendra effet en décembre 2006. Ce n’est donc pas comme si, en ne signant pas le Protocole n° 12, le Gouvernement négligeait la discrimination ou simplement s’abstenait de la gérer sous ses différents aspects. Nous poursuivons un programme proactif et énergique contre la discrimination et l’inégalité. En réalité, il y a des cas où le Gouvernement va au-delà de ce que demande le Protocole n° 12. Le problème n’est pas que le Gouvernement sous-estime d’une certaine manière la gravité du problème de la discrimination, mais qu’il se demande vraiment si le Protocole n° 12 réalisera l’objectif qu’il est censé atteindre. Les employeurs, les fournisseurs de biens et de services et les autorités publiques doivent être au fait de ce que la loi contre la discrimination leur demande, et nous tous, salariés, consommateurs et usagers des services publics et privés devons être personnellement au fait de ce que sont nos droits reconnus par la loi. Le Protocole n° 12 n’est pas explicite à cet égard. Cela dit, le Gouvernement est convaincu qu’en temps voulu l’interprétation de la Cour du Protocole n° 12 dissipera ses craintes. Le Gouvernement n’a pas exclu de signer ou de ratifier ce Protocole. Il est tout à fait possible que notre « non » ne soit pas définitif. 102 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental Résumé des discussions – Thème 2 1 – L’expérience des Etats membres ayant ratifié le protocole Mme D. Šimonović estime que les différents instruments internationaux contraignants de protection des droits de l’homme se recoupent et devraient être vu comme se complétant les uns les autres. La ratification du Protocole n° 12 présente donc, selon elle, une valeur ajoutée pour les Etats ayant déjà ratifié le Pacte International relatif aux droits civils et politiques des Nations Unies et la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, qui ne couvrent pas l’ensemble des hypothèses de discrimination. Le fait que la plupart des constitutions des Etats membres affirment un principe général d’égalité entre les citoyens apporte, selon elle, des arguments en faveur de la ratification du Protocole n° 12. Mme D. Šimonović relativise les difficultés rencontrées par certains Etats pour ratifier de nouveaux instruments juridiques et donne l’exemple de la Croatie qui, comme de nombreux pays ayant plus récemment rejoint le Conseil de l’Europe, a procédé à de drastiques changements législatifs en une courte période et est dés lors habituée à intégrer de nouvelles normes en droit interne. Un représentant de la Finlande (M. A. Kosonen) note que son pays n’a pas connu d’hésitation à ratifier le Protocole n° 12. Sa décision a été facilité par l’Avis rendu par la Cour européenne des Droits de l’Homme en 1999 alors que la rédaction du Protocole n° 12 était en cours. Tel qu’il apparaît dans l’avis de la Cour, le mécanisme de contrôle de la Convention est de caractère subsidiaire, ce qui laisse aux Etats parties une marge d’appréciation pour déterminer si et dans quelle mesure des différences Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 103 La non-discrimination : un droit fondamental entre des situations à d’autres égards analogues justifient des distinctions de traitement au travers de la législation. 2 – Les obstacles à la ratification du Protocole n° 12 Outre l’intervention de M. J. Kissane rapportant les hésitations du Royaume-Uni à propos du Protocole n° 12, d’autres représentants d’Etats ont exprimé des réserves sur le Protocole. Un représentant de Monaco (Prof. J.-F. Renucci) considère que la portée du Protocole n° 12 est imprécise et, dès lors, que des incertitudes se font jour quant à l’interprétation que la Cour fera de ses articles. Ce manque de précision explique, selon lui, les réticences des Etats à s’engager. La représentante de la Suède (Mme I. Kalmerborn) indique que son pays était initialement en faveur d’un instrument à part, avec des dispositions plus détaillées et précises, pour combattre la discrimination plutôt qu’un protocole additionnel à la Convention. Elle insiste également sur le fait que son pays, à l’instar du Royaume-Uni, offre déjà une protection efficace contre la discrimination au travers de la législation nationale et que de nouvelles mesures législatives étaient prévues. Tout comme l’intervenant précédant, son Etat estime que le contenu et l’étendue du Protocole ne sont pas suffisamment clairs, avec pour conséquence de déterminer si la législation interne est compatible au Protocole. La représentante du Danemark (Mme N. Holst-Christensen) exprime des inquiétudes du même ordre et ajoute que son pays considère que le législateur national est mieux placé que la Cour pour évaluer comment mieux lutter contre la discrimination. En réponse aux incertitudes se rapportant à l’interprétation que fera la Cour du Protocole n° 12, Prof. R. Wintemute avance qu’il y a tout lieu de croire que la Cour appliquera une interprétation mesurée et, comme sous l’angle de l'article 14, estimera la majeure partie du temps qu’une mesure discriminatoire repose sur une « justification objective et raisonnable », y compris dans les éventuels cas de discrimination positive. Selon M. J. Schokkenbroek (Secrétariat du Conseil de l’Europe), il 104 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental n’existe pas d’incertitudes quant à l’interprétation que fera la Cour de la notion de discrimination dans le cadre du Protocole. En effet, dans l’Avis susmentionné, elle énonce que la définition de la notion de discrimination dans le cadre du Protocole est conforme à l’interprétation constante qu’elle en a faite dans sa jurisprudence jusqu’à ce jour, par le biais de l’article 14 de la Convention. Sur ce point, la jurisprudence de la Cour sur l’article 14 servira donc de référence pour l’interprétation future du Protocole n° 12 par la Cour (selon la jurisprudence de la Cour : « une différence de traitement est discriminatoire si elle manque de justification objective et raisonnable, c’est-à-dire si elle ne poursuit pas un but légitime ou s’il n’y a pas un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé »). Les Etats parties devraient être donc rassurés par ce cadre interprétatif d’ores et déjà fixé par la Cour pour la notion de discrimination et dont elle ne devrait pas s’éloigner. Un représentant de la Finlande (M. A. Kosonen) fait sien ce point de vue et ajoute que son pays a estimé que l’interprétation que donnera la Cour de la notion de discrimination était suffisamment prévisible et laissait aux Etats une marge de manœuvre suffisamment importante pour pouvoir ratifier le Protocole n° 12 sans craindre de multiples condamnations. 3 – Quel type de mesures doit être pris au niveau national ? Mme Šimonović souligne qu’il est important de passer en revue la législation nationale avant la ratification du Protocole n° 12 pour avoir une idée claire de la protection offerte par l’arsenal législatif interne contre la discrimination. Le représentant de la Lettonie (M. V. Romanovskis) est d’accord pour dire qu’il convient de s’assurer qu’il existe bien un droit justiciable contre la discrimination sur le plan national. M. B. Cilevičs est d’avis que le refus de certains Etats de ratifier le Protocole est lié à l'absence ou à l’insuffisance de recours au niveau interne portant sur la discrimination. Le juge D. Spielmann de la Cour européenne des Droits de l’Homme souligne l’impor- Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 105 La non-discrimination : un droit fondamental tance de recours interne car cela s’inscrit dans le principe de subsidiarité qui sous-tend le mécanisme de la Convention européenne des Droits de l’Homme, selon lequel il revient en premier lieu aux Etats d’assurer le protection des droits protégés par la Convention et ses protocoles, la Cour restant un ultime recours une fois que les recours internes pertinents ont été épuisés. S’il y a des recours internes, il serait intéressant d’examiner la jurisprudence existant déjà au niveau national. 4 – Le rapport entre le Protocole n° 12 et les directives de l’UE a – Observations générales des représentants de la Commission européenne Des représentants de la Commission européenne (Mme K. Grzybowska, M. Á. Oliveira) fournissent quelques éléments sur l’état actuel du droit de l’Union européenne (UE) relatif à la lutte contre la discrimination. Ce droit inclut plusieurs directives concernant l’interdiction de la discrimination, mais cette législation n’a pas encore épuisé toutes ses potentialités. En effet, la mise en œuvre par les Etats membres de l’UE a été à certains égards insuffisante ou incomplète. Certains Etats ont déjà été condamnés pour non-transposition dans leur droit interne de ces directives, notamment les directives 2000/43/CE (contre la discrimination raciale ou pour l’origine ethnique) et 2000/78/CE (contre la discrimination sur la base de la religion, l’handicap, l’âge et l’orientation sexuelle). A ce jour, il n’existe pas encore de jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE) précisant les notions contenues dans ces deux directives. Cependant, la Commission européenne envisage la possibilité d’introduire des recours en manquement contre certains Etats membres pour transposition incorrecte de ces directives, ce qui donnera une occasion à la CJCE de mieux définir le champ d’application de la législation anti-discrimination. Il est rappelé que la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne n’a pas de force obligatoire. Elle s’adresse aux institutions 106 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental de l’Union européenne et aux Etats membres lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l’UE. Si elle n’est pas juridiquement contraignante, elle n’en a pas moins un impact politique puissant, dû notamment au fait qu’elle constitue l’expression d’un consensus politique élaboré démocratiquement sur ce qui doit aujourd’hui être considéré comme le catalogue des droits fondamentaux dans l’Union européenne, garantis par l’ordre juridique communautaire. L’attention des participants est aussi attirée sur la récente mise en place au sein de la Commission d’un groupe de Commissaires chargé des droits fondamentaux, de la lutte contre les discriminations et de l’égalité des chances. b – La complémentarité du Protocole n° 12 avec les directives anti-discrimination de l’Union européenne (UE) Selon Prof. R. Wintemute, le fait qu’un Etat membre de l’UE ait transposé les directives anti-discrimination susmentionnées n’est pas suffisant pour assurer la protection des personnes contre la discrimination en toutes circonstances. En effet, les compétences de l’UE sont strictement limitées par les traités : si une législation nationale sort du champ de compétence de l’UE, les directives anti-discrimination ne pourront alors s’appliquer. Il est donc important de ratifier le Protocole n° 12 qui, par sa portée générale, couvre tous les domaines qui font l’objet de lois en droit interne. 5 - Le rôle des Institutions nationales des droits de l’homme concernant le Protocole n° 12 Selon M. M. Kjaerum, ces institutions doivent jouer un rôle de promotion du Protocole n° 12 auprès des autorités nationales pour les inciter à le ratifier. Promouvoir la ratification de nouveaux instruments de protection des droits de l’homme fait partie des objectifs fixés par les principes de Paris qui gouverne les institutions nationales de défense des droits de l’homme. Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 107 La non-discrimination : un droit fondamental 6 - Autres considérations entourant le Protocole n° 12 Selon Mme D. Petrova (European Roma Rights Center, ERRC) certains Etats, tels que le Royaume-Uni, sont très avancés dans le domaine de la lutte contre la discrimination et ont déjà une législation relativement complète à cet égard. Par conséquent, ils constituent une « avant-garde » dont peuvent s'inspirer de nombreux autres Etats. Selon elle, cette situation leur confère une certaine responsabilité à l’égard des autres Etats membres du Conseil de l’Europe. Ainsi, la non-ratification du Protocole n° 12 par des Etats disposant d’un arsenal législatif de lutte contre les discriminations peut donner un signal négatif à d’autres Etats n’ayant pas ratifié le Protocole n° 12 qui peuvent déduire de la non-ratification par un pays considéré comme avancé dans le domaine de la lutte contre les discriminations que le Protocole n° 12 ne présente pas de valeur ajoutée. Mme M. Franken (Comité directeur pour l’égalité entre les femmes et les hommes, CDEG) déclare que le CDEG s’était félicité de l’existence du Protocole n° 12, le Comité s’étant énormément investi durant plusieurs années afin que soit élaboré ce complément à la Convention européenne des Droits de l’Homme. Elle considère que même si le Protocole n° 12 est un progrès dans la mesure où il interdit la discrimination fondée sur le sexe, il ne va cependant pas assez loin. En effet, les femmes ne devraient pas être considérées comme une simple minorité, mais comme un élément constitutif de l’humanité (50% de la population étant des femmes, elles ne composent pas une minorité). Il aurait donc fallu un instrument juridique à part entière concernant la question de la place des femmes dans la société, ce qui constituait l’objectif initial de la CDEG, obligeant à prendre en compte l’égalité homme/femme dans tous les domaines (approche intégrée de l’égalité entre les femmes et les hommes ou gender mainstreaming). Néanmoins elle encourage les Etats membres du Conseil de l’Europe à ratifier le Protocole n° 12 qui constitue, selon elle, une avancée majeure dans la lutte contre les discriminations envers les femmes. 108 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental Conclusions du Président70 Présentées par M. Emmanuel Decaux Professeur de droit public à l’Université Panthéon-Assas, Paris Ce séminaire entend marquer l’entrée en vigueur du Protocole n° 12, le 1er avril 2005, trois mois après la dixième ratification, comme l’a rappelé d’emblée, la Secrétaire générale adjointe, Maud de Boer Buquicchio. Dans son discours d’ouverture, elle a rappelé les enjeux du protocole en lançant un appel très clair et très direct pour l’engagement de tous les Etats membres du Conseil de l’Europe. Il aura donc fallu près de cinq ans, entre l’adoption solennelle du protocole, à Rome, à l’occasion de la conférence ministérielle marquant le cinquantième anniversaire de la Convention européenne des droits de l’homme, et cette entrée en vigueur. A l’échelle de la Ville éternelle, un lustre c’est sans doute peu de choses… Pourtant s’agissant du cœur des droits de l’homme, « le principe fondamental selon lequel toutes les personnes sont égales devant la loi et ont droit à une égale protection de la loi », selon les propres termes du préambule du protocole, ce délai supplémentaire à corriger les limites de la convention de 1950 n’en est pas moins symptomatique. Certes le temps des traités n’est pas celui des hommes, encore moins celui des victimes quotidiennes des violations et des discriminations, mais c’est une raison de plus pour ne pas multiplier les retards et les prétextes pour entraver une pleine mise en œuvre du protocole. C’est sans doute le sens profond de ce séminaire, que de mesurer les obstacles et les enjeux, de chercher les voies et 70. Ces conclusions reflètent le point de vue du Président. Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 109 La non-discrimination : un droit fondamental moyens d’une ratification par chacun des quarante-six Etats parties à la Convention européenne. Face à tous ces défis, cette entrée en vigueur n’en est que plus importante. Il s’agit d’abord d’une date importante sur le plan pratique, pour les millions de citoyens européens concernés. Or, si l’on fait une carte géopolitique des ratifications, les onze premiers Etats ressemblent à des îlots dispersés aux quatre coins du continent : au nord – Pays-Bas, Finlande – au sud – SaintMarin, Chypre – ou à l’est du continent – Arménie, Géorgie – avec un noyau central dans les Balkans – Albanie, Bosnie-Herzégovine, Croatie, « ex-République yougoslave de Macédoine », SerbieMonténégro. Parmi cet ensemble, seuls trois membres de l’Union européenne sont présents, avec Chypre, la Finlande et les PaysBas. Mais force est de reconnaître le poids des 23 Etats signataires qui restent dans l’expectative, d’autant qu’une dynamique de signatures n’apparaît guère – si l’on laisse de côté cinq des Etats parties qui n’étaient pas des signataires originaires – seuls quelques pays comme la Slovénie et la Turquie en 2001, la Norvège et l’Azerbaïdjan en 2003 ont rejoint les signataires de Rome. Bien plus, un noyau dur d’une dizaine d’Etats – et non des moindres, reste délibérément à l’écart du nouvel instrument, notamment la Bulgarie, le Danemark, l’Espagne, la France, la Lituanie, la Pologne, le Royaume-Uni, la Suède et la Suisse. C’est d’autant plus inquiétant que figurent parmi ces Etats, un fort contingent de membres de l’Union européenne, qui semble ainsi freiner les autres signataires. La solidarité communautaire devrait au contraire, ici comme ailleurs, constituer une cause de dynamisme, non un facteur d’attentisme. L’entrée en vigueur du protocole n’en constitue pas moins une date importante d’un point de vue collectif, sur le plan symbolique comme sur le plan technique. La Cour va désormais être à même de mettre en œuvre l’article 1er du Protocole n° 12, avec une jurisprudence qui permettra d’en enrichir et d’en préciser l’interprétation. Il faut espérer que cette étape permettra de créer une nouvelle dynamique pour mobiliser les signataires qui se sont 110 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental assoupis, maintenant que ces résultats concrets sont à leur portée immédiate. A défaut de cette dynamique vertueuse, il faut aussi souligner le paradoxe que constituerait une transition trop longue, avec un système à deux vitesses où l’égalité ne serait pas la même pour tous les justiciables européens. Le Protocole n° 9 avait introduit une différenciation procédurale, avec deux règlements intérieurs, mais il est quand même exceptionnel qu’un même principe substantiel ait deux variantes applicables, selon le choix des Etats. Quelle portée donner à l’autorité relative de la chose jugée, lorsque la Cour se sera prononcée sur une question de principe ? C’est dire, dans un simple souci de cohérence juridique et d’harmonie jurisprudentielle, qu’il faut souhaiter voir dans les meilleurs délais, l’ensemble des Etats parties à la Convention se rallier autour du Protocole n° 12. I Comment expliquer les réticences, pour ne pas dire plus, de nombre d’Etats ? Sur le plan des principes, tous les Etats se sont engagés, plutôt dix fois qu’une, en faveur de l’égalité des droits et de la non-discrimination. On retrouve ces grands principes à la base de tous les grands textes internationaux, depuis soixante ans, à commencer par la Charte des Nations Unies qui proclame « le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion ». C’est un leitmotiv, inséparable de la mention des droits de l’homme, tout au long de la Charte. Dans le droit fil de la Déclaration universelle, le principe est décliné dans les dispositions des deux Pactes internationaux de 1966, comme des autres instruments spécialisés des Nations Unies. Lors de la première séance, Martin Scheinin nous a rappelé l’expérience du Comité des droits de l’homme dans l’application de l’article 26. De son côté, la Sous-Commission des droits de l’homme a entrepris une étude sur la portée de l’article 2 §2 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, confiée à Marc Bossuyt, en tant que rapporteur spécial. Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 111 La non-discrimination : un droit fondamental Cette étude est d’autant plus importante que le groupe de travail de la Commission des droits de l’homme sur les « options » pour un protocole facultatif au Pacte permettant des communications individuelles, met l’accent sur la justiciabilité des droits économiques, sociaux et culturels, avec l’hypothèse d’une double protection, sous l’angle de la non-discrimination, par l’un et l’autre Pacte. J’ajouterai que cet effet de miroitement existe déjà entre l’article 14 de la Convention européenne et l’article 26 du Pacte relatif aux droits civils et politiques, comme l’atteste la triste saga du contentieux des anciens soldats africains de l’armée française. Dès 1989, le Comité des droits de l’homme s’était prononcé très clairement dans l’affaire Guye et autres pour constater une discrimination à raison de la nationalité dans la jouissance des pensions de retraite, à la suite de la « cristallisation » des pensions versées aux retraités étrangers. Après bien des hésitations et des contradictions, marquées notamment par un avis Dame Doukouré, le Conseil d’Etat a fini par reconnaître les droits à pension des anciens militaires africains, dans un arrêt Diop du 30 novembre 2001, mais en se fondant sur la Convention européenne, et en appliquant l’article 14 au premier article du Protocole n° 1 sur le droit de propriété, plutôt que de se fonder sur les constatations du Comité des droits de l’homme… Cet arrêt figure désormais dans les « grands arrêts » du Conseil d’Etat ! Malgré l’extension prise par la jurisprudence relative à l’article 14, que ce soit dans le cadre interne ou dans le cadre européen – le juge Tsatsa-Nikolovska a bien montré le rôle dynamique joué récemment par la Cour européenne – un décalage subsiste entre le principe de non-discrimination tel qu’il est garanti dans le cadre universel, à travers les deux Pactes, et le principe consacré par l’article 14 dans le cadre du Conseil de l’Europe. Ce retard initial aurait pu être comblé, lors de la mise à niveau effectuée à l’occasion de l’entrée en vigueur des Pactes, avec le Protocole n° 7, cela n’a pas été le cas. 112 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental Ce « moins disant » de la Convention européenne est d’autant moins excusable aujourd’hui que de son côté l’Union européenne a fait du principe de non-discrimination un de ses fondements de son action dans tous les domaines. La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne comporte des dispositions complexes, articulant citoyenneté européenne et non-discrimination, mais le principe général est proclamé sans ambiguïté : « Est interdite toute discrimination fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, les origines ethniques ou sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, la religion ou les convictions, les opinions politiques ou toute autre opinion, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune la naissance, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle » (article II-81 §1 du Traité établissant une Constitution pour l’Europe). La prise en compte de discriminations longtemps cachées, négligées, ou même admises, comme celles fondées sur le handicap, sur l’âge ou sur l’orientation sexuelle est particulièrement utile pour sensibiliser les pouvoirs publics mais aussi la société civile. Ainsi l’action européenne contre l’homophobie est d’autant plus importante que le cadre universel n’est guère propice à une telle prise de conscience, comme le montrent les débats récurrents à ce sujet, que ce soit à la Sous-Commission, à la Commission des droits de l’homme ou à la 3e Commission de l’Assemblée générale. On retrouve le même élargissement des discriminations prises en compte, sur le plan interne, soit avec la multiplication d’instances spécialisées, sur le modèle des différents Ombudsman suédois, soit avec la mise en place d’institutions à compétences générales, fusionnant des commissions préexistantes comme au Royaume-Uni ou créées ex nihilo comme la nouvelle Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) en France. L’Union européenne se trouve face au même dilemme avec la transformation de l’Observatoire de Vienne des phénomènes racistes et xénophobes en Agence européenne des droits fondamentaux. Mais la juxtaposition de compétences spécifiques et de compétences générales se retrouve aussi dans le système onusien, avec des organes spécialisés comme le Comité pour Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 113 La non-discrimination : un droit fondamental l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (CERD) ou le Comité pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW). A cet égard, l’expérience de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance, l’ECRI – représentée ici par son président Michael Head – est particulièrement significative pour rappeler l’importance de la lutte contre le racisme et l’intolérance. Comme il nous l’a rappelé, c’est une demande de l’ECRI visant la discrimination raciale qui a été le point de départ du Protocole n° 12, alors que le Comité directeur sur l’égalité des femmes et des hommes préconisait de son côté un protocole relatif à la discrimination sexuelle. Il est heureux que ces deux approches aient permis de déboucher sur une clause générale, évitant d’établir une hiérarchie entre les discriminations. Pour autant, certains ont déploré, lors du débat, que le Protocole n° 12 s’en tienne à la liste des discriminations établies en 1950. Il est bien sûr impossible, à ce stade, de revenir sur l’option de principe qui a été faite par les rédacteurs du protocole ! Sur le plan juridique, comme cela a été souligné, la rédaction du Protocole n° 12 couvre bien toutes les discriminations – puisque son énumération qui commence par « notamment » se termine en visant « toute autre situation » – et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme a déjà donné une grande extension à cette formule, ainsi que nous a rappelé Mme Tsatsa-Nikolovska en multipliant les exemples. C’est seulement sur le terrain symbolique, à l’égard de l’opinion publique, qu’on peut déplorer l’absence de mention explicite à de « nouvelles » formes de discriminations, même si toute réécriture d’une énumération prête le flanc à des raisonnements a contrario, impliquant de nouvelles lacunes… Encore une fois, le texte du protocole n’exclut rien. Raison de plus pour renforcer le travail de sensibilisation à l’égard de toutes les discriminations et des groupes les plus vulnérables. 114 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental Mais affirmer des priorités ne doit pas nous amener à sousestimer d’autres discriminations. Le Protocole n° 12, par sa double généralité, en visant toute forme de discrimination à l’égard de « tout droit prévu par la loi », nous oblige à élargir considérablement la portée du radar de la Convention. II Le premier panel était justement consacré à la portée du Protocole n° 12, aussi bien dans le cadre de la Convention européenne que dans sa mise en relation avec d’autres instruments internationaux. Comme l’a souligné Marc Bossuyt, avec son franc parler coutumier, le Protocole n° 12 n’apporte rien de neuf sur le fond. Le principe est déjà largement consacré sur le plan interne comme dans le cadre international. Ce qui est nouveau, c’est seulement – mais c’est sans doute beaucoup, j’allais dire trop, pour nombre d’Etats – l’extension de la compétence de la Cour de Strasbourg. L’hypothèque concerne sans doute la charge de travail supplémentaire de la Cour – nous y reviendrons – mais plus fondamentalement encore le poids donné à la jurisprudence. La dialectique classique entre le rôle du législateur, s’agissant notamment de « l’allocation nationale des ressources » et la fonction d’interprétation du juge se trouve ici doublée par la réticence à abandonner la « marge nationale d’appréciation » en faveur d’une confiance aveugle accordée à un juge supranational. Le débat a montré que le juge européen avait besoin de rassurer, de « faire ses preuves », comme si depuis près de 40 ans, une jurisprudence abondante n’avait pas déjà fixé les traits d’une démarche, à la fois dynamique et prudente. M. Head nous a décrit la jurisprudence relative à l’article 14 comme « rassurante et décevante », avant de présenter la rédaction du Protocole n° 12 comme « audacieuse et timide », dans la mesure où la référence à l’égalité ne figure que dans le préambule et où la dimension horizontale des discriminations dans la sphère privée s’efface derrière l’écran de la loi. Mais l’Etat se voit rappeler ses obligations positives dans la mesure où il doit Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 115 La non-discrimination : un droit fondamental respecter et faire respecter le principe de non-discrimination, en vertu du principe fondamental rappelé par le préambule que chacun a « droit à une égale protection de la loi ». Mais le débat a permis d’écarter bien des malentendus, s’agissant notamment de la place des travaux préparatoires et notamment du rapport explicatif. La question des « discriminations positives » visées par le Préambule ne laisse place à aucune incertitude, conformément au droit commun de la non-discrimination, tel que la jurisprudence comparée l’a amplement illustré, tout comme les observations générales des différents organes de traités des Nations Unies, alors que certains craignaient que ces « mesures positives » d’affirmative action ne tombent sous le coup du protocole. Morten Kjaerum l’a bien montré, en sa qualité de membre du CERD. De même, la participation de plusieurs juges au débat, même s’il n’était pas question pour eux de « pré-juger » une position officielle de la Cour, a permis de souligner toute la portée de l’avis rendu le 6 décembre 1999 qui – comme l’a rappelé Jeroen Schokkenbroek – a été rendu en réunion plénière administrative, c’est-à-dire avec la participation de tous les juges, dans une formation encore plus représentative qu’une Grande Chambre. Ainsi, « en ce qui concerne le contenu normatif du Protocole, la Cour relève, en rapport avec l’article 1er, que le projet de rapport explicatif (voir le § 18) renvoie à la notion de discrimination telle que celle-ci a toujours été interprétée dans la jurisprudence de la Cour, d’après laquelle une différence de traitement est discriminatoire si elle manque de justification objective et raisonnable, c’est-à-dire si elle ne poursuit pas un but légitime ou s’il n’y a pas un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé. Comme la Cour l’a dit dans l’affaire linguistique belge, « les autorités nationales compétentes se trouvent souvent en face de situations ou de problèmes dont la diversité appelle des solutions juridiques différentes » (arrêt du 23.7.68, série A n° 6, p.34, § 10). On trouve une autre illustration de cette idée, en accord avec le caractère subsidiaire du système de la Convention, dans la marge d’appréciation 116 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental dont les autorités nationales jouissent pour déterminer si et dans quelle mesure les différences entre des situations à d‘autres égards analogues justifient des distinctions de traitement juridique (voir, entre autres, l’arrêt Rasmussen c.Danemark du 23.11.84, série A n° 87, p. 15, § 40) » (§ 5). Manifestement la jurisprudence de la Cour s’inscrira dans la continuité, épousant la dialectique qui est au cœur de la justice distributive depuis Aristote et Pythagore. Il n’y a pas lieu de craindre que la Cour abandonne son rôle traditionnel de « réducteur des incertitudes », comme s’en inquiétait le professeur Renucci. La jurisprudence déjà riche de la Cour européenne des Droits de l’Homme – tout comme celles de la Cour suprême des Etats-Unis ou des Cours constitutionnelles européennes – a bien montré que l’égalité n’était pas l’uniformité, l’égalité des casernes, mais qu’elle était plus proche de l’équité en tenant pleinement compte de la diversité des situations. Selon la formule souvent répétée par le Conseil constitutionnel français, le principe d’égalité « ne s’oppose, ni à ce que le législateur règle de façons différentes des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pour autant que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l’objet de la loi qui l’établit ». Il s’agit, en somme, de traiter de manière identique des situations identiques et de manière différente des situations différentes. Mais précisément ce calcul de plus en plus sophistiqué, ne peut être fait que par le juge, dans des situations concrètes. Pour autant, la jurisprudence européenne comportait une limite inhérente à la construction de l’article 14 en faisant sinon une « clause parasitaire », du moins une « disposition accessoire » au sens technique du mot, même si une violation de l’article 14 pouvait, en principe, être constatée en dehors de toute violation d’un des droits garantis par la Convention. Mais contrairement par exemple à l’expérience de la Chambre des droits de l’homme de Bosnie-Herzégovine qui en vertu des accords de Dayton, appliquait en priorité le « test » de la non-discrimination, la jurispru- Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 117 La non-discrimination : un droit fondamental dence de la Cour européenne relègue ce débat aux derniers paragraphes de son arrêt. C’est dire que trop souvent, moins sans doute en raison d’une réticence de principe à admettre certaines discriminations, que par son inclinaison à pratiquer « l’économie des moyens », elle se concentrait sur les violations substantielles, plutôt que de rechercher de manière superfétatoire les discriminations pouvant s’y greffer. Il faut d’autant plus saluer le rôle de pionnier du juge Louis-Edmond Pettiti qui, dans son opinion dissidente sur l’arrêt Buckley du 25 septembre 1996, avait souligné toute la potentialité de l’article 14, s’agissant notamment des discriminations institutionnelles subies par les Roms. A cet égard, le Protocole n° 12 vient à point nommé pour remettre en première ligne le principe de l’article 14, en faisant de « l’interdiction générale de discrimination » un droit à part entière, une priorité juridique et non plus un « droit accessoire », au propre mais aussi au figuré. Cette vigilance est d’autant plus importante que de nouveaux défis surgissent, comme l’a bien montré M. Jim Goldston, le directeur exécutif de l’Open Society Justice Initiative, en concentrant son intervention sur les risques de discriminations dans la lutte contre le terrorisme, notamment avec les techniques de profiling. III Dès lors comment aller plus loin ? Comment concrètement préparer la ratification ? Tel était le titre du deuxième panel, consacré aux enjeux de la ratification. Le débat a d’abord été placé sur le plan politique, grâce à la présentation d’un membre de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, appartenant à la Commission des questions juridiques et des droits de l’homme, M. Boriss Cilevičs, qui n’a pas manqué de relever le paradoxe de la situation, puisque la ratification a été imposée aux nouveaux Etats membres, dans le cadre du monitoring des engagements, sans que les « anciens » Etats ne s’engagent. Face à cet attentisme, il a souligné qu’il était essentiel que les « craintes 118 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental infondées » au sujet du Protocole n° 12 ne suscitent à leur tour des « espoirs déçus ». L’exemple de la Croatie, présenté par Mme Šimonović qui dirige le département des droits de l’homme du ministère des affaires étrangères, montre bien le cercle vertueux entraîné par la ratification du protocole, mettant en œuvre le principe de subsidiarité. L’entrée en vigueur du protocole va en effet « provoquer le juge national », à travers le renforcement des compétences de la Cour constitutionnelle, et servir de moteur pour des réformes législatives et la mise en place de nouvelles institutions, de la famille des ombudsman. C’est donc d’abord sur le plan interne que se joue la mise en œuvre du protocole. Inversement, la multiplication des garanties internationales, devant la Cour européenne, comme devant le Comité des droits de l’homme, le CERD ou le CEDAW, n’a de sens que si un dispositif est mis en place pour exécuter les décisions de ces organes, en bouclant ainsi la boucle. De son côté, M. Kissane, du département des affaires constitutionnelles, a exposé les hésitations du Royaume-Uni, sans fermer la porte à une évolution, mais en soulignant les incertitudes qui subsistent. Il a rappelé que le Royaume-Uni est fermement engagé, sur le plan des principes comme des politiques, en faveur de la promotion de l’égalité raciale et de la cohésion sociale. Notant que, depuis le traité d’Amsterdam, l’Union européenne va encore plus loin en visant directement la sphère privée – comme l’avait indiqué dans son exposé sur le droit communautaire M. Mark Bell – s’interrogeant ainsi sur « la valeur ajoutée » du Protocole n° 12. Toutefois, les débats ont permis de souligner que le protocole du Conseil de l’Europe et la législation de l’Union européenne sont de nature différente, ont des fonctions différentes et sont donc complémentaires. Le professeur Wintemute a évoqué le caractère constitutionnel du droit de la Convention. Alors que les directives de l’Union n’englobent pas tous les motifs de discrimination, ni tous les domaines de la vie dans lesquels persiste l’inégalité, le Protocole n° 12 instaure le principe général de non-discrimina- Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 119 La non-discrimination : un droit fondamental tion. Il s’agit d’un fondement juridique essentiel pour restaurer l'égalité, que ce soit en droit, ou dans les interventions des pouvoirs publics. L’autre argument, mis en avant a été celui de l’exemplarité, du leadership, attendu justement d’un pays comme le RoyaumeUni. En effet, au-delà de l’expérience propre de chaque Etat, ce qui est en jeu est une dynamique collective, à travers les conséquences de l’entrée en vigueur pour le système de la Convention. Il ne faut pas se le cacher, la somme des réticences individuelles ou des obstacles techniques répond aussi à une incertitude plus générale, dont la Cour elle-même s’était fait l’écho dans son avis de 1999, en évoquant le poids de la réforme sur son propre fonctionnement, au moment où la nouvelle Cour venait d’être mise en place. La contribution de Robert Badinter aux Mélanges Pettiti, publiée en 1998 sous le titre « Du Protocole n° 11 au Protocole n° 12 » était un exercice de fiction juridique, risqué comme toute projection dans le temps, en évoquant « la réforme de la réforme » – ce qui deviendra le Protocole n° 14 – et non de notre Protocole n° 12. Mais ce titre prend aujourd’hui un sens prophétique. Il y a bien un lien étroit entre le Protocole n° 11 et le Protocole n° 12, entre les incertitudes des Etats à l’égard du fonctionnement actuel de la Cour et les réticences à la charger de nouvelles responsabilités pour l’avenir. Les projections quantitatives montrent d’ailleurs que le mot « charger » n’est pas un vain mot. Mais, peut-on remettre à plus tard une pleine garantie du principe de non-discrimination, en raison de l’absence de moyens financiers ou humains. Il faut adapter les moyens aux principes et non les principes aux moyens. Jean Kahn, le fondateur de l’Observatoire de Vienne l’avait rappelé à un ministre européen qui considérait que la mise en œuvre de l’égalité entre les femmes et les hommes avait coûté trop cher pour que la Communauté européenne s’implique dans la lutte contre la discrimination raciale. 120 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental La lutte contre les inégalités et les discriminations est aujourd’hui un leitmotiv politique, c’est un impératif juridique, et une obligation morale pour tous nos Etats. On voit mal comment la Convention européenne des Droits de l’Homme pourrait être amputée durablement de cet outil nouveau, et on comprend mal quel argument avouable pourrait être invoqué à l’encontre de la mise en œuvre d’un principe fondamental. On comprend encore moins comment sur un terrain aussi essentiel le système européen pourrait être laissé durablement à la traîne, face aux développements du droit international et du droit communautaire, à moins de remettre en cause sa cohérence comme « modèle » de garantie collective des droits de l’homme. Si le principe contient une part d’incertitudes, c’est justement au juge européen, comme au juge national, d’apporter les clarifications nécessaires, dans le respect de la marge nationale d’appréciation, à travers la notion de proportionnalité et/ou le critère de raisonnable. Cet engagement est d’autant plus nécessaire pour les pays qui comme la France écartent l’idée de conférer des droits collectifs à des groupes ou des communautés, en insistant sur l’égalité de droits entre tous les citoyens. En ce sens la consécration par la Convention européenne – que ce soit à l’article 14 ou dans le Protocole n° 12 qui reprend les mêmes termes dans son article premier – du refus de toute discrimination fondée « sur l’appartenance à une minorité nationale » fournit un pont pour concilier concrètement les deux positions, en assurant la pleine effectivité des droits de l’homme. C’est ce qu’a rappelé la Commission nationale consultative des droits de l’homme, dans sa réponse au 3e rapport de l’ECRI sur la France, en écartant unanimement toute intention de ratification de la convention-cadre sur les minorités nationales, mais en préconisant la ratification du Protocole n° 12 dans les meilleurs délais. C’est sur le terrain de la non-discrimination, que l’égalité abstraite, tant de fois proclamée en vain, peut devenir une véritable égalité des droits, une égalité des chances… Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 121 La non-discrimination : un droit fondamental Mais de manière positive cette fois, le lien entre le Protocole n° 11 et le Protocole n° 12 implique aussi de conserver la dialectique entre la promotion et la protection des droits de l’homme, ou pour reprendre un vocabulaire plus familier à Strasbourg, entre le développement et la procédure. A cet égard, permettez-moi de le dire très franchement, l’idée de mettre en veilleuse des activités du DH-DEV me semble regrettable sur le plan symbolique comme sur le plan pratique. Lorsque je participais aux travaux du CDDH, il y a près de vingt ans, nous parlions de l’initiative autrichienne visant à consacrer des droits économiques et sociaux dans un protocole additionnel ! Fort heureusement, la Charte sociale européenne a pris depuis un grand essor, comme l’a rappelé Jean-Michel Belorgey, le président du Comité des Droits sociaux. Reste que la Convention européenne comporte un « déficit social » important. A défaut de nouvelle percée substantielle, le Protocole n° 12 offre une ouverture sur l’ensemble des droits garantis par l’Etat, permettant ainsi une prise en compte des droits économiques et sociaux, au-delà de la sphère étroite des « biens », jouant par définition au seul bénéfice des beati possidentes, au sens de l’article premier du protocole additionnel. Ce retour sur les droits économiques et sociaux, dans le cadre européen, me semble essentiel pour lutter concrètement contre les discriminations et les exclusions qui sont une atteinte à la dignité. Ces « pauvres droits de l’homme » dont a si bien parlé PierreHenri Imbert, avec la rigueur intellectuelle et le courage moral qu’on lui connaît, dans un article qui a fait date. Dans une Europe sans clivages, dont le modèle social est en crise, écartelée entre l’individualisme et la globalisation, le Protocole n° 12 n’est pas seulement un instrument technique – un expédient à laisser de côté ou à remiser pour plus tard – c’est le révélateur de notre volonté collective d’une société plus juste et plus solidaire, fondée sur « l’égale dignité de tous les êtres humains », de chaque homme et de chaque femme, y compris les plus vulnérables. 122 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental Les droits de l’homme n’ont de sens que si ce sont les droits de tous. Ce sont d’abord les « droits des autres », comme le rappelait Emmanuel Lévinas. Plus que jamais, le principe de non-discrimination doit être placé au cœur des droits de l’homme. Mais tout autant, et même plus, les droits de l’homme doivent être ancrés dans le principe de non-discrimination. Si tous les chemins mènent à Rome, ils doivent aussi nous conduire à Strasbourg. Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 123 La non-discrimination : un droit fondamental Annexe I Protocole n° 12 à la Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales Rome, 4.XI.2000 Les Etats membres du Conseil de l’Europe, signataires du présent Protocole, Prenant en compte le principe fondamental selon lequel toutes les personnes sont égales devant la loi et ont droit à une égale protection de la loi ; Résolus à prendre de nouvelles mesures pour promouvoir l’égalité de tous par la garantie collective d'une interdiction générale de discrimination par la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après dénommée « la Convention ») ; Réaffirmant que le principe de non-discrimination n’empêche pas les Etats parties de prendre des mesures afin de promouvoir une égalité pleine et effective, à la condition qu'elles répondent à une justification objective et raisonnable, Sont convenus de ce qui suit : Article 1 – Interdiction générale de la discrimination 1. La jouissance de tout droit prévu par la loi doit être assurée, sans discrimination aucune, fondée notamment sur le sexe, la Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 125 La non-discrimination : un droit fondamental race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. 2. Nul ne peut faire l’objet d’une discrimination de la part d’une autorité publique quelle qu’elle soit fondée notamment sur les motifs mentionnés au paragraphe 1. Article 2 – Application territoriale 1. Tout Etat peut, au moment de la signature ou au moment du dépôt de son instrument de ratification, d’acceptation ou d’approbation, désigner le ou les territoires auxquels s’appliquera le présent Protocole. 2. Tout Etat peut, à tout autre moment par la suite, par une déclaration adressée au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, étendre l’application du présent Protocole à tout autre territoire désigné dans la déclaration. Le Protocole entrera en vigueur à l’égard de ce territoire le premier jour du mois qui suit l’expiration d’une période de trois mois après la date de réception de la déclaration par le Secrétaire Général. 3. Toute déclaration faite en vertu des deux paragraphes précédents pourra être retirée ou modifiée, en ce qui concerne tout territoire désigné dans cette déclaration, par notification adressée au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe. Le retrait ou la modification prendra effet le premier jour du mois qui suit l'expiration d’une période de trois mois après la date de réception de la notification par le Secrétaire Général. 4. Une déclaration faite conformément au présent article sera considérée comme ayant été faite conformément au paragraphe 1 de l'article 56 de la Convention. 126 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental 5. Tout Etat ayant fait une déclaration conformément au paragraphe 1 ou 2 du présent article peut, à tout moment par la suite, déclarer relativement à un ou plusieurs des territoires visés dans cette déclaration qu’il accepte la compétence de la Cour pour connaître des requêtes de personnes physiques, d’organisations non gouvernementales ou de groupes de particuliers, comme le prévoit l’article 34 de la Convention, au titre de l’article 1 du présent Protocole. Article 3 – Relations avec la Convention Les Etats parties considèrent les articles 1 et 2 du présent Protocole comme des articles additionnels à la Convention et toutes les dispositions de la Convention s’appliquent en conséquence. Article 4 – Signature et ratification Le présent Protocole est ouvert à la signature des Etats membres du Conseil de l’Europe qui ont signé la Convention. Il sera soumis à ratification, acceptation ou approbation. Un Etat membre du Conseil de l’Europe ne peut ratifier, accepter ou approuver le présent Protocole sans avoir simultanément ou antérieurement ratifié la Convention. Les instruments de ratification, d’acceptation ou d’approbation seront déposés près le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe. Article 5 – Entrée en vigueur 1. Le présent Protocole entrera en vigueur le premier jour du mois qui suit l’expiration d’une période de trois mois après la date à laquelle dix Etats membres du Conseil de l’Europe auront exprimé leur consentement à être liés par le présent Protocole conformément aux dispositions de son article 4. 2 Pour tout Etat membre qui exprimera ultérieurement son consentement à être lié par le présent Protocole, celui-ci Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 127 La non-discrimination : un droit fondamental entrera en vigueur le premier jour du mois qui suit l’expiration d’une période de trois mois après la date du dépôt de l’instrument de ratification, d’acceptation ou d’approbation. Article 6 – Fonctions du dépositaire Le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe notifiera à tous les Etats membres du Conseil de l’Europe: a toute signature; b le dépôt de tout instrument de ratification, d’acceptation ou d’approbation; c toute date d’entrée en vigueur du présent Protocole conformément à ses articles 2 et 5; d tout autre acte, notification ou communication, ayant trait au présent Protocole. En foi de quoi, les soussignés, dûment autorisés à cet effet, ont signé le présent Protocole. Fait à Rome, le 4 novembre 2000, en français et en anglais, les deux textes faisant également foi, en un seul exemplaire qui sera déposé dans les archives du Conseil de l'Europe. Le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe en communiquera copie certifiée conforme à chacun des Etats membres du Conseil de l’Europe. 128 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental Rapport explicatif I. Le Protocole n° 12 à la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales a été élaboré au sein du Conseil de l’Europe par le Comité Directeur pour les Droits de l’Homme (CDDH). Il a été ouvert à la signature des Etats membres du Conseil de l’Europe le 4 novembre 2000. II. Le texte du rapport explicatif, préparé par le CDDH et adopté par le Comité des Ministres le 26 juin 2000, ne constitue pas un instrument d’interprétation authentique du texte du Protocole bien qu’il puisse être susceptible de faciliter la compréhension des dispositions qui y sont contenues. Introduction 1. L’article 1 de la Déclaration universelle des droits de l’homme proclame : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits ». Le principe d’égalité et de nondiscrimination constitue un élément fondamental du droit international en matière de droits de l’homme. Il a été affirmé en tant que tel à l’article 7 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, à l’article 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et aux dispositions similaires figurant dans d’autres instruments internationaux en matière de droits de l’homme. La disposition pertinente de la Convention européenne des Droits de l’Homme (CEDH) en la matière est l’article 14. Toutefois, la protection offerte par l’article 14 concernant l’égalité et la non-discrimination est limitée, comparée à celle prévue aux dispositions d’autres instruments internationaux. Ce fait tient principalement à ce que l’article 14, à la différence des dispositions contenues dans d’autres instruments, n’énonce pas une interdiction indépendante relative à la discrimination, puisqu’il ne la proscrit qu’en ce qui concerne « la jouissance des droits et libertés » définis dans la Convention. Depuis 1950, certaines garanties spécifiques supplémentaires concernant Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 129 La non-discrimination : un droit fondamental uniquement l’égalité entre époux ont été énoncées à l’article 5 du Protocole n° 7 à la CEDH. 2. Depuis les années 60, divers moyens d’assurer des garanties supplémentaires dans le domaine de l’égalité et de la nondiscrimination par le biais d’un protocole à la Convention ont été proposées ou étudiées, tant par l’Assemblée parlementaire que par les comités d’experts intergouvernementaux compétents du Conseil de l’Europe, mais les travaux menés ces dernières années dans le domaine de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre le racisme et l’intolérance ont donné une nouvelle impulsion à cette démarche. La question d’un éventuel renforcement des garanties de la CEDH à ces égards a été étudiée activement par la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI), le Comité directeur pour l’égalité entre les femmes et les hommes (CDEG) et le Comité directeur pour les droits de l’homme (CDDH). 3. Les participants au 7e Colloque international sur la Convention européenne des Droits de l’Homme (Copenhague, Oslo et Lund, 30 mai-2 juin 1990) ont affirmé que les principes d’égalité et de non-discrimination étaient des éléments essentiels du droit international en matière de droits de l’homme. Quant à l’élargissement, par la voie du développement de la jurisprudence de Strasbourg, de la protection offerte par l’article 14 de la Convention au-delà de la limite susmentionnée (voir paragraphe 1 cidessus), ils ont reconnu qu’il y avait peu de possibilités d’expansion jurisprudentielle sur ce point, du fait que l’interdiction édictée par l’article 14 a un caractère nettement accessoire par rapport aux autres garanties de fond de la Convention. 4. Depuis 1990, l’étude d’un éventuel renforcement des garanties de la Convention concernant l’égalité et la non-discrimination a d’abord été menée de façon indépendante et dans des perspectives spécifiques par le Comité directeur pour l’égalité entre les femmes et les hommes et la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance. 130 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental 5. Au cours de ses travaux, le CDEG a souligné l’absence, dans le cadre des instruments contraignants du Conseil de l’Europe, de protection juridique de l’égalité entre les femmes et les hommes en tant que droit fondamental indépendant. Considérant qu’une norme juridique à cet effet constituait l’une des conditions essentielles pour atteindre l’égalité de jure et de facto, le CDEG a concentré la majeure partie de ses activités sur l’inclusion dans la Convention européenne des Droits de l’Homme d’un droit fondamental de la femme et de l’homme à l’égalité. Les travaux du CDEG ont abouti à la proposition circonstanciée d’introduire un tel droit dans un protocole à la CEDH. En 1994, le Comité des Ministres a chargé le Comité directeur pour les droits de l’homme d’étudier la nécessité et la faisabilité d’une telle mesure, en tenant compte, entre autres, du rapport soumis par le CDEG. Sur la base des travaux de son Comité d’experts pour le développement des droits de l’homme (DH-DEV), le CDDH est convenu, en octobre 1996, qu’il était nécessaire que le Conseil de l’Europe adopte des normes dans le domaine de l’égalité entre les femmes et les hommes, mais, se situant sur le plan du principe de l’universalité des droits de l’homme, il a exprimé des réserves à l’égard d’un projet de protocole fondé sur une approche sectorielle. A la suite d’une demande formulée par le CDDH, le Comité des Ministres l’a chargé, en décembre 1996, d’étudier des solutions d’ordre normatif quant à l’égalité entre la femme et l’homme autres que celle d’un projet de protocole spécifique à la CEDH, et de soumettre des propositions à cet égard. 6. Dans l’intervalle, conséquence directe du premier Sommet des chefs d’État et de gouvernement des Etats membres tenu à Vienne les 8 et 9 octobre 1993, les travaux du Conseil de l’Europe sur les problèmes du racisme et de l’intolérance se sont intensifiés. La Déclaration et le Plan d’action sur la lutte contre le racisme, la xénophobie, l’antisémitisme et l’intolérance adoptés à cette occasion exprimaient l’inquiétude face à la résurgence de ces phénomènes, ainsi qu'au développement d’un climat d’intolérance. Dans le cadre de l’approche globale du traitement de ces problèmes, définie dans le Plan d’action, les chefs d’État et de Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 131 La non-discrimination : un droit fondamental gouvernement ont décidé de créer la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI), qu’ils ont chargée, entre autres, d’œuvrer au renforcement des garanties contre toutes les formes de discrimination et, à cette fin, d’étudier les instruments juridiques internationaux applicables en la matière en vue de leur renforcement si nécessaire. 7. Après avoir étudié tous les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme traitant des questions de discrimination, l’ECRI a transmis ses conclusions au Comité des Ministres. Elle était d’avis que la protection offerte par la CEDH contre la discrimination raciale devait être renforcée au moyen d’un protocole additionnel qui contiendrait une clause générale de protection contre la discrimination fondée sur la race, la couleur, la langue, la religion ou l’origine ethnique ou nationale. En proposant un nouveau protocole, l’ECRI reconnaissait que le droit seul ne suffirait pas à éliminer le racisme sous ses multiples formes à l’égard de divers groupes et, dans le même temps, soulignait que la lutte pour la justice raciale ne saurait se passer du droit. L’ECRI était convaincue que la consécration du droit à la protection contre la discrimination raciale en tant que droit fondamental de l’être humain constituerait une étape importante dans la lutte contre les violations manifestes des droits de l’homme qui résultent du racisme et de la xénophobie. Elle soulignait que les attitudes discriminatoires et la violence raciste se répandaient actuellement dans de nombreux pays européens et constatait que la résurgence des idéologies racistes et des intolérances religieuses ajoutait aux tensions quotidiennes que connaissent nos sociétés, une tentative de légitimation de la discrimination. 8. A la lumière de la proposition de l’ECRI, le Comité des Ministres a décidé, en avril 1996, de charger le Comité directeur pour les droits de l’homme d’étudier l’opportunité et la faisabilité d’un instrument juridique contre le racisme et l’intolérance, en tenant compte du rapport circonstancié de l’ECRI sur le renforcement de la clause de non-discrimination de la CEDH. 132 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental 9. Sur la base des travaux préparatoires effectués par le DHDEV, qui incluaient le recensement des arguments pour et contre les diverses solutions d’ordre normatif envisageables (un protocole additionnel fondé sur la proposition de l’ECRI, un protocole additionnel élargissant de façon générale le champ d’application de l’article 14, une convention-cadre ou une autre convention, une recommandation du Comité des Ministres), le CDDH a adopté, en octobre 1997, un rapport à l’attention du Comité des Ministres concernant à la fois la question de l’égalité entre les femmes et les hommes et celle du racisme et de l’intolérance. Le CDDH était d’avis qu’un protocole additionnel à la CEDH était opportun et faisable, tant comme solution d’ordre normatif quant à l’égalité entre les femmes et les hommes que comme instrument juridique contre le racisme et l’intolérance. 10. C’est sur la base de ce rapport que le Comité des Ministres, à la 622e réunion des Délégués des Ministres (10 et 11 mars 1998), a confié au CDDH le mandat de rédiger un protocole additionnel à la Convention européenne des Droits de l’Homme élargissant d’une façon générale le champ d’application de son article 14 et contenant une liste non exhaustive de motifs de discrimination. 11. En 1998 et 1999, le CDDH et son comité d'experts, le DH-DEV, ont élaboré le projet de protocole et le projet d’un rapport explicatif. Comme ce fut le cas au cours des étapes antérieures de cette activité, le CDEG et l’ECRI ont été associés à ces travaux par l’intermédiaire de leurs représentants. Au cours de cette période, les participants au Colloque européen régional « Tous concernés – L’effectivité de la protection des droits de l’homme cinquante ans après la Déclaration universelle » (Strasbourg, 2-4 septembre 1998), organisé par le Conseil de l’Europe en tant que contribution à la commémoration du 50e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, ainsi que le Comité des Ministres, par sa Déclaration politique, adoptée le 10 décembre 1998, à l’occasion de ce Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 133 La non-discrimination : un droit fondamental même anniversaire, se sont exprimés en faveur d’une conclusion rapide de la rédaction du projet de protocole. 12. Le CDDH, après avoir consulté la Cour européenne des Droits de l’Homme, l’Assemblée parlementaire et d’autres instances du Conseil de l’Europe, a parachevé le texte du projet de protocole lors de sa réunion extraordinaire des 9 et 10 mars 2000 et a décidé de le transmettre au Comité des Ministres, avec le projet de rapport explicatif. 13. Le Comité des Ministres a adopté le texte du Protocole le 26 juin 2000, à la 715e réunion des Délégués des Ministres et l’a ouvert à la signature par les Etats membres du Conseil de l’Europe le 4 novembre 2000. Commentaires sur les dispositions du protocole Préambule 14. Le bref préambule se réfère, dans le premier paragraphe, au principe d’égalité devant la loi et d’égale protection de la loi. Il s’agit d’un principe général fondamental et bien établi, et d’un élément essentiel de la protection des droits de l’homme reconnu dans les constitutions des Etats membres et dans le droit international en matière de droits de l’homme (voir aussi le paragraphe 1 ci-dessus). 15. Bien que le principe d’égalité n’apparaisse pas explicitement dans le texte de l’article 14 de la Convention ni dans l’article 1 du présent protocole, il convient de noter que les principes de non-discrimination et d’égalité sont étroitement liés. Par exemple, le principe d’égalité exige que des situations égales soient traitées de manière égale et des situations inégales de manière différente. Toute atteinte à cet égard sera considérée comme une discrimination, à moins qu’il n’existe une justification objective et raisonnable (voir paragraphe 18 ci-dessous). Dans sa jurisprudence relative à l’article 14, la Cour a déjà fait référence 134 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental à « l’égalité de traitement » (voir, par exemple, l’arrêt de la Cour du 23 juillet 1968 dans l’affaire « linguistique belge », Série A, n° 6, paragraphe 10) ou à « l’égalité des sexes » (voir par exemple, l’arrêt du 28 mai 1985 dans l’affaire Abdulaziz, Cabales et Balkandali c/Royaume-Uni, Série A, n° 94, paragraphe 78). 16. Le troisième paragraphe du préambule fait référence aux mesures prises afin de promouvoir une égalité pleine et effective, et réaffirme que de telles mesures ne sont pas interdites par le principe de non-discrimination, dans la mesure où elles répondent à une justification objective et raisonnable (ce principe apparaît déjà dans certaines dispositions internationales existantes : voir, par exemple, l’article 1, paragraphe 4, de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, l’article 4, paragraphe 1, de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et, au niveau régional, l’article 4, paragraphe 3, de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales). Le fait que certains groupes ou catégories de personnes soient défavorisés ou l’existence de certaines inégalités de fait, peut constituer une justification pour l’adoption de mesures octroyant des avantages spécifiques afin de promouvoir l’égalité, sous réserve que le principe de proportionnalité soit respecté. En effet, il y a plusieurs instruments internationaux qui obligent ou encouragent les Etats à adopter des mesures positives (voir, par exemple, l’article 2, paragraphe 2, de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, l’article 4, paragraphe 2, de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, ainsi que la Recommandation n° R (85) 2 du Comité des Ministres aux Etats membres relative à la protection juridique contre la discrimination fondée sur le sexe). Toutefois, le présent protocole n’impose aucune obligation d’adopter de telles mesures. En effet, une telle obligation de caractère programmatoire s’accommoderait mal du caractère global de la Convention et de son système de contrôle, qui sont fondés sur une garantie collective des droits individuels Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 135 La non-discrimination : un droit fondamental énoncés en des termes suffisamment spécifiques pour être justiciables. Article 1 – Interdiction générale de la discrimination 17. Cet article contient les principales dispositions de fond du protocole. Sa formulation s’appuie sur les considérations générales suivantes. 18. La notion de discrimination a été interprétée de manière constante par la Cour européenne des Droits de l’Homme dans sa jurisprudence relative à l’article 14 de la Convention. Cette jurisprudence a, en particulier, fait ressortir clairement que toutes les distinctions ou différences de traitement n’équivalaient pas à une discrimination. Ainsi que la Cour l’a énoncé, par exemple dans l’arrêt concernant l’affaire Abdulaziz, Cabales et Balkandali c/ Royaume-Uni, « une distinction est discriminatoire si elle ‘manque de justification objective et raisonnable’, c’est-à-dire si elle ne poursuit pas un ‘but légitime’ ou s’il n'y a pas de ‘rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé’ » (arrêt du 28 mai 1985, Série A, n° 94, paragraphe 72). La signification du mot « discrimination » à l’article 1 est identique à celle qui a été donnée dans le contexte de l’article 14 de la Convention. La formulation française de cet article 1 (« sans discrimination aucune ») diffère légèrement de celle de l’article 14 (« sans distinction aucune »), mais elle n’implique pas une signification différente ; au contraire, il s’agit d’un aménagement terminologique visant à mieux illustrer le concept de discrimination au sens de l’article 14, en alignant le texte français sur le texte anglais (voir sur ce point précis l’arrêt de la Cour du 23 juillet 1968 dans l’affaire « linguistique belge », Série A, n° 6, paragraphe 10). 19. Dans la mesure où toute distinction ou différence de traitement n’équivaut pas à une discrimination et du fait du caractère général du principe de non-discrimination, il n’a pas été jugé nécessaire ni opportun d’inclure une clause restrictive dans le 136 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental présent protocole. Dans le droit de la plupart, sinon de la totalité des Etats membres du Conseil de l’Europe, certaines distinctions fondées sur la nationalité sont par exemple opérées quant à certains droits ou prestations. Les situations dans lesquelles de telles distinctions sont parfaitement acceptables sont suffisamment couvertes par la signification même de la notion de « discrimination » telle qu'elle est décrite au paragraphe 18 cidessus, puisque des distinctions pour lesquelles existe une justification objective et raisonnable ne constituent pas une discrimination. De plus, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’Homme, une certaine marge d’appréciation est laissée aux autorités nationales pour déterminer si et dans quelle mesure des différences entre des situations à d’autres égards analogues justifient des distinctions de traitement juridique. L’étendue de la marge d’appréciation varie selon les circonstances, les domaines et le contexte (voir, par exemple, l’arrêt du 28 novembre 1984 dans l’affaire Rasmussen c/ Danemark, Série A, n° 87, paragraphe 40). Par exemple, la Cour a reconnu une large marge d’appréciation en ce qui concerne l’élaboration et la mise en œuvre d’une politique fiscale (voir, par exemple, l’arrêt du 3 octobre 1997 dans l’affaire National and Provincial Building Society et autres c/Royaume-Uni, Recueil des arrêts et décisions 1997-VII, paragraphe 80). 20. La liste des motifs de discrimination figurant à l’article 1 est identique à celle de l’article 14 de la Convention. Cette solution a été jugée préférable à d’autres, comme celle consistant à inclure expressément certains motifs supplémentaires (par exemple, le handicap physique et psychique, l’orientation sexuelle, l'âge), non par méconnaissance du fait que ces motifs ont pris, dans les sociétés actuelles, une importance particulière par rapport à l’époque de la rédaction de l’article 14 de la Convention, mais parce qu’une telle inclusion a été considérée comme inutile d’un point de vue juridique, puisque la liste des motifs de discrimination n’est pas exhaustive et que l’inclusion de tout motif supplémentaire particulier pourrait engendrer des interprétations a contrario indésirables concernant la discrimination fondée sur des Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 137 La non-discrimination : un droit fondamental motifs non mentionnés. Il est rappelé que la Cour européenne des Droits de l’Homme a déjà appliqué l’article 14 à l’égard de motifs de discrimination qui ne sont pas mentionnés dans cette disposition (voir par exemple, en ce qui concerne le motif de l’orientation sexuelle, l’arrêt du 21 décembre 1999 dans l’affaire Salgueiro da Silva Mouta c/Portugal). 21. L’article 1 prévoit une clause générale de non-discrimination et ainsi la portée de la protection qu’il offre va au-delà de « la jouissance des droits et libertés reconnus dans la [présente] Convention ». 22. En particulier, la portée de la protection additionnelle en vertu de l’article 1 vise les cas où une personne fait l’objet d’une discrimination: i. dans la jouissance de tout droit spécifiquement accordé à l’individu par le droit national; ii. dans la jouissance de tout droit découlant d’obligations claires des autorités publiques en droit national, c’est-à-dire lorsque ces autorités sont tenues par la loi nationale de se conduire d’une certaine manière; iii. de la part des autorités publiques du fait de l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire (par exemple, l’octroi de certaines subventions); iv. du fait d’autres actes ou omissions de la part des autorités publiques (par exemple, le comportement des responsables de l’application des lois pour venir à bout d’une émeute). 23. A cet égard, il a été jugé inutile de préciser lesquels de ces quatre éléments relevaient respectivement du premier paragraphe de l’article 1 et lesquels du deuxième paragraphe. Les deux paragraphes sont complémentaires et leur portée combinée fait que tous ces quatre éléments sont couverts par l’article 1. Il 138 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental convient de garder également à l’esprit que la distinction entre les catégories i. à iv. n’est pas nette et que les systèmes juridiques nationaux peuvent avoir différentes approches quant au fait de savoir si un cas donné entre dans une de ces catégories plutôt que dans une autre. 24. La formulation de l’article 1 reflète une approche équilibrée des éventuelles obligations positives des Parties aux termes de cette disposition. La question posée ici est de savoir dans quelle mesure l’article 1 contraint les Parties à prendre des mesures visant à prévenir la discrimination, même dans les relations entre particuliers (ce qui est qualifié d’« effets horizontaux indirects »). La même question se pose à l’égard des mesures visant à remédier à des cas de discrimination. Si de telles obligations positives ne peuvent être globalement exclues, l’objectif principal de l’article 1 est d’établir pour les Parties une obligation négative : celle de s’abstenir de toute discrimination à l’encontre des individus. 25. D’une part, l’article 1 assure une protection contre la discrimination de la part des autorités publiques. Cet article ne vise pas à imposer aux Parties une obligation positive générale de prendre des mesures pour éviter tout cas de discrimination dans les relations entre particuliers ou pour y remédier. Un protocole additionnel à la Convention, qui, par essence, énonce des droits individuels justiciables formulés de façon concise, ne constituerait pas un instrument approprié pour définir les différents éléments d’une obligation aussi large, de caractère programmatoire. Des règles spécifiques et plus détaillées ont déjà été énoncées dans le cadre de conventions distinctes, exclusivement consacrées à l’élimination de la discrimination fondée sur les motifs particuliers visés par ces conventions (voir, par exemple, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, toutes deux élaborées dans le cadre des Nations Unies). Il est clair que le présent protocole ne saurait être interprété comme une restriction ou une dérogation aux Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 139 La non-discrimination : un droit fondamental dispositions de droit interne ou de traités prévoyant une protection supplémentaire contre la discrimination (voir les remarques concernant l’article 3 au paragraphe 32 ci-dessous). 26. D’autre part, on ne peut exclure totalement que le devoir d’« assurer », figurant au premier paragraphe de l’article 1, entraîne des obligations positives. Cette question peut, par exemple, se poser lorsqu’il existe une lacune manifeste dans la protection offerte par le droit national contre la discrimination. En ce qui concerne plus spécifiquement les relations entre particuliers, l’absence de protection contre la discrimination dans ces relations pourrait être tellement nette et grave qu’elle entraînerait clairement la responsabilité de l’Etat et relèverait alors de l’article 1 du protocole (voir, mutatis mutandis, l’arrêt de la Cour du 26 mars 1985 dans l’affaire X et Y c/Pays-Bas, Série A, n° 91, paragraphes 23, 24, 27 et 30). 27. Néanmoins, la portée de toute obligation positive découlant de l’article 1 sera probablement limitée. Il convient de garder à l’esprit que la portée du premier paragraphe se trouve réduite du fait de la référence à la « jouissance de tout droit prévu par la loi » et que le second paragraphe précise que « nul ne peut faire l’objet d’une discrimination de la part d’une autorité publique quelle qu’elle soit ». En outre, il convient de noter que, quant à la responsabilité des Etats, l’article 1 de la Convention fixe une limite générale particulièrement pertinente dans les cas de discrimination entre particuliers. 28. Il ressort de ces considérations que toute obligation positive dans le domaine des relations entre particuliers concernerait, au mieux, les relations dans la sphère publique normalement régie par la loi, pour laquelle l’Etat a une certaine responsabilité (par exemple : le refus arbitraire d’accès au travail, l’accès aux restaurants ou à des services pouvant être mis à disposition du public par des particuliers, tels que les services de santé ou la distribution d'eau et d'électricité, etc.). La manière précise dont l’Etat devrait répondre variera selon les circonstances. Il est 140 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental entendu que les affaires purement privées ne seraient pas affectées. La réglementation de telles affaires serait également susceptible d’interférer avec le droit de chacun au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance, garanti par l’article 8 de la Convention. 29. Le premier paragraphe de l’article 1 fait référence à « tout droit prévu par la loi ». Cette expression vise à définir la portée de la garantie fournie par cette phrase et à limiter les éventuels effets horizontaux indirects (voir paragraphe 27 ci-dessus). Dans la mesure où il pourrait subsister un doute sur le fait que cette phrase à elle seule englobe les quatre éléments qui constituent le champ d’application supplémentaire du protocole (cette question pourrait se poser en particulier pour les éléments iii. et iv. – voir paragraphe 22 ci-dessus), il convient de rappeler que les premier et deuxième paragraphes de l’article 1 sont complémentaires. Il en résulte que ces quatre éléments sont, dans tous les cas, couverts par l’article 1 dans son ensemble (voir paragraphe 23 cidessus). Le terme « loi » peut également englober le droit international, mais cela ne signifie pas que cette disposition confère à la Cour européenne des Droits de l’Homme la compétence d’examiner le respect des règles de droit contenues dans d’autres instruments internationaux. 30. La formule « autorité publique » figurant au paragraphe 2 a été empruntée aux articles 8, paragraphe 2, et 10, paragraphe 1, de la Convention, et elle revêt ici la même signification que dans ces dispositions. Elle englobe non seulement les autorités administratives, mais également les tribunaux et les organes législatifs (voir le paragraphe 23 ci-dessus). Article 2 – Application territoriale 31. Il s’agit ici de la clause d'application territoriale contenue dans le modèle de clauses finales adopté par le Comité des Ministres en février 1980. Le paragraphe 5 suit de près le libellé de l’article 56, paragraphe 4 de la Convention. Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 141 La non-discrimination : un droit fondamental Article 3 – Relations avec la Convention 32. L’objet de cet article est de préciser les relations de ce protocole avec la Convention, en indiquant que toutes les dispositions de cette dernière s’appliqueront aux articles 1 et 2 du protocole. Parmi ces dispositions, il convient, en particulier, d’attirer l’attention sur l’article 53 aux termes duquel « aucune des dispositions de la présente Convention ne sera interprétée comme limitant ou portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales qui pourraient être reconnus conformément aux lois de toute Partie contractante ou à toute autre convention à laquelle cette Partie contractante est partie ». Il est clair que cet article sera applicable aux relations entre le présent protocole et la Convention elle-même. Il a été décidé de ne pas inclure de référence dans le protocole à l’article 16 de la Convention. 33. Comme déjà mentionné au paragraphe 21 ci-dessus, l’article 1 du protocole englobe la protection offerte par l’article 14 de la Convention, mais sa portée est plus large. En tant que protocole additionnel, il ne modifie ni ne supprime l’article 14 de la Convention, qui continuera donc à s’appliquer aux Etats parties au protocole. Il y a donc recoupement entre les deux dispositions. Conformément à l’article 32 de la Convention, toute question d’interprétation concernant les relations précises entre ces dispositions relève de la compétence de la Cour. Article 4 – Signature et ratification Article 5 – Entrée en vigueur Article 6 – Fonctions du dépositaire 34. Les dispositions des articles 4 à 6 correspondent à la formulation du modèle de clauses finales adoptée par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe. 142 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental Annexe II Etat des signatures et des ratifications Situation au: 01/03/2006 Etats Signature Ratification Entrée en vigueur Albanie 26/5/2003 26/11/2004 1/4/2005 Arménie 18/6/2004 17/12/2004 1/4/2005 Autriche 4/11/2000 Azerbaïdjan 12/11/2003 Belgique 4/11/2000 Bosnie-Herzegovine 24/4/2002 29/7/2005 1/4/2005 Croatie 6/3/2002 3/2/2003 1/4/2005 Chypre 4/11/2000 30/4/2002 1/4/2005 République tchèque 4/11/2000 Andorre Bulgarie Danemark Estonie 4/11/2000 Finlande 4/11/2000 17/12/2004 1/4/2005 4/11/2000 15/6/2001 1/4/2005 France Géorgie Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 143 La non-discrimination : un droit fondamental Etats Signature Allemagne 4/11/2000 Grèce 4/11/2000 Hongrie 4/11/2000 Islande 4/11/2000 Irlande 4/11/2000 Italie 4/11/2000 Lettonie 4/11/2000 Liechtenstein 4/11/2000 Ratification Entrée en vigueur 21/3/2006 1/7/2006 28/7/2004 1/4/2005 Lituanie Luxembourg 4/11/2000 Malte Moldova 4/11/2000 Monaco Pays-Bas 4/11/2000 Norvège 15/1/2003 Pologne Portugal 4/11/2000 Roumanie 4/11/2000 Fédération de Russie 4/11/2000 Saint-Marin 4/11/2000 25/4/2003 1/4/2005 Serbie-Monténégro 3/4/2003 3/3/2004 1/4/2005 République slovaque 4/11/2000 Slovénie 7/3/2001 144 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental Etats Signature Espagne 4/10/2005 Ratification Entrée en vigueur 13/7/2004 1/4/2005 27/3/2006 1/7/2006 Suède Suisse “Ex-République yougoslave de Macédoine” 4/11/2000 Turquie 18/4/2001 Ukraine 4/11/2000 Royaume-Uni Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 145 La non-discrimination : un droit fondamental Annexe III Avis de la Cour européenne des Droits de l’Homme sur le projet de Protocole n° 12 adopté par la Cour lors de sa réunion plénière administrative du 6 décembre 1999 1. Lors de leur réunion des 27-28 juillet 1999, les Délégués des Ministres ont décidé de transmettre pour avis à la Cour européenne des Droits de l’Homme le texte du projet de Protocole n° 12 à la Convention européenne des Droits de l’Homme. 2. En réponse à cette demande, la Cour souhaite tout d’abord souscrire à la mise en place d’une interdiction générale de la discrimination. Elle reconnaît que les principes d’égalité et de non-discrimination, affirmés comme tels par l’article 7 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et par l’article 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, sont des éléments fondamentaux de la protection internationale des droits de l’homme (voir le paragraphe 1 du projet de rapport explicatif). 3. La Cour rappelle que l’article 14 de la Convention tel qu’il est aujourd’hui en vigueur revêt un caractère accessoire par rapport aux autres garanties normatives de la Convention et n’a pas d’existence indépendante, ainsi qu’il ressort clairement de son libellé et de la jurisprudence de la Cour. Si cela n’a pas empêché la Cour d’examiner un large éventail de questions sous l’angle de l’article 14 combiné avec les autres articles de la Convention, certaines formes de discrimination échappent irrémédiablement au champ d’application de l’article 14. 146 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental 4. La Cour observe que le projet de Protocole n° 12 fournit une base juridique claire permettant d’examiner les questions de discrimination non couvertes par l’article 14. 5. En ce qui concerne le contenu normatif du Protocole, la Cour relève, en rapport avec l’article 1, que le projet de rapport explicatif (voir le paragraphe 18) renvoie à la notion de discrimination telle que celle-ci a toujours été interprétée dans la jurisprudence de la Cour, d’après laquelle une différence de traitement est discriminatoire si elle manque de justification objective et raisonnable, c’est-à-dire si elle ne poursuit pas un but légitime ou s’il n’y a pas un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé. Comme la Cour l’a dit dans l’affaire linguistique belge, « les autorités nationales compétentes se trouvent souvent en face de situations ou de problèmes dont la diversité appelle des solutions juridiques différentes » (arrêt du 23.7.68, série A n° 6, p. 34, §10). On trouve une autre illustration de cette idée, en accord avec le caractère subsidiaire du système de la Convention, dans la marge d’appréciation dont les autorités nationales jouissent pour déterminer si et dans quelle mesure des différences entre des situations à d’autres égards analogues justifient des distinctions de traitement juridique (voir, entre autres, l’arrêt Rasmussen c. Danemark du 23.11.84, série A n° 87, p. 15, §40). 6. Nonobstant les « limites » à l’interdiction de la discrimination qui se dégagent de ladite jurisprudence, on peut prévoir que l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 entraînera une augmentation substantielle des saisines de la Cour. Celle-ci attire l’attention du Comité des Ministres sur l’impact de pareil accroissement sur un mécanisme qui se trouve déjà soumis à une forte pression. Si la force de cet impact, qui ne serait de toute manière pas immédiat, ne pourra être appréciée qu’à un stade ultérieur, il faudra en tenir compte dans la programmation, à moyen et à long terme, des ressources pour la Cour et pour le système de la Convention. Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 147 La non-discrimination : un droit fondamental 7. En conclusion, et sans préjudice des observations qui précèdent, la Cour voit dans le projet de Protocole, qu’elle salue comme tel, une mesure supplémentaire importante permettant d'assurer la garantie collective des droits fondamentaux au travers de la Convention européenne des Droits de l’Homme. 148 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental Avis de l’Assemblée parlementaire sur le projet de Protocole n° 12 Avis n° 216 (2000) Projet de Protocole n° 12 à la Convention européenne des droits de l’homme71 1. L’Assemblée rappelle ses Recommandations 1269 (1995) et 1229 (1994), dans laquelle elle recommandait au Comité des Ministres « de consacrer le principe de l’égalité des droits de la femme et de l’homme comme un droit fondamental de la personne humaine dans un protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales ». 2. Elle rappelle également sa Recommandation 1116 (1989), dans laquelle elle recommandait au Comité des Ministres « de charger le Comité directeur pour les droits de l’homme d’accorder la priorité au renforcement de la clause de non-discrimination de l’article 14 de la Convention européenne des Droits de l’Homme ». 3. L’Assemblée attendait donc avec impatience et intérêt le projet de protocole n° 12 qui lui est maintenant soumis pour avis. 4. L’Assemblée constate que la modification introduite par le projet de protocole concernant le champ d’application de la nondiscrimination réside dans l’extension de l’article 14 « à tout droit 71. Discussion par l’Assemblée le 26 janvier 2000 (5e séance) (voir Doc. 8614, rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, rapporteur : M. Jurgens). Texte adopté par l’Assemblée le 26 janvier 2000 (5e séance). Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 149 La non-discrimination : un droit fondamental prévu par la loi » au lieu d’être limité aux droits et libertés reconnus dans la Convention. 5. Elle note par ailleurs que la liste des motifs de discrimination reste inchangée du fait que cette liste serait non exhaustive et permettrait donc son extension à d’autres motifs par la jurisprudence. 6. Elle est d’avis que l’énumération de motifs à l’article 14, sans être exhaustive, vise à établir une liste de formes de discrimination qu’elle considère comme étant particulièrement odieuses. En conséquence, il conviendrait d'y ajouter le motif d’« orientation sexuelle ». 7. Par ailleurs, le principe de l’égalité des droits de la femme et de l’homme n'est pas inclus dans le projet de protocole. 8. L’Assemblée est donc amenée à constater que le projet de protocole ne répond pas pleinement à ses attentes. 9. Par conséquent, l’Assemblée recommande au Comité des Ministres: i. de remplacer l’article 1 du projet de protocole par le texte suivant : «Article 1 1. Les hommes et les femmes sont égaux devant la loi. 2. La jouissance de l’un quelconque des droits reconnus par la loi doit être assurée, sans discrimination aucune, fondée notamment sur le sexe, l’orientation sexuelle, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. 150 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental 3. Nul ne peut faire l’objet d’une discrimination de la part de toute autorité publique, fondée notamment sur les motifs mentionnés au paragraphe 2. » ii. à l’article 5, de fixer à dix le nombre des ratifications requises pour l’entrée en vigueur du protocole. Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 151 La non-discrimination : un droit fondamental Annexe IV Liste des participants PRESIDENCE M. Emmanuel DECAUX, Professeur de droit public à l’Université Panthéon-Assas (Paris II), Directeur du Centre de Recherche sur les Droits de l’Homme et le Droit Humanitaire (CRDH), 12 Place du Panthéon, 75231 PARIS CEDEX 05 ORATEURS Dr Martin SCHEININ, Institute for Human Rights, Åbo Akademi University, Department of Law, 20500 TURKU/ÅBO, Finland Mr Michael HEAD, Chair of the European Commission against Racism and Intolerance, (ECRI), Rustlings, Castle Road, Horsell, GB-WOKING, Surrey GU21 4ET, United Kingdom Mrs Margarita TSATSA-NIKOLOVSKA, Judge of the European Court of Human Rights, Council of Europe, F-67075 STRASBOURG CEDEX PANELISTES Dr Mark BELL, Faculty of Law, University of Leicester, LEICESTER LE1 7RH, United Kingdom 152 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental M. Jean-Michel BELORGEY, Président du Comité européen des Droits sociaux, Président de la Section du Rapport et des Etudes Conseil d’Etat, 1 place du Palais Royal, 75100 PARIS, France Mr Morten KJÆRUM, Director, Danish Institute for Human Rights, Wildersplads 8H,DK-1401 COPENHAGEN K, Denmark Mr James A. GOLDSTON, Executive Director, Open Society Justice Initiative, 400 West 59th Street, NEW YORK, NY 10019 Dr. Dubravka ŠIMONOVIĆ, Head of Human Rights Department, Ministry of Foreign Affairs and European Integration, Trg N Š. Zrinskog 7-8, 10000 ZAGREB, Republic of Croatia Mr Boriss CILEVIČS, Saeima of the Republic of Latvia, Jekaba iela 11, 1811 RIGA, Latvia Mr John KISSANE, Head of International Human Rights Law Division, Department for Constitutional Affairs, Postal Point 5B, 6th Floor, Selborne House, 54-60 Victoria St, GB-LONDON SW1E 6QW, United Kingdom ETATS MEMBRES ALBANIE Ms Agustela NINI, Legal Expert, Legal Affairs and Treaties Department, Ministry of Foreign Affairs, Blv. Gjergj Fisha, no. 6, TIRANA ANDORRE (excusé) Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 153 La non-discrimination : un droit fondamental ARMENIE Ms Syuzanna TSATURYAN, Chief Specialist, Legal Department, Ministry of Foreign Affairs, Government House 2, Republic Square, YEREVAN 375010 AUTRICHE Ms Brigitte OHMS, Deputy Head of Division for International Affairs and General Administrative Affairs, BundeskanzleramtVerfassungsdienst, Ballhausplatz 2, 1014 WIEN AZERBAÏDJAN Mr Arif MAMMADOV, Attaché, Department of Human Rights, Democratisation and Humanitarian Affairs, Ministry of Foreign Affairs, 4, Str. Gurbanov str., 370009 BAKU BELGIQUE M. Philippe WERY, Attaché, SPF Justice, Service des droits de l’homme, 115 Boulevard de Waterloo, 1000 BRUSSELS BOSNIE-HERZEGOVINE Mr Sabit SUBAŠIC, Head of Department for Human Rights, Ministry of Foreign Affairs, 71000 SARAJEVO BULGARIE Mme Yordanka PARPAROVA, Direction des droits de l’homme, Ministère des Affaires étrangères, 2 rue Alexander Djendov, BG-1113 SOFIA 154 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental CROATIE Dr. Dubravka ŠIMONOVIĆ, Head of Human Rights Department, Ministry of Foreign Affairs and European Integration (see Panelists) Ms Romana KUZMANIC OLUIC, First Secretary, Department for the UN and Human Rights, Ministry of Foreign Affairs, Trg N.Š Zrinskoga 7/8, HR-10 000 ZAGREB CHYPRE Ms Eleonora NICOLAIDES, Senior Counsel of the Republic, Office of the Attorney-General, Law Office of the Republic of Cyprus, 1403 NICOSIA REPUBLIQUE TCHEQUE Mrs Jitka KRUKOVÁ, Department of Human Rights, Ministry of Foreign Affairs, Loretánská nám. 5, CZ-11800 PRAGUE 1 DANEMARK Ms Nina HOLST-CHRISTENSEN, Deputy Permanent Secretary, Human Rights Division, Ministry of Justice, Slotsholmsgade 10, DK-1216 COPENHAGEN K ESTONIE Ms Riina PIHEL, First Secretary, Human Rights Division, Legal Department, Ministry of Foreign Affairs, 1 Islandi Väljak, EE15049 TALLINN Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 155 La non-discrimination : un droit fondamental FINLANDE Mr Arto KOSONEN, Government Agent, Director, Legal Department, Ministry for Foreign Affairs, PO Box 176, FIN 00161 HELSINKI Ms Camilla BUSCK-NIELSEN, Legal Officer, Ministry of Foreign Affairs, Legal Department, Laivastokatu 22 C, PO Box 176, FIN00160 HELSINKI FRANCE Mme Marie-Gabrielle MERLOZ, Rédacteur, Direction des Affaires juridiques, Ministère des Affaires étrangères, 37, Quai d'Orsay, F-75351 Paris GEORGIE Ms Irine BARTAIA, Head of the Department of the State Representation to the European Court of Human Rights, Ministry of Justice, 30 Rustaveli Ave., 0146 TBILISI ALLEMAGNE Ms Ulrike HÖFLER, Executive Assistant of the Federal Agent for Human Rights, Bundesministerium der Justiz, Mohrenstrasse 37, D-10117 BERLIN GRECE Mme Athina CHANAKI, Rapporteur, Ministère des Affaires étrangères, 3 rue Zalokosta, 10671 ATHENES HONGRIE Mr Tamás TÓTH, Head of the Human Rights Department, Ministry of Justice, BUDAPEST 156 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental ISLANDE Ms Asgerdur RAGNARSDOTTIR, Legal Expert, Office of Legal Affairs, Ministry of Justice, Skuggasundi, IS-101 REYKJAVIK IRLANDE Mrs Emer KILCULLEN, Assistant Legal Adviser, Legal Division, Department of Foreign Affairs, Hainault House, 69/71 St. Stephen’s Green, IRL - DUBLIN 2 ITALIE M. Roberto BELLELLI, Juge, Ministero delli Affari Esteri, Servizio del Contenzioso Diplomatico e dei Trattati, Piazzale della Farnesina 1, I - 00194 ROME LETTONIE Mr Valerijs ROMANOVSKIS, Head of the Human Rights Policy Division, Ministry of Foreign Affairs, 36 Brivibas Blv, LV - 1395 RIGA LIECHTENSTEIN (excusé) LITUANIE Mr Darius STANIULIS, Head of the Human Rights and NGOs Division, Ministry of Foreign Affairs, J. Tumo-Vaižganto 2, LT01511 VILNIUS LUXEMBOURG M. Yves HUBERTY, attaché de Gouvernement, Ministère de la Justice, 13, rue Erasme, 1468 LUXEMBOURG Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 157 La non-discrimination : un droit fondamental Mme Viviane ECKER, Conseiller d'Etat, Docteur en droit et Avocate à la Cour, 36, rue du Maréchal Foch, L-1527 LUXEMBOURG MALTE (excusé) MOLDOVA Mrs Rodica POSTU, Secretary II, Directorate of Council of Europe and Human Rights, Ministry of Foreign Affairs and European Integration of the Republic of Moldova, 80, 31 August 1989 Str., CHISINAU, MD-2012 MONACO M. Jean-François RENUCCI, Professeur des Universités, Conseiller aux droits de l’homme, Département des Relations extérieures, Ministère d'Etat, Place de la Visitation, 98000 MONACO M. Jacques BOISSON, Ambassadeur Extraordinary and Plenipotentiary, Résidence de l’Aar, 9, rue des Arquebusiers, 67000 STRASBOURG Mme Virginie COTTA, Conseiller Juridique des Affaires sociales et de la Santé, Palais de Justice Mme Stéphanie VIKSTROM, Substitut du Procureur Général, Palais de Justice Mme Martine COULET-CASTOLDI, Premier Juge Chargé de la Justice de Paix, Palais de Justice Mme Isabelle BERRO-LEFEVRE, Premier Juge au Tribunal de Première Instance, Palais de Justice 158 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental Mme Corinne LAFOREST DE MINOTTY, Directrice Générale du Département des Relations extérieures PAYS-BAS Ms Jolien SCHUKKING, Agent for the Government of the Netherlands, Ministry of Foreign Affairs, Po Box 20061, Bezuidenhoutseweg 67, NL-2500 EB THE HAGUE Ms Liselot EGMOND, Legal Adviser, Ministry of Foreign Affairs, Po Box 20061, Bezuidenhoutseweg 67, NL-2500 EB THE HAGUE Dr H.L. JANSSEN, Legal Adviser, Ministry of the Interior and Kingdom Relations, Division of Constitutional Policy, Department of Constitutional Policy and Legislation, PO Box 20011, 2300 EA THE HAGUE NORVEGE Mr Kyrre GRIMSTAD, Higher Executive Officer, Department of Legislation, Norwegian Ministry of Justice, P.O.Box 8005 Dep., N-0030 OSLO POLOGNE Ms Alexandra MEZYKOWSKA, Legal Advisor, Ministry of Foreign Affairs, Al. Szucha 23, WARSAW Ms Joanna MACIEJEWSKA, Conseillère du Ministre, Ministère de la Politique sociale, Department des analyses économiques, ul. Nowogrodzka 1/3, WARSAW PORTUGAL Mr José DE SOUSA E BRITO, Juge à la Cour constitutionnelle (emer.), Rua Prof. Mark Athias, lote A-2, 2B, 1600-646 LISBON Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 159 La non-discrimination : un droit fondamental ROUMANIE (excusé) FEDERATION DE RUSSIE Ms Tatiana SMIRNOVA, Head of the Division for European Cooperation, Department for Humanitarian Cooperation and Human Rights, Ministry of Foreign Affairs, 32/34 SmolenskayaSennaya sq., 121200 MOSCOW Mr Vladislav ERMAKOV, Department for Humanitarian Cooperation and Human Rights, Ministry of Foreign Affairs, 32/ 34 Smolenskaya-Sennaya Sq., 121200 MOSCOW SAINT-MARIN (excusé) SERBIE-MONTENEGRO Ms Jelena MARKOVIC, Assistant to the Minister for Human and Minority Rights, 2, Bulevar Mihajla Pupina, 11000 BELGRAD REPUBLIQUE SLOVAQUE Ms Jana VNUKOVÁ, Director, International Relations and Human Rights Department, International Law and European Law Section, Ministry of Justice, Zupné námestie 13, 813 11 BRATISLAVA SLOVENIE Ms Valerija SLIVNIK MARC, State Attorney, State Attorney’s Office, Šubiceva 2, SI - 1000 LJUBLJANA 160 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental ESPAGNE (excusé) SUEDE Ms Inger KALMERBORN, (Chairperson of the DH-DEV), Government Agent, Senior Legal Adviser, Ministry for Foreign Affairs, S-103 39 STOCKHOLM SUISSE Mme Dominique STEIGER LEUBA, Collaboratrice scientifique, Section droits de l’homme et Conseil de l’Europe, Office fédéral de la justice, Département fédéral de justice et police, Bundesrain 20, CH-3003 BERNE Ms Caroline TRAUTWEILER, Deputy to the Permanent Representative of Switzerland, Permanent Representation of Switzerland, 23 rue Herder, F-67000 STRASBOURG Cedex “L’ex-République yougoslave de Macédoine” Ms Sanja ZOGRAFSKA-KRSTESKA, Head of Council of Europe and Human Rights Unit, Ministry of Foreign Affairs, Gruev 6, 1000 SKOPJE Mrs Eleonora PETROVA-MITEVSKA, Ambassador Extraordinary and Plenipotentiary, Permanent Representation of “the Former Yugoslav Republic of Macedonia”, 13, rue André Jung, F-67000 STRASBOURG TURQUIE Mr Can INCESU, Head, Department of Foreign Affairs, Disisleri Bakanligi Ek Bina, Ziyabey Cad, 3. Sok. No.20, 06150 Balgat, ANKARA Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 161 La non-discrimination : un droit fondamental Ms Deniz AKÇAY, Deputy to the Permanent Representative of Turkey to the Council of Europe, 23, Boulevard de l'Orangerie, 67000 STRASBOURG UKRAINE (excusé) ROYAUME-UNI Mr John KISSANE, Head of International Human Rights Law Division, Department for Constitutional Affairs (see Panelists) Mr Chanaka WICKREMASINGHE, Assistant Legal Adviser, Foreign and Commonwealth Office, Room No. K.1.166, King Charles Street, GB -LONDON SW1A 2AH OBSERVATEURS Saint-Siège R.P. Olivier POQUILLON, o.p., Mission permanente du SaintSiège auprès du Conseil de l’Europe, 2 rue Le Nôtre, 67000 STRASBOURG Japon Mr Yasushi FUKE, Consul (Attorney), Consulate General of Japan, « Tour Europe » Place des Halles, F-67000 STRASBOURG CONSEIL DE L’EUROPE Secrétaire Générale adjointe Mme Maud DE BOER-BUQUICCHIO 162 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental Cour européenne des Droits de l’Homme Juge Françoise TULKENS Juge Dean SPIELMANN Juge Nina VAJIC Juge Margarita TSATSA-NIKOLOVSKA (voir Orateurs) Juge Rait MARUSTE Juge Dragoljub POPOVIC Mme Montserrat ENRICH-MAS, Head of the Research and Library Division M. Mario OETHEIMER, Lawyer, Research and Library Division Comité européen des Droits sociaux M. Jean-Michel BELORGEY (voir Orateurs) M. Régis BRILLAT, Secrétaire exécutif, Secrétariat de la Charte sociale européenne M. Gerard QUINN, Premier Vice-Président de la Charte sociale européenne Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) Professor Raluca BESTELIU, Professor in International Public Law, Former Judge of the European Court of Human Rights, Ana Davila Street No. 6D, Sector 5, RO-76244 BUCHAREST Mr Michael HEAD, Chair, ECRI (voir Intervenants) Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 163 La non-discrimination : un droit fondamental Professor Gudrun HOLGERSEN, University of Bergen, Faculty of Law, Magnus Lagabøtes plass 1, N-5010 BERGEN Professor Dalibor JILEK, Head of the International and European Law Department, Faculty of Law - Masaryk Universtiy, Ververi 70, CZ-611 80 BRNO Comité consultatif de la Convenion-cadre pour la protection des minorités nationales Prof. Dr Lidija R. BASTA FLEINER, Representative of the Advisory Committee on the Framework Convention for the Protection of National Minorities, Director, Institute of Federalism, International Research and Consulting Centre (IRCC), University of Fribourg (CH), Route d'Englisberg 7, CH-1763 GRANGES-PACCOT Assemblée parlementaires du Conseil de l’Europe Mr Boriss CILEVIČS (voir Orateurs) Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe M. Julien ATTUIL, Office of the Commissioner for Human Rights, Council of Europe, F-67075 STRASBOURG Cedex Comité directeur pour l'égalité entre les femmes et les hommes (CDEG) Ms Martha FRANKEN, Director, Equal Opportunities in Flanders, Ministry of Flanders, Boudewijnlaan 30, B-1000 BRUSSELS Direction générale III - Cohésion Sociale Mrs Maria OCHOA-LLIDO 164 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental Mr Gunnar TVEITEN Mrs Angela GARABAGIU Mrs Lioubov SAMOKHINA Mrs Ivana d’ALESSANDRO ORGANES D’AUTRES ORGANISATIONS INTERNATIONALES IMPLIQUÉS DANS CE DOMAINE Nations Unies Ms Carla EDELENBOS, Office of the High Commissioner for Human Rights, Secretary, Committee on Migrant Workers, Palais des Nations, CH-1211 GENEVA 10 Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes (EUMC) (excusé) Commission européenne Mr Álvaro OLIVEIRA, Legal Officer – European Commission, DG Employment, Social Affairs and Equal Opportunities, Unit D/ 3 Anti-discrimination & Relations with Civil Society, Rue Joseph II, n°37, Office 2/30, B-1049 BRUSSELS Ms Katarzyna GRZYBOWSKA, Detached National Expert, Desk Officer, UNIT C3, Citizenship and Fundamental Rights, Directorate-General Justice, Freedom and Security,European Commission, Rue du Luxembourg 46,B-1000 BRUSSELS Parlement européen (excusé) Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 165 La non-discrimination : un droit fondamental OSCE (Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme (BIDDH)) Ms Vera EGENBERGER, Adviser on Anti-Racism and Tolerance, Office for Democratic Institutions and Human Rights (ODIHR), Aleje Ujazdowskie 19, 00-557 WARSAW, Poland Mr John GLEASON, Legal Adviser of the Tolerance and Nondiscrimination Programme, Office for Democratic Institutions and Human Rights (ODIHR), Aleje Ujazdowskie 19, 00-557 WARSAW, Poland ORGANISATIONS NON GOUVERNEMENTALES (ONG), SOCIETE CIVILE ET INSTITUTIONS NATIONALES DES DROITS DE L’HOMME Migration Policy Group Ms Isabelle CHOPIN, Deputy Director, Migration Policy Group, 205 Rue Belliard, Box 1, 1040 BRUSSELS, Belgium Interights Ms Andrea COOMBER, Interights, Equality Legal Officer, Lancaster House, 33 Islington High St., LONDON N1 9LH, United Kingdom International Lesbian and Gay Association-European Region (ILGA) Mr Maxim ANMEGHICHEAN, Programmes Director, International Lesbian and Gay Association-European Region (ILGA), Avenue de Tervueren 94, B - 1040 ETTERBEEK 166 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental Gender Equality Grouping Ms Karin NORDMEYER, Vice-President, Gender Equality Grouping, Am Birkenrain 26, D-79271 ST PETER European Roma Rights Center Ms Dimitrina PETROVA, Executive Director, European Roma Rights Center, Nyar Utca 12, H-1072 BUDAPEST, Hungary European Roma and Travellers Forum Mr Christian Scheider, Attorney for the European Roma and Travellers Forum, Council of Europe, DG III - Social Cohesion, F 67075 STRASBOURG ENAR, European Network Against Racism Ms Anna Visser, Policy Officer, ENAR, European Network Against Racism, 43 rue de la Charité, B-1210 Brussels Groupe européen de coordination des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme Mme Stéphanie DJIAN, Chargée de mission, Présidence du groupe européen des institutions nationales de promotion et protection des droits de l’homme, Commission Nationale Consultative des droits de l’homme, 35, rue Saint-Dominique, F75700 PARIS German Institute for Human Rights Ms Petra FOLLMAR-OTTO, Scientific Assistant, Schwerpunkt Menschenrechte im Inland, German Institute for Human Rights, Zimmerstr. 26/27, D-10969 BERLIN Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 167 La non-discrimination : un droit fondamental AUTRES PARTICIPANTS Mr Marc BOSSUYT, Judge, Court of Arbitration of Belgium, 7, Place Royale, B-1000 - BRUSSELS Mr Robert WINTEMUTE, Professor of Human Rights Law, School of Law, King’s College, University of London, The Strand, LONDON WC2R 2LS, United Kingdom SECRETARIAT Direction Générale des Droits de l’Homme – DG II, Conseil de l’Europe, F-67075 STRASBOURG CEDEX M. Pierre-Henri IMBERT, Directeur Général des Droits de l’Homme M. Jeroen SCHOKKENBROEK, Chef du Service des programmes intergouvernementaux en matière de droits de l’homme M. Jörg POLAKIEWICZ, Chef de la Division du droit et de la politique des droits de l’homme Mme Claudia LAM, Juriste, Secrétariat de l’ECRI Mme Gioia SCAPPUCCI, Division de la coopération intergouvernementale en matière de droits de l’homme Mme Katherine ANDERSON-SCHOLL, Assistante administrative, Division du droit et de la politique des droits de l’homme M. Gerald DUNN, Juriste, Division du droit et de la politique des droits de l’homme 168 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental Mme Tania GISSELBRECHT, Stagiaire, Division du droit et de la politique des droits de l’homme M. Lamine DIALLO, Assistant juridique, Secrétariat de l’ECRI Mme Lindsay CHESTNUTT, Assistante, Division du droit et de la politique des droits de l’homme Mme Michèle COGNARD, Assistante, Division de la coopération intergouvernementale en matière de droits de l’homme Interprètes M. Philippe QUAINE Mme Chloé CHENETIER M. Christopher TYCZKA Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 169 La non-discrimination : un droit fondamental Annexe V Programme Ouverture du séminaire 09h30 Par le Président, M. Emmanuel Decaux, Professeur de droit public à l’Université Panthéon-Assas (Paris II) et membre de la SousCommission de la promotion et de la protection des droits de l’homme des Nations Unies 09h35-09h45 Allocution de bienvenue Par la Secrétaire Générale adjointe du Conseil de l’Europe, Mme Maud de Boer-Buquicchio 09h45-10h10 L’expérience du Comité des droits de l’homme des Nations Unies concernant l’application de la clause autonome de nondiscrimination de l’article 26 du PIDCP Exposé par le Professeur Martin Scheinin, Institut pour les droits de l’homme, Université de Åbo Akademi, Finlande 10h10-10h35 La protection contre la discrimination en vertu de l’article 14 de la Convention européenne des Droits de l’Homme Exposé par Mme Margarita Tsatsa-Nikolovska, Juge de la Cour européenne des Droits de l’Homme 170 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental 10h35-11h00 Le Protocole n° 12 et sa génèse Exposé par M. Michael Head, Président de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) 11h00 Pause 11h30 Thème 1 : La portée du Protocole no 12 Panel: M. Mark Bell, Maître de conférences, Centre pour le droit et l’intégration européens, Université de Leicester M. Jean-Michel Bélorgèy, Président du Comité européen des droits sociaux (CEDS) M. James Goldston, Directeur Open Society Justice Initiative exécutif, The M. Morten Kjaerum, Directeur exécutif, Danish Institute for Human Rights Exposés introductifs de cinq minutes pour amorcer les discussions. – Quelle est exactement la portée du Protocole n° 12 ? – Quelles sont les relations entre le Protocole n° 12 et l’article 14 de la CEDH ? – Dans quelles mesures des actions positives sont-elles requises ou admises ? – Les dispositions du Protocole n° 12 ont-elles des effets horizontaux ? Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 171 La non-discrimination : un droit fondamental – Quelle comparaison peut être faite entre le Protocole n° 12 et le droit de l’UE ? 11h45-13h00 Débat 14h45 Thème 2: Comment concrètement préparer la ratification ? Panel : M. Boriss Cilevičs (Lettonie), Représentant de la Commission des questions juridiques et des droits de l’homme de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe Mme Dubravka Šimonović, Chef du Service des droits de l’homme, Ministère des affaires étrangères, Croatie M. John Kissane, Chef de la Division du droit international des droits de l’homme, Service des affaires constitutionnelles, Royaume-Uni Exposés introductifs de cinq minutes pour amorcer les discussions. – Quelle est l’expérience des Etats ayant ratifié le Protocole n° 12 ? – Quels ont été les obstacles ayant empêché les Etats de le ratifier ? – Quel type de mesures (législatives ou autres) ont été prises préalablement à la ratification ? – Quels recours ont été mis en place au niveau national concernant les problèmes de discrimination ? – Comment le Conseil de l’Europe peut-il assister les Etats dans le processus de ratification ? 172 Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 La non-discrimination : un droit fondamental 15h00-16h30 Débat 16h30 Pause 17h15 Résumé par le Président 18h00 Vin d’honneur offert par M. Pierre-Henri Imbert, Directeur Général des Droits de l’Homme Séminaire marquant l’entrée en vigueur du Protocole n° 12 173 Sales agents for publications of the Council of Europe Agents de vente des publications du Conseil de l’Europe BELGIUM/BELGIQUE La Librairie européenne SA 50, avenue A. Jonnart B-1200 BRUXELLES 20 Tel.: (32) 2 734 0281 Fax: (32) 2 735 0860 E-mail: [email protected] http://www.libeurop.be/ GREECE/GRÈCE Librairie Kauffmann Mavrokordatou 9 GR-ATHINAI 106 78 Tel.: (30) 1 38 29 283 Fax: (30) 1 38 33 967 E-mail: [email protected] Jean de Lannoy 202, avenue du Roi B-1190 BRUXELLES Tel.: (32) 2 538 4308 Fax: (32) 2 538 0841 E-mail: [email protected] http://www.jean-de-lannoy.be/ HUNGARY/HONGRIE Euro Info Service Hungexpo Europa Kozpont ter 1 H-1101 BUDAPEST Tel.: (361) 264 8270 Fax: (361) 264 8271 E-mail: [email protected] http://www.euroinfo.hu/ CANADA Renouf Publishing Company Limited 5369 Chemin Canotek Road CDN-OTTAWA, Ontario, K1J 9J3 Tel.: (1) 613 745 2665 Fax: (1) 613 745 7660 E-mail: [email protected] http://www.renoufbooks.com/ CZECH REPUBLIC/ RÉPUBLIQUE TCHÈQUE Suweco Cz Dovoz Tisku Praha Ceskomoravska 21 CZ-18021 PRAHA 9 Tel.: (420) 2 660 35 364 Fax: (420) 2 683 30 42 E-mail: [email protected] DENMARK/DANEMARK GAD Direct Fiolstaede 31-33 DK-1171 KØBENHAVN K Tel.: (45) 33 13 72 33 Fax: (45) 33 12 54 94 E-mail: [email protected] FINLAND/FINLANDE Akateeminen Kirjakauppa Keskuskatu 1, PO Box 218 FIN-00381 HELSINKI Tel.: (358) 9 121 41 Fax: (358) 9 121 4450 E-mail: [email protected] http:// www.akatilaus.akateeminen.com/ GERMANY/ALLEMAGNE AUSTRIA/AUTRICHE UNO Verlag August Bebel Allee 6 D-53175 BONN Tel.: (49) 2 28 94 90 20 Fax: (49) 2 28 94 90 222 E-mail: [email protected] http://www.uno-verlag.de/ ITALY/ITALIE Libreria Commissionaria Sansoni Via Duca di Calabria 1/1, CP 552 I-50125 FIRENZE Tel.: (39) 556 4831 Fax: (39) 556 41257 E-mail: [email protected] http://www.licosa.com/ NETHERLANDS/PAYS-BAS De Lindeboom Internationale Publikaties MA de Ruyterstraat 20 A NL-7482 BZ HAAKSBERGEN Tel.: (31) 53 574 0004 Fax: (31) 53 572 9296 E-mail: [email protected] http://www.delindeboom.com/ NORWAY/NORVÈGE Akademika, A/S Universitetsbokhandel PO Box 84, Blindern N-0314 OSLO Tel.: (47) 22 85 30 30 Fax: (47) 23 12 24 20 POLAND/POLOGNE Glowna Księgarnia Naukowa im. B. Prusa Krakowskie Przedmiescie 7 PL-00-068 WARSZAWA Tel.: (48) 29 22 66 Fax: (48) 22 26 64 49 E-mail: [email protected] http://www.internews.com.pl/ SPAIN/ESPAGNE Mundi-Prensa Libros SA Castelló 37 E-28001 MADRID Tel.: (34) 914 36 37 00 Fax: (34) 915 75 39 98 E-mail: [email protected] http://www.mundiprensa.com/ UNITED KINGDOM/ ROYAUME-UNI TSO (formerly HMSO) 51 Nine Elms Lane GB-LONDON SW8 5DR Tel.: (44) 207 873 8372 Fax: (44) 207 873 8200 E-mail: [email protected] http://www.the-stationeryoffice.co.uk/ http://www.itsofficial.net/ UNITED STATES AND CANADA/ÉTATS-UNIS ET CANADA Manhattan Publishing Company 468 Albany Post Road, PO Box 850 CROTON-ON-HUDSON NY 10520, USA Tel.: (1) 914 271 5194 Fax: (1) 914 271 5856 E-mail: [email protected] http:// www.manhattanpublishing.com/ FRANCE PORTUGAL La Documentation française (diffusion/vente France entière) 124 rue H. Barbusse 93308 Aubervilliers Cedex Tel.: (33) 01 40 15 70 00 Fax: (33) 01 40 15 68 00 E-mail: [email protected] http://www.ladocfrancaise.gouv.fr/ Livraria Portugal Rua do Carmo, 70 P-1200 LISBOA Tel.: (351) 13 47 49 82 Fax: (351) 13 47 02 64 E-mail: [email protected] Librairie Kléber (Vente Strasbourg) Palais de l’Europe F-67075 Strasbourg Cedex Fax: (33) 03 88 52 91 21 E-mail: [email protected] Council of Europe Publishing/Éditions du Conseil de l’Europe F-67075 Strasbourg Cedex Tel.: (33) 03 88 41 25 81 – Fax: (33) 03 88 41 39 10 – E-mail: [email protected] – Website: http://book.coe.int/