Intérêt d`une supplémentation en l

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Intérêt d`une supplémentation en l
JOURNÉES AFVAC -ELEVEURS
6/12/2006 BORDEAUX
Gestion de l’herpèsvirose en chatterie :
Intérêt d’une supplémentation en lysine
Elise Malandain, DVM, MSc,
Recherche et Développement, Communication Scientifique Royal Canin,
650 avenue de la petite Camargue, 30470 Aimargues- France
Résumé du texte de la conférence : parution avec l'accord des organisteurs de la journée
par Ch Pochez
L’herpèsvirose du chat : rappels
Coryza et herpèsvirose
On entend par syndrome coryza une affection caractérisée par l’association de symptômes
respiratoires supérieurs, oculaires et éventuellement buccaux. Le coryza correspond donc à
un ensemble de signes cliniques, mais qui peuvent avoir différentes causes infectieuses.
(Herpesvirus félin (FHV-1), Calicivirus félins (FCV), Chlamydophila felis et Bordetella
bronchiseptica) . En pratique, la distinction entre ces agents infectieux n’est pas toujours
facile cliniquement et il n’est pas rare d’avoir une atteinte conjointe de plusieurs de ces
agents comme Chlamydophila et herpèsvirus, par exemple.
Typiquement, le coryza est une affection respiratoire haute, mais à laquelle peut se
surajouter une affection respiratoire basse par surinfection bactérienne, notamment chez les
jeunes individus.
Pathogénie : devenir du virus dans l’organisme
Contamination du chat
Le FHV-1 ou herpèsvirus du chat est un virus fragile dans le milieu extérieur, il ne survit
pas plus de 12 à 18 heures. Il est d’ailleurs sensible à tous les détergents et désinfectants
usuels des chatteries. La contamination d’un chat à un autre se fait principalement par
contact direct entre chats ou par projection de microgouttelettes infectées, projetées jusqu’à
1,30 m de distance lors d’éternuements.
L’herpèsvirose est très répandue chez les chats. On estime que la très grande majorité des
chats a été confrontée au virus au moins une fois.
Primo-infection ou premier contact avec le virus.
L’incubation dure de 3 à 7 jours, l’évolution se fait sur 4 à 7 jours. La pénétration se fait par
les yeux, le nez ou la bouche.
Les symptômes observés sont relativement constants d’un chat à l’autre: phase fébrile,
anorexie, éternuements, conjonctivite, kératite (inflammation de la cornée) ulcérative,
écoulements nasaux…. En règle générale, lors d’infection par l’herpèsvirus chez de très
jeunes animaux, tous les chatons d’une même portée sont atteints en même temps, ce qui est
moins fréquent lors de coryza causé par d’autres virus ou bactéries. Chez le très jeune
chaton chez qui l’œil n’est pas encore ouvert, l’infection est à l’origine d' une accumulation
de pus derrière la paupière encore close de l’animal, et se caractérise par un gonflement de
l’œil.
Cette phase va finir par guérir seule, mais laissant potentiellement des séquelles oculaires.
La phase de latence
L' herpèsvirus a la capacité du virus de survivre à l’état latent au niveau du ganglion
trigéminé, (indétectable) chez 80 à 100% des chats infectés.
Sortie de latence ou recrudescence
Un stress (transport, mise-bas, exposition) ou un déséquilibre immunitaire (traitement
corticoïde ou gestation) peut entraîner une ré-excrétion virale accompagné ou pas de signes
cliniques . Cette réexcrétion commence environ une à trois semaines après l’événement
déclencheur.
La présence de porteurs latents, capables de ré excréter du virus lors d’un stress sans
symptômes apparents, permet la transmission dans les effectifs, à partir d’un chat que l’on
croyait guéri.
Herpèsvirose chronique
Suite à une réactivation du virus après latence ou à la persistance du virus, une forme
chronique avec conjonctivite (ulcérative ou non), rhino-sinusite chronique et/ou kératite
peut être observée.
Gestation et Herpèsvirose
La primoinfection de femelles gestantes ou la recrudescence et la sortie de latence peut
provoquer un avortement avec expulsion ou non des fœtus morts in utero.
La question peut se poser pour l’éleveur : « Dois-je éliminer de la reproduction les femelles
atteintes ? » Il est recommandé d’éviter la mise à la reproduction des femelles en phase
clinique de la maladie (primoinfection, recrudescence, ou maladie chronique). Par contre, il
apparaît illusoire de supprimer toutes les femelles en phase de latence de la reproduction,
même si la gestation ou la lactation sont des facteurs de risque de réactivation virale. Tout
chat ayant présenté dans sa vie un épisode d’herpèsvirose devrait alors être écarté, privant
alors l’élevage d’une grande majorité de ses reproducteurs et conduisant à court terme à une
perte génétique dramatique.
Par contre, connaissant les autres facteurs de risque de recrudescence de la maladie (stress,
nombre de chats en contacts direct, déplacements, exposition), l’éleveur pourra interagir
avec l’environnement de la chatterie pour les minimiser.
Diagnostic
Clinique
Les symptômes de coryza sont bien connus. En pratique, la difficulté réside dans le
diagnostic différentiel entre les différents agents pathogènes, d’autant que souvent plusieurs
agents agissent de façon conjointe.
L’herpèsvirus provoque généralement des signes cliniques plus graves que les autres
agents. L’infection peut être létale, notamment chez les chatons non immunisés. Lors des
phases aiguës de la maladie, le virus peut endommager les fosses nasales, ce qui entraîne
ultérieurement une sinusite chronique, une perte de l’odorat provoquant parfois une
anorexie (fatale chez les jeunes chatons). L’herpèsvirose est, enfin, le principal facteur des
kératites ulcéreuses chez le chat (Maggs, 2004).
Diagnostic différentiel d’un coryza : suspicion clinique
La suspicion clinique est basée sur les symptômes décrits précédemment.
Le développement récent de la PCR à partir de prélèvements judicieusement choisis
(écouvillon oro-nasal et oculaire ; organes lors de mortalité) permet de réaliser des
diagnostics directs en routine. Cette technique est la plus sensible aujourd’hui. (Helps,
2003)
Lysine et Herpèsvirose
Qu’est ce qu’un acide aminé ?
La lysine, aussi appelée L-Lysine, est un acide aminé essentiel, soit une sous unité de
protéine, que le chat ne peut pas synthétiser lui même. Il doit donc la trouver dans son
alimentation à des niveaux suffisants pour éviter une carence. L’arginine est un autre acide
aminé essentiel chez le chat, proche de la lysine. Ce ne sont donc pas des médicaments
mais des nutriments.
Tous les aliments pour chats contiennent de la lysine, parfois même présente
nominativement dans la liste des ingrédients, pour assurer la couverture des besoins
minimaux recommandés, sinon, ces quantités sont amenées par les protéines utilisées.
(minima recommandés : 1,38% de lysine et 1,34% d’arginine pour un aliment à 4000 kcal
destiné aux chatons en croissance).
Mode d’action de la lysine
Des études conduites sur des cultures in vitro d’herpèsvirus félin ont montré que
l’arginine est un facteur de croissance du virus : plus on en ajoute, plus le virus se
multiplie ;
l’ajout de lysine entraine une diminution de la multiplication
En fait, sans arginine, le virus ne pourrait se répliquer, mais le chat a besoin de trouver de
l’arginine dans son alimentation, à des niveaux bien décrits.
Si ces besoins minimums en arginine sont couverts et que l’on augmente la quantité de
lysine dans les protéines ou que l’on en ajoute à la nourriture, une diminution de la
multiplication de l’herpèsvirus est alors observée.
En particulier, en respectant des ratio élevés Lysine/Arginine (plus de lysine que d’arginine,
tout en respectant les besoins minimums en arginine) différents auteurs ont observés
une diminution de l’intensité des signes cliniques lors de primo-infection (en particulier des
conjonctivites mois invalidantes (Stiles, 2002)
une diminution du nombre d’épisodes de réexcrétion virales chez les chats porteurs latents,
soit une diminution du nombre de sortie de latence chez les animaux porteurs.
Ainsi la supplémentation en lysine peut être intégrée à un traitement mis en place par le
vétérinaire, en complément d’autres traitements ; ainsi qu' à un programme de prévention
des recrudescences en chatterie, en particulier pour les animaux à risque (exposition,
gestation, lactation)
Différents suppléments nutritionnels à base de L-lysine monochloride (composée à 80% de
lysine libre) existent et sont commercialisés, majoritairement aux USA et Canada.
Les doses actuelles recommandées sont de supplémenter à hauteur de 400 à 800 mg de
lysine libre par jour. Seule la moitié de cette dose est recommandée chez le chaton.
Une approche globale nutritionnelle peut être proposée au travers d’aliments supplémentés
en L-lysine à des niveaux élevés par rapport à l’arginine. Pour la lysine, dans des aliments
classiques, les concentrations sont classiquement supérieurs aux besoins minimums, mais
souvent inférieurs au niveau d’arginine, et très souvent ne correspondent aux
supplémentations utilisées pour obtenir un effet.
Intérêt de la lysine dans la gestion de l’herpèsvirose
Traitement en phase clinique
La mise en place d’un traitement lors des phases cliniques de la maladie doit être effectuée
par le vétérinaire. Ce traitement, en fonction de la gravité de l’atteinte, pourra comprendre
des agents antiviraux ou autres collyres, de l’interféron oméga, des antibiotiques utiles
uniquement en cas de surinfection bactérienne… L’intérêt d’une supplémentation en lysine
est qu’en cas d’administration précoce on peut diminuer l’intensité des symptômes et des
séquelles. Cette supplémentation ne dispense pas des traitements médicamenteux sous
contrôle vétérinaire lors de l’expression des symptômes..
Prévention
Prophylaxie vaccinale
La vaccination a pour but de prévenir l’apparition de signes cliniques ou d’en réduire la
gravité, mais ne peut pas empêcher l’infection ou le portage chronique. De ce fait, malgré
une vaccination couramment utilisée, l’herpèsvirus reste très fréquent chez le chat. .
Dans le cadre d’un élevage, les vaccinations précoces, à partir de 6 semaines, permettent
d’obtenir une réponse immunitaire plus rapide . Malheureusement, en France, les vaccins
intra-nasaux (administrés par le nez) ne sont pas disponibles, alors qu’ils sont couramment
utilisés dans d’autres pays. Quel que soit le protocole vaccinal retenu, une dernière injection
aux alentours de 12 semaines ou plus tard est recommandée, pour s’affranchir du risque de
neutralisation par les anticorps d’origine maternelle.
Prophylaxie sanitaire :
Des mesures de prévention sanitaire, en particulier en améliorant la conduite d’élevage sont
indispensables dans la gestion d’un effectif dans lequel le nombre de cas d’herpèsvirose est
important.
L’approche nutritionnelle par l’augmentation des apports en lysine ne remplace en aucun
cas les autres approches prophylactiques, qu’elles soient vaccinales ou sanitaires. Elle est
intéressante puisqu’elle permet, d’après les études cliniques conduites, de diminuer le
nombre de sorties de latence dans une période donnée. Néanmoins, la supplémentation, si
elle réduit les symptômes et le nombre de recrudescence ou de réexcrétion, n’est pas
capable de les supprimer complètement. En effet, ni la lysine, ni les vaccins, ni aucun
médicament disponible actuellement ne sont capables de tuer le virus en phase de latence
dans le ganglion trigéminé. Il faut donc, par l’association des différentes mesures décrites
précédemment, maintenir un équilibre au sein de la chatterie. La supplémentation en lysine
s’inscrit donc comme donc un complément aux autres approches, chacune agissant à un
niveau différent, dans la gestion de l’herpèsvirose chez le chat.