Les imam-es progressistes de part le monde répondent à la

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Les imam-es progressistes de part le monde répondent à la
Paris, le 5 juin 2013
Les imam-es progressistes de part le monde
répondent à la violence homophobe de l’imam d'Al-Azhar en Egypte
L’université islamique Al Azhar, basée au Caire et dont le rayonnement intellectuel et théologique a
fait la renommée au cours des siècles, a publiquement condamné le mariage homosexuel par la voix du
Cheikh Ahmed Altayeb jeudi 30 mai 2013. Les Musulmans-es Progressistes de France1 déplorent cette prise
de position rétrograde, et appellent les musulman-es de France et du reste du monde à se libérer des carcans
conservateurs qui nuisent à la pratique apaisée de notre foi. Non seulement déclarer qu’une forme ou une
autre de mariage serait « haram » relève selon des savants et intellectuel-les musulmans du « détournement
sémantique »2 et de la « sincère schizophrénie »3, puisque, quoiqu’en dise le Cheik d’Al-Azhar, dans la
tradition musulmane le mariage est un contrat social entre deux individus consentants et libres, et
certainement pas un sacrement comme il le serait par exemple pour l’Eglise catholique, aux mains d’un
pouvoir clérical quelconque. Mais plus encore, le nouveau Cheikh d’Al-Azhar a tout d’abord trahi l’éthique
islamique dans son essence : il n’est pas de clergé dans la religion coranique, dont l’un des principes
cardinaux est justement la relation directe à Dieu - le Tawhid. En l’absence de l’existence d’un « Vatican
musulman » - et c’est une bonne chose selon nous -, les formulations de fatwas et autres condamnations
publiques trahissent surtout la fierté d’une institution en panne de foi en l’être humain, dont certains des
représentants autocratiques semblent avant tout préoccupés par l’ampleur plus ou moins réelle de leur
influence plus ou moins substantielle sur les comportements de leurs congénères.
Agissant au nom des valeurs cardinales de l’éthique islamique que sont la tolérance et l’égalité, le
collectif des représentants des Musulmans-es Progressistes de France déplorent par ailleurs la représentation
dogmatique que l’université islamique donne de la tradition fondamentalement spirituelle de l’islam.
Attachés à une pratique fondamentalement progressiste de la religion, au contraire, nous promouvons le droit
à l’appropriation personnelle et autonome des textes et traditions islamiques. A ce titre, comment est-il
seulement possible de condamner, comme le fait Al Azhar, l’existence même d’individus homosexuels se
ressentant sincèrement musulmans ? Les « incompatibilités » entre islam et diversité des genres n’existent
que dans les esprits dogmatiques des entrepreneurs de morale. N’y a-t-il pas eu, en France ce printemps, à
peine plus de manifestants de confession islamique dans les manifestations contre le mariage pour tous que
lors des manifestations en faveur du même projet de loi4 ? Le mythe stéréotypé du musulman « mainstream »
n’existe par conséquent pas. Il n’y a, sociologiquement, que des musulman-es qui choisissent de plus en plus
librement leur destinée et la nature de leur religiosité.
1
Musulman-es Progressistes de France - http://www.musulmans-progressistes-france.org/
Nous vous conseillons en cela l’excellent article de notre frère Michael Privot http://oumma.com/15178/lhomosexualite-un-defi-theologique
3
Nous vous conseillons en cela l’ouvrage de notre fondateur, et l’un des imams de notre mosquée de l’Unicité : Le
Coran et la Chair, de Ludovic-Mohamed Zahed (Max Milo, 2012) ; ainsi que son dernier ouvrage en anglais Queer
Muslim Marriage (Kindle, 2013). La conception catégorisante, essentialisante, « performative » des individus en
fonction de leur genre est une « grammaire » sociale, un paradigme idéologique et pseudo-scientifique qui est
e
apparue, rappelons-le, en Europe au 19 siècle sous l’influence de médecins et psychiatres puritains qui considéraient
que « l’onanisme » (la masturbation), homosexualité ou pédophilie, étaient des formes de « perversion »
équivalentes.
4
Discours des MPF le 21 avril 2013, place de la Bastille : http://youtu.be/T5xlcGULXU0
2
En s’inscrivant en faux contre la contextualisation de notre héritage spirituel et l’exercice de la
pensée rationnelle dans le cadre de la réflexion spirituelle, l’actuel Cheikh à la tête de l’université islamique
du Caire5 défend une interprétation répressive et normative de la religion musulmane que de plus en plus de
croyant-es écartent pourtant. L’éthique islamique doit-elle être, dans cette optique, un cadre idéologique qui
contraint ; ou peut-elle au contraire constituer une promesse, un facteur d’émancipation véritable, la voie
d’un épanouissement spirituel centré sur le bien-être des individus et sur leurs diversités identitaires6 ? Nous
rappelons que l’éthique islamique sacralise la diversité humaine, quelle qu’elle soit, sans jamais citer les
« homosexuel-les » en tant que tel, en ne condamnant en l’occurrence que le viol, le brigandage, la piraterie
et le refus d’hospitalité manifestés il y a cinq mille ans par les peuples de Sodome et Gomorrhe. Considérer
que tous les homosexuel-les sont des violeurs ou des brigands, des pervers et des déséquilibré-es qui
n’auraient pas le droit de protéger leur couple par le biais du mariage est pire qu’un préjugé ; il s’agit d’une
’ignorance qui n’est pas digne de savants musulmans, quand bien même autocratiques.
Représentants des Musulmans-es Progressistes de France, nous regrettons la prise de position
publique réactionnaire d’Al Azhar qui donne au monde, une nouvelle fois, la représentation d’un Islam qui
serait intrinsèquement contraire aux libertés individuelles. Œuvrant en faveur d’une appropriation de la
religion islamique par ses propres et seuls croyants, faisant fi des institutions qui se disent représentatives de
l’islam en France (...) comme ailleurs, le collectif citoyen des MPF conseille vivement au Cheikh d’Al Azhar
de cesser de s’ingérer dans les affaires intérieur de tel ou tel pays européen, en l’occurrence en tentant de
s’accaparer la libre parole des Français de confession musulmane7.
Les représentants des Musulmans-es Progressistes de France,
les imam-es de la mosquée de l’Unicité (en France, mais aussi aux USA, Canada, Chili, Australie).
Contact France : 0659919012 et 0631847761 - Contact USA : 003238422869
Contact Canada, Chili ou Australie par email : [email protected]
5
e
Rappelons que certains Cheikh musulmans, et même à Al-Azhar au 16 siècle notamment, écrivaient des poèmes
d’amour homoérotique à leurs jeunes mignons sans que personne ne s’en offusque.
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« Ô êtres humains ! Nous vous avons créés de masculin et de féminin, et Nous vous avons répartis en peuples et en
tribus, afin que vous appreniez à vous connaitre. En vérité, le plus méritant d'entre vous auprès de Dieu est le plus
pieux. Dieu est Omniscient et bien Informé » (Coran : 49.13).
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Information reprise par CNN-arabe : http://arabic.cnn.com/2013/middle_east/5/31/azhar.gay/index.html ; voilà une
traduction de l’article : « Le Caire, Egypte (CNN) -- l'Assemblée des Recherches Islamiques d’Al-Azhar, a affirmé, lors
d’une réunion présidée par Ahmed Altayeb, Cheikh (imam) d’Al-azhar, que la célébration entre deux homosexuels à
Paris (France), prétendument au nom de l’islam, selon l'un deux se considérant imam d'une mosquée, est prohibée par
le charia, totalement contraire à ce qui est connu de la religion. L’assemblée du jeudi [30 mai] a déclaré, en résumé,
qu'il ne peut y avoir de mariage entre deux homosexuel-les, que ce soit entre deux hommes ou entre deux femmes, et
que cette relation entre deux homosexuel-les est absolument prohibée - haram - dans toutes les religions, tout comme
elle est contraire à toute les valeurs éthiques et à la nature humaine conformément à la création des êtres humains par
Dieu, et enfin contraire au goût en général, et à toutes les traditions humaines à travers les siècles. L'assemblée a
avertie par un communiqué émanant de son trésorier, Cheikh Ali Abdelbaki, adressé aujourd’hui à tous les musulmans
de par le monde, que ce que font ces personnes est prohibé par la loi islamique ainsi que leurs prétentions à ce que ce
mariage pervers est un mariage qui n'est ni interdit par le Coran ni par la Sunnah, alors que l'un deux est imam d’une
des mosquées de ce pays. L'assemblée a souligné auprès de tous les musulmans de par le monde qu’est invalide la
prière effectuée derrière cette personne qui croit en cette chose prohibée (l’homosexualité) ou qui la pratique, ou qui
déclare l'avoir fait ou qui l'encourage ; l’assemblée appelle tous les musulmans à ne pas prier derrières ces personnes,
et de refuser ce genre de comportement pervers, ce phénomène malin et infâme ».
Article disponible également sur le site du Quotidien Egyptien : http://www.almasryalyoum.com/node/1798116