10-PROTHESE TOTALE DE HANCHE SUR TUMEUR
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10-PROTHESE TOTALE DE HANCHE SUR TUMEUR
Prothèse totale de hanche sur tumeur PROTHES E TOTALE DE HANCHE SUR TUMEUR Julien WEGRZYN, Gualter VAZ, Jean-Paul CARRET Le squelette de la hanche (os iliaque péri-acétabulaire et extrémité proximale du fémur) est fréquemment impliqué dans les processus tumoraux osseux primitif ou secondaire. Les tumeurs primitives les plus fréquemment rencontrées sont le chondrosarcome, le sarcome d’Ewing et l’ostéosarcome. Les tumeurs secondaires (métastases) sont par ordre de fréquence celles des néoplasies mammaires, prostatique, myélomateuse, rénale et pulmonaires. L’indication chirurgicale (type de résection et type de reconstruction prothétique) va dépendre du diagnostic histologique le plus souvent apporté par la biopsie et surtout de la perspective thérapeutique curative ou palliative. L’indication va de l’exérèse carcinologique avec reconstruction à l’arthroplastie palliative simple. Nous rapportons notre expérience à propos de l’analyse rétrospective de 70 patients opérés d’une tumeur osseuse primitive ou secondaire autour de la hanche pris en charge au Pavillon T à l’hôpital E. HERRIOT de 1996 à 2007. Nous détaillerons séparément les cas de tumeur primitive et de tumeur secondaire. MATÉRIEL ET MÉTHODE Tumeurs osseuses primitives. La série de tumeurs primitives regroupait 25 patients, 12 hommes et 13 femmes, âgés de 45 ans en moyenne (17 à 86 ans). Les diagnostics histologiques retrouvaient : 16 chondrosarcomes, 4 ostéosarcomes, 3 sarcomes d’Ewing, 1 tumeur à cellules géantes, un sarcome des tissus mous envahissant l’os. L’acetabulum était atteint dans 10 cas, le fémur proximal était atteint dans 16 cas ; il existait une atteinte des deux pièces osseuses dans 1 cas (ostéosarcome). Tous les patients ont été revus sans aucun perdu de vue. Cinq patients étaient décédés en moyenne à 27 mois (12 à 102 mois). Les décès concernaient 4 cas de chondrosarcome et un cas de sarcome d’Ewing. Le recul moyen de la série était de 47 mois (12 à 180 mois). Tumeurs osseuses secondaires. La série de tumeurs secondaires regroupait 45 patients, 16 hommes et 29 femmes, âgés de 66 ans en moyenne (32 à 88 ans). Les diagnostics histologiques des tumeurs primitives retrouvaient : 18 néoplasies mammaires, 12 néoplasies pulmonaires, 6 néoplasies rénales, 4 néoplasies prostatiques, 4 néoplasies thyroïdiennes et 1 néoplasie utérine. L’acetabulum était atteint dans 19 cas, le fémur proximal était atteint dans 35 cas ; il existait une atteinte des deux pièces osseuses dans 9 cas. Dans 13 cas les patients étaient multimétastatiques osseux. Les métastases autour de la hanche ont été prises en charge dans 14 cas suite à des fractures pathologiques (13 fractures du fémur, 1 fracture de l’acetabulum). Journées Lyonnaises de Chirurgie de la Hanche 2008 37 Julien Wegrzyn, Gualter Vaz, Jean-Paul Carret Tous les patients ont été revus sans aucun perdu de vue. Trente et un patients étaient décédés en moyenne à 19 mois (0 à 89 mois). Le recul moyen de la série était de 37 mois (1 à 89 mois). Nous avons analysé les résultats fonctionnels et douloureux, les méthodes thérapeutiques oncologiques utilisées (chimiothérapies, radiothérapie), les techniques chirurgicales, les complications post opératoires. RÉSULTATS Tumeurs osseuses primitives. Résultats fonctionnels et douleur. A l’analyse préopératoire : 13 patients marchaient sans canne, 5 patients marchaient avec une canne, 7 patients marchaient avec deux cannes. A l’analyse post opératoire au plus grand recul 8 patients marchaient sans canne, 12 patients marchaient avec une canne, 5 patients marchaient avec deux cannes. Tous les patients étaient autonomes à la marche avec un périmètre de marche de moins de 500 m pour 2 patients, de 1 à 3 km pour 18 patients, de plus de 3 km pour 5 patients. En préopératoire 3 patients ne prenaient aucun antalgique, 6 patients prenaient des antalgiques de niveau 1, 8 patients prenaient des antalgiques de niveau 2 et 8 patients des antalgiques de niveau 3. En postopératoire, au plus grand recul, 12 patients ne prenaient aucun antalgique, 8 patients des antalgiques de niveau 1, 5 patients des antalgiques de niveau 2 et aucun patient ne prenait d’antalgique de niveau 3. Thérapeutiques oncologiques préopératoires associées : Huit patients avaient eu une chimiothérapie préopératoire, aucun patient n’avait eu de radiothérapie préopératoire. Thérapeutiques oncologiques postopératoires associées : Dix sept patients avaient eu une chimiothérapie postopératoire, 5 patients avaient eu une radiothérapie postopératoire. Résection chirurgicale : Tous les patients ont eu une résection chirurgicale monobloc de leur tumeur osseuse. La résection était « in sano » dans 24 cas (large dans 18 cas et marginale dans 6 cas) et non in sano (contaminée) dans 1 cas. Il s’agissait d’un volumineux chondrosarcome du bassin avec effraction tumorale peropératoire. Reconstruction chirurgicale : Tumeur de l’acetabulum : 9 patients ont été reconstruits selon la technique de PUGET par autogreffe osseuse prélevée au dépends du fémur proximal homolatéral. La prothèse acétabulaire était implantée au niveau de la région métaphysaire du greffon. Il s’agissait d’une prothèse double mobilité cimentée dans 9 cas, non cimentée dans un cas. Tumeurs du fémur proximal : la longueur de résection fémorale proximale moyenne était de 16,5 cm (10 à 25 cm). La reconstruction fémorale était prothétique massive non cimentée (prothèse PP de résection fémorale) dans 11 cas et prothétique hybride (prothèse fémorale tige longue et allogreffe fémur proximal) dans 4 cas. Dans les cas de prothèse hybride, la prothèse était cimentée dans l’allogreffe et non cimentée dans le fémur natif. Les prothèses de reconstruction fémorale étaient couplées dans tous les cas avec une prothèse acétabulaire double mobilité sans ciment (cimentée dans 2 cas seulement). La reconstruction des muscles abducteurs de hanche se faisait par soit par conservation d’une baguette trochantérienne (Puget), soit par suture directe des tendons des muscles abducteurs au tendons de l’allogreffe fémorale proximale soit par reconstruction indirecte par suture des tendons des muscles abducteurs à la prothèse fémorale et au fascia lata (artifice de Turner). 38 Journées Lyonnaises de Chirurgie de la Hanche 2008 Prothèse totale de hanche sur tumeur Le patient présentant une atteinte mixte de l’acetabulum et du fémur proximal avait eu une résection monobloc de l’articulation coxo-fémorale emportant le tiers proximal du fémur et l’acetabulum. La reconstruction avait fait appel à une allogreffe fémorale totale utilisée pour la reconstruction acétabulaire (allogreffe fémur distal) et pour la reconstruction fémorale proximale (prothèse manchonnée dans une allogreffe fémorale proximale). Les deux implants étaient totalement cimentés, également dans le fémur distal natif. Complications : Neuf patients avaient présenté des complications : cinq patients opérés d’une tumeur de l’acetabulum et 4 patients opérés d’une tumeur du fémur. Les complications étaient essentiellement mécaniques et infectieuses. Une luxation prothétique était survenue dans cinq cas, dont trois sur reconstruction du bassin selon Puget. Cette luxation était survenue dans la première année dans tous les cas (un mois à 10 mois). Quatre patients avaient pu être réduits par manœuvres externes et un patient avait nécessité une reprise chirurgicale pour réduction. Trois de ces cinq patients luxés avaient une radiothérapie postopératoire. Un descellement prothétique était survenu dans trois cas dans un délai moyen de trois ans (un an à 9 ans), deux fois au niveau d’une reconstruction de l’acetabulum et une fois au niveau d’une reconstruction du fémur. Tous les cas de descellement avaient été repris chirurgicalement. Un cas de descellement de l’acetabulum avait eu une radiothérapie post opératoire. Un sepsis profond était survenu dans 4 cas, nécessitant une reprise chirurgicale avec conservation des implants et une antibiothérapie prolongée. Tous les cas de sepsis avaient eu une radiothérapie post opératoire. On ne notait pas d’échec mécanique des greffes. Une amputation (désarticulation de hanche) avait été réalisée chez un patient présentant Au total trois patients avaient présenté des complications associées : luxation - sepsis dans 2 cas et luxation - descellement dans 1 cas. Ces trois patients avaient eu l’association radiothérapie et chimiothérapie (préop et postop). Au total tous les patients ayant eu une radiothérapie postopératoire ont eu au moins une complication. Tumeurs osseuses secondaires. Résultats fonctionnels et douleur. A l’analyse préopératoire : 6 patients marchaient sans canne, 6 patients marchaient avec une canne, 17 patients marchaient avec deux cannes, 2 patients marchaient avec un cadre déambulateur et 14 patients étaient non marchants (fractures pathologiques). A l’analyse post opératoire au plus grand recul 15 patients marchaient sans canne, 14 patients marchaient avec une canne, 10 patients marchaient avec deux cannes et 6 patients marchaient avec un cadre déambulateur. En préopératoire tous les patients prenaient des antalgiques, 5 patients prenaient des antalgiques de niveau 1, 12 patients prenaient des antalgiques de niveau 2 et 28 patients des antalgiques de niveau 3. En postopératoire, au plus grand recul, 9 patients ne prenaient aucun antalgique, 24 patients des antalgiques de niveau 1, 6 patients des antalgiques de niveau 2 et 6 patients des antalgiques de niveau 3. Thérapeutiques oncologiques préopératoires associées : Trente huit patients avaient eu une chimiothérapie préopératoire, 28 patients avaient eu une radiothérapie préopératoire. Journées Lyonnaises de Chirurgie de la Hanche 2008 39 Julien Wegrzyn, Gualter Vaz, Jean-Paul Carret Thérapeutiques oncologiques postopératoires associées : Trente trois patients avaient eu une chimiothérapie postopératoire, 27 patients avaient eu une radiothérapie postopératoire. Résection chirurgicale : Seuls quatre patients avient eu une résection chirurgicale tumorale à visée curative avec une exérèse tumorale monobloc (2 cas de cancer du rein et 2 cas de cancer de la thyroïde avec métastase unique). Tous les autres patients ont eu une résection chirurgicale marginale ou intra tumorale de leur métastase osseuse dans un but palliatif soit de réduction du volume tumoral soit de restitution fonctionnelle et de contrôle de la douleur. Reconstruction chirurgicale : Tumeur de l’acetabulum : 4 patients ont été reconstruits par allogreffe osseuse massive prélevée au dépends d’une allogreffe de fémur proximal ou distal. Une prothèse acétabulaire double mobilité était cimentée au niveau du greffon avec un anneau de soutien type Kerboull. Les 15 autres métastases de l’acetabulum ont été reconstruites par une prothèse acétabulaire double mobilité associée à une reconstruction par ciment et anneau de soutien (Kerboull 11 cas et Bursh Schneider 4 cas). Tumeurs du fémur proximal : une résection fémorale a été réalisée dans 23 cas. La longueur de résection fémorale proximale moyenne était de 14 cm (10 à 21 cm). La reconstruction fémorale était prothétique massive (prothèse PP de résection fémorale) dans 22 cas et prothétique hybride (prothèse fémorale tige longue et allogreffe fémur proximal) dans 3 cas. Dans les cas de prothèse hybride, la prothèse était cimentée dans l’allogreffe et cimentée dans le fémur natif. Les 12 autres reconstructions fémorales ont été réalisées avec 5 tiges longues de révision cimentée et sept tiges standard cimentées. La reconstruction des muscles abducteurs de hanche dans les cas de résection se faisait soit par conservation d’une baguette trochantérienne, soit par suture directe des tendons des muscles abducteurs au tendons de l’allogreffe fémorale proximale soit par reconstruction indirecte par suture des tendons des muscles abducteurs à la prothèse fémorale et au fascia lata (artifice de Turner). Complications : Cinq patients avaient présenté des complications. Les complications étaient essentiellement mécaniques et infectieuses. Une luxation prothétique était survenue dans trois cas, dont une sur reconstruction du bassin. Cette luxation était survenue dans la première année dans tous les cas (un mois à 6 mois). Deux patients avaient pu être réduits par manœuvres externes et un patient avait nécessité une reprise chirurgicale pour réduction associée à une modification de l’orientation de la pièce métaphysaire de la prothèse PP. Tous les patients luxés avaient eu une radiothérapie postopératoire. Un sepsis profond était survenu dans 1 cas, nécessitant une reprise chirurgicale avec conservation des implants et une antibiothérapie prolongée. Un sepsis superficiel était survenu dans un cas avec reprise cicatricielle chirurgicale. Aucun descellement prothétique n’était survenu au plus grand recul On ne notait pas d’échec mécanique des greffes. DISCUSSION La reconstruction prothétique de la hanche est une situation fréquente en pathologie tumorale osseuse. La perspective thérapeutique est différente s’il s’agit d’une lésion osseuse primitive ou secondaire. Les lésions osseuses primitives de la hanche. La prise en charge d’une lésion primitive de la hanche (acetabulum ou fémur) doit privilégier avant tout le contrôle tumoral local par la qualité de la résection. Puis la reconstruction articulaire doit permettre une reprise fonctionnelle rapide et durable. 40 Journées Lyonnaises de Chirurgie de la Hanche 2008 Prothèse totale de hanche sur tumeur La reconstruction, tant au niveau du fémur que de l’acetabulum, fait appel à des implants spécifiques de résection osseuse. Ces implants doivent permettre une restauration rapide de la fonction du membre et leur longévité dans le temps. Les reconstructions biologiques par autogreffe et allogreffes massives permettent une meilleure garantie de reconstruction osseuse à long terme. Dans notre série tant au niveau de fémur que de l’acetabulum nous n’avons pas de faillite de ces reconstructions biologiques massives. De même, nous privilégions dans les reconstructions, chaque fois qu’il est possible d’envisager une vitalité osseuse satisfaisante, les implants sans ciment. La perspective d’une irradiation post opératoire ou l’implantation prothétique dans une greffe osseuse massive doit privilégier les implants cimentés. La chimiothérapie et la radiothérapie ont permit d’améliorer considérablement le contrôle général et local de la maladie cancéreuse et par conséquent le pronostic vital. Elles vont favoriser la survenue de complications locales par l’altération de l’immunité et de la trophicité tissulaire locale. Les complications postopératoires sont fréquentes dans cette chirurgie tumorale. Dans le traitement des tumeurs impliquant l’acetabulum, comme le montre l’analyse de cette série on retrouve environ 50 % de complications mécaniques et infectieuses. Le taux de complications est de 25 % dans le traitement des tumeurs primitives du fémur. Le rôle de la radiothérapie post opératoire comme facteur favorisant ces complications septiques ou mécaniques apparait ici de façon nette. La luxation prothétique est un problème majeur. Elle concerne dans notre série 20 % des patients malgré l’utilisation systématique d’implants acétabulaires stables à double mobilité. Les voies d’abord extensives, la radiothérapie post opératoire sont clairement des facteurs favorisants par l’altération du tonus et de la trophicité musculaire périarticulaire entrainée. Les résultats fonctionnels de ces reconstructions massives sont très satisfaisants avec une reprise de la marche autonome dans tous les cas, nécessitant au moins une canne dans 70 % des cas. Les lésions osseuses secondaires de la hanche La prise en charge d’une lésion osseuse secondaire se situe exceptionnellement dans une perspective curative. Cette situation concerne seulement 9 % des patients de notre série. La problématique du traitement des lésions secondaires de la hanche est palliative associant le maintient des capacités fonctionnelles et le contrôle des phénomènes douloureux. La fracture pathologique avec perte brutale de l’autonomie reste fréquente avec plus de 30 % de nos indications dans cette série. Les implants utilisés doivent permettre de reprendre immédiatement l’appui sur le membre inférieur. Les reconstructions biologiques peuvent être également utilisées mais leur stabilité doit permettre une charge immédiate. Les implants cimentés sont à privilégier au niveau du fémur et de l’acetabulum. Les anneaux de soutien acétabulaires permettent une reconstruction stable et pérenne à court et moyen terme. Les complications sont également relativement fréquentes. La mortalité post opératoire précoce est dans cette série de 4,4 %. Les complications infectieuses concernent également 4,4 % des patients de cette série. La luxation prothétique précoce est peu fréquente par rapport au groupe des tumeurs primitives. Les interventions sont, dans ce groupe, plus conventionnelles sans voies extensives. L’utilisation de la double mobilité acétabulaire est systématique dans notre expérience. La radiothérapie apparait moins nettement dans ce groupe comme un facteur de survenue de complications. L’efficacité du traitement chirurgical sur la restauration des capacités fonctionnelles chez les patients métastatiques osseux est importante avec : 100 % de patients marchant de façon autonome, plus de 65 % de patients marchant sans support ou avec une canne simple. Le traitement chirurgical des métastases de la hanche est également très efficace sur le contrôle des douleurs : seulement 13 % des patients ont recours à des antalgiques de niveau 3 en post opératoire contre 62 % en préopératoire. Journées Lyonnaises de Chirurgie de la Hanche 2008 41 Julien Wegrzyn, Gualter Vaz, Jean-Paul Carret CONCLUSION La reconstruction prothétique dans les pathologies tumorales de la hanche est une situation fréquente. Elle permet une restitution fonctionnelle satisfaisante dans la grande majorité des cas. Les implants « tumoraux » et les greffes osseuses massives tiennent une place majeure dans l’arsenal thérapeutique. Les complications restent fréquentes, surtout dans les tumeurs primitives en rapport avec la nécessité des traitements adjuvants de chimiothérapie et radiothérapie. Les métastases osseuses autour de la hanche bénéficient grandement de la chirurgie prothétique tant du point de vue de la restitution fonctionnelle que du contrôle de la douleur. 42 Journées Lyonnaises de Chirurgie de la Hanche 2008