Interruption de la prescription et plan

Transcription

Interruption de la prescription et plan
Publié sur Dalloz Actualité (http://www.dalloz-actualite.fr)
Interruption de la prescription et plan conventionnel
de redressement
le 21 janvier 2014
AFFAIRES | Consommation
CIVIL | Contrat et obligations
En sollicitant le plan conventionnel par lequel sa dette avait été aménagée, la débitrice a reconnu la
créance de la banque, de sorte que le délai de prescription avait été interrompu en application de
l’article 2240 du code civil.
Civ. 2e, 9 janv. 2014, F-P+B, n° 12-28.272
La reconnaissance par le débiteur surendetté de sa dette à la faveur d’un plan conventionnel de
redressement interrompt le délai de prescription de l’article L. 110-4 du code de commerce.
Ne parvenant plus, à compter du 28 novembre 1999, à rembourser son prêt immobilier souscrit en
1991, une débitrice forme une demande de traitement de sa situation de surendettement. Un plan
amiable lui accorde un moratoire d’une année, du 9 novembre 2001 au 9 novembre 2002.
Quelques années plus tard, par acte du 31 mai 2010 dénoncé le 7 juin suivant, la banque fait
pratiquer à son encontre diverses mesures de saisie. La débitrice saisit aussitôt le juge de
l’exécution d’une demande de mainlevée en invoquant la prescription de la créance de la banque.
De sont point de vue, le point de départ de l’ancien délai décennal de prescription de l’article
L.110-4 du code de commerce, qui courait à compter de la première échéance restée impayée, soit
le 28 novembre 1999, n’avait pu être interrompu par le plan conventionnel de redressement
élaboré par la commission dans le cadre de sa mission de conciliation et approuvé par le débiteur.
Seule la saisine de la commission de surendettement après échec de la mission de conciliation
pouvait avoir un tel effet. Ce qui découlerait d’une interprétation a contrario de l’article L. 331-7 du
code de la consommation, aux termes duquel la demande du débiteur visant à ouvrir la phase des
mesures « interrompt la prescription et les délais pour agir ». On a pu lire, en effet, sous la plume
de G. Paisant que, depuis la réforme du 8 février 1995, l’article L. 331-7 du code de la
consommation « lie l’interruption de la prescription et des délais pour agir à la demande formulée
par le débiteur, après l’échec de la tentative de conciliation, en vue de bénéficier d’une
recommandation de la commission » (Civ. 1re, 19 mai 1999, n° 97-04.127, Bull. civ. I, n° 169 ; D.
1999. 156 ; D. affaires 1999. 1150 ; RTD com. 1999. 991, obs. G. Paisant ; CCC 1999, n° 170,
obs. Raymond). « Comme sous l’empire des textes anciens, le déroulement de la phase amiable de
la procédure ne produit pas par lui-même d’effet interruptif » (G. Paisant, Quelques rapports entre
la procédure de traitement du surendettement et les textes sur le crédit à la consommation, RTD
com. 2001. 255 ; V., égal., Paris, 28 juin 2011, CCC 2011, n° 229, obs. Raymond).
Mais l’article L. 331-7 du code de la consommation n’évince pas l’article 2240 (ex-art. 2248) du
code civil selon lequel « la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il
prescrivait interrompt le délai de prescription ». Et le raisonnement de la cour d’appel
d’Aix-en-Provence, approuvé par la Cour de cassation, est tout autre : en sollicitant le plan
conventionnel par lequel sa dette avait été aménagée, la débitrice avait reconnu la créance de la
banque, de sorte que le délai de prescription avait été interrompu en application de cet 2240
(Aix-en-Provence, 24 févr. 2012, RG n° 11/00986, Dalloz jurisprudence).
Cette reconnaissance, si elle doit être certaine, n’est soumise à aucune condition de forme. Elle
résulte de tout fait qui implique sans équivoque l’aveu de l’existence du droit du créancier (Req. 28
janv. 1885, DP 1885. 1. 358 ; 13 avr. 1899, DP 1902. 1. 12) et peut très bien résulter d’accords
amiables de règlement (rappr. à propos, non pas de l’art. 2240, C. civ, mais de l’ancien art. L. 274
LPF – désormais L. 189 LPF – et d’un plan d’apurement de dettes fiscales convenu entre le
contribuable et le comptable, CE 30 juin 2000 n° 177930, Lebon ; D. 2000. 233 ).
Dalloz actualité © Éditions Dalloz 2017
Publié sur Dalloz Actualité (http://www.dalloz-actualite.fr)
C’est ainsi que la saisine par le débiteur, quelle que soit sa forme, de la commission de
surendettement vaut reconnaissance des dettes qu’il déclare et interrompt leur prescription (Douai,
11 juin 1992 , n° 146/92, Juris-Data n° 1992-046969 ; Rennes, 7 mai 2004, n° 03/02588).
Simplement, le juge qui relèverait d’office cette interruption de prescription devrait, au préalable,
inviter les parties à présenter leurs observations, sauf à méconnaître le principe de la contradiction
(Civ. 1re, 28 juin 2012, n° 11-17.744, Dalloz jurisprudence). En revanche, évidemment, la saisine de
la commission ne saurait interrompre la prescription de l’action du débiteur surendetté lui-même
qui tend à la reconnaissance d’une créance de dommages-intérêts à l’encontre de la banque (Civ. 1
re
, 9 févr. 2012, n° 10-23.497, Dalloz jurisprudence).
Cette décision est très importante en pratique pour le débiteur. Et elle l’est d’autant plus désormais
que le délai de prescription n’est plus que de deux ans (C. consom., art. L. 137-2). À quelques mois
ou semaines de l’expiration du délai, mieux vaut peut-être ne pas réclamer le bénéfice d’une
procédure de surendettement… À l’inverse, lorsque le débiteur aura saisi la commission de
surendettement, les banquiers ne manqueront pas de faire valoir cette jurisprudence… Nul besoin
pour eux d’avoir à l’assigner pour obtenir un titre exécutoire.
par Valérie Avena-Robardet
Dalloz actualité © Éditions Dalloz 2017