Actualité jurisprudentielle

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Actualité jurisprudentielle
Vente
Action en réduction du prix suivant un débouté en nullité
Cour de cassation – 3ème chambre civile
Arrêt du 11 janvier 2012 n°10-23.141
Une action en nullité n’empêche pas ensuite une autre en réduction du prix.
La Cour de cassation a considéré que les acquéreurs qui ont été déboutés de leur demande en nullité de la vente pour
réticence dolosive, peuvent introduire une action en réduction du prix fondée sur la même cause…
Quels étaient les faits ?
Un couple a acquis par l’intermédiaire d’une agence une maison d’habitation, qui 6 mois plus tard a subi une inondation importante.
Apprenant que le même sinistre s’était produit déjà l’été précédent, ils ont assigné le vendeur et l’agence immobilière afin d’obtenir
la nullité de la vente pour dol, avec paiement de dommages-intérêts. Déboutés de celle-ci, ils ont introduit une action en réduction
du prix. Celle-ci était aussi fondée sur la réticence dolosive commise par les défendeurs, pour avoir gardé le silence sur ce problème
récurrent d’inondation.
La Cour d’appel a rejeté leurs demandes en les considérant comme irrecevables. Elle a retenu, pour motiver sa
décision, que :
-
Le demandeur ne pouvait invoquer dans une instance postérieure un fondement juridique qu’il s’était abstenu de soulever
en temps utile ;
Il devait présenter dans la même instance toutes les demandes fondées sur la même cause ;
Les demandes aux fins de nullité de la vente et en réduction du prix dans les 2 instances avaient pour cause la réticence
dolosive du vendeur et de l’agent immobilier.
La Cour de cassation casse l’arrêt rendu par la Cour d’appel pour avoir violé l’article 1351 du Code civil. Elle considère que les deux
demandes formées par les victimes du dol n’ont pas le même objet.
La question soulevée dans cette affaire était donc de savoir si les acquéreurs, victimes d’un dol, pouvaient introduire une demande
en réduction du prix alors qu’une décision revêtue de la chose jugée les avait déjà déboutés de leur demande en nullité de la vente.
La réponse de la cour suprême est « oui » dès lors que les 3 conditions exigées par l’article 1351 du Code civil ne sont pas réunies.
Rappelons que l’autorité de la chose jugée interdit de remettre en cause une décision de justice, une fois que les voies de recours sont
épuisées. Elle n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement, ce qui suppose la réunion de 3 conditions à savoir :
1. Identité de la chose : la chose demandée doit être la même c’est à dire tendre à la même fin ;
2. Identité de la cause : la demande est fondée sur la même cause ;
3. Identité des parties : la demande doit non seulement concerner les mêmes parties (ex : acquéreur et vendeur) mais doit être
formée par et contre elles en la même qualité (ex : l’acquéreur reste demandeur et le vendeur défendeur).
Dans cette affaire, il y avait identité uniquement sur les parties (recours des acquéreurs contre le vendeur et l’agent immobilier) et
sur la cause (réticence dolosive de ces derniers), mais pas sur la chose. La demande de réduction du prix n’avait pas été soulevée au
ère
cours de la 1 procédure. Or l’acheteur, victime d’un dol, peut introduire deux actions une en nullité et une en réduction du prix,
ère
lesquelles ne tendent cependant pas aux mêmes fins (la 1 vise à anéantir le contrat avec octroi éventuel de dommages-intérêts
et l’autre vise à obtenir une réparation en le laissant subsister).
Notons que certains auteurs considèrent que la Cour d’appel de renvoi devra cependant examiner si l’action en réduction du prix qui
vise à obtenir une réparation n’a pas même objet que la demande de dommages-intérêts qui accompagnait aussi l’action en nullité.
Nous vous conseillons de demander à votre avocat de vous expliquer clairement l’objet de la décision rendue à votre encontre, afin de
déterminer si cette affaire peut revêtir un risque de voir engager une nouvelle fois votre responsabilité et d’en mesurer
éventuellement les conséquences.
Il est rappelé enfin que la Cour de cassation juge les éléments de droit.
ème
Cass. 3
civ., 11 janvier 2012, n° 10-23.141
• Sur le moyen unique :
Vu l’article 1351 du code civil ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 3 juin 2010), que, par acte notarié du 5 février 2001, précédé d’une promesse synallagmatique
établie avec le concours de la société Philippe immobilier, les époux X... ont vendu aux époux Y... une maison d’habitation, qui, dès
l’été 2001, a subi une importante inondation ; qu’ayant appris que le même sinistre s’était produit au cours de l’été 2000, les époux
Y... ont, par acte du 23 novembre 2001, assigné les époux X... et la société Philippe immobilier en nullité de l’acte de vente pour dol
et paiement de dommages-intérêts ; que, par un arrêt, devenu irrévocable, du 22 février 2006, les époux Y... ont été déboutés de
leur demande en nullité de la vente pour réticence dolosive ; que les époux Y... ont alors, par acte du 14 décembre 2006, introduit
une action en réduction du prix de la vente contre les époux X... et la société Philippe immobilier, qu’ils estimaient coupables d’une
réticence dolosive à l’occasion de la vente du bien immobilier ;
Attendu que pour rejeter comme irrecevables les demandes des époux Y... en raison de l’autorité de chose jugée par l’arrêt du 22
février 2006, l’arrêt retient qu’il incombe au demandeur de présenter dans la même instance toutes les demandes fondées sur la
même cause, et, qu’il ne peut invoquer dans une instance postérieure un fondement juridique qu’il s’est abstenu de soulever en
temps utile, que dans l’instance ayant donné lieu à l’arrêt du 22 février 2006, les demandes aux fins de nullité de vente et réparation
de leur préjudice avaient pour cause la réticence dolosive du vendeur et de l’agent immobilier ayant consisté à leur taire un
problème récurent d’inondation, cette cause étant également celle des demandes en réduction de prix et réparation de préjudice
dans la présente instance ;
Qu’en statuant ainsi, alors que la demande en nullité de la vente pour dol et la demande en réduction du prix de la vente par les
victimes de ce dol n’ont pas le même objet, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 3 juin 2010, entre les parties, par la cour d’appel
de Paris […]

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