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8, place de France - 95200 Sarcelles
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mail : [email protected]
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Dossier thématique
Enjeux, conditions, coopération
S Y N T H È S E I S S U E D ’ U N C Y C L E D E Q U A L I F I C AT I O N , L E S
ommaire
ET
8
AV R I L
2014
p.3
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>
Formation linguistique : cadrage, enjeux, panorama
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>
p.4
Partager un même langage pour appréhender la formation linguistique > > > > > > > > > > > > >p.4
Mieux connaître les publics cibles • Mieux appréhender les difficultés en langue française
• L’apprentissage linguistique dans un monde qui change.
s
VAL D’OISE
Préambule
7
Apprentissage de la langue du pays d’accueil :
des constats et des enjeux pour les populations comme pour les pouvoirs publics
Des constats • Des enjeux
>>>
p.8
Politique de formation linguistique : comprendre les évolutions et orientations pour
mieux répondre aux publics immigrés > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > >p.10
PÔLE
DE RESSOURCES
VILLE
ET DÉVELOPPEMENT SOCIAL
D’un droit à la langue à une obligation linguistique pour les étrangers ? • Une régulation
institutionnelle de plus en plus marquée, source de fragilité pour les acteurs locaux
Le parcours linguistique, un mode d’intervention adapté ? > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > >p.14
Structuration partenariale de l’offre • Suivi personnalisé
Concevoir et installer des coordinations linguistiques territoriales > > > > > > > > > > > > > > > >p.17
Le territoire : tensions et enjeux autour du « linguistique »
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>
p.18
De la juxtaposition à la coordination : quels enjeux ? > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > >p.18
Recenser l’offre et prévoir sa mise à jour • Coordonner sur le territoire • Diffuser
l’information sur l’offre et en assurer le suivi • Professionnaliser les acteurs du territoire
Des formes de coordination en émergence
Quelques jalons méthodologiques
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Des coordinations territoriales en pratiques - Expériences val d’oisiennes
>>>>>>>>
p.20
p.22
p.24
Argenteuil : une démarche de coordination territoriale > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > >p.24
Mai 2015
Garges-lès-Gonesse, une Maison des Langues
p.26
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>
Liste des principaux des sigles utilisés dans la publication
ACSE : Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances
ASL : Ateliers socio-linguistiques
CAI : Contrat d’accueil et d’intégration
CLAP : Comité de liaison pour l’alphabétisation et la promotion
CLP : Comité de liaison pour la promotion
DAAEN : Direction de l’accueil, de l’accompagnement des étrangers et de la nationalité
DDCS : Direction départementale de la cohésion sociale
DELF : Diplôme d’études en langue française
DILF : Diplôme d’initiation à la langue française
FASILD : Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations
FLE : Français langue étrangère
FLI : Français langue d’intégration
FLS : Français langue secondaire
FOS : Français sur objectifs
OCDE : Organisation de coopération et développement économique
OFII : Office français pour l’immigration et l’intégration
OEPRI : Ouvrir l’école aux parents pour réussir l’intégration
RADYA : Réseau des acteurs de la dynamique ASL
UNESCO : Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture
2
réambule
p
Depuis plusieurs années, discours publics et dispositions législatives se sont multipliés pour
faire de la connaissance de la langue française une dimension centrale du processus
d’intégration et du parcours administratif de l’étranger en France. Parallèlement, de
nombreuses actions de formation linguistique ont vu le jour, en particulier dans le cadre de
la Politique de la Ville : ateliers sociolinguistiques ou d’acquisition de savoirs de base, cours
de français en direction de femmes immigrées… Droit essentiel, vecteur d’autonomie sociale,
de participation à la vie de la cité et d’insertion professionnelle, la connaissance de la langue
française renvoie à des finalités et besoins multiples.
En réponse à cette diversité, l’offre linguistique proposée dans un certain nombre de villes
est aujourd’hui variée et mobilise un nombre important d’acteurs. Cette richesse est un
véritable atout, en même temps qu’elle peut comporter le risque d’être quelque peu
disparate, hétérogène, parfois difficilement lisible, tant pour les populations que pour les
acteurs publics. Paradoxalement, d’autres territoires doivent faire face à une demande
croissante, dans un contexte où l’offre tend à se réduire. D’où l’importance, à une échelle
locale ou plus large, de travailler les enjeux et les conditions d’une offre linguistique
structurée, cohérente, adaptée aux besoins et à leurs évolutions.
Développer une telle approche suppose, en amont – pour les porteurs de dynamiques
territoriales comme pour les acteurs de l’offre linguistique –, de travailler ensemble plusieurs
questions : quels sont les enjeux de l’apprentissage de la langue du pays d’accueil, au regard
des populations et des pouvoirs publics ? De quoi parle-t-on précisément ? Quelles politiques
sont à l’œuvre aujourd’hui ? Quels types d’offre linguistique sont animés, par quels acteurs ?
À partir de quels enjeux et à quelles conditions développer une approche territoriale de
l’offre linguistique ? Sous quelles formes ? À quelle échelle ?
Ce cycle de qualification proposé par le Pôle de ressources en avril 2014 a réuni, sur deux
jours, une vingtaine de professionnels de structures diverses - organismes de formation,
associations, collectivités, Éducation nationale - porteurs d’actions linguistiques sur le plan
local ou de dispositifs sur le plan départemental.
La première journée s’est centrée sur des apports de cadrage (notions, enjeux, sens et mise
en œuvre des politiques publiques…, à partir de l’intervention de l’Observatoire régional de
l’Intégration et de la Ville, centre de ressources alsacien ayant particulièrement investi ces
questions). La deuxième journée s’est intéressée plus particulièrement à l’intérêt et aux
conditions du développement de coordinations linguistiques territoriales (enjeux, jalons
méthodologiques, présentation de démarches locales, à partir de l’intervention de Co-
alternatives et de porteurs d’expériences val d’oisiens).
Cette publication reprend les principaux apports de ce cycle de qualification.
3
Formation linguistique :
cadrage,
À partir de l’intervention de Gaëlle Donnard,
chargée de mission à l’ORIV (Observatoire Régional
de l’Intégration et de la Ville), Alsace. L’intervention
de cadrage s’est basée sur une étude et des ateliers
précédemment réalisés sur le thème « Formation
linguistique : un nouvel enjeu des politiques
d’intégration ? ».
L’ORIV, centre de ressources créé en 1992,
intervient sur trois champs : l’intégration des
populations immigrées, la prévention des
discriminations et la Politique de la ville. Pour cela,
il développe plusieurs modes d’intervention : mise
à disposition et diffusion de ressources (site internet
et centre de documentation), production et
diffusion de connaissances, qualification d’acteurs,
démarches d’appui et d’accompagnement.
http://www.oriv-alsace.org
n
Partager un même langage pour
appréhender la formation linguistique
Parce qu’il est essentiel que les intervenants concernés se forgent eux-
mêmes, et en amont, une culture commune, il importe d’opérer un retour
sur quelques mots-clefs concernant les publics potentiellement bénéficiaires
des formations comme les situations requérant ces dernières.
Mieux connaître les publics cibles
• Étranger : un étranger est une personne qui réside en France sans en avoir
la nationalité. Cette notion est donc fondée sur le seul critère juridique de
la nationalité. La « qualité » d'étranger ne perdure pas toujours tout au long
Immigrés et étrangers en France
(données Insee 2008)
de la vie : on peut devenir Français par acquisition (par opposition aux
individus appelés Français « de naissance »).
• Immigré : un immigré est une personne née étrangère à l'étranger et
résidant en France. Certains immigrés ont pu devenir français, les autres
restant étrangers. En France, la qualité d’immigré est permanente : un
Immigrés : 5,34 millions
dont
2,17 millions immigrés
Français par
acquisition
individu devenu français par acquisition continue d’appartenir à la population
immigrée. C’est le pays de naissance et non la nationalité qui définit la
qualité d’immigré.
Étrangers : 3,72 millions
dont
3,17 millions
nés à l’étranger
et
550000 nés en France
• Primo-arrivant : est considérée comme « primo-arrivante » toute personne arrivant pour la première fois dans un pays.
Dans le cadre des politiques publiques françaises, et depuis 2009, cette notion désigne les personnes étrangères titulaires
d’un titre de séjour pour une durée de 5 ans.
• Intégration : lorsqu’il est appliqué à la situation des immigrés installés de façon durable dans le pays d'accueil, ce terme
désigne le processus d’interaction entre la société française et le public identifié sous l’expression « issu de
4
l’immigration », mais aussi les politiques ayant pour objet de faciliter la mise en œuvre d’un tel processus. Parce qu’elle
implique tous les domaines de la vie quotidienne, l’intégration relève donc d’un enjeu transversal.
enjeux, panorama
n
Mieux appréhender les difficultés en langue française
Il est essentiel de clarifier les notions utilisées pour décrire les situations dans laquelle une personne ne maîtrise pas la langue
française, la lecture ou l’écriture du français. Les institutions françaises ont ainsi choisi de distinguer cinq notions1 que l’on
définira tout en resituant le contexte dans lequel chacune est apparue. Il s’agit en effet de comprendre comment ces notions
en sont venues à structurer l’apprentissage du français tout en offrant de mieux saisir les enjeux actuels de cet apprentissage.
• Analphabétisme : on parle d’analphabétisme pour les personnes étrangères ayant été peu ou pas scolarisées dans leur
langue maternelle et qui n’ont jamais appris à écrire. Il s’agit alors pour elles d’entrer dans un premier apprentissage.
Ce terme remonte aux années 1960, quand des cours d’alphabétisation sont organisés pour les migrants par des bénévoles
associatifs. C’est le temps de l’alphabétisation militante, dans un contexte de plein emploi qui voit une immigration de
travail. Les flux migratoires sont principalement constitués de jeunes hommes venus d’anciennes colonies et ayant une
connaissance relative de la langue française à l’oral. Les cours mis en place visent alors à leur apprendre à lire et écrire
pour connaître et faire valoir leurs droits.
• Français Langue Étrangère : on parle de Français Langue Étrangère (FLE) pour des étrangers ne parlant pas français,
mais qui ont été scolarisés au moins cinq ans dans leur pays d’origine. Il s’agit alors de leur apprendre le français, qui
est pour eux une langue étrangère.
L’expression FLE apparaît dans les années 1970 avec l’arrivée d’un nouveau public, les réfugiés politiques, qui ont souvent été
scolarisés dans leur pays d’origine. Ce faisant, ils ont d’autres besoins que les « alphas », expression qui désigne les personnes
analphabètes, même s’ils se retrouvent dans les mêmes cours. Cette distinction entre « FLE » et « alphas » va entraîner une
différenciation de ces publics qui vont alors relever de prises en charge pédagogique et méthodologique différentes.
Deux autres phénomènes marquent ces années 1970. D’abord les flux migratoires liés au regroupement familial nécessitent
de mettre en place des actions d’alphabétisation permettant aux femmes d’apprendre les rudiments de la langue française
- c’est alors une logique de socialisation qui prévaut -. Ensuite les licenciements provoqués par la crise économique de la
fin des Trente glorieuses touchent en premier lieu les immigrés non qualifiés. C’est alors qu’apparaissent de nouveaux
besoins en termes de contenus de formation, lesquels s’orientent non plus seulement vers l’alphabétisation, mais aussi
vers le raisonnement logique ou le calcul – c’est une logique de professionnalisation qui prévaut alors. De fait, durant
cette période, la première loi sur la formation professionnelle est adoptée, laquelle va structurer le domaine. On assiste
parallèlement à une modification et à une professionnalisation du secteur associatif, avec une distinction entre associations
de bénévoles et organismes de formation.
1
Essentiellement définies par le Cadre national de référence de l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme (ANCLI), publié en 2003.
5
• Illettrisme : on parle d’illettrisme pour les personnes qui ont été scolarisées en langue française mais qui n’ont pas
acquis une maîtrise suffisante de la lecture, de l’écriture et des compétences de base pour être autonomes dans la
vie quotidienne. Il s’agit pour elles de réapprendre, de renouer avec la culture de l’écrit, par le biais des formations
dites « formation de base » proposées dans le cadre de politiques de lutte contre l’illettrisme.
Ce terme apparaît dans les années 1980 avec la découverte d’un nouveau phénomène : le rapport difficile à l’écrit de
personnes qui ne sont pas issues de l’immigration. Cette décennie est marquée par l’augmentation des phénomènes
d’exclusion dus à la crise. Les demandes de formation explosent et révèlent deux constats : d’abord l’objectif des
formations vers l’insertion professionnelle est renforcé (il s’agit bien d’élever le niveau de qualification des travailleurs),
ensuite les formations voient se mélanger des publics très différents (personnes immigrées aux origines géographiques de
plus en plus diverses, personnes non issues de l’immigration, personnes illettrées, personnes analphabètes…).
Si ce trio « alphabétisation, FLE, illettrisme » est beaucoup utilisé dans le domaine de la formation et des politiques publiques,
cette distinction reste typiquement française. Une telle approche par profil linguistique met en avant deux critères faisant
appel à des éléments biographiques : le fait d’avoir été ou non scolarisé ; le fait de parler le français en tant que langue
maternelle ou seconde langue. Selon ce schéma, les personnes étrangères et/ou immigrées, primo-arrivantes ou installées
depuis quelques années en France, vont ainsi relever du FLE ou de l’alphabétisation. Ces deux typologies présentent des
avantages puisqu’elles permettent de prendre en compte le vécu des personnes quant à l’apprentissage du français et de
distinguer l’oral et l’écrit. Mais elles n’intègrent pas le « besoin » à l’origine de l’apprentissage.
Ainsi, cette distinction semble peu opérationnelle pour certains acteurs, à l’image du monde de l’entreprise. Pour
l’employeur, le salarié doit maîtriser un socle de compétences de base nécessaire au poste occupé (calculer une remise
ou des quantités, remonter un incident par écrit…). C’est ici la définition du « besoin » qui est primordiale.
Deux autres notions ont alors fait leur apparition depuis la fin des années 1990, sous l’influence d’institutions internationales
comme l’OCDE (Organisation de coopération et développement économique) ou l’UNESCO (Organisation des Nations unies
pour l'éducation, la science et la culture) : celles de compétences de base et de compétences-clefs.
• Compétences de base : on parle de compétences de base quand les apprentissages proposés relèvent à la fois des
connaissances linguistiques (communication orale, lecture et écriture), mathématiques (compter, calculer) et cognitives
(raisonnement logique, repérage dans l’espace et dans le temps, capacité à apprendre…). Mais de nouvelles compétences
de base apparaissent avec l’évolution de la société, comme celles liées à l’utilisation des nouvelles technologies. Cette
notion de compétences de base est utilisée et définie, en 2003, par le cadre national de référence de l’Agence nationale
de lutte contre l’illettrisme2. Elle désignerait une sorte de noyau dur des compétences : lire, écrire, compter.
• Compétences-clefs : suite aux recommandations du 18 décembre 2006 du Parlement européen, il est admis que les
compétences-clefs regroupent des compétences assez larges : dans la langue maternelle, en langues étrangères, en culture
mathématique et numérique, en matière sociale et civique… Certains travaux, notamment ceux de l’OCDE, en retiennent
trois : « Agir de façon autonome, se servir d’outils de manière interactive, fonctionner dans des groupes socialement
hétérogènes ». Le développement de ces compétences-clefs est étroitement lié à la mobilisation d’aptitudes telles que
la motivation, l’engagement, l’autonomie ou la confiance en soi. La dimension interpersonnelle est donc au cœur de la
notion.
n
L’apprentissage linguistique dans un monde qui change
L’apparition de ces deux notions de compétence dans les années 1990 entre en résonance avec celle de « société de la
connaissance » (marquée par le développement technologique et une circulation de plus en plus rapide de l’information),
2
ANLCI, Cadre national de référence, 2003 téléchargeable en version PDF : www.anlci.gouv.fr/Mediatheque/Cadre-national-de-reference-sept-2003
6
et celle de « formation tout au long de la vie ». Ces caractéristiques des « sociétés de la connaissance », associées aux
mutations du monde du travail (évolution des métiers vers une plus grande polyvalence et autonomie, recherche de normes
de qualité…) jouent dans le même sens : l’accroissement des exigences en matière de compétences de base, notamment les
compétences linguistiques orales et écrites.
Les années 1990 sont aussi marquées par d’autres phénomènes. D’abord la persistance de la crise : le chômage
augmentant, les objectifs d’insertion socio-professionnelle sont mis en avant dans les politiques de l’emploi-formation.
Parallèlement, le mythe du retour pour les populations immigrées s’effondre : le terme d’intégration apparaît, devenant
un domaine de l’action publique en même temps qu’un enjeu fort de cohésion sociale. Ensuite, les flux migratoires
continuent à se diversifier en termes d’origine géographique, de durée de séjour, de catégorie socioprofessionnelle et de
niveaux scolaires des personnes immigrées. Enfin, les professionnels de la formation dressent le constat d’une hétérogénéité
croissante au sein des groupes. Au fil de ces années, les repères se brouillent pour les acteurs qui fonctionnent toujours sur
les profils linguistiques traditionnels « alpha, FLE, illettrisme ».
La notion de compétences peut pourtant permettre de prendre en compte cette réalité changeante. Elle présente en effet
un double avantage. D’abord, les personnes ne sont pas catégorisées dès le départ, en fonction de leur parcours de vie :
on identifie avec elles les compétences dont elles ont besoin dans leur vie sociale et professionnelle pour leur proposer les
formations adéquates. Ensuite, la langue n’est plus un objectif en tant que tel mais un outil, un moyen au service d’un
ensemble d’autres compétences. Il ne s’agit plus d’atteindre un « idéal » (l’autonomie communicative), mais de se baser, là
encore, sur les besoins et objectifs de l’apprenant pour lui proposer une formation adaptée en durée et en contenu.
De ce point de vue, pour certains chercheurs, la notion de « compétences » représente une rupture avec les catégorisations
« alpha, FLE, illettrisme », perçues comme stigmatisantes et peu pertinentes d’un point de vue didactique, tant les publics
se mélangent dans les formations. Certains risques ne doivent pas néanmoins être écartés : injonction de la performance,
visée utilitariste, approche fonctionnelle voire moralisatrice au détriment d’une approche sociale et culturelle.
Les années 2000 sont, quant à elles, marquées par deux politiques publiques majeures. Il s’agit d’abord de la politique de
lutte contre l’illettrisme dont la cible est claire : le public illettré, c'est-à-dire les personnes scolarisées en France qui
rencontrent des difficultés de maîtrise de l’écrit. L’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme (ANCLI) est créée en 2000,
tandis que les premiers plans de prévention contre l’illettrisme à l’échelle régionale sont mis en place à partir de 2002. Vient
ensuite la politique de formation linguistique à destination des publics immigrés qui se développe dans le cadre d’une politique
d’intégration plus volontariste, notamment avec la mise en place d’une politique d’accueil des nouveaux arrivants, et la
mesure phare : le Contrat d’accueil et d’intégration.
Il faut y ajouter une réforme importante : la loi de 2004 relative à la formation professionnelle et au dialogue social, qui
intègre les actions de lutte contre l’illettrisme et d’apprentissage de la langue française dans les actions de formation de
droit commun. Tout salarié peut ainsi bénéficier d’une action de formation dans le cadre de son emploi (par l’intermédiaire
du DIF-droit individuel à la formation (devenu début 2015 : compte personnel de formation) ou du plan de formation mis en
place par son entreprise). Cette réforme a été adoptée pour inciter les branches professionnelles à considérer ces actions
comme prioritaires.
7
Apprentissage de la langue du pays d’accueil : des constats et des enjeux
pour les populations comme pour les pouvoirs publics
À partir de ce rappel des notions, de leur contexte d’apparition et de leur appropriation par les politiques publiques, il est
possible de poser quelques constats.
D’abord, si ces différentes notions ne recouvrent pas les mêmes situations, elles convergent autour d’une même
préoccupation : l’importance de la capacité à lire et écrire dans la vie quotidienne et plus globalement l’importance des
compétences de base. Il s’agit en fait de garantir à chaque citoyen « [un socle essentiel qui favorise] l’accès à l’autonomie
dans la société. Tous ces termes renvoient, de manière explicite ou implicite, au risque d’exclusion contenu en germe dans
la non-maîtrise de ce socle et, par voie de conséquence, au devoir d’agir pour l’éviter »3.
Ensuite, les finalités des dispositifs de formation, les conceptions des besoins des publics et les modalités de
l’intervention publique sont intimement liées aux évolutions sociales, économiques et migratoires.
Par ailleurs, la politique publique de formation linguistique pour adultes migrants se trouve à la croisée de plusieurs
politiques publiques : éducation, immigration, accueil et intégration, emploi-formation, lutte contre l’illettrisme. Si toutes
ces politiques publiques se sont développées de façon distincte et parallèle, elles interagissent néanmoins entre elles.
La formation linguistique des adultes immigrés est une préoccupation ancienne pour les acteurs de l’intégration et de la
formation, mais sa prise en compte par les politiques publiques et les institutions a fortement évolué à partir des années
2000.
Enfin, à l’instar des autres interventions publiques en direction des populations immigrées, la politique de formation
linguistique oscille entre adoption de mesures spécifiques à ce public et inscription dans le droit commun de la formation.
C’est sans doute ce qui explique l’émergence d’un paradoxe entre la réalité du terrain – qui voit des publics différents se
mêler – et des politiques publiques qui, au plan national, dissocient les publics et les interventions (lutte contre l’illettrisme
pour les publics non issus de l’immigration et formation linguistique à destination des publics immigrés).
Ces constats ainsi posés suggèrent que l’apprentissage de la langue du pays d’accueil en contexte d’immigration et
d’intégration induit trois grands enjeux de cohésion sociale.
Une évidence : la langue est l’une des clefs du processus d’intégration des étrangers non francophones et des immigrés
Depuis longtemps, les acteurs de l’intégration considèrent que la langue est un élément indispensable pour accéder à
l’autonomie et à la citoyenneté dans la société d’accueil, participer à la vie de la cité, obtenir ou conserver un emploi,
suivre la scolarité des enfants… C’est là un enjeu de cohésion sociale dans la mesure où la maîtrise de la langue permet aux
personnes de s’ouvrir à la société en évitant le repli sur elles-mêmes.
Une exigence : favoriser l’emploi et la compétitivité économique
La question de l’emploi est sous-jacente à celle de la formation. L’articulation entre formation, insertion et emploi est
d’ailleurs une orientation constante des politiques publiques depuis les années 1970.
Dans un monde du travail de plus en plus complexe et exigeant, des études montrent qu’un ouvrier est, aujourd’hui, en moyenne
confronté à deux actes d’écriture ou de lecture par jour (par exemple : remonter un incident, lire des plannings ou encore
mélanger des produits). Répondre au besoin de compétitivité des entreprises exige donc des salariés de mieux en mieux formés.
3
ANLCI, Lutter ensemble contre l’illettrisme : Cadre national de référence, Lyon, ANLCI, septembre 2003, p72
8
On prendra soin notamment d’intégrer dans cette appréhension deux prévisions – l’accroissement des besoins dans le domaine
tertiaire et le vieillissement de la population – qui ne feront qu’augmenter le besoin des entreprises en recrutement de personnes
qualifiées.
Une réalité : la responsabilité accrue des pouvoirs publics
Les pouvoirs publics doivent assumer une action publique ambitieuse en proposant une offre de formation de qualité, en
garantissant une égalité d'accès et en prenant en compte les difficultés particulières de certains publics.
Parmi les offres de formation linguistique…
Offre
OFII CAI
(cf p.11)
OFII Hors CAI
ASL
Ouvrir l'école
aux parents pour
réussir
l'intégration
Offres de
collectivités
territoriales
Public cible
Descriptif
Signataires de tous les CAI ayant un niveau infra DILF. Formation
également proposée aux signataires dispensés ayant un niveau
DILF et souhaitant poursuivre en parcours DEFL A1.
Deux parcours proposés : un parcours DILF pour les personnes pas ou peu scolarisées,
et un parcours DELF A1 pour les personnes scolarisées (études secondaires ou
supérieures).
Objectif : obtention du diplôme correspondant (DILF ou DELF A1).
Parcours avec une durée moyenne de 280 heures.
4 publics ciblés en priorité : demandeurs d’emploi, signataires
du CAI en suite de parcours, femmes isolées, candidats à la
nationalité française dont la naturalisation a été reportée par
maîtrise insuffisante de la langue.
Trois parcours proposés: DILF, DELF A1 et DELF A2. Comme pour l’offre CAI, le parcours
DILF vise les personnes peu scolarisées, tandis que les parcours DELF visent les
personnes déjà scolarisées. Parcours avec une durée moyenne de 280 heures.
Adultes migrants ayant besoin d’acquérir ou renforcer leur
l’autonomie sociale (méconnaissance du fonctionnement de
certains espaces sociaux, non-maîtrise des actes de langage
inhérents à ces espaces, connaissance partielle des codes
socioculturels attendus dans ces espaces).
Un contenu articulé autour de trois axes : l’usage autonome des espaces sociaux, la
compréhension des principes/valeurs de la société d’accueil, la connaissance des
temps forts/événements de la société d’accueil.
Prenant appui sur les espaces sociaux et socioculturels (ex. centre social, mairie,
école, centre de santé…), la démarche articule des objectifs pédagogiques croisant
le traitement des informations relatives à l’espace social visé, le traitement des
compétences langagières requises et la connaissance des codes sociaux.
Une démarche dite en spirale : 3 phases d’apprentissage (découverte - explorationappropriation).
Portage des ateliers par des structures de proximité en général.
Parents d'élèves, immigrés ou étrangers hors union européenne,
volontaires, souhaitant mieux s’impliquer dans la scolarité de
leur enfant et connnaître le système scolaire français (parents
hors dispositif CAI).
Dispositif conduit en partenariat entre le Ministère de l'Intérieur et le Ministère de
l'Éducation nationale. Cours collectifs proposés sur les sites des établissements
scolaires, aux parents volontaires.
Objectifs : acquérir la maîtrise du français par un enseignement de français « langue
seconde » ; présenter les principes de la République et ses valeurs ; renforcer la
connaissance de l'institution scolaire et proposer aux parents des clés pour aider leurs
enfants au cours de leur scolarité.
Public différent en fonction de l’offre de la collectivité et de
de sa visée (ex. 16-25 pour le programme Avenir jeunes de la
Région Île-de-France, qui développe des formations
linguistiques et d’accès aux compétences de base).
Contenus et finalités différents en fonction de la collectivité porteuse.
9
Politique de formation linguistique : comprendre les évolutions et
orientations pour mieux répondre aux publics immigrés
En tant que champ de politique publique, la formation linguistique à destination des publics immigrés présente quatre
caractéristiques majeures. Elle est ainsi :
sous l’emprise du politique : comme tout ce qui concerne de près ou de loin l’intégration, elle fait l’objet de débats
-
idéologiques très forts alors même qu’il faut, au contraire, dépassionner ces questions, prendre le recul et la distance
nécessaires pour analyser les évolutions et leurs conséquences ;
marquée par la diversité des acteurs, des publics et des actions ;
-
progressivement structurée entre apprentissage de la langue du pays d’accueil et injonction à s’intégrer ;
-
soumise à une régulation institutionnelle de plus en plus marquée dans un contexte mouvant, avec des refontes
-
administratives continues qui s’accompagnent de l’introduction des marchés publics.
n
D’un droit à la langue à une obligation linguistique pour les étrangers ?
Partant du constat que la maîtrise de la langue serait un préalable à l’accès et l’exercice de certains droits (travail, santé,
logement…), l’expression « droit à la langue » est avant tout entendue comme un droit à l’apprentissage de la langue du pays
d’accueil, via l’accès à une formation de qualité. C’est d’ailleurs un droit proclamé par deux conventions du Conseil de l’Europe
(la Charte sociale européenne de 1961 révisée en 1996, la Convention européenne relative au statut juridique du travailleur migrant
de 1977). Pourtant, depuis une dizaine d’années, on constate trois tendances dans le domaine de la formation linguistique :
- une réaffirmation constante et unanime de l’importance de l’apprentissage de la langue pour les publics immigrés dans le
cadre du processus d’intégration,
- un renforcement des exigences en matière de maîtrise de la langue dans le cadre du droit au séjour et de l’acquisition de
la nationalité,
- une association de plus en plus étroite de l’apprentissage de la langue avec la connaissance des valeurs de la société d’accueil.
La feuille de route du gouvernement intitulée « Politique d’égalité républicaine et d’intégration », adoptée en février 2014,
reprend ces tendances dans son premier axe consacré à l’accueil des nouveaux arrivants4. Selon certains observateurs, cette
structuration de la politique de formation linguistique à destination des adultes immigrés exprime un glissement progressif d’un
droit à la langue vers une obligation linguistique pour les étrangers.
Le Contrat d’accueil et d’intégration : symbole de la tension entre droit à la langue et obligation linguistique ?
En France, le Contrat d’accueil et d’intégration (expérimenté dès 2003 dans certains départements puis généralisé en 2007
sur la base de la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration) traduit la prise en compte de ce droit à la
langue puisqu’il s’agit de proposer une formation linguistique à tout primo-arrivant. Il traduit donc la reconnaissance de
l’apprentissage de la langue comme un élément capital du processus d’accueil et d’intégration et va dans le sens d’une
démocratisation de l'apprentissage du français. Mais c’est également dans une logique de droits et de devoirs, incitative, voire
contraignante que ce droit à la langue est posé. Dans cette logique, le Contrat d'accueil et d'intégration et les formations qui
l'accompagnent deviennent obligatoires pour tout étranger qui souhaite s'installer durablement en France. Il s’inscrit
4
10
Politique d’égalité républicaine et d’intégration. Feuille de route du gouvernement, 11 février 2014, voir http://archives.gouvernement.fr/ayrault/sites/default/files
/dossier_de_presses/feuille_de_route_-_politique_degalite_republicaine_et_dintegration.pdf
Depuis la parution de cette feuille de route en février 2014, l'équipe gouvernementale a changé, Emmanuel Valls ayant pris la suite de Jean-Marc Ayrault en mars
2014. L'accent a alors été mis sur deux projets de loi, le premier relatif à l'asile, le deuxième relatif à une une réforme du droit des étrangers (voir le site de
l'assemblée nationale). Le volet relatif à l'intégration des primo-arrivants est porté par le MMinistère de l'intérieur (plus particulièrement la DAAEN, Direction de
l'accueil et de l'accompagnement des étrangers et de la nationalité).
également dans un contexte où les lois relatives au droit au séjour durcissent les conditions concernant la connaissance de
la langue française pour l’étranger. Traditionnellement exigée lors des démarches de naturalisation, cette connaissance de la
langue française, mais également des valeurs de la République, tend à s’imposer désormais à chaque étape du parcours
administratif de l’étranger. C'est pourquoi, pour certains acteurs, cette logique traduit le passage d’un droit à la langue à une
obligation linguistique qui prend différentes formes : suivre une formation, passer un examen, attester un niveau de langue.
Le Contrat d’accueil et d’intégration
Le Contrat d’accueil et d’intégration (CAI) est une des mesures phares de la politique actuelle d’accueil. Concrètement,
le CAI est un contrat signé entre le nouvel arrivant et l’État français, ce dernier s’engageant à proposer aux migrants
qui arrivent :
- une formation linguistique ;
- deux journées d’information sur la société française : l’une de formation civique sur l’histoire, les valeurs et les
droits de l’homme ; l’autre consacrée au fonctionnement des institutions en matière d’emploi, de santé ;
- un bilan de compétences à l’issue de la formation linguistique ;
- un « CAI Familles » pour les personnes en procédure de regroupement familial (demi-journée d’information sur
le droits et obligations scolaires, l’autorité parentale…).
Il s’agit d’accueillir la personne et de lui donner les outils nécessaires à sa vie en France dans le cadre d’un projet
d’installation et de migration durable. Le CAI donne une place centrale et nouvelle à la formation linguistique des
migrants en mettant un accent fort sur les immigrés adultes, plus spécifiquement les primo-arrivants.
Toute personne étrangère primo-arrivante peut ainsi, sous certaines conditions, se voir prescrire une formation
linguistique dans un organisme de formation. À l’issue de cette formation, la personne doit passer un diplôme de
l’Éducation nationale, le DILF (Diplôme d’initiation à la langue française), le premier passage étant pris en charge
dans le cadre du CAI. Cette formation concerne des personnes ayant un très faible niveau en français (inférieur au
niveau A1.1 du Cadre européen de référence commun). Ce niveau est certes faible mais il permet de toucher tous
les publics, et n’exclut pas les personnes avec un plus bas niveau de qualification.
Une exigence accrue de la connaissance du français à toutes les étapes du parcours administratif de l’étranger
Les lois sur l’immigration (2006, 2007…) sont venues renforcer les conditions de connaissance de la langue par les étrangers
dans les différentes étapes de leur parcours administratif. Elle se traduisent dans le rapport à l’usage du français par quelques
principes :
- le renouvellement du premier titre de séjour d’un an peut être refusé si l’étranger n’a pas respecté les obligations du CAI,
notamment le suivi de la formation linguistique ;
- la carte de résident de 10 ans est soumise à une condition d’intégration républicaine, appréciée au regard de l’engagement
à respecter les principes qui régissent la République française, du respect effectif de ces principes et de la connaissance
suffisante de la langue française (en attestant notamment de l’obtention du DILF) ;
11
- pour les étrangers conjoints de Français ou venant au titre du regroupement familial, un dispositif de « préparation au
séjour » a été institué par la loi du 20 novembre 2007. Il prévoit que les personnes doivent satisfaire, dans leur pays, à une
évaluation de leur connaissance de la langue et des valeurs de la République. Si besoin, elles peuvent alors suivre – toujours
dans leur pays – une formation qui conditionne la délivrance du visa ;
- les conditions d’accès à la nationalité française se sont renforcées en matière de connaissance de la langue et des valeurs
de la République.
Ces mesures font évidemment l’objet d’analyses et d’interpellations politiques de la part des différents acteurs
intervenant dans le champ de l’immigration, de l’intégration ou de la formation linguistique des migrants. Les enjeux qui
pèsent sur le suivi de la formation linguistique vont bien au-delà de l’objectif d’améliorer la connaissance de la langue du
pays d’accueil : ils impactent le droit au séjour et l’accès à la citoyenneté française des étrangers.
Le passage d’un droit à la langue à une obligation linguistique – déjà évoqué – traduit, pour certains, une inversion du
processus d’intégration : « La langue est d’abord un droit, les États membres en font un devoir, renversant ainsi le processus
d’intégration. La logique s’est inversée : le droit au séjour pérenne n’est plus pensé comme l’outil de l’intégration mais
comme sa récompense. […] La pression est ainsi mise sur l’apprentissage de la langue du pays d’accueil comme preuve de
bonne volonté de s’intégrer, pour pouvoir bénéficier d’un droit au séjour stabilisé alors que c’est l’assurance d’une stabilité
administrative qui permet aux adultes migrants d’apprendre la langue du pays d’accueil et de s’engager sur le chemin de
l’intégration5 ».
Une telle inversion peut conduire à faire de la maîtrise de la langue un instrument de contrôle des flux migratoires. « Ce
qui compte, c’est moins de favoriser l’apprentissage de la langue du pays d'accueil que de tester, dans une optique de tri, la
volonté et la capacité d’intégration de l’étranger. L'épreuve intervient donc logiquement de plus en plus en amont du parcours
migratoire6 ». Elle peut aussi être perçue comme une injonction à s’intégrer par la connaissance des devoirs et des droits du
citoyen et des valeurs de la société française. « L'évolution de la législation française illustre parfaitement ce shéma. C'est
de plus en plus tôt qu'il faut savoir le français, et il faut le savoir de mieux en mieux7 ».
Au final, le risque est double : faire de l’apprentissage du français un objet de conflit interculturel et considérer qu’une
« bonne maîtrise » de la langue est un indicateur ultime de l’intégration (alors même qu’il n’y a pas de lien direct).
Le droit au séjour et l’accès à la nationalité française sont désormais intimement articulés à la connaissance et à la maîtrise
de la langue, à charge pour les pouvoirs publics de créer les conditions pour y satisfaire. La création du FLI s’est inscrite dans
cette logique.
Le référentiel Français Langue d’Intégration, pour mieux définir la qualité des formations et des niveaux de langues
En février 2011, des groupes de travail sont mis en place par la Direction de l'accueil, de l'intégration et de la citoyenneté
(DAIC, aujourd’hui DAAEN, Direction de l'accueil, de l'accompagnement des étrangers et de la nationalité), avec des acteurs
du monde de la formation destinée aux publics immigrés. Le but est de mieux définir la qualité des formations linguistiques
et les niveaux de langue requis. À l’été, le « Référentiel FLI, Français langue d’intégration » formalise les bonnes pratiques
en matière d’appropriation de la langue et de la culture françaises par les migrants. Rapidement, deux décrets sont
promulgués, relatifs l’un au niveau d’exigence du français pour les postulants à la nationalité française, l’autre à la création
d’un label qualité intitulé « Français langue d’intégration ».
Le FLI recouvre aujourd’hui 4 grandes dimensions : une démarche didactique, un label, un agrément et un master
spécialisé (cf encadré ci-après).
5
12
6
7
Intervention de Véronique Laurens de la Cimade, lors du Colloque « Politiques européennes de formation linguistique pour les migrants », le jeudi 27 novembre 2008
organisé par la Fédération AEFTI à Paris (dossier du participant)
Danièle Lochak, Intégrer par la langue ou exclure ? Plein droit n°98, Revue du Gisti, Octobre 2013, p 3
Danièle Lochak, p 3
Les quatre dimensions du FLI
- Une démarche didactique : dans la logique du FLE (Français langue étrangère), du FLS (Français langue seconde)
ou encore du FOS (Français sur objectif spécifique), le FLI désigne une situation particulière d’apprentissage
d’une langue, en l’occurrence le français enseigné à des adultes immigrés en France, à des fins d’intégration.
Ce faisant, il associe apprentissage de la langue et la culture françaises en vue d’un usage quotidien. Il peut
ainsi être considéré comme une contextualisation du FLE tout en s’en distinguant puisqu’il s’adresse à un public
hétérogène (dont une partie a été peu ou pas scolarisée, voire ne maîtrise pas l’écrit dans sa propre langue),
en situation d’immersion en contexte homoglotte8 et souhaitant s’installer durablement en France. Le FLI
s’inscrit donc dans le long processus allant du projet migratoire d’installation dans le pays jusqu’à la
naturalisation française. Pour atteindre ses objectifs, le FLI se fonde sur plusieurs principes d’apprentissage :
une acquisition du français par immersion, un apprentissage – guidé ou non – de la langue, des situations
d’apprentissage formel, non formel et informel. Le but du FLI est de permettre aux migrants-apprenants
d’acquérir une autonomie à travers la maîtrise d’un socle solide de compétences et de répertoires socio-
langagiers à même de faciliter leur intégration sociale, économique et citoyenne.
- Un label qualité : il concerne les structures enregistrées comme organismes de formation. Il est délivré, pour
trois ans, sous l’autorité du ministre en charge de l’intégration à l’issue d’un audit réalisé par un expert
indépendant et portant sur différents aspects : conditions d’accueil des apprenants, solidité de l’établissement,
niveau des formateurs, respect d’un programme pédagogique, adhésion aux principes du FLI… Ce label permet
d’attester des niveaux en langue acquis par les stagiaires à l’issue des formations réalisées par la structure : ces
attestations sont reconnues par l’administration comme élément de preuve de maîtrise de la langue française.
- Un agrément : l’agrément FLI concerne les structures qui ne sont pas enregistrées comme organismes de
formation (structures de proximité, associations de bénévoles…) et dont l’offre et les services (ateliers
sociolinguistiques, par exemple…) visent l’intégration sociale, linguistique, culturelle ou socioprofessionnelle
des adultes migrants.
- Un master : une filière spécifique a été mise sur pied afin que les organismes de formation puissent recruter
des formateurs ayant cette compétence et ainsi obtenir le label correspondant. Les enjeux concernent la
professionnalisation des acteurs, la reconnaissance d’un secteur de formation, l’évaluation et la certification.
Pour autant, ce concept a fait l’objet de vives contestations de la part de réseaux universitaires et associatifs.
Les premiers ont dénoncé ce qu’ils considèrent comme une ingérence dans le contenu des formations, un
mélange des genres relativement dangereux entre apprentissage de la langue et connaissance des valeurs de
la République, et une charge pour des structures appartenant à un secteur déjà fragile. Les seconds regrettent
un manque de concertation et un référentiel inadapté à leurs pratiques en ce qu’il ne reconnaît pas
l’engagement bénévole et ne prend pas en compte la logique de proximité de ces associations.
Aujourd’hui les labellisations se poursuivent même si elles n’ont pas été exigées dans le cadre des derniers marchés publics
de l’OFII (Office français de l’immigration et de l’intégration). Par ailleurs, à ce jour, la procédure d’agrément est suspendue,
faute de décret d’application.
En tout état de cause, la démarche du FLI incarne cette tendance à la régulation institutionnelle du champ de la formation
à destination des publics migrants.
8
Milieu « qui coïncide avec la langue apprise » ; voir CUQ J.-P (dir.), Dictionnaire de didactique du français Langue étrangère et langue seconde, Paris, Asdifle, Cle
International, 2003, p. 122.
13
n
Une régulation institutionnelle de plus en plus marquée, facteur de fragilité pour nombre d’acteurs locaux
Toutes ces orientations indiquent combien le champ de la formation est impacté par des réformes successives du paysage
institutionnel faisant apparaître de nouveaux interlocuteurs, de nouveaux établissements publics, avec généralement des
changements dans les périmètres d’intervention et les modes de financement. Le milieu de la formation linguistique est ainsi
particulièrement attentif à l’évolution du recours croissant aux marchés publics.
Le passage de la logique de subvention à celle d’appel d’offre – une transformation majeure du champ de la formation de
base – a impacté la formation linguistique des immigrés adultes : lors de la mise en place du CAI, il a été décidé de recourir
aux procédures de désignation par les marchés publics pour choisir les organismes de formation concernés. Cette logique de
marché introduit une régulation institutionnelle plus marquée puisque les financeurs formalisent davantage les attentes et
définissent plus précisément les orientations. Fondée sur les idées de la liberté d’accès à la commande publique, d’égalité
de traitement des candidats et de transparence des procédures, cette logique génère des réactions partagées.
Certes, elle a vocation à créer de l’émulation et de la mutualisation en suscitant des partenariats qui peuvent dynamiser la
qualité des offres de formation. Pour autant, on constate sur le terrain que cette mise en concurrence attise les tensions,
que la logique du moins-disant prévaut avec des conséquences sur la qualité des formations et les conditions de travail
des formateurs, que des organismes remportent les marchés sans connaître le territoire d’intervention et que la faveur
accordée aux opérateurs importants se fait au détriment des acteurs plus modestes. De manière plus générale, ce mode
de financement est sous-tendu par des exigences qui ne correspondent pas aux attentes et valeurs des structures de formation
et associations, à ce qu’elles « produisent, veulent produire et aux besoins détectés sur le terrain9».
Au final, ce contexte mouvant induit un risque, celui que des acteurs (et donc des actions) disparaissent suite à des ruptures
de financement, mais plus globalement un manque de continuité et de cohérence des initiatives. En tout état de cause, il
dessine un contexte opaque difficilement lisible par les protagonistes de la formation linguistique.
Le parcours linguistique, un mode d’intervention adapté ?
Pour faire face à ces constats et difficultés, les acteurs sont à la recherche de modes d’intervention adaptés : le « parcours
linguistique » est l’une des pistes qu’ils évoquent le plus souvent. De manière générale, la notion de parcours est de plus en
plus invoquée comme un mode d’intervention dans différents domaines de l’action publique : on parle en effet beaucoup de
« parcours professionnel », « parcours d’insertion » ou encore de « parcours d’intégration ». Mais qui dit parcours dit aussi
« sécurisation » de ces derniers. Et c’est notamment l’idée de « sécurisation des parcours professionnels » qui a été le
plus développée ces dernières années par les acteurs des politiques publiques de l’emploi et de la formation. Ce concept
a fait florès dans le contexte de mondialisation, d’évolution technologique, d’accroissement des incertitudes
professionnelles, etc.
Pour autant, si cette notion de parcours est de plus en plus utilisée, elle ne fait pas l’objet d’une définition claire inscrite
dans la loi. Or, définir un parcours supposerait de répondre à différentes questions : quand commence-t-il et quand s’achèvet-il, quelles sont les conditions de sa réussite, etc. ? C’est qu’une telle définition se heurte à une difficulté majeure : il
n’existe pas un parcours type, mais des parcours aux formes multiples et singulières. On peut néanmoins considérer qu’un
accord existe d’abord sur les objectifs généraux du parcours : garantir une continuité (quels que soient le niveau de
9
Aurélie Beauné, Georges-Louis Baron, Les activités associatives visant l’intégration des migrants dans un contexte institutionnel changeant : étude de cas dans le Val d’Oise, in
Savoirs et Formation – Recherches et Pratiques : n°4, février 2014, p73
14
qualification et le statut de l’individu), trouver une cohérence entre les différentes périodes d’une vie active, faciliter
les transitions. Les principes généraux d’intervention sont ensuite partagés : renforcer la qualité des services d’information,
d’orientation et de conseil, reconnaître et professionnaliser la fonction d’accompagnement10, développer la coordination entre
tous les acteurs concernés.
Quant à la dimension de sécurisation des parcours, elle consiste à rendre visibles leurs différentes étapes aux partenaires
impliqués tout en les rendant accessibles aux bénéficiaires. Pour cela, il s’avère nécessaire de partager les informations
entre tous les acteurs intervenant sur les différents aspects de la construction et de la gestion du parcours, et de maîtriser,
dans la mesure du possible, la complexité des dispositifs et des différentes politiques publiques afin de coordonner les actions
des uns et des autres.
Cette vision globale, à base de partage d’informations, permet en effet de « révéler » et mettre en perspective des aspects
du parcours qui, pris isolément, ne font pas sens mais qui, cumulés, ouvrent des perspectives nouvelles d’intervention. Elle
repose sur une coordination étroite, un dialogue concerté et une qualité des relations entre les différents intervenants. Pour
le Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie, il s’agit de développer une « ingénierie de
coordination des parcours11 », laquelle nécessite de clarifier les niveaux de coordination pertinents, leurs rôles et le temps
requis pour cette fonction.
Tous ces questionnements sur la définition, le contenu et les modalités de mise en œuvre se retrouvent dans le champ
spécifique du « parcours linguistique ». De l’enquête menée auprès des acteurs dans le cadre de la publication « Formation
linguistique, un nouvel enjeu des politiques d’intégration ?12 », il ressortait un double constat, toujours d’actualité : les
parcours restent très virtuels pour les apprenants et les enjeux du parcours doivent être partagés (éviter les parcours hachés
et optimiser les fonds publics). Deux exigences étaient particulièrement mises en avant : développer une structuration
partenariale de l’offre et proposer un suivi personnalisé.
n
Structuration partenariale de l’offre
Il faut considérer qu’un parcours est constitué de différentes étapes, dans et entre plusieurs formations, et que chacune
d’entre elles a pour vocation de permettre à la personne de franchir ces différentes étapes au rythme de son projet
professionnel et personnel.
Il s’agirait donc de construire une offre cohérente et complémentaire, en amont, par un dialogue renforcé entre acteurs
publics. En effet, aucun financeur n’est en mesure – et ce n’est pas souhaitable – de financer toutes les étapes d’un parcours.
Or, il existe des lieux permettant aux partenaires institutionnels de se rencontrer ; il en va ainsi des groupes de travail
susceptibles d’être mis en place dans le cadre des PRIPI (Programme régional d’intégration des populations immigrées) ou
des Plans régionaux de lutte contre l’illettrisme, même s’ils fonctionnent de manière variable.
Les passerelles possibles entre dispositifs ne sont pas simples à construire : l’organisation des dispositifs de formation fait
que chaque institution est responsable d’un type d’offre et favorise avant tout le tuilage au sein des actions de son propre
dispositif.
10
11
12
Quel que soit le domaine concerné, le constat est le suivant : « L'accompagnement est un facteur clef de la sécurisation. Dans les expériences réussies, la personne en
transition professionnelle, ou en préparation de cette transition, n'est jamais laissée seule face à une offre de formation et d'emploi. […] En tout état de cause, la
qualité de cet accompagnement est cruciale », voir Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie, La sécurisation des parcours professionnels
par la formation, Paris, CNFPTLV, février 2008, p. 4. Mais « cette fonction est souvent mal identifiée, peu outillée, peu valorisée alors qu’elle est essentielle à la
structuration du parcours et au développement d’un sentiment de sécurité pour les acteurs ». [Il s’agit alors de] « mieux la définir, de la doter de moyens et de
compétences adéquates », voir Crefor Haute-Normandie, op. cit. p. 29.
Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie, La sécurisation des parcours professionnels par la formation, Paris, CNFPTLV, février 2008
DONNARD Gaëlle, Formation linguistique : un nouvel enjeu des politiques d'intégration ? Du droit à la langue aux politiques publiques de formation linguistique à
destination des adultes immigrés, Strasbourg, ORIV, 2009, 128 p. (Cahier de l'Observatoire; n° 43) téléchargeable h t t p : / / w w w . o r i v - a l s a c e . o r g / w p content/uploads/oriv_cahier_observatoire_quarante_trois.pdf
15
n
Suivi personnalisé
Néanmoins, il ne suffit pas, pour « faire parcours » de faciliter les enchaînements entre les formations. Les ponts entre ces
dernières doivent être préalablement identifiées pour choisir la plus adaptée à chaque fois. C’est en cela qu’un suivi
personnalisé, sous la forme d'un accompagnement dans la durée, apparaît comme le second élément clef pour la réussite
d’un parcours. Une telle fonction d’accompagnement poursuivrait les objectifs suivants :
- faciliter l'accès de la personne aux informations pertinentes,
- permettre une orientation adéquate tenant compte de la personne dans sa globalité, afin de proposer une formation
adaptée à ses besoins et à sa demande,
- garantir le bon déroulement du parcours en repérant les freins et les difficultés rencontrés et en y remédiant par une
réponse adaptée,
- faciliter les transitions par l'instauration de relations de confiance avec la personne mais également entre les différents
intervenants et partenaires institutionnels.
Quant à la forme opérationnelle que pourrait prendre cette fonction d’accompagnement, elle pourrait être assurée dans le
cadre d'un portage collectif et pluri-institutionnel, sur le modèle du Programme de réussite éducative (PRE). Si, au sein de
ce dispositif, différents professionnels sont mobilisés, l’accompagnement personnalisé se traduit par la désignation d'un
référent qui devient l'interlocuteur privilégié des intervenants potentiels. Mais cette fonction d’accompagnement pourrait
également être confiée à un acteur spécifique, par exemple les organismes d’évaluation et de prescription linguistiques,
dans le prolongement de leur activité de positionnement. Ils bénéficient en effet d’une connaissance fine des publics et de
l'offre de formation.
Si la logique de parcours s’inscrit donc dans une tension entre un accompagnement personnalisé et une mobilisation collective,
elle requiert un choix politique, opérationnel et financier clair et pérenne pour s’inscrire dans la durée. À ces conditions, la
mise en œuvre de parcours linguistique pourrait s’avérer un mode d’intervention adapté. Néanmoins, et pour ne pas s’inscrire
à l’inverse dans une « tyrannie » du parcours, il convient de parer à trois effets potentiellement pervers :
- Une vision figée du parcours : il serait préjudiciable de supposer que, pour toute personne ayant besoin d’un parcours
en formation linguistique, celui-ci doive suivre un schéma préétabli et progressif sur le modèle « offre de proximité/offre
intermédiaire/offre à visée professionnelle ». Une telle conception risque en effet de figer le parcours sans prendre en
compte les trajectoires individuelles de personnes qui travaillent, progressent en dehors des formations, suivent une
formation spécifique ou l’interrompent pour différentes raisons (contrat de travail, grossesse…). Le parcours linguistique
n’est pas un « kit clefs en main » : il doit être construit avec les personnes et réactualisé en permanence.
- Le parcours linguistique comme préalable à l’emploi ou à l’entrée en formation professionnelle : développer des modes
d’intervention centrés sur la notion de parcours dans les différents domaines de l’action publique pourrait avoir pour
conséquence d’envisager les parcours professionnel, de formation et de langue de manière déconnectée les uns par rapport
aux autres. Or envisager le parcours linguistique comme une entité autonome risque d’en faire un préalable à l’entrée du
migrant dans un parcours professionnalisant et, par conséquent, de créer un frein supplémentaire à son accès à l’emploi.
- L’atteinte à l’équité : vouloir proposer des parcours linguistiques (ce qui implique de travailler sur du « sur-mesure ») à
moyens constants, peut avoir pour conséquence de promouvoir une logique d’intervention privilégiant certains publics qui
pourront de ce fait avoir un parcours cohérent. L’idée serait alors de suivre une cohorte de personnes aux profils ciblés
(par exemple les moins de 26 ans, femmes d’un quartier…) afin qu’ils puissent enchaîner les formations pour être
constamment en immersion et progresser réellement. Mais une telle idée pose le problème du choix des personnes pouvant
ou non continuer leur parcours : quelles personnes « privilégier » ? Selon quel critère ? Qui serait en charge d’appliquer
ces critères ? C’est alors la question de l’équité des politiques publiques et de l’égalité d’accès qui pourrait être en jeu.
Car, la formalisation d'une logique de parcours, si elle peut permettre d'optimiser les fonds publics, nécessiterait, malgré
tout, des moyens financiers renforcés.
16
Concevoir et installer
des coordinations linguistiques
territoriales Enjeux, démarches, maillages
Par Mariela DE FERRARI, responsable innovation et Marie-Claire NASSIRI,
responsable ingénieries, à Co-alternatives
Initiées par le Comité de Liaison pour l’Alphabétisation et la Promotion (CLAP) Ile-de-France il y a une quinzaine d’années
grâce au soutien du Fonds d’Action Sociale, les coordinations linguistiques territoriales se sont beaucoup développées depuis,
souvent autour des contrats de ville, de leurs équipes et des têtes de réseau associatives. Trois périodes ont rythmé ce
développement.
La première période (1998-2002) concerne des coordinations départementales, impulsées par le CLAP Ile-de-France, tête
de réseau d’associations franciliennes mettant en œuvre à l’époque des cours d’« alphabétisation de quartier » et de « FLE
». À travers ces accompagnements territoriaux, émergent les premières coordinations territorialisées : communale sur la
ville des Mureaux (78), intercommunale sur le territoire de la Boucle Nord des Hauts-de-Seine (92) réunissant les villes
d’Asnières, Colombes, Clichy-la -Garenne, Gennevilliers, Villeneuve-la-Garenne.
Entre 2003 et 2009, le Comité de Liaison pour la Promotion (CLP), tête de réseau national réunissant des organismes de formation
associatifs intervenant dans la formation linguistique pour migrants, reprend les dynamiques installées par le CLAP et co-construit
avec une grande partie du réseau associatif francilien le guide de compétences ayant donné lieu aux Ateliers socio-
linguistiques et à une méthodologie spécifique pour l’apprentissage de la langue. Les coordinations départementales sont
remplacées par des groupes de travail et des accompagnements visant la professionnalisation des acteurs et l’appropriation
de la nouvelle méthodologie. Cela prend la forme d’une formation-action régionale soutenue par le FASILD puis l’ACSé Ile-de-
France et la Région Ile-de-France.
Une partie importante de ces associations se réunit après la disparition du CLP et crée le Réseau des Acteurs de la DYnamique
ASL (Radya), porteur aujourd’hui de l’accompagnement des actions de proximité à composante linguistiques dites ASL. Pendant
cette période plusieurs villes tentent des coordinations locales, la plus structurée et durable, qui se poursuit encore aujourd’hui
étant celle de Mantes-la-Jolie (78).
Mariela De Ferrari et Marie-Claire Nassiri, issues du CLAP et du CLP, proposent alors à la Région Ile-de-France – Unité société –
un projet pour reprendre les accompagnements territoriaux afin de formaliser les dynamiques de coordination restées
en suspens. Dans le cadre de ce projet, de nouvelles ingénieries – financières, territoriales – ont vu le jour entre 2010 et
2014, et dans le sillage de ces formalisations, d’autres projets se poursuivent et sont prévus en 2015.
Cette partie retrace les analyses et les enseignements issus de ces accompagnements, en trois parties : les enjeux et l’intérêt
de la mise en place de coordinations territoriales ; les formes possibles et les modèles émergeants ; les jalons
méthodologiques et les maillages nécessaires pour une démarche de coordination territoriale de l’offre.
17
Le territoire : tensions et enjeux autour du « linguistique »
Dans les évolutions portées par les notions de développement local et territorial13, « le territoire ne s’entend pas comme un
simple échelon spatial parmi d’autres - l’échelon local, entre la commune et l’Etat- où s’élaboreraient, par l’application
d’une bonne subsidiarité, des politiques de proximité et d’interface adéquates. Il ne correspond pas à un niveau administratif
neutre où une politique s’applique selon une démarche hiérarchique descendante ». Le territoire s’impose au contraire
comme un construit social permanent, en constante appropriation. Il peut être apparenté à un système dynamique
complexe (F. Leloup et L. Moyart, 2003). Le territoire peut être considéré comme une situation de développement
(Ch. A. Gagneur et Mayen, 2010).
Concernant les formations linguistiques et socio-linguistiques, le territoire est considéré comme l’espace de déploiement
des politiques publiques nationales (formation linguistique pilotées par la Direction de l’accueil, de l’accompagnement des
étrangers et de la nationalité), régionales (formation et insertion professionnelles) et départementales (insertion socio-
professionnelle pour les bénéficiaires du Revenu de Solidarité Active et des personnes socialement fragilisées). Ces politiques
se matérialisent par des dispositifs juxtaposés, mis en œuvre à travers des actions dont les logiques sont « fermées » aux
acteurs concernés par chaque dispositif. Le clivage majeur qui « sépare » le fonctionnement de ces actions concerne la
logique d’attribution des fonds publics : par marché ou par subvention.
Si la mise en œuvre de ces politiques est bien descendante, le système des acteurs chargé de mener ces actions varie selon
les besoins des habitants, et les multiples réalités associatives mettant en œuvre des ASL et des actions de formation
linguistiques variées. Concernant les politiques nationales de formation linguistique, elles portent sur deux dispositifs, celui
de l’Office français pour l’immigration et l’intégration (OFII), régi par un marché public ; celui des ASL (BOP 104) porté par l’Etat
départemental (DDCS) sous forme de subvention allouée aux associations. Ces ateliers peuvent bénéficier de co-financements
(ville, agglomération ou département) et peuvent s’inscrire notamment dans le cadre des projets territoriaux liés aux contrats
de ville – ou d’agglomération-. Le dispositif OEPRI (Ouvrir l’école aux parents pour réussir l’intégration) soutenu par les Ministères
de l’Intérieur et de l’Education nationale, est mis en place de façon très inégale sur les territoires, en primaire et/ou en Collège.
Cent-vingt heures de formation linguistique y sont proposées et là aussi, les contenus et les modalités varient très fortement
d’un territoire à l’autre.
Par ailleurs, selon les partenariats développés par les associations porteuses d’ASL, les ateliers peuvent proposer des contenus
et des objectifs très différents, inscrits parfois dans des logiques « alpha-FLE », dans des logiques de certification de langue
ou bien prenant appui sur la méthodologie ASL et le référentiel Radya.
La composante linguistique peut donc être abordée de manière très différente et le fait que chaque dispositif inscrive ses exigences
dans des logiques variées ne facilite pas la clarté de ce qui se fait à l’intérieur de chaque offre territoriale. Cette description
montre la nécessité d’emprunter une approche territoriale pour la coordination de ces multiples offres de formation.
De la juxtaposition à la coordination : quels enjeux ?
Trois enjeux majeurs entourent les processus de coordination de l’offre territoriale :
- rendre visibles et lisibles les contenus dispensés par chacune des offres proposées, à composante ou à visée linguistique,
- faciliter la construction de parcours des bénéficiaires et éviter les parcours « en boucle » où les personnes se voient proposer
des contenus similaires voire identiques, faute de langage commun et de complémentarité élaborés collectivement,
- proposer des offres pertinentes, adaptées aux besoins des bénéficiaires, via une professionnalisation territorialisée des
acteurs.
13
Analyse développée par Leloup Fabienne et al., « La gouvernance territoriale comme nouveau mode de coordination territoriale ? », p.321-332 URL :
www.cairn.info/revue-geographie-economie-societe-2005-4-page-321.htm.DOI: 10.3166/pages..321-331
18
Ces enjeux émergent de constats récurrents effectués par plusieurs études-actions, partagés par la majorité des acteurs
consultés et investis. Ces constats posent le problème central de la coordination des acteurs et de la mise en cohérence de
leurs stratégies au service d’un projet de territoire. En dépit de l’hétérogénéité des professionnels rencontrés, il en ressort
un consensus sur la nécessité de clarifier, de fédérer et d’orchestrer le fonctionnement au niveau local. Les études-actions14
menées dans le cadre de la démarche soutenue par la Région Île-de-France ont abouti à l’élaboration – à des degrés variés -
de coordinations territoriales, mises en place depuis 2010 dans différents sites (Gennevilliers, Grigny-Viry Chatillon, Plaine
centrale, Val de Bièvre, Argenteuil, Ivry). Ces dynamiques de coordination ont pris des formes différentes d’un territoire à
l’autre mais partagent quatre objectifs communs :
- construire un langage commun en termes de compétences visées dans les actions de socialisation, de formation linguistique,
et celles à visée professionnelle,
- établir avec les représentants des différents dispositifs une réflexion sur les parcours de formation : prescripteurs,
conseillers, accompagnateurs, formateurs, formateurs-animateurs ASL, responsables institutionnels de ces dispositifs,
- rendre visibles les offres de formation au niveau local et départemental,
- identifier et mettre en place des parcours visant l’insertion sociale, l’emploi, la certification et/ou la qualification.
Selon le degré d’élaboration territoriale et d’adhésion des acteurs institutionnels concernés, les missions de ces coordinations
s’articulent, en général, autour de quatre axes, abordés de manière intégrale ou partielle, associée ou non, décrits ci-après.
n
Recenser l’offre et prévoir sa mise à jour
L’ensemble de l’offre du territoire est recensée, caractérisée et classifiée selon des paramètres précis. Ces répertoires
regroupent les actions linguistiques proposées sur le territoire, et prévoient un inventaire hiérarchisé des informations utiles :
- la forme juridique de la structure,
- les coordonnées,
- la visée de l’action (sociale, citoyenne, éducative, professionnelle),
- le contenu et la méthode pédagogique proposée,
- les caractéristiques du public accueilli,
- les rythmes et la durée de formation,
- l’équipe pédagogique,
- les moyens d’accès,
- les modalités et conditions d’inscription.
Une mise à jour régulière de ce recensement doit être prévue pour une utilisation pertinente de l’offre et une évolution à
prévoir, si nécessaire, sur les plans quantitatif et/ou qualitatif.
n
Coordonner sur le territoire
La mise en réseau des acteurs constitue l’aspect prioritaire de la fonction coordination sur un territoire donné. Trois types
d’acteurs sont convoqués :
- associations, chargées de la mise en place/animation des actions (socio) linguistiques de proximité,
- organismes de formation porteurs des dispositifs à visée linguistique (OFII) et à composante linguistique (Avenir Jeunes :
Région Ile-de-France, Compétences clés : l’État, Insertion pour les bénéficiaires RSA : Conseils généraux, Préparation
Opérationnelle à l’Emploi Collective : Etat et Région),
- organismes et structures chargés de l’orientation-accompagnement des publics dans leur parcours d’insertion sociale
et professionnelle (PLIE, Pôle Emploi, missions locales, régies de quartier, entreprises d’Insertion, travailleurs sociaux…).
14
Deux d’entre elles sont publiées in extenso sur le site www.co-alternatives.fr, à la rubrique « publications » puis « études et rapports ».
19
Cette mise en réseau s’organise à travers trois dynamiques à articuler et emboîter progressivement :
- des réunions régulières (souvent mensuelles) réunissant les acteurs locaux, au niveau d’une ville ou d’un micro-territoire
à l’intérieur d’une grande ville15, visant la coordination de l’offre locale et des contenus de ces offres adaptés aux besoins
des bénéficiaires,
- des permanences locales d’accueil à double visée : orientation des publics vers les offres les plus adaptées à leurs besoins
(permanence dans un lieu déterminé, permanences dans différents quartiers…) et recensement / analyse quantitative et
qualitative des besoins non couverts,
- des réunions régulières (souvent trimestrielles) dont l’objectif est de mettre en place des échanges de pratiques et
d’informations au niveau supra-communal (intercommunal ou départemental par exemple). Elles regroupent les acteurs
de l’insertion professionnelle amenés à travailler collectivement à la construction des parcours des bénéficiaires et ont
pour objectifs de :
- construire un langage commun et des outils d’orientation partagés,
- favoriser une meilleure compréhension de l’offre et du fonctionnement des dispositifs en termes de parcours,
- réfléchir aux parcours d’accès à l’emploi et à la qualification en fonction de chaque territoire et inter-territoires,
- proposer de nouvelles actions permettant de répondre aux besoins identifiés pour l’insertion professionnelle en lien
avec les « coordinations locales ».
n
Diffuser l’information sur l’offre et en assurer le suivi
Afin de permettre le partage des informations sur l’offre en mouvement dans le territoire mais également pour favoriser la
circulation des informations nécessaires auprès des acteurs, des outils de communication sont à élaborer (lettres
d’information à fréquence régulière ; répertoires en ligne ; brochures d’information sur l’offre d’une ville ou d’un territoire
donné, espace(s) internet dédié(s) aux acteurs territoriaux).
n
Professionnaliser les acteurs du territoire
La nécessité de professionnaliser les acteurs intervenant dans les actions de formation a été fortement ressentie dans les
différents territoires accompagnés. Afin d'améliorer la qualité des actions et le projet pédagogique des associations de
proximité, des journées de formation ont été programmées afin d’outiller les acteurs en matière d’évaluation et de méthodes
pédagogiques pertinentes, de mieux structurer l’offre en fonction des besoins des apprenants accueillis, de développer des
partenariats locaux et départementaux et pour favoriser la mise en place de parcours d’insertion sociale et/ou professionnelle.
La coordination des multiples formations pouvant être proposées aux acteurs d’un même territoire constitue un enjeu majeur
pour la cohérence et la cohésion des pratiques d’une part, pour la construction des parcours des bénéficiaires d’autre part.
Des formes de coordination en émergence
Trois des études – actions réalisées par Co-alternatives ont abouti à la création et mise en place durable d’un poste de
coordination. Il s’agit des villes de Gennevilliers (92) et Ivry (94) et d’un Groupement d’intérêt public intercommunal
(Grigny/Viry Châtillon, 91). Sur les autres territoires, les études-actions ont abouti à des productions collectives d’outils et
à des dynamiques locales inter-acteurs qui se perpétuent de manière plus ou moins formelle selon les projets de territoire
et les portages institutionnels (Villes, Agglomérations, État local, Conseils généraux).
15
C’est le cas de la ville de Paris, qui met en place des coordinations autour des « Equipes de Développement Local – EDL- 18e, 13e, 11e arrondissements, en lien avec
la géographie prioritaire de la politique de la ville
20
Dans les trois territoires, deux facteurs convergents assurent l’efficacité de la fonction coordination :
- une compétence technique spécifique et distanciée – externe ou internalisée progressivement – qui s’avère être le gage
du maintien des dynamiques inter-acteurs et de l’impulsion des changements nécessaires à la lisibilité et à la cohérence
entre besoins des habitants et offres proposées pour la construction des parcours des bénéficiaires,
- un pilotage institutionnel adossé à la coordination technique, permettant de légitimer les évolutions en particulier pour
la circulation de l’information et l’articulation progressive des dispositifs.
Au niveau de la gouvernance des coordinations, on observe que plus le pilotage institutionnel est articulé aux compétences
techniques, plus l’articulation inter-institutionnelle et inter-dispositifs s’accélère et se développe sur les territoires. Ce co-
portage implique de la co-formation « chemin faisant », qui se répercute in fine sur le point de vue technique des acteurs
institutionnels posé de manière critique sur les actions qu’ils impulsent et soutiennent.
Le schéma ci-dessous donne à voir quelques manières d’organiser la fonction « coordination territoriale » selon les portages
institutionnels et les périmètres des « objets » à coordonner :
Entrée institutionnelle
Ville ou Etat Local
(DDCS)
Agglomération ou
Intercommunalité
OFII
Périmètre et
Pilotage et
objet de la coordination
portage de la coordination
Quartiers prioritaires ou Ville
Services (CCAS, Politique de la ville)
Actions de proximité, dont ASL
Plusieurs villes
Actions de proximité et formations
linguistiques multiples
Tête de réseau associative
Services Politique de la Ville et
développement économique/emploi
Département
Organisme porteur du marché OFII
proximité (dites ASL)
l’intégration (DAAEN)
Actions marché OFII et actions de
financements européens pour
Fonctions assurées
Mise en réseau locale
Répertoire offres locales
Accueil-orientation-positionnement
publics
Mise en réseau des acteurs de la
formation, de l’orientation et du suivi
professionnel
Professionnalisation des acteurs
Observatoire16, analyse de besoins non
couverts
Répertoire des offres départementales
sur site internet dédié
Sur un même territoire, deux ou trois types de coordination peuvent coexister et se superposer sans se coordonner. Nombre
d’initiatives municipales se développent actuellement sur quelques départements et il semble nécessaire de veiller à
l’articulation de ces dynamiques de coordination, dont les fonctions ne sont pas forcément visibles et encore moins lisibles, en
particulier pour les acteurs de l’orientation professionnelle.
L’entrée intercommunale apparaît comme la plus pertinente car elle envisage d’emblée d’articuler les niveaux local et
intercommunal. Afin de faciliter les choix des acteurs en termes d’objet et de périmètre des coordinations, un schéma est
présenté à titre indicatif, page suivante.
En Île-de-France, la mise en place de ces coordinations intégrées aux « pactes territoriaux » soutenus par la Région Ile-de-
France peut constituer une stratégie d’ouverture pour garantir la pérennité de la fonction coordination.
16
Cet observatoire a été développé entre 2012 et 2014 en Seine Saint-Denis par le GMTE93, organisme porteur du marché OFII 93.
21
Quelques jalons méthodologiques
La construction de la fonction « coordination linguistique territoriale » s’inscrit donc dans un processus complexe qui requiert
du temps et qu’il convient d’organiser et de penser avant de se lancer dans cette construction, vu la multiplicité d’actions
et d’acteurs concernés ainsi que la complexité du système.
La dynamique d’étude-action semble la plus pertinente pour engager les dynamiques territoriales de coordination, car l’état
des lieux est élaboré collectivement, et selon les besoins émergents, des actions répondant à ces besoins se mettent en
place simultanément et ce, à partir des demandes des acteurs – opérationnels, institutionnels, bénéficiaires consultés
directement -. Quatre principes sous-tendent ces démarches :
- partir des dynamiques existantes et des constats/diagnostics effectués,
- installer un comité de pilotage inter-institutionnel dès le départ de l’étude-action,
- organiser des modes d’analyse croisés : prescripteurs, opérateurs, financeurs, bénéficiaires,
- co-construire progressivement des scénarios plausibles et adaptés aux logiques territoriales et aux fonctionnements interacteurs.
La co-construction progressive des réponses porte en général sur l’élaboration d’outils d’évaluation et d’orientation communs,
sur l’analyse des écarts entre les offres existantes et les besoins réels des bénéficiaires, sur les réponses aux besoins de
professionnalisation des acteurs. Sur tous les territoires accompagnés dans le cadre des études actions citées, la nécessité de
répondre aux besoins d’insertion professionnelle s’est révélée prioritaire, atteignant des pourcentages de plus de 40% des publics
concernés par des besoins linguistiques.
Telle que décrite précédemment, la fonction coordination implique un pilotage à double détente : institutionnel et
technique. Deux ingénieries sont interrogées par cette fonction, celle des dispositifs, celle de la « langue » associée à des
visées et à des parcours de formation. L’une ne va pas sans l’autre. Et si l’on souhaite imbriquer ces ingénieries pour articuler
les actions, les dispositifs et les parcours des bénéficiaires, une expertise technique devra accompagner les choix et les
orientations institutionnelles.
Une coordination territoriale pluri-portée et partagée selon les visées des apprentissages linguistiques préfigure la
construction des parcours. Deux types d’acteurs doivent être impliqués : institutionnels (Communauté d’agglomération pour
l’insertion professionnelle, Conseil général et Villes pour l’insertion sociale et éducative, DDCS pour la visée d’intégration),
et opérationnels-interfaces (PLIE, têtes de réseau associatives…).
En guise de conclusion, une méthodologie d’élaboration de coordination est présentée, celle construite sur le territoire de
Plaine Centrale (94, Communauté d’agglomération comportant
les villes d’Alfortville, Créteil et Limeil-Brévannes) à l’issue de
l’étude-action réalisée en 2013.
Le scénario choisi par le comité de pilotage se construit en
spirale, lance l’ensemble des objets à coordonner, - offres,
parcours, outils, professionnalisation des acteurs – mais traite et
approfondit chaque aspect, de façon distincte et progressive,
selon le degré de mobilisation des acteurs concernés et des
impulsions institutionnelles affichées, souhaitant élaborer la
fonction de coordination.
22
La mise en place des dynamiques de coordination se fait donc progressivement et dans le sillage des dynamiques enclenchées
par l’étude-action.
Un groupe de travail interinstitutionnel est installé, à géométrie variable, et a pour mission de réfléchir et de se préparer à
contractualiser et à choisir les éléments de leurs accords : un noyau régulier et stable pilote les dispositifs disponibles sur le
territoire. Ce groupe, composé des pilotes de l’étude-action (DDCS, Conseil général, Agglomération, Villes) et des invités
ponctuels et/ou réguliers , conviés à se positionner et à formaliser leur posture-fonction en particulier pour la construction des
parcours « inter-dispositifs » (Etat via la DIRECCTE, OFII, Région Ile-de-France, Pôle Emploi, etc.) acte les décisions sur les
différentes fonctions à organiser.
La volonté interinstitutionnelle de transformer la juxtaposition de dispositifs et d’accompagner les acteurs dans une démarche
d’action-transformation réciproque, s’inscrit dans une approche novatrice de coopération interinstitutionnelle, préconisée par
la nouvelle Politique de la Ville17. La réalisation de cette volonté trace les contours des ingénieries financières. Plus l’objet et
le périmètre de la coordination territoriale seront rattachés aux finalités des actions (socio) linguistiques, plus les fonds dédiés
s’inscriront dans des lignes budgétaires larges et possibles ; plus l’objet et le périmètre seront cantonnés aux aspects
« linguistiques », plus les fonds seront difficiles à mobiliser.
Enfin, rappelons que la fonction coordination s’organise autour d’une double composante : institutionnelle et technique. La
prise en compte systématique de ces deux volets garantit l’imbrication et la mise en cohérence des dispositifs soutenus par les
institutionnels investis dans les dynamiques de coordination.
Sur le plan territorial, les périmètres locaux et intercommunaux sont à considérer et articuler. Là aussi, la déclinaison des deux
volets – institutionnel et technique – s’avère indispensable pour assurer la mobilisation des acteurs concernés au service de la
construction des parcours des bénéficiaires.
En ce qui concerne la coordination des offres locales à composante linguistique, menées par les Centres sociaux et les
associations, elle ne doit pas perdre de vue les enjeux des parcours des bénéficiaires, en particulier sur les volets insertion
professionnelle et intégration citoyenne. Lors de l’élaboration de ces parcours, il faudra veiller à ce que les populations
« migrantes » côtoient et se forment avec des populations natives, car dans les mondes du travail et de la vie citoyenne, les
catégories des « publics visés par les dispositifs » sont neutralisées au profit de la participation collective.
17
Préfiguration nouvelle politique de la ville « Synthèse des groupes de travail transversaux et de la Recherche-action-formation », pp.24-31, en ligne sur
http://www.ville.gouv.fr/?francois-lamy-cloture-la,3124
23
Des coordinations
Expériences val d’oisiennes
Argenteuil : une démarche de coordination territoriale
Par Ruddy Okondza, chargé de mission développement local,
Ville d’Argenteuil
Contacts : [email protected] ; [email protected]
EN BREF…
La Ville d’Argenteuil pilote une démarche d’animation territoriale autour de l’offre linguistique, afin de clarifier
l’offre, soutenir la qualification des acteurs, et engager une réflexion sur la coordination de l’offre linguistique sur
le territoire.
•
CONTEXTE ET
BESOINS
OBJECTIFS
•
Une richesse indéniable, mais un manque de lisibilité et un risque à l’échelle d’un territoire, d’être quelque
peu disparate et hétérogène.
•
Engager une réflexion sur l’offre linguistique avec l’ensemble des porteurs de projets linguistiques sur la ville,
•
Mesurer l’adéquation entre offres et besoins des habitants,
•
•
Mieux cerner l’offre locale et en mesurer la couverture territoriale,
Réfléchir à la question du parcours des apprenants.
•
Un diagnostic pour une mise à plat de l’offre linguistique réalisé par la Ville (via un agent de
développement local) : rencontres individuelles des structures intervenantes pour préciser l’approche et
la spécificité de chacun, engager un échange sur les besoins des formateurs et les pistes d’amélioration
possibles, ainsi que sur les passerelles existantes ou non entre acteurs localement.
Parmi les constats : pas de langage commun, pas de relation entre les acteurs,
•
Une formation-action inscrite dans la durée pour échanger sur les pratiques, les difficultés et qualifier les
acteurs, accompagnée par l'espace Inter-Ressources de l'IPTR (pôle d'ingénierie au service de la
MISE EN
ŒUVRE
24
Pour répondre à des besoins de formation linguistique nombreux, des actions aux formes et pédagogies
diversifiées sont portées dans le territoire (ateliers de socialisation linguistique, formation linguistique alphabétisation, Français langue étrangère -...), par un large panel d’associations, d’équipements
municipaux, d’organismes de formations.
territoriales en pratiques
professionnalisation des acteurs). 10 séances mensuelles (décembre 2012 à juin 2013) avec coordinateurs et
formateurs des différentes structures financées ou non par la Ville pour :
-
-
MISE EN
ŒUVRE
-
(SUITE)
•
RÉSULTATS /
EFFETS
s’interroger collectivement sur leur adéquation, à l’échelle du territoire argenteuillais, au regard de
l’hétérogénéité des besoins et des publics concernés,
qualifier les acteurs en termes d’ingénierie de leurs actions,
créer des outils communs.
Une animation globale de la démarche par la Ville d’Argenteuil..
Une véritable dynamique entre acteurs,
•
La création d’outils : fiche d’accueil et de positionnement, fiche structure,
•
•
•
•
•
•
•
•
ENJEUX À VENIR
clarifier les contenus et les modalités pédagogiques des démarches existantes,
•
•
CONDITIONS
-
se connaître entre structures, travailler à l’élaboration d’un langage et d’un référentiel communs en termes
de notions, de compétences et de finalités visées à travers les types d’actions linguistiques animées.
•
•
•
Une mobilisation de l’ensemble des structures, des évolutions dans les représentations,
Des formations de formateurs sur des entrées thématiques (construire un programme de formation adapté
aux publics accueillis, l’apprentissage de l’oral et de l’écrit à l’âge adulte…),
Une implication des acteurs de proximité (associations, maisons de quartier) plus que des organismes de
formation.
Un portage Ville très fort (approche portée par l’équipe Politique de la ville), qui a aidé à fédérer tous les
acteurs et à sortir d’une éventuelle dimension de concurrence entre les acteurs associatifs,
Une politique des petits pas : prendre le temps de mettre à plat, de se rencontrer individuellement puis
collectivement,
Une approche plurielle : formation et interconnaissance,
L’appui d’une structure ressources.
Consolider la dynamique partenariale et conforter les relations et la complémentarité entre acteurs de proximité
(centres sociaux, petites associations) et organismes de formation,
Organiser l’accueil et le positionnement de l’offre, la circulation et l’information sur l’offre et les places
disponibles, le lien entre les acteurs (notamment via des temps de travail comme des petits déjeuners…),
Pérenniser la coordination territoriale, en imaginant plusieurs scénarii : guichet unique, coordination plus légère…,
Engager un travail sur l’évaluation de fin de parcours d’abord au sein d’une structure, puis pourquoi pas à
l’échelle du territoire,
Autonomiser le groupe de travail.
25
Garges-lès-Gonesse, une Maison des Langues
Nicolas Deréac, directeur de la Politique de la ville,
et Marie-Christine Noireaud, responsable de la Maison des
Langues, Ville de Garges-lès-Gonesse.
Contacts : [email protected] ; [email protected]
EN BREF…
La Ville de Garges-lès-Gonesse a créé en 2012 une Maison des Langues, établissement municipal de formation
linguistique. Guichet unique de l’apprentissage des langues sur le territoire, la Maison des langues organise l’offre
locale, le réseau des acteurs de formation linguistique et propose un parcours d'apprentissage tenant compte du
niveau des personnes.
•
CONTEXTE ET
BESOINS
•
•
•
OBJECTIFS
•
•
•
•
MISE EN
ŒUVRE
•
•
•
•
26
Territoire marqué par une forte immigration et la présence d’une population étrangère importante, en même
temps que la proximité de la zone aéroportuaire de Roissy. Les besoins en termes d’apprentissage linguistique
sont extrêmement variés : besoins liés à la scolarisation, à l'emploi et à l'insertion (50 % des bénéficiaires
ayant intégré le PLIE rencontrent des difficultés linguistiques), d'autonomie personnelle, d'insertion sociale…
Face au caractère massif et diversifié de la demande, l’offre est insuffisante et les personnes ont du mal à
se repérer pour savoir où aller en fonction de leurs besoins.
Proposer aux habitants gargeois un lieu unique d’accueil, d’information et d’orientation en matière
l’apprentissage linguistique sur la Ville,
Communiquer sur l'offre linguistique à l’échelle du territoire,
Assurer le diagnostic initial de la situation des personnes reçues au regard de leur maîtrise de la langue et
leurs besoins pour proposer des parcours adaptés et cohérents quel que soit l'objectif de chacun,
Orienter et constituer les groupes de formation auprès des structures locales intervenant en matière d’offre
linguistique (hors CAI),
Organiser en propre des sessions de formation pour répondre à des besoins non couverts.
Ouverture d’un lieu, la maison des langues : 246 m² de locaux, 4 salles de cours, 1 salle informatique, 3
agents municipaux (une directrice, une formatrice, une secrétaire),
Centralisation et accueil de toutes les personnes ayant envie et besoin de bénéficier d’une offre
linguistique (condition minimale : être en capacité de séjourner régulièrement sur le territoire),
Test linguistique basé sur le référentiel européen, puis échange sur les besoins,
Proposition de parcours, orientation et constitution des groupes vers les acteurs locaux ou vers les
formations assurées directement par la Maison des langues,
Suivi et bilan annuel.
•
TYPES DE
FORMATIONS
PROPOSÉES
Dans les centres sociaux de la ville :
-
•
-
-
-
Formations en compétences de base en français (2 niveaux) qui permettent de consolider les
fondements du savoir : la lecture, l'écriture, les mathématiques, la logique,
Formations en Français Langue Etrangère (2 niveaux), destinées à un public non francophone qui
désire améliorer leur français, écrit et oral,
Formations d’anglais pour les métiers aéroportuaires,
Passage des diplômes de langue : DILF ; DELF et TOEIC.
•
En 2014, 594 personnes accueillies (inscription + test de niveau),
•
39 demandes sont en attente,
•
EFFETS
1 cours du soir (2 demi-journées par semaine).
Dans les locaux de la Maison des langues, apprentissages de façon intensive (24h/sem.) :
-
RÉSULTATS /
4 ateliers sociolinguistiques - ASL -, destinés aux personnes en manque d'autonomie dans la vie de tous
les jours, dont 1 en lien avec le Programme de Réussite Educative (4 demi-journées par semaine),
182 ont suivi une formation linguistique en français à la maison des langues et 31 en anglais, 130 ont
participé à des ASL en centres sociaux, 25 aux cours du soir. Les autres personnes ont été orientées vers
d’autres formations linguistiques dans les associations du territoire,
Parmi les effets : une meilleure visibilité et lisibilité de l’offre pour les habitants, du temps gagné pour les
acteurs locaux (diagnostic, constitution des groupes…), un suivi des parcours assuré.
CONDITIONS
•
Un portage politique très fort,
•
Une construction dans la durée (un projet en germe depuis 2007),
•
Développer la qualification des acteurs (partage d’une culture commune),
•
•
ENJEUX À
VENIR
•
Un travail de fédération de tous les acteurs et de sortie d’une éventuelle dimension de concurrence,
Une communication et un lien fort avec les acteurs locaux (notamment pour lever les craintes de
captation de financements).
Pérenniser la structure (des crédits spécifiques mais ponctuels ont aidé à son lancement), enjeu d’un
soutien plus fort de l’agglomération.
27
Le Pôle de ressources Ville et développement social bénéficie du soutien financier de
la Préfecture de la Région d’Île-de-France, la Préfecture du Val d’Oise (DDCS), le CGET,
le Conseil régional d’Île-de-France, la CAF du Val d’Oise, et de ses adhérents (Villes, EPCI,
associations et autres organismes).