Voir l`homélie - Les dominicains

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Voir l`homélie - Les dominicains
h o m él i e du si x n ov em bre, t ren t e- deux i èm e d i m a n ch e du t em p s o r d i n a i re a n n ée c
Lectures : 2 M 7, 1-2.9-14 – 2 Th 2, 16 - 3, 5 – Luc 20, 27-38
p a r c e
I
q u e
d i e u
l faut se garder de considérer avec superficialité les
lectures de cette liturgie, même si l’histoire des sept
frères, puisée au deuxième livre des Martyrs d’Israël,
est coupée par le lectionnaire avec une invraisemblable légèreté après le martyre du 4e d’entre eux.
On a en effet envie de crier : et après ? 7 n’est pas
un chiffre anodin en effet, comme le montre bien
d’ailleurs l’histoire des 7 autres frères de l’Évangile.
Quoi qu’il en soit, si l’on poursuit la lecture, deux
autres frères vont suivre les premiers dans la mort,
puis la mère, et enfin le plus jeune. Deux raisons
éclairent cette attitude : la fidélité à leur conscience
et la foi en la résurrection. Ouf ! Nous voici rassurés.
Cela se termine bien. Évidemment, d’un point de
vue mondain, on dira : quel carnage ! 8 morts ! Et
dans quelles tortures ! Mais la vérité est autre : aucun d’entre eux n’a tué son âme en reniant sa foi
et tous sont vivants à jamais. Il ne s’agit pas d’un
conte édifiant : il s’agit d’une affaire de vie et de
mort. Et l’important est de savoir ce qui est vie et
ce qui est mort. Ou encore : ce qui est vie et vie, vie
corporelle et éphémère, d’une part, vie spirituelle
et éternelle, d’autre part.
Pareillement, l’Évangile n’est pas une gentille devinette, une plaisante taquinerie ou une de ces inévitables « blaguounettes » dont les prédicateurs dominicains parsèment leurs homélies. Là encore, la
chose est grave, l’affaire est sérieuse. Bien sûr, les
Sadducéens veulent embarrasser Jésus par une casuistique grotesque. Bien sûr, leur dessein échoue
car le Christ montre que ce qu’ils tiennent pour une
doctrine étrangère à l’Écriture y est bien impliqué.
Mais l’essentiel est l’objet du litige : y a-t-il, oui ou
non, une résurrection ? Et cela n’est pas de peu
d’importance. Si la réponse est négative, allons vaquer immédiatement à nos plaisirs : « Mangeons et
buvons, car demain nous mourrons. » Inutile alors
de venir à la messe ; allons plutôt cuire le gigot…
Car l’eucharistie sans résurrection, donc sans ressuscité, serait un Vendredi saint sans espérance de
Pâques, des ténèbres sans aucune lumière, un sépulcre à jamais scellé.
Or comment Jésus met-il en pièces l’objection de ses
adversaires Sadducéens ? Il rétorque haut et fort :
il y a une résurrection parce que Dieu. Parce que
Dieu est Dieu. Quand je dis Dieu, quand je pense
Dieu, quand j’aime Dieu, l’objet de ma pensée, de
ma parole, de mon action est le Dieu non pas des
e s t
d i e u
morts mais des vivants : il est le Vivant, il est celui
qui donne la vie, celui qui aime la vie, celui qui veut
pour nous sa propre vie. Si Dieu est autre que cela,
alors il ne s’agit pas de lui ; il y a usurpation d’identité, et la contrefaçon s’appelle idolâtrie.
Il y a donc quelque chose d’extrêmement pervers,
et même de diabolique, dans la manière dont
ces Sadducéens utilisent une indéniable vérité, à
savoir le caractère exclusif du lien conjugal, pour
empêcher le triomphe de la vie. Ils vampirisent le
dogme. Mieux vaudrait qu’ils fussent polygames
fantasques et féconds que monogames logiques et
mortifères. Quelle audace de dresser le mariage en
argument contre la vie, alors qu’il est, comme tout
sacrement ? mais d’une manière particulièrement
signifiante, pour la vie. Être mariés pour la vie, ce
n’est pas purger une condamnation à perpétuité,
c’est être dans un chemin de vie à deux qui ne
font plus qu’un, et dans les aléas de la vie, pour
marcher ensemble vers la vie et pour faire vivre
son conjoint et tous ceux à qui il nous est donné
de donner vie. Et cette fécondité est l’horizon de
tous — ceux qui restent célibataires, par choix du
Royaume ou par nécessité, n’ayant pas moins vocation que les autres, mais différemment, à donner
vie. Voilà pourquoi, explique Jésus, au terme sans
terme de la vie, plus n’est besoin de mariage. Là
où la fin est atteinte, plus n’est besoin du moyen.
Jésus ne dit pas que nous serons des anges, ni que
l’amour humain soit négligeable, mais il nous parle
de notre avenir commun : la vie éternelle, d’amour
de Dieu et d’amour en Dieu. Et cela donne sens à
tout le reste et l’embellit : le mariage, l’eucharistie
et les moindres actes d’une vie où tout prend sens
par l’amour, où tout perd sens sans lui.
7 frères auraient pu faire obstacle à la vie. Les 7 qui
auraient renié leur conscience et manqué de foi en
la résurrection. Les 7 qui, en épousant, la femme
de l’aîné pour qu’elle donne vie humaine, sont devenus un argument des Sadducéens contre la vie
de Dieu. 7 frères ont aimé la vie jusqu’à en mourir, ont consenti à mourir pour vivre, ont préféré
la meilleure vie. 7, c’est la plénitude. Les frères,
ce sont ceux qui puisent à la vie d’un même Père.
Nous sommes ces 7 frères et la plénitude de la fratrie des vivants porte le plus noble des noms de
famille : c’est l’Église.
fr. Luc-Thomas Somme

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