Qui sont les frères et soeurs de Jésus
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Qui sont les frères et soeurs de Jésus
QUI SONT LES FRÈRES ET SŒURS DE JÉSUS ? Alors que nous venons de célébrer la nativité du Seigneur, Marie enfanta son fils premier-né (Luc 2,7), notre comité de rédaction a voulu revenir sur une question qui est souvent posée lors des échanges à l'occasion de rassemblements diocésains : « Jésus avaitil des frères et des sœurs ? ». Cette question n'est pas anodine car la réponse qui en découle entraine des conséquences théologiques et surtout mariologiques importantes. En fait, poser cette question n'a pas pour but premier de savoir si Jésus a eu des frères et des sœurs, mais vise surtout à savoir si Marie a eu des enfants après avoir mis au monde le Sauveur. Si les textes bibliques sont clairs sur la virginité de Marie au jour de l'Annonciation (Luc 1,26), ils ne nous disent rien sur la suite. Et, ne nous disant rien, c'est là que les différents passages qui mentionnent les « frères et les sœurs » de Jésus sont diversement interprétés. La tradition de l'Eglise catholique et de l'Eglise orthodoxe comme les anciennes traditions luthériennes et calvinistes affirment la virginité perpétuelle de Marie, c'est-à-dire que Marie est vierge avant, pendant et après la naissance de Jésus. Dans sa profession de foi du 30 juin 1968, le pape Paul VI proclamait : « Nous croyons que Marie est la mère demeurée toujours vierge du Verbe incarné, notre Dieu et Sauveur JésusChrist ». Marie n'a donc pas eu d'autres enfants que ce « premier-né » dont nous parle l'évangile de Luc. Partant de là, vous comprenez bien que toute interprétation qui admet probable l'existence de frères et de sœurs à Jésus ne peut provoquer qu'un tollé puisqu'elle vient remettre en question la figure virginale de Marie. Une figure virginale si importante aussi dans l'histoire de la vie consacrée. Lorsque Jacques Duquesne publie en 1994 son Jésus en affirmant l'existence d'une fratrie le livre fait grand bruit. Commentant l'épisode de la synagogue que l'on trouve en Marc et Mathieu, il n'hésite pas à conclure : « La mention de ces frères et sœurs venant aussitôt après celle de Marie, mère de Jésus, laisse supposer à tout lecteur de bonne foi qu'il s'agit des enfants de celle-ci » (p.82). Autrement dit, si vous n'arrivez pas à cette même conclusion c'est que vous êtes de mauvaise foi. La tradition serait donc de mauvaise foi ! Pourtant quelques pages plus loin le même auteur reconnaît « qu'il est impossible de trancher absolument » (p. 86) avant de conclure de manière définitive : « Il paraît probable – même si cette probabilité peut choquer – que Jésus ait eu des frères et sœurs, … et qu'il fût le fils d'une femme – alors que toute une littérature fait de Marie non seulement une Vierge perpétuelle, mais une créature éthérée » (p.87). Je vous laisse le soin d'apprécier le peu d'égard de Jacques Duquesne pour la tradition multiséculaire de l'Eglise qualifiée avec dédain comme « toute une littérature ». Devant le trouble suscité par le livre, les évêques de France demanderont à l'exégète Pierre Grelot de rédiger un texte justifiant la position catholique publié le 8 novembre 1994. Quels sont les textes ? Matthieu 12,46-47 : « Comme il parlait encore aux foules, voici que sa mère et ses frères se tenaient dehors, cherchant à lui parler. Voici ta mère et tes frères qui se tiennent dehors et cherchent à te parler »; et son parallèle en Marc 3,31-32 : « Sa mère et ses frères arrivent et, se tenant dehors, ils le firent appeler. Il y avait une foule assise autour de lui et on lui dit : »Voilà que ta mère et tes frères et tes sœurs sont là dehors qui te cherchent »;Matthieu 13,55-56 : «Celui-là n'est-il pas le fils du charpentier ? N'a-t-il pas pour mère la nommée Marie, et pour frères Jacques, Joseph, Simon et Jude? Et ses sœurs ne sont-elles pas toutes de chez nous ? »; et son parallèle en Marc 6,3: « Celui-là n'est-il pas le charpentier, le fils de Marie, le frère de Jacques, de Joset, de Jude et de Simon ? Et ses sœurs ne sont-elles pas ici chez nous ? » Luc 8,19-20 : « Sa mère et ses frères vinrent alors le trouver, mais ils ne pouvaient l'aborder à cause de la foule. On l'informa : « Ta mère et tes frères se tiennent dehors et veulent te voir ». Dans les Actes des Apôtres 1,14 : « Tous d'un même cœur, étaient assidus à la prière avec quelques femmes, dont Marie mère de Jésus, et avec ses frères ». Jean parle aussi des frères de Jésus. Dans le récit de Cana 2,12 : « Après quoi, il descendit à Capharnaüm, lui, ainsi que sa mère et ses frères et ses disciples, et ils n'y demeurèrent que peu de jours ». Mention est faite également lors de la montée à Jérusalem en 7, 3.5.10 : « Ses frères lui dirent donc : « Passe d'ici en Judée … Pas même ses frères en effet ne croyaient en lui … Mais quand ses frères furent montés à la fête alors il monta lui aussi, pas au grand jour mais en secret ». Comment comprendre ces mentions en référence au récit de la croix où Jésus confie sa mère au disciple bien aimé ? Il nous faut enfin citer deux autres textes surprenant puisqu'ils sont de Paul. Aux Galates il écrit : « Je suis resté quinze jours auprès de lui (Céphas), sans voir cependant aucun autre apôtre, mais seulement Jacques le frère du Seigneur » (1,18-19). Et aux Corinthiens : « N'aurions-nous pas le droit d'emmener avec nous une femme chrétienne comme les autres apôtres, les frères du Seigneur et Céphas ? » (1 Co 9,5). A partir de ces quelques versets tous ceux qui se sont penchés sur la question de la fraternité de Jésus se répondent par arguments contradictoires. La bataille fait rage d'un point de vue sémantique : quand on parle de « frère » parle-t-on de « frère » ou de « cousin ». Dans le monde sémitique ces deux termes sont employés de manière équivalente ce qui voudrait dire alors que parler des « «frères » de Jésus doit être interprété au sens large du « cousinage », autrement dit que ces textes ne fondent pas chez Marie d'autres maternités que celle de Jésus. Mais d'autres exégètes font remarquer que ces textes du Nouveau Testament sont écrits en grecs pour des mentalités grecques en dehors de toute racine sémitique. Et en grec « frère » se dit « adelphos » et « cousin » se dit « anepsios ». Hors dans tous ces versets c'est bien le terme « frère = adelphos » qui est employé. Le terme « cousin = anepsios » n'est employé qu'une seule fois dans tout le Nouveau Testament pour préciser un terme de parenté par Paul dans sa lettre aux Colossiens pour désigner « Marc, cousin (anepsios) de barnabé » (4,10). Alors, cela prouve-t-il que Jésus a bien eu des frères et des sœurs ? Il ne faudrait pas croire que ces questionnements contemporains soient inédits. Les Pères de l'Eglise se sont saisis très tôt eux aussi de la question avant que la virginité perpétuelle de Marie ne devienne communément la doctrine de l'Eglise. Il serait trop long d'en faire un descriptif. Dans l'obéissance à la Tradition inspirée de l'Esprit et dans le respect de ce que nous dit l'exégèse contemporaine, le brouillard qui recouvre notre chemin peu à peu se lève. Ces « frères et sœurs de Jésus » ne sont ni des frères, ni des sœurs, ni des cousins, ni des cousines. Les traditions primitives et en particulier le Protévangile de Jacques (écrit entre 150 et 200) nous disent que Joseph était plus âgé que Marie et qu'il avait d'autres enfants d'un premier mariage. C'est la thèse que retiendront Clément d'Alexandrie, Origène et d'autres Pères. Dans nos familles recomposées est-il fait de différence entre des frères et des sœurs qui ne sont aucunement du même sang. Pourquoi faudrait-il qu'il en soit autrement dans les siècles passés ? Ces frères et ces sœurs dont nous parle le Nouveau Testament étaient bien ces ainés avec lesquels Jésus avait vécu sans avoir aucun lien du sang. En guise de conclusion laissons la parole au grand évêque Hilaire de Poitiers : « Des hommes très pervers trouvent une justification présomptueuse de leur erreur dans le fait que la tradition dit que notre Seigneur eut plusieurs frères. Or si ces derniers avaient été les fils de Marie ou si plutôt Joseph ne les avaient pas eux d'une première épouse, jamais, au moment de la Passion, Marie n'eût été transférée dans le rôle de mère de l'apôtre Jean, quand le Seigneur s'adressa à l'un et à l'autre disant :Femme, voici ton fils et à Jean : Voici ta mère, n'était que, pour consolider sa solitude, il laissait son amour de fils chez le disciple »(Commentaire sur Matthieu 1,4).