Comprendre la GPEC - WK-CE
Transcription
Comprendre la GPEC - WK-CE
Droit du CE en pratique Dans un contexte de crise, la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) prend toute sa place. Toutes les entreprises sont concernées mais plus particulièrement celles de plus de 300 salariés, qui étaient tenues d’engager une négociation avant le 18 janvier 2008. Voyons quel est le rôle du CE en la matière. Comprendre la GPEC C’ est en 2005, qu’est née l’obligation de négocier avec les syndicats tous les 3 ans sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, la GPEC. Elle peut se définir comme « la mise en place de mesures visant à anticiper et à adapter les effectifs, les emplois, les métiers et les compétences de l’entreprise compte tenu de ses orientations stratégiques et du marché dans lequel elle évolue ». Mais il faut savoir que le principe d’anticipation de la gestion des emplois existait déjà depuis bien longtemps et pour toutes les entreprises quel que soit leur effectif puisque depuis 1989, elles doivent informer et consulter le CE sur l’évolution de l’emploi et ses prévisions de l’année ou des années à venir, ainsi que sur les actions qu’elles comptent mener compte tenu de ces évolutions. Il s’agit là non pas d’une négociation mais bien d’une information /consultation annuelle du CE. par Marie-Charlotte Tual Rédactrice en chef adjointe 2 Les Cahiers Lamy du CE n° 79 - Février 2009 Il faut savoir que le nombre d’accords de GPEC signés est très faible puisqu’en 2007, on en dénombrait 350 contre 180 en 2006 (Source : La négociation collective en 2007, ministère du Travail). C’est pour cela que les partenaires sociaux ont entamé des négociations sur le sujet. Elles ont abouti à un projet d’accord national interprofessionnel (ANI) actuellement ou- vert à la signature et ce, depuis mi-novembre. Son but est de renforcer le caractère anticipatif de la GPEC pour lui donner toute son utilité et d’inciter les entreprises à y recourir. Le projet prend soin de préciser que la GPEC n’est pas une étape préalable aux procédures de licenciements économiques et aux PSE qui obéissent à des règles particulières. À l’heure où nous publions ces lignes, personne ne l’a encore signé… RAPPORT ANNUEL SUR LA GESTION PRÉVISIONNELLE DES EMPLOIS Le Code du travail prévoit depuis 1989 l’obligation pour tout employeur de gérer les emplois de façon prévisionnelle, en imposant une information /consultation annuelle du CE sur l’évolution de l’emploi au cours de l’année précédente et pour les années à venir, et sur les actions menées et à mener compte tenu de ces prévisions. Cette obligation a tendance à passer inaperçue aux yeux de tous et pourtant elle est plus que jamais d’actualité. Et ce n’est pas parce que l’obligation triennale de négocier sur la GPEC existe que cette obligation disparait ! Ce sont deux dispositifs distincts qui s’appliquent et même se cumulent pour les entreprises de plus de 300. Principe Entreprises de 300 et plus Dans ces entreprises, l’employeur doit chaque année, au cours de la réunion où il consulte le CE sur le rapport annuel d’ensemble, « informer et consulter le CE sur l’évolution de l’emploi et des qualifications dans l’entreprise au cours de l’année passée ainsi que sur les prévisions annuelles et pluriannuelles et les actions qu’il compte mettre en œuvre compte tenu de ces prévisions, notamment à l’égard des salariés âgés ou exposés à des risques les exposant plus que d’autres aux conséquences de l’évolution économique ou technologique » (C. trav., art. L. 2323-56). Dans le cadre de cette information/consultation, l’employeur doit remettre au CE un rapport écrit. Quant au délai de sa communication, rien n’est précisé dans le Code du travail. C’est donc celui qui s’applique à toute consultation du CE qui doit à notre avis jouer : le délai raisonnable. Entreprises de moins de 300 Pour ces entreprises, cette obligation d’informer et de consulter le CE sur l’évolution de l’emploi des qualifications ressort de la partie réglementaire du Code du travail qui détaille les informations que le rapport annuel unique doit contenir (C. trav., art. L. 2323-47 et R. 2323-9). C’est donc lors de la réunion de consultation sur le rapport annuel unique que le CE est informé et consulté sur les mesures de gestion prévisionnelle des emplois. Ces informations figurant dans le rapport annuel unique qui doit être communiqué au CE au moins 15 jours avant la réunion (C. trav., art. L. 2323-47), c’est dans ce même délai que le comité doit obtenir ces informations. Contenu du rapport Quelque soit l’effectif de l’entreprise, le contenu de l’information est le même. Voici les points qu’il doit indiquer : – évolution de l’emploi et des qualifications ; – prévisions annuelles et pluriannuelles ; – actions que l’employeur compte mettre en œuvre compte tenu de ces prévisions, notamment à l’égard des salariés âgés ou exposés à des risques les exposant plus que d’autres aux conséquences de l’évolution économique ou technologique ; – mesures envisagées en matière d’amélioration, de renouvellement ou de transformation de l’équipement ou des méthodes de production et d’exploitation, ainsi que leur incidence sur les conditions de travail et de l’emploi ; – situation de l’emploi ; – s’il y a des écarts entre les prévisions et l’évolution effective de l’emploi, les explications ; – conditions d’exécution des actions menées l’année précédente. Le but est d’inciter le chef d’entreprise à mener des actions d’adaptation et de qualification de sa main-d’œuvre, notamment pour des salariés âgés, très peu qualifiés ou fragilisés. Le CE doit donc veiller à ce que le rapport prévoit des mesures en la matière et à défaut, faire jouer son pouvoir d’influence (pour des exemples d’actions, voir plus loin). En cas de gros écarts, le CE doit demander à l’employeur si ces actions ont été conduites avec suffisamment de moyens, s’il a vérifié au fur et à mesure de leur exécution, si elles ••• Gestion prévisionnelle de l’emploi : tableau récapitulatif Cas de figure Entreprises visées Principe Contenu Rôle du CE Plan de gestion prévisionnelle des emplois Toute entreprise quel que soit l'effectif Remise d'un rapport écrit au CE tous les ans Évolution de l'emploi et des qualifications dans l'entreprise, prévisions annuelles et pluriannuelles et actions envisagées compte-tenu de ces prévisions Information/consultation du CE sur le rapport Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC négociée) Entreprises de 300 salariés et plus Négociation avec les syndicats tous les 3 ans • Modalités d'information / consultation du CE sur la stratégie de l'entreprise et ses effets prévisibles sur l'emploi • Mise en place d'un accord de GPEC et ses mesures d'accompagnement • Information du CE sur la mise en place de l’accord • Information/consultation du CE sur la stratégie de l’entreprise et le projet d’accord de GPEC Les Cahiers Lamy du CE n° 79 - Février 2009 3 Droit du CE en pratique Comprendre la GPEC ••• produisaient ou non les effets escomptés, si les salariés intéressés ont été associés dans la définition des actions qui les concernaient, etc. LA GPEC « NÉGOCIÉE » L’obligation de consultation pesant sur l’employeur était, dans les faits, peu effective et donc peu efficace. C’est pour cela que le législateur a instauré une obligation de négocier tous les 3 ans sur la GPEC dans les entreprises et groupes de 300 salariés et plus et ceux de dimension communautaire comportant au moins un établissement ou une entreprise de 150 salariés en France (C. trav., art. L. 2242-15). Cette négociation doit porter sur différents aspects à savoir : – les modalités d’information et de consultation du CE sur la stratégie de l’entreprise et ses effets prévisibles sur l’emploi et les salaires ; – la mise en place d’un dispositif de GPEC sur lequel le CE est informé ; – les mesures d’accompagnement susceptibles d’être associées à ce dispositif : formation, validation des acquis de l’expérience, bilan de compétences, accompagnement de la mobilité professionnelle et géographique des salariés ; – les conditions de retour et de maintien dans l’emploi des salariés âgés et de leur accès à la formation professionnelle (C. trav., art. L. 2242-19) ; – le déroulement de carrière des salariés exerçant des responsabilités syndicales ainsi que l’exercice de leurs fonctions (C. trav., art. L. 2242-20). Et, si les parties à la négociation le souhaitent : – la mise en place d’un accord de méthode visant à aménager les procédures de licenciement économique (C. trav., art. L. 2242-16) ; – l’organisation d’un plan de départ volontaire, visant les catégories d’emplois menacés par les évolutions économiques ou technologiques, assorti d’avantages sociaux et fiscaux (C. trav., art. L. 2242-17). Le CE doit donc être informé et consulté sur la stratégie de l’entreprise et informé sur la mise en place de la GPEC. Consultation du CE sur la stratégie de l’entreprise Le CE doit être consulté sur la stratégie de l’entreprise. Cependant, c’est aux syndicats et à l’employeur de fixer lors de la négociation sur la GPEC « les modalités de l’information et de la consultation du CE » sur ce point : rien n’est indiqué dans le Code du travail si ce n’est que c’est à eux de fixer les règles. Ils doivent ainsi déterminer : – ce que désigne très concrètement cette notion de « stratégie » qui relève de la compétence de l’employeur (Cass. ass. plén., 8 déc. 2000, n° 97-44.219) ; – la périodicité de l’information/consultation du CE (annuelle ou pluriannuelle) et la période de référence sur laquelle devra porter les éléments d’informations (par exemple : une information tous les ans pour les trois années à venir) ; 4 Les Cahiers Lamy du CE n° 79 - Février 2009 – le contenu concret des informations que l’employeur devra remettre à cette occasion ; – le délai entre la communication de ces documents et l’information /consultation du CE. Au cours de cette consultation, le CE ne doit pas hésiter à mettre en avant des outils qui permettraient de mieux adapter les emplois et les compétences compte tenu de la stratégie adoptée par l’employeur. NOTRE POINT DE VUE La notion de stratégie est complexe et difficile à définir. Les entreprisse souhaitent une confidentialité totale et hésitent à communiquer. Dans les grands groupes, la stratégie échappe même aux acteurs locaux pour être décidée à la tête du groupe. Or sans un éclairage sur les évolutions de l’emploi que cette stratégie va générer, la consultation du CE perd tout son sens… Information du CE sur la mise en place d’un accord de GPEC Même si le CE ne négocie pas directement, ce rôle étant dévolu aux syndicats, il doit être informé sur la mise en place du dispositif de GPEC (C. trav., art. L. 2242-15). De plus, il doit être informé et consulté avant la conclusion de l’accord de GPEC puisqu’il s’agit d‘un accord collectif relevant des compétences du CE (Cass. soc., 19 mars 2003, n° 01-12.094). Il s’agit en effet d’une question relevant de la marche générale de l’entreprise et notamment d’une mesure de nature à affecter le volume ou la structure des effectif au titre de la marche générale de l’entreprise (C. trav., art. L. 2323-6). RÔLES RESPECTIFS DU CE ET DES SYNDICATS Dans les entreprises de plus de 300, où il y a l’obligation de négocier tous les 3 ans, les missions dévolues au CE et aux DS en la matière ne doivent pas se télescoper. Au contraire, il est important qu’ils travaillent de concert. Précisons aussi que de nombreux accords de GPEC sont conclus dans l’urgence dans une logique de plan de sauvegarde de l’emploi à venir. Alors que par essence la GPEC est préventive (c’est d’ailleurs ce que rappelle avec insistance le projet d’ANI sur la GPEC), elle doit être mise en place dans un climat le plus serein possible, de confiance réciproque et de dialogue. Raison de plus pour que CE et syndicats mutualisent leurs forces. Ainsi le CE peut être collecteur d’informations. Grâce à celles dont il dispose chaque année et notamment celles issues du rapport annuel précité, à sa compétence générale en matière d’emploi, qui lui permet de solliciter des réponses sur la question à tout moment, il peut communiquer aux syndicats les éléments qui leur permettront de conclure des accords de GPEC adaptés aux besoins des salariés et aux changements de l’entreprise. La vocation anticipatrice d’un accord de GPEC ne pouvant se satisfaire d’une négociation triennale ni d’informations parcellaires, le CE doit jouer un rôle de veille permanente sur la question. Le CE peut également avoir un rôle moteur en mettant la question de la GEPC régulièrement à l’ordre du jour de ses nombreuses réunions ou, s’il a créée une commission formation, en désignant un ou deux membres chargé(s) de la question et qui pourra travailler en collaboration avec la commission de suivi de l’accord de GPEC. À NOTER Le projet d’ANI prévoit que le CE doit être associé au suivi des dispositifs de GPEC et que ce rôle de suivi devra être confié à la commission formation dans les entreprises d’au moins 200 salariés, dans le cadre de ses attributions, ou alors, à défaut, au CE. Par ailleurs, précise l’accord, « les entreprises veilleront à ce qu’une articulation efficace soit mise en place entre les commissions économique, les commissions emploi et les commissions formation des comités d’entreprise lorsqu’elles existent ». LES OUTILS DE LA GPEC Voici quelques outils qui peuvent servir à la gestion anticipée des emplois. Il est important que le CE les connaisse et le cas échéant les propose lors de la remise du rapport annuel sur la gestion prévisionnelle des emplois, ou lors de sa consultation sur la stratégie de l’entreprise. Le point sur l’emploi et les métiers Pour que cette politique de gestion anticipative soit efficace, il faut inévitablement passer par une analyse de la structure des effectifs, notamment des catégories d’emplois qui, au regard de l’activité de l’entreprise, sont appelés à évoluer ou, le cas échéant, à disparaître. Le CE peut donc suggérer à l’employeur d’élaborer une cartographie des métiers de l’entreprise qui recense les compétences nécessaires, ainsi que les formations requises pour accéder à chaque métier. Entretiens professionnels d’évaluation Un des outils-clés de la GPEC est la mise en place d’entretiens professionnels pour évaluer les salariés. Il permet de situer chaque salarié pour définir son poste actuel, quelle sera l’évolution à terme de son poste au regard de la stratégie économique et technique de l’entreprise et quelle pourra être l’évolution du salarié sur son poste ou sur un autre compte tenu de son âge, de ses compétences professionnelles, de ses désirs ou non d’évolution, de l’exercice ou non de mandats syndicaux à plus ou moins long terme, etc. lariés en perte de motivation, ou qui n’ont pas évolué depuis plusieurs années. Il est donc utile dans le cadre de la GPEC. L’accord devra prévoir ses modalités d’application : faut-il l’ouvrir à tous les salariés ou seulement à certains, compte tenu de leur âge, de leur ancienneté, de leur emploi qualifié de sensible, du fait qu’ils ont peu évolué, etc. ? Qui pourra en être à l’initiative : le salarié ou l’employeur ? Etc. Politique de formation La GPEC est bien évidemment en liens étroits avec la construction du plan de formation. Or, le CE est informé et consulté tous les ans, tant sur les orientations de la formation professionnelle que sur le plan de formation (C. trav., art. L. 2323-34). Ce dernier fixe, pour une année donnée, les actions de formation qui seront conduites, sous un angle prévisionnel, et doit nécessairement s’accompagner d’une réflexion à plus long terme au regard des besoins et ressources identifiés. Il peut y intégrer des actions d’adaptation, d’évolution, de maintien dans l’emploi ou encore de développement des compétences (C. trav., art. L. 6321-2 et s.). L’accord de GPEC peut permettre de définir un plan stratégique de formation qui soit adapté aux évolutions de l’entreprise et mettre en place : – des formations qualifiantes en vue d’accompagner des actions de reconversion ou de mobilité interne ; – des formations en alternance, par le biais des contrats d’apprentissage, des contrats de professionnalisation, des périodes de professionnalisation ; – le droit individuel à la formation (DIF), et la validation des acquis de l’expérience (VAE) ; – des formations « maison » adaptées aux métiers de l’entreprise, etc. Mobilité interne et externe L’accord de GPEC prévoit généralement des mesures de mobilité interne dans l’entreprise ou le groupe. Dans ce cas, la priorité est généralement donnée aux salariés de l’entreprise. Pour faciliter cette mobilité, il faut que les salariés sachent quels sont les postes disponibles en interne d’où l’importance d’avoir une bourse d’emploi. Des mesures de mobilité externe vers d’autres entreprises du même bassin d’emploi ou non sont aussi généralement prévues dans les accords de GPEC, comme le congé de mobilité ouvert aux entreprises d’au moins 1 000 salariés, qui a pour objet de favoriser le retour à l’emploi stable par des mesures d’accompagnement, des actions de formation et des périodes de travail organisées par l’employeur au sein ou en dehors de l’entreprise d’origine (C. trav., art. L. 1233-77 à L. 1233-83). I Bilans de compétences Le bilan de compétences permet d’identifier des potentiels non révélés et peut s’avérer extrêmement utile pour des sa- Nous reviendrons plus en détail dans un prochain numéro sur ces différents outils. Les Cahiers Lamy du CE n° 79 - Février 2009 5