l`arctique, océan d`avenir pour la sécurité et l`autonomie

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l`arctique, océan d`avenir pour la sécurité et l`autonomie
 L’ARCTIQUE, OCÉAN D’AVENIR POUR LA SÉCURITÉ ET L’AUTONOMIE STATÉGIQUE DE L’UNION EUROPÉENNE 2 -­‐ Septembre 2014 -­‐ Membres d’EuroDéfense-France ayant contribué à ce rapport :
Monsieur Aurélien SEGUIN
Président
Général de CA (2S) Jean-Marc RENUCCI
Rapporteur
Amiral (2S) Gilles COMBARIEU
Monsieur Matthieu GREGOIRE
Bien que tout ait été mis en œuvre pour assurer l’exactitude des
informations figurant dans ce rapport, les auteurs et EuroDéfense-France
déclinent toute responsabilité quant aux éventuelles erreurs ou omissions
qu’il pourrait contenir.
------------------Les opinions exprimées dans cette publication n’engagent que leurs auteurs
et ne représentent pas nécessairement celles de leurs employeurs respectifs.
3 ©europa.eu
4 LISTE DES SIGLES UTILISÉS
-
ACCESS : Arctic Climate Change Economy and Society
CNUDM : Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (1982)
CLPC
: Commission des Limites du Plateau Continental des Nations Unies
FEDER : Fonds Européen pour le Développement Régional
FSB
: Service Fédéral de Sécurité de Russie
GATT
: General Agreement on Tariffs and Trade
USD
: Dollar des Etats-Unis
OMC
: Organisation Mondiale du Commerce
OMI
: Organisation Maritime Internationale
ORD
: Organe de Règlement des Différends
ORP
: Organisation Régionale de Pêche
Otan
: Organisation du Traité de l’Atlantique Nord
PTOM : Pays et Territoire d’Outre Mer
RAIPON : Russian Association of Indigenous People of the North
UE
: Union Européenne
SEAE
: Service Européen pour l’Action Extérieure
TSA
: Table Ronde sur la Sécurité de l’Arctique
ZEE
: Zone Economique Exclusive
5 INTRODUCTION
La région arctique s’étend sur 25 millions de kilomètres carrés dont 14 millions sont constitués par
l’Océan Arctique. La délimitation de cet espace complexe est cependant difficile à réaliser en raison de
l’existence d’une pluralité de définitions. Le groupe de travail a fait le choix de retenir une acception large
en se référant au cercle arctique, traditionnellement utilisé et relativement consensuel.
Cette région revêt un intérêt tout à fait spécifique et elle sera vraisemblablement amenée à jouer un rôle
stratégique au cours du 21e siècle. Notamment, sa situation géographique centrale, reliant de fait les
principaux blocs de l’économie mondiale, redistribuera sans conteste la logique du commerce mondial.
Cette perspective est une des raisons de l’intérêt croissant des grands acteurs mondiaux pour sa
gouvernance. Ainsi aux traditionnelles puissances riveraines, d’autres Etats démontrent chaque jour
davantage leur vigilance quant à l’évolution de cette zone, en premier lieu, la République Populaire de
Chine mais également l’Inde ou bien encore Singapour. C’est la raison pour laquelle, ces puissances, mais
également l’Union Européenne (UE), ont souhaité rejoindre au titre d’observateur les rangs du Conseil de
l’Arctique1.
Au cours des dernières décennies, du fait du changement climatique provoquant la fonte de la banquise et
le dégel du pergélisol, l'intérêt pour l'Arctique s'est accru. L'attention des acteurs mondiaux est alors attirée
d’une part par les ressources énergétiques et naturelles, d’autre part vers de nouvelles routes maritimes,
créant ainsi de nouveaux défis environnementaux.
En outre, dans cette situation de fonte des glaces, la redistribution potentiellement exceptionnelle du
transit du commerce mondial est un facteur de globalisation de la zone. Entre 1979 et 2007 la banquise
arctique a perdu 35% de sa surface ; entre 2020 et 2050, les estimations récentes planifient une disparition
complète de la banquise durant l’été amenant les passages du Nord-Ouest et du Nord-Est à être libres de
glace durant des périodes toujours plus longues. Le passage le plus stratégique sera probablement celui du
Nord-Est, lequel est une route traditionnelle, d’ores et déjà empruntée et ce, depuis près d’un siècle. Dès
1939, les soviétiques créèrent la compagnie maritime de Mourmansk, laquelle opérait jusque 2008 les
brise-glaces à propulsion nucléaire dans la zone. Ce rôle relève à présent de Rosatomflot2 qui permet
notamment à la péninsule de Yamal d’être désormais accessible toute l’année. Ainsi l’intégralité du
parcours du passage du Nord Est sera bientôt possible pendant 6 mois (au lieu de 5 aujourd’hui) dans
l’année.
Cette évolution n'a pas échappé à l'UE et, dès 2002, bien avant l'intérêt actuel pour cette région, elle y a
démontré, sous l'impulsion de la présidence danoise du Conseil de l'UE, ses intentions d’être un acteur
global en introduisant le concept de "fenêtre arctique" dans sa dimension nordique. Elle a par ailleurs
lancé en 2008 sa politique arctique et a annoncé en 2012 son intention de mettre en œuvre une politique
d'ensemble pour la région.
Réaffirmée dans une résolution du Parlement européen en mars 20143, cette préoccupation a récemment
été endossée par le Conseil des Affaires étrangères, dans ses conclusions du lundi 12 mai 2014. Il estime
que l’UE doit renforcer sa contribution à la coopération arctique et plaide « pour un engagement actif de
l’UE avec les partenaires arctiques en vue de relever les défis du développement durable, de manière
prudente et responsable ».
1 Le Conseil est aujourd’hui composé de huit Etats membres (Canada ; Etats-Unis ; Russie ; Finlande ;
Suède ; Danemark/Groenland ; Norvège ; Islande).
2 Voir : Navigation on the Northern Sea Route Today and in the Future 3 Résolution du Parlement européen du 12 mars 2014 sur la stratégie de l'UE pour l'Arctique
(2013/2595(RSP)), site Internet du Parlement européen, http://www.europarl.europa.eu/portal/fr 6 Dans ce contexte, EuroDéfense-France a souhaité lancer une étude quant à la stratégie de l’UE dans cette
zone, en étudiant les enjeux sécuritaires propres à cette dernière mais également en recherchant quels
facteurs non sécuritaires pourraient à terme y engendrer des instabilités. Ainsi, ce document traite de
problématiques qui s’étendent bien au-delà des seules questions de défense. Il s’attache davantage à
développer une approche globale du maintien de la stabilité de la zone tout en préservant au mieux les
intérêts de chacun de ses acteurs, et en premier lieu de ses riverains dont certains sont membres de
l’Union.
A ce titre l’UE est une riveraine de la zone Arctique et cette frontière septentrionale n’a pas échappé à
certaines de ses Institutions qui depuis plusieurs années ont pris en compte cette dimension afin de mieux
préparer son avenir.
---oOo---
7 I/. L’ARCTIQUE, ZONE GEOPOLITIQUE STABLE
L’Arctique est un de ces espaces, comme il n’y en a que très peu sur la planète. Ses caractéristiques
géographiques et minéralogiques ont pour conséquence de transformer de vastes territoires pacifiques en
zones stratégiques dont le contrôle impacte le jeu politique. De plus, la concentration des moyens de
dissuasion et des systèmes de surveillance dans la zone renforce cette situation. Depuis la fin de la guerre
froide, cette région semblait avoir perdu de son intérêt pour les grands acteurs mondiaux, mais la donne
stratégique a récemment changé.
Pour autant, malgré ses nombreux atouts, évoqués dans la deuxième partie de cette étude, l’un des
premiers constats à dresser est que l’Arctique n’est et n’a pas été depuis plusieurs décennies le terrain d’un
affrontement pour gagner en influence territoriale. Certes, la guerre froide avait placé cette zone au cœur
de la géopolitique du 20e siècle mais davantage en raison de son rôle de frontière que pour des
problématiques d’appropriation territoriale. Ainsi, il n’existe aujourd’hui aucune revendication territoriale
concurrente. Les différends relatifs aux perspectives d’extension du plateau continental ne peuvent en
effet être ainsi qualifiés car il ne s’agit pas de zones émergées. La frontière entre la Norvège et la Russie est
la même depuis le 13e siècle, celle du Canada avec les USA remonte à 1821.
Cette stabilité géopolitique est principalement due à l’absence durant plusieurs années de supposés enjeux
et le contexte juridique a lui aussi contribué à pacifier la zone. L’Arctique est en effet un océan dont le
régime juridique est défini par la Convention des Nations Unies de 1982 sur le droit de la mer , davantage
connue sous la dénomination de Convention de Montego Bay. A ce titre, un mécanisme de règlement
pacifique des différends a été mis en place et permet à chaque Etat de faire valoir, auprès d’une
commission, ses prétentions sur son plateau continental. Les Etats-Unis n’ont pas ratifié cette
convention, mais ils sont convenu en mai 2008 avec les autres Etats riverains de « continuer à adhérer à
ce cadre et à régler harmonieusement toutes les revendications éventuellement conflictuelles4 ». Quelques
revendications sous-marines ont récemment été présentées à la Commission des limites du plateau
continental des Nations unies (CLPC) :
•
•
•
Celle-ci vient à ce titre de reconnaître la souveraineté de Moscou, réclamée depuis treize ans, sur
une portion de la mer d'Okhotsk de 52 000 kilomètres carrés. Par ailleurs, il réclame la
souveraineté de territoires sous-marins de la mer Arctique baptisés la dorsale de Lomonossov et
le saillant de Mendeleïev ;
Le Canada a déposé pour d’autres zones, en décembre 2013, une demande allant dans le même
sens ;
La France devrait également prochainement déposer une demande pour Saint Pierre et
Miquelon.
Il n’existe donc pas de contentieux réel en Arctique, le plus important, entre la Russie et le Danemark,
portant sur la mer de Barents ayant été réglé par la négociation en septembre 2010.
Par ailleurs, un autre facteur de stabilité a vu le jour au milieu des années 90, ce fut la création du Conseil
de l’Arctique. Il fait suite à une demande en 1987 de Mickael Gorbachev à Mourmansk, puis de Boris
Eltsine qui s’est traduite en 1996 par sa création lors de la conférence des pays de l’Arctique à Ottawa. Il
compte huit Etats membres auxquels s’ajoutent les six représentations institutionnelles des peuples
minoritaires [Les « petits peuples du Nord » : RAIPON (Russian Association of Indigenous People of the North)].
Cette enceinte internationale constitue un forum important au sein duquel sont traitées de nombreuses
préoccupations liées à la zone, et notamment celles qui sont environnementales.
L’Arctique n’est donc pas une région sans droit ou sans gouvernance. L’ensemble des instruments
politiques et juridiques existants permet d’assurer une stabilité en maintenant une entente cordiale entre les
4 Déclaration d’Ilulissat du 29 mai 2008 ; Conseil de l’arctique.
8 riverains. Cependant, la donne géostratégique est sur le point de subir un nouveau changement significatif.
En effet, l’article 76 de la convention de Montego Bay a ouvert la possibilité pour les États côtiers
d’étendre leur juridiction sur les ressources se trouvant sur leurs plateaux continentaux, c’est-à-dire sur les
fonds marins et leur sous-sol situés au-delà de leur zone économique exclusive, soit au delà des 200 milles
marins. Or, les richesses du sous-sol, et en particulier les hydrocarbures, accessibles aujourd’hui ou demain
sont de mieux en mieux connues et documentées. Les perspectives sont d’ores et déjà considérables avec
la possibilité de disposer, par exemple, de nodules polymétalliques composés de matières premières
essentielles pour les industries.
Par ailleurs, un code polaire est en cours d’élaboration au sein de l’Organisation maritime internationale
(OMI) et devrait entrer en vigueur en 2016. L’UE contribue activement à ce processus. Son principal
objectif sera l’adoption de standards internationaux relatifs aux normes de construction des navires et à
l’entraînement spécifique des équipages naviguant sous ces latitudes. En revanche, il ne devrait pas
prendre en compte des indicateurs environnementaux tels que les niveaux d’émission de particules fines
ou les risques de pollution occasionnés par le transport de fioul lourd.
Sur le plan de la sécurité et des activités de défense, l’Arctique demeure une région pacifique. Cependant,
sur bien des aspects la position russe demeure ambivalente. En effet cette dernière a déposé en 2007, à
l’aide d’un bathyscaphe, un drapeau russe sur le fond de l’Océan Arctique, à l’emplacement du pôle Nord.
Le ministre des Affaires étrangères russes déclarait alors qu’il n’y avait qu’un seul objectif dans cette
opération, celui de démontrer que le plateau continental russe atteint le Pôle Nord. Un an plus tard, le
pays se dotait d’une stratégie pour l’Arctique dont les grandes lignes visaient à :
-
promouvoir une utilisation de la partie russe de l’Arctique pour soutenir le développement ;
maintenir l’Arctique en tant que zone de paix et de coopération ;
préserver l’écosystème ;
développer le passage du Nord-Est.
En décembre 2013, à contre-courant de cette déclaration pacifiste et au lendemain du lancement d'une
procédure par le Canada pour étendre sa souveraineté dans la région, le président Vladimir Poutine a
ordonné d'augmenter la présence militaire russe dans l'Arctique, déclarant : "Je demande d'accorder une
attention particulière au déploiement d'infrastructures et d'unités militaires dans l'Arctique". Pour Moscou,
les gigantesques gisements sous-marins d’hydrocarbures de la région doivent permettre de compenser
l’inéluctable baisse de ses ressources pétrolières à terre.
Cependant, du côté occidental, le secrétaire général de l’OTAN, Anders Fogh Rasmussen, a très
ouvertement déclaré que l'Alliance atlantique n'est pas favorable à une militarisation de l'Arctique, tous les
éventuels désaccords pouvant être réglés de façon pacifique, par des négociations. Ces problèmes ne
concernent principalement que la protection de l'environnement, le réchauffement climatique ainsi que
l'extraction de ressources naturelles en Arctique.
Lors de la Table Ronde sur la Sécurité de l’Arctique5 (TSA), la Russie avait exprimé son souhait de
parvenir rapidement à un accord, le Canada, lui, ne souhaitant pas pour sa part que d’autres Etats
riverains soient impliqués dans ce processus. Cette évolution fait de l’Arctique une zone sans conflit, mais
non dépourvue d’enjeux et les récents regains de tension faisant suite à la crise ukrainienne doivent une
fois encore susciter la plus grande attention de la part des acteurs de la zone.
---oOo-- 5 Ses participants sont les pays riverains (Canada ; Danemark/Groenland, Norvège, Etats-Unis, Russie),
les pays observateurs (France, Grande Bretagne, Allemagne, Pays Bas, Japon et la Chine). 9 II/- L’ARCTIQUE, UNE ZONE GEOPOLITIQUE D’INTERÊTS
Tel qui l’a été déjà relevé dans ce document, l’Arctique n’est pas dépourvu d’enjeux au niveau mondial.
Pour stratégiques que sont les ressources énergétiques et minérales, les voies navigables et les ressources
halieutiques, leur exploitation immédiate connaît aujourd’hui encore de nombreuses difficultés.
Depuis quelques années chaque Etat riverain montre de plus en plus sa volonté d’affirmer sa souveraineté
dans sa zone en particulier pour ce qui concerne la délimitation de leurs frontières maritimes et la
possibilité d’étendre leur ZEE au-delà des 200 milles marins (prolongation du plateau continental depuis
le territoire). Certes, une base juridique, la CNUDM reconnue par les cinq nations riveraines à l’exception
des Etats-Unis, doit permettre le règlement de tout contentieux à ce sujet. Malgré tout, il est possible
d’observer de leur part un certain nombre de déclarations, l’acquisition de moyens ou le renforcement,
certes limité, de leurs forces ainsi qu’une augmentation de leurs activités militaires. A ce titre, les exemples
les plus parlants sont la Déclaration de politique étrangère du Canada concernant l’Arctique et le
déploiement par la Russie d’un groupe de chasseurs-intercepteurs à grand rayon d'action MiG-31 en
Nouvelle-Zemble (archipel de l'Océan Arctique russe) pour protéger son territoire contre une éventuelle
attaque venant du nord.
Depuis quelques années, les Etats-Unis sont également de retour et ont entrepris de cartographier les
fonds marins de la région. Un retour sous l’angle scientifique qui n’est cependant pas sans signification
plus stratégique.
De son côté la Russie a entamé un réarmement important de ses forces (650 milliards de dollars d’ici
2020) et, il est vraisemblable qu’une partie de ce budget sera consacrée aux investissements destinés à
l’Arctique. Elle a par ailleurs une activité militaire accrue dans la région, avec la reprise de ses patrouilles de
bombardiers stratégiques au-dessus de l’Atlantique et des sous-marins croisant à nouveau dans les eaux
arctiques. Une unité des Troupes aéroportées russes a d’ailleurs effectué début avril la première opération
de parachutage sur les glaces dérivantes dans l'Océan glacial arctique, non loin du Pôle Nord6. Plus
largement, la Russie envisage d'élargir son groupement militaire en Arctique d'ici la fin de 2014. Le 99e
groupe tactique sera déployé sur l'île Kotelny et la 80e brigade autonome d'infanterie mécanisée dans le
village d'Alakourtti (région de Mourmansk). Des radars et installations de guidage au sol seront installés
sur l'archipel François-Joseph, en Nouvelle-Zemble, sur l'île Wrangel et sur le cap Schmidt. La Russie
compte rétablir l'infrastructure de défense antiaérienne dans cette région d'ici octobre 2015. Le Service
fédéral de sécurité (FSB) de Russie entend renforcer les troupes de gardes-frontière en Arctique7. Elle
envisage également de développer économiquement la zone en la dotant d’infrastructures clés et
notamment de ports.
Les Canadiens considèrent, quant à eux, ce Grand Nord de leur territoire comme une région primordiale.
Ils ont ainsi mis en œuvre une politique s’appuyant sur une stratégie « Canada First » et utilisant
régulièrement une rhétorique militaire. Cependant, les forces canadiennes dans le Grand Nord restent très
discrètes, la majeure partie des effectifs étant composés de rangers. Dans la région les moyens en navires
sont également très limités comparés aux dispositifs déployés par les russes et les américains.
Membre elle aussi de l’OTAN, la Norvège considère que les alliés dans le Grand Nord lui sont nécessaires
et en premier lieu l’Alliance Atlantique. Associée à l’objectif militaire national, la présence de l’OTAN
promeut stabilité et prévisibilité et la participation des forces alliées est grandement appréciée, notamment
au travers des exercices militaires en commun tels que « Cold Response ». Néanmoins, elle poursuit sa
coopération avec la Russie.
6 Ria Novosti, 8 avril 2014 ; http://fr.ria.ru/defense/20140408/200930462.html 7 Ria Novosti, 17 septembre 2014 ; http://fr.ria.ru/defense/20140917/202456324.html
10 Cependant, au-delà des questions de sécurité pures, l’Arctique concentre des enjeux indirects,
mais non moins stratégiques.
Les pays s’intéressant à l’Arctique sont chaque jour un peu plus nombreux, et souvent très éloignés
géographiquement. Des Etats comme la Chine se préoccupent désormais de l’avenir de la zone et, pour
cette dernière, l’Arctique appartient au patrimoine mondial. Elle estime donc avoir un droit de regard sur
son avenir et c’est dans cette optique qu’elle a demandé et obtenu un siège d’observateur au Conseil de
l’Arctique mais également qu’elle a ouvert une station scientifique au Spitzberg en 2004.
Compte tenu des avancées technologiques, de la consommation de masse et de l’augmentation de la
population mondiale, de nombreuses ressources considérées hier comme neutres présentent aujourd’hui
un caractère stratégique chaque jour plus prononcé. Le périmètre de ces ressources à enjeux renvoie vers
une grande diversité. A côté de champs pétrolifères, gaziers ou bien encore miniers avec en premier lieu
les terres rares et l’uranium. Lorsque l’ensemble de ces dimensions sont prises en compte, l’Arctique
présente plus que jamais un caractère stratégique et la revendication des plateaux continentaux laisse
apparaître une dimension jusque là méconnue, notamment du grand public, les ressources halieutiques
présentent désormais une réelle importance.
Pour ce qui concerne les ressources énergétiques, il s’agit en premier lieu des gisements de gaz et
d’hydrocarbures, pratiquement tous situés en zones côtières. Cette situation géographique a le mérite
d’éviter toute revendication territoriale quant à leur exploitation, d’autant que la région compte sur son
plateau continental le troisième plus important gisement de gaz au monde : celui de Stockman (le premier
étant celui du Qatar). L’Arctique est également la deuxième réserve de gaz liquide (plus de 51 000 milliards
de m3), notamment du fait de la richesse en gaz des bassins ouest sibériens (à hauteur de 10% des réserves
mondiales). Plus globalement, la zone contiendrait 5% des réserves prouvées d’hydrocarbures liquides et
celles de gaz sont estimées à près de 25% des réserves mondiales soit plus de 17 ans de consommation
mondiale.
Les réserves d’hydrocarbures sont quant à elles estimées à 13% des ressources mondiales, soit l’équivalent
de 84 milliards de barils. Elles sont localisées pour moitié en Alaska, dans le bassin amérasien et dans l’Est
du Groenland. Cependant, la région est l’illustration de la nouvelle distribution mondiale des réserves de
brut, à savoir des nappes situées en eaux profondes pour 80% d’entre elles. Les opérations de forage
semblent donc incertaines pour les années à venir car en cas d’accidents ou d’incidents de ces dernières
(fuite ; marée noire …), l’absence de moyens de prévention et/ou d’intervention comme d’un port à
proximité (à moins de 8 jours de mer au minimum) ne permettent pas de les effectuer en toute sécurité.
Or, toutes les organisations s’accordent à dire qu’une marée noire en Arctique serait une véritable
catastrophe difficile à maîtriser. Conscient de la menace que fait peser cette éventualité, l’exploitation des
ressources n’a pas été entamée. De ce fait, GAZPROM et Total ont suspendu il y a deux ans les
opérations de forage et les activités de recherche. Des permis ont néanmoins été délivrés à cet effet.
Par ailleurs, en vue de prévenir ce type d’incident et d’en gérer les éventuelles conséquences, les Etats ont
pris un certain nombre d’initiatives. L’accident de la plateforme DeepWater Horizon en 2010 dans le Golfe
du Mexique a très clairement mis en avant les risques de cette exploitation en eaux profondes. Le G20
s’est d’ailleurs saisi de cette problématique et a établi un groupe de travail sur ce sujet. C’est ainsi qu’au
travers de la Global Marine Environment Protection initiative 8, les gouvernements des vingt plus grandes
puissances mondiales tentent de trouver des solutions visant à prévenir de tels accidents.
Enfin, il existe d’importantes incertitudes quant à l’évolution des niveaux de prix du baril dans les années à
venir. Or, ces prix sont un facteur clé de la rentabilité de l’exploitation en eaux profondes, laquelle génère
des coûts extrêmement élevés. JP Morgan a en effet récemment anticipé une baisse en deçà des 90 USD
8 http://www.g20gmep.org 11 du prix du baril de pétrole d’ici 20209. Des niveaux de prix ne permettant pas une rentabilité suffisante des
gisements en eaux profondes. Le département de l’énergie des Etats Unis d’Amérique prévoit néanmoins
une hausse à 235 USD constants aux environs de 204010. Ces incertitudes additionnées à la concurrence
pouvant naître d’autres techniques (pétroles non conventionnels) font que, pour les 20 prochaines années,
la Russie et l’UE (dont la France) reconnaissent la difficulté à entreprendre des activités pétrolières en
Arctique.
Dans cette situation le Conseil de l’Arctique a, au niveau de ses Etats membres, recommandé des
décisions mais qui paraissent bien peu contraignantes. En particulier les dotations budgétaires sont
apparemment bien insuffisantes pour :
• viabiliser la côte ;
• réaliser une enquête dans le domaine des techniques de forage ;
• assurer leur sécurité permettant ainsi de définir des procédures communes et de mutualiser des
moyens nécessaires au sauvetage et à la récupération de naufragés en mer.
Enfin s’ajoute à ces questions « techniques » l’attitude de la Russie, du Canada, des Etats-Unis, de l’UE et
au sein de cette dernière, de la France sur la localisation de ces ressources. La Russie a notamment émis
une revendication sur le prolongement du plateau continental de la Sibérie (une zone particulièrement
riche de 1 million km² en hydrocarbures avec un droit exclusif d’exploitation) qui a été soumise fin 2013 à
la CLPC.
Quant aux ressources minérales (l’or, les rubis, les diamants, le nickel, le zinc, les terres rares, l’uranium)
elles se situent dans des zones privilégiées se trouvant à 95 % à l'intérieur de la zone territoriale des 200
milles marins de chacun des Etats concernés. Le Groenland pourrait ainsi devenir l’un des principaux
producteurs de terres rares, entraînant la fin du monopole actuel détenu par la Chine qui détiendrait en
effet 90% de la production de ces matières premières11. De plus, le moratoire portant sur l’exploitation de
l’uranium est désormais levé. Dans ces conditions l’île inuit, forte des troisièmes réserve mondiale
(estimées à 600 000 tonnes) risque bien de devenir l’objet de nombreuses convoitises. L’Union
européenne se devra donc d'apporter une attention toute particulière à l’évolution de ce territoire, certes
autonome, mais relevant toujours de la souveraineté danoise.
Les ressources halieutiques en Océan glacial arctique représentent également un enjeu important ; il s’agit
désormais d’une ressource stratégique à moyen terme car les stocks de poisson se raréfient, certains, au
Nord du Canada, sont d’ailleurs d’ores et déjà menacées, et migrent vers le Nord. La pêche en Arctique
devrait donc prendre de l’ampleur compte tenu des 4 millions de km² bientôt libres de glaces. Mais sa mise
en oeuvre dans des zones éloignées de moyens de secours ne pourra s’effectuer que lorsque les assurances
accepteront de la prendre en compte. Une étude des problèmes halieutiques en Océan glacial (surpêche;
pollution ; menaces ; taux de reproduction et piraterie) ainsi qu’une réglementation commune
(Organisations Régionales de Pêche, assurances ; moyens de secours…) a été demandée par Mr
l’Ambassadeur Michel Rocard, sans que des mesures n’aient pour le moment été prises.
Enfin, dernier enjeu indirect mais dont l’impact peut être considérable : les voies navigables (routes
maritimes polaires Nord-Est et Nord-Ouest). Il s’agirait de permettre leur utilisation dans les meilleures
conditions avec une ouverture pendant 7/8 mois qui réduirait de manière très sensible les trajets :
• Par la route maritime du Nord-Est sibérien, pour la Chine par exemple, 8080 milles par le NordEst au lieu de 10 520 milles par le canal de Suez ;
9 Financial Times, 22 août 2014, « Oil investors take gamble on future of supply »
10 http://www.eia.gov/forecasts/aeo/er/early_prices.cfm 11 source : "TERRES RARES - La fin des quotas chinois", Site Internet de Courrier international,
http://www.courrierinternational.com/article/2014/04/01/la-fin-des-quotas-chinois, 1er avril 2014
12 •
Par le canal du Nord-Ouest le gain se monte à plus de 7000 km entre les ports britanniques et
Tokyo. Cela permettrait donc de raccourcir les croisières entre l’Atlantique et le Pacifique en
évitant de passer par le canal du Panama.
Il semble néanmoins que la route maritime du Nord-Est Sibérien de 10 500 milles (de 15 000 km) serait
privilégiée du fait de la difficulté et des dangers à utiliser le canal du Nord-Ouest (trop de hauts fonds et
de resserrements). Le développement de ce dernier s’inscrit depuis le 21 février 2013 dans le projet de
« Stratégie de développement de la région arctique ». Pour autant, elle fait l’objet de discussions poussées
quant au régime de sa navigabilité. Alors que les Etats Unis invoquent la liberté des mers, le Canada estime
que ce passage relève de ses eaux intérieures et qu’à ce titre, aucun droit de passage inoffensif ne vaut.
Néanmoins, bien que la piraterie soit absente, une persistance de risques importants pour la sécurité des
navires et un écosystème fragile nécessiteraient la réalisation d’une nouvelle cartographie ainsi que la mise
en place d’une couverture côtière (phares, balises ports : lieux de secours ; de repêchage ; moyens
d’observations ; etc….). Ceci semble aujourd’hui difficile car aucun des riverains n’a les moyens de
réaliser cette viabilité infrastructurelle et, la suggestion de créer une compagnie financière mondiale
comme pour Suez a été rejetée par le Conseil… Quant à l’OMI, elle affiche sa volonté d’encadrer la
navigation par un code polaire prévu d’ici à 2016. Ce dernier pourrait nécessiter l’acquisition par les
nations riveraines de navires de classe arctique c’est-à-dire à coque renforcée, du fait de l’existence de
blocs de glace dérivants (La Suède : 6 navires à 40 millions de dollar chacun), de brise-glaces (la Russie : 6
dont 3 pour 1,3 Mds $) mais également d’investissements pour la construction d’infrastructures portuaires
(Russie, 35 Mds $ d’ici 2020) et le développement de moyens de secours et de localisation (stations de
sauvetage ; réhabilitation d’aérodromes…). Ces investissements ont également pour objectif de faciliter le
développement d’un tourisme arctique dans la zone. Cependant, son le développement d’un tourisme
arctique durable et écologique ne peut se réaliser sans un renforcement de la sécurité des navires de
croisière (politique de recherche et de sauvetage ; « search and rescue »).
En outre, le recours aux brise-glaces russes à propulsion nucléaire, dont le service est exigé sous forme
d’un droit de passage couteux par la Russie, pourrait dans certaines circonstances présenter un caractère
discriminatoire et contraire à la CNUDM.
Reste un dernier élément plus difficile à déterminer, celui de ne pas ignorer les conséquences du
réchauffement climatique dans l’environnement, en matière de stocks halieutiques, de la pollution, de
l’alimentation mais également celles de la montée des eaux et de son impact sur la politique étrangère.
---oOo---
13 III/. L’ARCTIQUE, UNE ZONE GEOPOLITIQUE D’UN GRAND INTERET POUR L’UNION
EUROPEENNE
A. L’Union européenne, un acteur légitime de l’Arctique bien que contesté
L’UE a démontré depuis plusieurs années une prise de conscience de l’enjeu de développer des politiques
dirigées vers l’Arctique. Les ressources et le carrefour international qu’il représente justifient cette
entreprise. Cependant, l’Union demeure un acteur contesté dans cette zone qui bien que, par les Etats qui
en sont membres, elle en soit sa façade septentrionale. A ce titre elle devrait être davantage considérée et
accueillie par les autres Etats riverains. A ce propos, dès 1967, Mickael Gorbatchev exprimait sa volonté
d’un Arctique ouvert et depuis, dans un contexte bien marqué par des tensions internationales, la
découverte de richesses minérales et halieutiques a redistribué les cartes et remis en cause cette vision. Les
Etats riverains développent en effet depuis plusieurs années une stratégie très protectionniste de leurs
intérêts et ne font preuve que d’une très faible ouverture sur les autres Etats intéressés par les
problématiques arctiques.
Des Etats comme le Canada sont ainsi passés maîtres dans l’emploi de cette stratégie, utilisant par exemple
le litige avec l’UE relatif au commerce des produits dérivés du phoque12 pour limiter le rôle de cette
dernière au Conseil de l’Arctique. Ce litige a ainsi été porté devant l’Organe de Règlement des Différends
(ORD) de l’Organisation mondiale du Commerce (OMC), dont la récente décision de l’organe d’appel a
conclu à la défaveur de l’Union que celle-ci « n'avait pas justifié son régime applicable aux produits dérivés
du phoque au regard de l'article XX du GATT de 199413 ». Il est donc possible que le règlement européen
évolue dans les prochains mois conformément aux déclarations de l’Union14, probablement à la marge car
cette même décision dispose que le régime de l'UE applicable aux produits dérivés du phoque était
« nécessaire à la protection de la moralité publique » au sens de l'article XX a) du GATT de 1994.
Si ce litige doit bien entendu trouver une issue favorable aux deux parties, il ne saurait cependant être une
raison de lui interdire toute prétention légitime dans la zone. De même, l’interdiction faite aux Etats
observateurs du Conseil de l’Arctique d’assister au prochain conseil économique de l’Arctique démontre
une fois encore le mépris de ses membres à l’égard des autres acteurs internationaux non riverains.
Les Russes quant à eux exigent que, quelles que soient les conditions, les navires empruntant la route du
Nord-Est soient escortés par un de leurs brise-glaces, et ce, pour des sommes extrêmement importantes.
Certes, la sécurité maritime dans ces zones hostiles peut tout à fait justifier de telles exigences. Ces
dernières, selon les conditions, peuvent malgré tout paraître disproportionnées et, la communauté
internationale devrait demeurer vigilante afin qu’aucune pratique ne vienne entraver la liberté des mers et
notamment le droit de passage inoffensif consacrées par la Convention des Nations Unies sur le Droit de
la mer.
Ces politiques ne sauraient servir les intérêts supérieurs de l’humanité ; bien au contraire, dans cette zone
stratégique si fragile, sa préservation en tant que patrimoine commun mais également comme fer de lance
de la lutte contre le changement climatique, devrait être une priorité internationale. En ce sens, les 28 pays
membres de l’UE doivent saisir la double opportunité que leur offriront le changement de présidence au
12 RÈGLEMENT (CE) No 1007/2009 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 16
septembre 2009 13 Rapport de l'Organe d'appel 22 mai 2014 14 À la réunion de l'Organe de Règlement des Différents du 10 juillet 2014, l'Union européenne a informé
l'ORD de son intention de mettre en œuvre les recommandations et décisions de l'ORD d'une manière
qui respecte ses obligations dans le cadre de l'OMC et qu'elle aurait besoin d'un délai raisonnable pour ce
faire. 14 Conseil de l'Arctique en 2015, en succession au Canada, et la tenue de la prochaine conférence sur le
changement climatique à Paris en décembre de la même année, pour élaborer une stratégie et des
propositions communes. Dans cette perspective, un rapport d’information du Sénat présenté le 10 juillet
2014 livre quelques pistes de réflexion sur les enjeux français et européens en Arctique.
Compte tenu des précédents développements sur cette zone de l’Arctique qui démontrent un grand
nombre de potentialités mais présentent également de nombreux obstacles, force est de constater qu’elle
ne peut demeurer à l’écart des radars de la politique européenne. Bien entendu, les documents de la
Commission et du Parlement européen sur ce sujet mettent en avant l'intérêt dont peuvent faire preuve
certaines des entités de l’Union, cependant, il n’existe une politique réelle et coordonnée de l’UE qui soit
opérationnelle à ce jour malgré les avancées notables de ces derniers mois. La première résolution du
parlement européen remonte à 2008 mais ce n’est qu’en mai dernier que le Conseil européen s’est saisi de
cette question en publiant des conclusions encourageantes et volontaires en faveur d’une politique
européenne cohérente en Arctique. Dès lors, quelles sont et quelles pourraient être les actions
européennes en Arctique ?
B. Dans ce contexte, quelles politiques européenne en Arctique?
L’Arctique a cette force et cette faiblesse d’être le révélateur naturel, au sens premier du terme, des défis de
l’humanité pour son avenir environnemental et économique. Tel que constaté par l’Union, la combinaison
d'un recul rapide de la banquise et les avancées technologiques ouvrent de nouvelles perspectives
économiques dans la région, notamment pour la production d'énergie, l'industrie minière, la pêche15 et la
navigation. Ainsi, y compris dans l’Arctique, l’Union s’est dotée d’une stratégie par bassin qui se résume en
trois mots : « connaissance, responsabilité et engagement ».
1. Une dimension septentrionale assumée
Le sommet d'Helsinki du 24 novembre 2006 avait renouvelé la dimension septentrionale de l'Arctique
définie en 1999. Outre les partenaires institutionnels, financiers et les États membres de l'UE associés à
cette politique, Bruxelles s'engage, en commun avec l'Islande, la Norvège et la Russie, à promouvoir dans
cette zone le dialogue, la coopération économique et le développement durable. Ces thèmes sont les trois
piliers de la politique européenne en Arctique.
Pour soutenir cette dernière, s’ajoute depuis 2002 une aide financière de 100 millions d'euros dont 84
millions d'euros octroyés au Fonds de soutien du partenariat pour l'environnement. Cet engagement
confirme le fait que l'UE est le principal fournisseur de crédits pour la recherche scientifique en Arctique.
Ce Fonds de soutien, dont l'UE est le principal investisseur, dispose de plus de 330 millions d'euros et sera
effectif jusqu'à novembre 2017 de manière à financer des projets de sûreté nucléaire liée à la pollution
maritime, en particulier dans la mise hors service de l'arsenal nucléaire russe en mer de Barents devenu
obsolète. De même, à travers cette plateforme, la contribution de Bruxelles à la politique de sauvegarde
environnementale en Arctique se concrétise dans la rénovation d'usines de traitement des eaux usées (en
partenariat avec la Banque européenne pour la reconstruction et le développement). Par ailleurs, la
Commission européenne subventionne à hauteur de 8,2 millions d'euros des travaux concernant le projet
d'alimentation en eau et d’épuration des eaux usées dans la région d'Archangelsk, sur les rives de la Mer
15 Communiqué de presse, Bruxelles, 3 juillet 2012, Connaissance, responsabilité, engagement: l'UE
esquisse sa politique pour la région arctique
15 blanche en Russie. Ceci traduit son implication dans la lutte contre la pollution d'origine humaine, dont les
conséquences peuvent impacter la Mer de Barents.
En matière de transport maritime, l'UE soutient fortement l'adoption d’un Code polaire obligatoire pour
les navires mouillant dans les eaux polaires. Galileo, son projet de système de navigation par satellite,
permettra d’influencer le tracé des voies navigables. Enfin, par le biais de l'Agence européenne pour la
sécurité maritime, Bruxelles promeut une démarche de prévention vis-à-vis de la navigation et des mesures
de réaction aux situations d'urgence.
Dans la même thématique, le nouveau programme 2014-2020 pour la Périphérie nordique et l'Arctique ,
auquel contribue le Fonds européen pour le développement régional (FEDER), aborde entre autres le
domaine de l'éco-tourisme. L'UE sera ainsi à même de participer au développement d'un tourisme arctique
durable et écologique. Bruxelles est déjà présente dans les discussions engagées par l'OMI et le Conseil de
l'Arctique visant à renforcer la sécurité des navires de croisière s'aventurant dans les régions de la façade
septentrionale où les politiques de recherche et de sauvetage (« search and rescue ») restent à mûrir16. Il en
résultera l'émergence d'un marché de niche qui ira de paire avec de nouvelles opportunités d'emploi.
Ce programme a été ratifié à la fin du mois d'avril dernier. Depuis, le texte est engagé dans le processus
d'approbation parlementaire par chacun des pays partenaires. Il sera ensuite soumis à la Commission
européenne, qui devrait disposer d'un délai de 6 mois pour le valider.
De façon générale, depuis 2008, plusieurs textes se sont succédés relatifs aux politiques de l’UE pour
l’Arctique mais, après une relative période de flottement, 2014 semble marquer de sa part, une reprise
d’intérêt et d’activité de sa part dans ce domaine. C’est ainsi que le 10 mars 2014, le Parlement européen a
adopté une résolution sur la stratégie européenne pour l'Arctique, fondée comme souvent sur un
compromis entre les groupes politiques. Comme le constate le sénateur André Gatollin dans son rapport
d’information17, cette résolution repose sur un terme clé: la conciliation. Le Parlement entend ainsi, au
moyen du développement durable, concilier les opportunités et intérêts économiques potentiels avec les
défis socioculturels, écologiques et environnementaux. La résolution se propose également de concilier les
intérêts de l'Union dans son ensemble avec ceux des populations locales, auxquelles elle désire donner un
rôle important dans les processus décisionnels. En outre, le Conseil européen a demandé dans ses
conclusions du 12 mai 2014 que soit développée d’ici décembre 2015 une politique de l’Arctique plus
poussée et cohérente. Or cette échéance coïncide avec le sommet sur le climat ce qui devrait être une
opportunité à saisir par l’UE.
2. Une implication européenne dans le spatial
Au-delà des contributions financières, la coopération dans le domaine spatial au travers du projet
Copernicus est aussi en mesure d’accroître la visibilité et l’impact de l’action européenne dans l’Arctique.
Son réseau de satellites ainsi que les capteurs terrestres, sous-marins et aériens découlant de ce projet
permettront d’intervenir dans les domaines océanique, météorologique et sécuritaire. Par ailleurs, son rôle
pourra être amplifié dans la surveillance de l’environnement arctique ; en distinguant précisément les
glaces précoces, propices à la navigation, des couches plus épaisses, la présence d'arêtes glaciaires, les
mouvements de plaques de glace et leur extension. Plus précisément, le Service de surveillance maritime
de Copernicus fournira des données, issues en particulier du satellite Sentinel-118, sous la forme de bandes
cartographiques dévoilant des surfaces de glaces polaires de 250 km de large, d'une précision de l'ordre de
5m sur 20m et dotée d’une transmission rapide aux structures d'analyse terrestres. Ce procédé, de par sa
16 Cf, chapitre précédent : Code polaire ; politique de recherche et de sauvetage
17 Rapport d'information n° 684 (2013-2014) de M. André GATTOLIN, fait au nom de la commission
des affaires européennes, déposé le 2 juillet 2014
18« Safer Shipping Through Sea Ice », accès libre, http://copernicus.eu.
16 fiabilité et sa résolution graphique, tranchera avec les méthodes classiques d'observation optique ou
passive par micro-ondes.
Ainsi, l'UE proposera des services relatifs à la sécurité des voies de navigation en Arctique, de manière
précise, fiable et continue ; l’objectif final étant, grâce à un plein accès ouvert à ces données, de permettre
à tous les acteurs industriels le désirant de réduire leurs coûts de transport. Par exemple, les brise-glaces
pourraient diminuer leur consommation de carburant de 50% et les dépenses liées au temps de transit
baisseraient à hauteur de 2.000€ par navire et par jour. Par corollaire, il en résulterait, une diminution du
coût de la vie pour les communautés nordiques, qui se verraient davantage désenclavées et, une réduction
des émissions de gaz à effet de serre comme de la pollution marine. Dans ces conditions, l'UE sera donc
dotée d'un outil performant lui permettant de contribuer à la politique internationale des transports
maritimes en Arctique et de peser sur les décisions du Conseil euro-arctique de Barents, auquel sont
membres la Commission européenne, le Danemark, la Finlande et la Suède.
Par ailleurs, grâce à Copernicus, Bruxelles pourra fournir des cartes détaillées de l’Arctique relatives à
l'évolution de l'épaisseur de la banquise et de la calotte glaciaire. Ces éléments lui confèreront in fine sur le
long terme, un rôle accru dans la compréhension du changement climatique, grâce à une capacité
opérationnelle de surveillance de cette région polaire. Les données de ce satellite contribueront ainsi à
orienter la prise de décision au niveau européen et, en particulier, au regard de la protection de
l'environnement. Cet outil d’observation propre à l’UE dont les bénéfices ne seront pas confinés aux seuls
citoyens européens mais également, avec un usage et une audience non négligeable, à la communauté
internationale pourra être une plus-value davantage locale pour les peuples nordiques au niveau de la
gestion des ressources aquatiques. Ce projet devrait être pleinement opérationnel en 2014 et, en retour, la
consolidation du volet scientifique de l’UE gagnera en prégnance et viendra conforter son soft power.
3. Un v aste p rog ramme eu ropéen de coopération scientifique
Ces dernières années, l'UE a soutenu le développement de deux programmes de recherche sur l'Arctique.
De 2005 à 2009, le programme DAMOCLES a réuni 45 laboratoires issus de 10 pays européens, des
États-Unis et de la Russie. Il s’agit d’un système d'observation qui a été développé et déployé, afin de
fournir pour la première fois une surveillance continue et à long terme de l'atmosphère, de la glace de mer
et de l'Océan Arctique. Il permettra d'évaluer et d'améliorer les modèles globaux et régionaux de prévision
du climat et ainsi de mieux prévoir les changements à venir en Arctique et leurs impacts sur le processus
de réchauffement climatique.
Puis succédant à DAMOCLES, le programme ACCESS (Arctic Climate Change, Economy and Society)
a été lancé le 1er mars 2011 par l'Union européenne pour quatre années. Il rassemble 27 laboratoires de 9
pays européens et de Russie. Son objectif est d'étudier les impacts socio-économiques des changements
dans l'Océan Arctique.
Ce projet, coordonné par un Français, Jean-Claude Gascard, Directeur de recherche au CNRS, s'organise
en cinq groupes de travail19 :
•
•
•
Monitoring et modélisation du changement climatique en Arctique issues de l’analyse l'océan, la
glace de mer et l'atmosphère ;
Analyse des conséquences de l’ouverture des voies maritimes sur la route au Nord de l'Europe et
de la Sibérie et à travers l'archipel canadien ainsi que les impacts des activités du transport
maritime sur les écosystèmes marins et la société ;
Evaluation des impacts du changement climatique sur les activités de pêche en Arctique,
l'aquaculture et les ressources vivantes principalement dans les secteurs sub-arctiques comme la
mer de Barents. Evaluation de l’impact du changement climatique sur l'extraction du gaz et du
19 Source : UPCM.fr
17 •
pétrole en Arctique qui peut être influencée et affectée par le changement climatique ;
Examen des multiples options en matière de gouvernance arctique à la lumière des évaluations
issues des 4 autres groupes d'ACCESS.
D’après un rapport récent, le coordinateur dénonce cependant la faiblesse de la publication des résultats
de DAMOCLES. Faute de cet effort de mémoire, ce sont actuellement les États-Unis qui tirent profit des
résultats de ce programme de recherche ce qui ne peut être que regrettable pour l’UE.
4. La voie d’un partenariat app rofondi ent re l’Union et le Groenland.
Le Groenland occupe une place singulière sur l’échiquier arctique. A la fois riverain, rattaché à un Etat de
l’Union européenne tout en bénéficiant d’une autonomie accrue, il est également le seul territoire danois
dans la liste des pays et territoires d'outre-mer (PTOM) associés à la Communauté européenne. Ce statut à
part est un atout qu’il convient de faire fructifier dans l’intérêt de l’Union et dans celui du Groenland.
Jusqu'au 31 décembre 2006, toute l'aide financière européenne au Groenland (42,8 millions d'euros par
an) était accordée dans le cadre de l'accord de pêche entre la Communauté européenne et le territoire.
En dehors de la pêche, l'aide financière de la Communauté au Groenland s'élève à 26,2 millions d'euros
par an pour la période 2014 à 2020 (soit un total de 183,9 millions d'euros sur sept ans). Cette somme est
notamment destinée à financer le «programme d'éducation au Groenland» qui prévoit une réforme
complète du secteur de l'enseignement et de la formation, établie dans le «document de programmation
concernant le développement durable au Groenland».
L’UE a pris conscience de l’importance de construire et consolider son partenariat avec le Groenland, et
notamment sur le plan industriel et énergétique. Les entreprises européennes ne représentant que 15% de
celles qui opèrent sur place, elles ne participaient que faiblement aux activités de prospection. Bruxelles et
Nuuk ont ainsi signé, le 13 juin 2012, un accord de coopération sur les matières premières qui permettra
au Groenland de disposer de capacités de prospection et d'exploitation renforcées de ces dernières et à
l'UE d'accroître sa présence dans la région. Le partenariat UE/Groenland, qui remonte à juillet 2006, se
verra ainsi consolidé au regard de l'enjeu crucial des ressources minérales et des terres rares.
Par ailleurs, la communication du 7 décembre 201120 présente les conditions d'un partenariat renouvelé
portant sur la période 2014-2020. Il s'agit d'instaurer un dialogue et une coopération sur des sujets
d'intérêt commun : changement climatique, environnement, transport maritime, recherche et innovation.
La position géostratégique du Groenland dans la région arctique, l'importance des questions de la
prospection et de l'exploitation des ressources naturelles (terres rares, or, pierres précieuses, zinc, fer...)
qui attisent certains appétits (chinois en particulier), et les faiblesses structurelles de son économie
justifient par ailleurs la création d'un nouveau partenariat. L'objectif sera notamment d'aider le Groenland
à diversifier durablement son économie, à améliorer la qualité de sa main d'œuvre et à développer ses
systèmes d'information.
En outre, la communication prévoit que dans le cadre du nouveau partenariat, la coopération avec le
Groenland soit alignée sur les priorités de la stratégie Europe 2020, ainsi que sur celles de la politique
arctique de l'UE. Cependant, le Groenland demeure assez largement absent des récents documents
proposés par les instances européennes. Il est également prévu que l’UE établisse « des partenariats
globaux av ec de nouv eaux acteu rs apparus su r la scène inte rnationale afin de p romouvoir un o rdre
mondial stable et inclusif, la reche rche de biens publics communs, la défense de ses intérêts
fondamentaux et une meilleu re connaissance de l'UE dans ces pays. Un partenariat UE-Groenland
20 Proposition de décision du Conseil sur les relations entre l'Union européenne, d'une part, et le
Groenland et le Royaume de Danemark, d'autre part", site du Parlement européen, COM(2011) 846 final,
www.europarl.europa.eu/, 7 décembre 2011.
18 dev rait p e rmett re le maintien de relations solides ent re les partenaires et de relev e r les défis qui se
posent à l'échelle de la p lanète, en p révoyant le dév elopp ement d'un p lan d'action volontariste et la
pou rsuite d'intérêts mutuels confo rmément aux objectifs de la politique de l'UE pou r la région
arctique et de la st ratégie Eu rop e 2020, renfo rçant ainsi la c rédibilité et la cohérence av ec cette
de rnière en liant la p romotion de politiques inte rnes, telles que la communication su r les matières
p remières, aux activ ités de coopération av ec le Groenland ».
Quant à la sécurité, la situation géographique du Groenland est également un atout pour l’Union. Relevant
toujours de la souveraineté danoise pour les questions de défense et de politique étrangère, l’OTAN ne s’y
est pas trompée en y installant une base qui constitue aujourd’hui un élément crucial des politiques de
défense de l’Alliance notamment en matière de surveillance radar. Il appartient donc à l’Union de prendre
en considération cet atout géographique et de le faire fructifier, d’autant que le Danemark a exprimé son
souhait à plusieurs reprises de recevoir du soutien dans ce domaine (à compter de 2015, son budget
consacré à la défense sera amputé à hauteur de 15%). Le Royaume plaide donc en faveur d’une présence
militaire accrue en matière de surveillance maritime et de protection du Groenland. Cette position semble
partagée par la Norvège21, laquelle souhaiterait un renforcement de la présence de l’OTAN en matière de
renseignement et de surveillance aérienne et maritime. En s’engageant en ce sens, l’Union européenne
pourrait exercer pleinement son influence sur ces territoires du Grand Nord.
---oOo---
21 Celle-ci vient notamment de procéder à l’acquisition de 5 frégates (patrouilleur brise-glace, défense
anti-aérienne et missiles antinavires), en attendant la livraison de ses NH-90 et de ses F-35. 19 CONCLUSION
A l’issue de cette étude, il apparaît assez clairement que l’Arctique, dont la sécurité à court terme ne
semble pas devoir être remise en question, est une zone d’avenir. Cependant, on ne peut écarter que des
tensions extérieures puissent y trouver un terrain d’expression favorable. C’est pour cette raison que la
vigilance doit demeurer de mise.
Plusieurs mesures pourraient être prises afin de préserver les intérêts de l’Union et de maintenir la paix
dans le Grand Nord. Ainsi, la réalisation et l’extension d’exercices internationaux dans cette zone doivent
constituer un objectif pour l’Union et pour ses Etats membres. Cette visibilité permettra de rassurer des
Etats riverains parfois inquiets de l’attitude de leur voisin, et notamment de la Russie dans un contexte où
les relations de celle-ci avec l’Union sont particulièrement tendues. Elle assurera également la crédibilité
capacitaire des Etats de l’Union européenne et par là même de l’Union européenne. Sur un autre plan,
l’augmentation des phénomènes de pêche illégale liée à la migration des stocks halieutiques vers le nord,
pourrait également être endiguée par de tels exercices permettant de bénéficier d’une meilleure couverture
de la zone, au bénéfice d’actions de type garde-côtes. A ce titre, il serait judicieux d’inclure une dimension
arctique dans la stratégie européenne de sécurité du 12 décembre 2003. Le chapitre relatif à la construction
de la sécurité dans notre voisinage serait parfaitement indiqué pour faire mention de l’Arctique comme
région d’intérêt sans forcément qu’elle soit identifiée comme une zone de préoccupation. Il est cependant
important de surveiller l’évolution de la situation sur zone et de la concentration des forces armées même
si comme le résument les Norvégiens, nous sommes en présence d’un « High N orth Low tension ».
L’OTAN demeure vigilante et l’Union européenne devrait en faire de même.
Sur le court terme, le principal défi en Arctique semble être celui d’allier un écosystème fragile avec des
conceptions différenciées d’exploitation des diverses ressources naturelles selon les nations d’où
pourraient émerger les principales sources de frictions dans la zone. La question du partage des ressources
présentes étant d’ores et déjà quasi intégralement réglée par la convention des Nations Unies sur le droit
de la mer. D’autres défis connexes demeurent également, sur le plan de la navigabilité par exemple, où
l’absence de cartographie marine et de balisage dans certaines zones font persister des risques importants
pour la sécurité des navires. Dans ce domaine, la politique volontariste de l’Union européenne dans le
spatial pourrait apporter une réponse adéquate tout en procurant davantage de visibilité à l’action de
l’Union dans la zone.
Dans ce contexte empli de défis pour demain, l’Union européenne a très clairement un rôle à jouer. Un
rôle légitime en tant que riverain de l’Océan Arctique, une zone où elle s’est par ailleurs beaucoup investie
en matière de recherche scientifique. C’est pourquoi il n’apparait pas légitime que l’Union ne dispose
toujours pas d’un siège d’observateur au Conseil de l’Arctique. Cette attribution semble conditionnée à
l’évolution de la position européenne sur l’interdiction du commerce des produits issus de la chasse au
phoque. Cependant, en dépit de la récente décision de l’organe d’appel de l’OMC, il n’est pas dit que les
évolutions règlementaires proposées par l’Union permettent de régler ce conflit avec le Canada.
Il est par ailleurs regrettable que la politique menée par la présidence canadienne du Conseil de l’Arctique,
emprunte d’un certain mépris des autres acteurs de l’Arctique au profit des seuls Etats riverains, n’aille pas
en faveur de l’intérêt général. L’Arctique devrait faire l’objet de la plus large concertation possible afin de
bénéficier d’une meilleure protection permettant une exploitation dans un souci de durabilité. Le
changement de présidence au Conseil permettra peut-être de faire évoluer cette stratégie de pré-carré en
faveur d’un dialogue beaucoup plus large. En effet, aussi symbolique que soit ce statut d’observateur,
l’absence de l’UE au Conseil de l’Arctique constitue un manque important pour le rayonnement de cette
enceinte.
Quant à la préservation environnementale de l’Arctique, elle devrait devenir une priorité au niveau
20 mondial. Son classement en « patrimoine économique et écologique mondial » pourrait permettre une
exploitation équilibrée garantissant le respect de règles strictes de la part des opérateurs dans la région.
Cette prise de conscience passe nécessairement par la promotion d’une globalisation de la problématique
arctique à laquelle l’UE devrait activement participer avec l’objectif de définir une position commune dans
le cadre de cop 21. Le fait que cette échéance coïncide avec le sommet sur le climat est une opportunité
qui devrait être saisie. Conscient de cet enjeu, le Conseil européen a demandé dans ses conclusions du 12
mai 2014 que soit développée une politique de l’Arctique plus poussée et cohérente d’ici décembre 2015.
Cette décision qui s’inscrit dans la lignée des multiples textes adoptés depuis 2012 visant à doter l’Union
d’une véritable stratégie en Arctique doit être saluée, tout comme les accords signés avec le Groenland en
faveur d’une plus grande coopération dans le domaine des terres rares mais également de la pêche. Sur ce
dernier point, le dialogue stratégique initié devrait être davantage renforcé, impliquant notamment la mise
en œuvre effective d’un accord de partenariat plus large avec le Groenland, tel que souhaité par le Conseil
dans sa décision susmentionnée.
La politique énergétique de l’UE, vecteur important de l’autonomie stratégique du continent, devrait
également prendre en considération les réserves dans le Grand Nord même si l’accord avec le Groenland
marque une importante avancée dans cette stratégie.
Sur le plan de la recherche, les importants efforts déployés par l’Union pourraient être amplifiés,
notamment dans le cadre du programme Horizon 2020, et davantage valorisés en terme de publications
scientifiques. Certains scientifiques semblent en effet regretter le manque de « mémoire » issue de ces
investissements que d’autres Etats savent mieux valoriser.
Enfin, la question de l’évolution des relations avec la Russie conditionnera dans une part non négligeable
l’avenir des projets dans l’Arctique. Qu’il s’agisse d’exploitation des gisements ou bien de coopérations
scientifiques, la récente crise et les sanctions prises à l’encontre de la Russie par la communauté
internationale risquent d’affecter profondément l’évolution d’une zone chaque jour davantage stratégique
pour le monde et pour l’Union européenne.
21 

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