Poil de Carotte La Bigote
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Poil de Carotte La Bigote
Classiques & Contemporains Collection animée par Jean-Paul Brighelli et Michel Dobransky JULES RENARD Poil de Carotte (comédie en un acte) suivi de La Bigote (comédie en deux actes) LIVRET DU PROFESSEUR établi par A NNE L ETEISSIER professeur de Lettres au collège 3 SOMMAIRE DOCUMENTATION COMPLÉMENTAIRE Antoine et le Théâtre-Libre DOCUMENTATION COMPLÉMENTAIRE Antoine et le Théâtre-Libre ............................................................................................ 3 La Conférence de Nevers ................................................................................................... 3 POUR COMPRENDRE : quelques réponses, quelques commentaires Poil de Carotte Séquence 2 L’exposition (2) ........................................................................................... 5 Séquence 5 Père et fils : des relations difficiles (1) .............................. 5 Séquence 5 Père et fils : des relations difficiles (2) ............................. 6 Séquence 5 Père et fils : des relations difficiles (3) ............................. 6 Séquence 7 Confident pour confident ................................................................ 6 La Bigote Séquence 2 L’intrigue ............................................................................................................ 7 La première représentation de Poil de Carotte eut lieu le 2 mars 1900, dans une mise en scène d’Antoine qui se réserva le rôle de M. Lepic. André Antoine, d’abord employé au Gaz, commence par appartenir à une société d’amateurs qui se retrouvent au « Cercle Gaulois ». Il envisage de monter des pièces inédites et propose d’abord Jacques Damour, pièce en un acte tirée d’une nouvelle de Zola et refusée au théâtre de l’Odéon. Mais Zola n’est pas très bien vu ; il fait peur et le « Cercle gaulois » accepte seulement de louer la salle pour un soir, les répétitions devant se faire ailleurs. La nouvelle troupe de théâtre qu’Antoine fait naître à cette occasion s’appelle le « Théâtre-Libre ». Pour la première représentation sont invitées de nombreuses personnalités choisies parmi les critiques et les gens de théâtre. La pièce connaît un bon succès. Une deuxième pièce sera montée quelques mois plus tard et permettra à la « Société du spectateur » de se constituer. Le Théâtre-Libre, c’est d’abord une société d’abonnés qui produit ses spectacles en privé, évitant ainsi la censure. Cette société a pour but de révéler les pièces refusées par les autres théâtres, ou les œuvres de jeunes auteurs inconnus. Une des particularités prônées par le Théâtre-Libre est la « reproduction de la réalité par les moyens mêmes de la réalité ». Ainsi, le rideau est considéré comme un « quatrième mur » qui, une fois levé, permet au spectateur, d’assister à « une tranche de vie ». Le travail du comédien doit être une étude directe de la nature. Antoine sera considéré comme un novateur, mais, malgré cela, quand la troupe joue La Fille Élisa d’Edmond de Goncourt à La Porte Saint-Martin, devant un vrai public, en janvier 1891, la censure interdit la pièce. Après une bref passage comme directeur de l’Odéon, Antoine devient directeur de la Comédie-Parisienne, où il s’efforce de « démocratiser » le théâtre : il s’arrange notamment pour baisser de moitié le prix du fauteuil d’orchestre. Il y reprend ses succès du Théâtre-Libre, mais découvre aussi de nouveaux auteurs, parmi lesquels Jules Renard dont il crée Poil de Carotte en 1900 qui sera un triomphe. C’est grâce à la mise en scène du Roi Lear qu’il entrera à l’Odéon où il restera sept ans de 1906 à 1914. La Conférence de Nevers Conception et réalisation : PAO Magnard, Barbara Tamadonpour Dans le texte intitulé La Conférence de Nevers, Jules Renard raconte comment la mise en scène et les répétitions de Poil de Carotte se sont déroulées sous l’égide d’Antoine. Il évoque notamment ses inquiétudes concernant les costumes de la 4 comédienne chargée du rôle d’Annette : « Une seul m’inquiétait. C’était Mlle Renée Maupin qui répétait le rôle d’Annette. Elle venait au théâtre dans des toilettes d’un chic tout à l’honneur du grand couturier Doucet. Ce n’est qu’à la fin qu’on répète dans le décor, en costume, avec les accessoires. Je me rappelais Granier qui, malgré mes supplications avait joué Plaisir de Rompre (un rôle de femme sans fortune) avec un peignoir de quinze cents francs sur le dos. Quand Maupin me demandait mon avis sur ses toilettes, sur sa façon de répéter le rôle d’Annette, je lui répondais : “Mademoiselle, je ne peux rien vous dire, il m’est impossible de deviner par quel miracle de costume une Parisienne comme vous se transformera soudain, le jour venu, en une pauvre servante morvandelle” ». Jules Renard évoque aussi le travail du metteur en scène et raconte comment un jeu de scène fut ainsi introduit par ses soins : « Antoine a beaucoup travaillé le rôle de M. Lepic, l’extérieur et les dessous du rôle. Nous causions de M. Lepic comme d’un tiers vivant. Je lui écrivais des notes sur les habitudes de M. Lepic, sa manière de marcher les mains derrière le dos, de fumer sa cigarette. Antoine fourrait mes notes dans sa poche et, à la répétition suivante, je m’apercevais qu’il les avait lues avec profit ». Voici comment il a trouvé le jeu de scène où M. Lepic ferme les volets : « Antoine y allait. Et c’est là qu’il avait fait cette trouvaille. Il allait lentement fermer les volets, mais, à mesure qu’il s’approchait, on sentait qu’il avait un petit peu peur, lui aussi, de se trouver nez à nez avec Mme Lepic cachée derrière les volets ; comme vous et moi aurions fait, il les ferma en leur tournant le dos, comme ça. Nous étions, quand il trouva ce jeu de scène, quelques amis intimes dans la salle. Ce fut un éclat de rire, et le même effet se reproduit toujours, multiplié, devant le public ». Toujours dans La Conférence de Nevers, Jules Renard évoque les particularités du roman et du théâtre. Il insiste sur le fait qu’une pièce de théâtre est, à peu près, le contraire d’un livre : « L’auteur est à l’aise dans le livre : au théâtre, il subit des lois presque inflexibles. Le lecteur fait crédit. Il a et il donne le temps. Il prend le livre, le pose, le reprend. Le spectateur est pressé. Il faut agir sur lui vite et fort, fort et même gros, et, sauf des cas très rares, il n’y a qu’une impression qui compte, c’est la première. Si elle rate, c’est perdu. Voyez-vous un spectateur revenant le lendemain pour voir s’il ne s’est pas trompé ? Il a bien autre chose à faire ». Enfin, parlant du roman, Renard précise : « Il y avait, éparpillé dans le livre de Poil de Carotte, presque tous les éléments d’une pièce en un acte. Il s’agissait de les extraire, de les réunir, de les ordonner, de les compléter ». 5 POUR COMPRENDRE : quelques réponses, quelques commentaires Poil de Carotte Séquence 2 [L’exposition (2), p. 160] 12 Tout au service de leurs maîtres, les domestiques, à la fin du siècle dernier, n’avaient pas vraiment d’existence privée. En particulier, la bonne à tout faire, telle Annette, consacrait sa journée entière à servir ses maîtres. Levée très tôt, vers cinq heures du matin, elle devait aller chercher du bois, tirer l’eau, mettre le feu en route puis préparer le premier repas. C’est elle aussi qui devait aider sa maîtresse à s’habiller, lui préparer ses vêtements, l’aider à se coiffer, à lacer son corset, passer sa robe, boutonner ses bottines. Elle ne s’occupait pas nécessairement de la cuisine ni des courses, surtout s’il y avait une cuisinière (dans la pièce, on nous dit que Mme Lepic est un « cordon bleu », donc elle se charge souvent elle même de cette activité). Mais elle avait à charge de ranger et de nettoyer la maison, de s’occuper du linge, de le laver, de le repasser, de le repriser, de le ranger. Fonctions qui prenaient beaucoup de temps. La journée d’une bonne à tout faire se terminait en général quand les maîtres allaient se coucher. Après avoir aidé la maîtresse à se déshabiller et à se préparer pour la nuit, elle pouvait à son tour se coucher dans la minuscule chambre qui lui était réservée, sous les combles de la maison (à la campagne) ou au dernier étage de l’immeuble à la ville). Les congés étaient très rares. Le dimanche, on l’autorisait parfois à se rendre à la messe. Le dévouement dont devait faire preuve la femme de chambre ou la bonne était tel qu’elle devait oublier sa propre existence individuelle et il n’était pas rare que la maîtresse lui impose un autre prénom sous prétexte que le sien ne convenait pas. Octave Mirbeau, dans Le Journal d’une femme de chambre, décrit très précisément de l’intérieur cette existence ingrate ; on la devine aussi à travers certaines pièces de Labiche (Une Fille bien gardée) ou de Feydeau. Séquence 5 [Père et fils : des relations difficiles (1), p. 164] 12 Les rythmes scolaires, à la fin du siècle dernier, étaient très différents de ceux que nous connaissons aujourd’hui. La plupart des enfants étaient internes, généralement au couvent pour les filles et au lycée pour les garçons. Les vacances scolaires étaient essentiellement les vacances d’été qui commençaient fin juillet et se terminaient en octobre. Cela permettait aux enfants de la campagne d’aider leurs parents 6 aux champs pendant les moissons et certaines vendanges. En cours d’année scolaire, il n’y avait quasiment pas de vacances, exceptés un ou deux jours à Noël et la même chose à Pâques. Les élèves étaient donc toute la semaine enfermés dans leur école, dimanche compris, sauf si un correspondant venait les chercher pour leur permettre de sortir. Les cours étaient suivis d’heures d’étude sous la surveillance de maîtres vigilants. Le dimanche après-midi était consacrés à la promenade en groupe. Parfois, les parents pouvaient rendre visite à leurs enfants au parloir ou les faire sortir quelques heures en leur compagnie. Séquence 5 [Père et fils : des relations difficiles (2), p. 165] 12 Le mot « fenil » vient du latin fenum qui a le même sens : le fenil est le grenier où l’on range le foin. On trouve dans la même famille : « fenaison », mais aussi « foin », « faneur », « faner ». Séquence 5 [Père et fils : des relations difficiles (3), p. 166] 13 Mots et expressions qui évoquent la peur (scène VII, l. 141 à 190) : « Je n’oserais pas » ; « elle me paralyse » ; « elle te terrifie donc » ; « elle me terrifie au point que, si j’ai le hoquet, elle n’a qu’à se montrer, c’est fini ». Séquence 7 [Confident pour confident, p. 168] 11 À la fin du siècle dernier, les jeunes enfants des familles bourgeoises n’étaient quasiment pas élevés à la maison. À leur naissance, ils étaient mis en nourrice, souvent à la campagne, et ils recevaient la visite de leurs parents le dimanche de certaines semaines. Labiche, dans sa pièce intitulée Maman Saboulot, évoque une famille bourgeoise citadine qui a laissé sa fille en nourrice pendant plusieurs années sans lui rendre visite, sous prétexte que le bon air lui ferait du bien. Flaubert, dans L’Éducation sentimentale, parle de l’enfant de Rosanette, placé lui aussi en nourrice à la campagne. Après la nourrice, les enfants restaient chez leurs parents, mais étaient souvent élevés par des bonnes jusqu’à l’âge de partir en pension. Les filles sortaient du couvent vers l’âge de 16 ou 17 ans, le plus souvent pour se marier ; les garçons, après leur baccalauréat, partaient étudier. Jules Renard a connu cette existence et la raconte clairement dans le roman Poil de Carotte. La Bigote Séquence 2 [L’intrigue, p. 171] 12 L’éducation des jeunes filles à la fin du siècle dernier restait souvent très rudimentaire. Enfermées dans un couvent ou dans un établissement secondaire jusqu’à leur mariage, elles apprenaient à tenir une maison, à diriger les domestiques et à éduquer les enfants. L’essentiel de leur éducation visait à leur donner une apparence de culture générale (il était de bon ton de connaître un peu de musique et de dessin, de savoir faire la cuisine et d’avoir des notions d’hygiène). Rares étaient celles qui passaient le brevet élémentaire. Les études secondaires et supérieures étaient presque uniquement réservées aux garçons. Ce n’est qu’à partir de 1905 que des cours privés commenceront à préparer les filles au baccalauréat. Le mariage était donc la grande affaire des jeunes filles de cette époque. On organisait, dans la bourgeoisie, des bals destinés uniquement aux jeunes filles et aux garçons à marier. On les appelait les « bals blancs ». Mais le mariage se faisait surtout par présentation ; des proches de la famille, arrangeaient des rencontres entre les jeunes gens (c’est le rôle que tient tante Bache dans la pièce). À la suite de ces rencontres, le jeune homme devait faire porter ses propositions aux parents qui, s’ils l’acceptaient, en faisaient le fiancé officiel. Il pouvait alors faire ses visites. Un dîner de fiançailles était fixé rapidement. Les fiançailles pouvaient durer jusqu’à deux mois. Les deux familles signaient alors un contrat qui réglait les conditions du mariage et le montant de la dot, puis les jeunes filles préparaient leur trousseau. Le mariage se faisait en deux fois : le mariage civil, puis le mariage religieux, suivi d’une fête qui pouvait se prolonger trois jours dans les campagnes. Après quoi les époux partaient en voyage de noces. 7 Aux termes du Code de la propriété intellectuelle, toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle de la présente publication, faite par quelque procédé que ce soit (reprographie, microfilmage, scannérisation, numérisation…) sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. L’autorisation d’effectuer des reproductions par reprographie doit être obtenue auprès du Centre Français d’exploitation du droit de Copie (CFC) – 20, rue des GrandsAugustins – 75006 PARIS – Tél. : 01 44 07 47 70 – Fax : 01 46 34 67 19. © Éditions Magnard, 2000 – Paris www.magnard.fr ISBN 2-210-04377-8 9:HSMCLA=UYX\\U: