mais l`enfant

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mais l`enfant
ENFANTS
Le sport, oui,
mais l’enfant
d’abord
Bénéfique, et même indispensable, pour le développement et l'épanouissement de
l'enfant, le sport, lorsqu'il est pratiqué trop intensivement, peut se révéler néfaste
pour l'équilibre physique et mental des plus jeunes. Un risque qu'une meilleure
information des parents permettrait, dans la plupart des cas, de réduire. Du sport,
d'accord, mais dans les limites supportables par un enfant.
S
ouffler et récupérer, Ludovic, 12 ans, n'en a
guère le loisir. C'est tout juste si son emploi du
temps "ludique" n'est pas plus chargé que son
planning scolaire : entraînement de basket deux soirs
par semaine, compétition le dimanche, football avec les
copains le mercredi, cours de tennis le samedi… Sans
oublier, bien sûr, les heures d'éducation physique et
sportive (EPS) dispensées au sein du collège.
Un sacré programme susceptible, parfois, d'avoir des
répercussions sur sa santé.. C'est bien là la question
majeure soulevée par un certain type de pratique sportive chez l'enfant : s'il est vrai qu'il vaut mieux pour lui
sauter, courir ou taper dans un ballon que rester vautré devant la télé ou scotché à sa PlayStation, gare
cependant aux cadences infernales. On parle d'entraînement intensif - et pas seulement en matière de haut
niveau - lorsqu'il excède 6h par semaine pour les
moins de 10 ans et 10h par semaine pour les plus
âgés. Avec, malheureusement, en l'absence d'encadrement médical rigoureux, d'inévitables et graves
traumatismes à la clé.
Sensibiliser les familles
Or les parents, le plus souvent, ont une méconnaissance totale des caractéristiques physiologiques propres à l'enfant et des conséquences inhérentes au surentraînement. Ils chargent au maximum le programme
de leur progéniture - l'inscrivant par exemple dans
deux disciplines - en négligeant de prendre en compte ce qu'ils considèrent sans doute comme une
"récréation" : l'EPS à l'école, le jogging ou la bicyclette en famille, les séances de ping-pong entre amis…
Résultat : des enfants à l'organisme trop sollicité et qui
accumulent blessures et pathologies d'ordre ostéo-
56 Zoom sur... La médecine du sport
ENFANTS
Le sport, oui, mais l’enfant d’abord
articulaire. On se trouve ici devant un réel problème de
santé publique qui échappe encore à la prévention.
Une prévention passant obligatoirement par une
meilleure information et une sensibilisation des
parents. Information sur les dangers de l'entraînement
intensif, évidemment, mais aussi, de façon plus générale, sur tous les aspects relevant de la pratique sportive chez l'enfant : à quel âge le faire débuter, quelle
discipline choisir et quels risques à craindre, comment
gérer certaines contraintes physiques et/ou psychologiques, quelle hygiène de vie adopter, comment le prémunir du dopage… Une information que le médecin
du sport - c'est d'ailleurs une de ses missions - est àmême de prodiguer.
Une initiation ludique
Quand le faire débuter, justement ? Bien avant 7 ans âge où une véritable pratique sportive devient possible
-, il est plus que souhaitable d'initier les enfants à des
activités physiques déclinées sur le mode ludique au
sein de structures spécialement conçues pour eux.
Ainsi le mini-tennis (5500 clubs en France disposent
de l'équipement approprié) imaginé par la FFT en
1994 : sur un terrain aménagé en fonction de leur
taille, des petits de 5-6 ans s'amusent avec du matériel
adapté - raquette légère, balles souples, plots en
mousse - et découvrent en douceur l'univers du sport.
Une découverte et une pratique aux avantages indéniables : prévention de l'obésité dont les études montrent qu'elle s'installe chez l'enfant entre 4 et 6 ans,
amélioration du développement cardiaque, respiratoire
et musculaire, acquisition, grâce à des exercices de
psychomotricité très classiques, de qualités d'adresse,
de coordination, de souplesse, de latéralité, d'agilité.
Autres bienfaits, enfin, de ce "minisystème" instauré aussi pour le basket, le judo, le karaté : une socialisation en dehors de l'école et
l'apprentissage, non seulement
du jeu, mais des règles d'un jeu
supervisé par un arbitre et où il y a
forcément des gagnants et des
perdants. Le seul bémol concerne la
baby-gym, mais uniquement lorsqu'elle s'accompagne, pour des
enfants entre 5 et 7 ans, d'une
Des écarts qui s'amenuisent
Essentiellement temporaires, les
contre-indications à la pratique sportive sont de plusieurs ordres : survenue de telle pathologie infectieuse une bronchite par exemple - qui fait
courir à l'enfant un risque de malaise
à l'effort, traitement médicamenteux
indispensable, mais synonyme de
contrôle positif pour le jeune sportif,
ou encore présence d'une lésion
ostéo-articulaire qu'une reprise trop
précoce de l'entraînement ne ferait
qu'aggraver.
Dans tous les cas, l'enfant n'est que
momentanément empêché. Seul
impératif : respecter les délais d'inaptitude.
inscription dans des centres de gym traditionnelle.
L'entraînement est alors intensif et la pré-compétition
précoce, avec tous les risques de complications ostéoarticulaires qu'une telle débauche d'efforts implique.
A lui de décider
Quel sport choisir et selon quels critères ? En fait, c'est
à l'enfant d'indiquer ses préférences. Il faut en discuter
avec lui, tenir compte de ses goûts, de ses aspirations.
Et surtout ne pas projeter sur lui les rêves qu'on avait
eus jadis, ceux qu'on a encore aujourd'hui. Il doit être
orienté, sauf contre-indications majeures, vers ce qu'il
a envie de faire. C'est inutile, voire stupide, de le contraindre : s'il n'est pas
motivé, il abandonnera au bout de
quelques semaines en s'étant exposé,
entre-temps, à un accident ou à une
blessure par défaut de concentration.
Et c'est parfois absurde de trop focaliser sur le gabarit. Il veut jouer au basket comme ses petits copains, mais
il lui manque de précieux centimètres ?
Sa taille, certes, est susceptible de le
défavoriser sur le parquet, mais,
psychologiquement, il se sentira des
ailes. Et tirera davantage de bénéfi-
Zoom sur... La médecine du sport 57
ENFANTS
Le sport, oui, mais l’enfant d’abord
ces à dribbler et shooter en bonne compagnie qu'à
s'essayer à des exercices plus conformes à ses aptitudes physiques, mais nettement moins festifs. De la
même manière, s'il paraît souvent judicieux de diriger
l'enfant vers telle ou telle discipline en fonction de son
caractère - les sports collectifs pour celui qui est timide ou introverti, les sports de combat pour le bagarreur -, c'est avec son accord qu'il faudra l'inscrire. La
motivation, toujours.
Corps épanoui ou corps meurtri
Voilà, ils ou elles ont choisi et s'en donnent à cœur joie,
qui au rugby ou à la course à pied, qui à l'escrime ou
à la natation. Certains vont s'en tenir, année après
année, à une activité régulière, mais sans excès, d'autres privilégier, poussés par l'entourage ou très déterminés, une pratique intensive, qu'elle soit de haut
niveau ou pas.
Des risques beaucoup plus sérieux, en revanche, pour
les pratiquants soumis à un entraînement intensif. Des
enfants et des pré-adolescents en pleine croissance et
dont l'organisme va être malmené à cause de trop de
sollicitations et d'efforts parfois exigés par des éducateurs qui n'ont pas forcément la formation adéquate.
Peuvent alors survenir des pathologies qu'on regroupe
sous le terme de "maladies de croissance" et qui touchent différentes localisations osseuses, en priorité le
pied, la cheville, le genou et la colonne vertébrale (voir
encadré). Détectées à temps et correctement soignées, ces affections sont relativement bénignes et ne
laissent aucune séquelle.
Surveillance et vigilance
D'où l'importance d'inciter l'enfant, dès qu'il ressent
une douleur, à en parler à son entraîneur et à ses
parents.
Dans le premier cas, aucun souci et rien que du profiLe médecin du sport pourra alors rechercher au plus
table : le sport-loisir contrivite la cause de la soufbue au développement
france et poser son diaharmonieux de l'enfant,
gnostic clinique, auquel
Le
sport-loisir
contribue
au
tant physique que psys'ajouteront éventuellechique, l'aide à avoir développement harmonieux de ment des examens radioconfiance en lui ou à se
logiques. Un médecin
l’enfant
maîtriser, lui apprend la vie
confronté par ailleurs à
de groupe et le respect
d'autres pathologies : les
d'autrui.
fractures de fatigue par exemple, ou encore toutes les
Seuls inconvénients à déplorer à l'occasion : des
technopathies liées, dans chacune des disciplines, à
hématomes, des contusions ou des plaies superficielun mauvais geste systématiquement répété ou à des
les, petits bobos consécutifs à des chutes ou des
exercices exagérément longs.
contacts involontairement rugueux. Juste les risques
du métier…
Enfance et pré-adolescence, l'âge est critique pour le
développement morphologique de l'individu. En cas de
pratique intensive du sport, il est indispensable de
redoubler de vigilance, en surveillant notamment la
taille et le poids du jeune athlète, donc sa courbe et sa
vitesse de croissance. Le but : détecter d'éventuels
troubles de cette croissance - ralentissement, retard -,
troubles aux origines diverses, mais le plus fréquemment dus à une carence en apports nutritionnels.
“
“
Le sport-loisir contribue au développement harmonieux de l’enfant
58 Zoom sur... La médecine du sport
De nombreux enfants se nourrissent mal, ou insuffisamment. Certains parce qu'ils sont difficiles et ne
mangent pas de tout, d'autres - notamment les gymnastes et les patineuses - à l'affût de la moindre surcharge pondérale ou graisseuse, les derniers enfin par
"négligence" familiale : les parents n'ont pas toujours
ENFANTS
Le sport, oui, mais l’enfant d’abord
cements obligés, résultats scolaires à assurer dans la
foulée - qu'ils en paient, psychologiquement, le prix
fort. Epuisement nerveux, stress permanent, peur de
ne pas y arriver, de décevoir… Et pas un seul moment
de libre pour s'octroyer une pause rien que pour soi.
Une pression telle qu'elle conduit parfois à des troubles du comportement.
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En cas de pratique intensive
du sport, il est indispensable
de redoubler de vigilance, en
surveillant notamment la
croissance
Maladie d’Osgood-Schlatter
intégré le fait que 10h de dépenses énergétiques par
semaine, ça réclamait une alimentation en conséquence…
Son bien-être avant tout
Enfance et pré-adolescence, l'âge est également critique pour le développement de la personnalité. Un
âge particulièrement vulnérable. Or ceux qui pratiquent de façon intensive sont soumis à de si rudes
contraintes - entraînements, compétitions avec dépla-
“
Encore les risques du métier ? La fatalité a bon dos. Si
l'on excepte le haut niveau et ses exigences, une prévention efficacement menée permettrait partout
ailleurs d'éviter bon nombre de complications : sensibilisation des parents, souci du bien-être de l'enfant,
formation plus pointue des éducateurs, surveillance
médicale adaptée. Car ce n'est pas le sport qui pose
problème, mais sa pratique excessive, mal gérée et mal
encadrée. Le sport, lui, ne peut que contribuer à l'épanouissement des plus jeunes.
Une croissance douloureuse
Parmi les maladies de croissance touchant enfants et adolescents à la pratique
sportive intensive, citons les 2 plus courantes :
- La maladie de Sever : elle se manifeste par une douleur au talon due à l'inflammation d'un noyau du calcanéum (l'os du talon) et atteint les enfants entre 9 et 11
ans en moyenne. Un excès d'entraînement sur sol dur en constitue fréquemment la
cause. Traitement : le port d'une talonnette en silicone et quelques jours d'arrêt en
cas de douleur. Avec recommandation expresse au petit sportif : supprimer les sauts
en tous genres qui auraient pour effet de marteler le noyau qui souffre.
- La maladie d'Osgood-Schlatter : elle se caractérise par une douleur de la tubérosité tibiale, juste au-dessous du genou, à l'endroit où la partie basse du tendon rotulien s'attache à l'os. Elle touche en priorité des jeunes entre 11 et 14 ans qui pratiquent des sports où l'impulsion et la course sont déterminants (football, tennis, basket, gym). Traitement : repos en cas de douleur, réduction et aménagement des activités physiques et sportives - avec suppression des multibonds et des exercices en
demi-flexion qui entraînent une traction trop importante sur le tendon. Le port d'une
attelle s'impose parfois lorsque la douleur persiste ou si l'enfant s'obstine à trop
bouger et sauter.
Zoom sur... La médecine du sport 59